GRECQUE ET LATINE,
ou
PAR MARIE-NICOLAS-SILVESTRE GUILLON,
PROFESSEUR DELOQUENCE SACREE DANS LA FACULTÉ DE TUEOLOCIE DE PARIS , PRÉDICATEUR ORDINAIRE DU ROI.
CONTENANT LES PÈRES APOSTOLIQUES ET LES APOLOGISTES.
TOME SECOND.
SUITE DES APOLOGISTES.
Jam dudum quidcm eriminibus bis omnibus , malediclionibus potius, ut vera dicainus , ab excellcntibus parte in bac viris et veritatem istani eommerilis nosse , satis plene accuratcque responsum estjneque apex ullus ullius prætcr-missus est quæstionis, qui non sit modis mille et rationibus validissimis refutatus.
Arxob. Advert, ״entes, lib. 111 , initio.
PARIS, MÉQUIGNON-HAVARD, LIBRAIRE, RUE DES SAINTS-PÈRES, N° IO.
M. DCCC. XXIV.
BIBLIOTHÈQUE CHOISIE
DES
PÈRES DE L’ÉGLISE GRECQUE ET LATINE, ou
SUITE DES APOLOGISTES GRECS.
XIII. ORIGENE, PRETRE DE L'EGLISE d’aLEXANDRIE , ET CONFESSEUR.
De l’an 189 à l’an 255 de Jésus-Christ.
Cet homme, si justement ce'lèbre , naquit à Alexandrie, l’an 185. Il eut pour père le martyr saint Léonide , décapité pour la foi en 202 , sous le règne de l’empereur Sévère. On ignore le nom de sa mère. Ses parens se chargèrent de lui donner eux-mêmes les premières leçons d’une éducation chrétienne. Origène répondoit à leurs soins par les plus heureuses dispositions, et les charmoit par sa piété au point qu’il arriva souvent, dit-on, à Léonide de s’approcher du lit de son jeune fils pendant qu’il dormoit ; et, lui découvrant la poitrine, il la baisoit avec respect, comme un sanctuaire où rési-doit l’esprit de Dieu (1). Origène n’avoit pas encore dix-sept ans , qu’il étonnoit déjà par !’étendue et la précision de ses connaissances; grand homme dès son enfance, dit saint Jérôme (2). Ce Père affirme qu’outre les saintes Ecritures dont son père lui avoit appris la lettre et l’esprit (3) , il savoit très-bien la philosophie tout entière. Elle embras-soit la dialectique, la géométrie, l’arithmétique ou mathématiques, la musique , la rhétorique , 1’his-toire de toutes les sectes de philosophes, même l’hébreu (4). Il falloitbien qu’il y eut dans ce jeune homme un savoir extraordinaire , puisque Démé-trius, évêque d’Alexandrie, lui confia à l’âge de dix-huit ans la direction de l’école de cette ville , dont l’érudition et l’éloquence de saint Clément avoientsi fortaccru la célébrité.Bientôt sa réputation éclipsa celle de tous ses prédécesseurs.Elle parvint à la cour. L’empereur Alexandre et Mammée sa mère voulurent le connoître. Porphyre, aussi fameux par ses calomnies contre le christianisme, qu’Origène par sa défense , témoigna une égale curiosité pour l’entendre durant son séjour en Palestine, où la persécution l’avoit forcé de chercher un asile. Les évêques de cette contrée, réunis en concile, et présidés par saint Alexandre, évêque de Jérusalem, l’obligèrent, quoiqu’il ne fût encore que laïque , d’instruire le peuple en leur présence et d’expliquer les Ecritures. Par-là, il se préparoit à instruire !'Eglise tout entière par les excellens ouvrages sortis de sa plume. Les païens s’alarmèrent de tant de mérite. Dénoncé aux magistrats, obligé de changer à tous momens de maison pour échapper à ses persécuteurs, saisi par une populace furieuse, traîné par les rues , il courut souvent le risque de la vie, et n’échappa que par la magnanimité de sa foi (1). La mort de Sévère ayant rendu quelque paix à !’Eglise, Origène fit un voyage à Rome, poussé par le désir de voir cette Eglise si ancienne ; et peu de temps après il revint à Alexandrie reprendre son e'cole. Sa renommée qui augmentait tous les jours, attirait sans cesse près de lui un prodigieux concours d’auditeurs de tout âge et de tout rang. C’étoient non-seulement les chrétiens , mais les Juifs et les païens, mais les philosophes eux-memes (1). La princesse Mammée ,mère d’Alexandre et tante d’Antonin Héliogabale , voulut être du nombre de ses disciples (2). Il enseignait toutes les sciences avec autant de succès que la théologie. On vit sortir de son école un grand nombre de doc-leurs et de prêtres, qui éclairèrent !,Eglise parleurs lumières, autant qu’ils !’honorèrent par leurs vertus; et plusieurs d’entre eux ont obtenu la couronne du martyre (3). A l’exercice de son enseignement, Origène joignoit l’étude continuelle des livres saints et ]a composition. Le nombre de ses ouvrages est si considérable, ont dit saint Jérôme et Vincent de Lérins, qu’il est devenu très-difficile, non-seulement de les lire tous, mais de les recueillir ( 1 ). Le plus célèbre comme le plus important, après ceux qu’il a publiés sur !’Écriture sainte, c’est le Traité contre Celse, apologie du christianisme, que Bossuet appelle le plus exact et le plus savant de tous ses ouvrages (2). Sous quelque aspect que l’on considère ce grand homme , partout il s’élève au premier rang, tant pour l’immensité de son savoir et la vigueur de sa dialectique , que par la force de son génie et la fécondité de son imagination. Mais c’est plus particulièrement encore dans celui-ci qu’il fait preuve de ces rares qualités (3). Eusèbe renvoyait à ce livre tous ceux qui, aimant la vérité, voudront connaître ce que c’est que le christianisme ; et affirme que non-seulement toutes les difficulte's propose'es avant ·lui contre sa vérité, mais que toutes celles qui pourraient s’élever dans la suite, s’y trouvaient à l’avance combattues et réfutées victorieusement (1).
(1) Eusèb. Hist. liv. vi, ch. 2. Huet, Origen. 1 vol. lib. 1, cap.1, pag. 2 et suiv. Halloix, Origen. DeJens. pag. 5 et seq.
(2) Magnus vir ab infantia. Hieron. Epist. xli, col. 566. tom. iv. ed. Benedict. Huet, Origen, vol. 1 pag. 4, ed. Paris, 1679.
(3) Voy. D. Cellier, tom. 11, pag. 458. Tillem. Man. tom. 111, pag. 4g8. Butler, Jries des saints, au 22 avril, art. de S. Léonide, tom. vu, pag. 458. Le P. Halloix, Origen. DeJens. pag. 18, 25.
(4) Hier. supr. Voy. la note de D. Cellier sur le passage de S. Jérôme, pag. 585. Huet, Origen, pag. 9, 10. Cave, Script, pag. 71, col. 1.
(1) « S. Épiphane raconte qu’un jour les païens d’Alexandrie s’étant »saisis de sa personne, le rasèrent comme ils font les prêtres de leurs »idoles , le mirent sur les degrés du temple de leur Sérapis, et lui corn» mandèrent de distribuer des branches de palmierà tous ceux qui mon» loient, pour rendre à cette idole leurs adorations sacrilèges. Une s’é-» tonna point, il n’hésita point ; et avec une voix ferme et un esprit »plein de courage, il prit les blanches, et dit tout haut : Venez, prenez »ces branches, non de la main de votre idole, mais de la main de Jésus-Christ. » Tillem. supr. pag. 506. Huet. Origen, pag. 6.
(1) Vine. Lirin. Common, pag. 545. edit. Baluz. Ensèb. Hist. liv. vi, chap. 15,qui a fourni les plus précieux matériauxàson histoire. La Rue, Huet, Origen, pag. 5, 7. Halloix, Origen, defens. pag. 12 etseq.
(2) Voy. Tillem. pag. 525. «Elle le fit venir à Antioche, où elle le »reçut avec honneur, et le retint quelque temps. S’il est vrai qu’elle ait »embrassé le christianisme comme on n’en peut guère douter,onlui fut »principalement redevable de la paix dont jouit !’Eglise sous le règne »d’Alexandre, son fils. Origène témoigne que les fidèles jouirent d’une »plus grande liberté sous Héliogabale. Ceci est généralement attribué »au crédit que Mammée avoit à la cour, et si Origène ne nous dit pas »qu’ily eut beaucoup de part, c’est par un motif d’humilité. »Butler, vupr. pag. 465.
(3) Tillem. pag. 50[. Euseb. lib. v!, cap. iv. Nicephor., Hist, eccles., lib. v, cap.1v. Baron. Martyrol. ad 28 jun. pag. 249, éd. *π-fol., Paris, 1615. Nempe innumeri ex sintt suo doctores, innumeri sacerdotes, confessores et martyres extiterunt. Vincent, supr. Voy. aussi Huet« 1er vol. de son édit. d’Origène, Origenîan. pag. 24·
(1) S. Jérôme : Quis nostrum tanta potest Legere,quanta ille conscrip-sit? Supr. tom. 1v, ed. Bened. col. 366. Vincent : Nemo mortalium plura; ut müii sua omnia non solum non perlegi, sedne inveniri quidem esse videantur. Common. Ibid.
(2) Voy. sa Défense de la trad, et des Pères, liv. xn, ch. xxvn et suiv. OEuv. posth., in-4°. tom. ni, Amsterd. 1 y53, et l’abbé de Gourcy, dpolog. pag. 243.
(3) Huet, Orig. liv. ni, pag. 267. Du Pin, Bibl. tom. 1, pag. 388. Butiez·, pag. 467. Bullus ,Def.fid. Nie. lib. 11, cap. 9, pag. 168. Toutes les communions chrétiennes ont parlé uniformément de ce grand homme. Quelques protestans célèbres l’élèvent si haut qu’ils ne lui voient point d’égal parmi les Grecs, ni parmi les Latins. C’est l’opinion entre autres de Buddée : Inter omnes ecclesiœ doctores quibus vel Grœcia vel Italia floruit, Origenes procul dubio tanta virtute enituit, ut ceteros om■ nés, sire ingenii sire industries laude cum eo coutendçre vslint, ceu sjjlendidissimum lumen tenuem umbram absumere videalur. Parerga historico-theologic. Magdeb. 1603, pag. 143.
(1) In quibus hbris causas omnes et argumenta complexus vir ille, omnia simul qucecumque super ea re a quoquam vel dicta sunt, vel di-cenlur posthac in antecessum dissolût. Euscb. adv. Ilierocl. pag. 453, 434.
Le philosophe Celse se vantoit de lui avoir porté le coup mortel, par son livre publié sous le titre de Discours véritable, dont nous avons rendu compte (2 ). En effet, l’ouvrage était composé avec beaucoup d’artifice. Son titre semblait justifié par un ton de franchise, et surtout par un caractère d’assurance propres à éloigner tous les doutes. Une érudition fastueuse appuyait de tout son poids une argumentation vive, serrée, qui avoit épuisé toutes lestes-sources du sophisme ; et l’apparente austérité du sujet s’y trouvait tempérée adroitement par une piquante ironie qui lui assurait des lecteurs dans toutes les classes de la société. Ce !!’étaient plus les fausses interprétations données par l’ignorance et par le fanatisme des peuples à une religion qui enveloppait ses mystères des ombres du secret. Nos premiers apologistes l’avoient tire'e du sanctuaire. C’étoient la philosophie et la raison armée s de nos propres aveux, s’avançant contre la religion nouvelle en connaissance de cause, procédant par une marche régulière, sapant dans ses bases l’édifice tout entier de la foi chrétienne , la mettant au creuset, l’attaquant dans son principe, dans ses dogmes, dans son histoire et ses institutions.
(2) Au 1er vol. de cet ouvrage, pag. 250.
L’Eglise commençoit à s’alarmer d’un si dangereux adversaire. Origène se chargea de la défendre.
Sa réputation portée aussi loin que l’empire romain , soixante ans de travaux et de triomphes (1), la confiance des fidèles , des évêques eux-mêmes qui avaient voulu l’entendre, lorsqu’il n’étoit encore que simple laïque, expliquer les saintes Ecri-Jures (2), les vœux de l’amitié (3); tout déférait à ce grand homme l’honneur d’en treprendre une si belle cause. Origène publia sa réponse (4) ; et il resta démontré à tous les siècles, que la vérité sortie vie-־ torieuse d’un combat en apparence aussi redoutable, n’avoit pas plus à craindre les sophistes que les bourreaux.
(1) Il le publia vers l’an 24g, dans la 64e année de sa vie.
(2) « Quoiqu’il fût encore jeune, n’ayant au plus que 33 ans, et n’étant » point encore prêtre, mais simple laïque, il fut pressé par les évêques *de la Palestine de prêcher en leur présence; ce qu'il fit avec un applau-»dissement général, mais excita contre lui les ressentimens de son évê-» que Démétrius. » Eusèb. dans Tillem. pag. 522. Duguet, Confer, ec-clés. torn. 1, pag. 200.
(3) Par considération pour Ambroise son bienfaiteur et son ami. Orig. conir. Cels. praf.
(4)' Le Traité contre Celse, publie d’abord en grec par David Hæs-chelius , puis en latin successivement par Christ. Persona, par Sigism. Gelenius et Guill. Spencer, a été traduit en français par Élie Bouhé-reau, ministre protestant, vol. in4°־, Amsterd. 1700. L’abbé de Gourcy dans l’un des avertissemens qu’il met en tète de ses Apologistes, ouvrage commandé par le clergé de France et non achevé, prononce peu favorablement sur cette traduction. « Elle ajoute, dit-il, pag. 24ÿ, » aux longueurs et aux redondances de l’original, les défauts d’une die-״ tion languissante, diffuse, embarrassée, peu correcte, etsurannéemème »en quelques endroits. » D. Cellier lui avoit reproché de s’être donné trop de liberté. Hist, des écriv. eccl. tom. 11, pag. 781. L’abbé de Gourcy regrette qu’il ne s’en soit pas donné davantage. Nous croyons qu’il le juge avec trop de sévérité. Bouhérean (ou Boireau comme portele titre <le la lettre qui lui fut adressée par Ant. Menjot), a rendu un service précieux à la mémoire d’Origène, comme aux lettres grecques et fran-raises, tant par ses notes que par sa traduction. L’abbé de Gourcy a beaucoup mieux fait sans doute. Auroit-il aussi bien réussi sans les secours que lui fournissait son prédécesseur? Nous avons profité de l’un, et de l’autre.
Le savant apologiste ne se contente pas de détruite les objections de son adversaire qu’il poursuit pied à pied, au risque même quelquefois de revenir sur ses pas, parce que Celse le ramène souvent aux mêmes objections ; il établit doctement la vérité de la religion chrétienne. Il la démontre par le raisonnement, parles faits , par les prophéties , par les miracles, par les mœurs de ses disciples; et ce vaste cercle est toujours parcouru avec une inébranlable fermeté.
L’ouvrage est divisé en huit livres. Le début est remarquable par le ton d’une franchise courageuse, que donne à l’auteur la supériorité de sa cause.
«Jésus-Christ, notre Sauveur et notre maître, (Origenes contr. Cels., Cantabrig., in-4°, 1678 præfat., pag. 1-4) accusé calomnieusement par de faux témoins , ne répondit pas ; il savoit bien que sa vie entière lui tenoit lieu d’apologie, et parlait plus haut que ses accusateurs. Et vous voulez, pieux Ambroise (1), que je réponde aux invectives que Celse s’est permises contre les chrétiens et contre la foi de leur église , comme si elles ne se réfutaient pas évi-demmentd’elles-mêmes ; comme si notre doctrine, plus éloquente que tous les écrits, ne confondait pas la calomnie , et ne lui ôtoitpas jusqu’à l’ombre de la vraisemblance. Nos saints évangélistes s’accordent sur cette conduite de Jésus à l’égard de ses ennemis. « Le prince des prêtres, dit saint Mat» thieu,et tout le conseil cherchaient un faux témoi-»gnage contre Jésus pour le faire mourir, et ils n’en » trouvaient point, quoique plusieurs faux témoins » se fussent présentés. Il en vint en dernier·, lieu »deux qui déposèrent que Jésus avoit dit : Je puis » détruire le temple de Dieu, et le rebâtir trois jours » après. Alors le prince des prêtres se levant, dit à Jésus: Vous ne répondez rien à ce que ces gens déposent contre vous .» (Matth.,xxn. 5g et suiv.) Jésus gardoit le silence. Accusé devantPilate par les princes des prêtres et par les anciens, il ne leur répondit pas un mot: « Ce qui jeta (Ibid., xxvii.14) le gouverneur dans un grand étonnement. » N’é-toit-ce pas en effet pour les yeux mêmes les moins clairvoyans, quelque chose de bien surprenant qu’un homme, à qui il éloit si facile de se justifier par le simple exposé de ses mœurs, de ses actions, de ses vertus plus qu’humaines, et par-là de se ménager le suffrage de son juge, n’en daignât rien faire, et ne témoignât contre ses accusateurs qu’un généreux mépris? Encore aujourd’hui que la perversité des hommes ne cesse de le charger de calomnies et d’outrages, Jésus-Christ n’en persiste pas moins-à se taire. Mais si sa bouche est muette, il se défend avec éclat par la vie de ses vrais disciples, et réfute puissamment tous les faux témoignages.
(1) Ami et compagnon d’études d’Otigène qui l’avoit converti à la foi catholique. Il la confessa généreusement dans la persécution de Maximin, et mérita d’être mis au nombre des saints. Consultez Nouv. de la rëpubl. des lettres, mars 1685, et Spencer, notes sur le 1er là'. d’Orig. pag. 1 et 2, à la suite du Traité contre Celse de l’édit, de Cambridge. Huet, Origen, pag. 10.
»La réponse que vous me demandez sera donc , je n’hésite pas a le dire, plutôt dans le cas de nuire à celle qui résulte de leur vie et de leurs actions, et d’affoiblir l’impression de cette divine toute-puissance qui se montre sensiblement à tout ce tpii a des yeux. Néanmoins , pour ne pas donner lieu de croire que je me refuse à vos désirs, je vous envoie ce que j’ai pu faire de mieux pour répondre à ces prétendues difficultés de Celse, que vous regardez comme si redoutables , bien qu’il n’y ait, dans tout ce qu’il avance, rien de capable d’ébranler la foi de personne. A Dieu ne plaise du moins qu’il s’en rencontre d’assez peu affermis dans la charité de Jésus-Christ pour se laisser ébran-1er par les discours d’un tel adversaire, ou de qui lui ressemble. L’apôtre saint Paul, parcourant les obstacles divers qui trop ordinairement séparent les autres hommes de la charité de Jésus-Christ, et dont l’ensemble même ne pouvoit rien sur son cœur, ne met point dans ce nombre les paroles ni les discours. Car remarquez bien la gradation qu’il établit; il commence par dire : Qui nous séparera (p.oni., v״!.) de la charité de Jésus-Christ? Sera-ce la tribulation.) la pauvreté j la persécution , la faim , la nudité, le danger, le glaive; selon quil est écrit : On nous égorge tous les jours pour Γamour de vous ; on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie? Mais parmi tous ces maux, nous demeurons plus que victorieux sur celui qui nous a aimés. Après quoi il suppose un autre ordre de circonstances où peuvent échouer ceux qui ne sont pas bien assurés dans la piété : Car, ajoute-t-il puis répondre que ni la vie , ni la mort, ni les anges, ni les principautés, ni le^puissances, ni les choses présentes, ni les futures, ni la violence, ni tout ce qu'il y a de plus haut ou de plus profond , ni toute autre créature ne pourront nous séparer jamais de Γamour de Dieu en Jésus-Christ !Notre Seigneur. (Ibid., 38,39)
Je conçois que nous puissions nous glorifier de ne pas nous laisser abattre par les tribulations et les autres épreuves de ce genre ; tandis qu’un saint Paul, tous les apôtres, et avec eux, ceux qui ap-prochentde leur sublime perfection, de'clarent que rien de tout cela ne pourroit les atteindre. Dans tous lesmaux, nousdemeuronsp/ô/sr/ue victorieuxpar celui qui nous a aimés ;ce qui est plus que s’il disoit sim-plement:2V01/ssowmesr£m<7wewrs.S’ilest toutsimple que des hommes tels que les apôtres se glorifient de n’être pas séparés de la charité de Jésus-Christ, ils auroient bien plus de droit encore de se glorifier de ne rencontrer, du côté ni de la mort, ni de la vie, ni des anges, ni des puissances, en un mot de quoi que ce soit, aucun obstacle assez fort pour les en détacher. D’après cela , quelle idée pourrois-je me faire d’un chrétien, dont la foi auroit à courir le risque d’être ébranlée par des paroles , quelque spécieuses qu’elles pussent être? Et de la part de qui?d’unhomme qui n’aplusriende commun avec nous, puis qu’il est mort il y a déjà long-temps. Je ne saurois même , je l’avoue , dans quelle classe mettre quiconque, pour préserver sa foi du naufrage, auroit besoin qu’on vînt lui tenir de longs discours , et lui composer des écrits en réponse aux mensonges que Celse débite contre les chrétiens.
» Mais après tout, comme il seroit possible que , dans le grand nombre de ceux qui font profession de croire, il y eut des personnes sur qui de pareilles productions fissent une impression dangereuse, et à qui par consequent il fût utile d’en avoir la réfutation pour dissiper dans leur esprit les nuages qui pour-roient y obscurcir la vérité ; j’ai fini par consentir à vous satisfaire , en vous adressant une réponse directe à l’écrit que vous m’avez envoyé. Son auteur l’intitule : Discours véritable ; mais je serois bien trompé, s’il passoitpour tel dans l’opinion de quiconque auroit tant soitpeu profité dans l’étude de la philosophie. Qu’il y ait dans celle des Grecs de spécieuses apparences, capables de séduire les sim-pies par un air de vérité dont le mensonge s’y trouve masqué , saint Paul nous en prévient quand il nous dit : Prenez bien garde de vous laisser surprendre par la philosophie, par un langage artificieux , selon des traditions humaines 3 selon les principes d’une science mondaine , et non selon Jésus-Christ. (C010ss.,8.״) Ce qu’il appelle principes d’une science mondaine , c’est une certaine pompe de sagesse dont on peut être facilement ébloui. Mais en vérité, personne tant soit peu raisonnable ne qualifiera de la sorte les raison-nemens de Celse ; pas plus que l’on n’est en droit d’appeler son langage un langage artificieux, comme il s’en rencontre dans les écrits de certains philosophes. »
De là Origène vient à la réfutation, suit cons-lamment son adversaire, s’attache à ses pas, répond à tout sans emportement comme sans foi-blesse. Et, parce que Celse, ainsi que nous l’avons observé déjà, n’est rien moins que méthodique , il se trouve obligé lui-même de revenir souvent sur ses pas ; défaut qui nous impose le devoir de l’abréger.
Entré en matière , il trace un beau plan de défense de la religion, qu’il puise dans les argumens même de son ennemi. Plan devenu commun , mais dont le premier exemple remonte à cet ouvrage. «La religion chrétienne prouve la vérité de ses principes par une espèce de démonstration qui lui estpropre; c’est-à-dire, par les effets sensibles de !’Esprit et de la puissance de Dieu, comme parle saint Paul dans » (1 Cor.. 1.24·) sa première épîlre aux Corinthiens (Dei virtutem ).
C’est là sa proposition générale. Il la divise : Les effets de V Esprit י ce sont les prophéties qui rendent témoignage à Jésus-Christ : les effets de la puissance כ ce sont les miracles opérés en preuve de sa doctrine. Un de ces miracles dont on avoit le témoignage sous les veux, est surtout la propa-galion du christianisme, malgré les arrêts du sénat romain, malgré les persécutions des empereurs aux diverses époques, et les fureurs opiniâtres des armées et des peuples, malgré les embûches des propres (Page5.) frères , c’est-à-dire des hérétiques , enfin malgré les obstacles de tout genre dont elle eut été infailliblement accablée, si elle n’avoit eu le bras de Dieu pour soutien contre tant d’ennemis. |
A ce vaste plan viennent se réunir d’elles-mêmes toutes les grandes questions qui s’agitent dans la controverse et dans la chaire. Aussi le Traité contre Celse met-il un trésor précieux dans les mains du théologien et du prédicateur.
Livre Ie‘. « Le premier chef d’accusation intenté par Celse contre les chrétiens, porte sur leurs assem-Liées qu’il taxe de clandestines, en contravention avec les lois. Son intention est de jeter l’odieux sur les réunions que nous appelons agapes. Il les pré-sente comme une ligue secrète formée par nous contre l’intérêt commun, et comme un engagement mutuel plus fort que tous les sermens. Je réponds : Un étranger relégué parmi les Scythes, sans avoir le moyen d’en sortir, obligé de vivre au milieu de gens asservis à des lois qui outragent la nature, passcroit-il pour criminel, pour rebelle aux lois du pays, de ne pas faire comme eux, et de se réunir, s’il en avoit l’occasion , à des hommes qui penseroient comme lui ? Non , sans doute. La coin-paraison est exacte. Avec des loisaussicontraires à la vérité, qui consacrent un culte idolâtre et des su-perstitions sacrilèges, par-là plus barbares qu’au-cime de celles des Scythes ; y a-t-il un si grand mal à tenir, pour le culte de la vérité, des assemblées qui contredisent la législation? Que l’on conspire en secret contre un tyran oppresseur de la liberté publique, il n’y auroit eiiccla rien que de légitime(1). Les chrétiens, opprimés par la tyrannie du démon et du mensonge,ne sontpas plus blâmables de former entre eux une confédération , dont le but est d’en triompher, et de travailler, par les seuls moyens de la persuasion, à affranchir ceux qui en sont les esclaves , d’un joug plus insupportable que celui des tyrans et des Scythes. »
(1) Tertullien , parlant au nom de toute !’Église chrétienne, étoit bien loin d’admettre cette concession et d’en légitimer les consgjuen-ces. Il prenoit !’Empire tout entier à témoin, que ״ non-seulement il »ne s’étoit rencontré parmi eux ni de Niger, ni d’Albin, ni de Cassien ; »mais pas même de Nigriens, ni de Cassiens, ni d’Albiniens. » Apolo-get. n° 55, pag. 52, edit. Rig. Pas plus de ligue secrète que de révolte déclarée. L’Évangile ne permet pas plus l’une que l’autre. On en peut voir la preuve éloquemment développée dans le v' Avertissent. de Bossuet aux Protest., tom. 1v de l’édit. in4°־, Paris, 1y45, pag. 258et suiv. Dans sa Polit, sacrée, liv. 1, art. vi, pag. 52 1, et VHist. des Panat. Jiv. x n° 50, pag. 405 et suiv.
Celse prétend que « la morale des chrétiens » n’avoit point enchéri sur celle des philosophes ; I qu’elle n’avoit rien de nouveau , rien qui la dis» tinguât. » Mais s’il n’y avoit au fond du cœur de tous les hommes des principes communs sur la règle des mœurs, ceux qui admettent la justice de Dieu n’auroient pas raison de justifier la sévérité de ses jugemens à l'égard de ceux qui s’en écartent. Il ne faut donc pas s’étonner que le même Dieu qui a bien voulu nous instruire plus particulièrement par la voix de ses prophètes et de Jésus-Christ notre Sauveur, ait imprimé dans lous les hommes des principes généraux de conduite -, celle loi nalu-relie j dont parle saint Paul, gravée au fond de tous les cœurs ; en sorte que pas un seul ne put avoir (Rom.,n.15.) d’excuse légitime en faveur de ses prévarications , au jour du jugement. Vérité que !’Ecriture nous indique par ce récit, traité par les Grecs de fabuleux : que Dieu, ayant donné à Moïse ses co mm an-demons écrits de son doigt sur des tables de pierre , elles furent brisées par suite de la transgression des Juifs , quand ils adorèrent le veau d’or : ce qui veut dire qu elles furent cmporlées par l’inonda-lion du vice ; mais que Dieu, les ayant une seconde fois écrits sur d’autres tables , les redonna à Moïse , pour signifier que ce qui avait été effacé du cœur des hommes par leur première corruption, s’y trouve retracé par la prédication des prophètes.
Je ne vois pas ce qui a pu porter Celse à dire : (Page 6.) « Que toute la puissance que les chrétiens parois-« sent exercer leur vient du nom et de l’invocation » de certains démons , » désignant probablement ceux qui, parmi nous, chassent les démons. Ce qui est une calomnie contre le christianisme. Car le pouvoir qu’ont les chrétiens , ils ne le doivent nul-lementàces sortes d’invocations : mais au seul nom de Jésus qu’ils accompagnent du souvenir de ses miracles.
Quant an secret dontils nous accusent, (Page 7.) l’accusation n’est pas plus vraie. Car la prédication des apô-très a faitconnoîlrenotre doctrine partout l’univers, plus qu’aucun des systèmes des philosophes. A qui faut-il apprendre ce que nous disons : que Jésus est né d’une vierge, qu’il est mort sur une croix, qu’il est ressuscité, qu’il y aura un dernier jugement où les mcchans seront punis et les bonsrécom-pensés ? Notre dogme de la future résurrection des morts n’est pas moins connu. Tout le monde en parle, même ceux qui n’y croient pas. Il est donc absurde après cela de traiter nos mystères de doctrine secrète. Que sur certains points nous ne la communiquions pas indifféremment à tous; ce n’esl pas là quelque chose de particulier aux chrétiens. Toutes ,les écoles de philosophie en font autant. Elles ont toutes leur doctrine publique, extérieure: une autre occulte, réservée auxinitiés.Par exemple, chez les pythagoriciens , les uns s’en tenaient à leur mot : Le maître Γα dit י sans pénétrer plus avant: les autres n’apprenoient qu’en secret ce qu’on ne vou-loitpas confier à des oreilles profanes et non encore purifiées. Les reproches faits aux mystères qui ont lieu chez les peuples barbares ou grecs , n’ont jamais porté sur le secret de leurs initiations. Pourquoi les chrétiens seroient-ils seuls exceptés ?
(Pag. 8.) « If y e״ a י dit Celse, parmi les chrétiens, qui ne » voulant ni écouter vos raisons , ni vous en donner מ de ce qu’ils croient, n’ont à vous dire autre chose־ « sinon : N’examinez point, croyez seulement, ou bien : » Votre foivous sauvera; tenantpour maxime : Que la »sagesse du monde est un mal, et la folie un bien. » Je conviendrai avec lui que, s’il étoit possible que tous les hommes renonçassent aux soins de la vie pour s’adonner uniquement à la recherche de la philo-sophie , ce seroit bien là le meilleur moyen poui־ arriver à la connoissancc de la vérité chrétienne. Car je puis bien dire , sans nulle présomption, que notre christianisme n’offre pas à la raison et à l’esprit une carrière moins vaste , soit dans la dis-cussion de ses dogmes , soit dans l’application de ses prophéties aux événcmens, soit dans l’inter-prélalion de nos paraboles , et des figures sous les-quelles l'avenir étoit déguisé. Mais puisque la chose n’est pas possible, vu que les nécessités de la vie, la foible portée des intelligences communes ne per-mettent cette étude qu’à un fort petit nombre de per-sonnes; quel moyen plus abrégé et plus sûrpouvoit-il y avoir que celui que Jésus-Christ lui-même a mis dans les mains de tous les peuples ? Nous en avons la preuve sous les yeux dans cette foule de chré-tiens qui, avant de l’être, vivoient enfoncés pro-fondement dans la fange des plus honteuses pas-sions. Demandcz-leur lequel leur étoit plus avan-tageux, ou de se corriger, en croyant, sans plus d’examen , à la vérité des peines comme des récom-penses à venir; ou bien, en dédaignant ce moyen si simple, d’attendre pour changer de vie qu’ils eus-sent mûrement étudié la matière? Il est incontesta-blc qu’avec cette méthode d’un examen approfondi, tous , à très-peu d’exceplions près , ne scroient pas arrivés au but où les a conduits leur foi toute simple et toute nue ; que la plus grande partie seroit restée dans son ancienne corruption. Aussi parmi tous les témoignages que l’on peut alléguer en faveur de la divinité du christianisme, celui qui résulte d’un moyen aussi salutaire au monde , n’est pas l’un des moins frappans. Qu’un médecin guérisse une grande quantité de malades; il n’est pas d’homme religieux qui ne se persuade que c’est une provi-dcnce bienfaisante qui l’a envoyé au secours des villes et des peuples. Si l’on auroit raison de le dire par rapport à des maladies purement corporelles: à plus forte raison, faudra-t-il rapporter à Dieu même la guérison de tant de maladies spirituelles par le seul médecin capable de les purifier, de les renouveler, en leur apprenant à dépendre unique-ment du souverain maître du monde, à éviter tout ce qui peut lui déplaire, jusque dans les moindres de leurs actions, de leurs paroles onde leurs péchés.
Pour cette foi aveugle que nos adversaires se plaisent tant à décrier, nous conviendrons, d’a-près l’expérience des avantages qui en résultent pour le plus grand nombre, que nous la denian-dons explicitement à ceux surtout qui sont hors d’etat de s’appliquer à la recherche de la vérité. Mais sommes-nous les seuls qui la prescrivions? Nos adversaires, si hardis à prononcer contre nous, ne font eux-mêmes que ce que nous faisons. Lors-que quelqu’un embrasse l’étude de la philosophie ־. et qu’entre les sectes diverses de philosophes, le hasard ou la réputation de tel maître l’attache à cette école plutôt qu’à telle autre ; quel est le mo-tif qui l’a déterminé , sinon l’opinion, sans autre examen , que celle-là est la meilleure ? Ce n’est pas après s’être donné la patience d’écouter à loisir tous les raisonnemens des uns et des autres, leurs preuves et leurs objections, leurs réfutations et leurs réponses , qu’il se fait platonicien ou péri-patéticien, disciple de Zenon ou d’Epicure , ou de telle autre secte qu’il vous plaira. C’est, quand on ne voudroit pas l’avouer, c’est un mouvement aveugle, nullement raisonné , qui lui a fait choisir par exemple, le portique plutôt que le pirée ou l’académie , l’école, de Celse ou d’Epicure , comme plus favorable à l’idée qu’il n’y auroit pas de Providcnce.
Accordons que c’est la raison même qui a fait les disciples des écoles diverses qu’ont eues les Grecs etles Barbares : combien ne sera-t-il pas plus juste encore d’avoir la même déférence pour le grand Dieu, souverain arbitre de !’univers־, pour celui qui nous enseigne qu’à lui seul appartiennent les adorations ? parce qu’auprès de lui, rien de ce qu’, ou n’existe plus, ou qui, s’il exista jamais, doit être compte' pour si peu de chose, n’a droit à un culte, à des autels, tout au plus à de l’estime et à des égards. Ce qui n’empêche nullement que ceux qui ne se contentent pas de croire , mais qui veulent aussi faire usage de leur raison, n’établissent solidement leur croyance, par les preuves convaincantes qui se présentent d’elles-mêmes à leur esprit, ou que leur fournit une étude plus approfondie. Et puisque toutes les affaires humaines sont subordonnées à une nécessité de croire; à qui est-il plus raison-nable de croire, si ce n’est à Dieu ? En effet pas une entreprise en fait de commerce , ou d’établis-sement, ou de culture, qui ne repose sur un mo-tif de foi et d’espérance, qui balance dans la pensée l’incertitude de l’avenir. Mais celui qui court les mers , qui se marie, qui sème, qui entreprend une affaire quelle qu’elle soit, a-t-il jamais une confiance aussi fondée que celui qui la met dans le Dieu créa-teur de toutes choses , dans un Dieu d’une nature si excellente , si fort relevée au-dessus de toutes nos conceptions humaines, qui est venu découvrir au genre humain tout entier cette importante vé-rite , en daignant souffrir pour le salut des hommes une mort cruelle et ignominieuse au jugement des hommes , donnant aux prédicateurs de son Evan-gile son propre exemple pour règle et pour mesure du dévouement avec lequel ils doivent s’em-ployer au salut des hommes?
Celse nous impute de dire que « la sagesse est (page8.) un mal, et la folie un bien. « Il tronque artificieu-sement le passage de ΓApôtre, où il est dit : Si quel-qu’un (rentre vous pense être sage selon le monde, qu’il devienne fou pour devenir sage ; car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. La sagesse dont il (!Cor., ״!.) est ici parle' n’est pas la sagesse en ge'ne'ral, mais celle de ce monde ; ce que !’Ecriture nomme sagesse dece siècle. Ce qu’elle re'prouvc n’est qu’une vainc et fausse philosophie. La folie qu’elle recommande n’est point en soi une folie, mais elle paroît l’être aux yeux du monde ; comme qui diroit que les plato-uiciens qui croient l’immortalité des âmes sont des fous au jugement des stoïciens qui se moquent de ce qu’ils appellent leur crédulité , et des épieu-riens qui taxent de superstition tout ce qui sup-pose la providence et l’empire de Dieu sur le monde. Ajoutons qu’il est beaucoup plus con-forme à l’esprit du christianisme d’appuyer sa per-suasion sur les fondemens de la sagesse et de la raison, que sur ceux d’une simple foi. Et si la sa-gesse éternelle a bien voulu se contenter de celle-ci ; c’est qu’elle n’a voulu exclure personne du sa-lut. Paul, le fidèle interprète de Jésus-Christ, le déclare positivement: Parce que, dit-il, le monde n a pas connu Dieu par la sagesse divine, il a plu à Dieu de sauver les croyans par la folie de la prédication. Piemarqucz qu’il ne dit pas simplement, par la folie, mais Par la folie de la prédication. C’est ce qu’il exprime par cette solennelle proies-sion : Nous prêchons Jésus-Christ crucifié, qui est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Grecs, mais qui est la force et la sagesse de Dieu., à ceux qui (! Cor., 1.25.) sont appelés, soit Juifs . soit gentils.
(Pag. 12.) A l’appui de l’opinion où il est, que toutes les nations du monde s’accordent entre elles sur certains principes communs: Celse fait une longue énumération des différens peuples, passantles Juifs sous silence. Quels sont ses motifs? je l’ignore. Mais je lui demanderai pourquoi, si cre'dule sur ce que les autres peuples, grecs, ou barbares nous racon-lent de leurs antiquités, il rejette comme autant de fables les récits de celte seule nation. Si tous ]es autres écrivains sont vrais , pourquoi les seuls historiens juifs seroient-ils suspects? Si Moïse et les prophètes n’ont écrit que pour flatter leur nation, les autres historiens ne pourroient-ils pas bien en avoir fait autant? Quoi! les Egyptiens méritent qu’on les croie,quand ils disent du mal des Juifs; et les Juifs ne mériteroienl aucune croyance, quand ils assurent que les Égyptiens en les persécutant injustement ont attiré sur eux-inèmes les vengeances divines
Quelle prévention n’esl־ce donc pas de la part de Celse d’admettre le témoignage des uns comme infaillible, et de récuser absolument les autres ? A son gré, tout ce qu’il y eut de peuples dans l’univers furent des modèles de sagesse ; les Juifs seuls ne valent pas la peine qu’on en parle!
(Page!5.) Ici Origene accable Celse en mettant tout à la fois à découvert et son ignorance et sa mauvaise foi. Il lui fait voir avec quels éloges ont parlé des Juifs quantité d’écrivains fameux, entre autres Numé-nius dans son livre du bien, Hécatée dans ses his-toires, Ilermippe dans son premier livre des lé-gislateurs. Crise ne paroît pas plus reconnoitre l’antiquité des Juifs que leur sagesse ; tandis que les écrits des Égyptiens, des Phéniciens , des Grecs, sont pleins de témoignages à ce sujet, que l’on peut consulter soit dans les deux livres des Antiquités judaïques de Josèphe , soit dans le sa-vaut ouvrage de Tatien le jeune contre les Grecs. Ce n’est donc point la vérité, mais la haine qui a dirigé la plume de.Celse. Son but n’est autre, en calomniant les Juifs, que de décrier le berceau du christianisme.
Dans la liste qu’il donne des anciens sages qui, par leurs écrits, ont bien mérité de leurs contem-porains et de la postérité , il meta la léfe Linus, de qui nous n’avons ni livres, ni code1 de lois utiles à la direction des mœurs ; et n’accorde aucune mention à Moïse, dont un peuple entier répandu sur toute la terre a fait connoître les lois. Quelle révoltante partialité d’exclure un pareil législateur, pour ne parler que de Lînus , de Musée, d'Or-pliée, de Phérécyde, du Persan Zoroaslre, de Py-thagore, dont on nous vante la sagesse, comme autant d’oracles encore aujourd’hui révérés en fait de croyances religieuses ; en même temps que Ton a grand soin de passer sous silence les mensonges qu’ils nous débitent sur le compte de ces divinités à qui l’on prête toutes les passions humaines !
Pourtant le voilà qui vient à l’histoire de Moïse. Mais c’est pour faire le procès à ceux qui en don-nent des explications allégoriques. Mais ce judi-cienx critique, ce grand homme, qui intitule son écrit Discours véritable, ne seroit-on pas fondé à lui dire : Vous qui découvrez de si beaux mystères dans les étranges aventures que vos sages poêles, que vos graves philosophes nous racontent de ces prétendus dieux, incestueux, parricides, bourreaux ou victimes ; mais d’où vient que vous déplorez l’aveuglement de ceux qui ontreçu les lois de Moïse, qui ne nous apprend rien de pareil de Dieu ni des saints anges ; et n’a même jamais eu à mettre sur le compte d’aucun homme, quelque coupable qu’il pût être, rien d’égal à ces fameux exploits dont vous corn-posez l’histoire d’un Saturne ou d’un Jupiter, père des dieux et des hommes?
(Ta״e14·) Proposons ce défi à nos adversaires : Qu’ils corn-parent livre à livre , cl’un côté les productions ramassées d’un Linus, d’un Musée, d’un Orphée, d’un Phérécyde ; de l’autre Moïse seul. Qu’ils éta-blisscntun parallèle de leurs histoires avec la sienne, de toute leur morale, avec ses lois et avec ses cnsei-gnemens ; et que l’on essaie qui d’entre eux tous sera plus propre à opérer sur les mœurs la plus sa-hilaire réforme.
De plus, que l’on fasse attention que ces écrivains préconisés par Celse, tenant leur philosophie cachée dans les ombres du sanctuaire , l’ont renfermée sous les voiles des emblèmes et des allégories qui la rendent peu accessible au commun des lecteurs ; au lieu que Moïse , en orateur consommé, toujours plein de son sujet, ne dit rien dans son Pentateuque qui n’intéresse également la multitude et lessavans ; la multitude, qui n’y trouve que des leçons de la plus saine morale ; les savans, qui peuvent percer plus avant, et y découvrir les principes des plus hautes spéculations. Aussi toute la sagesse de vos grands hommes n’a-t-ellc pu empêcher la perte de leurs ouvrages , qui assurément se seraient mieux conservés , si l’utilité en avoit paru sensible; au lieu que les livres de Moïse, encore entiers, ont fait sur tous les esprits une impression telle , que des lecteurs même étrangers à la religion des Juifs ont bien su y reconnoitre l’ouvrage de Dieu créateur de l’univers , dont
Moïse, ainsi qu’il l’annonce, ne fut que l’organe. Il convenoil sans doute que celui qui avoit tiré le inonde du néant, voulant lui donner des lois, im-primât à ses paroles une vertu capable de se faire sentira tous les hommes. Je ne veux pas prévenir ici ce que je dois dire ailleurs de Jésus-Christ; il me suffit d’avoir prouvé que Moïse, qui est si fort au-dessous de lui, l’emporte incomparablement sur tous vos sages, soit poètes, soit philosophes.
(Page 15.) Pour donner indirectement atteinte à l’histoire de la création du monde, telle que nous la lisons dans la Genèse, où il est bien loin d’etre vieux de dix mille ans comme on le suppose : Celse insinue qu’il seroit éternel. Sa pensée , bien qu’il la dé-guise, perce ici dans ce qu’il avance sur cette longue succession d’embrasemensct d’inondations qui au-roient eu lieu de tout temps. Qu’il nous apprenne enfin, ce savant ennemi du christianisme, ce qui l’a pu fonder à le croire! Où l’a-t-il lu? dans Platon? Mais, écrivain pour écrivain , sommes-nous moins recevables , nous , de croire que Moïse, dont l’âme pure et sainte s’est élevée au-dessus de toutes les choses créées pour mettre le créateur à la tête de tout, n’ait, bien mieux que Platon et aucun des autres sages, écrit sous l’inspiration d’un Esprit supérieur qui lui ait révélé le secret des divines opérations, et rendu par-là ses écrits bien plus authentiques? S’il nous demande raison de notre foi, qu’il coin-lïience lui-même par nous prouver ee qu’il avance sans en rendre aucune raison ; et puis nous ne serons pas embarrassés sur les preuves de notre croyance. A l’appui de son opinion, alléguera-t-il les Egyptiens, dont il exalte tant la sagesse? Elle éclate apparemment, cette haute sagesse, dans le culte qu’ils rendent aux animaux et dans les étranges motifs dont ils l’appuient! « C’est, dit-on , chez te peuple (Page!6.) » que Moïse avoit appris la doctrine qu il a ensei-» gnée aux Juifs. » Si ce que Moïse a puisé chez ces nations est mauvais, pourquoi vantez-vous leur sagesse? et s’il est bon, pourquoi l’en blâmez-vous ? Qu’il seroit à souhaiter qu’Epieure, Aristote, les stoïciens, et tant d’autres eussent puisé aux mêmes sources que lui! On ne verroit pas le monde en proie à des systèmes qui nient la Pro-videnec , ou qui lui donnent des bornes qui dégradent la Divinité, jusqu’à n’en faire qu’une matière corruptible et sujette à tous les changemens.
Ce n’est pas ainsi qu’en parlent les Juifs et les chrétiens. Ils confessent un Dieu immuable , incorruptible. Pour vous , lui disent-ils, vous êtes éternellement le même. (Γ«· ci. 28. ) Ils assurent qu’il a dit de lui-même : je ne change point. Et voilà la doctrine que (Malach., ״!.) l’on veut faire passer pour impie , parce qu’elle est contraire à celle des impies!
Telle est l’origine que Celse prête à la religion (Page 17.) des Juifs : « Une troupe de pâtres et de bergers, » s’étant mis à la suite de Moïse, se laissèrent persua-» (1er par des artifices grossiers qu’il n’y avait qu’un » Dieu. » Ces pâtres auroient donc eu tort, selon lui, de renoncer à croire qu’il y en a plusieurs. Ce se-roit donc à lui d’abord à prouver cette multitude de dieux adores dans la Grèce et partout; pour-quoi ceux de la Grèce plutôt que ceux des Égyp-tiens? Tout ce ramas de vaines fictions peut-il te-nir contre le seul argument qui résulte en faveur de l’unité d’un Dieu, de l’admirable symétrie de l’univers? Seroit-il possible qu’un ouvrage dont-toutes les parties sont si intimement liées avec le tout, dût sa naissance à plusieurs ouvriers ? Car toutes les choses que le monde contient en sont des parties; mais Dieu n’est partie d’aucun tout. Autrement il ne serait point parfait, ce qui est contre son essence: puisque, qui dit partie , dit quelque chose d’imparfait. A parler exactement ; Dieu ne saurait même être tout, pas plus qu’il n’est partie. Un tout se compose de parties : or, la raison ne saurait admettre jamais qu’il y ail dans le grand Dieu des parties dont chacune en particulier n’au-roit pas le même pouvoir que les autres.
(Page 18.) Celse en vient enfin à Jésus fondateur de la so-ciété qui s’appelle les chrétiens. 11 dit « qu’ayant » paru au monde depuis fort peu d’années , il y a » été le premier auteur de cette doctrine ; et qu’il a » passé parmi les chrétiens pour le Fils de Dieu. »Je l’arrête dès la première ligne : Puisqu’il n’y a pas si long-temps, puisqu’il n’y a qu’un fort petit nombre d’années que Jésus a paru dans le monde ; corn-ment a-t-il pu se faire autrement que par l’intervention de Dieu , comment, dis-je , a-t-il pu se faire que , depuis ce petit nombre d’années que Jésus a commencé de prêcher sa doctrine, elle se soit répandue partout l’univers au point qu’une foule de Grecs et de Barbares, de savans et d’igno-cans l’aient embrassée jusqu’à consentir à perdre la vie plutôt que d’y renoncer? Que l’on nous cite une autre croyance religieuse, quelle qu’elle soit, de qui l’on puisse en dire autant. Preuve irrécusable que c’est là l’œuvre de Dieu. Je n’ai garde de rien exagérer en faveur de ma religion; mais je ne crains pas d’avancer que personne ne peut rendre la santé aux corps sans l’assistance de la Divinité; et l’on croira que, si quelqu’un vient à bout de guérir les âmes des vices qui les infectent, de leur intempérance, de leur injustice, de leur mépris pour la Divinité ; que s’il réussit à faire pratiquer la vertu et la religion, je suppose, à cent personnes ; il puisse opérer un tel prodige sans le secours de la Divinité? Tout homme sensé qui réfléchira sur ce que je viens de dire , sera convaincu qu’il n’arrive au monde rien de bien que par l’ordre de la Providence. Appliquons ce principe à la révolution que Jésus-Christ a opérée dans le monde.
Que l’on rapproche les mœurs actuelles des chré-liens, de celles où ils vivoient auparavant: A quel de'sordre de passions , à quels excès de corruption, de libertinage et d’impiété, ils se trouvoient tous livrés, avant de s’être laissé séduire, comme parlent Celse et scs adherens, par cette religion qu’ils accusent d’être la peste du genre humain ! Depuis qu’ils l’ont embrassée, quelle différence! quel empire sur toutes les passions , au point qu’il n’est pas rare parmi nous d’en voir qui portent la perfection dans la vertu, jusqu’à s’abstenir même des plaisirs légitimes! Un plan de religion tel que Jésus l’a conçu ctoitau-dessus des forces humaines : il l’a exécuté: un homme pourroit-il faire rien de (Pageai.) semblable ? Car, dès les commencemens, tous les obstacles imaginables s’opposoient aux progrès de sa doctrine. Rois, empereurs, généraux d'ar-mecs, magistrats, peuples, soldats , en un mot tout ce qui avait quelque autorité ou quelque puissance dans le monde, lui ont déclaré la guerre. Plus forte que tous les ennemis, elle a triomphé. Elle s’est soumis toute la Grèce, cl une grand(* partie des barbares ; elle a engagé une multitude innombrable d’hommes à adorer Dieu.
(Pa״C92) Celse invective contre l’auteur de notre religion , lui reprochant « d’être né d’une pauvre villageoise » qui ne vivait que du travail de ses mains. » .le sais bien que, dans l’ordre commun des choses . la noblesse de l’extraction et l’illustration de la patrie, les soins donnés à l’éducation, les richesses et les dignités que les ancêtres ont possédées , contribuent à donner aux hommes de l’éclat et de la célébrité. Mais lorsque, sans être soutenu par aucun de ces moyens, avec tout ce qu’il y a de plus contraire, on parvient à s’élever de soi-même, à remplir la terre de son nom, à remuer tous les cœurs , à mettre tout l’univers en mouvement : n’est-on point porté , dès le premier aperçu , à conjecturer qu’un tel changement suppose un g1 and caractère , soit d’habileté, soit d’éloquence ?
