II. LES DEUX LIVRES AUX GENTILS.

Ces deux livres n’offrent qu’une répétition de VApo-togctique, incomplète et mutilée; ils semblent n’être que le premier jet de cet ouvrage. On y retrouve le même fonds d’idées, et jusqu’aux mêmes expressions , à peu d’exceptions près.

Par où les chrétiens se distinguent-ils? Par une sagesse des premiers temps, qui les empêche d'a dorer les dieux imaginaires faits par la main des hommes ; par la sévérité de leur justice, qui ne leur permet point de désirer ce qui ne leur appartient pas ; par une pureté de mœurs qui redoute jusqu’aux regards capables de la corrompre ; par une charité compatissante envers ceux qui sont dans l’indigence: par leur respect pour ]a vérité, qui les met en butte aux persécutions ; par une généreuse liberté qu’ils savent garder en mourant pour elle. C’est à ces caractères qu’il faut en appeler pour apprendre à les connaître. (Liv. I, chap. IV.)

( Sur les bruits populaires. ) « L’on ment avec plus de succès en forgeant des calomnies cruelles etatroces, et 1’οΔ croit plus aisémentun mal faux qu’un bien véritable (1). » (Chap. VII.)

(1) Trad, par Bossuet, Serm. tom. v, pag. 4*3.

(Page60.) «Non-seulement, dit Tertullien, nous impo־ sons à la vue des autres , mais même nous jouons notre conscience : Nostram quoque conscientiam ludimus » (2). « Le crime , aujourd’hui sans pudeur, marche tête levée, bravant et la lumière du jour et le silence des nuits, affrontant jusqu’aux regards du ciel; et l’impunité qui le protège est telle, qu’on ne sait plus ce que c’est que crimes. (Chap. XVI.)

(2) Le même, Serm. tom. vi, pag. 224 et 241·

 

III. REQUÊTE A SCAPULA (*).

(*) Proconsul d’Afrique. On place communément cet ouvrage à Pan de Jésus-Clirist 211, vers le dernier du règne de Sévère. Tillem. Mém^ loin. 111, pag. 227.

Cet ouvrage peut être rangé au nombre des apologies, puisque le christianisme y est défendu contre les calomnies dont on le chargeait.

(Pagc«5.) Qe n’est aucun sentiment de crainte qui nous porte à vous adresser cette défense. Loin de redouter vos arrets et vos executions, nous courons au-devant ; nous appréhendons bien moins d’être condamnés que d’être absous. C’est moins dans !,intérêt des chrétiens que nous vous écrivons, que dans le vôtre, et pour nos persécuteurs. La loi que nous suivons nous ordonne de les aimer. Aimer ceux qui nous aiment, c’est la vertu de tout le monde; aimer ceux qui nous persécutent, il n’y a que le chrétien qui en soit capable (1 ).Touchés de votre ignorance , et sensibles aux maux à quoi vous vous exposez, et dont nous voyons chaque jour les tristes avant-coureurs, nous nous croyons obligés de vous mettre sous les yeux ce que vous éloignez de vos oreilles.

(1) Voy. Cambacérès , Serm. 10m. r, pag. 47^·

Nous adorons un seul Dieu, dont toiîsles hommes ont une notion naturelle ; au bruit de son tonnerre, vous êtes saisis d’effroi ; au récit de ses bienfaits, vos cœurs se pénètrent de joie.

Chaque homme reçoit de la nature et des lois la fa-culte' d’adorer Dieu comme il l’entend. Qu’importe à un autre qu’à moi la religion que je professe I La religion n’admet aucune violence, aucune Ly-rannie ; elle est libre, et jamais elle ne doit être embrassée par contrainte, mais par sentiment.Tout sacrifice demande à être fait volontairement (2).

(2) «La force peut-elle persuader les hommes? peut-elle leur fair«’ vouloir ce qu’ils 11c veulent pas?Nulle puissance humaine ne peulforcer le retranchement impénétrable de la liberté d’un cœur. » Fénelon , Disc, pour le sacre de Velect, de Col. loin. 1v, pag. 505, Paris, 1821, édit. in-8".

L’apologiste disculpe les chrétiens du double crime de sacrilège et de lèse-majesté dans les mêmes termes que l’apologétique, et avec plus de concision.

(Pagc 86.) Le chrétien n’est l’ennemi de personne, à plus forte raison du prince. Nous respectons la personne de l’empereur , nous lui rendons tous l’honneur que permet notre conscience, que re'clame sa dignité'. Reconnoissanten lui un homme venant après Dieu, qui tient de Dieu tout ce qu’il est, et n’a de supérieur que Dieu, nous sacrifions pour son salut; ruais nos sacrifices nous les offrons à Dieu, notre maître et le sien, conformément à la loi qu’il nous a donnée, par de chastes et pacifiques prières. Que les démons se repaissent du sang et de la fumée de leurs victimes, ce sont là des sacrifices faits pour eux.

Nous n’opposons aux outrages d’autre arme que la patience, qui nous est commandée par notre divin législateur: bien qu’il nous fut facile d’en employer d’autres , faisant presque la plus grande partie de toutes les villes (1).

(1) Voy. Bossuet citant cet endioit de Tertullien , Serm. tom. ni, pag. Molin. Car. loin, iv, pag. 541-548.

A Dieu ne plaise que nous murmurions contre des persécutions qui comblent nos vœux, et que nous pensions à en tirer une vengeance que nous attendons de Dieu. La seule chose qui nous fait peine, c’est l’assurance où nous sommes que pas une des villes qui ont fait couler le sang chrétien n’e'chappera à la vengeance. Vous l’avez vu ; sous le gouverneur Hilarien, le peuple avoit demandé à grands cris que l’on ôtât aux chrétiens les aires où ils faisaient leurs sépultures : et celles où lui-même bat ses blés ne lui servirent de rien ; car il n’eutpoint de moisson. L’année dernière, les pluies continuelles qui tombèrent par torrens dans nos campagnes n’ont-elles pas manifesté le courroux du ciel, qui châtioit l’incrédulité et les déréglemens des hommes? Ces feux suspendus sur les murailles de Carthage durant la nuit, ces tonnerres extraordinaires qui se sont fait entendre, ont dû présager à ceux qui ont des yeux les fléaux dont leur endurcissement est menacé. Tous ces signes précurseurs de la colère céleste qui est à nos portes, ne faut-il pas bien que nous vous les dénoncions , que nous cherchions à les conjurer? Les calamités partielles indiquent à l’avance un autre châtiment universel, auquel n’échapperont pas dans le temps ceux qui voudraient aujourd’hui se méprendre sur les vraies causes de ce qui nous arrive. A Utique, on a vu le soleil s’éclipser tout à coup contre toutes les règles de la nature ; demandez-le à vos astrologues. Nous pourrions vous citer divers magistrats qui, à leurs derniers momens, ont te'moigné leur repentir des rigueurs qu’ils avoient exercées contre les chrétiens. Vigellius Saturninus, qui le premier a tiré le glaive contre nous , en a été puni par la perte des yeux. Claude Herminien , gouverneur de Cappadoce, irrité contre sa femme , qui s’étoit faite chrétienne, fil peser son ressentiment contre ceux de cette religion. Frappé, seul, de la peste dans son palais, dévoré tout vivant par les vers, il disoit: « 011’on se ״arde bien d’en rien dire à personne;les chrétiens en triompheroient... »Si tous (Pagc87.) ״os persécuteurs ne sont pas punis, c’est qu’ils sont réservés au jour du jugement de Dieu. Vous-mêmes, nous faisons des vœux pour que la maladie qui vous afflige soit un simple avertissement du ciel ; mais souvenez-vous qu’elle a commencé après l’ordre donné par vous , d’exposer aux bêtes le chrétien Mavilus d'Adrumet. Du reste, pensez à l’avenir. « Nous ne pensons pas à vous faire peur, et nous sommes incapables de vous craindre (1). » A Dieu ne plaise que nous cherchions à vous intimider, nous qui n’avons peur de personne ; notre seul désir est que tous puissent être sauvés, et que personne n’ait la témérité de corn-battre contre Dieu.

(1) Trad, par Bossuet, Panégyr. de S. Thom, de Cantorb. pag. 600. Le grand évêque ajoute I ce texte : ״ Nous ne sommes ni redoutables, » ni lâches : nous ne sommes pas redoutables . parce que nous ne savons »pas cabale!·; et nous ne sommes pas lâches, parce que nous savons » mourir. »