Que , de cette proposition générale, l’on en vienne à une application particulière ; ne demandera-t-on pas comment un homme né dans la pauvreté , dénué de toutes les ressources de l’éducation, sans aucune teinture des arts et des sciences qui servent à convaincre les esprits et à toucher les cœurs, apu entreprendre d’établir une religion nouvelle . d’abolir les croyances de son pays, sans cependant déroger à l’autorité de ses prophètes , de renverser les coutumes religieuses des Grecs? On demandera où le même homme qui, de l’aveu de ses détracteurs, ne dut rien à aucun homme, a pu puiser les connaissances également certaines et sublimes, qu’il est venu apporter au monde sur l’essence divine , sur les jugemens de Dieu, sur les chàtimens destinés au crime , sur les récompensés préparées à la vertu : persuader les savans comme les ignorans, les esprits les plus relevés comme les plus grossiers, les hommes les plus éclairés , les plus capables d’examiner par eux-mêmes et de juger une doctrine dont la première vue n’offre rien que de rebutant? Un habitant de Sériphe reprochoit à Thémistocle qu’il devoit sa réputation, non à ses vertus guerrières , mais à sa patrie. Celui-ci répondit : Il esterai quesij’étois né à Sériphe, je n’aurois pas acquis tant de renommée : mais vous, quand vous seriez né à Athènes, vous n’auriez jamais été Thémistocle. Et notre Jésus, à qui l’on reproche d’être né dans un hameau, non de la Grèce ni d’aucun autre pays tant soit peu notable ; d’avoir eu pour mère une femme pauvre , réduite à gagner sa vie par le travail de ses mains: d’avoir été contraint lui-même à fuir en Egypte : d’avoir exercé un vil métier dans une terre élran-gère; notre Jésus, le dernier en quelque sorte des Sériphiens , c’est lui qui a ébranlé, qui a changé Tunivers, qui a fait ce que n’ont pu ni un Thé-mistocle, ni un Platon, ni tout ce qu’il y eut jamais de sages , de capitaines et de potentats !
Pour peu qu’on réfléchisse, on ne verrapas sans étonnement que, du sein de l’ignominie, Jésus se soit élevé au comble de la gloire , et qu’il ait effacé les plus illustres personnages. On en trouve peu qui se soient rendus célèbres par plusieurs endroits à la fois : l’un est fameux par sa sagesse, un autre parses lalens militaires. Jésus , outre tant d’antres vertus, s’est fait admirer et par sa sagesse, et par ses prodiges, et par l’autorité' de ses lois.
Pour se faire des disciples, il n’a employe ni la violence de la tyrannie qui proclame la révolte, ni l’audace du brigandage qui arme des satellites ; il ne s’est servi ni de l’opulence qui paie des flatteurs , ni d’aucun des artifices ordinaires à l’imposture.
Il ne s’est montré que comme le docteur d’une re-ligion, (Pag. 22, 24.) d’une science toute divine qui apprend à mériter les faveurs du ciel.
Ni Thémistocle, ni aucun autre fameux person-nage, n’ont trouvé d’obstacles à la gloire. Mais Jésus , outre ceux dont nous venons parler, et qui étoient en effet de nature à retenir dans l’obscurité le plus heureux génie ; !’ignominie de ses souf-Frances, et sa mort sur la croix étoient bien faites ce semble, pour anéantir toute celle qu’il auroil pu acquérir auparavant, pour le couvrir du litre d’im-posteur, et détourner à jamais de sa religion tous ceux qui auraient pu se laisser séduire par lui, comme le prétendent les ennemis de sa doctrine.
Si donc ses disciples n’avoient pas clé les té-moins de sa résurrection el des miracles qui l’ac-compagnèrcnt ; s’ils n’avoient pas été pleinement convaincus de sa divinité; conçoit-on qu’ils eus-seul pu consentir à s’exposer à tous les dangers qui les menaçoienl d’une fin. pareille à celle de leur maître , à les braver, à quitter leur patrie pour aller par le monde prêcher la doctrine que Jésus-Christ leur avoit enseignée?Non. Pour peu qu’on examine ce fait de sang-froid , personne au monde n’imaginera que les apôtres aient choisi à dessein un genre de vie errante et vagabonde , pour se faire les pré-dicateursd’un Dieu crucifié, sans la ferme confiance que leur maître seul pouvoit leur donner, qu’ils étoient obligés non-seulement de vivre eux-mêmes conformément à ses préceptes , mais d’y faire vivre lesautres. Car, dans la situation actuelle des choses, ce que Ton avoit à attendre, en voulant établir de nouveaux dogmes, et en lesprescrivantà tous, c’étoit de s’attirer la haine de tous, et par conséquent voit-loir courir à la mort. Croira-t-on qu’ils fussent assez aveugles pour ne pas voir à quel dénoiiment alloit aboutir la prédication d’un évangile , qui ten-doit non-seulement à prouver aux Juifs, par les écrits des prophètes , que Jésus étoit le Messie prédit par leurs oracles ; mais à persuader à tous les peuples · duinonde qu’un homme crucifié la veille avoit soui-fert volontairement la mort, qu’il s’étoit dévoué pour le salut des hommes, afin de les arracher à la tyrannie du démon ? »
Parce que Celse mettoit ses objections dans la bouche d’un Juif, Origène étoit en droit de le coin-battre par sa propre croyance :
« Que Celse, ou quelqu’un de ses suppôts, (Page 2.].) veuille bien nous répondre :Par quel Espritles prophètes ont-ils parlé? Avoient-ils, oui ou non,la con-noissance de l’avenir? S'ils l’avoienl, ils éloient donc éclairés des lumières de !’Esprit divin. S’ils ne l’avoient pas, comment pouvoient-ils s’exprimer sur les événemens futurs avec cette assurance ? et comment !’accomplissement de leurs prédictions forçoit-il les Juifs à les admirer?
Il faut de toute nécessité reconnoitre que les Juifs ont eu leurs prophètes ; autrement on est réduit à faire tombersurlaloi elle-même que Dieu leur avoit donnée , le crime de. leurs déréglemens et de leurs fréquentes idolâtries. Voici comme j’établis cette .. nécessité. La loi des Juifs leur disoit : Les autres (Deut.,xxvn, 14) nations observent les présages et consultent les devins; mais pour vous , le Seigneur votre Dieu vous le défend; et immédiatementaprès : LeSeigneurvolreDieu vous , (Ibid. 15) fera naître un prophète d’entre vos frères. Si donc les autres nations avoient des moyens de connaître l’avenir, tels que les oracles, les augures, les auspices, les horoscopes des Chaldéens ( ce dont je n’examine pas ici la vérité ); les Juifs , à qui tous ces moyens étoient sévèrement défendus , se trouvant dénués de tout autre supplément, qu’arrivoit-il? La curiosité naturelle qui porte tous les hommes à pénétrer les secrets de l’avenir leur auroit fait mépriser ces défenses , et imiter leurs voisins ; elle les eut précipites comme eux dans .,eus les excès de la superstition: elle les auroit rendus indifférons sur les véritables prophéties, et nullement soigneux de conserver leurs écrits. Par-là s’expliquent encore les circonstances, ce semble, minutieuses, qui se rencontrent quelquefois dans l’histoire des prophètes (1Reg.,!x.2o.); par exemple, la perle des ànesses pour lesquelles on s’adresse à Samuel ; et d’autres événe-mens aussi peu sérieux en apparence. S’il n’en éloit pas ainsi, quel motif auroient pu avoir les Hébreux fidèles à leur loi, quand ils s’élevoienl contre ceux qui alloient consulter les oracles des idoles , comme le fail Elie quand il reprend Ocbosias : ׳ Est-ce, lui dit-il, quil n’y a pas de Dieu dans Israël, (1rReg.,T. 5.) pour (juevous envoyiez consulter le dieu d’Λccaron?... (!,;!g.28, 29.) Pour détruire la foi due aux prophéties, Celse avance que les prédictions rapportées à Jésus peuvent l’être également à d’autres. Nous, pour détruire l’objection, nous allons citer quelques-unes des plus considérables, d’abord celle qui nomme à (\1ich., v. ■>.) l’avance le licuoùildevoitnaître .El loi,Belhléem, etc.
Pour que cette prophétie fût applicable à quelqu’un des fanatiques ou imposteurs avec lesquels notre adv ersairc confond Jésus-Christ, il faudroit constater que Bethléem en ait été le berceau. Quant à Jésus , outre le témoignage des évangélistes, nous avons celui de tous les habilansde la contrée, des ennemis même du nom chrétien, qui !font pas Je moindre doute à ce sujet,puisque tous les jours, en montrant etlagrotte où Jésus prit naissance, et la crèche où il lut dépose , ils disant : C’est ici la grotte où est né ce Jésus que les chrétiens adorent. Je ne doute pas davantage qu’avant la venue de Jésus-Christ les prê-1res et les docteurs de la nation juive ne se fondassent sur la même prophétie, pour enseigner au peuple que c’étoit à Bethléem que le Messie devait naître , et que ce ne lut là l’opinion dominante chez ce peuple. D’où vient que, quand Hérode les interroge sur cette question, ils répondent, que le Christ devait naître à Bethléem , ville delà tribu de Juda , d’où était David. (Matth XiVI13 ·״)
En voici une autre, antérieure de plus d’un siècle (Page 59.) à la naissance de Jésus. C’est celle de Jacob, lorsque, étant au lit de la mort, prophétisant à chacun de ses enfans ce qui leur devait arriver, il dit à Juda : Le sceptre ne cessera point d’etre pris de Juda. , ni le chefda peuple de sortir de sa postérité, jusqu’il la venus de celui qui doit être envoyé , et à qui les peuples (Gcn χ״χ) obéiront.
Mais telle est la force de la prévention, qu’elle aveugle au point de se refuser meme à l’évidence. Quelque attaché que l’homme soit 011 général à toutes ses habitudes, il l’est encore plus aux opinions dont il est imbu. On sait combien en général il est difficile d’engager personne à abandonner sa maison , sa ville , sou village , les sociétés auxquelles il est accoutumé, λ oilà pourquoi un si grand nombre de Juifs n’ont pu être ébranles, ni par les prophéties qui ont annoncé Jésus, ni par ses miracles, ni par les circonstances de sa passion, qu'ils trouvaient écrites dans leurs livres. Oui, l’homme est tellement asservi aux préjugés , que quelque absurdes, . quelque ridicules que soient les dogmes qu’on tient de scs pères ou de ses concitoyens , rien n’esl plus rare que de le voir y renoncer. Vous aurez bien de la peine à persuader à un Egyptien de ne pas regarder comme un Dieu un vil animal, ou même de manger de sa chair, plutôt que d’endurer la mort.
Comment, parmi les douze tribus dont se corn-posoit la république des Juifs, Moïse qui rapporte cette prophétie, a-t-il pu prédire que ses rois se-roient de la tribu de Juda, comme en effet This-toire le prouve ? Comment a-t-il marqué avec cette précision le terme de leur domination, comme de-vaut finira l’arrivée de celui qui seroit V attente des nations? (Gen., supra.) \\ est évident, j’ose le dire, qu’il n’est aucun homme, soit avant, soit après Jésus-Christ, à qui ce titre puisse s’appliquer; puisqu’il n’est point de nation où il n’ait fait à Dieu des fidèles, et que toutes les nations, (Page 41·) selon cette autre prophétie d’Isaïe, espèrent en son nom. (Is., XL4 .״·)
Les circonstances et la cause de sa passion n’avoient pas moins été rigoureusement prédites. (Page 42·) Isaïe, dans les chapitres cinquante-deux et cin-quante-trois de sa prophétie , en parle en quelque sorte en historien....
Ce qui trompe nos adversaires, c’est qu’ils ne veulent pas reconnoitre dans Jésus-Christ deux avénemens : le premier, dans !’humiliation et les faiblesses de l’humanité, comme étant l’otage, la victime de l’humanité; le second, dans toute la gloire du triomphe, sans aucun mélange de faiblesse humaine, également prédit entre autres par le psaume quarante-quatre. Remarquez que, dans ce psaume , le Sauveur est expressément appelé Dieu : que le prophète s’adresse à un Dieu dont le trône est éternel, dont le sceptre est celui de Γéquité י qui a été oint par Dieu, parce qu’il aimoit la justice , et haïssait l’iniquité. (Ps. xtiv. 5,7.)
Avant la naissance de Jésus, il y avoit eu parmi (Page 45.) les Juifs un certain Thcudas qui se disoit un grand personnage. A peine fut-il mort, que ceux qu’il avoit séduits furent dissipés. Après celui-là, et à l’époque meme, je crois, du dénombrement qui eut lieu lors de la naissance de Jésus , s’éleva un Galiléen nommé Judas, qui attira à son parti une quantité considérable de Juifs par le charme de la nouveauté et par de faux dehors de sagesse. Il subit le supplice qu’il méritoil; et sa secte fut bientôt anéan-lie , ou ne subsista que parmi un très-petit nombre de gens de la lie du peuple. Depuis Jésus-Christ, Dosithée de Samarie voulut de même faire croire à ceux de sa nation qu’il éioit le Messie annoncé par Moïse ; et il trouva quelques dupes. A toutes ces tentatives, appliquons le motdu sage Gamaliel dans le livre des Actes : Si cette entreprise vient des hommes. elle se détruira d’elle-même ; si elle rient de Dieu, vous vous y opposerez inutilement, et vous vous met (Act., v. 58.) triez meme en danger de combattre contre Dieu.
Voilà effectivement ce qui prouve que tous ces imposteurs éloient étrangers aux promesses de Dieu, qu’ils n’étoient ni les fils, ni la vertu de Dieu, et que Jésus-Christ seul est véritablement le fils de Dieu.
Simon le magicien vint à bout aussi de tromper quelques personnes par ses enchantemens. Mais je ne pense pas qu'on lui trouvât aujourd’hui trente sectateurs dans tout le monde , et c’est beaucoup. On n en rencontreroil pas un seul hors de la Palestine. Partout ailleurs, son nom n’est connu que par le livre des Actes. Si l’on parle encore de (Page 44.) lui, c’est aux chrétiens qu’il en est redevable; et l’expérience a bien fait voir qu’il n’yavoit rien de divin en sa personne.
Le Juif de Celse substitue aux mages qui vinrent adorer Jésus-Christ dans sa crèche, des Chaldéens amenés par un secret pressentiment de sa nais-sauce. Ce n’est point sans artifice qu’il confond les uns avec les autres, qu’il se méprend sur la différence de profession. et falsifie le texte de !’Evangile . Je lui demanderai quelle rjouvoit être la cause de ce secret pressentiment ; pourquoi il passe sous silence l’étoile qui se fit voir aux mages dans !'Orient, et les détermina à venir adorer Jesus-Christ ? Mon sentiment à moi est que celte étoile étoit d’une espèce nouvelle, distincte de celles que nous apercevons au firmament ou qui se découvrent dans les orbes inferieurs. C’esi une observation ( plus ou moins consi an te ) que les grands événe-mens qui doivent survenir, sont présagés par ces sortes d’apparitions qui annoncent ou des déran-gemens de constitution, ou des guerres, ou telles autres catastrophes semblables. Le stoïcien Chère-mon a meme fait un livre sous le titre : Traité des comètes, où il avance que ces phénomènes n’annoncent pas toujours des événemens malheureux, mais qu’ils en signalent quelquefois de favorables, et il en cite des exemples. Si donc il est prouvé (rage/!5.) qu’à !’établissement de quelque monarchie nouvelle, ou à l’occasion d’un fait qui doit amener une grande influence, il y ait de ces présages; est-il si fort étonnant qu’une étoile ait paru dans le ciel, pour indiquer la naissance d'un homme qui alloit opérer une telle révolution dans le monde , et répandre sa doctrine non-seulement parmi les Juifs et les Grecs, mais au sein même des nations barbares? Je demanderai plus encore; savoir si l’on pourrait me citer aucun oracle qui ait marqué jamais l’apparition d’une étoile ou comète pour tel temps, pour !’établissementde tel empire ? Or, ce qu’il y a de particulier à celle-ci י c’est qu’elle avoit été prédite par Balaam, en termes exprès : Une étoile se lèvera de Jacob,(λοηιΒ.,ηχιν.) et un homme sortira d’Israël.
Apprenons aux Grecs, qu’à la naissance de Jésus, au moment où une grande troupe de l’armée céleste fit entendre le divin cantique : Gloire à Dieu, au plus haut des vieux, paix sur la terre et grâce aux hommes, (Luc, ι. 13.) ainsi que le rapporte saint Luc, et que je le crois fermement, les mages,avertis pas ! apparition de cette étoile, que le Messie prédit par Balaam étoit arrivé, se mirent en marche pour l’adorer, portant avec eux des présens dont le caractère indiquait que celui à qui ils allaient être offerts étoit un composé de Dieu et de l’homme : à savoir : de l’or pour un roi, de la myrrhe pour un mortel, de l’encens pour un Dieu.
11 étoit roi en effet, non pas dans le sens qu’ima-gina le jaloux, le sanguinaire Hérode, mais comme il convenait à celui qui lenoit d’en haut son empire ; non pour donner à ses sujets des biens indifférens, mais pour les rendre saints et heureux par des lois vraiment divines, mais dans le sens de ces paroles que lui-même adressera à Pilate : Mon royaume n’est point de ce monde. (Joan , xvm.56.)
(Pa״e/|6.) Un autre reproche que Celse fait à Jésus, c’est le choix de ses apôtres. « Pourquoi des publicains et des pécheurs ? »Mais si ce n’étoient en effet que des publicains et des pêcheurs, il n’y a donc qu’une vertu phis qu’humaine qui ait pu faire adopter ce qu’ils enseignent, et leur soumettre tout l’univers. Car ce n’est assurément ni l’éloquence, ni le raisonnement, ni aucune des brillantes ressources de la dialectique et de l’art de parler, si fort en honneur chez les Grecs, qui ont fait les triomphes de la prédira-lion des apôtres. Que Jésus eut pris à leur place des hommes renommés par leur sagesse et par leur talent pour la parole, consommés dans l’art de convaincre et de persuader ; il n’auroit pas échappé au soupçon légitime de n’avoir rien de plus que les autres philosophes et fondateurs de secte. Sa doctrine manquoit de ce caractère de divinité qu’il lui altribuoit. Soutenue par les artifices et les charmes d’une éloquence qui entraîne sans effort la persuasion, elle n’étoil plus que la sagesse des hommes, et non plus la force de Dieu. (i Cor., ii.4,5.) Quel est l’homme au contraire qui, en voyant des pêcheurs et des publi-cains , sans la moindre teinture des lettres , comme !’Ecriture l’atteste, et comme Celse ne manque pas de s’en prévaloir, quel est l’homme , dis-je , qui, les voyant non-seulement disputer avec assurance dans les synagogues sur la religion de Jésus, mais l’annoncer avec succès aux autres peuples , ne cherche d’où pouvoit donc venir ce don merveilleux de persuader ? Le moyen de n’y pas reconnoitre l’accomplissement de cette parole de Jésus-Christ : Venez (Matt.,iv. 19.) apres moi י je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ?
Nous sommes témoins que leurprédication s’est ré-panduepar toute la terre, et que le bruit de leur voix (Ps. xvjii. 5.) est parvenu jusqu’aux extrémités du monde. Aussi voyez-vous ceux qui écoulent dignement et suivent (Page 48.) celte divineparole, retracer dans leurs personnes les mêmes effets qui en signalèrent la prédication , par une ardeur toute céleste dans la pratique, du bien, surtout par leur courage à souffrir la mort pour rendre témoignage à la vérité. Si tous ne le font pas. s’il en est parmi les chrétiens de profession qui manquent de cette vertu divine, notre Sauveur l’a prédit dans son Evangile. Il nous a annoncé, par la seule force de sa prescience divine, et quelle se-roit pour les uns l’efficacité de la prédication, et (Maith., !s.) combien elle resteroit stérile pour les autres.
Celse ne s’en tient pas là. Selon lui, «Les apôtres «furent des hommes de mœurs *aussi méprisables «que leur condition. «Abusant peut-être de quelques paroles de !’Ecriture , de celle-ci par exemple : (Luc, v. 8.) Retirez-vous de mof parce que je suis un pêcheur. c’est le nom que saint Pierre se donne à lui-même parlant à Jésus; et encore :Jésus est venu dans le (iTim.,1.15.) monde sauver les pécheurs dont je suis le premier, dit saint Paul dans l’épîlre à Timothée: il conclut (pie Jésus-Christ ne les a choisis que parmi des hommes perdus. On s’élorme qu’il n’ail pas donné pour exemple ce même Paul qui, après Je'sus, a été le fondateur d’un si grand nombre d’églises. S’il ne l’a pas fait, c’est apparemment parce qu’il ne lui eût pas été possible d’en parler, sans rappeler en même temps comment, de fougueux et violent persécuteur de l’église de Dieu et de ses disciples, avide de leur sang; converti tout à coup, il alla porter et établir !’Evangile de Jésus-Christ, depuis Jérusalem jusque dans l’illyrie , s’attachant, lorsqu’il le prêchait, à ne point bâtir sur le fondement d’autrui, mais à se donner pour théâtre les lieux où il n’avoitpas encore pénétré. (Rom., xv.19, 20.)
(Page 49·) Mais qu’y a-t-il donc de si extraordinaire que Jésus, voulant montrer au monde !’efficacité des remèdes qu’il venoit lui offrir pour le salut des âmes , ait choisi des hommes en effet perdus, pour en faire et des modèles de sainteté, et les prédicateurs de son Evangile ?
Si l’on voulait que des hommes , revenus depuis de leurs anciens désordres, en fussentresponsables encore après, il faudrait faire le procès à Phédon , devenu philosophe; puisque,comme lout le monde le sait, Socrate l’alla chercher dans un lieu de prostitution, pour l’ameneràson école. Il faudrait mettre sur le compte de la philosophie les excès honteux auxquels Polémon , successeur de Xénocrate , avait commencé par s’abandonner ; tandis que nous devons faire àson maître un mérite d’avoir pu ramener à la vertu deux hommes qui avaient l’habitude du vice. Je ne vois parmi les Grecs que Phédon et Polé-monquiaientrenoncéàla débauche pour embrasser l’étude de la philosophie; tandis que, dans l’école de Jésus, nous comptons, après ses douze apôtres, une longue succession , sans cesse renouvelée, de disciples, qui, revenus à la sagesse, peuvent dire à leur tour .־ Nous étions aussi nous-mêmes des insensés, désobéissons, égarés du chemin de la vérité. asservis à toutes sortes de passions et de voluptés charnelles, pleins d'envie et de méchanceté , ne méritant que haine, et nous haïssant les uns les autres; mais , depuis que la bonté du Dieu Sauveur et son amour pour les hommes a paru dans le monde, nous sommes devenus ce que nous sommes maintenant, ayant été lavés et renouvelés par Γ Esprit qu'il a répandu sur nous (Tit. ni. 5,6.) avec une riche effusion. Le Seigneur, dit le roi prophète, (Ps. cvni. 20.) a envoyé son Verbe qui les a guéris et purifiés.
Mais les calomniateurs de la religion chrétienne ne veulent pas voir combien de passions elle a calmées, combien elle a corrigé de vices, combien d’esprit féroces elle a adoucis. Ils devraient bien plutôt et l’en bénir, et féliciter le genre humain d’aussi précieux avantages qu’elle lui a procurés ; et, s’ils ne veulent pas reconnoitre qu’elle soit vraie, du moins convenir de scs bienfaits.
(Page 50.) Parce que Jésus-Christ a dit à scs disciples .־ Quand on vous persécutera dans une rille , fuyez dans une autre ; et si la persécution continue dans celle-ci, (Matth., x.23.)fuyez encore ailleurs 3 ne leur permettant pas de s’exposer témérairement , donnant le premier !,exemple d’une conduite ferme, toujours égalé, ennemie de tout emportement, et de cette fougue d’un zèle mal entendu qui provoque le danger ; Celse en fait un nouveau crime à notre saint législateur, et. fait dire à son Juif, s’attaquant à Jésus : Kous courez le monde avec vos disciples. L’on n’avoit point blâmé Aristote d’en avoir fait autant. Ce philosophe , accusé d’enseigner des dogmes impies, avait fui d’Athènes, pour aller à Calcis : « Quittons cette ville, disoit-il à ses amis, pour épargner aux Athéniens un nouvel outrage à la philosophie. » Pourquoi seroit-ccun sujet de blâme pour Jésus-Christ etpour ses disciples? «Mais c’étoil pour mendier honteusement sa vie. >י D’où le sait-il ? l’Evangile n’en dit pas un mol. On y voit bien que des femmes qu’il avoit guéries fournissoient de leurs biens à ses disciples ce qui leur étoit nécessaire pour vivre; y avoit-il du mal à le recevoir ? Vos philosophes se font bien payer les leçons qu’ils donnent. Pourquoi ce qui n’est qu’honnête et décent dans les philosophes , peut-il n’être plus que bas et déshonorant dans les disciples de Jésus?
A cette occasion, Celse reproche encore à Jésus sa fuite en Egypte : « Qu’étoit-il besoin de vous » transporter dans votre enfance? C’étoit de peur» d’etre mis à mort. Mais la peur de la mort devoit״ » elle entrer dans l’àme d’un Dieu ? Voilà qu’un » ange descend du ciel pour vous commander de >» fuir, vous et ]es vôtres, pour vous sauver tous » d’un commun danger. Mais votre grand Dieu » ne pouvoît-il pas vous en tirer chez vous, après יי que pour l’amour de vous, il avoit déjà envoyé יי deux de ses anges ? »
Celse parle en homme persuadé qu’il n’y avoit rien de divin ni dans l’âme, ni dans le corps de Jésus. Nous croyons, nous, qu’il y avoit dans lui le Dieu qui. comme il le dit lui-même, Est la voie, la vérité et la vie; (Joan., xiv. 6.) et l’homme , ainsi qu’il le témoigne par ces autres paroles : Vous cherchez à me faire mou-rir. moi qui suis un homme qui vous dis la vérité. (Joan., rm.40.) Par cela qu’il s’étoit revêtu d’une chair humaine, est-il si étrange qu’il se soit gouverné en homme pour éviter le danger? (Page 51.) « Il pouvoit choisir d’autres moyens.
Qui le nie? Falloit-il multiplier les miracles quand il suffisait de procédés simples et naturels ? Des moyens extraordinaires, éclatans, ne convenoient pas toujours au dessein qu’il avoit d’apprendre au monde que cet homme que l’on avoit sous les yeux étoit Fils de Dieu , le Verbe de Dieu , la puissance, ]a sagesse de Dieu, le Christ. Comment? ce n’est pas ici le lieu de l’expliquer. (Page52.)Après cela, le Juif de Celse, oubliant son per-sonnage, et parlant le langage d’un Grec ( c’est-à-dire d’un païen), bien au fait de sa mythologie, s’exprime ainsi : « Dans les anciennes fables qui »prêtent une naissance divine à nos he'ros, si la »vérité manque au fond du récit, du moins y gar-»doit-on quelque vraisemblance parles événemens »merveilleux, surnaturels, qui composent leur bis-»toire. Mais votre Jésus, qu’a-t-il fait d’admirable » et de divin, quoique dans le temple on le pressai » assez fortement de se faire reconnoitre pour 1 eFils »de Dieu? » Ici je me contenterai de répondre: Que les Grecs commencent par nous apprendre quels sont les services si merveilleux, si utiles, rendus au genre humain par ces prétendus dieux . même en les supposant mieux prouvés. Je les défie de me rien produire de comparable à ce qu’a fail Jésus. Nous disons , sans craindre d’être démentis, que les actions de Jésus sont connues de toute la terre où sont répandues les églises de Dieu qu’il a formées. Encore aujourd’hui, sous nos yeux, le nom de Jésus guérit les maladies du corps et de l’âme , chasse les démons , fait passer dans les âmes la douceur, la décence des mœurs, ]a bienfaisance, l’esprit de concorde et de paix , vertus qui se montrent avec éclat dans tous ceux qui ne se contentent pas de n’ctre chrétiens que de nom, dans la seule vue de quelques intérêts humains, mais qui professent sincèrement notre croyance sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur le jugement à venir.
Celse , se doutant bien qu’on ne manquerait pas ici de lui opposer les miracles de Jésus , veut bien ne pas nous les contester, tout en les disant exagérés par les apôtres ; mais c’est pour les assimiler aux opérations magiques, ou aux tours d’adresse que font les charlatans sur les places publiques. De bonne foi, quelle comparaison y a-t-il des uns aux autres ? Aucun de ces auteurs de prestiges n’a jamais eu en vue la réforme des mœurs. Il n’a jamais cherché à inspirer la crainte de Dieu, à persuader aux hommes de vivre comme devant subir un jour (Page55.) le jugement de Dieu. Des hommes de cette espèce le voudroient-ils ? Le pourroient-ils , livrés eux-mêmes aux vices les plus infâmes ? Jésus au contraire, dont les miracles n’avoient pour but que la conversion de ceux qui les voyoient, oseroit-ou nier qu’il n’ait donné en sa personne l’exemple de toutes les vertus à ses disciples d’abord , puis à tous les hommes? C’étoit moins encore par ses miracles que par sa vie et sa doctrine , qu’il exhortait les hommes à s’efforcer à plaire à Dieu dans toutes leurs actions. Comment oser après cela le comparer avec de misérables charlatans; et ne pas reconnaître qu’étant Dieu comme il le déclaroit, il s’é-toit fait homme pour le salut des hommes?
Nous disons que Jésus a pris dans le sein d’une femme un corps tel que le nôtre , et sujet à la mort : et c’est à l’égard de ce corps que nous disons avec Γ Apôtre qu’il a été tenté et éprouve en toutes (Hebr.,!v.15.) choses comme le reste des hommes , mais sans aucunement participer, comme eux, au péché; et (Page54.) c’est parce qu’il n’a point connu le péché que Dieu l’a livré à la mort pour tous les pécheurs, comme une victime pure et sainte.... »
Celse se répand ensuite en invectives, et se permet,(Page56.) contre la personne de Jésus-Christ, les qualifications les plus infamantes. Je rougirais d’y répondre. Eh ! quelle réponse faire à un homme qui, à défaut de preuves et de raisonnemens , se jette dans les plus'violens sarcasmes? des injures ne sont pas des raisons. Est-ce là le langage d’un philosophe qui cherche la vérité ; ou plutôt d’un homme de la lie du peuple qui s’abandonne à lout l’emportement de sa passion ? Mais établir nettement la question , y porter un examen sérieux et calme : s’abstenir de toute divagation, prêter au parti que Fou a adopté les moyens de défense les moins défavorables dont on puisse l’étayer, voilà ce qu’il y avoit à faire, et ce dont notre adversaire s’est bien gardé.
Livre second. Celse fait demander par son Juif à ceux de sa nation qui ont embrassé le chris tia-nisme : « Pourquoi avez-vous abandonné la loi de » vos pères, pour suivre un vain imposteur que ?> nous avons puni ? Et puisque de votre propre aveu, > votre doctrine n’est fbnde'e que sur la nôtre , » pourquoi décriez-vou^ celle-ci ? »
(Pages 57,59) Pourquoi? Parce que les cérémonies de la loi et les écrits des prophètes n’étoient qu’une inlroduc-tion à une loi nouvelle que ces mêmes prophètes avoient annoncée pour les temps futurs. C’étoient là les premiers élémens de notre religion cachée dans les secrets de Dieu jusqu’au temps où elle a été manifestée par la révélation de son divin fils. Pour cela, nous ne méprisons point la loi de Moïse. Au contraire , nous l’honorons en découvrant la sagesse profonde cachée sous une écorce que les Juifs n’ont su jamais percer. Eh! qu’y a-t-il d’étrange que l’Evangile soit fondé sur la loi, quand Jésus-Christ lui-même déclare à ceux qui refu-soient de croire en lui : Si .vous croyiez à Moïse , vous me croiriez aussi ; car c’est de moi qu’il a écrit; mais si vous ne croyez pas ce qu’il a écrit, comment (Joan., vi. 46.) croiriez-vous ce que je vous dis ?.... Notre Jésus voyant que les Juifs n’agissoient pas conformément à la doctrine de leurs prophètes leur avoit prédit dans ses paraboles que le royaume de Dieu alloit leur être (Matth., xxi.43) enlevé et seroil transféré aux gentils. Aussi voyons-nous que suivant cette prédiction, les Juifs privés (Pageôo.) de la lumière qui fait pénétrer le sens des Ecritures, ne se repaissent que de fables et de rêveries ; tandis que nous autres chrétiens nous possédons la vérité seule capable d’éclairer l’esprit, d’élever l’âme , de réunir tous les hommes sous les lois d’une république, non terrestre et charnelle, comme celle des Juifs, mais toute céleste.
Que Jésus ait observé, si l’on veut, toutes les cérémonies de la loi et des sacrifices, quelle atteinte cela porte-t-il à sa qualité de Fils de Dieu? Il est le Fils de ce même Dieu qui a donné la loi et les prophètes ; et nous qui composons son ]Eglise nous ne violons point la loi. Nous rejetons les fables des Juifs, et nous travaillons à nous instruire et à nous perfectionner dans !’intelligence du sens mysléneux de la loi et des prophètes, à l’exemple des prophètes eux-mêmes, qui deinandoientau Seigneur qu’il voulut bien leur ouvrir les yeux pour contempler les merveilles de sa loi.... (Ps. CXV11I.18.)
Jésus accusé de vanité! Je défie qu’on en montre (pag<-61.) l’ombre dans aucune de ses paroles, lui qui disoit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur; (Matth.xi.29) lui qui, après la cène, ôta ses habits, et ayant pris un linge s’en ceignit, pour laver les pieds à ses disciples, disant à l’un d’entre eux qui ne vou-loitpasle permettre : Si je ne vous lave 3 vous n’aurez point de part avec moi; (jOan., x!״.) lui qui disoit à ses disciples .־ Je suis au milieu de vous comme serviteur 3 non comme maître. (n,id.)
Mais Jésus un imposteur! Eh! par où donc a-t-il mérité cet outrage ? Est-ce pour avoir aboli la circoncision, le sabbat, le choix cérémoniel des viandes, les ablutions légales, !’observation charnelle desnou־־ velles lunes ? Est-ce pour élever l’âme au sens spi־ rituel et ve'ritable de la loi, seul digne de la divine majesté' ? Ce qui toutefois n’empêche pas que ceux qui remplissent les fonctions d’ambassadeurs (2Cor.,v.20.) pour Jésus-Christ, ne vivent avec les Juifs, comme Juifs, pour gagner les Juifs , et avec ceux qui sont sous la loi, comme s’ils étaient eux-mêmes sous la (Cor,.ix. 20.) loi, pour gagner ceux qui sont sous la loi.
« Tous ceux qui ont voulu faire des dupes au» roient pu., ajoute Celse, y réussir aussi-bien que » lui. » Qu’il m’en montre donc, je ne dis pas plusieurs , ni même quelques-uns , mais un seul , qui, comme Jésus, ait pu enseigner aux hommes d’aussi utiles vérités, une doctrine aussi salutaire, aussi puissante, pour les arracher à la fange du vice où ils étoient plongés.
« Nous qui avions appris aux autres que Dieu » enverrait sur la terre son Christ pour punir les יי méchans, comment l’aurions-nous rejeté s’il s’est מ fait voir sur la terre? »
Misérable objection, qui ne vaut pas qu’on s’y arrête ! Cest comme si vous disiez : Comment se-roit-il possible que nous, après avoir prêché la tempérance ou la justice , nous eussions prévariqué contre l’une et l’autre ? Si l’on en voit des exemples tous les jours, faut-il s’étonner de voir des hommes, quj se vantent de croire aux prophètes qui ont prédit l’avènement de Jésus-Christ, refuser de croire à ces mêmes oracles, depuis son avènement? Ajoutons que ces contradictions avaient été également prédites. Isaïe Γ avoit expressément annoncé : A ous (Page6a.) entendrez de vos oreilles s et en entendant vous ne comprendrez pas ; vous verrez de vos yeux 3 et en voyant vous ne connaîtrez pas; car le cœur de ce peuple s’est appesanti. Que l’on nous dise ce que (lsa.,v!,) c’est que les prophètes annonçaient aux Juifs comme devant être entendu par eux sans qu’ils le comprissent, vu par eux sans qu’ils le connussent; si ce n’est ce Jésus qu’ils ont vu et entendu, mais en se fermant les yeux et les oreilles à l’éclat de ses miracles èt à ses effrayantes prédictions ? En punition de ce volontaire aveuglement, les voilà depuis l’avènement de Jésus-Christ, entièrement abandonnés de Dieu , dépouillés de tout ce qu’ils eurent autrefois d’auguste et de divin , sans prophé-lies ni miracles.
» Pourquoi l’aurions-nous rejeté , l’ayant pré-I dit ? Etoit-ce pour être châtiés plus sévèrement » que les autres? »
A quoi je répondrai qu’ils disent vrai : car certes au jour du dernier jugement, ils seront punis, et de la manière la plus rigoureuse , tant pour avoir méconnu le Christ, que pour l’avoir traité a\ec outrage. Dès à présent même ne le sont-ils pas? Car quel autre peuple a été comme eux chassé de sou pays , de ses foyers, de sa capitale, du siège de sa religion ? Leurs calamite's ont été en proportion de leurs crimes ; et ils en ont comblé la mesure par les indignes traitemens qu’ils ont osé faire subir à Jésus-Christ.
(Page64.) Répéter, comme ils le font : « Nous l’avons convaincu et condamné, » ne prouve rien. Qu’ils articulent un fait; qu’ils nous montrent de quels crimes ont pu le convaincre des hommes qui cher-choient partout de faux témoignages contre lui.
(PageGy.) Prophète lui-même, Jésus-Christ a fait diverses prédictions , par lesquelles il annonçoit à ses disciples ce qui devait leur arriver long-temps après lui. Celle-ci, par exemple : Vous serez conduits de-vaut les rois et les tribunaux à cause de moi, pour (Matth., x.) rendre témoignage à eux et aux gentils. Quelle expérience pouvoit le porter à faire une semblable prédiction? (Page68.) Jusqu’à lui, personne n’avoit été jamais persécuté pour cause de religion. Si quelque doctrine avoit du s’attendre à des persécutions , ce devoit être celle d’Epicure, qui anéantit laProvi-dence , ou celle des péripatéticiens qui se moquent des prières et des sacrifices que l’on prétend faire à la Divinité. Pourtant la prophétie s’est vérifiée ; il n’y a que les chrétiens, qui, suivant la prédic-lion du Sauveur, soient sollicités, sous peine de mort par leurs juges, de renoncer au christianisme. Il n’y a qu’eux que l’on veuille contraindre à sacrifier, à jurer, pour conserver leur liberté et leur vie.
Remarquez encore avec quel ton d’autorité il s’exprimoit dans cette autre prophétie : Quiconque me confessera (levant les hommes י moi aussi je le confesserai devant mon Père qui est dans le ciel. Et quiconque me renoncera devant les hommes, je le renoncerai devant mon Père. Transportez-vous (Matth., x.32.) au temps où Jésus parloit; et réfléchissez que rien de ce qu’il prédisoit n’éloit encore arrivé. Direz-vous que ce n’étoieiit là que paroles en l’air, et qui par conséquent doivent rester sans effet ? Mais suspendez votre jugement, attendez pour prononcer que le temps ait justifié la prophétie ; que sa doctrine si violemment combattue par les rois el par les peuples ait triomphé de toutes les résistances : et alors vous serez bien forcé de cou-venir que Dieu a communiqué sa puissance à celui qui a fait une semblable prédiction, et qui ne l’a faite que parce qu’il en avoit prévu le succès.
Rapprochez de cet oracle celui par lequel il annonçait que son Evangile seroit prêché dans tout Γ univers pour rendre témoignage (Mattli., xxiv.!4.) de sa divinité devant les rois et les magistrats. Verrez-vous sans quelque étonnement cet Evangile prêché en effet à tousles peuples du monde , Grecs et Barbares, savans et ignorans ? Celte divine parole (Page) a vaincu tous les obstacles; elle s’est établie avec empire dans toutes les conditions.
Pour le Juif de Celse, qui refuse ■ Jésus la puis-sauce de prédire ce qui devoit lui arriver : qu’il nous explique comment, dans un temps où Jérusalem subsistoit, où elle étoit florissante, où l’excr-cice de son culte se célébrait avec ]a plus parfaite sécurité, Jésus a pu prédire ce qu’elle devoit éprouver de la part des Romains. On ne viendra pas nous dire que des hommes qui vivaient avec Jésus , qu’il admettait à ses entretiens journaliers , se soient contentés de publier de vive voix sonEvangile , sans songer à consigner par écrit à la postérité le récit de ses actions et de ses paroles. Or, nous lisons dans ]’Evangile ces mots : Lorsque vous verrez Jérusalem investie par une armée > sachez que sa désolation (Luc., xxi.) est proche. Au moment où les évangéliste s écrivoient, pas une apparence d armee ennemie autour de Jérusalem : pas l’ombre de menace qu’elle dut être assiégée, puisque le siège de cette ville, corn-mencé sous Néron, dura jusqu’au temps de Vespa-sien et de Titus, son fils , qui ruina de fond en comble cettemalheureuse ville. L’historien Josèphe suppose que ce fut en punition de la mort de son évêque saint Jacques , surnommé le Juste , appelé le frère de Jésus-Christ. Nous affirmons avec bien plus de vérité que ce fut en punition de celle de Je% sus , le Fils de Dieu.
Au lieu de nous contester dans Jésus-Christ le don de prophétie, Celse pouvoiten parler du même ton qu’il s’est permis à l’égard de ses miracles qu’il n’ose point absolument nier, mais qu’il rapporte à la magie. Il pouvoit avouer, nous accorder du moins que Jésus avoit prédit les choses qui lui arrivèrent ; puis avoir l’air de traiter ses prédictions de bagatelles , comme ses miracles de prestiges. 11 n’avoit qu’à dire par exemple qu’on a vu bien des gens connaître l’avenir par l’inspection du vol des oiseaux, par l’examen des entrailles des victimes, et de l’état du monde à la naissance de tels individus. Il a mieux aimé n’en point parler. Un semblable aveu lui eût paru plus décisif que celui des miracles, bien qu’il cherche à en atténuer l’autorité par l’explica-lion qu’il en donne. Opposons à son silence la déclaration formelle de Phlégon, qui, dans le treizième ou quatorzième livre de ses chroniques, atteste franchement que Jésus avoit la connoissance de l’avenir, et certifie que ce qu’il avoit prédit est effectivement arrivé. Il est vrai qu’au lieu de Jésus il parle de Pierre ; mais de cet aveu, arraché par la seule force de la vérité, il ne s’ensuit pas moins que ce don des prophéties et cette intelligence de l’avenir supposent nécessairement dans les fondateurs du christianisme une vertu divine.
Les disciples de Jésus auroient-ils, comme Celse le prétend, mis sur le compte de leur maître des prophéties faites après l’événement? Il faut, pour une telle assertion, ou n’avoir pas lu, ou bien avoir lu avec d’étranges préventions, ce qu’ils nous trans-mettent d’une autre prophétie adressée à eux-mêmes : T^ous serez tous scandalisés à mon sujet dans (Matth.,xxv1.) cette nuit même : ce qui eut lieu en effet la première nuit de sa passion ; et l’annonce faite à Pierre : qu avant le chant du coq, il le renoncerait jusqu’à trois fois. (Ibid.,34.)Ce qui s’exécuta à la lettre.
Certainement si les évangélistes n'avoient pas porté si loin la bonne foi et la franchise ; s’ils eussent été des imposteurs, ils n’auroient eu garde de nous instruire et de leur propre défection , et du triple reniement de Pierre. Et s’ils n’en avoient rien (Page70.) dit, qui le sauroit? Il semble même qu’il étoit de leur intérêt de garder là - dessus un profond si-lence, dans la vue qu'ils avoient d’inspirer le mépris de la mort à ceux qui embrasseroient le christia-nisme.Ils n’ont rien dissimulé, parce qu’ils savoient bien que la parole évangélique n’en soumellroit pas moins tout l’univers ; sans s’inquiéter si de pa-reils aveux trouveroient des lecteurs qui s’en for-malisassent.
C’estdonc,de la part de Celse, le comble de l’inep-tie de dire que « les disciples de Jésus n’ont écrit son !histoire, que pour mettre à couvert l’honneur de »leur maître; c’est, ajoute-t-il , comme si , après »avoir avancé que tel homme est juste, pacifique, »immortel, on donnait pour preuve qu’il a fait des »injustices et commis des meurtres; qu’enfin il est » mort, après avoir prédit tout cela. »
Le défaut de ces comparaisons saute aux yeux. Quelle contradiction y a-t-il à dire que Jésus, qui venoit proposer aux hommes l’exemple de sa vie, soit mort pour leur apprendre à mourir? Celse prétend que l’aveu que nous faisons de sa mort lui donne sur nous un grand avantage. Il en parle en homme qui ignore et les profonds mystères que saint Paul nous en découvre, et les prédictions qui en avoient été faites par les prophètes. U n’a pas su davantage qu’un hérétique avoit avancé que Jésus n’avoit point réellement souffert, et n’étoit mort qu’en apparence (1). Autrement il ne se seroit pas hasardé à dire : B Vous ne prétendez point que sa »passion n’ait été qu'iniaginaire ; mais vous confes-» sez sans détour qu’il a souffert réellement. » S’il n’est mort qu’en apparence , il en faudrait conclure qu’il n’est ressuscité de même qu’en apparence; ce que nous sommes, nous, bien loin de croire.
(1). Basilide, doctement réfuté par S. Clément d’Alexandrie et S. Irénée , puis reproduit dans Marcion et dans Praxéas combattus avec non moins de vigueur par Tertullien.
Est-il surprenant que celui qui, durant sa vie, a fait des prodiges si au-dessus des forces humai-nés, et en même temps si certains, que Celse, dans l’impuissance de les nier, est réduit à les trailer de prestiges ; est-il, dis-je, surprenant que sa mort ait eu quelque chose d’également extraordinaire; et que son âme, ayant volontairement quitte' le corps qu’elle animoit, y soit rentrée de même par sa volonté (Page71.) propre? Jésus !’avoit déclaré auparavant :
Personne ne m’ôte mon âme; mais je la quitte de moi-même, car j'ai le pouvoir3 et de Γabandonner3 et de la reprendre à mon gré. (Joan., x. 18.) «Commentme ferez-vous croire qu’un mort soit immortel ? » Aussi ne disons-nous pas que ce soit celui qui est mort qui est immortel, mais celui qui est ressuscité d’entre les morts. Nous ne disons pas même de Jésus avant sa mort qu’il fut immortel, en tant que Dieu et homme, puisqu’il devait mourir; car un homme qui doit mourir n’est pas immortel. Pour être immortel, il faut n’être plus sujet à la mort. Or, le Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus 3 nous dit (Rom., vi. g.) l’Apôtre ; la mort n’aura plus sur lui d’empire ; quoi que puissent dire ceux qui n’entendent rien à ce langage.
Autre raisonnement qui n’a pas plus de justesse : « Quel est, demande Celse’, le Dieu, le démon, » l’homme de bon sens, qui, connaissant à l'avance מ tels et tels maux dont il est menacé, ira de lui-»même s’y précipiter, au lieu de s’en garantir s’il » le peut? I
Socrate ignoroit-il qu’il mourroit eu buvant la ciguë? il étoit maître de sauver sa vie et d'échapper à la prison , en suivant le conseil de son disciple; mais il aima mieux mourir en sage, que de vivre en sacrifiant ses principes. Leonidas, général des Lacédémoniens, savoit bien aussi qu’il alloit mourir aux Thermopyles, lui et tous ceux qui l’accompagnoient. Il en étoit si bien persuadé, qu’il leur disoit.· Dînons comme des gens qui doivent souper aux enfers. Il n’avoit garde de racheter sa vie aux dépens de son honneur. Les histoires sont pleines de ces traits d’héroïsme. Est-il donc si étonnant que Jésus, connaissant sa mort prochaine, ait été au-devant , au lieu de l’éviter? Paul, son disciple, averti de ce qui alloit lui arriver à Jérusalem , ne laisse pas de continuer sa route vers cette ville, et de braver tous les dangers, malgré les larmes des fidèles qui s’opposaient (Act. ) à son départ. Ne voyons-nous pas tous les jours des chrétiens assurés de mourir en s’avouant pour tels, et d’être renvoyés absous, de recouvrer leurs biens et leur liberté en le niant, préférer la mort au crime de trahir leur foi ?
Celse poursuit : « Si Jésus a prédit que l’un de »ses disciples le trahiroit, qu’un autre le renieroit : » comment n’ont-ils pas reconnu dans lui un Dieu » dont ils dévoient redouter la vengeance ? corn» ment ont-ils pu, après cela, le trahir et le renier ? » Celse, avec toutes ses lumières, ne voit pas qu’il y a contradiction dans son raisonnement. Car si Jésus a prévu comme Dieu ce qui arriverait, et s’il n’est pas possible que la prescience divine se trompe, (Page;2.) j] n’e'toit pas possible par conséquent que Judas ne fût point traître, ni Pierre infidèle. Autrement la double prediction ne se ve'rifioitpas ; et Jésus, après avoir donné à l’un l’avis qu’il le trahiroit, à l’autre qu’il le rcnieroit, n’étoit plus qu’un faux prophète , si la chose n’avoit pas eu lieu comme elle avoit été prédite. En prévoyant que Judas alloit le trahir et Pierre le renier, Jésus lisoit au fond de leurs cœurs; il y voyoit, dans l’un la corruption qui le poussoit au crime, dans l’autre la foiblesse qui alloit le porter à renier son maître ; mais sans que cette prévoyance influât sur la détermination de l’un , sur le caractère de l’autre..... La conséquence de Celse n’est donc pas plus vraie que son principe ; la voici : « Puisqu’il étoit Dieu, et qu’il avoit prédit ces >יchoses, il falloit nécessairement qu’elles arrivas» sent. Un Dieu aura donc fait des impies, des scélé-»rats, de ses disciples, de ses prophètes, avec qui «il vivoit dans la plus intime familiarité, lui qui de-»voit faire du bien à tout le monde, et plus parti-»culièrement à ses amis! Jamais homme n’a tendu »de piège à un autre homme qui mange avec lui à » la même table ; et voici un Dieu qui permet qu’on » lui tende des pièges ! qui plus est, c’est ce Dieu lui-»même qui tend des pièges à ceux qui mangent »avec lui, qui en fait des traîtres et des scélérats ! » Vous voulez que je réponde à tout, sans faire grâce à ce qu’il y a même de plus frivole: je répondrai à celte objection, toute futile qu’elle est. Celse (Page73.) s’imagine qu’une chose prédite en vertu d’une près-cience divine , n’arrive que parce qu’elle a été prédite; ce n’est pas ce que nous disons. Nous ne croyons pas que celui qui a prédit, soit cause qu’une chose arriveroit, parce qu’il a prédit qu’elle arriveroit. Nous disons que la chose devant arriver, prédite ou non ; c’est elle qui donne à celui qui connaît l’avenir l’occasion de la prédire. La divine intelligence à qui rien n’est caché, aperçoit, entre deux choses qui peuvent arriver, celle qui arrivera. Nous ne disons point que cette connois-sance enlève à la chose prédite la possibilité d’arriver ou de n’arriver pas ; comme si l’on se disoit à soi-même : Telle chose s’exécutera nécessairement, et il est impossible qu’elle manque. C’est ainsi qu’il faut entendre toutes les prédictions sur les événemens qui restent soumis à notre volonté. Appliquons ce principe au fait de la trahison de Judas ; et si vous voulez même , joignons-y un autre exemple tiré de l’histoire profane, en supposant pour un moment qu’il soit vrai. Nous lisons dans le cent huitième psaume commençantpar ces mots : Seigneurj ne retenez pas ma gloire dans le silence, où le prophète ayant en vue notre Sauveur, dit : La bouche du méchant et du perfide s3est ouverte contre mpi; nous y lisons, non pas seulement la trahison de Judas prédite expressément, mais que le principe de cette trahison seroit dans lui-mème, et qu’en conséquence il se rendoit par son propre choix digne des anathèmes énoncés dans la prophétie : Qu’ils tombent sur lui, y est-il dit ,parce qu’il ne s’est pas souvenu de faire miséricorde, et qu’il a persécuté (Ps. cvui. 1«5,16. 17.) l’homme malheureux et délaissé. Il étoit donc libre à Judas de faire miséricorde ; de ne point persécuter comme il l’a fait. Mais parce qu’au lieu de faire ce qu’il pouvoit, il a trahi ; il s’est rendu digne des malédictions du prophète. Venons maintenant à l’histoire profane. Je citerai la réponse de l’oracle à Laïus dans la tragédie d’Euripide : « Gardez-vous d’avoir des enfans malgré les dieux ; si vous avez un fds , il vous donnera la mort, et toute votre maison nagera dans le sang. Ces paroles prouvent bien qu’il auroit été possible à Laïus de n’avoir pas d’en-fans ; et que, dans un choix contraire, il s’exposoit à tous ces affreux événemens qui ensanglantèrent la maison d’OEdipe , de Jocaste et de ses enfans.
I Vous dites à un malade pour le détourner de y consulter un médecin : Si votre destinée est de »guérir, vous guérirez, que vous consultiez ou non »le médecin; si au contraire votre destinée est de »ne pas guérir, vous ne guérirez point, que vous »appeliez le médecin ou que vous ne l’appeliez pas.» Ce n’est là qu’un sophisme auquel on répond par cette plaisanterie : Si c.’esl votre destinée d’avoir des enfans, vous en aurez, que vous vous mariiez ou que vous ne vous mariiez pas ; si c’est votre destinée de n’en point avoir, vous n’en aurez point, marié ou non, n’importe. Or, assurément votre destinée est d’avoir ou de n’avoir pas d’enfans ; c’est donc vai-nement que vous vous marieriez. La conclusion est fausse, parce qu’on ne peut avoir des enfans sans une femme. Elle n’esl pas plus vraie quant à l’autre exemple. Parce que vous ne pouvez pas guérir sans médecin , il est nécessaire d’en appeler ; il est donc (Pageyi.) faux de dire que c’est vainement qu’on fait venir le médecin.
«Puisque Jésus éloit Dieu, et qu’il avoit prédit »ces choses, il falloit absolument, nous dit le »grand philosophe Celse, qu’elles arrivassent.» Si par ces termes il falloil absolument il entend : il est nécessaire י il se trompe. S’il entend simple-ment : Cela sera sûrementי ce qui n’empèche pas que la chose puisse pourtant ne pas arriver; nous le lui accordons. Et de ce que Jésus a prédit à ses disciples, que l’un d’eux le trahiroit, l’autre le re-nieroit; il ne s’ensuit nullement qu’il ait été la cause de la perfidie et de la lâcheté. Jésus, à qui selon nous, le cœur de l’homme est ouvert, connaissant toute la corruption de celui de Judas, le voyant do-miné par la soif de l’or, et sans attachement pour son maître, lui dit entre autres choses : Celui qui (Ma״h ) met avec moi la main dans le plat me trahira.
« Jamais homme n’a tendu de pièges à un autre »homme mangeant avec lui à une même table. » Cette assertion est démentie par toutes les histoires. « A plus forte raison un Dieu. » Quelle preuve nous donne-t-on de cette conséquence par rapport, à Jésus-Christ ?
(Page;5.) « Si Jésus a souffert parce qu’il l’a voulu, et pour» obéir à son Père, il est évident que tout ce qu'il » a pu souffrir ainsi volontairement n’a pu lui eau» ser ni peine ni douleur. »
Autre contradiction. Car, dès qu’il accorde que Jésus a souffert, tant parce qu’il l’a bien voulu, que pour obéir à son Père , nous ù’en demandons pas davantage. Il a souffert comme victime pour nous ; et s’il a souffert, il est impossible que ce que ses bourreaux lui ont fait souffrir ne lui ait causé ni peine ni douleur. Il n’y a point de victimes sans souffrance, point de souffrance qui ne soit une impies-sion pénible et douloureuse. L’erreur de notre adversaire vient ici de ce qu’il ne considère pas que Jésus ayant pris un corps tout semblable au nôtre , s’est conséquemment assujetti aux mêmes sensations ; de telle sorte, que l’ayant une fois pris , il n’a plus été en son pouvoir de s’exempter de la douleur qu’éprouve le corps, quand il endure de mauvais traitemens de la part des hommes. Il ne tenoit qu’à lui de ne point torn-ber entre leurs mains, s’il l’eut voulu: s’il l’afaitK c’est qu'il a bien voulu se sacrifier au salut des bommes.
Après cela, Celse changeant de batterie, veut faire croire que Jésus « succombant en effet sous » le poids des angoisses qu’il éprouvoit, ne les » auroit endurées qu'avec impatience : il s’afllige, » il se lamente ,il demande avec instance d’être dé-» livré de la crainte de la mort : Mon Père, s’écrie-t-il, si ce calice peut s’éloigner de moi ! »
Quelle mauvaise foi! Sans tenir compte aux évangélistes de la candeur avec laquelle ils nous apprennent ce qu’il dépendait d’eux de taire ; il suppose même ce qu’ils ne disent pas. Où voit-on que Jésus se soit lamenté? nous lisons bien qu'il s’est écrié : Mon P ère, s’il est possible que ce calice s’éloi-gne de moi! (Matth xxvi 39) Celse qui rapporte ces paroles auroit dû ne pas supprimer celles qui suivent immédia-tement, et qui laissent voir toute la grandeur d’âme de Jésus , ainsi que sa résignation à la volonté de Dieu son Père : Toutefois que votre volonté se fasse, et non pas la mienne. Il passe pour la même raison sous silence cet autre passage qui suit peu après : (Page;»;.) Si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite. (fbid.)
Celse imite en cela l’usage où sont nos ennemis, quand ils entendent lire nos saintes Ecritures ; ils la tronquent pour la rendre odieuse. Par exemple, ils recueillent bien ces paroles qu’ils ont grand soin (Deut., xxxii. 39·) de nous reprocher : Je ferai mourir ; mais ils n’a-joutentpas avec elles :Et je ferai vivre. Ce qui signifie que, si Dieu donne la mort aux me'clians qui ne vivent que pour la mort publique ; il donne une vie bien plus excellente que cette vie passagère à ceux qui meurent au péché. Ils retiennent bien ces mots :Je frapperai, je blesserai-, ils suppriment ceux-ci : Je guérirai. (Isa., lviii. 17,18) Il se compare à un médecin qui ne plonge le fer dans la blessure, que pour en extirper le venin, et rendre la santé à tout le corps.
(Page 77·) Du maître, notre philosophe passe aux disciples. «Vous n’avez, leur dit-il, que des fables à nous » débiter sur leur compte; et des fables auxquelles »vous ne savez seulement pas donner les couleurs »de la vraisemblance. »
J’ai répondu déjà qu’il leur en auroit encore bien moins coûté, ou de dissimuler ce qui ne semble ne leur être pas favorable , ou de n’en rien dire du tout. Car enfin, qui penserait à s’en prévaloir contre nous, s’ils ne nous !,avoient transmis ? Celse n’a pas réfléchi combien il étoit maladroit de faire aux mêmes personnes deux reproches aussi contraires; l’un de s’être laissé tromper, en croyant que Jésus étoit le Dieu que les prophètes avoient annoncé; l’autre d’avoir voulu tromper, en assurant de lui des choses qu’ils savoient être fausses. Ou ils ont été dans la bonne foi, et ont écrit ce qu’ils croyaient : ou ils ont voulu en imposer, et par conséquent n’ont pas été eux-mêmes abusés.
Celse continue : « Il y en a parmi vous qui, ressemblant à des gens ivres, changent à discrétion les textes de l’Evangile, pour pouvoir nier ce qu’on leur objecte. » Pour moi, je ne vois personne à qui ce reproche doive s’appliquer, à l’exception des sectateurs de Marcion, de Valentin et peut-être de Lucain (1). Mais est-ce à !,Evangile même qu’il faut s’en prendre plutôt et uniquement, qu’à ceux qui ont la sacrilège audace d’en altérer les paroles ? Comme on auroit tort de mettre sur le compte de la philosophie les erreurs des sophistes־, de même on ne pourroit, sans injustice , rendre le véritable christianisme responsable de l’altération des Evangiles et de la coupable témérité de ceux qui donnent naissance à des hérésies contraires à la doc-trine de Jésus-Christ.
(1) Marcion et λ alentin sont assez connus par les écrits oit leurs erreurs sont exposées et combattues. Lucain (ou Lucien )ne l’est pas au tant. C’étoit un disciple du premier, tjui se détacha de l’école de son maître pour faire une secte à part. Tertuilien en parle comme ayan1 allié les blasphèmes de Marcion à ceux de Cerdou. Prœscript. cap. 1.P pag. 253, edit. Rig.
Celse poursuivant son cours de calomnies , (Page 78.) fait un nouveau procès aux chrétiens sur !’application des prophéties à la personne de Jésus. « 11 y a, dit-il, » une infinité d’autres à qui l’on pourroit les rappor-» ter avec bien plus de vraisemblance. » Un homme qui se pique comme lui d’une rigoureuse exactitude dans ses assertions, auroitbien dû ne pas glisser aussi légèrement sur celle-ci. Il auroit dû entree dans quelques détails , et sur ces prophéties et sur nos interprétations, et sur les personnages qu’il prétend substituer. Est-ce avec quelques mots prononcés d’un ton décisif qu’il a pu se flatter de résoudre des questions de cette importance , et de renverser d’un souffle l’inébranlable fondement sur lequel porte la foi des chrétiens ?
A défaut de preuves, il se replie sur les objections qu’il a déjà faites : « Que les prophètes par» lent du Messie comme d’un puissant monarque ״ » et d’un glorieux conquérant.» Caractères qui selon lui ne se retrouvent pas dans Jésus. « S’il étoit » le Fils de Dieu, il devoit en être de lui comme du »soleil qui faisant découvrir toutes choses par sa (Page‘79.) »lumière, fait qu’on le découvre lui-même le premier. »
Bien que nous ayons déjà répondu à ces difficultés, nous dirons que ce qu’il demande ici s’est réellement exécuté. Car on a vu à son avènement, (Ps. lxx. 17.) Fleurir la justice et abonder la paiæ; témoin cette paix profonde qui accompagnaet suivitsa naissance; Dieu qui voulait préparer les nations à recevoir la doctrine de son divin Fils , les ayant toutes assujetties à un seul prince, et ramassées en quelque sorte dans un même corps, pour empêcher que la diffé-pence de domination ne mît obstacle à la prédication des apôtres , à qui l’univers tout entier étoit donné pour théâtre de leur zèle. Que seroit-il en-core arrivé , si le monde eut été partagé en divers états divisés d’intérêts comme de gouvernemens, ainsi qu’il l’étoit avant le règne d’Auguste ? Une doctrine toute pacifique, qui ne permet pas même de repousser les injures, auroit-elle pu s’y établir, si la venue de Jésus-Christ n’avoit fait partout suc-céder le calme à l’orage ? (Page80.) Qu’après cela Celse nous demande : « Qu’est-ce donc que Jésus a fait de si grand , de si héroïque , pour constater qu’il fut Dieu?» Que lui répondrons-nous, sinon que la terre a tremblé, que les pierres se sont fendues, que les sépulcres se sont ouverts, que le voile du temple s’est déchiré depuis le haut jusqu’en bas, que le soleil s’est éclipsé, et que la terre s’est cou-verte de ténèbres. Que s’il n’admet l’autorité de nos évangiles, que quand il y voit quelque matière d’accusation contre les chrétiens, et s’il les rejette, quand ils établissent la divinité de Jésus; nous lui dirons : Ou refusez absolument d’y croire, et cessez de nous les opposer; ou croyez-les en tout, et ad-mirez avec nous le Verbe de Dieu qui s’est fait homme pour sauver tous les hommes. N’est-ce donc pas quelque chose de grand d’imprimer encore aujourd’hui à son seul nom une verlu qui arrache a leurs maladies tous ceux que Dieu juge à propos de guérir ? Quant à l’éclipse et au tremblement de terre qui survinrent à la mort de Jésus, Phlégon en parle aussi, je crois, dans le troisième livre de son histoire.
(PageSi.) Mais autant notre adversaire est exact à supprimer toutes les preuves de la divinité de Jésus-Christ; autant l’est-il à choisir dans l’Evangile tout ce qui lui paroît propre à devenir l’objet de ses sarcasmes ; les risées des Juifs et des Gentils , la robe de pourpre, la couronne d’épines, le roseau mis à la main de Jésus. Mais encore une lois , d’où sauriez-vous tout cela, si nos évangiles ne vous Γ avoient appris? Croyez-vous que leurs auteurs n’aient pas prévu, non-seulement que vous et vos semblables le tourneriez en ridicule; mais aussi que vous vous feriez mépriser par vos railleries impies contre un personnage qui s’est immolé lui-même avec tant de courage pour la religion ? Admirez plutôt et la candeur de nos écrivains , et l’héroïsme de Jésus , qui, au fort de la douleur, ne laisse pas échapper le moindre signe d’impatience ou de faiblesse , pas un soupir.
«Mais aujourd’hui du moins, pourquoi ne ma-»nifeste-l-ilpas sa divinité ; pourquoi n’efface-t-il pas » son ignominie, en châtiant avec éclat les injures ג) faites à son Père et à lui-même ? »
On pourroit de même demander aux Grecs qui reconnoissent la Providence cl qui admettent des prodiges : Pourquoi Dieu ne punit pas ceux qui
offensent la Divinité' et qui nient la Providence. La réponse des Grecs sera la nôtre, que nous fortifie־· rons encore de meilleures raisons.
Si Ton veut des prodiges, en voilà certes d’assez e'clatans;le soleil éclipsé, tant d’autres événemens surnaturels survenus à l’instant où il expire, té-inoignent bien que ce mort n’étoit pas un homme ordinaire, et qu’il y avoit dans ce crucifié quelque chose de divin.
Celse nous arrête : « Oui, des miracles comme (Page82.) »celui du sang mêlé avec l’eau qui jaillit de son » côté après sa mort! C’étoit peut-être cette liqueur » subtile que le poète fait circuler dans les veines » de ses dieux (1). »
(1) Homère, Iliade, liv. v, vers 3jo.
Qu’il plaisante tant qu’il voudra ; l’Evangile, qui ne plaisante pas, nous raconte, et nous le croyons , et ce seul fait suffit pour confondre son incrédulité, qu’après la mort de Jésus, un des soldats lui ayant percé le côté d’un coup de lance, il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui l’a vu en rend témoignage. Son témoi-״nage est véritable , et il sait qu’il dit vrai. Le sang- , et les liqueurs se figent dans tous les corps aussitôt (Joan., xix. 35.34) après la mort. Jésus mort, la vertu divine qui l’a-nimoit pendant sa vie l’accompagne après le der-nier soupir. Aussi le centurion romain, et tous ceux qui gardaient le corps de Jésus, témoins de ces prodiges, restent saisis de crainte, et s’écrient que cet homme étoit véritablement le Fils de Dieu. (Matth., χχνιι 54·)
Notre impitoyable critique nous reproche que Jésus, pressé de la soif « (que nous voyons tous » les jours les gens du peuple même supporter avec » patience ), ait pris avidement du fiel et du vinaigre. »
Il y a là sans doute un sens mystique. Mais nous nous contenterons de la réponse ordinaire : Que lés prophètes l’avoient prédit. Le Christ dit dans le psaume soixante-huit: Ils m’ont donné du fiel pour nourriture, et, dansmasoif, m’ont abreuvé de vinaigre. (Ps. LXVIII.22.) Que les Juifs nous apprennent qui tient ce langage dans le prophète ; qu’ils nous montrent dans toute leur histoire un autre que l’on ait rassasié de la sorte de fiel et de vinaigre; ou, s’ils sontréduitsànous dire que la prophétie ne peut s’entendre que du Messie qu’ils attendent, nous leur répliquerons : Pourquoi doncne pas l’entendre du Messie qui est venu? Que l’on réfléchisse sur cette prophétie antérieure de plusieurs siècles à Jésus, comme sur un grand nombre d’autres ; et l’on ne pourra s’empêcher de convenir que Jésus est celui que les prophètes ont annoncé comme le Christ et le Fils de Dieu.
Le Juif de Celse nous apostrophe de nouveau : Vous nous faites donc un crime, ô fidèles, de ce que nous ne reconnoissons pas votre Jésus pour Dieu : de ce que nous ne vous accordons » pas qu’il soit mort pour sauver les hommes, et > pour leur apprendre à souffrir ? מ
Oui, nous faisons un crime aux Juifs de ce que, nourris de la loi et des prophètes qui annonçaient Jésus-Christ, ils s’opiniâtrent dans leur incrédulité, sans avoir de réponse solide à opposer aux argu-mens qui la combattent.
Une insigne fausseté que le Juif de Celse ose (Page85.) avancer , c’est que « Jésus n’ayant pu, durant sa » vie , gagner personne , pas même ses disciples , » fut condamné à subir le dernier supplice. ע
Mais d’où venoit donc la mortelle envie que lui portaient les scribes , les prêtres et les pontifes, si-non de ce qu’ils voyaient que le peuple le suivait en foule jusque dans le désert, attiré soit par la grâce de ses discours, toujours accommodés à son intelligence , soit par l’éclat des miracles qui exci-toient l’admiration de ceux mêmes qui refusaient de croire à sa doctrine? « Il n’a pu gagner même »ses disciples qui eurent la faiblesse de l’abandon-»ner.» Oui, dans un temps où leur courage n’étoit pas encore aguerri. Mais quant à leur foi, c’est une calomnie de dire qu’ils l’eussent perdue ; car Pierre n’eut pas plus tô t renoncé son maître, que sen-tant l’énormité de sa faute , il sortit pour pleurer (Matth.,xxw.) amèrement. Les autres, abattus, consternés par ce qui lui arrivait, ne changèrent point de sentimens. Leur courage se releva bientôt, quand ils le virent ressuscité ; et ils n’en devinrent par la suite que plus fermes à le reconnoitre pour le Fils de Dieu....
(Page86.) « Les disciples de Jésus qui vivoient avec lui, » qui l’écoutoient comme leur maître, le voyant » expirer dans les tourmens, n’eurent garde d’affronter la mort pour lui et avec lui ; au contraire, I ils le renièrent avec Pierre : vous, aujourd’hui, I vous vous obstinez à mourir avec lui. »
Qu’ils aient montré alors de la faiblesse , ils étaient à peine initiés au christianisme. Mais le merveilleux changement qui depuis s’est opéré dans leurs personnes ; mais la fermeté et la hardiesse de leurs discours dans les synagogues; mais la fermeté invincible avec laquelle on les voit affronter les outrages, les supplices et la mort pour la confession du nom de Jésus-Christ, voilà ce dont Celse ne dit mot. Il n’a pas voulu entendre la prophétie de Jésus à Pierre : Lorsque tous serez vieux , vous étendrez les mains; désignant par-là, dit l’Ecriture, le genre de mort par lequel il devoit glorifier Dieu. (Joan., xxi. .8, 19.) Il n’a pas voulu remarquer non plus que l’apôtre Jacques, frère de l’apôtre Jean, fut décapité par l’ordre d’Hérode, (Act.,xn. 2.) pour la doctrine de Jésus ; que Pierre et les autres apôtres , menacés , fia-gellésparles Juifs, n’en continuoienl pas moins de prêcher hautement l’Evangile de Jésus ; qu’ils sortaient du conseil pleins de joie d’avoir été jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus ; donnant la preuve d’une constance supérieure à tout ce que les Grecs racontent de leurs philosophes.
N’est-cc donc point de la part de Celse une manifeste imposture de dire que « Tout ce que Jésus »ait pu faire pendant sa vie fut d’attirer à lui dix »malfaiteurs, mariniers ou publicains; et encore »ne vint-il pas à bout de les persuader tous. » Les Juifs dumoins sont de meilleure foi; ils conviennenl que Jésus se faisoit suivre non pas de dix , de cent, de mille personnes, mais de peuples entiers; de telle sorte que les déserts seuls étoient capables de contenir la multitude qui s’attachoit à ses pas , entraînée par ses discours et parses miracles. (Maith.x\, 38. xiv. 21.)
(Page8־.) « S’il n’a persuadé personne durant sa vie. » n’est-il pas absurde qu’après sa mort ses disci-»pies persuadent tant de monde, et comme ils le » veulent ? »
Pour raisonner juste, il devoit dire : Si les disciples de Jésus persuadent tant de monde après sa vie, combien lui-même n’a-t-il pas du en persuader par des discours et par des œuvres encore bien plus puissantes ?
Il nous interroge et se répond lui-même pour nous. « Quel motif a pu vous porter à le prendre »pour le Fils de Dieu? Parce qu’il guérissoit les »boiteux et les aveugles, qu’il ressuscitoit les » morts ? »
Oui sans doute, parce qu’il guérissoit les boiteux et les aveugles, nous avons raison de le regarder comme Fils de Dieu ; car c’e'toit par ces miracles que les prophètes l’avoient annoncé : Alors les yeux des aveugles seront ouverts , les oreilles des sourds entendront, et les boiteux bondiront comme les cerfs. (ΐ'Λ.,χχχν.5.) Quant aux morts qu’il a rendus à la vie : Si, c’e'toit une imposture des évangélistes, il est à croire qu’ils en auroient grossi le nombre bien davantage , et qu’ils auroient encore ajouté au merveilleux en les faisant rester long-temps dans le tombeau. Les évangélistes ne parlent que de (Pa״e88.) trois morts ressuscités ; la fdle d’un chef de la synagogue, le fils d’une veuve qu’on portait en terre, et Lazare , enterré depuis quatre jours. De même, dirai-je à des Juifs de meilleure foi, que , du temps du prophète Elisée, il y avoit plusieurs lépreux, et (1vReg.,v.) qu’un seul a été guéri, à savoir le Syrien Naaman; que son maître, le prophète Elie, ne fut envoyé que chez une seule veuve, à Sarepta, dans le pays (1nReg.,xvu.) des Sidoniens, seule, parmi tant d’autres veuves, jugée digne du miracle qu’il opéra en sa faveur: de même, dans le grand nombre de ceux qui moururent lorsque Jésus étoit sur la terre, il en choisit quelques-uns pour les rendre à la vie,'n’en vou-lanl pas davantage pour manifester la divinité de son Evangile. Qu’il fasse aujourd’hui, par le mi־ nislère des siens, de plus grands miracles encore (Join ri 12. Φ10) que durant sa vie, ainsi qu’il Γavoit promis à ses apôtres; c’est ce que je ne crains pas d’affirmer. Pour être moins sensibles, ils n’en sont pas moins merveilleux. Tous les jours les yeux des aveugles spirituels sont ouverts ; tons les jours les oreilles de ceux qui avoient été sourds jusqu’alors à la voix des prédicateurs évangéliques, écoutent avidement la parole de Dieu et les promesses de la vie éternelle ; les boiteux, ceux en qui l'homme intérieur, (Rom., v״.) selon la parole de !’Apôtre; étoit sans mouvement, guéris par la puissance de Jésus, bondissent, et foulent aux pieds les serpens et les scorpions, (Luc,x. !ÿ.) c’est-à-dire les démons, sans que leurs artifices et leur rage puissent leur nuire.
A propos de miracles, Jésus avait averti scs disciples de se tenir en garde contre ceux qui vou-droient, par des prestiges et de faux miracles, se faire passer pour le Christ. Si(/uelqu’un vous dit : Le Christ est ici ou là , n’en croyez rien ; car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes qui feront des prodiges si extraordinaires, que les élus, s’il étoit possible , seraient trompés. Plusieurs me diront en ce jour : Seigneur j Seigneur 3 n avons-nous pas chassé les démons et fait des miracles en votre nom? Je leur répondrai : Retirez-vous de moi, parce que (Matth.,xx!v. 25. VII. 22.) vous'etes des ouvriers d iniquité.
Celse, pour confondre les miracles de Jésus avec (Page-SQ.) les prestiges des imposteurs , s’écrie : « O lumière , » ô vérité! quoi! c’est Jésus lui-même qui nous יי assure dans les termes les plus clairs , comme » vos livres nous l’apprennent, que des médians , » des imposteurs , que Satan fera les mêmes œu-» vres que lui! Quelle folie n’est-ce donc pas de יי le prendre pour un Dieu , tandis que l’on re» garde comme des imposteurs ceux qui font les » mêmes choses que lui ? Jésus, vaincu par la force I de la vérité , se trahit lui-même en démasquant » ses semblables. »
La fausse interprétation que Celse nous donne ici des paroles de Jésus est encore une preuve de sa mauvaise foi. L’objection seroit spécieuse, si Jésus se fût borné à prévenir simplement ses disciples contre les faiseurs de prodiges. Mais il ne s’en tient pas là : il désigne précisément ceux qui veulent se faire passer pour le Christ, ce que n’osent pas faire les imposteurs. Il ajoute que des gens mêmes de mauvaises mœurs feroient des miracles en son nom: or,bien loin de se confondre avec les vrais miracles, ces vains prestiges en sont par-là clairement distingués, et ne servent qu’à faire ressortir davantage l’autorité des vrais miracles, puisque la vertu de son nom est telle , qu’elle fait opérer aux médians des prodiges semblables à c£ux de Jésus et de ses disciples.
(Page go) Observez encore qu’il n’est dit nulle part que ces prestiges doivent ressembler aux vrais miracles. Par exemple, le pouvoir des magiciens de l’Egypte étoit bien différent de la grâce surnaturelle qui opé-roit dans Moïse; le dénouaient fit bien voir que leurs prétendus prodiges n’étoient rien que des productions de leur art magique , et que les mira-clés de Moïse étoient des effets de la vertu de Dieu. Les conséquences d’ailleurs établissent une grande différence entre les uns et les autres. Le fruit des miracles de Jésus-Christ et de ses disciples est la conversion et le salut. Qui pourra soupçonner d’imposture de semblables miracles, et les confondre avec les prestiges ? Mais parce qu’il y auroit de faux miracles , s’ensuit-il qu’il n’y en ail pas de vrais? Quoi ! dirons-nous à nos ennemis , le démon auroit la puissance de faire des choses au-dessus de la nature , et la divine toute-puissance ne le pourrait pas! Tout ce qu’il y a de mal se trouverait parmi les hommes, et ce qu’il y a de bien serait interdit à Dieu! N’est-il pas plus raisonnable de croire, comme principe général, que partout où l’on voit le mal sous une apparence de bien, il faut en conclure que le bien qui lui est opposé s’y rencontre pareillement ? (Pagegi.) Si on nie le bien, il faut nécessairement nier le mal ;mais si on admet le mal, on ne peut se dispenser d’admettre le bien. Prétendre qu’il y a des prestiges trompeurs, sans qu’il y ait des miracles produits par une nature divine, ce serait soutenir qu’il y a des sophismes qui ressemblent à la vérité, et que. cependant il n’y a ni vérité , ni science pour discerner les rai-sonneinens justes d’avec les faux. Or, si nous ne pouvons reconnoitre de prestiges, d’opérations des démons et de l’art magique sans reconnoitre aussi une nature divine, capable d’opérer des miracles ; pourquoi n’examinerions-nous pas les mœurs et la doctrine de ceux qui se donnent pour thaumaturges, et les suites de leurs prodiges , pour en faire par-là le discernement .
Dépouillons tout préjugé sur les prodiges. Gar-dons-nous,ou de les décrier tous comme des illusions , ou de les admirer tous comme les œuvres de la Divinité. Examinons à quel principe ils remontent, dans quel dessein ils sont opérés ; s’ils ont été nuisibles ou utiles aux hommes ; s’il les ont portés à la vertu, amenés au culte du vrai Dieu. En appliquant cette règle aux miracles de Moïse et de Jésus, n’en résultera-t-il pas incon-teslablement que des prodiges qui ont servi de fondement à deux grandes sociétés, ne peuvent venir que du ciel? Est-ce la magie avec ses artifices et ses vains prestiges qui auroit pu donner naissance à une religion qui détache tout un peu-pie. non-seulement du culte des idoles et de toute superstition, mais de tous les êtres créés, pour l’élever jusqu’à Dieu, le principe éternel de toutes choses ?....
(Page <).5.) Celse combat de toutes ses forces la résurrection de Jésus-Christ. Pour affaiblir ce qu’elle a de mi-raculeux, il la compare avec de prétendues résur-rections rapportées par les historiens grecs, par exemple , dans !’histoire d’Orphée, de Protésilas. d’IIercule et de Thésée , de certains autres héros des temps fabuleux, dont il convient que l’opi-nion qui s’en est établie en divers lieux n’avoit d’autre fondement que l’adresse avec laquelle ils avoient su se soustraire pour quelque temps aux regards publics , pour reparoître ensuite ; ce qui a pu faire croire qu’ils étaient morts et ressuscités. Mais il est impossible d’alléguer ici rien de sembla-ble. Jésus-Christ ayant été crucifié aux yeux de toute la Judée , et son corps ayant été détaché de la croix en présence d’un si grand nombre de té-moins , devenoit-il possible d’accréditer la fable de sa résurrection, comme on l’a fait pour celle des héros des temps antiques ? Le parallèle que l’on fait ici de ces prétendues résurrections avec celle de Jésus pourvoit peut-être nous servir à dimi-nucr le scandale de sa croix. Car supposons que Jésus-Christ eut terminé sa vie obscurément, sans donner à la nation tout entière l’authentique té-moignage de sa mort, et qu’il fat après cela res-suscité , quelle confiance celle résurrection auroil-elle obtenue ? La certitude de sa mort devenait donc le premier fondement du miracle de sa ré-surrection.
Au reste la preuve la plus convaincante de la insurrection de Je'sus-Christ, c’est la conduite de ses apôtres. Auroient-ils embrassé avec un aussi invincible courage cette foi de la résurrection, si elle n’eut pas été bien avérée ? Si ce n’eût été qu’une fable inventée parles hommes , l’aüroient-ils soutenue, prêchée avec assez de force et de zèle pour inspirer aux autres le mépris de la mort? Auroient-ils été les premiers à sceller leur prédication de tout leur sang?
Il sied bien au Juif de Celse de nier la possibilité de la résurrection, dont ses livres lui montrent plusieurs exemples. Mais ce qui rend celle de Jésus et plus authentique et plus admirable qu’aucune autre dont il soit parlé dans l’ancien Testament, c'est qu’elle avoit été prédite avec toutes ses circonstances; (Page96.) c’est qu’elle a pour auteur non des prophètes , mais Dieu lui-même ; c'est que le genre humain en a recueilli le bienfait.
« Vous dites que Jésus ressuscité montra sur son » corps les marques de ses plaies, et dans ses mains » les cavités que les clous y avoient faites. Mais qui »les a vues? peut-être une femme fanatique. Qui י> encore? une autre de la même cabale? »
Ainsi parle Celse, et il s’évertue à prouver, d’après l’école de son maître Epicure, que l’imagination peut se faire l’idée d’un mort comme s’il étoit vivant. Que cela arrive en songe, il n’y a rien d’extraordinaire, mais en veillant, il faut être en dé-inence ou hypocondriaque. Que s’il nous conteste le témoignage de Madeleine, pourra-t-il récuser celui de l’apôtre saint Thomas, d’abord incrédule au rapport de l’Evangile? Celui-là étoit bien loin d’être persuadé qu’un mort pût ressusciter avec le même corps. Il ne se contentoit pas de dire : Si je ne vois, je ne croirai pas ; il ajoutait : A moins (Page9; )que je ne porte ma main oit étaient les clous, et que je ne touche son côté. Jésus veut bien se rendre à son désir: Thomas, mettez- le doigt ici״ voyez mes mains , mettez la vôtre à mon côté; et ne soyez pas incrédule, mais fidèle. Il convenait sans doute que (30“"t'suhr.'°) les oracles qui avaient été rendus sur le Messie , que ses actions, que les événement de sa vie fussent, pour ainsi dire, couronnés par le plus frappant des prodiges , par la résurrection qui avait été aussi prédite. Le Psalmiste disoit au nom de Jésus : Seigneur, ma chair reposera dans Γ espérance ,parce que vous ne laisserez pas mon âme dans le séjour de la mort, et que vous ne permettrez pas que votre Saint éprouve la corruption. (ps. xv. 9,)
Celse nous fait une objection plus sérieuse. "Si (PageoS.) «Jésus a voulu faire connaître sa divinité, il devait «se montrer à ses ennemis, au juge qui l’avoil «condamné, à tout le peuple.» L* Évangile nous apprend en effet que depuis sa résurrection, Jésus, loin de se montrer à tout le monde. n’étoit pas toujours avec ses disciples. Saint Paul, vers la fin de sa première épître aux Corinthiens, témoigne assez; que Jésus ne se laissait plus voir comme il avoit fait avant sa passion. Je vous ai premièrement ensei-gné, leur écrit-il, et comme donné en dépôt ce que j’avais moi-même reçu, savoir que Jésus-Christ a. souffert la mort pour nos péchés, selon les Écritures ; qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les mêmes Écritures ; qu’il s’est fait voir à Céphas, puis aux douze ; qu’après il a été vu de plus de cinq cents frères à la fois dont la plupart vivent encore et quelques-uns sont morts; qu’en-suite il s’est fait voir à Jacques, puis à tous les apô-très, et qu’enfin, après tous les autres, il s’est fait voir à moi-même qui ne suis qu’un avorton. (i Cor., .5.-8.) C’est un grand sujet d’étonnement, je ne dis pas seule-ment pour le commun des fidèles, mais pour les plus instruits, que Jésus ne se soit pas fait voir après sa résurrection comme auparavant. Voyons si nous ne pourrons pas en donner quelques rai-sons satisfaisantes.
(Page9ע·) Jésus, quoique toujours un en soi, ne s’offroit pas à toutes les intelligences, ni à tous les regards, sous un seul et même aspect״ Il se multipliait en quelque sorte par la diversité des rapports qu’il éloit venu établir avec les hommes, selon les de-grés de leur intelligence. Il disoit de lui-même : Je suis la voie , la vérité , la vie ; je suis le pain vivant descendu du ciel כ je suis la porte par où il faut (Lan.,.'׳.״.) entrer pour être sauvé. Dans sa transfiguration, il ne se laissa voir qu’à trois de ses disciples, ne jugeant pas les autres en e'tat de soutenir l’e'clat de sa gloire, (?Jaiih., xv״.) de contempler même celle de Moïse et d’Elie , d’entendre leurs discours, et la voie céleste qui sor-lit d’une nuée. Avant qu’il eût dépouillé les principautés et les puissances, avant d’être mort au péché, (Colo־., n. !5.) il étoit visible pour tout le monde. Cependant il ne se faisait pas voir à tous de même, ni dans toutes les circonstances. Mais depuis qu’il a mené en triomphe toutes les puissancesי qu’il a dépouillé ce (Goto) qu’il avoit de sensible pour la multitude, est-il étonnant qu’il ne soit plus vu de tous ceux qui le voyaient auparavant? Il ne se laisse plus -voir en tout temps même à scs apôtres; ce n’est que succès-sivement et par intervalles qu’il se découvre à eux.
Les rayons continus de sa divinité les eussent éblouis, aveuglés. Les apparitions du Seigneur à Abraham et à d’autres justes n’étoient que de loin (page101.) à loin, et pour un petit nombre de personnes. Le Fils de Dieu en a usé à peu près de même après sa résurrection. Comment Celse peut-il nous objecter que « Jésus auroit dû se manifester à son juge, à »ses ennemis, à tous enfin? » Eloient-ils capables de le voir, de soutenir l’éclal de sa divinité? «Il n’a »été envoyé, dit Celse, que pour être connu. » Non , il l’a été aussi pour être caché. Ceux mêmes (pii font connu, ne l’ont pas connu tout entier; il a e'té entiè-rement méconnu par d’autres; il n’en est pas moins vrai qu’il a ouvert les portes de la lumière aux enfans de la nuit et des te'nèbres, qui se sont ef-forcés de devenir les enfans du jour et de la lumière.(h fhess., v. .5 )(Page 102.)
« Il devait ( selon la demande qui lui en étoit »faite ) descendre de sa croix quand il y étoit »attaché, en disparaître tout à coup , afin de prou-»ver sa divinité. »
Il me semble entendre les détracteurs de la Pro-vidence, quand ils bâtissent eux-mêmes à leur fan-taisie un autre monde qu’ils prétendent bien plus parfait que le nôtre ; et, avec toute la pompe de leur description, ils ne font qu’ajouter de nouveaux dés-ordres à cçux dont ils accusent le monde actuel, et prêter au ridicule.
Il n’y a pas de doute que Jésus Homme-Dieu n’eut pu descendre à son gré de la croix, et dispa-roître. L’Evangile nous apprend qu’après sa ré-surrection, ayant pris du pain qu’il bénit et pré-senta à Simon et à Cléophas, aussitôt leurs yeux s’ouvrirent,(Luc, xxiv.30.) et il disparut après s’être fait connoî-tre à eux. Mais éloit-il à propos pour les desseins de Jésus de disparoîlre de dessus la croix ? Une fois résolu de subir le supplice delà croix , il fallait en conséquence qu’il éprouvât tout ce qui en est la suite: (Ibid ,26.) qu’il souffrît, qu’il mourût, qu’il lût enseveli comme un homme ordinaire.Supposons même que les évangélistes eussent écrit que Jésus disparut de dessus la croix, Celse et les autres incrédules ne trouveroient-ils pas encore matière à chicaner ? Ne diroient-ils pas : Pourquoi n’a-t-il disparu qu’a-près son supplice ? Mais s’ils censurent ce qu’ils ont appris des évangélistes touchant la mort de Jésus, pourquoi ne les croiront-ils pas aussi dans ce qu’ils nous rapportent de sa résurrection, de ses apparitions, tantôt à ses disciples, quoique les portes de la chambre où ils se tenaient fussent fermées, tantôt à deux d’entre eux,(Page 103.) devant qui il disparut tout à coup, après leur avoir présenté le pain, et s’être entretenu quelque temps avec eux?...
(Page 110.) Celse conclut toujours par la bouche de son Juif, que «Jésus ne fut qu’un homme. »
Quant à moi, j’ignore comment un homme, en lui supposant le hardi projet d’amener l’univers tout entier à sa doctrine, et à une religion nouvelle, aurait pu y réussir, sans le secours d’une protection toute divine ; comment il aurait pu vaincre tous les obstacles, triompher des empereurs, du sénat romain, des peuples et des rois conjurés contre sa doctrine ; comment un homme réduit aux seules forces de la nature serait venu à bout de persuader une aussi vaste multitude , conquérir la croyance et réformer les mœurs, je ne dis pas seulement des sages, mais ce qui était, ce semble, plus impossible, clés hommes. ensevelis dans les passions, incapables de réflexion, et par conséquent d’être ramenés à la vertu. Pourquoi Jésus-Christ l’a-t-il fait, pourquoi le fait-il encore? c’est parce qu’il étoit incontestablement la puissance et la sagesse de Dieu.
(Page 112.) Livre troisième. A entendre Celse: « Rien de fri» vole et de ridicule comme la controverse des Juifs »avec les chrétiens. On croit de part et d’autre que »l’esprit de Dieu a prédit la venue d’un Messie »Sauveurdu genre humain. Est-il venu? ne l’est-il » pas ? voilà sur quoi roule toute la contestation. »
Il est certain que nous autres chrétiens, nous croyons que Jésus est celui dont la venue avoit été prédite par les prophètes ; il l’est également que la plupart des Juifs ne le croient point. Leurs pères, ceux qui vivoient de son temps, se sont, déclarés contre lui; et ceux de nos jours, partageant les mêmes préventions , n’en parlent que comme d’un imposteur qui essaya par de criminelles manœuvres de se faire passer pour le Christ des prophètes.
Je demanderai à Celse et à ses adhérens : Est-ce une question frivole d’examiner si les prophètes des Juifs ont prédit le lieu où devoit naître le chef d’un nouveau peuple de Dieu ; s’ils ont prédit qu’une vierge concevrait l’Emmanuel; qu’il ferait telles et telles œuvres extraordinaires; que sa doc-trine se répandroit avec une prodigieuse rapidité', et que la voix de ses apôtres se ferait entendre dans tous les lieux du inonde ; qu’après avoir été condamné et mis à mort par les Juifs, il ressusciterait? Les prophètes avoient-ils fait toutes ces prédictions au hasard, et sans qu’aucune apparence de raison les portât, non-seulement à les faire de vive voix, mais à les consigner dans leurs écrits ? Est-il vraisemblable qu’une nation comme celle des Juifs, qui avoit depuis plusieurs siècles son établissement fixe, établît sans motif des différences entre les uns pour les admettre comme de vrais pro-phèles , les autres pour les rejeter comme des imposteurs ?N’en ont-ils pas eu pour insérer les premiers dans leur canon à la suite des livres de Moïse, qu’ils regardoient comme sacrés ? Si l’on veut creuser plus avant, par quels argmnens ces critiques, qui reprochent aux Juifs et aux chrétiens une stupide crédulité, prouveront-ils qu’au milieu de tant de (Page 115.) nations qui avaient leurs prophètes et leurs oracles, les Juifs seuls n’aient pas eu les leurs? Les autres peuples vantoientbien les prodiges qui se faisaient chez eux. Celse lui-même en rapporte un grand nombre. Et les Juifs, qui faisoient profession d’être seuls consacrés au Dieu suprême de l’univers, n’au־ raient eu chez eux aucune espèce de prodiges pour soutenir leur foi et leur espérance ? N’au-roient-ils pas abandonné un Dieu qui n’aurait été puissant qu’en paroles, pour les prétendues divi-nite's qui avoient la réputation de pre'dire l’avenir et de guérir les maladies ?
(ragen4·) Ennemi commun des Juifs et des chrétiens. Celse prétend que ceux qui se sont attache's à la doctrine de Je'sus, le prenant pour le Messie, en ont agi avec les Juifs comme ceux-ci avec les Egyptiens ; et que les uns et les autres ne seroient que des transfuges de la religion de leurs pères. Il faut donc venger à la fois les Juifs et les chrétiens. Les pre-miers avoient leur langue et leur e'criture particu-lières , avant qu’ils arrivassent en Egypte, où la famine les avoit pousse's dutemps de leur patriarche Jacob. La preuve , c’est que leurs noms et ceux de leurs enfans sont hébreux, et ne tiennent en rien de la langue égyptienne. S’ils eussent étéEgyp-tiens d’origine , ils en auroient gardé la langue; ou bien, en supposant que. leur haine contre ce peuple eût passé jusqu’à son idiome , ils auroienl adopté la langue syriaque ou phénicienne, plutôt que l’hébreu. Celse, qui les appelle des révoltés, s’unit aux Egyptiens , calomniateurs des Hébreux après en avoir été les oppresseurs. Il n’est pas plus vrai à l’égard des chrétiens, quandil dit que ce fut le même esprit de sédition qui, du temps de Jésus, porta une partie des Juifs à se séparer des autres pour le suivre. Nous défions Celse et ses partisans de prou-ver que les chrétiens aient jamais eu part à quelque sedition. Qu’il fut permis aux juifs derepousscr l’oppression par la force , à la bonne heure ; jamais aux chrétiens. (Malth., v. 39) Leur législateur leur a souvent interdit toutes représailles. Ce ne sont pas des séditieux qui adoptent un code de lois qui ordonne de se laisser égorger comme de timides agneaux; et à ne se venger jamais, sous aucun prétexte, (Page 115.) de ses plus violens persécuteurs. Ils aiment bien mieux se reposer du soin de la vengeance sur Dieu seul, qui a toujours combattu pour eux, et, quand il l’a fallu , a bien su mettre un frein à la fureur des princes et des peuples conjurés contre sa religion. 11 a permis qu’il y eût parmi eux, à divers intervallcs , des martyrs qui , par l’exemple de leur constance, affermissent la foi de leurs frères et leur apprissent à se mettre au-dessus de la crainte de la mort. Ils sont en petit nombre (1), et l’on peut aisément les compter. Dieu n’a jamais souffert que toute leur société fût détruite ; et il a voulu qu’elle subsistât pour répandre par toute la terre cette sainte et salutaire doctrine. Pour rassurer les foibles contre la crainte de la mort, il a dissipé plus d’une fois les complots formés contre ses disciples; il a empêché les souverains et les peuples de suivre les mouvemens de leur fureur.
(1) «Nous entendons, comme l’abbé Fleury, qu’ils sont en petit nom» bre, comparés â la multitude des fidèles. D’ailleuis, ce n’est qu’après »cet ouvrage d’Origène que l’E״Iise essuya les plus sanglantes persécutions, telles que celles de Dèce, de Dioclétien, de Maximin Daïa ; et »lorsqu’il l’écrivoit, !’Église étoit en paix depuis long temps, coin me il le »dit lui-même dans ce livre. » (Note de l’abbé de Gourcy.)
Autre calomnie insigne. « Si tous les hommes »vouloient se faire chrétiens, dit Celse, les chrétiens s’y opposeraient. »
Une aussi étrange assertion est démentie par ce qui se voit dans toutes les parties du monde , où les chrétiens s’appliquent autant qu’il est en eux à répandre la semence évangélique. Ils comptent partout des hommes dont l’unique occupation est d’aller par les villes el par les campagnes pour ן proposer le vrai culte de Dieu et la piété chrétienne. On ne les soupçonnera point de le faire dans aucune vue d’intérêt ; car il leur arrive souvent de refuser les choses même les plus nécessaires à la vie ; ou, si le besoin les force à recevoir quelque présent, ce n’est que pour la nécessité du moment, quelques offres, quelques instances qu’on puisse leur faire. Parce qu’il se rencontre aujourd’hui, dans l’immense quantité de chrétiens , (page 117) des gens riches et constitués en dignité , des femmes nées dans l’opulence et les délices, qui s’empressent de recevoir les apôtres ; peut-être on s’imaginera qu’il entre dans les motifs de leur zèle quelque sentiment de vaine gloire : mais dans les commencemens du christianisme, lorsqu’il n’étoit pas possible d’annoncer Jésus-Christ sans avoir à courir les plus grands dangers, un pareil soupçon eut clé sans fondement. Aujourd’hui encore , il est vrai de dire qu’il y a plus d’humiliations à attendre de la part des ennemis , que de gloire à espérer de la part des nôtres , si l’on peut appeler cela de la gloire.
Mais comment Celse prouvera-t-il ce qu’il avance ? « Dans les commcncemens , les chrétiens n’étoienl » qu’en très-petit nombre , et n’avoient qu’une » même doctrine. Dès qu’ils se sont multipliés , ils » se sont partagés en diverses sectes ; et chacun » prend parti selon son caprice. L’esprit séditieux מ a toujours été l’âme de celte religion. »
On ne peut nier que les chrétiens, à leurs com-mencemens, ne formaient pas un corps à beaucoup près aussi nombreux qu’à présent. Leur nombre cependant n’étoit pas si médiocre. Ce qui même en-veniina si violemment contre lui la haine des juifs , ce futdc voir la prodigieuse multitude d’hommes, de femmes, d’enfans qui le suivoient jusque dans le désert. Mais que leur nombre eut été d’abord peu considérable, qu’importe à la question ? « Ils n’avoient alors qu’une même doctrine. »Celan’est pas exact; car dès lors il y eut, entre les fidèles, partage d’opinions sur le sens de quelques passages des livres que nous regardons comme divins. Dès le temps même des apôtres, il s’éleva une grande dispute sur la loi et les observances judaïques ; les uns prétendant que les païens convertis étoient obligés de s’y conformer, les autres soutenant le contraire. Nous voyons par les épîtres de saint Paul, contemporain de ceux qui avaient vu Jésus-Christ , que tous ne pensoient pas de même sur certains dogmes, et que quelquesruns n’avoient pas une idée juste de nos mystères (1).
(1) λ'ον. Epist. S. Paul. 1 Cor. |v. 12. 11 Tint. 11. 18. 11 Thessal. 11, 2. 1 Tim. vi. 20.
(Page 118.) Celse invective contre la diversité d’opinions qui partagent les chrétiens. Je réponds qu’au lieu d’être un argument contre le christianisme, cette diversité en justifie l’excellence et la nécessité ; c’est le sort de toutes les bonnes et utiles institutions d’être soumises à des discussions qui amènent partage dans les sentimens. Combien dans la science de la médecine de sectes diverses parmi les Grecs et les barbares! La philosophie, qui nous promet la vérité et la connaissance de tout ce qui est, qui nous enseigne l’art de vivre et d’être heureux , n’a-t-elle pas enfanté une foule de sectes plus ou moins célèbres? Chez les juifs, les diverses interprétations des livres de Moïse et des prophètes n’en ont pas moins produit. De même la religion chrétienne, s’étant présentée avec des caractères de grandeur et de merveilleux, qui ont excité la curiosité non de quelques vils esclaves , comme Celse le prétend, mais d’un grand nombre de savans, parmi les Grecs eux-mêmes: il étoit naturel qu’il y eut différentes explications de tels passages des livres saints , mais qui ne portent, point sur le fonds du dogme. En estimera-t-on moins et la médecine , et la philoso-pliie , et la loi des juifs? IVaisonnons de meme par rapport au christianisme ; c’est dans ce sens que le mot de saint Pauline paroît admirable, quand il dit : Il faut qu’il y ait même des hérésies parmi vous j afin que les fidèles d’une foi à l’épreuve soient connus de tous. (!Cor.,1! .״)
Aussi celui-là est à l’épreuve en médecine, qui, (Pagenç!.) après avoir étudié soigneusement les principes des différentes e'coles, se détermine pour ceux qui lui paraissent le plus sûrs. Et dans la philosophie, on n’est véritablement habile et consommé, que lorsque l’on a adopté une secte, après avoir examiné et discuté à fond les dogmes d’un grand nombre d’autres. Le chrétien le plus éclairé est, à mon avis, celui qui commit parfaitement les sectes des Juifs et des chrétiens.
Quant à certaines sectes avec qui nous n’avons rien de commun, pas même le nom de Jésus-Christ; on auroit tort d’en rien inférer contre le christianisme.
Que Celse prête à notre société tel fondement qu’il lui plaira ; je lui répondrai toujours que notre croyance et notre secte ont pour unique fondement la puissance, la parole même de Dieu qui a inspiré ses prophètes pour nous annoncer la venue du Christ, Sauveur du genre humain. Plus les infidèles font de vains efforts pour nous contester ce principe, plus ils confirment notre persuasion dans la nécessite' de reconnoitre Jésus pour le Fils de Dieu, avant et après son incarnation. Je dis après son incarnation : car le voile meme dont son humanité éclipsoit sa divinité n’empêchoit point de reconnaître qu’il ne fût réellement le Verbe de Dieu, descendu du ciel; donc, que notre doctrine ne doit ni son origine , ni son accroissement a la sagesse humaine , mais à Dieu seul qui s’est manifesté par sa sagesse et par un grand nombre de prodiges ; qui a donné d’abord la loi des Juifs, et ensuite (Page !20.) celle des chrétiens. Nous avons montré que ni l’in-terèt, ni l’esprit de sédition, ne peuvent avoir donné naissance à une religion quia la force de changer les hommes et de les rendre vertueux. Ce n’est point non plus ni la crainte, ni la défiance. 11 y a même assez long-temps que, grace à Dieu, la crainte u’auroit plus d’objet (1). 11 est vrai que selon les apparences, le calme ne sera pas de longue duree (1). La calomnie, qui s’acharne contre nous, ne cesse de répandre que la cause des troubles actuels (2) vient du grand nombre de chrétiens, et de ce qu’on a cessé de les persécuter. Nous avons appris à ne pas nous relâcher dans la paix, à ne pas nous décourage!' dans la guerre, à ne nous séparer jamais de la charité de Jésus-Christ. Nous nous empressons de faire connoître les principes de notre sainte religion, loin de les cacher comme Celse l’imagine. Ceux qui demandent à l’embrasser, nous commençons par leur inspirer le mépris des idoles. Après les avoir détachés du culte des créatures, nous les élevons jusqu’au Créateur; nous leur faisons voir que le Christ est venu: nous le démontrons, et parles prophéties, et par les écrits îles apôtres qu’on a soin de mettre entre les mains de ceux qui peuvent les entendre.