Combien de gouverneurs qui ne vous valoienl pas en humanité se sont récusés dans la cause des chrétiens ! Cincius Sévère étoit le premier à fournir à ceux qui lui étoient adressés comme chrétiens des moyens de défense ou d’évasion... L’empereur Sévère , informé qu’il y avoit parmi les chrétiens des personnes de la plus haute dis-tinction de l’un et de l’autre sexe, non-seulement ne les persécuta point, mais les protégea contre les violences du peuple ( 1 ). Marc-Aurèle, dans son ex-pédition contre les Quades, obtint, grâces aux prié-res des chrétiens qui servoient dans son armée, une pluie abondante qui la sauva (2). Combien de pareils fléaux n’avons-nous pas détournés par nos prières, par nos jeunes? Toutes les fois que le peuple, croyant s’adresser à Jupiter, s’écrie , O dieu des dieux, seul puissant, c’est à notre Dieu qu’il rend, sans le savoir, un solennel hommage... Arrius Antonin, qui s’étoit déclaré contre nous Page 88. avec tant de violence dans son gouvernement d’A-sie , voyant accourir en foule à son tribunal les chrétiens répandus à Carthage, se contenta d’en faire saisir quelques-uns, et dit aux autres : Mise-râbles7 si vous voulez mourir 3 n avez-vous pas des précipices el des cordes? Si nous e'tions de cette hu-meur, que feriez-vous de tant de milliers de dire'־ tiens, hommes et femmes, de toute condition, qui viendroient se présenter à vous? Combien ne vous faudroit-il pas de bûchers et de glaives ! Que de-viendroit Carthage ainsi décimée, quand chacun viendroit reconnoitre parmi les victimes ses con-citoyens, ses proches; qu’il y verrait des hommes, des femmes, peut-être d’un rang égal au vôtre, liés de société, de parenté même, avec ceux qui ont l’honneur de vous être attachés par les liens du sang ou de l’amitié? Epargnez-vous donc vous-même, épargnez Carthage, si vous ne nous épar-gnez pas.

(1) Il ne persévéra pas long-temps dans ses pacifiques dispositions. Orose et Sulpice-Sévère affirment qu’il y eut vers la dixième année de son règne une violente persécution qui donna à !’Eglise quantité de confesseurs et de martyrs.

(2) Voy. Tillem. Mém. tom. n, pag. 520.

IV. DU TÉMOIGNAGE DE l’ÂME.

Nous disons bien souvent que l’on ne counoît pas le christianisme; que c'est le calomnier que de lui sup-poser une doctrine éloignée de la nature; que l’Évan-gilc n’en est, aux termes du divin législateur, que le (Maith, v.17)   perfectionnement; que la plupart de scs dogmes se trouvoient imprimés au fond de tous les cœurs; que la conscience, loi primitive, essentielle, porte dans elle-même le témoignage des vérités capitales dont toutes les autres ne sont que la dépendance; telles que celles de l’existence el de l’unité de Dieu, de ses principaux at-tributs, de l’immoitalité de l’àme, dont l’intime presse!!-,          liment se lie à l’aversion que nous avons tous pour la mort j et au désir de se survivre à soi-même. Saint Paul !’avoit dit d’un seul mot : Opus legis scriptuni in cordibus. (!5, >״ י״ן0ן,) Tertullien nous apprend la manière de le développer dans nos chaires chrétiennes. Ce principe qu’il avoit indiqué déjà dans son Apologétique (1), et qu’il répète avec affection dans la plupart de ses autres ouvrages, reçoit ici une extension plus oratoire.

(1) Kultis ex anima! ipsius tesiimonio comprobemus? cum resipiscil. Deuni nominal hoc solo nomine, guia proprio Dei vert. Deusniagnus, Deus bonus , et quod Deus dederit, omnium vox est. Jutliceni giiogue conteslalur ilium : Deus videt, et, Deo eonimendo, et, Deus mîhi red-det. O leslimoniiim anima! naturaliler chrislianœ! Cap. xvn.

Il nous faut des recherches sans fin, creuser (pagc s״,) bien avant dans l’antiquité', quand nous voulons combattre les détracteurs du christianisme par des témoignages empruntés aux écrits des philosophes, des poètes et autres, soit pour réfuter leurs erreurs, soit pour défendre notre cause. Un assez grand nombre des apologistes qui nous ont précédé, joignant l’étude profonde de l’histoire à la puissance du raisonnement, se sont engagés dans ces laborieuses controverses. Dans les traités qu’ils ont adressés aux gentils contre l’idolâtrie, ils remontent à l’origine de chacun de scs dogmes , en parcourent lesmonumens et les traditions ; et, par de savantes confrontations entre les passages qu’ils en produisent, avec la doctrine que nous proies-sons, ils prouvent que notre religion n’est pas aussi nouvelle, aussi monstrueuse qu’on affecte de le répandre. Mais la prevention, qui s’acharne con-Ire les chrétiens, n’a pas voulu croire à ces preu-ves, lors même qu’elles étoient fournies par des hommes que d’ailleurs elle regarde comme ses oracles. D’un côté, ses poètes avec la futilité de leurs fables qui prêtent à leurs dieux les passions des hommes; de l’autre, ses philosophes avec leur orgueil opiniâtre, qui n’ont fait que frapper à la porte de la vérité (1). On n’est sage aujourd’hui qu’autant que l’on s’emporte contre le christia-nisme. Mais pour peu que l’on montre de vraie sagesse et de véritable science , en s’éloignant des vaines superstitions d’un culte profane, on n’est plus qu’un chrétien voué à l’infamie et au supplice. Abandonnons aujourd’hui ce genre d’argumenta-tion, que tous les lecteurs ne sont pas capables d’embrasser. N’empruntons rien aux témoigna-ges humains, qui ne présentent pas encore une garantie suffisante ; ne profitons pas même de ceux que nous donnent nos divines Ecritures: on n’y croit pas, à moins d’être chrétien. Celui que j’ai à produire en faveur du christianisme , c’est un té-moignage d'un nouveau genre ; témoignage plus connu que toutes les littératures, plus répandu que tous les livres , plus notoire que tous les systèmes, plus grand que tout l’homme: c’est-à-dire ce qui fait ]’homme tout entier. Viens, o âme humaine! comparois et réponds (1), quelles que soient ton origine et la nature; toujours, malgré la diversité des opinions qui partagent les écoles, toujours siège de la raison, de l’intelligence el du sentiment. Comparois, non pas avec le vain attirail d’une science acquise dans les livres el les écoles du portique et de l’académie, mais simple, mais ramenée à tes élémens primitifs, mais telle que lu Page 81. es encore dans ceux , quels qu’ils soient, où tu conserves ta constitution originale (2). Je ne te demande rien de plus que ce que tu apportes avec toi. Que tu le tiennes de ton propre fonds, ou que tu le reçoives de la main souveraine à qui lu dois ton être , tu n’es pas, que je sache, chrétienne ; car pour l’être , il faut le devenir. N’importe ; ce n’en est pas moins ton témoignage que je réclame en faveur de ceux à qui lu es étrangère , dussent rougir pour loi-même ces mêmes hommes qui nous punissent, par leur haine et leur mépris, d’une doctrine que tu partages avec nous. (Chap. 1.)

(1) Expression de Bossuet citant Tertullien, Panégyr. de sainte Catherine : Panégyr. tom. vi, pag. 514·

(1) Consiste in medio, anima, etc. Voy. Bourdaloue , vivent, ser mon du jugent, dern. pag. 6g. Cambacérès lait le même appel à la conscience de l’incrédule, Senn, tom 1 , pag. 215. De tous les prédicateurs qui ont fait d’heureuses applications de ce mouvement , l’emploi le plus éloquent est celui qui s’en !encontre dans ?Jassillon. 11 in-lerroge l’âme au moment de la mort, dépouillée de tous les prestige» dont l’environnoient jusque-là ies illusions de la chair et de la vanité. Le morceau de Tertullien y est traduit en entier. Carême, tom. ni, pag. 254 ni suiv.

(2) Molin. Serm. chois, tom. vin, pag. 4 ί 9·

Notre crime est de prêcher un Dieu essentiellement un, de qui tout vient, et de qui tout dépend. Ptends-nous te'moignage si ce n’est pas là ta foi à toi-même. Car, et toi aussi, combien de fois ne t’avons-nous pas entendue en public et en particulier, dans la ple'nitude d’une liberté' qui nous est ravie , t’écrier : S’il plaît à Dieu! N’étoit-ce pas là reconnoitre un Dieu,־ et l’unique Dieu(1)? Et encore : Dieu est bon., Dieu fait bien, Dieu voit tout, Dieu jugera entre nous. (Chap. 11.) Vous dites de tel homme; C’est un méchant; pourquoi? si ce n’est par opposition à la bonté de Dieu? Ce mot, Que Dieu vous bénisse, dont nous faisons le point de ralliement et le sceau de tous nos entretiens , comme reconnoissant en Dieu le principe de tout le bien qui nous est fait, il ne vous en coûte pas plus à vous de le répéter qu’à nous-mêmes. Alors même que, changeant de langage, vous dites, Que Dieu te maudisse ! vous ne rendez pas moins que nous témoignage à son autorité souveraine.

(1) Voy. Lenfant, Serm. tom. 1v, pag. 212 et suiv. Segaud , Carême, tom. 1, pag. 207 , 240. Saurin, sur le prix de l'âme, tom. 111, pag. 26. Cambac. tom. 1, pag. 190. Montargon, Diet, apost. tom. 11, pag. \8 et suiv.