(1) Origène , écrivant son'Tiaité contre Celse en l’an 2^g, selonla plus commune opinion , avoit droit d’avancer que !’Église jouissoil des don-ceins de la paix. La persécution de Alaxünin étoit cessée depuis douze ans ; et Philippe , sous qui il écrivait, laissa respirer les chrétiens. Quelques personnes ont prétendu même que ce prince avoit embrasse le christianisme. Elles fondent leur opinion sur l’assurance positive qu’en donnent Eusèbe , S. Jérôme, Orose , Vincent de Lérins. De là,Panée-docte : que Philippe se seroit soumis à la pénitence publique qui luj fut imposée à Antioche, par son évêque S. Babylas. S. Jean Chrysos-tôme ne le nomme point dans son panégyrique du saint évêque. Le P. Petan a doctement releve ces erreurs Doctr. temp. lib. 11, cap. xxv, pag/558. N’auroit-on pas confondu cet empereur, Arabe dOrigine , avec un autre Philippe, simple gouverneur d’Arabie, converti à la foi chre-tienne par Therène dont le nom ne se trouve point dans Barooius,ni dans Ruinait, et les autres agiograpbes ? Tillemont en parle d’après Mombritius , De vitis Sanctor. Mém. torn, v, pag. 55g. Nous n’avons plus les lettres qu’Origène adressa à l’empereur et à l’impératrice Severa son épouse.
(1) Le pressentiment d’Origène ne fut que trop justifié par la cruelle persécution qui s’éleva bientôt après par les ordres de Dèce, dont on peut voir l’histoire dans Tillemont., Mém. torn. 111, pag. 505, 562. saint Gyprien , de son côté, en avertissait les chrétiens de son temps. Epist. xi, pag. 186, edit. Oxon.
(2) Les troubles dont il est ici parlé, c’étoient probablement les révoltes partielles qui devancèrent celle de Dèce , et amenèrent la ruine de Philippe, comme on peut le voir dans l’iiistorien Zosime.
Celse nous accuse « de fasciner l’esprit des sim-pies par de chimériques terreurs. »
De quoi parle-t-il ? Apparemment du jugement de Dieu, où il sera demandé aux hommes compte de toutes leurs actions ; où les méchans seront punis, et les bons récompensés ? ]Niais c’est un dogme que nous prouvons solidement, et par nos écritures, et par des argumens lumineux. Il faut pourtant rendre justice à notre adversaire. Il convient qu’il faut s’abstenir de contredire le dogme des chàti-mens pour les méchans, et des récompenses pour les bons. Mais s’il admet la punition des méchans ; ce prétendu épouvantail qu’il nous reprochoit, que devient-il ? A l’entendre , nous avons ramassé de vieux contes , en les altérant encore, dont nous étourdissons nos prosélytes, comme font les prêtres de Cybele avec ceux qu’ils initient à leurs mys-*ères. Mais d’où avons-nous pris ces vieux contes? des Grecs qui croient à l’existence de certains tribunaux établis sous notre terre? ou des Juifs qui enseignent qu'il y a une autre vie après celle-ci ? Quoi qu’il en soit, jamais il ne prouvera que les chrétiens, dont la croyance n’a rien que de raisonnable, s’éloignent de la vérité, en réglant leur conduite sur le dogme du jugement à venir.
Celse compare notre croyance avec celle (page 121) des Egyptiens. «En Egypte, dit-il, se présentent d’a-»bord des temples superbes, de la plus auguste »architecture, des bois sacrés, d’immenses por-»tiques, des cérémonies pleines de mystères; tout »cela pour aboutira adorer des chats, des singes, »des crocodiles, des boucs ou des chiens.»
Avons-nous rien qui ressemble à ces magnifiques dehors ? rien qui ait le moindre rapport avec ces simulacres d’animaux adorés dans l’intérieur de ces temples? Celse dira-t-il de nos prophéties, de notre Dieu , souverain maître de l’univers, et de notre mépris pour les idoles : que ce sont là comme de belles avenues , qui se terminent à un homme crucifié, ce qui ne vaut pas mieux que de stupides animaux? Dans ce cas, nous lui répondrons que nous avons assez justifié la personne de Jésus el les ignominies de son humanité, puisqu’elles onl fait le salut du genre humain.
«Vous vous moquez, poursuit-il, de ces divi-»nités de l’Egypte; mais ce ne sont là que des cm-»blêmes; sous le voile de l’allégorie sont cachées »les idées auguslcs des principes éternels; l’iiom-»mage ne s’adresse pas, comme on croit commune-»ment, à des animaux d’un jour.Mais vous, qu’avez-»vous de respectable à nous dire sur le compte de »votre Jésus?»
Je veux qu’il ail raison de trouver admirables les symboles égyptiens, et de nous vanter ]a profonde sagesse qu’ils recèlent. Mais , en a-t-il de pre'-tendre que nous n’ayons rien de sense' à dire en faveur de nos mystères; et que quand nous don-nous aux parfaits la connaissance de ce qu’il y a déplus profond dans la sagesse, nous en soyons réduits à de futiles et misérables explications? (Page 122.) Saint Paul écrivait : Nous prêchons la sagesse aux parfaits, non la sagesse du siècle ou des princes !lu siècle qui périssent, ?nais la sagesse cachée >a?1s le mystère de Dieu qu’il a préparée avant tous les temps pou?' notre gloire , et qu’aucun des princes de ce siècle (!.Cor. 6.-8.) n'a connue. Je voudrais bien que l’on me dît I si, quand saint Paul parle de prêche?' la sagesse auæ parfaits, il le fait sans savoir même ce que c’est que la sagesse et la plus relevée ? Si l’on allait jusqu’à dire quesaintPaul s’engageoit témérairement, nous en appellerons aux épilres de cet apôtre, pour demander à ses calomniateurs , et s’ils les ont bien comprises, et s’ils les ont trouvées choses absurdes et ridicules? Bien loin de là; qui les aura־ examinées avec attention, admirera que l’apôtre ait su exprimer les choses les plus relevées dans le style le plus simple. Sinon, il se fera moquer de lui, soit qu’il se contente d’en proposer simplement le sens, comme l’ayant bien compris, soit qu’il entreprenne de combattre et de détruire ce qu’il se sera imaginé de bien comprendre. Je ne parlerai point de tout ce qui se présente à notre méditation dans les Evangiles, où il y a de quoi exercer les esprits les plus éclairés comme les plus simples; je dis les esprits les plus éclairés־, témoin ces mystérieuses paraboles que Jésus exposoit à la multitude, mais dont il réservoit !’explication à ses entretiens confidentiels avec ses disciples, choisissant, selon la diversité des rencontres, tantôt les solitudes des montagnes , pour certains discours ou certaines actions, par exemple, sa transfiguration, tantôt la plaine, où les malades pouvoient se rendre plus aisément pour être guéris par ses mains. Mais ce n’est pas ici le lieu de lever l’écorce qui couvre les mystères waiment augustes et divins, renfermés et dans ΓΕ-vangile, et dans les écrits de Paul. Ce que nous avons dit suffit pour confondre le téméraire philosophe qui n’a pas rougi de les comparer au culte impie et extravagant des chats, des singes, des crocodiles, des boucs et des chiens de l’Egypte.
Celse , pour mettre le comble à l’insulte et à la dérision, oppose à Jésus les héros cl les dieux du paganisme, Castor, Pollux, Esculape, Hercule, Bacchus, Antinous. Leurs excès, leurs infamies sont trop connues; et jamais les plus mortels ennemis (Page 124.) de Jésus n’ont pu trouver dans lui l’ombre du vice. Les fables de ces dieux, leurs prodiges ridicules, leurs trompeurs et équivoques oracles soutien-dront-ilsie parallèle avec l’histoire de Jésus, écrite par des hommes simples et religieux, témoins ocu-laircs de ce qu’ils rapportent: dont la bonne foi, qui se fait sentir dans leurs écrits, a été mise à la plus forte de toutes les épreuves; qui ont enduré les plus cruels supplices, qui sont morts pour sceller de leur sang la vérité des faits qu’ils nous ont transmis? Les miracles de Jésus qu’ils ont vus et attestés, ne sont-ils pas tous les jours attestés et prouvés par les miracles que nous avons sous les yeux? Dans celte multitude de Grecs et de Barbares qui confessent la divinité de Jésus, n’y en a-t-il pas un grand nombre qui par l’invocation seule du nom de Dieu et du nom de Jésus, guérissent de toutes sortes de maux que les hommes et les démons n’ont jamais guéris?
(Page 125.) Outre que les prodiges attribués à vos dieux n’ont pour garans que des auteurs décriés pour leurs mensonges, ils n’ont aucun but, et ne sont d’aucune utilité pour les hommes. Mais les miracles de Jésus , indépendamment de la guérison du corps, ont été opérés pour persuader aux hommes de recevoir sa doctrine, cette excellente doctrine qui n’a pour objet que d’inspirer la piété et la conversion des mœurs.
Et vos oracles, les comparerez-vous avec ce grand nombre de prophéties, qui depuis si long-temps annonçaient le Christ, de manière que tout le peu·? pie juif étoit dans cette attente lorsque Jésus naquit? Les uns le reconnurent pour le Messie promis par les prophètes; les autres, pleins de mépris pour sa douceur inaltérable et pour celle de ses disciples, se portèrent contre lui à des attentats que scs disciples n’ont pas craint de nous raconter avec leur franchise ordinaire , quoiqu’ils prévissent bien qu’on nous les reprocheroit, et qu’on les feroil passer pour l’opprobre du christianisme. Mais Jésus voulut, et tel est aussi l’esprit de ses disciples, que ceux qui embrasseroient le christianisme, ne fussent pas tellement occupés de sa divinité et de ses miracles, qu’ils perdissent de vue son humanité et ses abaissemens volontaires , qui ont concouru avec sa divinité au salut du monde. Nous apprenons que c’est dans Jésus qu’a commencé (Page 128.) l’union de la nature humaine avec la nature divine; afin que l’humanité fut en quelque sorte divinisée, non-seulement dans Jésus, mais dans tous ceux qui embrassent, avec sa religion, la vie qu’il a enseignée, et qui méritent l’amitié et l’union avec Dieu même à tous ceux qui conforment leurs mœurs aux maximes de Jésus.
Dieu, qui a envoyé son Fils ,a fait recevoir son Évangile dans tout l’univers, pour opérer partout ce changement admirable de mœurs. Presque tous les hommes, si vous exceptez les chrétiens, ne sont-ils pas superstitieux, ou corrompus? Les Eglises de Dieu, instruites par le Christ, comparées avec les peuples au milieu de qui elles sont établies, brillent comme des astres dans le monde. Qui n’avouera que les plus imparfaits, les derniers des chre'tiens, remportent encore sur le grand nombre de ceux que nous voyons dans les assemblées populaires? !?Église d’Athènes par exemple, est douce et bien réglée ; elle n’a d’autre ambition que de plaire à Dieu. L’assemblée des Athéniens ne respire que le trouble et la sédition, et n’a aucun trait de conformité avec l’Éorlise. Il en est de même de !’Eglise de Corinthe et de !’Eglise d’Alexandrie, comparées aux assemblées populaires de ces villes. Comparez le sénat de !’Eglise de Dieu avec le sénat de chaque ville; vous trouverez que les membres de notre sénat sont vraiment dignes de gouverner la cité de Dieu, mais que vos sénateurs n’ont rien dans leurs mœurs qui réponde à l’éminence de leurs places.Et si vous opposez les prélats de chaque Église aux premiers magistrats des villes, vous vous convaincrez que les premiers, je parle même simplement de ceux qui passent pour les moins vertueux, surpassent encore tous ceux qui vous gouvernent. A de pareils traits, ne reconnois-sez-vous pas la divinité de Jésus ?
«Aotre attachement au christianisme, nous dit » Celse, n’a son principe que dans une loi aveugle. » (Page ιό/!.) Il pouvoit l’appeler une foi heureuse. C’est en effet la foi de la multitude des chrétiens־. comme une loi malheureuse est le partage des adorateurs des faux dieux.
Que lous ne soient pas en e'tat de rendre raison de leur croyance, en est-elle moins légitime, fon-déc qu’elle est sur la parole du souverain Créateur et maître de l’univers, qui nous l’a communiquée par son Verbe? S’il n’a donné qu’à un petit nombre de raisonner cette foi qui les attache au christianisme, elle n’en est pas moins heureuse pour tous. Les Grecs eux-mêmes ne contestent point l’influence de la sagesse et des opinions sur le bonheur ou sur le malheur. Les plus renommés de leurs philosophes !!’auroient pas la célébrité dont ils jouissent: ils ne seroient pas même philosophes, s’ils n’eussent été assez heureux pour recevoir une bonne éducation, cl pour tomber entre les mains d’excellens maîtres. Combien d’autres dont l’âme, quoique de même trempe, n’a jamais pu prendre ]’essor, parce que, dès l’enfance, ils ont rampé dans l’esclavage, et ont été asservis aux passions de maîtres dissolus ? Ce bonheur ou ce malheur sans doute viennent de la Providence; elle n’ordonne rien, elle ne permet rien sans des raisons dignes de sa sagesse ; mais il n’est pas facile à l’homme de les pénétrer.
Il est donc vrai, nous l’avouons, et que notre foi est l’effet de notre bonheur, c’est-à-dire de la bonté de Dieu, et qu’elle est la cause de notre attachement à Jésus-Christ. Ne doit-elle pas aussi vous paroître légitime et digne de louange? Nous (Page 155.) croyons au Dieu de l’univers, et lui rendant grâce du don de la foi, nous confessons que sans lui , Jésus n’auroit pu ni entreprendre ni consommer ce grand ouvrage. Nous croyons les auteurs de nos évangiles, nous sommes frappés de leurs senti-mens de religion, de leur sincérité, de leur candeur qui éclatent partout, et qui ne permettent de soup-çonnerde leur part ni déguisement, ni fiction, ni imposture. Des hommes quin’avoient aucune teinture des sciences grecques ,ni de cette sagesse subtile et captieuse qui sait appliquer artificieusement les couleurs de la vérité, ni de cet art de parler si puissant; de tels hommes n’étoient point capables d’inventer le christianisme, de le faire croire, ni de le faire pratiquer. Pour moi je suis persuadé que Jésus n’a choisi de tels hérauts de sa religion , que pour qu’on ne put pas soupçonner qu’elle soit fondée sur la raison et la sagesse humaine, et qu’au contraire il fût manifeste que leur simplicité et leur candeur,soutenues du secours du ciel, avoient exécuté ce que la science, l’art et l’éloquence des Grecs auraient vainement tenté.
Voyez comme notre foi, qui n’a rien que de cou-forme à la raison naturelle, désabuse tous ceux qui la reçoivent avec docilité! Car, quoiqu’une fausse et perverse doctrine ail pu persuader à un grand nombre d’hommes d’adorer des simulacres comme des dieux; de rendre un culte religieux à des ouvrages d’or, d’argent, d’ivoire, de pierre; cependant le sens commun se révolte, et nous dicte à tous qu’une matière corruptible ne sauroit être un Dieu ; que Dieu ne sauroit être honore׳ dans ces figures inanimées sous lesquelles les hommes prétendent le représenter ; que tout ce qui sort de la main des hommes ne peut avoir d’affinité,ni de proportion avec le Dieu qui a créé, qui soutient et régit le monde. L’âme raisonnable, réfléchissant qu’elle est faite à la ressemblance de Dieu, abjure tous ces dieux , et suivant la pente de sa nature , s’attache au Créateur de tous les êtres. C’est lui, lui-même qui nous a enseigné ces vérités parle canal de ses disciples à qui il a communiqué sa puissance, et qu’il a chargés de prêcher l’Evangile de Dieu et du royaume du ciel.
(Page!3;.) Si l’on en croit Celse : « Nous avons pour système de ne recevoir parmi nous que des hommes sans vertu, que des ignorans et des imbéciles. Nous regardons la sagesse, la prudence, l’érudition comme autant de vices. Nous avouons par-là que notre Dieu n’est digne que des derniers des hommes, et que nous ne voulons ni ne pouvons séduire que des femmelettes, des enfans, des esclaves , des insensés. »
Nous lui répondrons d’abord que la doctrine de Jésus est si sage, si relevée, qu’elle proscrit le simple désir du crime, comme le crime même. Et s’il se rencontroit parmi nous quelques chrétiens d’une vie peu réglée , on auroit droit sans doute de les condamner ; mais on ne pourroit sans injustice en accuser l’Evangile qui réprouve sévèrement tous les vices. Confondons cette imposture, et mon-irons que la sagesse a toujours été en honneur parmi nous, et que nous n’avons cessé d’en recoin-mander l’étude. Les livres des Juifs dont nous nous servons comme eux, les livres qui ont été écrits depuis la venue de Jésus-Christ et que nos églises regardent comme divins, en fourniront la preuve.
(Page 158.) David dit à Dieu dans le psaume cinquantième : Vous m’avez révélé les secrets de votre sagesse. (Ps. 1. 8.) Les Psaumes en effet renferment une multitude de sages maximes. Salomon demanda à Dieu la sagesse, et l’obtint. Nous voyons dans ses écrits des traces de cette divine sagesse ; nous y trouvons les plus subli-mes sentences exprimées en peu de mots. 11 avoit fait des traités sur toutes les plantes, depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope, et sur tous les animaux terrestres, (m Reg., 1v.29.) les oiseaux et les poissons. Il surpassa tous les hommes en sagesse. On venoit des extrémités de la terre pour en être témoin et pour l’admirer ; et l’on trouvoit, comme dit la reine de Saba, que sa sagesse l’emportoit infiniment sur sa renommée. Notre doctrine suppose même des sages parmi les fidèles , puisqu’elle se cache sous des énigmes , des allégories el des paraboles. Qui (Page 13g-) est sage, qui est intelligent, dit le prophète Ose'e, il entendra . il pénétrera les merveilles que je viens d’énoncer. Daniel et scs compagnons de captivité (Ose.,x!v. !0.) firent de si grands progrès dans la science des Chaldéens, qu’ils éloient dix fois plussavans que les autres. (Dan., 1. 20.) Le prophète Ezéchiel demanda à un prince de Tyr qui s’enorgueillissoit de son savoir : En avez-vous plus que n’en avoit Daniel? Pourtant, tout ce qui est caché ne vous a point été découvert. (Ezecli.xxvm)
Si nous passons aux livres du nouveau Testament, nous y verrons que Jésus propose à la multitude des paraboles qu’il explique en particulier à ses disci-pics, comme aux héritiers de sa sagesse. D’ailleurs, il promet d’envoyer à ceux qui croiront en lui, des sages et des docteurs. Saint Paul, (MaUh., xxiii 54·) faisant l’énumération des dons de Dieu , meta la tête de tous le don de sagesse, ensuite le don de science, en troisième lieu celui de la foi. Ce n’est qu’aprèscela qu’il nomme (i Cor., xii. 8, 9·) le don des miracles et des guérisons, comme inférieur aux dons spirituels. Le martyr saint Etienne qui l’avoit lu sans doute dans quelque livre ancien, nous assure que Moïse fut instruit dans toules (Act., vu. 22.) (Page 140.) les sciences des Egyptiens. C’est pourquoi le roi Pha-raou , au lieu de rapporter à Dieu les prodiges.de Moïse, les attribuait à ces sciences cachées. Il fit venir ses enchanteurs et ses magiciens ; mais bientôt il fut manifeste que la sagesse des Egyptiens (Exod.,vn.) n ,approchait pas de celle de Moïse.
Il est vraisemblable que ce que saint Paul dit des Grecs, enflés de leur sagesse, a donné occasion de croire que les sages étaient exclus de notre religion. Mais qu’on fasse attention au texte de !’Apôtre, on verra que sa censure ne tombe que sur ceux qui négligent l’étude des choses spirituelles, invisibles et éternelles, qui ne s’occupent que des objets terrestres et matériels, et y placent le souverain bonheur. C’est pour cette raison qu’il les (! Cor., 1.26.) appelle les sages de ce inonde, qu’il qualifie de sagesse vaine et insensée, celle qui, se bornant au corps et aux sens, ne voit rien, n’admet rien au delà. Il (Hid.,21.) donne au contraire le nom de sagesse de Dieu à celle qui élève jusqu’au royaume du ciel, l’âme qui rampoit sur la terre, et lui apprend à mépriser comme caduc et périssable tout ce qui tombe sous les sens , pour n’estimer que ce qui leur échappe , pour n’aimer à contempler que ce qui est invisible.
Le passage suivant de saint Paul mal entendu, a peut-être aussi fait croire que nous ne recevions jamais de sage ni de savant : Considérez, mes frères, quelle est votre vocation. Il n’y a parmi vous ni beaucoup sages selon la chair,(Page 14!. ) ni beaucoup de riches , ni beaucoup de puissans ; mais Dieu a choisi les fous selon le monde pour confondre les sages ; il a choisi les foibles selon, le monde pour confondre les forts ; il a choisi ce qui étoitvil et méprisable selon le monde, ce qui n étoit point , pour détruire ce qui est, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence. (! Cor., 1.26,)
Remarquez que l’Apôtre ne dit pas : Il n’y a pas un sage selon la chair^mais: Il n’y en a pas beaucoup. Parmi les qualités qu’il exige d’un évêque, il compte la science, parce qu’un évêque doit être en état de convaincre ceux qui s’opposent à la saine doctrine, et de fermer la bouche aux discoureurs frivoles, ainsi qu’aux séducteurs. C’estdonc sans fondement que Celse nous (1 Tim., !.) accuse de’dire qu’aucun sage, qu’aucun savant, qu’aucun homme raisonnable ne se présentent à nous. ;Vu contraire, que tous les sages, que tous les savans, que tout homme raisonnable se présentent avec confiance : mais que l’ignorant, l’enfant, l’insensé même osent aussi se présenter. Oui, notre religion promet de les guérir tous , de les rendre tous dignes de Dieu.
II est donc faux que les prédicateurs de l’Evangile ne veuillent persuader que des insensés, des hommes du peuple, des simples, des esclaves, des femmelettes , des enfans. Il est vrai que l’Evangile appelle toutes ces personnes-là, mais ce ne sont pas les seules. Le Christ estle Sauveur de tous les hommes, mais principalement des fidèles. Qu’ils soient spirituels, qu’ils ne le soient pas, n’importe. Il est fort inutile après cela de répondre à Celse qui nous dit : « Esl-çe donc un mal d’être savant ? d’avoir» cultivé son esprit par d’excellentes études ? d’être »sage et de le paroître? Cela peut-il empêcher de I connoîtreDieu ? i\’est־cepasplulolunsecourspour » trouver la vérité? מ Assurément la science n’est pas un mal: mais les sapes mêmes d’entre les Grecs n’honoreroient pas du nom de science des dogmes faux et pervers. Personne ne disconviendra que ce ne soit un bien de cultiver son esprit par d’excellentes études ; mais peut-il y avoir d’excellentes études qui n’aient point la vérité ni la vertu pour objet ? Il est bon d’être sage , mais non de se bor-!1er à le paroître, quoi qu’en dise Celse. En un mot, la science , la sagesse, d’excellentes études ne sont point־ un obstacle à la connaissance de Dieu; au contraire , elles aplanissent le chemin pour y arriver.
(Page !42.) Les philosophes , quand ils parlent en public, ne choisissent pas leurs auditeurs; il est libre à chacun de venir les entendre. Il n’en est pas de même des chrétiens. Ils sondent, autant qu’il est possible, les cœurs de ceux qui se présentent pour les écouter. Ils les préparent d’abord en particulier : et, avant de les admettre à leurs assemblées , ils s’assurent qu’ils sont suffisamment affermis dans la résolution de bien vivre. Alors ils les admettent; mais ils les dis-linguent en deux ordres : l’un, des cominençans qui n’ont pas encore reçu le don de la purification; l’autre, de ceux qui ont donné des garanties suffisantes pour laisser croire qu'ils ne se permettront rien qui ne soit cligne d’un chrétien. C’est parmi les derniers qu’on choisit des person-nés pour avoir l’œil sur la conduite de ceux qui sont reçus ; pour éloigner de l’assemblée commune, ceux qui sont coupables de quelque crime; pour y introduire et pour traiter avec bonté ceux qui mènent une vie sans reproche; enfin, pour les rendre de jour en jour plus parfaits.... (Page !45.) Nous faisons notre possible pour ne composer nos assemblées que de sages, et nous ne craignons point de révéler ce qu’il y a de plus grand et de plus divin dans notre croyance, lorsque nous avons des auditeurs capa-blés de l’entendre. Au contraire, nous gardons un profond silence sur nos mystères , quand ceux qui écoutent manquent d’intelligence , et que , selon !’expression de l’Apôtre, ils ont encore besoin d’être nourri» de tail. (Hebr., v. 12.) Au reste , nous avouons sans peine, quoi qu’en pense Celse, que nous nous proposons d’instruire tous les hommes dans la doctrine divine. Nous donnons aux enfans des préceptes proportionnés à leur âge; nous enseignons aux esclaves à devenir libres par les nobles senlimens que nous versons dans leurs cœurs. Aussi les apô-très du christianisme déclarent-ils hautement qu’ils sont redevables à tous, aux Grecs et aux Barbares, aux sages et aux insensés, (Rom., 1.14·) qu’ils donnent tous leurs soins pour guérir l’intelligence des derniers, et pour dissiper leur ignorance.... Quoi donc! il est permis aux Grecs*etaux philosophes d’exhorter à bien vivre les enfans, les esclaves, les insensés; de les appeler à l’étude de la philosophie ; et on nous fera un crime de les inviter à s’instruire de notre religion ! Nous n’avons cependant d’autre dessein que de guérir tous les êtres raisonnables, et de leur assurer la bienveillance du Dieu de l’univers....
Quels sont après cela les maîtres que Celse nous accuse « de traiter de fous, de vieux radoteurs, » qu’il met sous sa protection, comme valant mieux » que nous? » Seroient-ce ceux qui entraînent les femmes à des pratiques superstitieuses, à des spectacles dissolus, et la jeunesse dans ces desor-dres où nous la voyons tous les jours se précipiter? Pour les philosophes et les maîtres qui enseignent quelque chose d’utile; jamais Celse ne prouvera que nous leur ayons enlevé leurs disciples. Il est vrai que nous appelons aussi au christianisme les philosophes, quoique Celse prétende que nous ne recherchions que les insensés. Nous promettons hardiment et ouvertement le bonheur suprême à tous ceux qui vivent conformément à la loi de Dieu, qui lui rapportent toutes leurs actions, qui font tout comme en présence de Dieu, témoin et juge de toutes leurs œuvres. Sont-ce là, comme on le prétend, des principes de bateleurs etd’ignorans?
« Nous nous garderions bien , nous dil-on, de révé-» 1er nos maximes à des enfans en présence de leurs »pères et de leurs maîtres. יי Mais de quels pères, de quels maîtres parle-t-on ? Seroit-ce des partisans de la vertu, des ennemis du vice? Nous ne les Irai-gnons pas ; nous sommes sûrs du suffrage de pareils juges. Si ce sont au contraire des calomniateurs delà vertu, des apôtres du vice, nous nous tairons; et vous ne sauriez nous en blâmer. Vous-mêmes , révéleriez-vous à des jeunes gens les mystères de la philosophie, devant des pères quiregarderoient la philosophie comme une science vaine et oiseuse? De même des maîtres. Nous écarterons sans doute avec le plus grand soin des instituteurs corrompus et corrupteurs, qui n’entretiennent leurs élèves que de vers passionnés , de comédies obscènes et d’au-très choses semblables. Mais parlez-vous de maîtres qui enseignent la philosophie ? Non , nous n’éloignons pas d’eux leurs disciples; mais trouvant ceux-ci préparés par l’étude de la philosophie, nous tâcherons de nous servir de ces élémens (Page 147-) pour élever les esprits aux connaissances essentielles et sublimes du christianisme, à cette philosophie par excellence, cette philosophie myslé-rieuse qui est la philosophie de Dieu même, des prophètes, des apôtres et de Jésus-Christ.
« Je frai rien exagéré, poursuit Celse ; car ceux ?qui appellent aux autres mystères crient : Que» ceux-là approchent, dont les mains sont pures »et la langue circonspecte, qui sont exempts de » tout crime, à qui la conscience ne reproche rien, » qui ont toujours bien vécu. Ainsi s’expriment ceux » qui prononcent l’expiation de tous les crimes. »Ecoutons à pre'sent les chrétiens : Tous les pé-» cheurs , disent-ils, tous les insensés, tous les en-»fans, tous les malheureux seront reçus dans le » royaume de Dieu. Et qui entendez-vous par pé-»cheurs, sinon les hommes injustes, les voleurs, »les empoisonneurs, les sacrilèges? Vous voulez » donc rassembler une société de brigands et de» scélérats ! »
Nous répondrons qu’il y a bien de la différence entre présenter aux malades des remèdes pour leur guérison, et inviter ceux qui se portent bien à s’instruire des choses divines. Nous n’avons garde de confondre ces deux choses. D’abord nous exhortons les hommes à chercher leur guérison ; nous invitons les pécheurs à écouler des docteurs qui , leur apprendront à ne plus pécher, les insensés à recevoir la sagesse, les enfans à penser en hommes raisonnables. Nous promettons aux malheureux de leur montrer la route du bonheur. Quand ils ont tous été effectivement corrigés par notre doctrine, et qu’ils ont fait des progrès dans la vertu, nous pensons à les initier à nos mystères ; car nous parlons (1Cor., xi.6.) aux parfaits le langage de la sagesse. Comme nous enseignons que la sagesse n’entrera point dans une ante corrompue, et n’habitera point dans un corps sujet au pèche, nous disons aussi : Que celui (Sap., 1. 4·) qui lève vers Dieu des mains pures vienne à nous ; que celui dont la langue est circonspecte , parce qu’il médite jour et nuit la loi divine, et qui a appris à discerner le bien d’avec le mal, ne craigne pas de prendre les alimens solides et spirituels qui conviennent aux athlètes de la piété el de toutes les vertus ; que celui qui est exempt non-seulement de tout crime, mais des fautes même les plus légères, (Page 148.) s’approche avec confiance pour être initié aux mystères de la religion de Jésus, qui n’ont été institués que pour les justes et pour les saints.
« Un voleur, nous dit Celse, s’adresseroit-il à׳> d’autres qu’à ceux que vous invitez à venir parmi ג> VOUS !’ »
Pour être exact, il falloit ajouter que le but d’un voleur est de se servir de ces personnes pour voler et assassiner: au lieu que le nôtre n’est autre que de les retirer de ces désordres , de guérir les plaies de leurs âmes, d’éteindre les feux des passions qui les brûlent.
Celse qui nous cherche toujours des crimes, nous en fait un de dire que Dieu a été envoyé vers les pécheurs. C’est comme s’il blàmoit un prince compa-lissant qui enverrait un médecin pour traiter ses sujets malades. Le Verbe de Dieu a donc été envoyé aux pécheurs, comme médecin et comme docteur des divins mystères, à ceux qui se sont purifiés et qui ne pèchent plus.
Celse qui brouille tout à son ordinaire, s’écrie : (Page 149.) « Eh ! pourquoi n’a-t-il pas été envoyé à ceux qui »sont sans péché? Est-ce donc un mal de n’avoir » pas péché ? »
Entend-il ceux qui ne pèchent plus? Nous ve-lions de dire que le Sauveur des hommes a été envoyé pour eux et dans cette qualité. Entend-il ceux qui n’ont jamais péché? Nous lui répondrons qu’il est impossible d’en trouver de tels, si l’on excepte l’humanité toujours sainte de Jésus. « Il » fallait, dit Celse, appeler tous les hommes, puis» que tous les hommes sont pécheurs. » C’est précisément ce qu’a fait Jésus : Venez à moi, dit-il, vous tous qui êtes dans le travail et dans la souffrance , et je vous soulagerai. (Matlh., xi. 28.)
«Pourquoi, continue-t-il, les pécheurs sont-ils » préférés aux autres ? »
Les pécheurs ne sont point préférés comme pé-chcurs, mais il arrive quelquefois qu’un pécheur, vivement touché de ses désordres, sincèrement humble et pénitent, sera effectivement préféré à un autre qui paraît moins grand pécheur, mais qui, se flattant de ne l’être point du tout, s’enorgueillit de ses prétendues vertus. C’est ce que nous enseigne la parabole du pharisien et du publieain. Celui-ci disoit : Mon Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur (Luc., xxviif»). Le pharisien an contraire, enfle' d’orgueil : Je 9 et su1v* vous rends grâces, disoit-il, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, injustes, voleurs, adul-t'eres , et en particulier, comme ce publicain. Or, voici le jugement que Jésus porte de ces deux hommes : Lepublicain rentra justifié dans sa maison , parce que quiconque s’exalte sera humilié , et que quiconque s’humilie, sera exalté. Nous n’avançons rien d’exagéré, ni d’injurieux à la Divinité, quand nous enseignons que tous les hommes disparoissent devant la majesté suprême de Dieu, et qu’ils doivent sans cesse le supplier de leur donner ce qui leur manque, et que lui seul peut leur donner.
Celse s’imagine que nous invitons les pécheurs (Page 151.) parce que, ne pouvant attirer chez nous des hommes justes et honnêtes , nous sommes réduits à ouvrir nos portes à ce qu’il y a de plus décrié et de plus corrompu. Mais il suffit de jeter les yeux sur nos assemblées pour avoir la preuve du contraire. Il est naturel en effet que ceux qui ont mené une vie sage et réglée souhaitent que notre dogme sur les récompenses réservées aux justes soit vrai, et par conséquent qu’ils soient plus portés à les croire que ceux qui ont vécu dans le désordre. Ceux-ci au contraire doivent avoir de la répugnance à admettre un juge suprême qui les condamne aux châtimens qu’ils ont mérités.
Il arrive même quelquefois que les pécheurs quoique disposés , par l’espérance du pardon , à reconnoitre ce que nous enseignons sur le jugement de Dieu, sont retenus dans leurs anciens désordres par les chaînes de l’habitude, et ne parviennent que très-difficilement à les briser. Celse va plus loin ; il assure que les pécheurs d’habitude ne peuvent jamais se réformer entièrement, même par la crainte des peines qui les attendent. Il se trompe. Car, bien qu’il soit vrai que tousles hommes sont naturellement enclins au mal , et qu’un trop grand nombre en a contracté l’habitude, il n’est pas vrai néanmoins que ces derniers ne puissent changer entièrement. Dans les différentes sectes de philosophie, (Page 152.) ainsi que parmi nous, cm a vu des hommes vicieux se corriger à tel point, qu’on les cite comme des modèles de vertu. Les philosophes les plus renommés sont d’accord avec nous pour réfuter Celse sur ce point. Ils pensent tous que le retour à la vertu n’est jamais impossible aux hommes...
Au reste il est beaucoup moins étonnant que des discours philosophiques, composés avec tout l’artifice du langage, aient pu produire ces heureux effets. Ce qui l’est bien davantage, c’est que les prédications de ces hommes grossiers que Celse traite avec un souverain mépris, aient pu, comme par enchantement, changer à ce point ]a multitude, faire aimer et pratiquer la tempérance aux hommes les plus débauchés , la justice aux plus dépravés, armer d’un courage invincible les cœurs les plus ti-inities ,leur faire braver à tous la mortelles tourmens , pour la défense de notre religion : c’est là de tousles prodiges le plus grand, le plus extraordinaire. Les discours des apôtres qui ont fondé !’Église de Dieu ont persuadé les esprits , mais d’une manière bien différente de la sagesse de Platon et des autres philosophes qui n’avoient rien au-dessus de l’homme. Dieu lui-même dictoit aux apôtres les raisonnemens qu’ils employoient ; son Esprit leur communiquait le don de persuader. Aussi leurprédi-cation s’est-elle répandue dans toutl’univers avec une rapidité inouïe : et forçant tous les obstacles qu’op-posoient une nature perverse et des habitudes criminelles, elle a converti, elle a réformé à son gré un nombre innombrable d’hommes dont rien jusque-là, pas même la crainte, n’avoit pu arrêter les désordres... La volonté secondée par l’étude et le travail est bien puissante ; elle exécute les choses -les plus difficiles, celles mêmes qui paroissoient impossibles....
Tel est le langage que Celse nous prête : « Les (page !54.) » sages sont déclarés contre notre doctrine, leur » sagesse les aveugle et les trompe. »
Je lui répondrai que, si la sagesse est la science des choses divines et humaines, et de leurs causes; si elle est, comme l’assurent nos Écritures, une émanation de la Divinité même ; jamais un sage ne sera l’ennemi de notre doctrine , jamais il ne sera aveuglé ni trompé par la sagesse. Ce n’est point la sagesse , c’est l’ignorance qui fait l’erreur. Il n’est rien sur la terre de solide que la science et la vérité qui sont les idles de la sagesse. Si, au mépris de la définition même de ce mot, vous donnez le nom de sagesse à tout sophiste qui se mêle de dogmatiser, sans doute un sage de cette trempe combattra notre doctrine ; et lui-même , dupe de ses subtilités et de ses conjectures, donnera dans toute sorte d’erreurs; mais une pareille sagesse, qui n’embrasse que le mal et le faux, mérite-t-elle le nom de sagesse ? Appelons-la plutôt ignorance ; c’est là son vrai nom.
(Page !56.) É Les docteurs du christianisme ressemblent à » ces charlatans qui se font fort de vous guérir, et » qui écartent les médecins habiles dans la crainte » de voir leur ignorance découverte. »
Quels sont-ils ces habiles médecins dont parle Celse ? Il ne dira pas que ce sont les philosophes ; car, puisqu’il prétend que nous ne nous adressons jamais à ceux qui étudient la philosophie, les philosophes ne peuvent pas être les médecins de qui nous détournons ceux à qui nous proposons nos remèdes comme des remèdes d’une vertu divine. Il faut donc qu’il aille les chercher ailleurs, dans la lie du peuple; mais il n’y trouvera que la bassesse des sentimens et des systèmes pernicieux , tels que celui qui établit le polythéisme. Ainsi, de quelque côté qu’il se tourne , il ne peut se défendre du reproche de témérité, quand il nous accuse de ne vouloir pas souffrir qu’on appelle d’habiles médecins. Mais quand nous détournerions de la philoSophie d’Epi cure , où seroit le mal ? Ne sont-ce pas ces prétendus médecins qui ont infecté les esprits en niant la Providence, et en plaçant le souverain bien dans la volupté ? Aurions-nous tort d’écarter aussi de nos prosélytes ces autres médecins connus sous le nom de péripatéticiens qui détruisent également la Providence, et brisent tous les liens entre le Créateur et les créatures? En désabusant les hommes , en leur persuadant de se consacrer uniquement au Dieu de lumière , nous remplissons les devoirs de la piété, et nous fermons les profondes plaies qu’ont faites ces docteurs de mensonge. Et quand nous empêcherions de consulter les médecins de la secte de Zénon , qui enseignent que tout doit périr hors Dieu seul, et qui ont imaginé un Dieu matériel, sujet à la corruption, chan-géant, et susceptible de toutes sortes de formes ; ne serions-nous pas louables de prémunir contre tous ces dogmes pervers, de faire aimer et adorer le Créateur, le Dieu des chrétiens, qui, pour éclairer et convertir tous les hommes , a envoyé ses disciples répandre parmi les nations la semence salutaire de sa doctrine? Nous guérissons aussi ceux qui se sont laissé infatuer des rêveries de la méteinpsycose. (Page 15;.) N’est-il pas important en effet pour la perfection des âmes de savoir qu elles ne passeront point dans les corps des bêtes, et que les méchans ne seront point punis par la perte de la raison et du sentiment, mais que Dieu les châtie par des peines et des souffrances qui les purifient et les engagent à revenir à lui ?Voilà les instruc-lions que les sages ont soin parmi nous de donner aux simples qu’ils regardent comme leurs enfans. Nous ne bornons donc pas notre zèle aux enfans , aux simples , aux insensés ; nous ne leur disons pas : Fuyez les médecins , gardez-vous de la science. Nous ne disons pas que la science est un mal ; nous n’ex-travaguons pas au point d’imaginer que la science soit nuisible aux esprits, ni que la sagesse puisse perdre quelqu’un. Ceux qui enseignent chez nous n’ont garde de dire à leurs disciples : Al tachez-à ntu/s. Attachez-vous uniquement, disent-ils, au Dieu souverain et à Jésus, l’apôtre de sa doctrine. Aucun de nous n’a eu la folle prétention que Celse nous attribue de dire : Moi seul je vous sauverai. zYucun n’a dit que les vrais médecins tuent ceux à qui ils promettent guérison : vous voyez combien d’impostures Celse a entassées contre nous....
(Page 158.) Après tant d’invectives et. d’accusations, Celse veut encore avoir l’air de nous faire grâce, et d’en supprimer un grand nombre. «Je pourvois , dit-il, » leur faire bien d’autres reproches,mais pour ne pas » trop m’étendre, je me contenterai de dire qu’ils »sont coupables envers Dieu et les hommes, » quand, pour attirer dans leur parti les médians, » ils les bercent de chimériqlies espérances, et leur »font sacrifier les biens présens à d’autres qu’ils » représentent comme fort supérieurs. »
Il est faux que ce soient les médians que nous gagnions avec le plus de facilité. Ceux qui brûlent de faire profession du christianisme sont ceux que la terreur des supplices dont il menace engage à s’abstenir de ce qu’il défend, et qui, ne craignant que les supplices éternels, bravent tous les tourmens que les hommes peuvent inventer, tous les travaux, la mort même : ce sont ceux qui s’exercent à pratiquer toutes les vertus , la sagesse , la tempérance, la bienfaisance. Or , j’en fais juge tout homme sensé, est-ce à de pareils traits qu’on peut te-connaître les méchans? ils ne sont pas même susceptibles de la crainte de Dieu à laquelle nous exhortons les hommes, comme à un sentiment utile au grand nombre, qui n’est pas capable de connaître et d’apprécier le souverain bien, le seul désirable pour lui-même, et bien au-dessus des plus magnifiques promesses. Les méchans en sont moins capables que les autres....
(Page 109.) La plupart des hommes ne démêlent pas Fin-tention du législateur ni le but de ses menaces. Cependant, sa doctrine sur les punitions futures, malgré les nuages qui la couvrent, est aussi salutaire aux hommes qu’elle est certaine. Celse traite de chimères les espérances que nous donnons sur la vie future, où nous jouirons de la société de Dieu même. Mais , lui répondrai-je , vous regardez sans doute aussi comme chimérique l’opinion dePytha-gore et de Platon qui soutiennent que l’âme doit s’élever jusqu’au plus haut des cieux pour y contempler le grand spectacle qui fixe !’attention des bienheureux. \ous regardez comme abusés par de vaines espérances tous ceux qui croient l’âme immortelle ; vous regardez comme les jouets de leur espérance ceux qui se persuadent que l’âme a une autre origine que le corps, et qu’elle ne périra point avec lui.
Que Celse ne craigne pas d’engager le combat ; qu’il lève le masque; qu’il avoue qu’il est épieu-rien ; qu’il réfute les preuves victorieuses que les ' Grecs et les barbares nous donnent de l’iinmorta-lité de l’âme; qu’il montre que nos espérances à cet égard ne sont point fondées, que sa secte est la seule qui n’amuse point par de trompeuses espérances , parce qu’elle n’en laisse aucune , et que. selon ses principes, l’âme meurt avec le corps.
(PageiGo.) Au reste qu’on ne croie pas que je m’écarte de nos principes en m’appuyant contre Celse du suf-frage des philosophes qui enseignent l’immortalité de l’âme. Si nous avons avec eux quelque chose de commun, il n’en est pas moins certain que la féli-cité de la vie future n’est que pour ceux qui auront embrassé la religion de Jésus dans toute sa pureté, et qui n’en reconnoissentpoint d’autres que celle du Créateur de l’univers, sans aucun mélange de culte envers aucune créature.
Je m’attends àprésent qu’on vame démontrer la su-périorité de ces biens que nous avons tort sans doute de dédaigner. Qu’on mette en parallèle cette fin bien-heureuse que Dieu réserve par le Christ, c’est-à-dire son Verbe , sa sagesse, sa toute-puissance, à ceux qui auront mené une vie pure et irréprodiable , qui auront aimé constamment le Dieu de l’univers ; qu’on la compare avec celle que pro-mettent les sectes des philosophes grecs ou bar-bares, et les différens mystères ; qu’on montre que cette dernière est réelle , digne de la bienfai-sance de Dieu et des mérites des gens de bien , tandis que celle que nous prêchons n’est rien de tout cela; qu'on montre que l’Esprit-Saint n’a point inspiré les prophètes; qu’on montre que des préceptes qui , de l’aveu de tout le monde , sont purement humains , doivent être préférés à ceux qui ont été donnés par Dieu même, comme nous le prouvons; qu’on mette dans la balance avec les biens si vantés que nous vous abandonnons , ceux pour lesquels nous nous estimons heureux de les sacrifier.
Il est manifeste du moins qu’il n’y a point d’exa-géra lion à soutenir qu’on ne peut rien faire de mieux que de se. dévouer entièrement au Dieu suprême , et d’embrasser une doctrine qui, nous détachant de tout ce qui est créé, nous élève à Dieu par son Verbe , sa Sagesse et son Fils.
(Page 161.) Livre quatrième. Avant de commencer ce quatrième livre , nous nous adressons à Dieu par Jésus-Christ, en le priant de vouloir bien présider à mon langage, comme il fit autrefois pour son prophète Jérémie, à qui il disoit : J^oilà que j’ai mis nies paroles dans votre bouche; voilà que je vous ai établi sur les peuples et sur les royaumes , pour arracher et pour (Jéren!., 1 9.) planter, pour édifier et pour détruire; car nous avons ici besoin de paroles qui arrachent des esprits les fausses et dangereuses impressions que pourvoient y avoir faites les écrits de Celse et. de scs pareils. Nous avons besoin d’un langage propre à détruire cet édifice de mensonge et d’orgueil, construit sur le modèle de cette tour fameuse que les hommes prétendirent autrefois élever jusqu’au ciel. Nous avons besoin d’une sagesse qui abatte toute hauteur qui » (! Cor x 3) s’élève contre la science de Diéu, et confonde l’orgueil avec lequel Celse nous insulte. Ce n’est pas assez encore d’arracher et de détruire, il faut, à la place de ce qui a été arrache', planter dans le champ du père de famille ; à la place de ce qui a été détruit , édifier la maison du Seigneur, et bâtir un temple à sa gloire.
Celse attaque à la fois et les juifs qui, ne voulant pas reconnoitre que le Christ soit, venu , l’attendent encore, et les chrétiensqui soutiennentque Jésus est le Christ annoncé par les prophètes.... Pour étayer son assertion d’une apparence de raisonnement, il (Page!62.) devoit bien rapporter quelques-unes de nos prophéties, et faire sortirde leur discussion la preuve de ce qu’il avance contre les espérances des uns, et la foi des autres. Mais , soit qu’il n’ait pu en éluder la force, soit qu’il ne les ait pas même connues, il ne dit pas un mot de ce grand nombre de predictions qu’il avoue cependant être spécieuses. Il se borne à cette question : Pourquoi Dieu seroit-il venu sur la terre? Pourquoi ? nous pouvons le lui apprendre. Pour deux raisons principales : la première, pour sauver les brebis perdues de la maison d’Israël; la seconde, pour enlever aux juifs, à cause (Matth., ״נ,) de leur incrédulité, ce que !’Ecriture appelle le royaume de Dieu, et appeler à la vigne d’autres (Idem XXJ) ouvriers, à savoir les chrétiens, pour laculti5er mieux et la faire fructifier.(ibid. 41) Ces motifs sont au moins plus plausibles que ceux qu’imagine notre philosophe. « Etoit-ce , demande-t-il. pour savoir» ce qui se passait parmi les hommes ? Est-ce donc (Page !65.) » qu’un Dieu ne savoit pas tout? et s’il savait lout,» pourquoi n’a-t־il pas corrigé tous les hommes ? » Celapassoit-il le pouvoir d’un Dieu ? »Plaisanterie de bien mauvais goût! Dans tous les temps, Dieu avoit fait, de siècle en siècle, descendre sa parole dans les âmes de ses serviteurs et de scs prophètes, pour !’instruction de ceux qui sont disposés à l’é-coûter. Et, depuis l’avènement de Jésus-Christ, c’est par la doctrine chrétienne qu’il redresse , non pas sans doute ceux qui veulent persister dans leurs désordres , mais ceux qui consentent à se laisser diriger dans une voie meilleure. Celse voudroit-ilque Dieu se rendît toujours présent aux regards des hommes, qu’il arrachât de vive force tous les germes dépravés qui existent dans leurs cœurs, pour n’y laisser que de vertueuses impressions? Mais dans cette hypothèse, que devient la liberté de l’homme? Quel mérite aura-t-on de croire à la vérité, et de haïr le mensonge et l’erreur? On ira plus loin, et l’on demandera avec Celse, si Dieu ne pouvoit faire, en vertu de sa toute-puissance, que les hommes vinssent au monde dans un état parfait d’innocence, de manière qu’ils n’eussent jamais besoin de cor-reclion. Ces réflexions ne manquent guère d’embarrasser les simples et les ignorans; elles n’ar-retent pas ceux qui commissent mieux la nature des choses. Ils savent qu'en ôtant à la vertu son libre arbitre, ou lui oteson essence , on !,anéantit. Mais cette question auroit besoin d’un ouvrage exprès pour être approfondie. Les Grecs Font traitée fort au long dans leurs écrits sur la Provi-dencc ; ils n’ont garde de dire comme Celse : « Dieu » connoissoit ces désordres, et ne les corrigeait pas ; »il n’étoit pas assez puissant pour cela. » J’ai souvent eu occasion de parler de ces matières; et l’on trouvera dans nos divines Ecritures de quoi s’instruire là-dessus, pourvu qu’on les entende.
Au reste on peut rétorquer contre Celse lui-même ce qu’il objecte contre les juifs et les ebré-tiens, en lui disant: Répondez, Dieu sait-il oui ou non ce qui se passe parmi les hommes ? Si vous re-connoissez un Dieu, une Providence, comme vous semblez en faire profession dans votre livre , il faut qu’il sache tout ce qui s’y passe ; et s’il le sait, pourquoi ne corrige-t-il pas les désordres? Sommes-nous obligés nécessairement de vous dire pourquoi il ne les corrige pas, bien qu’il les connaisse? Et vous qui ne voulez pas vous découvrir ici franchement pour ce que vous êtes, sectateur d’Epicurc . mais qui faites semblant d’admettre la Providence; vous dispenserez-vous de nous répondre, si nous vous faisons la même question : Pourquoi Dieu qui sait tout ce qui se passe dans le monde, n’empêche·׳ (Page 16|.) t-il pas tous les désordres ? Pourquoi par sa puissance ne déracine-t-il pas tous les vices de l’humanité ? Pour nous, nous n’hésitons pas à répondre que Dieu ne manque jamais d’envoyer vers lespé-cheurs des instrumens de conversion, et des moyens de salut, avec des différences sensibles dans le choix qu’il en fait. Par exemple, Moïse et les prophètes ont bien prêché la vérité, mais ils ne s’employoientpas exclusivement à la conversion du genre humain ; Jésus-Christ seul, d’une nature bien plus excellente, est venu réformer, non une contrée particulière, mais l’univers tout entier; il est venu pour être le sauveur de tous les hommes.
* Mais pour venir sur la terre, il a donc fallu que »Dieu quittât son trône ? »
Celse, qui nous fait cette misérable objection . connoît bien peu la divine toute-puissance. Il ne sait pas que ?Esprit du Seigneur remplit l’univers, et que comme il soutient tout; il entend aussi tout ce qui se dit. (Sip.5 f. ;) Ainsi, quoique le Verbe qui étoit,dès le commencement,dansDieu, etqui estDieului-même, descende parmi nous ,il ne sortpas de son trône, il n’abandonne pas un lieu pour en occuper un antre où il 11’é toit. pas auparavant. Dieu va partout sans passer d’un lieu dans un autre. Quand nous disons qu’un homme est abandonné de Dieu, qu’un autre en est rempli, nous ne parlons alors que de l’âme du méchant que Dieu a effectivement abandonnée, et de celle du juste que l’Esprit-Saint a remplie de ses dons. La présence de Dieu, l’avènement du Verbe ne produisent de changement que dans l’homme qui, de débauche', de superstitieux qu’il étoit, devient bon, tempérant et religieux.
(Page 165־) « Comment est-il arrivé que Dieu ne se soit sou-»venu qu’après tant de siècles de ramener les »hommes à la justice ; et que jusqu’alors ils lui » aient été indifférens ? »
(Page 166.) Il est faux de dire que Dieu ait jamais délaissé les hommes, puisque nous montrons dans tous les siècles une longue succession de prophètes et d’hommes justes, animés par !’Esprit-Saint, qui se sont employés dans la proportion de leurs moyens à convertir les autres. 11 s’est rencontré plus particulièrement, à diverses époques, des hommes plus favorisés de Dieu. Les raisons que nous pourrions déduire en faveur de cette conduite de la Providence sont trop mystérieuses et trop relevées, pour pouvoir être mises à la portée du commun de nos lecteurs. Car pour répondre à la ques-lion de Celse : ■ Pourquoi Dieu ne s’est occupé » qu’après tant de siècles de la justification du genre »humain, » il faudrait nous étendre sur la dispersion des hommes ; exposer pourquoi, tandis que leTrès-Haut séparait les nations, et marquait à cka-tune ses limites, il adopte Jacob pour son peuple , et choisit Israèlpour son héritage. (Deut., xxxii.8,9 / Ps. cxxxiv.4.) Il faudrait expliquer pourquoi tels et tels naissent dans certains états et sous telle domination ; pourquoi enfin, dans les derniers temps, il fut dit au Sauveur par Dieu sou Père : Demandez, cl je vous donnerai les nations pour (Ps. π. 8.) héritage , et la terre entière pour votre domaine. Car il y a des ressorts secrets, de mystérieux enchaî-nemens dans la conduite diverse de la Providence à l’égard des âmes humaines.
A la suite des prophètes venus, quoi qu’en dise Celse, pour la reformation de l’ancien Israël , Jésus est venu à son tour réformer tout l’univers ; et il n’a pas eu besoin, comme dans la première économie, de menaces, de fouets, de prisons, de supplices; il lui a suffi d’annoncer sa doctrine et d’en répandre la divine semence par toute la terre. S’il y a un temps déterminé pour la durée de ce monde, et'si sa consommation doit amener un jugement où chacun sera traité selon ses œuvres ; il faut que les plus avancés dans la connoissance de nos mystères établissent cette vérité par toutes les preuves que nous fournissent tant les saintes Écritures que les lumières de la raison ; mais que les simples, incapables d’atteindre à toutes ces hautes spéculations de la divine sagesse , et c’est le plus grand nombre, s’en reposent sur l’autorité de Dieu et sur celle du Sauveur des hommes, se contentant de répondre : C’est lui-même qui l’a dit.
(page 16s.) Quant à notre doctrine sur le déluge et le futur embrasement du monde : s’il faut en croire Celse , nous l’aurions empruntée des Grecs et des Bar-bares, dont nous entendons mal les récits. Il est surprenant qu’un homme qui a tant lu, et qui est si versé dans l’histoire, ne soit pas mieux instruit de l’antiquité de Moïse. Les Égyptiens mêmes, aussi-bien que les auteurs de l’histoire phénicienne, ne la contestent pas. Il suffit de lire les deux livres de !'historien Josèplie contre Appion. Moïse et plusieurs de nos prophètes sont antérieurs aux historiens profanes; ils n’ont donc pu rien emprunter d’eux. Ce seroit bien plutôt eux-mêmes qui auroient copié les nôtres, et les auroient altérés en les copiant. Que si l’on nous en demande la cause, nous la trouvons dans la corruption des hommes, qui parvenue à son comble a besoin d’être purifiée par l’eau ou par le feu. Dieu, disent nos prophètes, descend sur la terre pour la châtier par ces fléaux. Ces expressions paroissent trop humaines à nos philosophes, qui nous reprochent de faire descendre (page 16s.) Dieu sur la terre avec des feux vengeurs , impiloya-blés, lui dont nous disons qu’il remplit le ciel et la terre ; mais ce ne sont là que des termes figurés , (Jerem.xx!״.) qui ne doivent pas se prendre physiquement. Dieu descend de sa grandeur et de sa majesté, lorsqu’il daigne prendre soin des hommes, et en particulier des médians. Et comme l’usage a prévalu de dire que les maîtres et les philosophes descendent à la portée de leurs disciples ; ainsi disons-nous avec nos livres saints que Dieu descend. Ce terme, comme celui de monter, s’emploie dans un sens métaphorique et spirituel. Nous l’appelons un feu dévorant; nous disons que des fleuves de feu sortent de devant sa face, qu’il vient comme le feu qui épure les métaux.(Dent., iv. 24·/Dan.,vu. ίο./ Malach., 111.2.) Feu dévorant qui consume les œuvres d’iniquité; feu qui épure les métaux, c’est-à-dire qu’il purifie l’âme de tout alliage capable d’altérer la purelé et l’excellence de son être.
(Page 169.) « Pouvoil-il descendre sur la terre, sans con-» tracter les vices de la terre, et par conséquent » sans changer de nature ? »
Oui, s’il ressembloit, soit aux dieux d’Epicure formés d’atomes , et toujours exposés au risque d’être détruits par d’autres atomes, s’ils n’avoienl grand soin de les écarter ; soit au dieu des stoïciens qui, étant corporel, est sujet à toutes les vicissitudes de la matière. Ces philosophes ne pouvoient se former de Dieu l’idée que la nature cependant nous en présente , l’idée d’un être parfaitement simple, indivisible et incorruptible. Le nôtre est immuable. Pour vous , nous disent ses Ecritures, vous êtes tou-jours le même.(Ps. ci. 28.) Il est descendu sur la terre avec la. forme d’un Dieu; (Philipp.,11.6.) mais son amour pour les hommes l’a porté à s’anéantir, afin qu’ils pussent le corn-prendre. Mais il est descendu, il s’est anéanti sahs éprouver aucun changement; il n’a point commis de péché, il ne l’a point connu; il n’a point cessé d’être heureux,(Page 170.) quoiqu’il aitbien voulu s’abaisser audernier degré de !’humiliation pour le salut du genre humain.... Si le Verbe de Dieu immortel semble à Celse avoir change'pour avoir pris un corps mortel et une âme humaine, qu’il apprenne que la na-lure du Verbe qui demeure toujours la meme ne ressent rien de ce que souffrent l’âme et le corps ; niais que, pour se proportionner à la faiblesse de ceux qui ne sauraient soutenir sa gloire et l’éclat de sa divinité, il se fait chair, il emprunte une voix sensible, jusqu’à ce qu’il ait élevé ceux qui le reçoivent sous cette forme, au point de pouvoir le cou-templer dans sa divine essence, et pour ainsi dire, dans sa première et sa plus noble forme.
Car nous reconnoissons diverses formes sous lesquelles le Verbe s’est fait voir à ceux qui sui-voient sa doctrine, se mettant à la portée de tous, et de ceux qui avoient fait de grands progrès dans le chemin de la vertu, et de ceux qui ne venaient que d’y entrer. S’il parut aux disciples qui l’accom-pagnèrent sur le Thabor, bien différent de ce qu’il avoitparu aux autres, c’est que ces derniers n’au-roient pu soutenir l’éclat de sa gloire. Ceux qui étaient incapables de distinguer ce qu’il y avoit de grand dans Jésus , disoient de lui :
Il n’avoit ni beauté, ni éclat', son extérieur étoit méprisable ; il nous a paru comme le dernier des hommes. Pour
(tsa.,xxxv. 2.)
Celse, il n’a rien compris dans les changemens et la transfiguration de Jésus; il n’a pas su démêler ce qu’il y avoit en lui de mortel et d’immortel.
(Page 171.) Celse revient à tout moment sur des questions qu’il n'entend pas, et m’oblige par-là de me répéter moi-même, parce que je ne veux laisser sans réponse aucune de ses chicanes. «Ou votre Dieu, » dit-il, s’est changé en un corps mortel, ce que j’ai »prouvé impossible ; ou du moins il paroît tel à » ceux qui le voient, et par conséquent, il trompe , » il ment. Or, la tromperie et le mensonge sont tou-»jours un mal, à moins qu’on ne s’en serve pour »soulager un ami malade de corps ou d’esprit, ou »pour échapper à quelque danger dont menace un »ennemi. Mais aucun ami de Dieu n’est malade : » Dieu ne craint personne , et n’a pas besoin de re» courir au mensonge pour échapper au danger. »
J’ai deux réponses à faire : l’une tirée de la na-turc du Verbe; l’autre, de l’âme de Jésus. Je dis d’abord : De même que les alimens que prend une nourrice se changent en lait pour fournir à son enfant une nourriture convenable ; de même qu’un médecin prescrit un régime différent à des malades et à des personnes saines et robustes ; ainsi le Verbe qui nourrit nos âmes prend toutes sortes de formes et se fait tout à tous. Pour quelques-uns , il est comme un lait spirituel, (1 Cor., in. 2.) selon !’expression de ΓΕ-criture ; pour les foibles, une nourriture légère telle que les légumes ; pour les parfaits, il est une viande solide ; mais le Verbe, en s’accommodant aussi à la (page 172.) portée de tous, ne trompe personne etne mentpoint.
Quant à l’âme de Je'sus, si on prétend qu’elle change, parce qu’elle vient animer un corps mortel, je demanderai de quel changement on veut parler. Si l’on entend qu’il y ait un changement dans son essence même, non-seulemeiit je le nierai, mais je nierai que cela puisse arriver à aucune âme raisonnable. Si l’on ne veut dire autre chose, sinon que l’âme de Jésus a souffert de son union avec le corps où elle est descendue, qu’y a-t-il en cela d’absurde, que le Sauveur ait assez aimé les hommes pour leur donner un Sauveur, d’autant mieux que personne n’auroit jamais pu faire pour guérir les hommes, ce qu’a fait cette âme céleste, en se dévouant volontairement pour eux ?
Parmi un grand nombre de passages de nos divines Ecritures que je pourrais citer à ce sujet, je me bornerai au suivant qui est de ΓApôtre : Ayez les mêmes sentimens que Jésus qui, étant Dieu, et pouvant sans usurpation se dire égal à Dieu, s’est anéanti lui-même, en prenant la formedéun esclave, en devenant un homme semblable à nous. Il s’est humilié en se rendant obéissant jusqu’ à la mort et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a glorifié, et lui a donné un nom au-dessus de tout nom. (Philip., 5.״.)
Ce que dit Celse contre l’artifice elle mensonge ne nous regarde point , puisque nous croyons que Je'sus est venu réellement et manifestement sur la terre, et non pas seulement en apparence..... Quant à ce qu’il dit-, « qu’un malade et un insensé (Page 175.)» ne peuvent être amis de Dieu, » il est bien vrai que Jésus n’a pas eu en vue de sauver ses amis en sauvant des malades et des insensés ; mais il s’est proposé de rétablir dans son amitié ceux qui, pour leurs foiblesses spirituelles et leurs égaremens, ctoient devenus ses ennemis. Car nous lisons expressément dans les Écritures,(Maith.,IX.15.) que Jésus est venu pour justifier et pour sauver les pécheurs.
(Page 174.) « Les chrétiens prétendent que c’est en punition « du crime commis envers Jésus-Christ, le condamnant à la mort, et l’abreuvant de fiel, que les Juifs » ont obligé Dieu à répandre sur eux-mêmes le fiel » de sa colère. »
Que l’on nous réfute, que l’on nous démente, s’il n’est pas vrai que toute la république des Juifs n’ait pas été renversée, avant qu’il se fut passé une génération, depuis qu’ils eurent ainsi traité Jésus. Jérusalem a été détruite , si je ne me trompe , quarante-deux ans après qu’ils l’eurent crucifié; et nous ne lisons pas que cette nation ait été jamais assenie si long-temps, et privée de tout exercice de sa religion. Si Dieu parut quelquefois les abandonner, en punition de leurs péchés, ce n’éloit que pour un temps , après lequel il les visitoil et les rainenoil. dans leur pays et les rétablissoit dans leur première liberie. La désolation des Juifs depuis tant d’années est une des preuves les plus convaincantes qii’il y avoit dans Jésus quelque chose de divin et de sacré. Je ne crains pas même d’affirmer que jamais ils ne seront rétablis , car ils ont commis le plus affreux de tous les attentats en conspirant contre le Sauveur du monde dans une ville où ils célébroient des sacrificeset des solennités, (Pag ,75>) qui étoient autant de symboles des mystères de Jésus.
Les Juifs devenus à leur tour aussi-bien que les chrétiens l’objet des railleries de Celse, notre philo-soplie s’égaie sur le compte des uns et des autres, « en les comparant à des chauve-souris, à des four-»mis, à des grenouilles, à des insectes qu’il sup-»pose sortir de leurs tanières, et se rassembler »sur les bords de leurs souterrains ou de leurs »marais pour conférer; et là, du tas de boue qui »fut leur berceau , pérorer entre eux à qui se trouve »être les plus grands pécheurs. Rien, disent-ils, » n’arrive dans le monde que Dieu ne nous informe »à l’avance par la voix des ambassadeurs qu’il dé-»pute vers nous. Indifférent sur tout le reste de »l’univers, il laisse rouler les cieux I l’aventure, »et la terre devenir ce qu’elle veut, pour ne s’oc-»cuper que de nous. Nous sommes le seul peuple » à qui il envoie ses hérauts pour traiter avec nous ; »jaloux qu’il est de cimenter avec nous une éternelle alliance. Lui seul est Dieu, mais nous venons מ immédiatement après; nous sommes ses images, »semblables en tout à sa divine essence; tout nous »est soumis, la terre, les eaux, l’air, le ciel, tout »a été fait pour nous, et ne fut destiné qu’à nous » servir ; et parce qu’il en est dans notre république » qui commettent le péché, Dieu, ou viendra en per» sonne, ou nous enverra son Fils , pour consumer »les médians par la flamme ; les autres partageront »avec lui son éternelle félicité. En vérité, conclut »Celse, de semblables disputes conviendroient »mieux encore à des grenouilles, à des insectes, » qu’à des Juifs , à des chrétiens. »
N’y a-;t-il que les Juifs et les chrétiens à qui s’adresse cette satire, ou bien s’étendroit-elle à tous les hommes qui ne sont à l’égard de Dieu que de misérables insectes, et des fourmis se débattant sur un grain de sable ? Celse voudroit־il borner sa fiction au־x Juifs et aux chrétiens, sous le prétexte que les autres religions ont un culte raisonnable, et que nous seuls, avec nos dogmes et nos ridicules traditions, méritions d’être assimilés aux insectes qu’il met en scène? Dans l’un et l’autre cas , je réponds à Celse que sa comparaison manque de justesse־, car s’il entend parler de toute la société humaine par rapport à Dieu; par où, lui dirai-je, la trouverez-vous si méprisable ? par la petitesse du corps? est-ce là donc la mesure de la vraie grandeur? A ce compte, l’éléphant l’emporteroit sur (Page 176.) l’homme par la taille ét par la force. L’homme n’a-t-il pas du côte' de la raison une haute prééminence sur tous les animaux qui en sont privés ? Dira-t-on que ce glorieux privilège , qui le distingue si émi-nemmentl se trouve obscurci dans l’homme par scs passions et par ses vices ? Mais il n’y est jamais en-iièrement étouffé ;il ne dépend pas de lui d’anéantir les germes de vertu qui furent déposés dans son cœur. Nous ne ferons pas à la nature humaine, toujours capable de vertu, l’injure de croire que, quelque puisse être l’empire de l’ignorance ou du vice, il faille la rabaissera l’égal de vils animaux.
Non. Mais s’il n’est question dans l’hypothèse de Celse, que des Juifs et des chrétiens, à cause de leurs dogmes qu’il proscrit sans les connaître : comparons-les, ces dogmes , avec ceux des autres religions, el voyons à qui ce rapprochement des hommes avec les fourmis et les insectes convient le mieux, supposé qu’il v ait des hommes à qui il convienne. Ne seroit-ce pas bien plutôt à ceux qui sont assez, abrutis pour méconnoîlrc Dieu dans ses ouvrages, et pour adorer à sa place (Page1__) des idoles de pierre, d’or ou d’argent, bien plutôt qu’à ceux qui, dociles aux lumières de la raison, s’élèvent de l’admiration des grands spec-taeles qu'ils ont sous les yeux, à la reconnois-sance du Créateur, s’abandonnent à sa parole, parce qu’ils savent qu’il est tout-puissant, qu’il Ki dans les cœurs, qu’il entend toutes nos paroles, que seul il suffit à tous nos besoins? Quoi! compa-rcraux plus vils insectes,à des vers, des hommes dont la religion les e'iève au-dessus des e'preuves de la vie, des craintes de la mort, de tous les sophismes d’une fausse sagesse; des hommes à qui elle apprend à fouler sous les pieds ce que la volupté' offre de plus enchanteur, «à s’unir à Dieu par la continence, à cultiver la justice, l’humanité et la douceur; à faire de leur corps le temple de Dieu et le sanctuaire du Verbe? Sont-ce là les hommes qui méritent d’être assimilés à des vers, à des brutes sc roulant dans un bourbier; s’imaginant follement, comme Celse nous eu accuse, que la Divinité (Pag. 178.) ne s’occupe que d’eux seuls ; que pour eux elle abandonne le soin de tout le reste ; nous qui rcconnoissons que Dieu aime lotit ce qui respire , quit ne hait rien de ce qu’il a fait , et qu’il ne l’auroit (Sap., xi. 25.) pas fait s’il Γ avoit liai ; nous qui lisons dans nos saintes Ecritures : Kous êtes , Seigneur , indulgent envers tous, parce que tous sont à vous, Seigneur, qui aimez les âmes; que votre esprit incorruptible (Sap.,x. !,2·) est dans'tous. Kous corrigez par degrés ceux qui p'eehcnt, et vous les avertissez de se corriger.
La miséricorde du Seigneur remplit la terre; la miséricorde (l’s. xxxii. 5.) du Seigneur est sur toute chair. Le Seigneur est bon, puisqu’il fait lever son soleil sur les bons cl sur les médians, qu’il fail pleuvoir sur les justes et sur les injustes ? Nous savons que . si nous (Matt v) voulons être ses enfans, nous devons chercher à (Page 179.) l’imiter, en faisant du bien à tous les hommes: Car il est le Sauveur de tous les hommes; et son Christ est la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde.
Pour les paroles : Nous tenons immédiatement après Dieu, Celse les aura peut-être entendues de quelqu’un de ceux qu’il appelle des vers ; mais en ce cas, il en use comme celui qui condamneroit toute une secte de philosophes, parce qu’un de leurs élèves auroit montré de l’orgueil et de l’insolence. Nous n’ignorons pas que les anges sont au-dessus des hommes, et tellement au-dessus . que les hommes ne leur deviennent égaux «pie lorsqu’ils sont parfaits, /!près la résurrection , dit Jésus, les j'ustes seront comme les anges. (MattiJ L״.)
Quand Celse fait dire à ses vers que Dieu les a (Parre J) faits entièrement semblables à lui, peui-être est-ce par allusion à ces paroles de la Genèse : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. 11 ne (Gcn 26 ) sait pas qu’il y a une grande différence entre faire l’homme à son image, et le faire entièrement semblable à soi. S’il avoit mieux étudié !’Écriture , il ne nous feroit pas dire non plus que tout nous est soumis ; jamais aucun de nos sa^es ne l’a avancé : i) y auroit lu cette maxime que nous professons : Que celui qui est le plus grand parmi vous , soit le serviteur (Mattb.,) de tous. Le tragique grec dit que le soleil et la lune servent les humains : on loue, on commente ce vers ; et que nous disions la même chose ou à peu près , on nous en fait un crime. Celse nous fait dire : « Dieu viendra ou enverra son Fils pour consu-« mer les méchans parles llammes, tandis que nous, «privilégiés, nous jouirons éternellement de son «bonheur.» C’est sur ce ton plaisant qu’il parle du jugement de Dieu, du châtiment réservé aux impies, des récompenses promises au juste. En vérité , voilà un grave philosophe! Nous ne l’imiterons pas; nous ne nous récriminerons point contre les philosophes (Page 181.) qui se vantent de connaître tous les secrets de la nature, et sont éternellement en dispute sur la manière dont le ciel et ]a terre ont été formés ; sur l’origine, la durée et la destinée des âmes, si Dieu les a créées, si elles sont éternelles, si elles passent dans différens corps. si elles restent toujours dans le même, si elles sont mortelles ou immortelles. Il ne nous scroit pas difficile de jeter du ridicule sur des hommes qui, oubliant les bornes étroites de leur esprit. tranchent les questions les plus relevées prononcent sur la nature de la Divinité, qu’il n’est donné à personne de connoîlre, sinon à ceux qui sont éclairés de l’esprit de Dieu. Nous ne nous permettrons pas même de les comparer à des vermisseaux qui, du tas de boue où ils rampent, s’efforcent de s’élever jusqu’au ciel. Nous ménageons davantage l’intelligence humaine, surtout quand elle méprise toutes les choses vulgaires, pour ne s’occuper que de la recherche de la vérité.
Celse déclame contre les Juifs : « C’étoit des « esclaves fugitifs, échappés de l’Egypte, qui n’ont, «jamais rien fait de grand et de mémorable , cl qui « ont toujours été comptés pour rien. «
Nous avons réfuté déjà cette calomnie, en lui prouvant que ce n’éloit point des esclaves ; qu’ils n’étoient point Egyptiens d’origine ;mais des étran-gers(1). S’il prétend qu’on les a toujours comptés pour rien, parce que les écrivains grecs en ont peu parlé; nous lui répondrons que, pour peu que l’on examine de près !’établissement de leur république et leur législation, on se convaincra qu’ils formerent sur la terre une société approchante de celle du ciel, ne reconnoissant d’autre Dieu que le Créateur souverain de l’univers, sans aucun alliage de superstition. Leurs lois ne pennettoienl pas qu’il y eut parmi eux ni peintres ni sculpteurs ;précaution sage (page 1δ2) qui empêchoit des hommes grossiers de confondre le vrai Dieu avec les idoles. Quelle vigueur de discipline, qui ne souffroit ni débauchés, ni femmes de .mauvaise vie ! On ne recevoit pour juges que des hommes d’une intégrité long-temps éprouvée; et c’est parce que leur probité avoit quelque chose au-dessus de l’homme, que dans le style des Hé-breux on les appelait des dieux. Le peuple entier des Juifs étoit comme un peuple de philosophes, occupés, à certains jours déterminés, à la seule étude de la loi. Mais comme il n’y a rien de solide et de permanent sur la terre , il a fallu que leur république s’altérât et dégénérât insensible-ment, jusqu’aux jours où la divine Providence a jugé à propos de substituer au peuple juif les hom-mes de toutes les nations qu’elle a appelés à la religion de Jésus. Jésus qui n’étoit pas un sage à la manière des hommes, mais qui participe à la Divinité, est venu affranchir la terre du joug des démons qui se repaissoient du sang et de la graisse des victimes, et nous a donné des lois qui feront le bonheur de tous ceux qui leur seront fidèles.
(1) Supra, page 96.
(l'sg. 185.) Qu’ils aient été peu remarqués par les autres peuples, cela tenait à leur constitution. Formant une race choisie de prêtres cl de rois, (Exod., xix. 6.) ils évitaient toute communication avec les autres peuples, pour se garantir de la contagion. Heureux d’être a couvert sous la sauvegarde de Dieu même, ils n’avoient point l’ambition des conquêtes; et cependant ils étoient assez, nombreux pour se défendre. Tels ont été. les Juifs, tant qu’ils se sont montrés digues de la protection du ciel. Quand ils avaient besoin d’être rappelés à la vertu par l’infortune, Dieu les aban-donnoit, mais pour un temps seulement plus ou moins long; jusqu’à ce que, s’étant rendus coupa-blés de l’attentat le plus énorme, en faisan! mourir Jésus-Christ, ils ont été pour jamais abandonnés de Dieu.
« Pvamassés dans un coin de la Palestine où ils (pagc 186.) »vivoientl au sein de lapins profond(! ignorance, » n’ayant pas la moindre idée de ce qui nous est יי raconté sur l’origine des choses par Hésiode et »par d’autres écrivains divinement inspirés ; ils ont יי imaginé je ne sais quels contes absurdes, sur leur »premier homme et sur une première femme, sur »certains préceptes que Dieu leur anroit donnés, »et que le Serpent à qui ils ne plaisoient pas, les »empêcha d’observer, en conséquence de quoi »Dieu a été vaincu par le Serpent. »
Le docte Celse qui reproche aux Juifs et aux chrétiens leur ignorance, est lui-même si peu instruit du temps où vécurent Hésiode et ces autres écrivains divinement inspirés qu’il les met avant Moïse, quand il est incontestable que Moïse a écrit longtemps avant la guerre de Troie. Ce ne sont pas les Juifs qui supposent contre toute vérité, même contre toute vraisemblance, que les hommes soient nés de la terre j comme l’affirment vos écrivains divinement inspirés; et nous donnent ces absurdes contes dont ils composent et les premières bistoires et les généalogies de leurs dieux. Platon ne voyoit pas en eux des hommes divinement inspirés; lui qui les a bannis de sa république, à coinmen-cer par Homère , comme étant les corrupteurs de la jeunesse.
(Page 192.) Celse traite avec la meme légèreté diverses his-toires de la Genèse, et crie à l’absurde. Où est l’absurde que Dieu ait présidé à ces événemens, qu’il ait pris un soin particulier des justes et de ses serviteurs fidèles ?11 trouve mauvais que nous les ex-pliquionspar l’allégorie, toutefois sans abandonner le sens historique; car les histoires racontées par nos Ecritures sont très-véritables, sans doute; mais ces mêmes histoires ont encore des objets plus impôt-tans et plus sublimes que la lettre même de l’événement. (Page 195.) Un de nos sages le déclare en termes ex-près : Fous qui lisez la loi; dites-moi ne l’entendez-vous pas? Il est écrit qu Abraham eut deux fils; l’un de l’esclave, et l’autre de la femme libre : le fils de l’esclave est né selon la chair; le fils de la femme libre est né selon la promesse : or; tout cela est une allé-gorie. C’est la figure des deux Testamens. L’un; donné sur le mont Sinaï; n’engendre que des esclaves, c’est Agar : mais la Jérusalem d’en haut est libre ; et celle-là est notre mère. (Gala(., iv. 22 et seq.)
(Pag. 195.) Celse trouve plus simple de les censurer, que de les citer et de les discuter. Il ne parle que de ce qui paroît répréhensible , et omet ce qui est vraiment louable. Ainsi clans sa critique de This-foire de Joseph, il ne dit pas un mot de la chasteté de ce patriarche, ni des prodiges qui pre ce'־ dèrent et accompagnèrent la sortie d’Egypte.
« Les plus sensés parmi les Juifs et les chrétiens »sont obligés de lecourir à l’allégorie, pour cacher » et l’indécence et l’absurdité de leurs fictions, dont » ils rougissent eux-mêmes. » C’est bien plutôt à nous qu’il appartient défaire ce reproche aux récits des Grecs. Est-il rien de plus absurde, de plus licencieux, (Page 198.) de plus infâme que ce qu’ils racontent de leurs prétendues divinités? Pénétrés de respect pour le nom de Dieu , nous ne nous permettons rien qui puisse le blesser : nous ne racontons point de fables, même allégoriques, qui soient capables de corrompre la jeunesse.
(Page «99) Plusieurs écrivains célèbres ont marqué l’estime qu’ils faisoient de nos Ecritures, en les common-tant, et s’attachant à développer le sens figuré caché sous la lettre, tels que Philon, les philosophes Avis-tabule , et Numénius dans plusieurs de ses livres, où il cite fréquemment Moïse et les prophètes.
Dans ce nombre, Celse va chercher ce qu’il y a de plus foible, comme ayant été écrit pour les esprits simples , plutôt que pour les lecteurs éclairés ; par exemple, dit-il, La conférence de Papiscus et de Jason (1)·, ouvrage, ajoute-t-il, plus fait encore pour exciter !,indignation et la pitié, que pour intéresser la curiosité. J’en appelle à tous ceux (pii voudront bien prendre la peine de lire ce petit ouvrage ; ils verront s’il mérite l’indignation ou la pitié, et qui des deux excite plus ce double senti-ment, ou de l’écrivain ou du censeur. L’auteur est un chrétien qui dispute contre un Juif par les Écritures judaïques , et lui démontre que les oracles où il est parlé du Messie se rapportent à Jésus , bien que le Juif lui résiste assez vivement et ne soutienne pas mal son caractère.
(1) Par Ariston de Pella. Cette conférence, connue de S. Jérôme qui la cite en deux endroits, sous le nom d'Altercation ou Dialogue, fut écrite en grec vers l’an 1.{0 de .1 ésus-Cbrist. Il paroît qu’Eusèbe !’avoit lue. (Voy. D. Cellier, Hist. tom. ז, pag. 6g{.) Ln autre Celse que le philo-sophe épicurien, la jugeant utile à la défense du christianisme contre les Juifs, la traduisit du grec en latin. Nous en avons encore la préface insérée à la suite de l’édit, du S. Cyprien d’Oxford, pag. 16g— 172, sous le titre : Ad J’igilium de judaica incredulitate.
Pous nous , nous demandons à tous ceux qui nous liront, que, sans s’arrêter aux calomnies de Celse, ils prennent la peine d’étudier nos Ecritures: qu’ils s’appliquent à en pénétrer l’esprit et l’objet. Ils verront que leurs auteurs sont fortement per-suadés de tout ce qu’ils avancent, qu’ils n’attestent (Page200.) pour la plupart que les faits dont ils ont été témoins, et des faits de la plus haute importance pour tout le genre humain.
Eh! quelle doctrine est plus capable de porter les hommes à bien vivre, que celle qui leur apprend que Dieu connoît toutes nos actions, toutes nos paroles et toutes nos pensées ? Nous défions nos adversaires d’en nommer une seule....
« Il est assez difficile , à qui n’est point philosophe, (page206. ) de démêler l’origine du mal ; mais c’est assez »pour le vulgaire, de savoir que le mal ne vient»point de Dieu, qu’il est attaché à la matière , e t à (Page 207.) »tout ce qui est mortel. Or, toutes les choses mor-»tellesroulent dans un cercle absolument uniforme, » en sorte que le passé , le présent et l’avenir se res» semblent nécessairement. »
Celse, en disant que la chose est difficile pour quiconque n’est pas philosophe, insinue assez clai-renient qu’elle est facile pour un philosophe. Je suis loin de son avis : je la crois plus que difficile ; impossible même pour le philosophe , à moins que Dieu ne daigne lui révéler ce que c’est que le mal, comment il a pris naissance , comment il peut être guéri.
Assurément c’est un mal, et le plus grand de tous, de ne pas connoître Dieu , ni le culte qu’il faut lui rendre. Or, voilà un fait incontestable, de l’aveu de Celse lui-même : que les philosophes ont toujours été sur ce point dans la plus complète ignorance; témoin les disputes de leurs écoles. Peut-on en effet arriver à connoître l’origine du mal, avec l’opinion que la piété puisse s’accorder avec les lois dominantes dans la plupart des sociétés civiles ? Peut-on y arriver sans avoir une connaissance précise de ce qui concerne le démon et ses anges ; car ceux que nous appelons ainsi ne l’ont pas toujours été. Sortis des mains de Dieu comme créatures intelligentes , ils sont devenus démons par leur révolte contre Dieu ; et voilà ce qu’il faut savoir. D’où je conclus que s’il y a une question difficile et embarrassée, c’est celle qui roule sur l’origine du mal. Non sans doute, Dieu n’est pas l’auteur du mal. Le principe du mal est dans la volonté de chacun de nous qui le porte à de mauvaises actions. El, à parler exactement, (Pa״e20S.) il n’y a pas d’autre mal. Mais il faut convenir que c’est là une question des plus délicates, qui demande d’être traitée avec beaucoup de circonspection et de lumière ; que l’on ne peut même résoudre que par une grâce particulière d’en haut.
Dans le système de Celse, « Le retour des diffé-מ renies périodes ramène nécessairement les mêmes » évrnemens. » Une pareille assertion méritait bien d’être appuyée de quelques preuves. S’il en étoit ainsi, plus dans l’homme de libre arbitre. S’il falloil nécessairement que tout ce qui étoit arrivé, arrivât de nouveau, il faudrait nécessairement que Socrate revînt encore philosopher, qu’il fut encore accusé d’avoir introduit des dieux étrangers, et corrompu la jeunesse : qu’Anytus et Mélitus se déclarassent ses accusateurs : que ses juges le condamnassent encore à boire la ciguë. Il faudroit néces-sairemenl qucPhalaris exerçât encore sa barbarie, qu’il fîtmugirses victimes clans le taureau enflamme'; et qu’Alexandre, tyran de Phères, l’imitât. Il faudrait nécessairement que Moïse sortit de nouveau de l’Égypte avec son peuple ; que Je'sus revînt sur la terre, pour y exe'cuter encore ce qu’il auroit déjà exécute dans une infinité de périodes antérieures; que le christianisme subît encore les mêmes révo-lutions; et que Celse le calomniât avec un achar-nement mille fois reproduit.
Celse nous objecte que « Dieu n’a pas besoin de corriger (Page 205.) » ses ouvrages. » Certainement, lorsque Dieu châtie la terre, et qu’il la purifie par l’eau ou par le feu , il ne ressemble point à l’artisan qui retouche à son ouvrage parce qu’il est défectueux par quel-qu’endroit: mais il met un frein à la méchanceté.
Car quoiqu’il ne soit rien parti de ses mains que de bon et d’achevé, il a fallu qu’il remédiât à ce que la méchanceté avoit infecté ; il ne néglige ni n’ou-blie aucun de ses ouvrages. De même que l intel-ligent et infatigable cultivateur diversifie ses tra-vaux selon que l’exigent les saisons de l’année et les productions de la terre ; ainsi , dans le cours des siècles qu’il dirige comme celui des années . Dieu fait tout ce que demande le bien de l’univers. Lui seul le connoît parfaitement, et lui seul peut le procurer.
« Mais de ce que telle chose vous paroît mal, »s’ensuit-il qu’elle le soit effectivement? Peut» être est-elle utile à vous-même ou à quelqu’autre. » ou à l’univers. »
Quoiqu’il n’y ait rien d’irréligieux dans cette opinion ; elle ne laisse pas de supposer que le mal n’est point une chose absolument condamnable de sa nature, puisqu’il peut arriver que ce qui passe pour mal, vu dans le particulier, devienne (Page 210.) bien sous un rapport plus général. De peur donc que l’on n’en prenne occasion de faire le mal, nous observerons que , quoique Dieu , sans offenser notre libre arbitre, sache tirer un bien ge'ne'ral des péchés et des crimes des particuliers, le pécheur n’en est pas moins coupable. Quand un criminel est condamné aux travaux publics, il fait certainement quelque chose d’utile ; en est-il moins détesté ? Quel homme , pour peu qu’il ait de sens, voudroil être utile à ce prix? Aussi Paul, l’apôtre de Jésus . nous enseigne que les hommes vicieux , lors même qu’ils contribuent au bien général, n’en sont pas (!!Tim., !.1.) moins dignes de mépris et d’horreur.
Celse , très-peu versé dans !’intelligence de nos saintes Ecritures, y blâme certaines expressions qui prêtent à Dieu des passions humaines. Elles parlent le langage des hommes, pour se faire entendre d’eux avec plus de fruit. Si Dieu parloit (Pageau,) toujours en Dieu , comment la multitude pourroit-elle l’entendre?... Nous parlons de colère de Dieu; mais nous n’avons garde de dire que la colère soit dans Dieu une passion. Ce n’est qu’une conduite sévère pour châtier et faire rentrer en eux-mêmes les grands pécheurs. Ainsi d’autres expressions de même genre.
(Page a12.) « Ne nous bornons pas à ne parler que des juifs. »Donnons, comme je m’y suis engage', des e'clair-» cissemens sur le système ge'ne'ral de la nature. »
Où est l’homme raisonnable et connaissant tant soit peu la faiblesse humaine , qui ne soit révolté d’un ton si arrogant? Mais voyons comme il remplira ces pompeuses promesses.
Il nous reproche longuement d’enseigner que Dieu a tout fait pour l’homme. Et, par l’histoire des animaux, par les témoignages de sagacité qu’ils laissent apercevoir, il prétend prouver que toutes choses n’ont pas été moins faites pour les animaux que pour l’homme. En quoi il imite , à mon avis , ceux qui, emportés par la haine , blâment dans les personnes qu’ils n’aiment pas, ce qu’on loue dans leurs amis ; la passion qui les aveugle les empêche de voir que ce qu’ils disent contre les premiers retombe sur les seconds. De même Celse, dans le désordre de son raisonnement, ne s’aperçoit pas qu’il s’en prend aux stoïciens qui pensent, non sans fondement, que l’homme, et les êtres doués de la raison, remportent sur tous ceux qui en sont privés ״ cl que c’est pour eux principalement que Ja Providence a formé !’univers. De même que les magistrats qui ont l’intendance des marchés, n’ont en vue que de pourvoir aux besoins des hommes , ce qui n’empêche pas que les animaux (Page 213.) ne profiter t de l’abondance des vivres: ainsi la Providence, en donnant sa prédilection aux êtres intelligens , étend également ses soins sur ceux qui ne le sont pas. Dira-t-on que les magistrats s’occupent des animaux autant que des hommes, et les confondent dans le même rang ?
Celse nie clairement la Providence, ou il en admet une qui ne prend pas plus soin de l’homme que des arbres, des herbes et des épines. L’un et l’autre système est également impie; et ce seroit une folie à moi de répondre à un homme qui ne peut ,nous accuser d’impiété qu’en posant de pareils principes. Il est aisé de voir lequel de nous deux est l’impie.
Il insiste:« Voulez-vous que les arbres, les herbes » et les épines soient pour l’homme ?Eh! pourquoi, »vous demanderai-je, ne seroient-ils pas égale-»ment pour les animaux, et même pour les plus » féroces? »
Laissons-le attribuer au concours fortuit des atomes cette variété innombrable de fruits de la terre et d’espèces de plantes ; laissons-le nier que tout cela annonce de l’art, du dessein, une intellicence meme au-dessus de notre admiration. Pour nous, fidèles adorateurs du Dieu créateur du monde, nous lui rendons grâces de ce qu’il a préparé une pareille demeure, non-seulement pour nous, mais pour les animaux qui nous servent.
Il fait pousser à la terre de l’herbe pour la nourri-tare des animaux qui servent l’homme; il en fait sortir du pain pour nourrir l’homme lui-même 3 du vin pour le réjouir , de l’huile pour le parfumer. Il (Ps, c1״>) n’est pas étonnant que la Providence ait pourvu à la nourriture des animaux même les plus féroces. (Page214.) Plusieurs philosophes conviennent 'que ces animaux sont pour l’homme, puisqu’ils disent qu’ils sont destinés à exercer l’homme. Un de nos sages s’exprime ainsi : Ne dites pas : Qu’est-ce que ceci, et pourquoi existe-t-.il? On saura la raison de tout en (Eccles.xxxix.22.) son temps.
Celse qui ne permet pas à la Providence d’avoir moins de prédilection pour les animaux que pour l’homme , continue ainsi : « Ce n’est qu’à force de » travaux et de sueurs que nous parvenons à nous »nourrir; tandis que la terre, sans être semée ni » labourée, offre d’elle-même aux animaux tout ce -» qui leur est nécessaire. »
Il ne voit pas que Dieu a voulu exercer !’indus-trie et l’activité de l’homme, et qu’il l’a fait naître avec beaucoup de besoins , pour le forcer à inventer les arts qui le nourrissent, qui l’habillent, qui le logent. ]N’éloit-ίΐ pas plus utile à l’homme de travail-1er pour subvenir à ses besoins, que d’être oisif et paresseux dans ! abondance ?C’estde nos différens besoins que sont venus tous ces arts si précieux, l’art de labourer, l’art de cultiver la vigne et les jardins, l’art du charpentier et du forgeron qui nous procurent tous les instrumens nécessaires à la vie, l’agriculture , la navigation qui transporte les productions d’un pays dans un autre où elles man-quoient ; en sorte que nous trouvons dans l’indigence même de l’homme un motif de plus de reconnaître et d’admirer la Providence. Parce que les animaux ne sont point propres aux arts, elle y supplée en se chargeant elle-même de leur nourri lure, en leur donnant des défenses naturelles contre le froid ou contre leurs ennemis.
(Page 215.) « Si quelqu’un prétend que nous sommes les »rois des animaux, parce que nous les prenons à »la chasse, et que nous en couvrons nos tables; »je répondrai : Pourquoi ne diroit־on pas plutôt » que nous sommes faits pour eux, puisqu’ils nous »prennent aussi et nous dévorent? d’autant plus »que, sans secours, sans autres armes que celles » qu’ils ont reçues de la nature, ils triomphent ai-״sémen! de nous; au lieu que nous avons besoin »contre eux d’armes et de secours étrangers, de » toiles, de chiens , et d’un grand nombre de chasseurs. »
Vous voyez que !’intelligence donnée en partage à !,homme par la nature, l’emporte sur les armes que les bêtes en ont reçues; et, quoiqu’il y en ail de beaucoup plus fortes que nous, et d’une prodigieuse grandeur, telles que les éléphans ; nous sa-vous les soumettre à notre empire. A force de bons traitemens, nous apprivoisons celles qui peuvent l’être. Pour les autres, ou pour celles qu’il ne nous servirait de rien d’apprivoiser, nous nous mettons à l’abrideleur violence;nousles enfermons sûrement: etquandnous voulons nousenservir,nousles tuons aussi aisément que les animaux domestiques. C’est ainsi que le Créateur a tout soumis à l’homme. Nous nous servons des chiens pour la garde des troupeaux et des maisons; nous nous servons des bœufs pour cultiver la terre, des bêtes de charge pour porter toute sorte de fardeaux. Quant aux lions, aux ours, aux léopards, aux sangliers et aux autres bêtes féroces ; la nature les a destinés à réveiller et entretenir le sentiment de courage qu’elle a versé dans nos cœurs.
g Du moins, dit Celse, avant qu’il y eût des \ i Iles, ׳> que les arts fussent inventés , et les sociétés for-«mées, avant que les hommes eussent des armes » et des toiles , les hommes assurément ne pi e-»noient point les bêtes féroces ; c’étoien! elles » qui prenoient les hommes et qui les dévoroienl.»
On peut remarquer d’abord que c’est par l’intelligence (page 216.) et ]a raison que l’homme l’emporte sur la bête, et que celle-ci ne doit sa supériorité qu’à sa férocité : ce qui établit une grande différence entre l'homme et les autres animaux. D’ailleurs,
Celse ne prend pas garde qu’il se contredit lui-même, puisqu’il soutient que le monde est éternel ; comment pourra-t-il assigner un temps où les arts et les villes n’étoient pas encore? Mais s’il a parlé de la sorte pour s’accommoder à notre sentiment ; nous lui dirons que nous reconnoissons une Providence , un Dieu qui préside à tout, et qui par conséquent a dû garder et préserver l’homme.
(Gen., 1. 1<j.xaï. 7, etc. ) Nous apprenons en effet, par les écrits de Moïse, que les premiers hommes conversaient familièrement avec Dieu, et qu’il leur envoyait souvent ses anges. Il étoit de la bonté , et même de la justice de Dieu de veiller spécialement à ]a sûreté de l’homme, jusqu’à ce que l’invention des arts, et les progrès des connaissances l’eussent mis en état de se défendre lui-même, et de n’avoir plus besoin du secours des ministres du ciel. D’où je conclus qu’il est faux qu’on doive croire qu’au commencement, c’étoicnt les bêtes qui prenaient les hommes et les dévoroient, etqu’ainsi ce serait à elles que Dieu auroit assujetti les hommes. Notre (l’a״(:?.!;.) savant adversaire ne voit pas qu’en combattant notre doctrine, nous ne sommes pas les seuls à qui il ait à repondre, mais qu’il a contre lui le plus grand nombre des philosophes qui croient à la Providence , et lui opposeront qu’elle a tout fait pour les êtres intelligens; qu’il combat une doctrine utile au genre humain ; et qu’il y a une impie'te' réelle à vouloir qu’il n’y ait point de différence entre l’homme et la bête. Et c’est là qu’il aboutit, quand il ajoute : «Si l’on prétend que » l’homme diffère de l’abeille et de la fourmi, en » ce qu’il habite des villes, qu’il est régi par des »lois, qu’il obéit à des chefs et à des magistrats, »rien n’est plus frivole que cette preuve; car les » fourmis et les abeilles en ont autant. Les abeilles » sont gouvernées par un roi; elles forment un état »où il y a autorité d’une part , subordination de » l’autre , où l’on fait la guerre , où l’on remporte » des victoires, où l’on use du droit des vainqueurs. »On y voit des villes, des faubourgs, des travaux »ménagés avec, ordre, où la paresse et la fainéan-» lise sont réprimées par une justice sévère. Elles »donnent la chasse aux frelons et ]es mettent à » mort. »
Celse, en parlant de la sorte, montre bien qu’il ignore la différence qui existe entre les ouvrages de la raison et de la sagesse, et ce qui se fait par un mouvement aveugle et machinal. Il ne faut pas chercher la raison dans les animaux, parce qu’ils n’en ont point.
Celui qui est la raison originelle, et qui est aussi le souverain modérateur de l’univers, a voulu qu’il y eût dans les animaux un instinct naturel, qui, tout irréfléchi qu’il est, remplaçât la raison, et fut très-distinct de l’intelligence qui bâtit les villes, y fait fleurir les arts et régner les lois, ordonne la hiérar-chie des pouvoirs, les distingue par des désignations précises, produit les actions vertueuses. Fiien de semblable chez les animaux. Ce n’est qu’abusive-ment que l’on transporte à leurs sociétés les mots de gouvernemens, de villes , de magistratures, qui n’ont de vérité que dans leur application à des êtres intelligens. Que leur instinct soit une image de la raison ; ce n’est pas pour eux un titre d’éloge , mais un bienfait de la Providence qui a voulu faire de leurs mœurs la leçon des hommes. Ainsi l’exem-pie de la fourmi leur apprend l’économie et l’amour du travail; celui des abeilles les invite à la subordination, ainsi qu’à partager les travaux néces-sairespour l’harmonie de la société. Peut-être aussi que l’image des guerres qui se font chez les abeilles, fournit aux hommes des leçons sur la manière de faire la guerre, quand on s’y voit contraint. Pour des villes et des faubourgs , il n’y en a point d’ap-patence dans leurs ruches. Les compartimens si réguliers de leurs habitations, les alternatives de travail et de repos , cjui s’y trouvent observées , n’onl d’autre objet que l’utilité de !’homme à qui elles donnent leur miel et leur cire ; c’est lui qui en fait tantôt un remède, tantôt un aliment. Le traitement dont elles usent à l’égard des frelons n’est point du tout la justice qui s’exerce dans les villes contre les lâches et les médians. En tout (1׳ag<:21b.) cela, il faut admirer la Providence; et reconnoitre la science de l’homme qui a pu embrasser et la connoissance et la direction de tant de details; en sorte qu’il est non-seulement le ministre des desseins de la Providence , mais qu’il a lui-même ses vues, et pour ainsi dire, sa providence.
Celse, après avoir fait tous ses efforts pour de'-grader l’homme , et ce qu’il y a de plus relevé parmi les hommes , par le parallèle qu’il en fait avec l’abeille, passe à l’éloge et au parallèle de la fourmi. Il prétend rabaisser notre prévoyance, notre économie, les services que nous nous rendons mutuellement, en montrant tout cela dans la fourmi. Il ne réfléchit pas combien ces insidieuses comparaisons, combien surtout la perfide préférence qu’il accorde aux qualités des animaux sur les hommes peuvent amener des conséquences funestes à la morale publique. Un lecteur peu instruit, après avoir lu ces sophismes, ne sera-t-il pas tenté de dire : A quoi bon secourir les autres elles soulager, pour mériter après cela d’être mis à côté de la fourmi qui soulage de même sa compagne . quand elle est fatiguée ou trop chargée?.. Au reste, plus il affecte de prodiguer ses éloges aux bêtes; plus, sans le vouloir, il relève l’ouvrage du Verbe , principe de tout, et l’homme lui-même , qui, par les ressources de sa raison , ajoute un nouveau relief aux dons de la nature.
(Page 219·) Il ne s’en tient pas là. 11 voudroit nous persuader que les bêtes n’ont pas moins que nous la raison en partage. A l’entendre, «les fourmis ont entre »elles des conversations suivies. Les principes »généraux des sciences ne leur sont pas incon-» nus ( 1) · »
(1) Cette étrange folie , arec toutes les conséquences qui en dérivent, a trouvé des sectateurs dans les temps modernes. De nos jours, un philosophe a essayé de l’accréditer dans un recueil de Mémoires sur l'histoire naturelle (Dupont de Nemours.). 11 se van-toit de ne pas connoître le Dieu des chrétiens. Conuoissoit-il mieux le Dieu de la nature?
Quoi de plus ridicule qu’un pareil système de la part d’un philosophe qui entreprend de nous éclairer sur toute la nature, et qui, par le titre de son ouvrage, s’est engagé à n’enseigner que la vérité !
Perdant toute honte, il ajoute :« Si quelqu’un » abaissoit du haut du ciel ses regards sur la terre ; »quelle différence, je vous le demande, verroit-il » entre ce que font les hommes , et ce que font les »abeilles ou les fourmis ? »
Mais dans son hypothèse, le spectateur dont il parle arrêtera-t-il sa vue aux corps, sans examiner s'il n’y a pas d’un coté, une intelligence qui dirige les opérations des uns, de l’autre, simplement une combinaison d’actions qui tient aux seuls mouve-mens des organes?...
(Page 221.) Si les animaux avoient les notions qu’on leur suppose , on ne seroit pas re'duit à n’en citer jamais que deux ou trois exemples toujours les mêmes ; ils auraient des connoissances aussi multipliées (Page 222.) et aussi variées que l’homme, à qui l’expérience, la raison, la réflexion ont appris tout ce qu’il sait, et qui l’augmente journellement.