Il en est parmi vous qui, sans nier l’existence de Dieu, lui contestent l’attribut d’une providence qui voit et règle tout, d’une justice à qui il faudra rendre compte ; en quoi ils sont le plus en oppo-silion avec nous, qui croyons au redoutable jugement annoncé par nos divins oracles : c’est par honneur pour la divinité qu’ils prétendent }’ai-franchir des embarras du gouvernement de l’univers. Ils la supposent incapable d’aucun sentiment de colère el de vengeance. Autrement, disent-ils, elle seroit susceptible des passions humaines, ce qui répugne à l’indépendance de son être. Mais on convient dans les memes écoles que l’àme est d’une origine céleste :et c’en est assez pour la réfutation de leur système. Car si l’àme est d’une nature divine, nul doute qu’elle ne connaisse celui de qui elle tient ce bienfait; si elle le connaît, conséquemment elle le craint. El la preuve, c’est qu’elle désire se le rendre favorable, plutôt que d’être en butte à sa colère. Mais d’où vient à l’âme cette crainte naturelle qu’elle a de la Divinité, si Dieu manque de la volonté de se mettre en colère? Comment peut-on craindre celui qui ne sait pas se fâcher? Qu’appréhende-t־on, sinon qu’il s’irrite? Mais d’où lui viendroit cette colère, s’il avoit les yeux fermés sur le mal qui se commet? Pourquoi les tenir ouverts , s’il ne doit les juger et les punir? Or, à qui appartient le droit de les juger, si ce n’est à celui qui possède la puissance suprême? Donc à Dieu. Voilà ce que votre conscience vous fait dire tous les jours en public, en particulier, sans que personne vous en raille ni ne vous contredise. Mais d’où viennent ces paroles, dans une bouche qui n’est pas chrétienne ? (Chap. II.)

(Page S3.) Vous qualifiez démon tout ce qui vous présente l’image de l’impudicité', de la méchanceté, de l’insolence, des de'sordres que nous attribuons au malin esprit: et, bien que nous seuls en ayons une ide'c juste, n’est-ce pas le reconnoitre que de le haïr? (Chap, iii.)

Nous affirmons que l’âme est immortelle, qu’à sa separation d’avec le corps, elle subira un jugement qui fixera ses éternelles destinées, selon ses mérites ; pourquoi en rougirions-nous, si c’est là une croyance qui nous soit commune avec vous? comme en effet le sentiment s’en trouve maintenu dans tous les cœurs, malgré la diversité des opinions qui par-tagentles écoles. Quand vous parlez d’une personne qui n’est plus, c’estpour la plaindre : de quoi ?non d’avoir perdu le bienfait de la vie, mais d’avoir à encourir un jugement, peut-être une punition. Vous la plaignez; mais si elle ne sent rien , s’il n’y a plus rien après la mort que ce cadavre d’où l’âme s’estséparée , si elle-même s’est anéantie , vous êtes en contradiction avec vous-même. Pourtant vous craignez la mort. Eh! qu'a-t-elle de si redoutable, si elle n’amène à sa suite rien de quoi il faille avoir peur? C’est peut-être, non pour ses suites qu’on (Page83.) l’appréhende, mais pour les biens dont elle nous prive ? Mais si le mal l’emporte sur le bien, ce qu’on gagne l’emportant sur ce qu’on perd, la crainte n’a plus de motif. Doit-on redouter si fort ce qui nous sauve de toute terreur?Vous la craignez néanmoins: c’est que vous savez bien qu’elle est un mal. D’où le sauriez-vous? et comment auriez-vous appris à la craindre, si vous n’aviez au dedans de vous le pressentiment de quelque cliose qui en fait un mal, et qui en inspire l’effroi?

A la crainte de la mort, se mêle dans quelques âmes l’espérance de se survivre, après la mort, dans la mémoire des hommes. Sans parler de ces héros si vantés dans les annales de Rome et de la Grèce , ce qui leur faisoit mépriser la mort, on sait que c’étoit le désir de faire parler d’eux quand ils ne seroient plus. Encore aujourd’hui on veut perpétuer son nom: les uns par des compositions lit lé-!־aires, les autres par l’exemple de leurs mœurs, d’autres enfin par ]a pompe de leur sépulture. Ici encore je demanderai d’où vient à l ame cette pré-lention de vouloir être quelque chose après la mort? pourquoi tant de frais, et quels fruits espère-t-elle en recueillir? Que seroit pour elle l’avenir, si elle ne savoitpasqu’ily a réellement un avenir? (Cap.v.)