« Il y a dans l’àme des bêtes quelque chose de » divin et de fort supérieur aux hommes. Quoi de » plus divin que de connaître et de prédire l’avenir! » Or, l’art de la divination n'est fondé que sur les »connoissances et les pronostics tirés des bêtes, »et en particulier des oiseaux? Les bêtes par con-» séquent connaissent Dieu mieux que nous. »
A la manière dont Celse parle ici, on croirait que tout le monde convient de ce qu’il avance. Au contraire, rien de plus opposé que les opinions des Grecs et des Barbares sur ce point. On dispute s’il existe un art de la divination; et, au cas qu'il existe, quel en peut être le principe.
Celse avoit donc à prouver ce qu’il assure si légèrement. Il avoit à répondre aux objections de ceux qui combattent son système. Et tandis qu’il nous reproche de croire trop facilement au Dieu sauve-rain, il veut que nous croyions, sur sa parole , que les oiseaux ont des notions de la Divinité' plus sûres et plus lumineuses que les hommes. (Page 223.) Il faut donc qu’il convienne que les oiseaux sont plus éclairés que lui-même, que les théologiens des Grecs, un Phérécide , un Pythagore, un Socrate, un Platon. Dans ses principes, il doit nous envoyer à l'école des oiseaux,plutôtqu’àcelledesphilosophes, pour nous former des idées justes de la Divinité.
Mais voici une observation qui suffirait pour renverser ce beau système , et pour enlever aux oiseaux toutes ces sublimes connoissances. C’est que , si véritablement ils prédisaient l’avenir, ils ne donneraient pas continuellement dans les pièges que leur tendent les hommes ou d’autres bêtes. S’il y a quelque chose de merveilleux dans l’art des augures et des auspices, nous sommes persuadés qu’il faut l’attribuer aux démons, qui sont continuellement occupés à séduire les hommes et à les détourner du culte du vrai Dieu.
(Pa״e2?.6.) Le vrai Dieu , pour révéler l’avenir, ne se sert point des bctcs, ni même des hommes pris au hasard. Il choisit les âmes les plus pures et les plus saintes, qu’il remplit de son Esprit, et dont il fait scs prophètes. Aussi lisons-nous dans la loi de Moïse : J'ous n’aurez ni augure ni aruspice parmi vous, comme ces nations que le Seigneur exterminera (>'omb. xxin.25.) sous vos yeux.
Celse ne se contente pas d’ériger les bêtes en (Page227.) prophètes ; il prétend encore « qu’elles sont pins »chères et plus fidèles à Dieu que nous, qu’elles »le connoissent, qu’elles entretiennent avec lui »un commerce plus intime que l’homme, que »leurs conversations sont plus saintes, et qu’elles »observent religieusement les sennens. »
Il s’ensuivroit. donc que, selon lui, les bêles (Page228.) sont plus chères à Dieu que tous ces grands phi-losophes qu’il élevoit tout à l’heure jusqu’aux cieux; que leurs dialogues l’emportent incompa-rablement sur tous ceux d’un Socrate et d’un Pla-ton. Le voilà donc réduit à envier le sort des bêtes, d’un dragon, d’un loup , d’un renard, d’un aigle, d’un épervier. Et il doit nous savoir gré de souhai-ter qu’il leur ressemble.
Sans nous arrêter à relever de pareilles extrava-gances, nous remarquerons que les hommes, même les plus savans, ne peuvent se flatter d’avoir aucun commerce avec, la Divinité, tant qu’ils restent atta-chés au vice. Il n’y a que la vraie sagesse et la vraie piété qui puissent mériter aux hommes cet inesti-mable avantage. Tels furentMoïse et les prophètes.
A׳oici la conclusion de Celse :« Tout n’a donc (Pagoao.) »pas été fait pour l'homme, non plus que pour le » lion , l’aigle et le dauphin. Pour que le monde » fût parfait, les différens êtres n’ont dû se rappor-»ter à aucune partie, du moins en premier lieu, «mais seulement au tout. C’est de ce tout que Dieu « prend soin. Voilà ce qu’il n’abandonne jamais, «ce qui ne se corrompt jamais , ce qui ne se ré-«concilie point au bout d’un certain temps. Dieu «ne se fàcbe pas plus contre les hommes que con-« tre les singes ou les mouches. Il ne fait point de «menaces; chaque être garde le rang où il l’a « placé. «
Je ne répondrai qu’un mot. Nous avons prouvé ailleurs que le monde a été fait pour l’homme . pour les créatures raisonnables, et non pour le lion, l’aigle et le dauphin. Sans cela le monde qui est l’ouvrage de Dieu, ne seroit point parfait comme Celse prétend qu’il l’est, et avec raison. Dieu a soin du monde sans doute; mais il a soin surtout des créatures raisonnables. Jamais sa Providence n’abandonne le monde. Le mal qu’y introduit le péché de la créature raisonnable, il le fait dispa-roître, et se réconcilie le monde au temps qu’il a marqué. Il ne se fâche point contre les singes ni les mouches ; (Page 250.) mais il a chargé ses prophètes et le Sauveur qui est venu sur la terre de faire des menaces aux hommes qui violent la loi naturelle, afin qu’ils rentrent en eux-mêmes et qu’ils se corrigent. Quant à ceux qui méprisent ses avertissemvns et ses menaces, ils subiront les punitions qu’il est juste que décerne contre eux le Dieu qui doit maintenir l’ordre dans l’univers.
Livre cinquième (1). Cen’estpoint, sage Ambroise, la démangeaison de parler qui me fait entreprendre ce cinquième livre contre Celse. Je sais qu’il n’est pas possible de parler beaucoup sans pécher; mais (Prov., x. !g.) je voudrais, autant qu’il est en moi, ne laisser (Page231·) sans réponse aucune des objections de Celse contre * les Juifs et contre les chrétiens. Que ne m’est-il donné de faire passer mes paroles jusqu’au cœur de tous ceux qui ont lu son ouvrage, d’en arracher le trait qui a blessé quiconque n’est pas couvert d’une armure divine, et de fermer la plaie qu’il a pu faire à la foi de chacun d’eux! Mais il n’appar-tient qu’à Dieu de pénétrer invisiblement dans les cœurs avec son Christ et son Esprit. Pour nous, notre ambition se borne à mériter le titre de ministres sans reproche, qui savent bien dispenser la parole de vérité (2). Je vais donc, par déférence (t Ti 1) pour vos ordres, poursuivre la réfutation de ses sophismes. Ai-je réussi jusqu’à présent ? j’en appelle au jugement de mes lecteurs. Je prie Dieu qu’il ne permette pas que j’emploie ici aucun raisonnement profane ; que je donne à la foi de ceux à qui je désire être utile la sagesse humaine pour appui ; mais que !,Esprit saint daigne m’inspirer, qu’il m’éclaire; lui qui seul peut donner !’intelligence de la divine parole ; qu’il m’aide à abattre toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu ; à confondre (r> Cor., x.5.) l’orgueilleux qui ose insulter à notre Jésus, à Moïse et aux prophètes ; et que la même vertu d’en haut qui communique sa puissante énergie aux prédicateurs de son Evangile, daigne encore s’imprimer à mes paroles.
(1) Nous avons suivi en général pour ce livre et les suivans l’abbé de Gourcy , taut dans ses analyses que dans ses traductions.
(2) Bossuet fait rer arquer cette invocation d’Origène parmi les prières que nos pieux et savans docteurs ont toujours grand soin d’a-dresser à Diet! pour se recommander, eux et leurs lecteurs, à l’effica-cité de la grâce. Défense delàtradit... tom. in des OEuvres posthumes. édit. in4°־. Aiuster. 1755.
«Vous ne devez pas croire, dit l’ennemi des ין Juifs et des chrétiens, qu’il y ait eu ou qu’il puisse «y avoir jamais ni Dieu ni Fils de Dieu descendu »sur la terre. Seroit-ce quelque ange, ou plutôt » quelque démon ? »
(Page252.) Voilà encore des objections cent fois répétées par notre impitoyable adversaire, et sur lesquelles nous ne reviendrons point ; nous y avons tant de fois répondu! J’ajouterai une simple observation; c’est qu’ici encore il ne s’accorde ni avec lui-même, ni avec ceux de sa religion, qui croient, et lui-même l’a avancé, que plusieurs de leurs dieux, entre autres Apollon etEsculape, sont venus habiter avec les hommes. Or, de deux choses l’une : ou on ne les a point vus sur la terre, ou ce n’é-toient pas des dieux. Dites plutôt que c’étoient des démons qui ne valoientpas les hommes.
(Page 233.) «Seroit-ce quelque ange? « Il est bon de lui apprendre notre doctrine à ce sujet. Nous appe-lonsyï/?g^s des esprits dont l’emploi est d’être envoyés pour servir ceux qui doivent être les héritiers du salut. (Hcbr., I 4.) Tantôt ils montent au ciel pour porter au trône de Dieu les prières des hommes ; tantôt ils descendent sur la terre pour distribuer aux hommes les dons de Dieu. On les trouvera quelquefois nommés dieux dans nos saintes Ecritures, parce qu’il y a (ps. LXXX1. u) dans eux quelque chose de divin; mais nulle part on n’y lira qu’il soit ordonné de rendre aux anges, aux envoyés de Dieu , le même culte qu’à Dieu. Au contraire, tous les vœux, toutes les actions de grâces, toutes les supplications, toutes les prières proprement dites, doivent chez les chrétiens se rapporter uniquement à Dieu par la médiation du pontife par excellence supérieur à tous les anges , par le Verbe de vie qui est Dieu. C’est pourquoi nous adressons aussi au Verbe nos prières, nos vœux et nos actions de grâces.
Pour nous rendre les anges favorables, il suffit d’avoir pour Dieu, autant que notre nature le permet, les mêmes sentimens qu’ils ont eux-mêmes. Il faut les imiter comme eux-mêmes imitent Dieu. Il faut tâcher de perfectionner de jour en jour la connoissance que nous axons du Verbe, Fils de Dieu, et d’approcher le plus qu’il est possible de la connoissance qu’en ont les anges.
Quand Celse avance que les anges dont nous parlons sont vraisemblablement des démons. il montre bien qu’il n’a pas lu nos Ecritures ; il auroit vu qu’elles ne donnent le nom de démons qu’à ces esprits malfaisans qui ne sont occupés qu’à séduire les hommes (Page 234.) et à les éloigner de Dieu et des choses célestes pour les rabaisser vers la terre.
Celse reproche aux Juifs « de ne pas adorer ce « qu’il y a de plus auguste dans le ciel et de plus » puissant, le soleil, la lune , les astres, quoiqu’ils » adorent le ciel et les anges du ciel. »
Il parle de choses qu’il ignore. Tout le monde peut aisément se convaincre que les Juifs ainsi que les chrétiens n’adorent que Dieu seul, le Créateur du ciel et de tout l’univers. Ils n’oublient pas ce précepte de leur loi : Prenez garde, en levant les yeux au ciel, de vous laisser éblouir par Γéclat du soleil ; de la lune et des étoiles, et d’adorer ce que que le Seigneur votre Dieu a créé pour servir toutes les nations... (Exud., xx. 3,4, 5. Deut. ,π19 .־, 20.) (Au sujet des chrétiens ). Quoi ! ceux qui avoient appris à fouler généreusement aux pieds toutes les créatures,(Page 238.) à n’attendre que de Dieu seul le salaire magnifique de leurs œuvres, d’une vie passée dans la vertu ; ceux à qui on ayoit dit : Vous êtes la lumière; que votre lumière brille devant les hommes, afin qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux; (i Joan. 1. 5, 9·) ceux qui s’avançoient avec ardeur vers cette sagesse éclatante et sans tache, qui est une émanation de la lumière éternelle : ceux qui Γavoient déjà al feinte, auroient-ils pu être assez frappés de cette lumière grossière du soleil et des étoiles ; auroient-ils assez méconnu le prix de la vraie lumière, de la lumière du monde, la lumière des hommes, qu’ils avoient dans eux-mêmes, pour lui préférer la lumière si inférieure de ces astres , et pour leur rendre un culte religieux ?...
Dieu descend parmi les hommes par sa providence, sans changer pour cela de lieu. Son Verbe (Pagçaôÿ,) est toujours au milieu d’eux selon sa promesse : Voilà (pie je suis tous les jours avec vous jusqu’à la consommation des siècles. (Matth., XXVIII. 20.) Comme le sarment ne peut porter de fruit s’il est retranché de la vigne ; de même les chrétiens, disciples du Verbe, ces branches spirituelles de la véritable vigne, qui est le Verbe de Dieu et le Christ, ne sauroient porter les fruits de la vertu ,(Joan., xvi.4 ·)s’ils ne demeurent attachés à lui. Mais s'ils ont toujours au milieu d’eux Dieu même qui remplit le ciel et la terre, s’ils sont toujours unis à son A'erbe; comment peuvent-ils prostituer leurs vœux et leurs prières aux astres dont ils sont si éloignés?
Il n’est pas vrai pour cela que nous méprisions les cieux et les astres, comme Celse nous en accuse. Nous n’avons garde de mépriser ces ouvrages merveilleux qui louent Dieu si éloquemment ; (Ps. CXLVIII, 20.) mais loin d’exiger de nous des adorations et des vœux, ils nous diraient plulôt : Pourquoi nous adorez vous, nous, qui, comme vous, adorons et glorifions Dieu seul notre Créateur et le vôtre?
(Page240.) «C’est encore, dit Celse, une opinion extrava-» gante des chrétiens que Dieu, semblable à un cui-» sinier, allumera un feu qui consumera tout, ex» cepté eux seuls, soit qu’ils soient encore vivans » alors , soit qu’ils soient morts même depuis long» temps; et qu’ils sortiront du sein de la terre avec » les mêmes corps qu’ils avaient eus pendant leur «vie; c’est bien là une espérance digne des vers. » Eh! quelle âme peut ambitionner de rentrer dans » un corps réduit en pourriture ? Comment donc un ״tel corps peut-il redevenir le même qu’il étoit? » A cela ils n’ont rien à répondre, sinon que Dieu » est tout-puissant, comme si Dieu pouvoit ce qui I est indécent et déraisonnable. Il ne faut pas croire » que Dieu exaucera les vœux insensés et injustes »des méchans; ce n’est pas pour cela qu’il est le »modérateur de l’univers, c’est pour faire tout ce » qui est convenable, tout ce qui est juste. Je ne » nie pas qu’il ne puisse accorder l’immortalité aux » âmes humaines , mais il ne peut ni ne veut l’ac-» corder à des cadavres infects. Cela est évidemment »contre la raison. Or, Dieu est la raison souve-»raine de tout ce qui existe , il ne sauroit donc agir » contre la raison, sans agir contre lui-même. »
Ptemarquez d’abord comme Celse calomnie et tourne en ridiculè la doctrine de l’embrasement du monde, qui a été' enseignée cependant par plusieurs philosophes grecs d’une certaine réputation, lesquels probablement en avaient puisé l’idée dans les livres des Juifs, plus anciens qu’eux tous.
Il y aura un feu qui punira, un feu qui purifiera , (page24!.) un feu qui brûlera sans consumer, un feu qui pénétrera sans les anéantir ceux dont les actions , les paroles, les pensées mériteront qu’on les compare à ces vains matériaux de bois 3 de foin et de paille ( 1cor.,״!,) qui n’établissent pas une solide construction, et que le Seigneur tel qu’un feu dévorant, à quoi il (Malach., m.) est assimilé dans nos saintes Ecritures, livrera à un feu vengeur.
Celse n’entend pas mieux nos Ecritures et notre croyance , quand il dit que ceux qui sont morts depuis long-temps sortiront de la terre avec leurs cadavres sans aucun changement. Un passage de (page 245.) saint Paul , mal compris par lui, peut avoir donné lieu à cette erreur. Quelqu’un demandera, dit 1Ά-pôtre: comment les morts ressusciteront-ils ? dans quelle sorte de corps parottronl-ils? vous ne voyez pas, ajoute-t-il3 que ce que vous semez ne peut être vivifié qu’il ne meure auparavant ; et quand vous semez, vous ne semez pas le corps de la plante qui naîtra, mais de simples graines; c’est Dieu qui donne les corps qui en sortent, et il donne à chaque semence le corps qui lui est propre. (! Cor,, xv.)
Vous voyez ]a différence qu’il établit entre la semence jetée en terre, et le corps de la plante qui en sort; et que par la fécondité que Dieu donne aux semences, il se fait une espèce de résurrection, de manière que les unes produisent des épis, et les autres les arbres les plus élevés. Ce que Dieu fait à l’égard des semences, il le fait pour les corps qui sont, pour ainsi dire, semés dans la lerre, et que sa puissance, quand le temps en sera venu, transformera en des corps, changés selon leurs mérites. L’Ecriture nous développe fort au long la différence qu’il y a entre le corps tel qu’il est semé, et le corps tel qu’il renaît : Il est semé dans la corrup-lion. il ressuscitera incorruptible ; il est semé dans Γhumiliation, il ressuscitera glorieux; il est semé dans la faiblesse י il ressuscitera plein de vigueur ; le corps animal est semé, il ressuscitera spirituel. (Ibid. 4244־· /Page ?44·) Notre espérance n’est donc pas une espérance de vers. Notre âme ne désire donc pas d’être réunie «à un corps corrompu. Et comme la nature du corps est corruptible, il est nécessaire qu’il obtienne l’incorruptibilité. Comme il est sujet à la mort, il faut qu’il soit revêtu de l’immortalité ; afin que, selon l’oracle des prophètes, la victoire soit ravie à la mort qui nous avoit asservis à son empire , afin que l’aiguillon dont elle avoit percé notre âme soit brisé pour jamais. (Osée, Mil.!4·)
(Page 246·) Nous croyons donc avec certitude à la future résurrection des morts , comme fondée sur !’Ecriture qui est la parole de Dieu. Nous avons dans les promesses de Jésus-Christ une confiance inébranlable, sûrs que le ciel et la terre avec ce qu’ils renferment passeront, mais que les paroles du Verbe de Dieu ne peuvent passer swns être accomplies. (MattR,xx!v.)
Nous n’avons pas recours à une misérable défaite , quand nous disons que tout est possible à Dieu. Nous savons bien que les choses qui répugnent et qui sont absurdes ne sauraient y être comprises ; nous avouons que Dieu ne peut rien de ce qui est mal; autrement il ne seroit pas Dieu.
Quant à ce qu’on ajoute : que Dieu ne veut pas ce qui est contre la nature, il faut distinguer. Si on entend par ces mots contre la nature , ce qui est opposé à la vertu et à la raison, nous convenons que Dieu ne voudra jamais ce qui est contre la nature.
Tout ce que la volonté et la sagesse de Dieu ont prescrit ne sauroit être contre la nature, quelque incroyable qu’il soit ou paroisse à certaines personnes. Mais si l’on veut parler avec une rigoureuse précision, nous soutiendrons qu’il y a des choses au-dessus de la nature que Dieu peut faire. C’est ainsi qu’il élève l’homme au-dessus de sa nature, pour l’associer en quelque sorte à la nature divine.
Après avoir reconnu que Dieu ne veut rien de (Page ז4י·) contraire à la nature, nous ne ferons pas difficulté de convenir qu’il ne peut réaliser les désirs dépravés de !,homme. L’amour seul de la vérité nous anime dans la discussion de l’ouvrage de Celse; c’est pourquoi nous lui accordons sans peine que Dieu qui est l’auteur de la nature innocente etver-tueuse, et le principe de tout bien, ne peut être le fauteur des vices et des passions. Pour ce qui est de l’immortalité, nous assurons, non-seulement que Dieu peut la donner à l’âme, mais qu’il l’a donnée en effet. Qu’ilrépète après cela, d’après un ancien ( Héraclite ), « qu’un corps mort vaut moins que du » fumier. « Nous nous contenterons de lui répondre que le fumier n’est bon qu’à être jeté dehors; mais que le corps de l’homme mérite quelques égards, par l’honneur qu’il a eu de servir à l’âme de domi-cilc, particulièrement si cette âme fut vertueuse. D’où Aient que chez tous les peuples policés il a été établi d’honorables sépultures pour les morts....
(Page 255.) Que Celse nous demande «d’où nous venons, יי nous autres chrétiens, et quel est notre chef, » nous lui répondrons que nous venons sous la con-duite de Jésus, pour changer en socs de charrue les glaives que nous tirions contre nos semblables. Non , nous ne savons plus nous en servir pour faire la guerre; nous sommes devenus les enfans de la paix par Jésus que nous suivons comme notre chef après avoir abandonné ceux auxquels nos pères s’étoient attachés. C’est de lui que nous avons reçn la loi qui nous a dessillé les yeux.
Celse nous allègue Hérodote , Pindare, l’oracle de Jupiter Ammon, pour prouver que la loi étant la reine de tous les hommes, ils doivent se conformer aux lois de leur pays. Son but est d’appliquer ce principe aux chrétiens, et d’en inférer que ne formant pas un peuple particulier, ils sont coupables (Page 255.) de s’être séparés des Juifs, pour s’attacher à la doctrine de Jésus.
Qu’il nous réponde donc si les philosophes qui ont secoué le joug de la superstition, et qui mangent des mets défendus par les lois de leur pays sont criminels ou non ? Car si la philosophie donne ce droit, pourquoi le christianisme ne le donne-roit-il pas également ?
En prétendant qu’on ne peut jamais être répréhensible d’obéir aux lois et aux usages de son pays, il s’cnsuivroit que les Scythes font très-bien de manger leurs semblables, et les Indiens de manger leurs propres parens.
Il y a en général deux sortes de lois, la loi naturelle que Dieu a gravée dans le cœur de l’homme, et la loi civile ou la loi écrite. Quand la loi civile n’est pas contraire à la loi divine, tous les citoyens sans doute sont obligés de la suivre et même de la préférer à toutes les lois étrangères ; mais , dès qu’elle ordonne des choses opposées à la loi divine (page 256.), la raison elle-même ne nous-dit-elle pas qu’il faut alors mépriser les lois et les législateurs hu-mains, pour n’obéir qu’au souverain législateur , à Dieu même, et pour régler notre vie sur ses préceptes, à quelques travaux, à quelques dangers qu’il fallut s’exposer pour cela? Puisque, dans ce cas, il est impossible de plaire en même temps à Dieu et aux hommes; ne seroit-il pas absurde de préférer de plaire aux derniers, et de se conformer à leurs lois impies? Or, s’il est juste au contraire et raisonnable de préférer en toute occasion la loi naturelle, qui est la loi de Dieu, à la loi que les hommes oseraient porter contre la loi de Dieu ; c’est surtout quand il s’agit de lois qui ont la Divinité même pour objet.
(Page 258.) Le pompeux éloge que Celse fait de la loi qu’il nous oppose , en l’appelant la reine du monde, ne saurait convenir à des lois locales et bornées , encore moins à des lois impies ; il ne peut s’appliquer qu’à la loi divine à laquelle tous doivent obéir. C’est sur elle que nous nous proposons de régler notre conduite ־, c’est par soumission pour elle que nous rejetons les lois impies.
(Page 260.) Celse revient aux Juifs. « Quelle raison pou-»voient-ils avoir de se préférer aux autres peuples ? »C’est un sot et vain orgueil de leur part, de s’i-»maginer qu’ils ont exclusivement la connaissance »du grand Dieu. Non , ils ne le connaissent même »pas ; ils n’ont été que les dupes des impostures de » Moïse. Eh ! qu’importe d’ailleurs qu’on l’adore , » ce grand Dieu, sous le nom de Jupiter, ou d’Ain-»mon, ou d’Adonaï, ou de Sabaoth, ou enfin de »Papæus, comme les Scythes? »
Je crois avoir assez indiqué ailleurs les caractères qui distinguent le peuple juif entre tous les autres. Sans parler de son célèbre temple, ni de la majesté de ses cérémonies ; si nous jetons un coup d’œil sur sa législation et sur sa police , nous ne trouverons aucune nation qu’on puisse lui corn-parer. Le peuple juif avoit banni, autant qu’il est possible, tous les arts, toutes les professions inutiles ou dangereuses, et avoit rassemblé tout ce qui peut être avantageux à un état. (Page 260.) 011 n’y voyoit ni théâtre, ni cirque; on n’y souffroit point de femmes qui fissent un de ces commerces infâmes qui outragent la nature et nuisent à la population même.
Quel avantage pour les Juifs d’être instruits, dès la plus tendre enfance, à s’élever au-dessus de la nature sensible , pour chercher et découvrir la Divinité! Quel avantage d’apprendre, dès l’âge qui sait à peine bégayer, que l’âme est immortelle , qu’il y a un jugement après cette vie , et des récoin-penses pour ceux qui auront bien vécu! Le peuple de Dieu rejetoit aussi toutes sortes de divinations qui ne sont propres qu’à séduire les hommes, et qui sont manifestement l’ouvrage des démons. Ils puisoient la connoissauce de l’avenir dans les écrits des prophètes, dont la sainteté' consommée leur avoit mérité la grâce d’être remplis de !’Esprit divin.
Quelle sagesse, quel sentiment d’équité dans la loi qui ne pennettoit pas qn’un Juif servît plus de six ans ! Les Juifs doivent être plus jaloux qu’au-cune autre nation de conserver leurs lois. Us se-roient inexcusables de ne pas en sentir l’excellence et la supériorité, et d’ignorer qu’elles ont une ori-gine bien différente de celle des autres lois. Aussi le peuple juif, quoi qu’en dise Celse , surpasse en sagesse, non-seulement les autres peuples , mais ceux même qu’on nous vante comme philosophes. Les philosophes , avec tous leurs beaux discours , se laissent entraîner au culte des idoles et des dé-mons ; tandis que le dernier des Juifs reconnoît et n’adore que le Dieu souverain. Les Juifs ne sont-ils pas fondés à s’estimer plus qu’eux tous, à les regarder comme des enfans, comme des hommes sans religion, et à fuir leur commerce ?
Plut à Dieu qu’ils eussent été fidèles à leur loi ; qu’ils n’eussent point trempé leurs mains dans le sang de leurs prophètes , et enfin , dans le sang même de Jésus! Nous verrions sur la terre cette ville céleste que Platon n’a pu qu’imaginer. Je n’en dis pas assez : ce qu'a fait Moïse, ce qu’ont fait scs successeurs est au-dessus de Platon. Us ont formé et gouverné un peuple choisi entre tous les peuples ; ils lui ont enseigné une doctrine pure , et éloignée de toute sorte de superstitions.
Celse prétend que ce qu’il y a de plus auguste (page261) chez les Juifs , se trouve de même chez d’autres peuples. « Point de différence, dit-il, entre le »culte du ciel et le culte de Dieu, entre les sacri-»fices des Perses et ceux des Juifs. »
Il ne fait donc pas attention que , chez les Juifs, comme il n’y a qu’un Dieu, il n’y a aussi qu’un temple, un autel pour les holocaustes, un autel pour les parfums, et un seul grand-prêtre. Quel rapport y a-t-il entre les Perses qui sacrifient à Jupiter sur les plus hautes montagnes , et les Juifs qui offrent dans leur temple des sacrifices tout dif-férens? Et ces derniers sacrifices n’étoient que l’ombre et la figure des choses célestes ; on avoit soin d’expliquer quel en étoit l’esprit, et ce qu’ils signifioient. Que les Perses appellent, s’ils veulent, le ciel Jupiter, nous n’avons garde d’adorer ni le ciel, ni Jupiter. Nous disons dans nos prières : Cieux des deux louez Dieu, et que les eaux qui sont au-clessus des cieux louent le Seigneur. (ps. cxlv!״.)(page262)
Celse prétend qu’il est fort égal d’appeler Dieu Jupiter ou le Très-Haut, ou Ammon, ou Adonaï.
J’observerai d’abord qu’il est faux de dire, comme l’a cru le chef de l'école péripatéticienne , qu’il y ait eu, dans l'institution des noms, rien d’arbitraire ou d’indifférent , et que les différentes langues parlées sur la surface du globe, aient été Pou-vrage des hommes. Nous sommes bien éloignés d'appeler Dieu, Jupiter ou Ammon qui ne sont que des démons. Nous souffririons la mort plutôt que de prostituer de la sorte le nom de Dieu. Au reste, le nom qui signifie Dieu, comme mot ap-pellatif, dans la langue des Scythes, des Egyptiens, ou dans toute autre langue, peut être donné à Dieu sans péché.
(Page265.) Quanta la circoncision, quoiqu’elle soit corn-mune aux Juifs avec les Egyptiens , et les peuples de la Colchide, on ne peut pas même les comparer en cela, puisqu’ils la pratiquent par des raisons fort différentes. C’est ainsi que ceux qui font les mêmes sacrifices et les mêmes prières ne se ressemblent nullement, s’ils les adressent à différentes divinités. C’est ainsi que les sectes des philosophes grecs, des épicuriens , des stoïciens et des platoniciens , pour employer les mêmes termes de justice et de courage, n’en sont pas plus d’accord entre elles, quand il s'agit d’expliquer la nature et les fonctions de ces vertus.
Pour ce qui est de l’abstinence , les Juifs ne se glorifient certaineinentpas de ce qu’ils s’interdisent la chair de porc , comme si c’étoit un point de grande importance.׳ Il est vrai qu'ils distinguent deux classes d’animaux purs et impurs, et qu’ils rangent le pourceau parmi les derniers. Ils donnent des raisons de cette distinction ; mais Jésus l’a abolie. Un de scs disciples, qui l’ignoroit, disant: Je n’ai jamais rien mangé d’immonde , entendit une voix qui re'pondit : 2V’appelez pas immonde ce (Ach x 15־)que Dieu a purifié.
Peu nous importe, ainsi qu’aux Juifs , ce que Celse ajoute des prêtres égyptiens, qu’ils ne s’abs-tiennent pas seulement de la chair de porc , mais de celle de chèvre, de brebis, de bœuf et de pois-son. Pour nous qui savons que ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme et que la (Matth.,xv.) nourriture ne fait nullement notre mérite aux yeux (!.Conv!8’) de Dieu ; nous ne nous glorifions point de nous en abstenir; mais nous ne mangeons pas non plus par sensualité. Nous laissons les pythagoriciens se vanter de s’abstenir de manger de la chair de tous les animaux; et il y a une grande différence entre leur abstinence et celle de nos Ascètes (1). La leur n’a d’autre fondement que leur absurde méteinpsy-cose ; mais pour nous, nous nous proposons de châtier notre corps, de le réduire en servitude, de réprimer la fornication, Γimpureté, la concupiscence, tous les désirs déréglés. (1 Cor., ix.27· Coloss., in. 5. Rom., rm.15.)
(1) Religieux ou moines qui faisoient profession d’une vie plus sainte, plus austère et plus retirée que les autres. Ce nom étoit connu dès le temps du paganisme. Eusèbe rapporte à ces Ascètes ce que Philon dit des Thérapeutes, Hist, eccles., lib. 11, cap. χνιι. II les appelle les ascètes du culte de Dieu, c’est-à-dire, qu’ils s’exerçoient aux œuvres de la pieté et de la charité la plus consommée. Il y a eu de tout temps dans !’Église chrétienne, de ces ascètes. Ils habitoient les uns dans les villes, les autres dans des villages ou dans des lieux qui en étaient éloignés. Les plus célèbres dans ces temps furent S. Paul ermite, S. Pacôme . S. Antoine, S. Théodore, S. Pamphile martyr.
« Faut-il croire que les Juifs soient plus agréables »à Dieu que toute autre nation, et que c'est à eux λ seuls que Dieu ait envoyé des anges ? »
11 est aisé de prouver contre Celse que les Juifs ont été singulièrement favorisés de Dieu.(Page 264·) Les infidèles même appellent le Dieu des Hébreux le Grand Dieu. La protection divine a éclaté manifestement, en conservant les foibles restes de cette nation ; (Page 265.) en la préservant des suites du ressentiment d’Alexandre de Macédoine , à qui ils avoient refusé de se joindre contre Darius leur allié. On lit même que ce conquérant se prosterna devant le grand-prêtre des Juifs, et qu’il dit avoir vu en songe ce pontife qui lui avoit prédit qu’il feroit la conquête de toute l’Asie (1). Nous assurons donc que les Juifs ont été protégés de Dieu au-dessus de tous les autres peuples , et que cette faveur et cette protection ont passé d’eux à ceux qui ont cru en Jésus. Aussi les Romains, vainqueurs des Juifs, ont-ils épuisé vainement leur puissance contre les chrétiens. Ils les vouloient exterminer; la main de Dieu combat-toit pour les chrétiens; il a voulu que, d’un coin de la terre, sa parole se répandît sur le reste du monde.
(1) Joseph, stntiq.jud. lil». xi. cap. vin.
En voilà assez pour répondre aux reproches calomnieux que Celse fait aux Juifs. Montrons, en discutant la suite de ses objections, que nous sommes bien fondés à nous glorifier de connaître le souverain Dieu; que ni Moïse, ni Jésus n’ont pu nous séduire par des prestiges; que c’est au contraire pour nous le suprême bonheur d’avoir entendu Dieu par la bouche de Moïse , d’avoir reconnu pour le fils de Dieu Jésus, dont Dieu même a certifié la divinité. Nous sommes assurés que si nous conformons notre vie à sa doctrine , nous serons magnifiquement récompensés.
Quand nous assurons que la vérité pure et sans aucun mélange se trouve dans la doctrine de Jésus, nous ne le disons point pour nous vanter, mais pour la gloire de notre divin maître, à qui le Dieu de l’univers, les oracles des prophètes juifs, et l’évidence même rendent témoignage ; car il est évident qu’il n’a pu faire de si grands prodiges et en si grand nombre, sans le secours de Dieu. Voyons donc la suite des objections de Celse.
(Pagei66.) « Laissons, dit-il, ce que nous pourrions dire »contre leur maître ; accordons même qu'il fût un »ange. A-t-il été le premier et le seul? S’ils ré-»pondent qu’il fut seul, ils sont en contradiction » avec eux-mêmes ; car ils nous racontent qu’il est »venu à la fois jusqu’à soixante ou soixante-dix »anges qui, s’étant pervertis dans la suite , ont été ע précipités dans des lieux souterrains, où ils ex-»pient leurs crimes. Ils assurent qu’il y avoit aussi »un ange dans le sépulcre de Jésus ; d’autres en » mettent deux qui annoncèrent à des femmes la ré-»surrection de Jésus. Sans doute le fils de Dieu »n’a pu lui-même ouvrir son tombeau ; il a eu be-1»soin d’un ange pour enlever la pierre. Un ange » avertit cet artisan que Marie étoit enceinte ; un autre » avertit ses parens de prendre la fuite avec l’enfant. » A quoi bon tout cela, et tous ces anges qui ont été »aussi envoyés soit à Moïse soit à d’autres ? Jésus »est sans doute aussi un ange envoyé de Dieu. »׳Qu’ils prétendent, s’ils veulent, que c’est aussi »pour des choses de la plus grande importance. »Est-ce pour les péchés des Juifs, pour les fausses »interprétations qu’ils donnaient à leur loi, pour »la dépravation des mœurs ? »
Nous pourrions nous borner à observer que ce que nous avons dit de Jésus réfute d’avance ce que Celse vient de nous opposer ; mais , pour qu’on ne croie pas que nous laissions rien sans réponse, nous allons ajouter encore quelques réflexions. Celse veut se faire un mérile de nous épargner des objections ; mais dans le vrai, il a épuisé tout ce qu’d avoit à dire. C’est là apparemment une figure de rhétorique. Il nous fait une grande grace de nous accorder que Jésus est un ange ou un envoyé de Dieu. C’est un fait dont nos yeux , pour ainsi dire , rendent témoignage : que Jésus est venu pour enseigner et sauver tous les hommes. Mais un ange ordinaire ne suffisait pas pour cela; il fallait, comme parle le Prophète, l’ange du grand conseil. (Isa., ix. 5.) Il a annoncé aux hommes le grand dessein du Dieu de l’univers sur eux , c’est-à-dire, que tous ceux qui vivroient dans la vraie religion, et conformément à scs préceptes, mériteraient de partager le Bonheur de Dieu même ; tandis que les incrédules et les rebelles seroient éloignés de la présence de Dieu, et périraient sans ressource.
Quant à ce que dit Celse de ces soixante ou soixante-dix anges, il l’a tiré des livres d’Enoch qu’il n’a pas entendus, et que d’ailleurs !’Église ne reçoit pas comme divins.
(Page 26 .) Suivent quelques chicanes de Celse sur les anges. Éllcs ne peuvent regarder que des hérétiques, tels qu’Apelle qui , rejetant les livres des Juifs, nioit par conséquent les apparitions des anges qui y sont rapportées.
Celse, pour trouver de la contradiction entre nos évangélistes, remarque que les uns parlent de deux anges qu’on vit au tombeau de Jésus, et les autres , d’un seul. La contradiction s’évanouit, si l'on fait attention que* les premiers, c’est-à-dire, Matthieu et Marc, parlent de l’ange qui leva la pierre du tombeau, et les seconds, Luc et Jean,(Matth., XXVIII.2. Marc. xvi. 5. Luc. xxiv. 4· Joan., xx. 12.) des deux anges vêtus d’habits éclatans, qui appa-purent à des femmes auprès du tombeau, ou de ceux qui étoient dans l’intérieur même du tombeau, vêtus de blanc. Ce n’est pas ici le lieu de prouver la vérité du récit des évangélistes, ni de développer le sens allégorique dont il est susceptible.
Vous croyez comme très-authentique tout ce que. les Grecs vous racontent des apparitions. Ce ne sont pas seulement vos mythologistes , mais vos philosophes mêmes qui les ont accréditées parmi vous. Et quand des hommes dévoués au Dieu de l’univers, qui aimeroieiit mieux souffrir toutes sortes de tourmens et la mort même, que de se permettre un seul mensonge sur la Divinité ; quand ils vous attestent qu’ils ont vu de leurs yeux des anges, vous ne les croirez point, vous les traiterez d’imposteurs ! Tous ceux qui cherchent la vérité examinent avec le soin le plus scrupuleux, avant de prononcer qu’un historien est véridique ou menteur.
« Le fds de Dieu ne pouvoit-il pas ôter lui-même יי la pierre du tombeau ? מ Sans recourir ici au sens figuré, je ferai seulement une réflexion qui se présente d’elle-même : c’est que la dignité et l’au׳־ lorité de Jésus paraissent encore plus lorsqu’il se fait rendre cet office par un de ses anges qui sont ses ministres. Je ne dirai pas que les Juifs, coupables de la mort du Verbe, intéressés à ce qu’on le crut mort pour toujours, ne vouloient pas que son se'pulcre fut ouvert; mais qu’un ange, plus puissant que tous ses ennemis, avoit enleve'la pierre (page26g) qui fermoit le se'pulcre, afin que les disciples de Je'sus qui le croÿoient mort, fussent convaincus qu’il e'toit plein de vie et qu’il les avoit précédés dans des lieux d’où il alloit leur donner l’întelli-gence des vérités sublimes qu’il leur avoit déjà enseignées, mais qu’ils ne comprenoient pas encore.
Au reste, je ne vois pas quel avantage Celse peut tirer de ces anges que Dieu a envoyés à Marie , à Joseph, à Moïse. Il ne faut pas confondre avec leur ministère celui de Jésus, bien plus important et plus relevé. La foi des Juifs n’étant pas moins pervertie que leurs mœurs , il est venu pour transporter le royaume de Dieu à d’autres peuples qui s’efforcent, dans toutes nos églises, de gagner au vrai Dieu les infidèles par l’exemple de leurs vertus formées sur leur croyance.
Celse dit bien des choses inutiles ou fort peu (Pa״e2_o.) exactes sur nos Ecritures. 11 assure que « la grande «Eglise (1) a sur ce point la même croyance que les « Juifs. «
(1) C’est-à-dire !’Église catholique. On peut remarquer en passant le respect qu’elle imprimoit à ses plus grands ennemis. On verra de même dans tous les écrits des païens et des hérétiques, que les sectes hérétiques ont bien pu déchirer et calomnier la véritable Eglise de Jésus Christ; mais jamais se confondre avec elle, ni partager son autorité x et la vénération qu’elle inspirait aux infidèles mêmes. Aussi la rage des persécuteurs l’a toujours distinguée des hérétiques. Ils ne persécutoient pas les premiers, ils les méprisoient trop. Ils sentoient que la seule Église catholique étoit redoutable pour eux par la divinité de sa doctrine, la sainteté de ses mœurs , la fermeté invincible de son courage , par les victoires continuelles qu’elle remportoit sur eux. En inondant la terre du sang de ses enfans,ils ne faisoient qu’y répandre sans cesse une semence de nouveaux chrétiens. A’ote del’abbé de Gourcy.
(Page 271.) Il est vrai que les chrétiens et les Juifs croient également les'Écritures divinement inspirées ; mais ils ne s’accordent nullement sur l’explication qu’ils en donnent. Nous disons que les Juifs, quand ils Usent Moïse, (1 Cor., ni.) ont un voile sur les yeux ; parce que l’esprit de la loi de Moïse est inconnu à ceux qui refusent d’entrer dans la voie marquée par Jésus-Christ; et nous savons que, quand quelqu’un d'entre eux se convertit au Seigneur, qui est esprit, le voile tombe, et qu’il voit clairement, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, que la lettre de la loi lui cachoit auparavant.
(Page 272.) Celse nous reproche encore différentes erreurs que soutiennent les hérétiques. Mais , comme ceux qui rejettent la Providence ne sont point de vrais philosophes, ainsi ceux qui ont imaginé des sys-ternes absurdes, et proscrits par les disciples de Jésus, ne sont pas dignes du nom de chrétiens.
C’est donc bien en vain que Celse affecte de citer un grand nombre de ces sectes , d’en exagérer les déréglemens et les visions. Qu’en conclure contre la vraie Église des chrétiens , qui les méconnaît et les rejette avec horreur de son sein?
«Les chrétiens se déchirent les uns les autres ; (Page 2/3.) » ils se portent une haine mortelle ; l’amour de la מ paix et le désir de la réunion ne les engagera point » à se rien céder. »
Il est cependant certain que nous tous qui professons la doctrine de Jésus, et qui l’avons prise pour règle de notre conduite, loin de nous permettre les injures et les invectives contre ceux qui pensent différemment de nous, quand on nous maudit, nous bénissons ; quand on nous persécute, (1Cor.,!v.) nous souffrons sans nous plaindre. Il n’y a rien même que nous ne fassions volontiers pour ramener ceux qui se sont égarés , pour les engager à s’attacher au Créateur seul, ctà vivre continuellement comme devant un jour en subir le jugement. Ce n’est qu’après que toutes nos tentatives ont été sans succès, que nous suivons le précepte de !’Apôtre : Evitez l’hérétique après l’avoir repris jusqu’à deux fois , parce qu alors il est perverti sans ressource , et condamné par son propre jugement. Ceux qui disent : (jit. !״. !o.) Bienheureux les hommes doux et pacifiques, sont bien (Matth., v. 9.) éloignés de haïr et de déchirer leurs frères écrans.
Livre sixième. Je continue, dans ce sixième (page275.) livre, pieux Ambroise, de repousser les calomnies de Celse; mais je ne m’ai tacherai point à ce qu’il emprunte de la philosophie ; car il cite différens passages de Platon pour prouver que ce qu'il y a dans nos saintes écritures de plus propre à faire impression surles esprits éclairés, nous est commun avec les philosophes. Il pre'tend même que les Grecs ont beaucoup mieux développé ces vérités, et sans avoir besoin d’avoir recours aux menaces ni aux promesses de Dieu ou de son Fils.
Nous répondons à cela que , si les docteurs de la vérité ont en vue d’être utiles au plus grand nombre d’hommes qu’il est possible, et d’instruire également les esprits tardifs et les esprits pénélrans, les Grecs elles barbares; il est évident qu’ils doivent parler d'une manière populaire qui soit à la portée de tous. Mais les maîtres qui ont rebuté les simples et les ignorons parce qu’ils n’étoient pas capables de suivre leurs discours, et qui ont borné leurs soins et leur attention à ceux qui avoient été nourris dans l’étude et dans les lettres, ont resserré leur zèle pour Iç bien public dans des limites fort étroites.
J’ai voulu venger contre Celse et ses partisans la simplicité de nos Ecritures qui semblent obscurcies par des ouvrages brillans et pleins d’art. Nos prophètes, Jésus et les apôtres, se sont proposé d’attirer la multitude, et de l’engager à faire ses efforts pour découvrir les mystères sublimes cachés sous le voile du style le plus simple en apparence.
Et, pour dire sans détour la vérité, peut-on comparer, pour l’effet et pour l’avantage qui en a résulté, ces discours si fleuris , si recherchés de Platon et des autres écrivains semblables, à la manière simple et populaire de nos auteurs, qui ont su si sagement, soit en parlant soit en écrivant, descendre à la portée de la multitude ?
Au reste, je ne prétends point par-là porter atteinte Page?>.) au mérite de Platon dont les beautés ne sont pas absolument sans utilité. J’ai voulu seulement faire entendre quel est l’esprit de nos auteurs, quand ils disent : Notre discours et notre prédication ne consistent point dans les paroles persuasives de la sagesse humaine, mais dans lamanifeslation de Γ Esprit et de la vertu, afin que notre foi ne soit point appuyée sur la sagesse des hommes, mais sur la vertu de Dieu. (! Cot·., 1.4■)
La divine Ecriture nous apprend que ce n’est pas assez pour toucher les cœurs des hommes de dire la vérité de la manière même la plus propre à persuader, si Dieu ne féconde, pour ainsi dire, nos discours par sa grâce toute-puissante , comme parle le prophète : Le Seigneur communiquera une puissante vertu à ceux qui annoncent sa parole. Ainsi, (ps. Lv■) quand nous accorderions que les Grecs ont quelques dogmes communs avec nous, ils n’auroienl pas pour cela la même force pour persuader el pour convertir; mais les disciples de Jésus, qui h’avoient aucune teinture de laphilosophie grecque, ont parcouru différentes contrées de la terre, et ont fait embrasser aux peuples la religion et la vertu qu’ils leur enseignoient, selon les disposi-fions de chacun.
Que ces anciens sages donnent leurs leçons à ceux qui sont capables d’en profiter ; que le fils d’Ariston nous dise, dans une de ses épîtres, « que »le langage humain n’a'pas de termes pour expri-»mer le souverain bien, mais qu’à force d’en nour-»rirson âme par la méditation, il s’y allume tout »à coup, comme la lumière jaillit du feu; » nous lui applaudirons sincèrement. Nous avouons sans peine que Dieu leur a communiqué des connois-sances précieuses. C’est pour cela aussi que ceux qui connaissent le vrai Dieu, sans lui rendre le culte qui lui est dû, sont très-coupables et très-punis.־ sables.
(Page 277.) Ces sages qui ont parlé du souverain bien avec tant d’élévation, vous les voyez descendre dans le Pyrée pour adresser leurs vœux à Diane comme à Dieu, et se mêler aux fêtes qu’une imbécile multitude célèbre en son honneur. Après avoir fait de belles dissertations sur l’âme, sur la félicité qui lui est réservée, si elle a bien vécu ; ils ne rougissent point de se dégrader jusqu’à sacrifier un coq à Escu-lape. Combien saint Paul n’a-t-il donc pas euraison de leur adresser ce reproche : qu’après avoir connu les perfections du Créateur par ses créatures, ils se sont évanouis dans leurs pensées, et leur cœur insensé est resté dans la plus profonde ignorance sur le culte légitime de la Divinité? On les a vus, ces hommes si fiers de leur sagesse et de leur théologie . prosternés aux pieds d’une idole qui représente un homme mortel, et même adorer avec les Egyptiens des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. Ceux mêmes qui ne se sont point rabaissés à ce point-là n’en restent pas moins convaincus d’avoir changé lavéritépour le mensonge, et servi la créature plutôt que le Créateur. (Rom., 1. 18־ -23.)
Parce que les sages et les savans du siècle avoient donné dans les plus grossières erreurs, Dieu a choisi les insensés selon le monde ,pour confondre les sages ; ce qu’il y a de plus vil et de plus foible ,pour confondre les forts ; ce qui n’ est point pour confondre ce qui est; afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence. (1 Cor., 1. 2729·)
Ce qu’il est important surtout de remarquer, c’est que la maxime de Platon sur le souverain bien, n'a pu lui inspirer à lui-même ni à aucun de ses lecteurs, la véritable piété; au lieu que le style simple de nos livres embrase d’une sainte ardeur ceux qui les lisent avec des intentions droites; ils y puisent, aussi une lumière céleste.
(Page 278.) «Si jecroyois, a dit Platon, qu’on pût exposer ces sortes de vérités au peuple, quelle plus noble fonction pour moi, que de répandre partout des notions si utiles au genre humain, de mettre la nature dans son jour et de l’exposer à tous les yeux? »
Je laisse à d’autres à rechercher comme ils pour-ront, si ve'ritablement Platon avoit de'couvert des choses plus releve'es el plus divines que ce qu’il a écrit. Mais je pourrois démontrer que nosprophètes ont eu des connoissances bien plus sublimes. Je ne crains pas d’affirmer qu’après nos prophètes, les disciples de Jésus, éclairés par la grâce d’en haut, ont su, beaucoup mieux que Platon, ce qu’il falloit écrire, et de quelle manière; ce qu'il falloit, au contraire, ne pas présenter au peuple ; en un mot, ce qu’il falloit dire et ce qu'il falloit taire. C’est ce qu’entre autres l'évangéliste saint Jean nous fait sentir, lorsque , dans son Apocalypse , il nous dit (Apoc., x.3.4) avoir entendu sept tonnerres qui lui défendoient de rien communiquer sur certains sujets.
Moïse et les prophètes sont pleins de traits su-bûmes et dignes de Dieu qui les inspiroit. 011 ne sauroit dire avec Celse qu’ils les aient empruntés de Platon, qu'ils auraient mal entendu ; puisqu’ils sont plus anciens, non-seulement qu’Homère et Platon, mais même que les lettres grecques. Si quelqu’un entendait des apôtres de Jésus, moins anciens que Platon, ce que Celse avance de Moïse et des prophètes, nous lui demanderions s’il est vraisemblable qu’un ouvrier en lentes comme.Paul, ou des pêcheurs tels que Pierre el Jean , aient pris de Platon, et de Platon mal entendu, les admira-blés connoissances qu’ils ont transmises sur la Di־ vinité.
Celse vante beaucoup la me'thode et la dialec-tique de Platon; comme si nos livres ne nous re-commandaient pas souvent l’étude, l'examen et la vraie philosophie. S’il en est parmi nous qui né-gligent la lecture de nos livres ; qui ne s’attachent pas à les approfondir, à en pénétrer le sens, à en demander à Dieu !’intelligence*^ comme Jésus nous le recommande, à frapper à la porte pour la faire ouvrir; nos livres en sont-ils moins es-timables? (Luc., xi. 9.)
(Page 280.) Celse rapporte un passage de Platon où ce philosophe s’exprime ainsi : « Le bien est connu de peu de personnes, parce que le grand nom-bre, plein de présomption et de mépris pour les autres, avance hardiment des opinions singulières, comme si c’étoit des choses merveilleuses. » A quoi il ajoute : « Platon ne s’avise pas de nous »raconter des prodiges ;il ne ferme pas non plus la »bouche à celui qui voudrait lui demander raison »de ce qu’il affirme. Il ne nous ordonne pas de » croire avant tout que son fils est le vrai Dieu ; que »ce fils de Dieu est descendu sur la terre, et lui a »tout appris. »
Ne pourroit-on pas récriminer aussi contre Platon, les absurdes rêveries, les prodiges ridicules qu’il a moles à ses plus graves assertions ? Jamais les disciples de Jésus n’ont raconté rien de pareil à l’occasion de leur maître.
Au reste le critique qui accumule les beaux passages de Platon , auroit bien dù citer celui où il rend ce témoignage précis à la divinité du Fils de Dieu ; le voici, il est tiré de sa lettre à Hermias et à Corisque : « Vous prierez le Dieu de l’univers, l’auteur de tout ce qui est et de tout ce qui sera. Vous prierez son Père et son Seigneur, que nous con-noîtrons tous, autant que la foiblesse humaine le permet, si nous nous adonnons, comme nous le devons, à la philosophie. »
Celse nous oppose que « ce n’est pas assez de »croire simplement, mais qu’il faut rendre raison »de sa croyance. » En cela, Paul est d'accord avec lui, puisqu’il blâme ceux qui croient témérairement. (1C0r,, xv. 2. )
(Page281.) Il répète que Platon ne se vante pas comme nous; qu'il dit exactement le vrai; qu’il n'annonce jamais ses opinions comme quelque chose de nouveau ou venu du ciel. Mais nous prouvons l'origine céleste de nos dogmes , quand nous avons les prophètes pour garans. La prophétie est le caractère dislinc-tif de la Divinité, la connoissance des choses lu-tures étant au-dessus de l’intelligence humaine-L’accomplissement de la prophétie est donc une preuve sans réplique que Dieu en est l’auteur.
Nous ne révélons pas nos mystères sans discer-nement à quiconque vient à nous. Nous n’avons garde de lui dire : il faut croire avant tout que celui que nous vous proposons est le Fils de Dieu. Nous ne communiquons notre doctrine qu’après (Page282.) avoir bien examiné les mœurs, et sondé les dispo-sitions de chacun; car nous avons appris comment il faut répondre à chacun. Il y a des personnes à la (Colos., ir. 6.) vérité que nous nous contentons d’exhorter à croire; elles ne sont capables de rien déplus. Mais pour les autres-, nous tâchons de leur démontrer ce que nous leur proposons. Nous ne disons point du tout comme Celse nous en accuse : « Croyez que « celui que nousvous annonçons est le Fils de Dieu, » quoiqu’il ait été chargé de fers, et condamné à un » supplice ignominieux qu’ila subi publiquement; »croyez-le par cette raison-là même. » Au con-traire, nous donnons de chacun de nos dogmes les preuves les plus fortes.
«Quoique,parmi les chrétiens, les uns proposent »un Messie ,les autres un autre ; ils se réunissent » pour nous dire : Croyez, si vous voulez être sauvés ; « sinon retirez-vous. Que feront donc ceux qui »veulent sincèrement faire leur salut? jetteropt-ils »le dé, pour savoir quel parti prendre? »
Il nous est aisé de répondre que, s’il étoit venu sur la terre plusieurs personnages qui se donnas-sent chacun pour le Fils de Dieu, de manière qu’il fût difficile de distinguer lequel d’entre eux est \é-ritablement le Fils de Dieu, il y auroit lieu à la demande de Celse. Mais Jésus est le seul qui ait paru dans cette qualité. Ceux qui ont entrepris de faire des prodiges comme Jésus, pour se concilier la même vénération que lui, on s’est bientôt convaincu qu’ils ne méritaient que le mépris. Tels ont été Simon le ׳magicien, et Dosithée. Il ne reste aucun partisan' du premier, et à peine trente du second. Judas le Galiléen, et avant lui Théodas(1), avoient voulu passer pour de grands personnages ; mais comme leur doctrine ne venait pas de Dieu, ils ont disparu presque aussitôt ; et tous leurs secPage 283. tateurs ont été dissipés sur-le-champ. Sur quoi donc est fondée la plaisanterie de Celse, « que nous au» rions besoin de dés pour nous décider sur le »choix d’un Messie ? »
( 1) Voy. Tilleru. Mém. ccclés. tom. 11, pag. 4θ < t 4 ’ ·
Passons à un autre chef d’accusation rebattu par notre adversaire. Celse, qui n’entend pas nos Écri-turcs, et qui est dans l’habitude de leur donner des sens forcés, nous reproche de dire que la sagesse ! Cor., !π. des hommes n est que folie devant Dieu. Ce sont les paroles de l’Apôtre ; d’où il conclut que «nous n’ad-»mettons dans notre société que des ignorans et .1 des insensés. » Il prétend avec aussi peu de fondement que nous avons pris des Grecs celte distinction de sagesse divine et de sagesse humaine ·, elle se trouve eii effet dans Héraclile et dans Platon.
La sagesse humaine est celle que nous appelons la sagesse de ce monde. et que nous disons être une folie devant Dieu. La divine, c’est Dieu qui la donne à ceux qui se préparent à la recevoir, et surtout lorsque, connaissant la différence de ces deux sagesses, ils disent à Dieu dans leurs prières: Le (Page284.) plus parfait des enfans des hommes, s'il est dépourvu de votre sagesse, sera compté pour rien. Nous regardons (Sap., ix. G.) la sagesse humaine comme un exercice pour l’âme, et la divine comme sa fin. Celte dernière est aussi nommée la solide nourriture de l’âme, par celui qui a dit : Les parfaits, qui sont accoutumés à faire le discernement du bien et du mal, se nourrissent d atimens solides. (Hebr.,v.14.)
Au reste, ce n’est ni Heraclite ni Platon, comme Celse l'imagine, qui sont les auteurs de cette distinction. Elle existait dans nos prophètes qui leur sont bien antérieurs.
La sagesse divine est le premier des dons de Dieu, la science est le second, la foi le troisième. Il faut bien que les simples, qui pratiquent la piété selon leurs forces, aient un moyen assuré de salut. C’estpourquoi Paul dit : L'un reçoit de Γ Esprit le don de parler avec sagesse, Γautre le don de parler avec science , et un troisième, la foi. Aussi rien n’est plus (! Coi·.,I8.״.) rare que les hommes doués de la sagesse divine.
On ne les trouve que parmi ceux qui sé distinguent entre tous les chrétiens; et l’on ne révèle point les secrets de la sagesse« à des ignorans, à des esclaves, » à des hommes grossiers ; » tels sont les noms que Celse donne à ceux qui ne sont pas initiés aux con-noissances des Grecs. Pour nous, nous appelons ainsi ceux qui ne rougissent pas d’invoquer des choses inanimées, de demander la santé à la faiblesse même, la vie à des morts, du secours à qui n’a aucun pouvoir. Et quoique quelques-uns d’entre eux assurent que ce ne sont pas des dieux, mais simplement les simulacres et les images des dieux; ils n’en méritent pas moins le nom d’ignorans el d’insensés, pour s’imaginer, comme ils font, que des artisans puissentreprésenter la Divinité. Le dernier des chrétiens n’a jamais porté jusque-là l’ignorance et la stupidité.
Au reste , quoique nous disions que, plus on est éclairé, plus on est capable de s’élever jusqu’aux espérances du christianisme; nous ne prétendons point pour cela qu’on ne puisse pas avoir la sagesse divine, à moins d’être consommé dans la sagesse humaine ; el nous avançons hardiment que la seule sagesse humaine comparée à la sagesse divine , n’est que folie.
Au lieu de nous combattre par des raisons, Celse a recours aux injures, et nous reproche de chercher les hommes les plus grossiers, à qui nous puissions faire accroire tout ce que nous voulons.
Il ignore donc que , dès les temps les plus recule's ,(Page□85.) nous avions des sages qui excellaient meme dans les sciences étrangères. Moïse étoit instruit de toutes les sciences des Egyptiens. Daniel, Ananie ,(Act., Vil. □ 2.) Azarie, Misaël, surpassaient de beaucoup tous les sages d’Assyrie dans les connaissances même de leur pays. Encore à présent, nous voyons dans nos Eglises des hommes distingués dans ce que nous appelons la science de la chair, (1 Cor., 1, 26.) en petit nombre, il estvrai, seulement par rapport au reste de la multitude. Nous en avons aussi qui, de cette sagesse charnelle , se sont élevés jusqu’à la science divine.
Celse, qui n’a pas saisi ce que nous disons de l’humilité, nous attaque à ce sujet, et prétend que nous avons pillé Platon sans l’entendre (1). Voici le passage de Platon, tiré de son traité des lois:
«Dieu, comme les anciens nous l’ont appris, »renferme en lui le principe, la fin et le milieu de »tout ce qui existe. Il est toujours suivi de la jus-»lice , qui punit tous les attentats commis contre »la loi divine. La justice est toujours suivie de »l’homme humble, qui doit être un jour heu-»reux. (1 ) »
(1) Tout ce système de Celse n’étonne point de la part d’un ennemi aussi déclare contre le christianisme. Tout lui étoit bon pour étayer la cause qu’il défendoit. Mais} après la savante réfutation d’Ori-gène, on a droit d’être surpris et indigné de voir la même calomnie reproduite , non pas seulement par Voltaire et ses copistes, mais pai des écrivains plus graves. Barbeyrac soutint cette opinion dans ses Notes sur Puffendorf. Combattu par D. Cellier, il ne répondit que par de nouvelles invectives contre les Pères. Brucker et Deslandes, dans leurs histoires de la philosophie, et du platonisme en particulier, ont renouvelé l’attaque. Diderot a rempli d’infidélités révoltantescha-cun des articles fournis à !’Encyclopédie sur cette matière. Toutes ces erreurs ont été relevées, avec la critique la plus lumineuse , par l’auteur de }'Histoire de ?Eclectisme, ou des nouveaux platoniciens. 2 vol. in1766 , 12־. Voyez surtout le vol. 11, pages 75 et 230.
(1) Lib. π Deles'll), edit. Ripont., inter argument.. Diet., Tiedman., pag. 25.׳j.
Celse ignore ce qu’avoit dit, bien long-temps avant Platon , un de nos Sages : Seigneur, mon cœur ne s’est point enflé; mes yeux ne se sont point élevés avec orgueil; je ne me suis point porté à des choses grandes et éclatantes gui fussent au-dessus de moi. (Ps. cxxxi. 1.) Nous apprenons de là que l’humilité ne consiste pas à s’abaisser d’une manière abjecte et indécente. Cet homme humble, dont parle le Psal-miste, quoiqu’il aime à méditer des choses sublimes et admirables, c’est-à-dire, les dogmes de la foi , ne s’en humilie pas moins sous la puissante main de Dieu, (1 Petr. v. 6.) à l’exemple de Jésus, qui n’a pas cru que ce fût une usurpation de s’égaler à Dieu, mais gui s’est anéanti, en prenant la forme et la nature d’esclave , en devenant semblable à l'homme ; gui s’est rabaissé en se rendant obéissant jusqu’à la mort . et la mort de la croix. (Philip., xi.5, ;.)
Ce précepte de l’humilité est d’une si grande importance , qu’il n’a pas fallu un docteur ordinairc pour l'enseigner aux hommes. C’est notre (page286.) Sauveur lui-même qui nous dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos depvos âmes. (Matth., ״ל.)
La maxime de Jésus : Qu’il est plus aisé à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, 11ף à un riche d’entrer dans le royaume des cieux, Celse (Matth., xix.) assure que c'est une sentence de Platon altérée de la sorte par Jésus. Mais y a-t-il rien de plus ridicule que d’imaginer que Jésus , né et élevé parmi les Juifs, comme le fils d'un pauvre artisan , sans avoir jamais étudié, ainsi que les écrits de ses disciples en font foi, ait lu et se soit approprié les pensées de Platon ?
Au lieu de faire des critiques aussi peu fondées, Celse, si l’amour de la vérité, et non la haine du christianisme conduisoit sa plume, Celse auroit cherché les raisons secrètes de cette comparaison pourquoi Jésus a choisi le chameau et l'aiguille. Il auroit examiné si, lorsque Jésus déclare les pauvres heureux, et les riches malheureux, il parle (Luc, v!. 24.) des riches et des pauvres, tels que nous les voyons.
Il est bien certain qu'on ne peut pas louer tous les pauvres indistinctement, puisqu’il y en a de très-corrompus.
Celse tâche de rabaisser ce qu’il y a dans nos Ecritures sur le royaume de Dieu. Il cite, dans cette vue, divers passages de Platon, qui, à l’entendre, sont vraiment divins et bien supe'rieurs à nos livres ; c’est pourquoi je vais rapporter quelques passages de ceux-ci qu’on pourra comparer avec ceux de Platon. (Page 287.) Ces derniers, quelque spécieux qu’ils soient, n’ont pu persuader à leur auteur de servir le Créateur avec la piété dont un philosophe devoit l’exemple. Ils n’ont pu même le préserver du crime de l’idolâtrie et de la superstition.
Nous lisons dans nos saintes Ecritures que Dieu s'est caché dans les ténèbres , (Ps. XVII. 12.) c’est-à-dire, que les attributs divins sont enveloppés de profondes té-nèbrcs. Dieu se cache en quelque sorte dans les ténèbres à l'égard de ceux qui ne sauraient le corn-prendre, ni soutenir l’éclat de sa gloire, tant à cause des souillures que Fàme contracte par son union avec un corps grossier, que parce qu’elle est trop bornée pour pouvoir embrasser l’immensité de l’Elre suprême ־, et pour montrer encore qu’il est donné à peu d’hommes de connaître les secrets de Dieu. Il est écrit que Moïse seul approchoit des ténèbres qui déroboient Dieu au peuple , et que le peuple avoit défense d’approcher (1).(Exod., xx.)
(1) On peut voir, dans le sermon du P. Lenfaul sur laJoiy un magnifique développement de ce fait considéré allégoriquement. Torn. 11, pag. 294 — 296.
Notre Sauveur et notre Seigneur, le Verbe de Dieu , nous apprend que lui seul est digne de con-noître son Père , et qu’il le fait aussi connaître à ceux dont il éclaire l’esprit. Personne, nous dit-il, ne connoit le Père; sinon le Fils, et ceux à qui le Père l’a révélé ; (Matth. ,xi.27.) car personne ne peut connoîlre l’incréé et le premier-né de toutes les créatures comme le Père qui l’a engendré. Personne ne peut connoîlre le Père comme son Verbe vivant, qui est sa sagesse et sa vérité. C'est lui qui dissipe les ténèbres où le Père s’est cacbé, qui découvre l’a-btme dont il s’est couvert comme d’un vêtement. (Ps. ctv. 6.) C'est par le Fils en un mot que , quiconque doit connaître le Père, le connoit en effet.
Que Platon, en parlant de Dieu, dise : « B.oi de l’univers, il marche environné de tous les êtres. Le monde tout entier est pour lui ; tout ce qu’il y a de bon est son ouvrage. Avec les choses qui tien-nent le second rang ,il est au second rang; (Page 288.) au troisième, avec celles qui occupent le troisième rang. L’âme humaine soupire bien après la con-noissance de ces vérités, comme ayant de l’affinité avec elles; elle les contemple, elle en recherche les propriétés, mais il n’y en a aucune de parfaite. Il n’en est pas de même de ce grand roi (1). »
(1) Lettre 11. /)tonys., pag. 69, tom. xi, edit. Bipont., 1787.
Celse s’extasie sur cette définition. Comparez-lui les passages d’Isaïe (Is., VI. 2.) sur les Séraphins enveloppant de leurs ailes la face el les pieds de Dieu ; d’Ézé-chiel, sur les Chérubins par lesquels Dieu est porté. (Ezech., 1. 5-18.)
Le philosophe grec est-il aussi le premier qui ait parle' d’un lieu plus élevé que les cieux(1)? David, bien long-temps avant Platon, invitoit les deux des deux à louer le Seigneur. (Pi. CXLVIII. 4·) Nos prophètes sont pleins de ces magnifiques pensées; et ce n’est pas eux qu'on accusera d’avoir copié Platon, plutôt que celui-ci d’avoir imité nos prophètes, dont les livres ne lui étoient probablement pas inconnus. C’est pour s’être instruit dans les mêmes écrits des prophètes, que notre saint Paul n’aspiroit qu’à ce qui est au-dessus des cieux, et au delà des bôrnes du monde ־. et qu’il n’y avoit rien qu’il ne fit pour en obtenir la possession. Ce qui lui fait dire : Les tribulations légères (Page 28g.) et momentanées de cette vie pro-(luisent dans le ciel un poids immense et éternel dt gloire } pour nous qui ne contemplons pas les choses visibles, mais les choses invisibles. Les premières sont temporelles , les secondes sont éternelles.(1 Cor., iv. • 7, 18.) Par les choses visibles et temporelles, il est clair que ΓApôtre entend tout ce qui tombe sous les sens ; et par les choses invisibles et éternelles, celles qui sont seulement du ressort de l'esprit. L’ar-(leur avec laquelle il désire celles-ci , lui fait trouver plus légères et méprisables toutes les épreuves de la vie. Et, quoiqu’au milieu des travaux et des peines, loin de se laisser abattre , il est plein d’espérance et de courage, parce que, dira-t-il, nous avons un grand pontife, Jésus , Fils de Dieu , (iiebr., 1r.) qui s’est ouvert. l’entrée des cieux , et qui a promis d v conduire tous ceux qui auroient reçu avec do-cilité sa loi, et qui y confonneroient leur vie.
(1) Plat, in Phœd. , ibid. tom. x, pag. âig et seq.
Fous serez, avoit dit Jésus-Christ lui-même, avec moi, oil je vais. Voilà donc l’espérance qui nous (Joan.,x!v.5.) soutient : C’est qu’après des travaux et des corn-bats passagers, nous serons transportés au plus haut des cieux et qu’après avoir goûté, durant notre séjour sur la terre , de ces sources d’eau vive, lesquelles, selon la parole de Jésus-Christ 3 jaillissent jusqu’à la vie éternelle , nous irons nous plonger (Joan., !v.14 ·) dans ces eaux qui sont au-dessus des cieux , contempler (Ps.cxlvhi.4.) éternellement les perfections invisibles de Dieu, le voir, non plus dans ses ouvrages, mais dans sa propre essence , mais face à face , comme (1 Cor., xm.) parle ce fidèle disciple de Jésus-Christ, parce qu’alors nous serons dans cette absolue perfection, où tout ce qui est imparfait sera aboli. (Ibid., !0.)
Celse accuse les chrétiens« de blasphémer contre (Page 295.) » le Créateur, contre le Dieu des Juifs . de l’appeler , »un Dieu maudit, du moins quand Jésus se trou-»voit en opposition avec Moïse. » C’est là encore une calomnie manifeste de l’illustre philosophe. Nous ne reconnaissons et n’avons reconnu jamais d’autre Dieu que le Dieu des Juifs, l’auteur de l’uni-vers. Celse imite les Juifs qui répandirent les plus atroces diffamations contre le christianisme naissant, accusant ses disciples d’égorger des enfans dans leurs assemblées , de s’abreuver de leur sang, et de s’abandonner à toutes sortes d’infamies à la faveur des ténèbres. Quelque absurdes que fussent ces impostures, ell.es ne laissèrent pas de faire impression, et d’inspirer à un grand nombre de personnes de l’aversion el de l’horreurpournous....
(Pageôoa.) « J’ai vu, poursuit Celse, chez des prêtres de »votre religion, des livres barbares, remplis de » noms de démons et de prestiges.En effet, vos prê-» très ne sont capables de rien de bon, et ils ne »peuvent même que nuire aux hommes. »
Plût à Dieu que toutes les accusations intentées contre les chrétiens ressemblassent à celle-ci. On seroit convaincu que ce ne sont que de pures calomnies; car tous ceux qui connoissent les chrétiens savent bien qu’ils n’ont jamais rien ouï dire de semblable.
Il ajoute que « la magie ne peut rien sur les philosophes. » Cependant Méragène qui n’étoit pas chrétien, mais philosophe, et qui a écrit les Actions môn0ra/>/es d’Apollonius de Tyane, magicien lui-même( 1), rapporte que plusieurs philosophes célèbres étoient allés trouver cet Apollonius, sur la répu״ tation qu’il avoit d’être un grand magicien(! ). Pour les chrétiens , ils peuvent assurer, fondés sur ]’ex-périence, qu’ils n’ont rien à craindre des démons ni de la magie, tandis qu’ils adorent, par Jésus, le Dieu de l’univers, qu’ils vivent selon l’Evangile, et qu’ils prient la nuit et le jour avec le respect convenable ; car Cange du Seigneur campe auprès de ceux (/ut craignent le Seigneur-, et il les garantira de tout mal. (Ps. XXXIII.18.)
(Page 506.) « Il y en a d’autres parmi les chrétiens, continue Celse, qui enseignent des erreurs loul-à-fait im-»pies. C'est une suite de la profonde ignorance »où ils sont des secrets de la divinité. Ils ont ima-»giné qu’il y avoit un ennemi de Dieu, auquel ils »ont donné le nom de Diable, et en hébreu Satan. »Mais c'est rabaisser Dieu à la condition des mor-» tels, que de supposer qu’il y a un ennemi quil’em-»pêche de faire aux hommes le bien qu'il voudrait. »Le fds de Dieu est donc vaincu par le Diable ; et »il nous enseigne à mépriser ce que nous devons »souffrir du Diable à son exemple. Il nous avertit »que Satan viendra, qu’il usurpera les honneurs »divins, etqu’il fera de grands prodiges, mais que » nous devons les mépriser, et ne croire que lui seul. » Ce sont bien là les discours d’un imposteur, qui » fait tous ses efforts poui' écarter ceux qui pour-»roientle démasquer et le confondre. |>(1) Nous n’avons plus l’écrit de Méragène. A son défaut, il nous reste une vie d’Apollonius de Tyane. Elle n’est que le récit de ses Actions mémorables , par Philostrate , qni l’écrivit plus de cent ans après la mort de son héros. C’est là que Hiéroclès avoit puisé l’idée de sa comparaison des prétendus miracles d’Apollonius avec ceux de Jésus-Christ, si puissamment réfutée par Eusèbe.
(1) Toute l’école de Pythagore et de Platon étoit infatuée de magie. Les philosophes croyoient à la divinité d’Apollonius de Tyane, de Plo-tin, témoin ce qu’en racontent Philostrate, Porphyre, Eunape, Fir-micus Maternus. S’il n’est pas prouvé rigoureusement que S. Paul ait rencontré à Ephèse le fameux Apollonius de Tyane (Voy. Tillem. tom. 1,pag. 251), il est certain, comme l’observe S. Jean Chrysostâme , Hom. xlii, in ad. nov. Test. tom. 111, pag. Syi., qu’il ne s’arrêta long-temps à Ephèse, que parce qu’il trouva cette ville infectée de philo-sophes adonnés à la magie. 11 ne l’est pas moins qu’il eut à combattre dans Rome le célèbre magicien Simon. Et l’éclatante victoire qu’il obtint sur lui n’empêcha pas que cet imposteur ne fît des dupes même après sa mort. On étoit si fort persuadé de son pouvoir surnaturel , qu’on lui érigea une statue avec le titre de dieu. S. Justin l’affirme en présence de tout l’empire, Voy. la note de Tillem. à ce sujet et Mém. tom. 11, pag. 482. Il méritoit de recevoir un pareil honneur de la part de ceux qui s’étoient le plus violemment déclarés contre le christianisme. Les faux miracles de la magie étoient propres à décréditer les vrais prodiges. Le démon le savoit bien. Aussi lisons nous que , du temps de Jésus-Christ et de ses apôtres, il réussit à donner le plus grand cours à cette science infernale, dont il essayoit d’opposer les opérations aux miracles du christianisme. Les Juifs et les païens secondaient puissamment ses manœuvres, en confondant les uns avec les autres. Voy. Bullet, Etabl. du christ, pag. g4 et *52. S. Augustin, après Origèue, a donc bien raison d’accuser les philosophes d’avoir protégé , non-seulement par leurs écrits, mais par leurs exemples, les plus absurdes comme les plus criminelles superstitions. Confess. lib. x, ch. |2, et de Cùdt. Dei, lib. ix,cap. x.
Puis, il cite des passages d’Heraclite et de Plie-recide sur la guerre des Géans et des Titans avec les dieux, et plusieurs vers d'Homère où est rnar-quée, de la manière la plus énergique, la punition que Jupiter a fait subir aux dieux révoltés, et à Junou elle-même. Celse tourne en allégories tous ces coules, qu’il vante beaucoup, en même temps qu’il parle avec un souverain mépris de notre due-trine. Cependant tout ce qu’il y a de vrai sur la rébellion des génies ou des démons se trouve dans les livres de Job et de Moïse , bien plus anciens qu’Homère, Phérécide, Heraclite et les autres philosophes.
11 résulte de la rébellion du diable rapportée dans nos livres : que le mal tire de lui son origine . et les méchans le sont devenus en le prenant pour modèle. 11 n’étoit pas possible que le bien , qui n’est bien que par accidentel par communication, ressemblât à ce qui est bien par sa nature. Cependant ce bien, tout accidentel qu’il est, demeure toujours dans ceux qui veulent le conserver, et qui, dans cette vue, se nourrissent du pain descendu du (joan V1 51) ciel, et du vin par excellence. Au reste, comme Dieu veut forcer de concourir au bien, ceux même qui l’ont abandonné par un effet de leur perversité , il a permis à ces êtres dégradés, de tenter les hommes, afin qu’il y eût une espèce d’arène, où de généreux athlètes pussent combattre et remporter le prix de la vertu. Ainsi éprouvés et purifiés par ( ׳״nm. LJ) les méchans, comme l’or dans le feu, ils deviennent dignes de s’élever jusqu’aux choses divines, et parviennent à la souveraine félicité. Quiconque est vicieux et vit d’une manière opposée à la vertu, est un Satan, qui signifie ennemi. puisqu’il est l’en־ nemi du Fils de Dieu, qui est la justice, la vérité, la sagesse essentielles. Mais le nom de Satan est donné et convient spécialement à celui qui fut le premier des bienheureux, l’image de Dieu,et qui, par sa faute, a perdu pour jamais tous les avantages dont il étoit comblé (1).
(1) Il sera facile de voir combien nous nous sommes éloignés de la traduction de l’abbé de Gourcy, pour chercher à nous rapprocher mieux de notre original.
Celse parle de l'Antéchrist. Il n’a pas vu ce qu’en disent Daniel, Paul, et le Sauveur lui-même dans l’Evangile. Nous allons en dire un mot.
Il n’y a pas moins de différence entre les cœurs des hommes qu’entre leurs physionomies. Ceux qui pratiquent la vertu le font avec plus ou moins d’ardeur; ceux qui sont livrés au vice ne le sont pas non plus également. Les hommes ordinaires se trouvent placés entre les deux extrémités du bien et du mal. Jésus seul, quia sauvé et réformé le genre humain, est au faîte de la perfection. L'Antéchrist est dans l’abîme de la perversité. Dieu, dont la science embrasse tous les temps, (Page50ק.) a fait annoncer la venue de l’un et de l’autre, afin que les hommes fussent avertis de s’attachera l’un, et de se tenir en garde contre l’autre. lie premier est le Fils de Dieu; le second , son adversaire , a mérité le nom de fils du Diable ou de Satan. Et comme le dernier attentat « du crime est de se parer des dehors de la vertu; l’Antéchrist, avec le secours du diable son père, (Joan., vin. 44·) fera de grands prodiges, et étalera de trompeuses vertus. On peutlire dans saint Paul et dans Daniel des prédictions frappantes et de'taillées sur l’Ante-christ.
(Page 508.) « Les anciens ayant donné au Monde le nom de »Fils de Dieu, comme à une production toute »divine, les chrétiens ont appelé du même nom »leur Jésus. Il faut avouer qu’il y a beaucoup de rap» port de l’un de ces deux Fils de Dieu à l’autre. »
Celse ignore qu’avant tous ces anciens,nos prophètes avaient parlé d’un Fils de Dieu; il oublie que Platon lui-même en a fait mention dans scs lettres, où il parle du Créateur de l’univers comme étant fils de Dieu, mais sans pour cela confondre l’ouvrage avec, l’ouvrier.
Nous disons que l’âme de Jésus est unie, (Page 009.) mais de la manière la plus intime, au Verbe , premier-né des créatures , pour n’être qu’un avec lui. Pourquoi s’en étonner? Si celui qui demeure attaché au Seigneur est un même esprit avec lui ; ((1 Cor., Vi.l7·)) quelle union peut être comparable à celle qui, dans Jésus, identifie son âme avec le Dieu Verbe, sagesse, vérité, justice essentielles ?Nous disons qu'il a un corps mystique: c’est son Église , dont les fidèles sont les membres, et que son Esprit anime, comme l’âme anime le corps. Tous ces principes s’enchaînent.
« 11 n’y a rien d’extravagant comme leur cosmogonic. » Celse se contcnle de l’affirmer, sans le prouver.S’il donnoitquelquesmotifs de sadécision, nous tâcherions de les de'truire. Son silence nous dispense de rien ajouter à ce que nous avons dit, à ce sujet, dans notre commentaire sur l’ouvrage des six jours.
(Page 313.) Il n’explique pas davantage cette autre assertion ; que «si le monde est l'ouvrage de Dieu, les maux I sont donc aussi son ouvrage. »
Le bien proprement dit, le bien par excellence, c’est la vertu ; le mal, c’est tout ce qui est oppose' à ce bien. Les mots de bien et de mal sont souvent pris en ce sens par !’Ecriture, par exemple dans le psaume où il est dit : Evitez le mal, et faites le bien. (Ps. xxxni.io.) On a étendu ces noms à des objets extérieurs qui contribuent à la conservation de la vie ,, ou qui lui sont nuisibles; comme dans Job (Job. 11. 10.) : Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n en recevrions-nous pas aussi les maux ? Ce qu’on ne sauroit entendre des maux proprement dits, d’actions mauvaises et vicieuses. (Page314.) Quant aux aulres , c’est-à-dire les choses fâcheuses et nuisibles à l’homme, rien n’empcche qu’on n’en ramène la cause à Dieu, comme autant de moyens dont il se sert pour amener l’homme à la pénitence. Nous disons que les pères, les mères, les maîtres font du mal à leurs enfans quand ils les châtient pour les corriger, et les médecins aux malades quand ils emploient le fer et le feu pour leur guérison. Nous ne les en blâmons point. Il n’est pas plus e'tonnant que Dieu se serve des maux sensibles pour guérir ceux qui ont besoin de ces sortes de remèdes.
I Est-ce que Dieu ne peut pas exhorter et persuader ? » (page 5»!)
Dieu exhorte continuellement dans nos Ecritures et par l’organe de ses ministres. Pour la persuasion, elle de'pend de deux personnes, de celui qui est persuadé, comme de celui qui persuade. Si tous ne sontpaspersuadés, ce n’est pas que Dieu ne puisse et ne veuille persuader ; mais c’est que plusieurs rejettent ses exhortations, quelque persuasives qu’elles soient. Les maîtres les plus consommés dans l’art de persuader ne persuadent pas toujours, parce qu’ils ne sauroient forcer la volonté de ceux qui s’y refusent. Dieu inspire les discours les plus capables de persuader, mais il ne contraint pas la persuasion (1).
(1) Le texte grec présente ici une inexactitude que les interprètes n’ont pas manqué de relever. Il n’entre point dans notre plan de discuter les opinions particulières. An reste la doctrine d’Origènè'sur l’accord de la grâce avec le libre arbitre a été doctement expliquée . ‘ et vengée par Bossuet dans sa Défense de la tradition des SS. Pères·, contre Rich. Simon,ch. xxvm et suiv. torn. 111 des OEuvres posth. in-4°, 1755, pag. 467—4-74 · Voyez aussi les textes d’Origène sur cette matière, recueillis par D. Maréchal, dans sa Concordance, et D. Cellier, à son ar-tide , tom. 11 , pag. 735.
«Rien de ce que nous connoissons ne peut se (pagC518.) » trouver dans Dieu. » Proposition fausse dans sa généralité, puisque nous connoissons plusieurs choses qui sont réellement dans Dieu, la sainteté,׳ la félicité, la divinité. Cependant on peut dire aussi qu’il n’y a rien dans Dieu de ce que nous connois-sons, parce que toutes les perfections de Dieu surpassent infiniment non-seulement nos connois-sances, mais celles même des êtres supe'rieurs à l’homme.
Si notre critique avoit lu les passages de David et de Malachie,(Ps. Cl. 28. Jlatach., m.6) où il est dit: ous êtes toujours le même. Je suis le Seigneur; et je ne change pas , il auroit su que nous n’attribuons à Dieu aucun changement de conduite ou de dessein : car, demeurant toujours le même , il rc'git les êtres changeans se-Ion que leur nature le demande.
Celse nous attribue plusieurs opinions dont personne de raisonnable parmi nous ne conviendra. Par exemple : jamais un chrétien n’a dit que la couleur, la figure, le mouvement puissent se rencontrer dans Dieu. Si l’on trouve quelques passages qui semblent indiquer du mouvement de la part de Dieu, comme celui-ci: Adam et Eve entendirent la voix de Dieu qui se promenoit dans le paradis; (Gen., 111. 8.) ces expressions ne doivent s’entendre que dans un sens allégorique , c’est-à-dire ici : Après leur péché , leur conscience troublée par les remords le leur fit croire à ce mouvement.
(Page 520.) Quand Celse reconnaît que tout vient de Dieu , il détruit d’un mot tous les principes de sa secte. Oui, c’est de Dieu , nous dit ΓApôtre, (Rom., 11.56.) c’est par lui c’est pour lui que tout est. De lui: c’est-à-dire qu’il est le principe de tout ; par lui , c’est-à-dire qu’il conserve tout; pour lui, qu’il est la fin de toutes choses; Dieu ne peut rien devoir à personne.
Il ajoute que Dieu est incompre'hensible au Verbe même. 11 faut distinguer. S’il parle du verbe qui est en nous , ou que nous prononçons, de nos connaissances ou de nos discours ; il est bien certain que Dieu est incompre'hensible au verbe pris en ce sens: mais s’il s’agit du Verbe qui étoit dès Joan., !. le commencement, qui étoit dans Dieu, et qui étoit Dieu; ce qu’avance Celse estinsoutenable. Le Verbe divin non-seulement comprend Dieu, mais il le fait connoître à ceux à qui il a manifeste' le Père־
« Nous ne pouvons pas même nommer Dieu. « * Distinguons encore. Est-ce à dire que nous manquons de termes pour exprimer les perfections de Dieu telles qu’elles sont? cela est vrai; nous en manquons même pour exprimer avec pre'cision les qualite's naturelles et les proprie'te's constitutives desdifférens êtres. Est-ce à dire qu’il n’estpas même possible de parler des perfections divines, de manière à en donner quelque connaissance aux hommes autant que la faiblesse de leur intelligence le permet? la pense'e est fausse.
«Comment connoîtrai-je Dieu, ou le chemin (Page321.) « qui conduit à lui? comment me le montrerez-«vous ? Vous m’environnez de te'nèbres ; je ne vois «rien de distinct. C’est apparemment que ceux» qui, des ténèbres passent au grand jour, e'blouis, »aveuglés par sa lumière, n’en peuvent soutenir » l’éclat. »
Oui, sans doute, ceux-là marchent dans les ténèbres, qui, égarés par les productions des peintres et des sculpteurs , ne veulent pas élever leurs yeux, et n’ont pas la force de dédaigner tout ce qui tombe sous les sens , pour fixer leurs regards sur le Créateur de l’univers. Au contraire , ceux-là sont au milieu de la lumière , qui ont pour guide et pour flambeau le Verbe lui-même; qui ont appris de lui combien il y a d’ignorance, d'impiété et de stupi-dite à adorer les créatures au mépris du Créateur ; qui veulentsincèrementsesaaver; ceux-là que Jésus-Christ a conduits au Dieu suprême et éternel. Car, ׳. Le peuple des gentils, qui étoit assis dans les ténèbres3 a vu une grande lumière. La lumière s’est levée sur ceux qui étaient assis dans la région de l’ombre de la mort ; (Ma t tii., 16.) et cette lumière est Jésus-Christ. Aussi aucun des chrétiens ne dira à Celse et à quelque autre de nos calomniateurs : Comment connottrai-je Dieu? aucun ne dira : Comment connottrai-je le chemin qui conduit à Dieu ? Ils ont entendu dire à Jésus : Je suis la voie3 la vérité et la vie 3 et ils s’en sont convaincus par leur propre expérience en le sui-vaut. Ce que Celse dit ici de plus vrai, c’est que . lorsqu’un chrétien l’a entendu parler avec autant de confusion, il est en droit de lui répondre: T^ous m’environnez de ténèbres ; je ne vois rien de clair ni d’intelligible dans vos discours. Celse et ses partisans n’ont en effet d’autre but que de re'pandre les te'nè-bres autour de nous.Mais, parla lumière du Verbe, nous dissipons toutes les ténèbres des dogmes impies. Ce n’est donc pas des ténèbres à une éclatante lumière , que Celse nous fait passer; c'est, au contraire , du sein de la lumière où nous sommes qu’il voudrait nous jeter dans de profondes ténèbres.
Il mérite l'anathème d’Isaïe qui dit : Malheur à vous (!sa B 20) gui donnez à la lumière le nom de ténèbres ; et aux ténèbres le nom de lumière. Pour nous à qui le Verbe de Dieu a ouvert les yeux de l’âme, nous ne confondons pas la lumière avec les ténèbres. Nous (Page522.) voulons demeurer dans la lumière, et nous n’avons aucune société avec les ténèbres. La lumière éternelle connaît ceux à qui elle doit se montrer. Il y a des yeux foibles qui ne pourraient la soutenir. Pour les yeux malsains et blessés, ce sont ceux des hommes qui ne connaissent pas>Dieu, et que les passions empêchent de contempler ]a vérité. Us doivent, ainsi que des'aveugles qui, suivant les lrac.es d’une multitude insensée, prostitueraient leur culte aux démons, ils doivent demander au Verbe d’être éclairés. Et si, à l’exemple de l’aveugle qui crioit : Jésus; fils de David; ayez pitié de (Matth., xx.) moi, et qui fut guéri par Jésus, ils implorent la miséricorde du Verbe, iis recevront de lui des yeux perçans et nouveaux, tels qu’il convient au Verbe de les donner.
Eh! qui pourvoit sauver l’homme, et le conduire au Dieu suprême, sinon le Verbe Dieu? Dès le commencement dans Dieu, il s’est fait chair dans le temps en faveur de ceux qui e'toient chair, pour se rendre semblable à ceux qui ne pouvoient le voir comme Verbe Dieu. Devenu chair, et prenant une voix corporelle, il appelle à lui ceux qui sont chair, pour les rendre d’abord conformes au Verbe quia e'te'fait chair, ensuite pour les élever jusqu’à contempler le Verbe avant qu’il fut chair, de manière (h Cor., v.) que, devenus parfaits, ils disent : Quoique nous ayons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi maintenant. (Joan., 1.14.) Il a donc été fait chair, et, comme tel, il a habité au milieu de nous. Il s’est transformé une fois sur le Thabor, où non-seulement il a paru dans tout son éclat, mais où il a fait voir la loi spirituelle et les prophéties représentées par Moïse et par Elie. On a pu dire alors: (Ibul.) Nous avons vu sa\gloire , la gloire du Fils unique du Père , plein de grâce et de vérité.
(PageôaS.) Celse nous י fait dire que « parce que Dieu est »grand et difficile à comprendre, il a envoyé son » Esprit dans un corps semblable au nôtre , pour se » faire entendre à nous et nous instruire. » Comme si le Fils unique de Dieu, le Verbe de Dieu , le pre-mier-néde toutes les créatures, l’image parfaite du Dieu invisible, sa sagesse, par qui il a tout fait, n’éloit pas aussi grand, aussi difficile à contempler que le Père. Dieu, quelque grand qu’il soit, quoi-que invisible , puisqu’il n’a point de corps, peut néanmoins être contemplé, mais par les cœurs purs seulement. Un cœu.r souillé ne peut contem-pler celui qui est la pureté même.
Celse suppose que nous disons que Dieu a en-voyé son Esprit revêtu d’un corps. Jamais nous n’a-vons dit que !’Esprit, ni que Dieu fût un corps. Dieu communique de son Esprit à tous ceux qui en sont dignes; et cet Esprit habite en eux sans se séparer ni se diviser.(Page 524·) Dieu est appelé dans nos Ecri-turcs un feu consumant, (Ilebr., xn. 29.) il n’est pas corporel pour cela. Quoique les péchés soient appelés du bois, du foin, de la paille, ils ne font pas pour cela des corps, ni les bonnes œuvres non plus, qu’on désigne par les mots d’or, d’argent, de pierres précieuses. Ainsi (1 Cor.,!2! .״.) Dieu qui est appelé le feu qui consume ce bois, ce foin, cette paille, n’est pas non plus corporel. Ce sont des figures qu’on emploie pour nous rendre sensibles les êtres spirituels et purement intellec-tuels. Pour distinguer les derniers, !’Écriture a cou-tume de les nommer Esprits et spirituels. Dieu nous a rendus, dit saint Paul, capables d’etre les ministres (" ^0g’1״’) de la nouvelle alliance, non par la lettre, mais par ΓEsprit; car la lettre tue, et ΓEsprit vivifie. Il appelle la lettrele sens des divines Écritures qui n’a rapport qu’aux objets sensibles; et V Esprit, celui qui (J2,n’2’^,v■) s'élève jusqu’aux choses intellectuelles. Dieu est Esprit, dit Je'sus à la Samaritaine, et il faut l’adorer en esprit et enverité; c’est-à-dire, qu’il faut lui rendre un culte spirituel, et non pas un culte charnel, en lui sacrifiant des animaux. Il ne faut point adorer le (Joan., 1.) Père en figure, mais en vérité: ,La vérité a été faite par Jésus-Christ. Et quand nous nous convertissons au Seigneur qui est Esprit, il fait tomber de nos yeux ce voile qu’y laissent les ordonnances de la loi ancienne.
De ce que nous soutenons que. Dieu est Esprit, Celse conclut que nous pensonscomme les stoïciens que c’est un Esprit répandu partout, et renfermant (! Cor., n. !4.) en lui tous les êtres. Ainsi Γhomme animal n’entend pas ce qui est de ΓEsprit de Dieu; c’est meme pour lui une folie, comme parle saint Paul. A la vérité , la Providence embrasse tous les êtres dont elle a soin, non pas à la manière des corps, mais comme vertu (Page525.) divine. Si l’on veut en croire les stoïciens , les prin-cipes du monde sont corporels, par conséquent corruptibles. Ils n’en cxcepteroient pas même le Dieu souverain, si ce dogme n’étoitpas trop révol-tant. Le Verbe même de Dieu, selon eux, n’est autre chose qu’un Esprit corporel. Pour nous qui pré ton-dons démontrer que l’âme raisonnable l’emporte sur tous les corps , et qu’elle est une substance in-visible et incorporelle, nous sommes bien éloignés. de croire corporel le Verbe par qui tout a été fait, et qui a présidé non-seulement à la formation de l’homme, mais à celle des êtres les plus vils. Ainsi, que les stoïciens disent tant qu’ils voudront que tout sera consumé par le feu, nous ne croirons jamais qu’une substance spirituelle puisse être la proie des flammes; que l’âme de l’homme, que les Anges, les Dominations, les Principautés elles Puissances puissent être convertis en feu.
Celse trouve honteux que Jésus soit né d’une (Page 526.) femme. Il ne sait pas combien la naissance de Jésus, qui venoitpoursauver les hommes, est pure et sainte.
Sa mère fut et demeura vierge. Celse s’imagine que la nature divine estaltérée et souillée en demeurant dans le sein d’une femme, et en s’unissant à un corps, à peu près comme ceux qui disent que les rayons du soleil sont altérés et infectés .quand ils tombent sur de la boue ou sur quelque corps infect.
« Puisqu’un esprit divin animoit le corps de (page52;.) »Jésus, il a dû nécessairement surpasser tous les » hommes par la taille, la beauté, les forces, la voix, » l’éloquence. Une distance infinie sépare la divi-» nité de la nature humaine. Cependant Jésus »n’avoit rien qui le distinguât des autres hommes, »au contraire. »
Les évangélistes ne nous apprennent rien de l’ex· térieur de Jésus. Les prophètes seuls, comme Isaïe, sont entrés dans ces détails. Celse, en nous faisant cette objection, reconnaît donc que Jésus a été' l’objet des prophéties, et qu’il est par conséquent Fils de Dieu. Il détruit lui-même par cet aveu toutes ses calomnieuses déclamations contre Jésus.
(Page328.) Isaïe dit, il est vrai, que Jésus n’aura ni beauté 3 ni éclat ; paraîtra comme le dernier des hommes. (Isa., lui. 1 et suiv.) Le psalmistc (Ps. xliv. 4·) au contraire vante sa beauté et ses attraits divins qui lui assurent l’empire de la terre. Les évangélistes racontent que sur la montagne Jésus se montra plein de gloire et de majesté. (Matth., xvi. 18.) Voilà qui prouve bien que Jésus Γemportait sur tous les enfans des hommes. Son extérieur changeait, comme il le voulait, selon les différentes circonstances. Tel est le pouvoir de Dieu sur la nature qu’il a créée, et qu’il modifie à son gré.
(Page 52g.) « Pourquoi enfin a-t-il été envoyé dans un coin » de la terre, plutôt que de le faire paraître en pré-»sence de tous les hommes? » Je réponds que ce n’est pas sans raison que Jésus est venu dans ce coin de la terre. Il falloit qu’il vînt chez un peuple instruit du dogme de l’unité de Dieu , qui lisoit scs propliâtes, qui savoit que le Christ lui étoit promis et qui.rattendoit.il falloit qu’il y vînt dans le temps le plus propre aie faire connoître ensuite du reste de la terre....
Pour que le Verbe éclairât toute la terre, il n’étoit nullement nécessaire, comme le demande Celse, qu’il y eût plusieurs Jésus. Il suffisait que le Verbe , le soleil de justice, se levât en Judée, et de là répandit ses rayons au fond des âmes de tous ceux qui voulaient le recevoir. Si quelqu’un cependant veut (PagcôSo.) voir plusieurs personnes remplies du Saint-Esprit, et occupées à l’exemple de Jésus du salut des hommes, il peut remarquer que tous ceux qui professent la pure doctrine de Jésus et qui y conforment leur vie,!’Ecriture les appelle Christ. Ne touchez point mes Christs, et ne faites point de mal âmes prophètes. (Ps. av. 15.) Quoique nous ayons appris que l’Ante-christ viendra, nous savons cependant qu’il y a eu (Joan., 1.) déjà plusieurs Antechrists dans le monde ;de même nous sommes assurés que le Christ est venu, et qu’il a fait plusieurs Christs, que le Dieu ou Christ« oints aussi, parce qii ils ont aimé la justice, et (μι’ils ont haï Γ iniquité. Pouv Jésus , comme il a aimé la justice (Hebr., 1. 9.) et haï l’iniquité plus que personne, il a reçu les prémices de cette onction ; ou, pour mieux dire , il l’a reçue tout entière ; et il en a fait part aux autres Christs, proporlionnément aux dispositions de chacun d’eux....
Il prend fantaisie à Celse d’appeler lesChaldéens (Page 551.) « un peuple très-divin, et dès les premiers temps. ».
Les Chaldéens sont cependantles inventeurs de l’art trompeur de tirer les horoscopes. Il met au même rang les mages, qui ont donné leur nom à. la magie, science funeste aux hommes. Les Egyptiens, qu’il insultait auparavant, il les appelle aussi un peuple très-divin, sans cloute parce qu’ils ont persécuté les Juifs. Il fait le même honneur aux Perses, tout de׳-criés qu’ils sont pour leurs incestes avec leurs mères et leurs filles ; et aux Indiens, quoiqu’il ait reconnu que plusieurs d’entre eux se nourrissent de chair humaine. Quant aux Juifs, à qui l’on ne peut reprocher rien de pareil, loin de les traiter de divins, il prononce, comme de dessus le trépied, qu’ils vont être détruits. II n’a fait attention ni au soin que Dieu a pris des Juifs, ni aux premières lois qu’il leur a données. Il n’a pas vu que leur réprobation a été le salut des gentils, que leur crime a été la richesse du monde, leur misère la richesse des gentils; jusqu à ce que la plénitude des gentils soit entrée dans Γ Eglise. (Rom., !ז.25-26.) C'est alors que tout Israël, que Celse ne connaît point, sera sauve.
Je m’étonne qu’il échappe à Celse de dire « que »Dieu, qui sait tout, n’a pas su qu’il envoyait son »Fils à des hommes pervers qui le feraient mourir.» Mais Celse peut-il avoir oublié que les prophètes de Dieu avoient prévu et prédit tout ce que Jésus devoit souffrir un jour? Il convient lui-même , peu après, que nous soutenons que tous ces événemens avoient été prédits.
(Page552.) Livre septième. Nous commençons ce septième livre en priant Dieu par Jésus, que Celse calomnie, d’éclairer notre cœur, puisqu’il est la vérité mémo , et de nous enseigner à dissiper les prestiges dn mensonge.
Celse entreprend d’abord d’affoiblir l’autorité des (Page 535.) oracles des prophètes, en les comparant avec les oracles du paganisme. Mais ceux-ci sont décries même chez les païens. En supposant qu’ils ne soient pas tous l’ouvrage de l’imposture , il faut du moins les attribuer aux démons, qui veulent empêcher les (Pag■!·) âmes de s’élever vers le ciel et de retourner à Dieu. »
Sans parler de la manière indécente et obscure dont les païens assurent que la Pythie est inspirée, elle est hors d’elle-même et furieuse lorsqu’elle prononce ses oracles. Il n’y a que les démons qui puissent ôter ainsi l’usage de la rai son. Ce sont eux dont les derniers des chrétiens montrent tous les jours la foiblcsse, en les chassant des corps qu’ils obsèdent, sans le secours de la magie, parla seule force de la prière. Le caractère de !’Esprit divin n’est pas de jeter dans ces agitations violentes qui ressemblent plutôt à la possession. Celui qui est rempli de l’esprit de Dieu, doit en ressentir le premier les salutaires impressions. Il faut que son âme, toute pénétrée de lumière, ne soit jamais plus clairvoyante que dans les momens de l’inspiration. Aussi les vrais prophètes de Dieu, bien différens de ces prophétcsscs , éclairés par !’Esprit divin , étoient-ils calmes, tranquilles , en rendant leurs oracles. Leurs carps même étoient comme morts à ce qui se nomme parmi nous les pensées et les mouve-mens de la chair; et leur vie tout entière étoit sans reproche. Peut-on en dire autant des plus sages même d’entre les païens ?
(Page555.) Si ceux qui rendent des oracles chez les gentils étoient véritablement dieux, ils porteroient les hommes à la vertu et à la réforme de leurs mœurs. Ils choisiroienl pour leurs organes des hommes recommandables par leur sagesse et par leur vertu, et non pas des femmes; ce seroient du moins des vierges, ou des femmes d’une sagesse reconnue.
(Page35j.) Celse voudroit bien révoquer en doute nos pro-phétics. Mais le moyen d’en contester l’authen-licité, quand les mêmes prophètes qui ont prédit ce qui est arrivé à Jésus-Christ, ont fait tant ·d’au-très prédictions sur des événemens reculés bien loin d’eux, et fidèlement accomplis? « Ils ont fait »des prédictions, comme on en fait encore aujour-» d’hui dans la Phénicie et la Palestine. » Celse ne s’explique pas davantage, il ne le pouvoit pas ; mais ce qui est certain, c’est que dans ces contrées il ne s’est jamais trouvé de prophètes parmi les infidèles, et que les prophéties ont cessé chez les Juifs à la venue de Jésus. Le Saint-Esprit les a abandonnés en punition de leur révolte contre le Seigneur et contre son Christ. 11 s’est manifesté par d’assez éclatans prodiges, après le commencement de la prédica-lion de Jésus , cl encore plus après sou ascension.
Les miracles, il est vrai, ont diminué ; cependant il en reste toujours des traces parmi les chrétiens sanctifiés par la doctrine de l’Evangile, et par leur vie conforme à cette divine loi.