Mais peut-être avez-vous mieux l’assurance de quelque sentiment après la mort, que nous ne !’avons, nous, de cette résurrection qui provoque contre nous de si violentes censures. Pourtant nous ne sommes pas les seuls à la prédire. Que Ton vous demande des nouvelles de quelqu’un mort depuis long-temps, comme s’il étoit encore habitant de ce monde, vous n’hésitez pas à répondre: Il est en voyage, et doit revenir. Ne sont-ce pas là autant de témoignages qui sortent du fond de votre âme ? Témoignagesd’autantplus vrais qu’ils sont plus sim-pies, d’autant plus simples qu'ils sont plus populaires, d’autant plus populaires et communs qu’ils sont plus naturels, et par conséquent divins (1). Je ne crois pas que l’on m’accuse ici d’espritétroitetram-pant, pour peu que l’on reconnoisse la majesté de la nature, d’où le témoignage de l’âme emprunte son autorité.Tout ce que vous accorderezà l'une rejaillit sur l’autre; la nature donne la leçon, l’àme la répète. Ce que la première enseigne, ce que la seconde apprend, remonte à Dieu, principe de toute science. Tout ce que l’âme peut se flatter de connoîlre île la divine essence, sans qui elle n’eut rien appris de ce qu'elle sait, pour le découvrir, qu'elle se replie sur elle-même. Sortie des mains de Dieu, elle n’a pu méconnoître tout-à-fait son auteur ; toujours elle se ressent de sa divine origine, par les faculte's divines qui celaient en elle (1). L’âme existoit sans doute avant qu’il y eût des livres; le sentiment, avant qu’il y eut des écrivains; l’homme, enfin, existoit quand il n’y avoit encore ni philosophes ni poëtes. Est-il croyable que les hommes soient res-te's tant de siècles avant la de'couverte des lettres de l’alphabet, sans manifester par l’expression du langage les sentimens intérieurs qui e'toient en eux? Personne jusque-là ne songeoit à parler de Dieu et de sa bonté ; (Pag. 85.) ni de mort, ni d’une autre vie. Mais comment ces termes eux-mêmes se se-roient-ils introduits dans le langage et dans les livres, si les idées qu’ils expriment n’eussent été déjà répandues parmi les hommes? Que ce soit Dieu qui les ait imprimées dans l’âme, ou qu’il les ait apprises au monde par la révélation de ses Écritures , n’importe : ni Dieu ni la nature ne savent point mentir. Ces chrétiens , que l’on ne veut ni voir ni entendre, leur religion est dans toutes les bouches et dans tous les cœurs. Ce n’est pas seulement à Rome ni à Athènes que la con-science parle ce langage: l’homme est partout le même; l’expression diffère, le sentiment jamais (1). Partout on croit à un Dieu et à sa bonté; partout on connoît le démon et on le maudit; partout on en appelle au jugement de Dieu; partout on meurt; partout la mort, elle-même sert de témoignage que Ton ne meurtpas tout entier.L’on proclame à haute voix ce qu’il ne nous est pas permis à nous de mur-murer dans l’ombre. Avons-nous tort de dire que le seul témoignage de l’âtne condamne une aussi injuste prévention? La première à déposer contre elle-même, elle est et sonaccusatrice et son juge (2). Qu’aura-t-elle à répondre au tribunal de Dieu , alors qu’il lui sera dit (3) : Le Dieu que tu publiois était pour toi le Dieu inconnu; ces démons que tu détestais, tu leur réservais ton culte et tes adorations ? (Page 85.) Tu en appelais au jugement de Dieu, et tu ne croyois pas qu’il dut venir un jour juger les hommes ; tu pressentois une éternité de supplices , et tu ne songeais pas à l’éviter ; lu rendais un secret témoignage au nom chrétien, et tu persécutais ceux qui en faisaient profession (1) . (Chap. VI.)

(1) Bossuet a dit : « Je ne sais quelle inspiration, dont nous ne connois-sons pas l’origine, nous apprend à réclamer Dieu dans toutes les nécessites de la vie. Dans toutes nos affections, dans tous nos besoins, un secret instinct élève nos yeux au ciel, comme si nous sentions en nous-mêmes que c’est là que réside l’arbitre des choses humaines. Et ce sentiment se remarque dans tous les peuples du monde dans lesquels il est resté quelques traces d’humanité, à cause qu’il n’est pas tant étudié qu’il est naturel, et qu’il naît en nos âmes, non tant par doctrine que par instinct. C’est le christianisme de la nature, ou, comme l’appelle Tertullien, le témoignage de l’àme naturellement chrétienne. »Semi. tom 111, pag. 5, 6.

(1) L’ancien évêque de Sénez développe élégamment cette pensée dans son serm. sur l’immortalité de l’âme, tom. r, pag. 172 et suiv. Bossuet, avec une magnificence d’images et d’expression qui l’élève au-dessus de tonte comparaison , dans son sertn. pour mademoiselle de La Pallière, pag. 564 et 50־ du tom. vin de l’édit. in4°־, Paris, 1 y44י et dans toute la seconde partie de son serm. sur la mort et l'intmor-lahté, Serm. loin. v.

(1) Ces belles expressions se retrouvent dans tons les discours sur la loi et la morale évangéliques. Voy. Massill. Carême , tom. iv, pag. 5, 6, 18. Cambacérès, tom. 11, pag. 50, 111, 12, etc.

(2) «Toute âme pécheresse, dit Tertullien, est tout ensemble et » le criminel et le témoin : Merito omnis anima et rea et testis est. » Bossuet, Serm. tom. 1, pag. 288.

(3) « L’homme paraîtra, dit Tertullien, devant le trône de Dieu, »n’ayant lieu à dire. »Boss. ibid. pag. 290. Massillon [serm. suri'éviiK de la loi) paraphrase éloquemment les mêmes paroles. Carême, tom. 1v, pag. 20.

(1) Ces éloquentes paroles ont clé cent fois citées et ne vieilliront jamais. Voy. Bourdal. Avcnl, pag. 48. Une des plus remarquables imi-tâtions est celle qu’en a laite le P. Beauregard, dans un serin, sur le !>éché, pag. 11\ Analyse, Paris, 1820.

 

V. TRAITE DE L’IDOLATRIE.

Le début est plein de noblesse et de vérité.

« La source féconde, unique, des crimes qui se (Page !oj.) sont répandus sur le genre humain , ce qui fera la matière principale de son accusation au jour du dernier jugement, c’est l’idolâtrie. Car, bien que chacune de nos fautes ait son caractère, comme sa désignation spéciale, en conséquence de quoi nous serons jugés, il n’en est pas moins vrai qu’elles viennent toutes se réduire au crime de l’idolâtrie.

Oubliez les noms , voyez les œuvres : idolâtre, homicide, mots synonymes. Où est, m’allez-vous dire, le rapport entre l’un et l’autre ? L’homicide est le meurtre d’un autre, d’un ennemi ; l’idolâtrie, le meurtre de soi-même. Comment ? par un aveuglement fatal qui détourne le coup sur vous-même. Par quel glaive? par le malheur d’offenser Dieu; par autant d’insultes faites à sa majesté qu’il y a d’espèces différentes d’idolâtries. L’idolâtrie donne la mort à l’ànic ; donc l’idolâtrie est un homicide. J’en dis autant du crime de l’adultère, de l’impudicité. Se faire des dieux pour les adorer et les servir, c’est abjurer le seul Dieu véritable ; de même pour l’impudicité. Le prophète Ezéchiel, reprochant à Samarie et à Jérusalem leurs fornications, ne craint pas de dire qu’elles se sont souillées du crime d’idolâtrie, en dérobant au Seigneur les hommages qui lui sont dus, pour les transportera d’autres, ajoutant l’outrage au larcin. (Chap. I.) (Ezecb. xxv.)

(Page 105.) On attache communément ce mot à Faction de brûler de l’encens, d’immoler des victimes, de faire des sacrifices en l’honneur de quelqu’une des fausses divinités que le paganisme adore: ce seroit faire consister l’adultère,par exemple, dans le crime oui le consomme, l’homicide dans l’effusion du sang et dans la mort de sa victime : tandis que notre souverain législateur lui donne une bien plus grande extension, (Maith, v.18, 12.) qualifiant d’adultère le sim-pie regard arrêté criminellement, d’homicide, toute parole injurieuse au prochain , toute provocation à la vengeance. Et son évangéliste après lui: Tout homme qui hait son frère est un homi-eide. (11 .loan. in.15.) Ce seroit réduire a bien peu de chose, et la profonde science du démon dans les attaques qu’il nous livre, et les moyens de salut que la bonté divine nous aménagés pour y résister, que de prétendre n’avoir à rendre de compte que des crimes condamnés parles païens eux-mêmes. Eh ! comment notre justice seroit-elle plus abondante que celle des (Matth. v.) scribes et des pharisiens , ainsi que le veut notre Seigneur, si nous ne reconnaissions jusqu’où s’étend la malignité de son contraire? J’appellerai donc idolâtrie tout culte étranger, n’importe de quelle matière il se compose, porté à d’autre qu’à celui qui seul doit être servi (1). Insensés! tout est devenu dieu pour nous , excepté le Dieu qui a tout (Page !06.) fait (2).