Celse veut qu’il y ait diverses sortes de prophéties. (Page 358.) Pourquoi ne pas les exposer? « Piien de plus com-» mun que de voir de ces prétendus prophètes, sans »autre talent que la mobilité de leur langue et leur »impudence, attrouper les gens par des gestes et » des mouvemens qui leur donnent un air d’in-» spirés. On en rencontre de la sorte dans les villes et » dans les camps. Ils pourraient tout aussi bien » dire : Je suis Dieu, je suis le Fils de Dieu , ou le »Saint-Esprit, venu pour sauver le monde sur le »penchant de sa raine. Heureux celui qui croit en »moi! Tous les autres, je les précipiterai dans un »feu éternel avec leurs villes et leurs campagnes.
» Tous ces hommes, qui ne se doutent même pas » du supplice qui les attend, gémiront alors et se »repentiront; mais il ne sera plus temps. Ceux qui » m’auront été fidèles, je les conserverai dans l’é-» ternité. Puis ils ajoutent à ces menaces et à ces »promesses des paroles obscures, extravagantes , » auxquelles tout homme de bon sens ne peut rien »entendre, mais qui donnent lieu aux ignorans, ou »aupremier imposteur qui se présente, de les ap-»pliquer à tout ce qu’il leur plaît. »
Avec de la bonne foi, Celse auroit indiqué les prophéties dont nous assurons que le Fils de Dieu ou !’Esprit divin est l’auteur. Il se seroit efforcé de prouver que les discours des prophètes, soit ceux qui tendent à la correction des mœurs, soit ceux qui contiennent leurs prédictions, n’ont pas été divinement inspirés. Les contemporains des pro-phètes ont recueilli et conservé avec soin leurs oracles, afin que leurs descendans les respectassent comme la parole de Dieu même, et que, touchés de leurs exhortations, persuadés parla fidèle corres-pondance des événemens avec les prédictions , ils pratiquassent la vertu et s’exerçassent à la piété conformément à leur doctrine et à leurs avertisse-mens.
Remarquons que la Providence a voulu, pour le salut du genre humain, que tout ce qui a rapport à la conversion et aux mœurs fut clair et à la portée de tous. Dans les prophéties il se trouve , il est vrai, beaucoup d’obscurités, de paraboles et d’allégories, qui ont besoin d’être étudiées et approfondies par des hommes instruits et pénétrans qui en facilitent l’intelligence au commun des fidèles; mais il est absolument faux que ces prophéties n’aient aucun sens raisonnable, et que les simples, les imposteurs puissent les appliquera tout indifféremment. Celse n’a eu d’autre but que de détourner, par ses artifi-cieuscs calomnies, de la lecture des prophètes, sem-blable en cela aux impies qui parloient ainsi d’un prophète : Qu est-ce quecetinsenséest venunousdire? (IV Reg., !x.) Il n’appartient qu’à un homme véritablement sage en Jésus-Christ d’expliquer la suite des prophéties, et d’en éclaircir les obscurités par une étude assidue des Ecritures, et en appuyant ses explications par d’autres passages des mêmes livres.
Celse en impose manifestement quand il assure (page35g.) « avoir entendu de ces prophètes, lorsqu’ils étoient »pressés de questions, avouer que leurs ténébreux »oracles étoient autant, d’imaginations. » De son temps il n’y avoit point de prophètes. S’il y en avoit eu , on n’auroitpas manqué de recueillir leurs pro-phéties comme celles des anciens. Il auroit bien du les nommer : son silence est la preuve de son im-posture.
Il prétend que nous n’avons rien à répondre quand on nous fait voir que les prophètes at-tribuent à Dieu des actions honteuses et crimi-nelles. En partant delà, il fait beaucoup déraison-nemens contre les chrétiens; mais ici encore il n’est pas de meilleure foi. Nous sommes toujours (,petr.,!!!) prêts, comme dit Pierre, à satisfaire quiconque nous demande raison de notre foi. Nous sommes en étal de montrer qu’elle n’a rien de contraire à la saine raison, et que nulle part nos Ecritures n’attribuent à Dieu rien de honteux ni de criminel. C’étoit à (page-Vp.) Celse à rapporter ces passages des prophètes qu’il calomnie avec tant d’irnpudence.
Voici 1m nouvel effort de notre critique pour saper par le fondement la foi dans Jésus-Christ : « Si les prophètes eussent prédit que le grand Dieu » scroll esclave , ou malade , ou qu’il mourroit, fau-»droit-il donc pour l’accomplissement de cette «prédiction que Dieu fût effectivement esclave, ou » malade, ou qu’il mourût ? mais jamais les prophètes » n’ont pu faire une prédiction qui seroit une iin-»piété. Il ne s’agit donc pas d’examiner s’ils ont »prédit ounon, mais si la chose prédite est conve-»nable et digne de Dieu. Et quand on supposerait »que tous les hommes échauffés par le fanatisme » eussent prédit de Dieu quelque chose de honteux »et de criminel, on ne devroit leur ajouter aucune »foi. Comment donc la piété croira-t-elle ce que » les chrétiens prétendent être arrivé à leur Dieu? »
On voit par là que Celse sentait de quel poids sont les prophéties pour persuader la foi en Jésus. C’est pourquoi il s’efforce d’écarter cet argument invincible, en disant : « Il ne faut pas examiner si les ( Γη״τ.־ψ.) » prophètes ont prédit ou non. » Mais s’il eût voulu procéder de bonne foi, et suivant les règles mêmes duraisonnement, il eût dit, Je vais démontrer qu’on n’a pas prédit telles choses de Jésus , ou que ces prédictions n’ont pas été accomplies dans la personne de Jésus; et il eût exposé sa démonstration. Alors (סי eût été en droit de juger et des prophéties que nous rapportons à Jésus, et des preuves que Celse auroit opposées à nos explications. On eut juge' si Celse détruisait effectivement l’argument (pie nous tirons des prophéties en faveur de Jésus, ou il eût été convaincu de la plus punissable impudence, pour avoir nié et combattu la vérité la plus lumineuse.
«Les prophètes du grand Dieu auroient prédit »de lui des choses impies et impossibles! » Cette assertion n’est qu’un sophisme; car toute proposi-lion dont s’ensuivent deux conséquences contradictoires est un sophisme que les stoïciens ont bien raison de proscrire. Or telle est l’assertion de Celse : D’un côté il est nécessaire que ces choses arrivent, puisqu'il est nécessaire que tout ce que les pro-ph'etes du grand Di eu. ont prédit arrive; et cependant elles ne peuvent arriver, puisqu’eZ/es sont impies et impossibles. Mais c’est calomnieusement que Celse prétend que les prophètes ont prédit de Dieu des choses impies et impossibles. Car nos prophètes n’ont pas prédit que Jésus souffrirait et mourrait comme Dieu, ainsi qu’il le suppose, mais seulement comme homme. Il ne faut pas confondre les qualités divines dans Jésus avec la nature humaine qu'il (PageS42.) s’est unie. Jésus dit de lui-même: Je suis lavoie , la (Joan.,W.6.) vérité ,la résurrection. A'ous ne verrez aucun chré-lien, même parmi les plus simples et les moins instruits, vous dire que la vérité , la vie , la résurrection soientmortes; ce qui pourtantauroil lieu, pour que la supposition de Celse eût quelque fondement. Sans doute les prophètes n’ont pu faire de pareilles prédictions ; et voilà tout ce que Celse dit de vrai. Cela seroit indigne de Dieu. Mais ce qui a été pre'dit par les prophètes est digne de Dieu : à savoir: Que la splendeur et l’image de la Divinité s’unissent à l’âme et au corps de Jésus pour répandre sa doctrine, pour réconcilier au Dieu de l’univers et conduire à la suprême félicité quiconque recevra et ressentira la vertu du Dieu Verbe incarné. En un mot si l’on considère Jésus comme Dieu, il n’a rien fait que de saint et de conforme à l’idée de Page343. Dieu. Si on le considère comme homme , le Verbe lui a communiqué sa sagesse plus qu’à aucun autre mortel. Il a souffert comme un sage et un homme parfait tout ce qu’il falloitqu’il souffrît pour le genre humain. Non, il n’est point absurde qu’un homme meure ; et que sa mort, non-seulement soit un exemple pour les autres, mais encore le principe de la destruction de l’empire du démon, qui avoi t asservi le monde entier. Nous en avons la preuve dans les serviteurs de Jésus, qui. affranchis du joug du démon, se dévouent à Dieu, et s’efforcent d’avancer de jour en jour dans la vraie piété.
« Voici, dit Celse,une contradiction frappante .־ Si '»les prophètes du Dieu des Juifs ont prédit !avenue »de Jésus son Fils, comment ce Dieu commande» t-il, par l’organe de Moïse ,d’amasser des richesse s, » de dominer, de remplir la terre, de massacrer tons »les ennemis, sans distinction d’âge ni de sexe ? »Comment menace-t-il les Juifs, s’ils ne lui obéis-»sent pas en cela, de les traiter eux-mêmes en en-»nenris ; tandis que son Fils le Nazaréen donne des » lois tout opposées; qu’il déclare qu’aucun riche, » aucun ambitieux, aucun homme passionné pour » la gloire ou même pour la sagesse n’aura accès »auprès de son Père; que lés hommes ne doivent »pas plus s’occuper de leur nourriture que les »corbeaux, ni de leur habillement que les lis ; que » celui qui vous frappe sur une joue, il faut lui ))tendre l’autre? Qui ment de Moïse ou de Jésus? »Est-ce donc que son Père, lorsqu’il l’a envoyé, »avoit oublié ce qu’il avoit recommandé à Moïse ? »Est-ce qu’il aurait lui-même condamné ses pro-»pres lois, et chargé son envoyé d’en porter aux » hommes de contraires ? »
Celse, qui se pique de n’ignorer rien, se trompe grossièrement en ne voyant rien dans la loi et les prophètes au delà de l’écorce de la lettre. Il a dû au moins remarquer qu’il est hors de toute vraisem-blance que nos Ecritures aient promis les richesses temporelles aux Juifs, tandis qu’il est constant que les plus vertueux ont vécu dans une extrême pau-vreté. Ainsi ces prophètes qui, en récompense de la sainteté de leur vie, furentremplis de !’Esprit di-vin, couverts de peaux de chèvres et de brebis9 persecutés, (Heb. ii.37,38) manquant de tout, furent errans dans les déserts, sur les montagnes, et dans les cavernes. Car, comme dit le psalmiste,(Pîi. XXXIII. 20.) les justes sont éprouvés par beaucoup d’afflictions.
Si Celse avoit lu dans la loi de Moïse cette maxime, (Deal., xxvm 1 2. /Page 341.)f^ous prêterez à plusieurs nations, et vous n’emprunterez de personne , il l’auroit prise aussi à la lettre. Mais quel Juif a pu jamais être assez opulent pour prêter non-seulement à ses compatriotes, mais à des nations entières ? Est-il présumable que les Juifs fussent demeurés si long-temps attachés à la loi de Moïse, s’ils s’étoientbornés au sens que Celse prête à la simple lettre? Si l’on nous disoit qu’ils ne lui étoient pas fortement attachés, nous renverrions à leur histoire....
(Page 345.) Je distingue la loi ancienne, comme plusieurs l’ont fait avant moi, en loi littérale et loi spirituelle. Dieu appelle la première , par un de ses prophètes, des jugemens el des préceptes qui ne sont pas bons , (Ezech.,xx.25.) et la spirituelle, au contraire, des jugemens el des préceptes qui sont bons. (Ibid. 21.) Y a-t-il contradiction? Saint Paul prévient !’objection quand il dit dans le même sens que la lettre tue, el que l’esprit donne la vie. (1 Cor. iii.6) Si Celse, suivant la lettre qui tue , explique par les richesses périssables de la terre les paroles de la loi qui promet des richesses au juste; poumons, nous entendons ces richesses qui ouvrent les yeux de l’esprit, les richesses en paroles, en sagesse, en bonnes œuvres, dont parle Γ Apôtre, dans ces termes : Recommandez aux riches de ce siècle (! Tim., n.) de ne pas s’enorgueillir, de ne pas mettre leur con-/lance en des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant, qui fournit abondamment a tous nos besoins; de faire le bien, de devenir riches en bonnes œuvres cl de donner volontiers.
La pauvreté' opposée à ces richesses est vraiment Funeste. Or quiconque est riche en ce genre de richesses, comme Paul, peut prêter à plusieurs nations, comme cet apôtre qui remplissoit tout de l’Evangile du Christ, et qui, instruit des mystères par la révélation du־\crbe, n’avoit besoin d’eniprmi· ter ni de recevoir d’instruction de personne. La promesse, Vdus dominerez sur plusieurs nations, et (Dcui., xv. 6.) personne ne vous dominera, s’est également vérifiée en lui. Il a soumis les gentils à la foi de Jésus par la force de la parole. Pour lui, il n’a cédé à aucun homme ; il étoit au-dessus d’eux. C’est dans le même sens qu’il remplissoit la terre.
11 n’est pas difficile d’expliquer les passages où il est dit qiie le juste met à mort ses ennemis. Je faisais mourir , dès le matin, dit le psahniste, tous (1>s-c·8·) les pécheurs de la terre, pour exterminer de la cité du
Seigneur tous les ouvriers d’iniquité. Il prend figurément la terre pour la chair, dont la prudence est ennemie de Dieu, (Ron‘1., vin. 7·) et la cité du Seigneur pour son àme, qui est le temple de Dieu. Dès que les rayons du soleil de justice commencent à éclairer son âme, il détruit la prudence de la chair, et purge son âme de toutes les pensées injustes et. trompeuses.
(Page âf7.) Nous entendons de même l’imprécation suivante : Heureux, fille de Babylone, celui qui écrasera tes enfans contre la pierre ! (Ps. cxsxvi. S.) Les enfans de Babylone ou de confusion sont les pensées qui donnent naissance aux vices, et qui répandent dans l’âme les ténèbres et le désordre. La force de la raison doit les étouffer sur-le-champ si l’on veut être heureux. Il n’y a certainement rien en tout cela de contraire aux préceptes de Jésus. La maxime de l’Evangile qu’t'Z est difficile à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu (Matth., xix.24·) n’est pas plus opposée à la loi, si l’on entend simplement par riche celui que les épines des richesses empêchent de porter les fruits de la parole.
Celse veut encore que la doctrine de Jésus ferme au sage tout accès auprès du Père. Mais de quel sage parle-t-il? D’un sage de la sagesse de ce monde, qui est une folie devant Dieu. (1 Cor., 1. 24·) Nous en convenons; mais si c’est de la sagesse du Christ, qui est la vertu et la sagesse de Dieu, nous disons au contraire qu’un tel sage est bien au-dessus de tous ceux qui sont dépourvus de cette divine sagesse.
Quant a la passion de la gloire humaine , nous croyons qu’elle n’est pas moins défendue par la loi ancienne que par la nouvelle.
Les endroits de l’Evangile où nous sommes averlis de ne pas nous inquiéter de la nourriture et du vêtement, mais d’avoir confiance au Père céleste, qui a soin de nourrir les oiseaux et de parer les lis, (Matth., vu) n’ont rien de contraire aux bénédictions de la loi.
(Page 5) Celse veut aussi trouver en opposition la loi avec la maxime de !’Évangile qu’à celui qui frappe sur une joue il faut, présenter l’autre. (Matth., v 58.) Mais il ne sait pas que nous lisons dans les lamentations de Jérémie : Il présentera la joue à celui qui le frappera, et Usera rassasié d’opprobres. (Thr n)
Je pourrais réfuter de même tout ce que Celse a avancé, et prouver que le Dieu de !’Evangile n’est jamais opposé au Dieu de la loi ; que ni Moïse ni Jésus n’ont menti; que le Père, en envoyant Jésus, n’avoit pas oublié ce qu’il avoit ordonné à Moïse; et que jamais il ne s’est repenti et n’a condamné les lois qu’il avoit portées. (Page549·) Et pour dire un mot de la différence des deux lois, nous remarquerons que la loi mosaïque, prise littéralement, n’eut pu con-venir aux gentils appelés.à la foi, et soumis aux Romains, puisque les Juifs même ne pouvoient !’observer sous leur empire; et d’un autre côté, que la loi chrétienne n’auroit pu être observée long-temps par les Juifs. Leur république n’auroit pu se maintenir avec sa législation, si elle n’avoit pas eu le droit de faire la guerre à ses enne-mis, de combattre pour la patrie, et de punir de mort, ou autrement, les meurtriers, les adultères, les malfaiteurs, qui !?auraientpas manque' de se prévaloir de l’inaction des lois , et d’un défaut de résistance dont la nation eut été victime.
La même Providence quia donnélaloi, et l’Evangile après la loi, ne voulant pas que la république des Juifs subsistât plus long-temps, a détruit à la fois leur cité, leur temple et leur culte. /Vu contraire elle a fortifié et agrandi de jour en jour la religion chrétienne , quoiqu’une foule d’obstacles se soient réunis pour l’anéantir. Mais parce que Dieu avoit résolu de sauver les gentils par la loi de son Fils, il a fait échouer tous les complots des hommes. Plus les rois, les magistrats, les peuples s’acharnoient contre elle , plus aussi s’augmentoit le nombre des chrétiens, plus leur religion faisoit de progrès. · ·
Celse nous accuse de faire de Dieu un être corpo-tel, et de lui donner une forme humaine. C’est une calomnie sans fondement. Ni nos livres , ni aucun des nôtres, n’ont jamais enseigné de pareilles erreurs. Ainsi ce serait perdre le temps que de s’ar-rèteràles réfuter. Nos Ecritures assurent au contraire que Dieu est un être purement spirituel. C’est (Joan. 1. 1S.) pour cela que jamais personne n’a vu Dieu״ et que (Co'oss., 1.15־) premier-né de toute créature est appelé l’image du Dieu invisible, par conséquent d’un Dieu incorporel.(1׳age550.) Dieu estEsprit, dit Jésus, el il faut que ceui: p a([orent gac1ürent en Esprit et en vérité. (Joa״.,n.24.)
Π pretend que ce que nous disons d’une autre vie, d’une terre incomparablement meilleure que celle-ci, est emprunte' des anciens, qu’il appelle divins, el surtout de Platon. Il n’a pas su que dans Moïse, plus ancien que les écrivains grecs, Dieu promet aux fidèles observateurs de sa loi une terre bonne (Exod., !״.) et spacieuse où coulent le lait et le miel. Cette terre n’est point la Judée, qui elle-même est enveloppée dans la malédiction générale delà terre prononcée par le Seigneur en punition du péché d’Adam. La (Page 551...) Judée et Jérusalem n’éloient que l’ombre et la figure de cette terre heureuse où est la Jérusalem céleste. C’est d’elle que Paul, instruit du vrai sensdes Ecritures, nous parle en ces termes : T^ous cous (Tit. 1. !4. Héb.1. !4.22) êtes approchés de Sion, la montagne et la cité du Dieu vivant j la Jérusalem céleste , habitée par plusieurs milliers d’anges. Tel est le langage uniforme des prophètes. C’est de cette bienheureuse terre que parle le psalmistc : Le Seigneur est grand dans sa (Ps. lxxv!. 5. XLV11I. 25.) cite sur sa sainte montagne. Les hommes doux , les justes, ceux qui attendent le Seigneur, posséderont la terre par héritage, Γhabiteront dans les siècles des siècles, et se réjouiront élans le sein de la paix....
(Page 555.) Celse prétend que notre dogme de la résurrection est pris du système de la métempsycose mal entendue. Nous avons appris que noire âme incorruptible et invisible par sa nature habite un corps mortel qu’elle doit dépouiller, pour en revêtir un plus parfait, et prendre son essor vers les demeures celestes. Il s’imagine de plus qu’il nous faudroit un corps pour voir Dieu; il se trompe. Nous n’avons pas besoin de corps pour connaître Dieu ; ce n’est point l’œil du corps qui voit Dieu, et qui a reçu de (Page 554·) lui la faculté de le connoître. Ce qui voit Dieu , c’est un cœur pur d’où il ne sort rien de déréglé ni de vicieux, conformément à cette parole de (Matth.,v.) Jésus-Christ: Heureux ceux qui ont le cœur pur; parce qu’ils verront Z)ù?îz. Mais parce qu’il ne dépend pas de nous d’avoir un cœur pur, et qu’il est nécessaire que Dieu le crée tel, celui qui sait prier lui dit : O Dieu, créez en moi un cœur pur. (Ps. LI. 12.)
Il nous fait dire sans fondement, « Comment irons-nous à Dieu? » comme si Dieu étoit dans un lieu particulier. Il renferme tout dans son immensité, sans pouvoir être renfermé nulle part. Celse nous calomnie en disant que nous espérons voir Dieu des yeux du corps, l’entendre et le toucher des oreilles et des mains du corps. Nous savons que, dans nos Ecritures, il est fait mention d’yeux, d’oreilles et de mains qui n’ont de commun que le nom avec ces parties du corps. Il ne s’agit de rien moins que d’un sens divin, tout-à-fait différent des sens ordinaires.
(Page555) Celse insinue que Jésus, après sa résurrection, n’étoit qu’un fantôme, qui a pu aisément faireillu-sion à ses disciples , et disparoître aussitôt après.
Jésus un fantôme trompeur et passager! lui qui a fait et qui fait tous les jours tant de prodiges réels et durables ; qui met en fuite les démons , les dieux de nos adversaires ; qui, dans tous les pays de l’u-nivers, convertit les hommes, les attire à la vertu par la force de sa Divinité, et leur fait pratiquer tout ce que sa loi ordonne !...
A entendre Celse, nous serions des hommes (PageôS;.) tout charnels, qui ne jugeons que par les sens, lorsque, bien loin de nous arrêter au seul témoi-gnage des sens, nous ne nous en servons que comme d’instrumens qui nous élèvent aux objets spirituels et invisibles. Le nom de charnel ne con-vient à personne moins qu’à un chrétien qui a ap-pris à mortifier les actions delà chair et les membres (ROm.,v1״.) terrestres, à porter sur son corps la mortification de (cokJ.' 5'.!״.) Jësus-Christ; et qui sait que les hommes charnels (Rom·־ Vl"·) ne sauraient plaire à Dieu.
11 prend de là occasion de nous exhorter à nous élever au-dessus de la terre et des sens. Celse s’y prend mal pour nous persuader. Il commence par nous dire des injures, nous traitant d’hommes ti-mides et lâches, nous qui, plutôt que de consen-tir à dire un mot pour abjurer notre religion, coin-battons constamment jusqu’à la mort; nous qui bravons non-seulement la mort, mais tous les sup-plices. Il nous traite d’hommes esclaves de leur corps, quoique nous nous dépouillions de noire corps , par religion, plus facilement qu'un philosophe n’ôte son manteau....
(Page5;5.) Celse veut prouver que nous n’avons-rien qui nous relève au-dessus d’aucune secte: et voici sur quel argument : « Les chre'tiens ne peuvent souffrir מ ni temples, ni autels, ni simulacres ; ils ont cela de » commun avec les Scythes, les Nomades, les Sères, » elles Perses. Ils ne croient pas que l’or,l’argent, le »cuivre poli par la main de l’homme, puissent.de-»venir un Dieu. Qui le croit, sinon le plus insensé » des hommes ? Ce ne sont là que des dons consacres »aux dieux, et les images des dieux. S’ils pensent » que les statues ne sauroient même être les images »des dieux, parce que les dieux sont faits bien diffé-»remment; ils se contredisent grossièrement, puis-»qu’ils enseignent que Dieu a fait l’homme à son »image. Ils vont plus loin ; ils nient que ceux à qui »on élève ces statues soient des dieux; ils pré-»tendent que ce ne sont que des démons, et qu’un » adorateur du vrai Dieu ne peut sans crime rendre »un culte aux démons. »
(Pagc5;6.) Je répondrai à Celse qu’il ne suffit pas pour nous comparer les Scythes, les Nomades , les Sères, elles Perses , qu’ils rejettent les temples, les autels , les statues des dieux; il faudrait qu’ils le fissent pour les mêmes raisons que nous. Les disciples de Zé-non, et même ceux d’Epicure, s’abstiennent de l’adultère, mais par des motifs bien différens : les premiers , par amour de l'ordre et de la justice ; les seconds , par 1a crainte des suites , par leur principe même , qui est l'amour de la volupté׳, à laquelle nuisent des plaisirs indiscrets : car un e׳picurien se permettrait sans scrupule l’adultère, s’il e'toit sur d'en pouvoir de׳rober la connoissance à tous ceux dont il a à craindre le ressentiment ou le mépris. C’est dans le même esprit que ces peuples rejettent (page573.) les idoles , par attachement pour de faux dogmes , mais nullement par respect pour la Divinité, et dans la crainte de la dégrader, ou de prostituer leur culte aux démons. Mais pour les Juifs et les chrétiens, ils ont en horreur les temples et les idoles, parce qu’il est écrit dans leur loi : Vous n’adorerez (page5;5.) et ne craindrez que le Seigneur voire Dieu; et vous (Deut 'י’)ne servirez que lui. Fous n aurez pointd’autres dieux (Exod.^xx,) que moi. Vous ne vous ferez aucune idole; aucune image pour Γadorer; soit de ce qui est dans le ciel ; ou sur la terre; ou dans les eaux. Et ils sont prêis à mourir, plutôt que de souiller par l'impiété le culte pur qu’ils rendent au seul vrai Dieu.
Les Perses n’ont point de temples־, mais ils adorent le soleil et les créatures, ce qui nous est expressément défendu. Au reste, ce n’est pas seulement un crime d’adorer les idoles et de leuradres-seed es vœux ; c'en est un aussi de le feindre, et de se laisser entraîner aux temples par l’exemple et l’autorité de la multitude, comme font les philosophes , les disciples d’Aristote , d’Epicure et de Démocrite. Leur exemple contribue à en entraîner et à en séduire encore d’autres qui croient sincères les démonstrations de ces faux sa^es.
(Page 576.) Nous assurons aussi que les simulacres ne peuvent être l’image de Dieu; et nous ne craignons pas de tomber par-là en contradiction, comme Celse nous en accuse. Nous n’avons jamais dit que l’image et la ressemblance de Dieu se trouvât dans l’homme entier, mais dans !’âme. seule, qu’ila douée de la raison et formée pour la vertu.
Il nous fait après cela de violens reproches sur ce que nous ne rendons pas de culte aux démons : «Est-ce que tout, dit-il, n’arrive pas selon la vo-»lonté de Dieu ? Est-ce que sa providence ne règle »pas tout? Tout ce que font, ou les anges, ou les »démons, ouïes héros, n’est-il pas conforme à la »loi portée par ce grand Dieu? N’est-ce pas de lui » que les démons tiennent leur puissance et leur » ministère ? et, par conséquent, celui qui rend un » culte a Dieu doit en rendre aussi aux démons. » (Page 577·) Il y nuroit bien des choses à discuter et à réfuter dans cette objection. Contentons-nous de dire que Celse ne connoît point du tout la nature des dénions , qui ont été créés il est vrai dans l’innocence et la sainteté, mais qui se sont pervertis eux-mêmes en se révoltant contre leur Créateur. Aussi voyons-nous qu’ils ne sont occupés qu’à faire du mal.
Pourquoi les magiciens ci ceux qui usent, de sortilèges les invoquent-ils?
Il est faux que tout arrive par l’ordre de Dieu, et conformément à sa loi. Autrement tous les pèches et tous les crimes viendraient de Dieu, et seraient conformes à l’ordre éternel. Les hommes , quand ils pèchent, ainsi que les démons, désobéissent «à Dieu, et suivent, non sa loi, mais la loi du péché , (Rom., ״״. 2 ·) comme parlent nos Ecritures. Il est certain que la Providence divine s’étend à tout, et que rien n’arrive sans sa permission ; mais il ne s’ensuit pas de là que tout arrive par l’ordre de Dieu , et conformément à sa loi.
(page 3S0) Livre huitième. Nous commençons notre huitième livre par implorer le secours de Dieu et de son Verbe , pour réfuter solidement les sophismes de Celse, et démontrer avec évidence la divinité du christianisme. Puissions-nous, comme l’Apôtre, nous montrer les dignes ambassadeurs du (" Cor·» ') Christ auprès des hommes !
Celse nous demandait tout à l’heure pourquoi nous ne servons pas ]es démons ; et aussitôt, se chargeant de répondre pour les chrétiens:« C’est, » dit-il, qu’une de leurs maximes est qu’il n’est pas »possible de servir deux maîtres à la fois; maxime »séditieuse, digne d’une secte ennemie de la so-» ciété. » Cela peut être vrai pour le service des hommes, puisqu’on ne sauroit s’attacher au service de l’un, sans abandonner celui des autres ; cela est faux pour le service de Dieu, à qui tout ce qui vient des hommes ne sauroit faire ni peine ni tort. Le culte que l’on rend à ses ministres ne se rapporte-t-il pas à lui ? Où peut être la sédition de ne recon-noître qu’un seul Dieu, Père, de qui tout procède , qu’un seul Seigneur , Jésus-Christ, par qui tout est? (Page 581. !Cor., vin.5.) Nous nous e'ioignons il est vrai de la société ; mais de quelle société? de la société de ceux qui sont étrangers à l’alliance de Dieu, et bannis de la sainte cité. Nous nous en éloignons, afin de vivre en citoyens du ciel. (Page 585.) On ne put jamais obtenir des ambassadeurs de Sparte qu’ils se prosternassent devant le roi de Perse ; en vain même les gardes du roi voulurent user de violence : ils ne recon-noissoient d’autre maître que la loi de Lycurgue. Pour nous, honorés d’une ambassade bien plus auguste par Jésus-Christ, ni les princes, ni les démons , ni leurs satellites ne pourront jamais nous forcer à adorer les dieux ou les monarques d’au-cime nation.
(Page 584·) Celse se réfute lui-même , en avançant « qu’il ne » faut adorer que ceux que Dieu veut qu’ils le » soient. » Qu’il montre donc que Dieu commande d’adorer les démons!
« Ce sont les ministres de Dieu. » (Ibid.)
S’ils l’étoient, nous pourrions examiner quelle sorte de culte il conviendrait de leur rendre ; niais nous nous sommes assez expliqués sur la nature des démons. Nous n’adorons qu’un seul Dieu et son Fils, son Verbe, son image, par qui nous of-irons nos prières au Juge suprême. Nous le supplions qu’en qualité' de Pontife par excellence ,(Page 586.) et de victime pour nos péchés, il daigne présenter à Dieu nos vœux, nos sacrifices, nos prières. Nous adorons le Père en adorant le Fils, qui est son verbe, sa sagesse, sa vérité, sa justice, et tout ce que doit être le Fils d’un tel Père...
(Page 089.) Celse revient encore sur le reproche fait aux chrétiens de n’avoir point de temples ni d’autels. Nous lui répondrons encore que l’âme de chaque juste est l’autel d’où il élève des parfums vers le ciel : ce sont les prières formées par une conscience pure ; d’où vient qu’un des apôtres a dit : Les parfums sont les oraisons des saints. (Apoc., v. 8.) Les statues et les dons qui plaisentàDieu, ce ne sont pas les ouvrages des artisans ; ce sont les vertus que son Verbe divin forme au dedans de nous, et par lesquelles nous imitons le premier-né de toutes créatures, le modèle de la justice, de la tempérance, de la force, de la sagesse et de toutes les vertus. Ceux qui se dé-pouillenl du vieil homme et se revêtent du nouveau, deviennent l’image du Créateur, et lui élèvent au milieu d’eux des images telles qu’il les veut. Et comme parmi les sculpteurs et les peintres il y a des talents sublimes et consommés, des Phidias et des Polyclètes, des Zeuxis et des Apelles; il y a aussi parmi les chrétiens des hommes qui retracent si parfaitement l’image du Dieu suprême, que le Jupi-1er de Phidias ne saurait lui être comparé. Mais l’image la plus ressemblante et la plus achevée est dans notre Sauveur même , qui dit, Mon Père est dans moi. (Joan., xiv. ίο.)
(Page ago.) Nos temples sont de même nature que nos autels et nos statues. Nous ne construisons pas des temples morts et animés pour l’auteur de la vie. Scs temples sont nos corps ; et si quelqu’un souille par le crime ce temple divin, Dieu l’exterminera comme un impie et un profanateur. (1 Cor., ni.16.) Le plus auguste et le plus saint de tousles temples de Dieu, est le corps de notre Seigneur Jésus-Christ. L’Ecriture sainte ,en nous révélantle mystère de la résurrection, nous apprend que ces temples détruits par la mort seront rebâtis dans le ciel de pierres vives et des pierreries les plus précieuses. (1 Petr. 11. 5.)
(Page 5g2.) « Dieu est le Dieu de tous les hommes; il est »bon, il n’a besoin de rien ; il n’est pas suscep-»tible d’envie. Pourquoi donc ceux qui lui sont »spécialement dévoués ne prendroient-ils point » part aux fêtes publiques? »
Je ne sens point du tout la force du raisonnement de Celse. Nous ne ferions point difficulté de prendre part aux fêtes publiques, si elles !!’étaient p;1s fondées sur l’erreur, si Ton pouvait les regarder comme une suite du culte religieux qui est du à Dieu; mais si ce sont des fêtes purement humaines et contraires au culte divin, il est certain que ton!, fidèle etreligieux adorateur de Dieu refusera avec raison de les célébrer.
Si l’on nous objecte les fêtes du dimanche , de la préparation aux fêtes de Pâques, de la Pentecôte, que les chrétiens ont coutume de célébrer ; nous répondrons que le chrétien parfait, qui, parses paroles, ses pensées, ses actions, est toujours avec le Verbe de Dieu son Seigneur, célèbre chaque jour le dimanche , c’est-à-dire le jour du Seigneur. De même celui qui se prépare continuellement à la véritable vie, qui s’abstient de toute volupté, qui châtie son corps et le réduit en servitude, célèbre chaque jour la fête de la préparation. Celui qui pense que le Christ, la pâque des chrétiens, a élé (!! Cor.,v.7.) immolé, et qu’on célèbre sa fête en mangeant sa chair; qui, par ses pensées , scs discours, sa conduite, passe de cette vie à la vie céleste, célèbre chaque jour la pâque ou la fête du passage.
Celui qui, après être ressuscité avec le Christ, est (page 395.) sans cesse en oraison avec les apôtres , pour mériter de recevoir !’Esprit divin , lequel arrache du cœur des hommes toutes semences d’iniquité et de corruption, celui-là, sans doute , célèbre aussi chaque jour la fêle de la Pentecôte. Mais le commun des fidèles n’étant pas capable d’une perfection si rcle-vée, il a besoin d’un culte extérieur et sensible, qui lui rappelle le souvenir de ces mystères, qui sans cela s’effaceroient de son esprit. Au reste, quel contraste entre l’innocence et la sainteté de nos fêtes et la dissolution et les excès des fêtes païennes!
Il seroit trop long d’expliquer pourquoi la loi (Exod.,x8.״.) ordonne de manger du pain d’affliction les jours de (Gai., v. 17.) fêles. L’homme, composé d’un corps qui se soulève contre l’esprit, et d’un esprit qui se soulève contre la chair, ne saurait célébrer ces fêtes de corps et d’es-pritàla fois. S’il les célèbre d’esprit, il affligera la chair, qui s’oppose à l’esprit; s’il les célèbre de corps, il ne peut le faire d’esprit.
«Pourquoi ne mangeons-nous pas de ce qui est » offert aux idoles ? pourquoi n’assistons-nous pas »aux sacrifices publics? Si les idoles ne sontrien, »il n’y a aucun inconvénient à le faire. »
Je crois devoir renvoyer à la première épître de (! Cor., v!״.) saint Paul aux Corinthiens, où il enseigne combien il est dangereux à cause du scandale, combien même il est criminel de manger des mets offerts aux idoles. de manger à la table des démons, qui nous exclut nécessairement de celle du Seigneur.
« Si les chrétiens s’abstiennent des viandes of-»fortes aux idoles, ils devraient s’abstenir aussi de » toutes sortes de viandes, comme les pythagori-» ciens. »
Oui, si nous croyions à leur métempsycose. La loi judaïque ordonnait de s’abstenir d’un grand nom-bre d’animaux regardes comme immondes ; Jésus, qui voulait que sa doctrine procurât le salut de tous les peuples, nous a affranchis de ces lois gênantes. Pour qu’on sût sans équivoque à quoi (page5g6.) s’en tenir, il sembla bon aux apôtres assembles à Antioche, ou,comme ils parlent,auSainl-Espril, (Act., xv. 28.) de ne défendre aux gentils que l’usage des choses offertes aux idoles, des viandes suffoquées ou du sang...
Celse nous fait un reproche aussi faux qu’absurde : (page402.) c’est, dit-il, que « nous attachons l’efficace de nos »prières à la langue barbare dont nous nous ser-»vons, tandis que nous avouons qu’en grec et en » latin nous ne pouvons rien obtenir. » Chacun de nous prie Dieu dans sa langue; et notre Dieu, qui est le Dieu de toutes les langues et de tous les pays, nous entend et nous exauce tous également...
Il fait dire aux chrétiens ce que n’a dit jamais aucun chrétien instruit et religieux: « J’ai accablé » d’injures l’idole de Jupiter et d’Apollon ; je les ai )) même frappés, et ils ne s’en vengent point. »
La loi divine nous défend de maudire les dieux, (Exod., xxn..28 ) de peur que notre langue ne s accoutume a maudire. Le Verbe divin nous a appris à ne nous venger ja-mais, même en paroles; à bénir quand on nous (Rom., ״!.) maudit. D’ailleurs rien n’est plus vain et plus insensé que de maudire de l’or, de la pierre à laquelle vous avez fait prendre la forme de vos prétendus dieux. Nous ne nous moquons point de vos simulacres; mais on auroit bien droit de se moquer de leurs imbéciles adorateurs.
(Page405.) Celse ajoute : « Nous n’épargnons pas non plus » les injures à votre Jésus et à ses adorateurs : nous «les chargeons de chaînes, nous les faisons mourir, » sans qu’ils s’en vengent. »
Mais il s’en venge pour nous. Jérusalem, où le Fils de Dieu fut mis en croix, et tout son peuple déicide qui crioit avec fureur, Crucifiez-le, crucifiez-le; (Luc., xxiii. 21·) voyez: quel homme sur la terre peut ignorer leur déplorable sort ? Jérusalem fut assiégée peu de temps après ;et, malgré la défense la plus opiniâtre, elle fut prise et ruinée de fond en comble. Son peuple criminel et impénitent a été livré à ses ennemis , et exterminé. La cause de cette affreuse catastrophe n’est autre que le sang de Jésus répandu sur cette terre qui n’a pu supporter plus long-temps son peuple sacrilège...
« Qu’est-il arrivé de nouveau depuis la mort de » Jésus 11 Rien de plus nouveau et de plus extraordinaire que ce qui est arrivé, soit à ce peuple juif exterminé et dispersé sur la surface de la terre, soit au peuple chrétien né tout à coup au milieu des contradictions et des persécutions. Les gentils, étrangers à l’alliance de Dieu, exclus jusque-là de ses promesses, éloignés de la vérité, sont accourus en foule embrasser la vérité et le culte de Dieu. C’est là l’ouvrage d’un Dieu , et non d’un imposteur. Si Jésus a souffert les plus grands supplices, cela prouve et sa patience héroïque et la cruauté de ses ennemis. Mais il est faux que sa loi ait péri avec lui.
Si le grain de froment, dit Jésus, ne meurt dans la terre, (Joan., !2. &. .24.) il demeure seul; mais, quand il est mort, il rapporte beaucoup de fruit. Jésus est ce grain, qui, après sa mort, a produit et produit tous les jours quantité de fruits ; et le Père céleste veille sur tous ces fruits et les conserve. Quand il a souffert, ce n’étoit pas malgré lui, mais volontairement. A son imitation, ses disciples souffrent qu’on les enchaîne, qu’on les mette à mort. Mais scs martyrs , témoins de sa vérité, triomphent dans cette guerre où ilspé-rissent. Par leur patience, par leur constance à con-fesser la foi en Dieu et en Jésus-Christ, ils s’élè-vent au-dessus de leurs persécuteurs. S’il y a des chrétiens qui fuient et qui mettent par-là leur vie (Pa״e406.) en sûreté, ce n’est point par lâcheté, c’est pour obéir au précepte de leur maître, et pour procurer le salut des infidèles.
Le peuple juif, avant qu’il eût mérité d’être rejeté (page 408.) de Dieu pour sa rébellion et son endurcissement, paroissoit être un peuple de philosophes. Pour les chrétiens , dont la société s’est formée d’une ma-nière inouïe, on croira sans peine qu’il a fallu des miracles plutôt que des discours pour les de'ler-miner à abjurer la religion de leur pays, et à en embrasser une autre. 11 n’est nullement vraisem-blable que des hommes de la lie du peuple et sans lettres, tels que les apôtres, eussent entrepris d’an-noncer !,Evangile, s’ils n’eussent mis leur confiance dans la puissance divine dont ils étoient déposi-taires. Il l’est encore moins que les peuples qui les entendirent se soient laisse persuader d’abandon-!1er aussitôt des usages, des dogmes, un culte que leurs pères leur avoient transmis depuis tant de siècles, pour en adopter d'autres tout contraires, s’ils n’avoientété ébranlés et convertis par des pro-diges éclatans opérés sous leurs yeux.
Celse, qui nous accable d’injures , aurait dû, ce semble, avoir au moins assez d’humanité pour nous épargner. Notre charité à nous embrasse tous les hommes sans exception. Elle s’efforce de polir et d’éclairer les hommes grossiers et charnels , de purifier les hommes impurs, de rendre la raison et la santé aux âmes malades et déraisonnables... Pour nous, qu’une foule de motifs attache à la reli-gion chrétienne, nous faisons tout ce qui est en nous pour en faire adopter les dogmes à tous les hommes ; (rage/μι.) mais, quand nous en trouvons dont les calomnies, trop répandues contre les chrétiens, ont fermé les oreilles à nos discours, nous avons soin de faire usage des seuls principes qui nous sont communs avec eux, pour affermir au moins dans la croyance des peines et des récompenses après cette vie ceux mêmes qui refusent d’être chrétiens. Car il n’est point d’homme dans l’âme de qui les notions communes sur le juste et l’injuste, sur ce qui est honnête ou honteux, soient entièrement cfface'es. Tous les hommes, spectateurs de l’ordre admi-rable qui règne dans les cieux, des soins de la Providence qui a pourvu abondamment à leurs besoins et à leurs plaisirs, doivent prendre garde de rien faire qui puisse déplaire au divin Auteur de tant de biens. Qu’ils soient persuadés que leur sort éternel dépend de la vie qu’ils auront menée sur la terre ; que ceux qui auront rempli leur de-voir et pratiqué la vertu seront heureux; que les médians, au contraire, seront punis de leurs dés-ordres, de leur intempérance, de leur mollesse, de leurs débauches... (page115) Nous userons donc avec reconnaissance des biens de cetle vie ; nous en sup-porterons les maux comme des épreuves où la vertu s’épure et brille comme l’or dans le creuset. TVîzZ n’est couronne que l’athlète de la piété qui a combattu généreusement jusqu’à la fin... Nous ne ( R0,n·’ "·) rendons aucun honneur aux démons. Nous ne sommes ni injustes, ni ingrats en cela. Nous ne leur devons rien. Dieu ne leur a confié l’adminis-tration d’aucun de ses ouvrages. Ils ne sont occu-pés qu’à nuire et à faire du mal aux hommes. Nous louons les bons anges à qui Dieu a donne' quelque part dans le gouvernement des choses humaines ; mais nous ne leur rendons pas pour cela le culte qui n’est dû qu’à Dieu, et. qu’ils sont bien éloigne's d’ambitionner. Nous n’adorons que Dieu. Nous (Matth.jiv.g.) re'pondons aux de'mons comme Jésus : f^ous ado-rerez le Seigneur votre Dieu> et vous ne servirez (Maith., vi.) que lui. Personne ne peut servir deux maîtres. Nous ne balancerons pas entre Dieu et Manimone. Nous ne craignons d’être ingrats et injustes qu’à l’égard de Dieu, qui nous a comblés de biens, de qui nous avons tout reçu en cette vie, et de qui nous attendons encore plus dans l’autre. (Page4!6.) Le pain nommé Eucharistie est le symbole de notre reconnois-sance envers Dieu...
(rag./po.) Pour ce qui est des princes de la terre, nous n’ambitionnons point leur faveur, s’il faut l’a-dicter par le crime , par l’impiété et la désobéis-sance à Dieu, le maître des rois et de leurs sujets; nous dédaignons de la gagner par la flatterie, par de basses complaisances, indignes d’une âme noble et élevée : mais, quand les princes n’exigent rien de contraire à la loi de Dieu et à notre devoir, nous ne sommes pas assez insensés pour vouloir les irriter contre nous et mériter leurs cliâtimcns.
(Page421.) Nous avons appris à l’école de nos divines Ecriturcs: (Rom.,xi1 .״.) Que toute àme soit soumise aux puissances supérieures ; car il n’y a point de puissance gui ne vienne de Dieu. Ainsi ceux gui résistent aux puis-sauces résistent à Dieu- Nous ne jurons point par la fortune de l’empereur. Soit qu’on entende , par la fortune , un être vain et chimérique , nous ne pouvons jurer par ce qui n’est point, comme nous jurons par Dieu ; soit qu’on entende par ce mot le démon de l’empire romain, nous aimerions mieux mourir que de jurer par cet esprit pervers. (Page425.) Nous confessons hautement que les souverains ont reçu leur puissance, non du fils de Saturne, mais du Dieu tout-puissant, de qui il dépend de les élever sur le trône, ou de les en faire descendre. Ils n’ont rien à craindre de la religion chrétienne , qui ordonne de les honorer et de leur obéir. Et si les barbares devenoient chrétiens , ils deviendroient en même temps pacifiques et justes, ils cesseroient d’être des ennemis redoutables pour l’empire...
Nous souffrons patiemment la persécution , (Page 424·) quand Dieu permet au tentateur de nous persécuter: mais quand Dieu veut nous affranchir de la persécution , nous jouissons d’une paix profonde au milieu du monde qui nous hait. Nous nous le-posons avec sécurité sur la parole de celui qui a dit : Ayez confiance en moi, j’ai vaincu le monde. (Joan., xvi.55.) S’il veut que nous combattions encore pour la piété , que nos ennemis approchent, voici ce qu’ils nous entendront dire : Je puis tout en Jésus-Christ qui me fortifie.(Phil., iv. 15.) De deux passereaux gui se vendent une obole, il n’en tombe pas un dans les filets sans notre Père qui est dans les deux. (Matlh., x.29·) La Providence di-vine a tellement embrassé cet univers, qu’elle a compté tous les cheveux de notre tête. (Ibid.) (Page 44.)
(Page 425.) Celse, après nous avoir attribue des discours que nous n’avons jamais tenus , forme une espèce de vœu pour que « toutes les nations de l’Europe, » de l’Asie et de l’Afrique se réunissent à suivre la »même loi ; mais, ajoute-t-il, la chose est impos-» siblc.»
(Page426.) Pour nous, nous ne le croyons pas. Il y a cette différence entre les maux du corps et ceux de l’âme, que la science de lamédecine est impuissante pour guérir tous les maux du corps ; mais l’âme n’a point de vice dont Dieu et son Verbe ne puissent la purifier. A la fin des temps , tous les vices seront abolis.Le prophète Sophonie, en particulier, prédit fort au long la conversion dç tous les peuples, qui, à l’envi, invoqueront le Seigneur et porteront son joug. Alors il n’y aura plus d’iniquité, plus de mensonge, plus de tromperie, plus d’alarmes. (Soph., in. 8. et se<j.) Si tout cela ne peut s’accomplir pleinement en cette vie , ce sera du moins dans l’autre...
Celse nous exhorte à rendre au prince tous les services qui dépendent de nous , à combattre, s’il le faut, et à conduire les armées. Nous lui répondons que nous rendons aussi bien des services au prince, mais des services divins; que nous portons les armes, mais les armes de Dieu même. En quoi nous nous conformons au précepte de !,Apôtre , qui nous recommande surtout de faire des prières, des demandes, des actions de graces pour tous les hommes , pour les rois, et pour ceux qui sont élevés en dignité. (1 Tim., ti >.2.) Plus un chrétien est éminent en piété, (Page 427.) plus il est utile au prince. Il le sert bien plus avan-tageusement que ceux qui portent les armes, et qui font un grand carnage de ses ennemis.
Nous disons en particulier aux gentils : Les mi-nistres de vos dieux, vous les exemptez du service militaire; vous ne voulez pas qu’ils offrent à vos idoles des victimes avec des mains teintes de sang ; à plus forte raison devez-vous dispenser les mi-nistres de Dieu de tremper leurs mains dans le sang des hommes. Alors ils lèvent leurs mains pures, ils adressent leurs prières à Dieu pour celui qui règne avec justice , pour ceux qui font une guerre juste, afin qu’il leur accorde la victoire légitime sur leurs coupables ennemis. Et quand , par la force de nos prières, nous triomphons des démons, qui sont les perturbateurs de la paix et les auteurs de toutes les guerres, nous sommes encore plus utiles que les soldats qui portent les armes. Nous ren-dons un service essentiel à la société quand nous joignons à la prière des méditations et des exhor-tâtions pour détourner les hommes de tous les dés-ordres. Nous ne combattons pas, il est vrai, sons les ordres de l’empereur (1); mais nous combat-tons avantageusement pour lui, quand, sous l’é-lendard de la piété, nous attirons sur sa personne la protection de Dieu. Oui, les chrétiens sont des ci-toyens bien plus utiles à la patrie que tous les autres. Non contens de prier pour le salut de nos concitoyens , nous les instruisons, nous les for-mons à la piété envers le Dieu de l’univers ; nous leur apprenons à s’élever vers la cité céleste et di-vine, en les faisant vivre saintement dans les étroites cités de la terre. (Page428·) Nous engageons ceux qui parmi nous ont le talent de la parole, et dont les mœurs sont irréprochables, de gouverner les Eglises dont se compose celte autre patrie spirituelle. Nous re-jetons tous les ambitieux , mais nous forçons ceux que leur modestie empêche de se charger de ces emplois. Ainsi les sages conducteurs qui nous gou-vernent le sont parce qu’ils y ont été contraints : et celui qui les y a contraints, c’est le grand roi que nous croyons le Fils de Dieu et le Verbe-Dieu.
(1) Cette proposition se restreint naturellement an seul ministère des autels. L’étendre à toutes les classes de la société chrétienne, se. roit se mettre en contradiction avec tous les monumens de !,histoire ecclésiastique, qui nous montre, dès la plus haute antiquité, des chré-tiens dans les armées, au sénat, au forum.
Au reste , ce n’est pas pour se dispenser des de-voies communs de la vie, que les chrétiens fuient les magistratures, mais pour se consacrer plus particulièrement à des devoirs plus divins et plus nécessaires, puisqu’ils embrassent le service de !,Eglise et le salut des hommes. Ce ministère n’est pas seulement légitime , il est nécessaire. Les soins de nos pasteurs s’étendent à tous : et aux fidèles qui sont dans !,Eglise , pour que; de jour en jour, ils deviennent plus parfaits; et à ceux qui sont encore dehors, afin que leurs discours et leurs actions respirent la piété. Ainsi ils instruisent le plus grand nombre d’hommes qu’il leur est possible, afin qu’ils méritent d’être unis au Dieu souverain par son divin Fils Verbe de Dieu.
Je termine ici, pieux Ambroise, le travail que vous m’avez demandé pour répondre au discours prétendu véritable de Celse. C’est maintenant aux lecteurs de l’un et de l’autre à prononcer entre Celse et moi ; à juger dans lequel de ces deux ouvrages il y a plus de piété, de vérité, le plus de cet Esprit de Dieu qui porte les hommes à bien vivre.