(1) Voy. Bourd. Dominic, tom. 11, pag. 128. Brettev. Essais de serm. tom. 1, pag. 555. Saurin, Serm. tom. ni, pag. 318. Molinier , Serm. tom. 1, pag. gg. tom. 11, pag. 12|.

(2) Omnia colit humanus error, prœter ipsum omnium conditorcm. Bossuet :Tout étoit dieu, excepté Dieu même. Disc, sur Γ hist. unir.

Tertullien condamne, avec le crime de l’idolâtrie, tous ceux qui s’cn rendent complices par des professions qui la servent.

Il n’est pas plus permis de fabriquer une idole que de !’honorer. Je commence par cette objection banale : C’est mon état, je n’en ai point d’autre pour vivre. — « Eh quoi donc , mon ami , est-il nécessairc que lu vives ? Qu’as-lu affaire de Dieu, si tu ne te règles que sur tes propres lois (3). »

(3) Traduit par Bossuet , Serm. v, pag. 513.

Mais nous lisons dans les cpîtres de saint Paul, Que chacun se tienne dans la condition où il s'est rencontré (1).(cor. vu.) A ce compte, nous pouvons donc rester impunément dans le péché ; et Jésus-Christ n’a-voit que faire de venir dans le monde pour nous délivrer de la servitude du péché.

(1) Alors o!1 lisait : Ut quisque׳J'uerit inventus , ila et perseverct.

(1 Cor. !v.) L’apôtre , nous dit-on encore , veut qu’à son exemple tout le monde travaille de ses mains pour vivre. Si toute espèce de travail des mains est corn-mandé par ce précepte ,voilà donc les voleurs , les bateleurs et les assassins justifiés ; car ils y emploient leurs mains et tout leur corps, et ce sont ces infâmes métiers qui les font vivre. Ouvrez donc !’Eglise indifféremment à tous ceux qui travaillent de leurs mains, sans distinction des genres divers d’industrie que réprouve la loi de Dieu. (Chap. V.)

(Page 107.) Quand il n’y auroit point de loi positive qui les défende, le seul titre de chrétien suffiroit pour les réprouver. S’il est ־vrai que sur les fonts sacrés du baptême vous ayez renoncé à Satan et à ses anges, comment pourriez-vous vous permettre de semblables professions? Ce que votre bouche abjura, votre main peut-elle le reconnoitre ? (Chap. VI.)

La pensée suivante peut s’appliquer à tous ceux qui emploient leur plume ou leur talent au service des profanes divinités.

Y croyez-vous, dites-moi? Non. Vous avez donc un motif pour n’y pas croire: en avez-vous davantage pour les honorer? Moins encore: l’un et l’autre serait e'galemenl attentatoire à la majesté de Dieu. Bien plus coupable encore, vous leur procurez des adorateurs ; vous leur sacrifiez, non de vils animaux , mais votre âme ; vous leur immolez votre génie , vos laborieuses veilles ; vous êtes pour elles plus que leur pontife , puisque vous multi״ pliez leurs sacrificateurs.

Des fabricateurs d’idoles Idmis parmi nos fidèles! Juste ciel! Les Juifs n’ont trempé qu’une fois leurs sacrilèges mains dans le sang du Sauveur: eux, pas un jour où ils n’outragent sa chair sacrée (1)! (Chap. Vil.) Employer vos mains à de pareils usages!

(1) Pensée bien souvent appliquée au crime de la communion indigne. Voy. entre autres Massillon, Car. tom. iv, pag. 267 et suiv.

Ne sauriez-vous donc les employer mieux? et (Page !08.) n’avez vous pas à choisir parmi tant de professions diverses ?etc. (Chap, vin.)

L’Evangile proscrit également et le mal que l’on (Page no.) fait, et le mal que l’on fait faire. Qu’importe que le crime soit commis par un autre , quand c’est moi qui lui ai donné occasion ? Il ne m’est pas permis à moi de faire telle action ; par cela seul qu’elle m’est défendue, j’en dois conclure qu’il m’est également ordonné d’empêcher qu’elle ne se fasse. (Chap. XI.) Nul art, nulle profession, nul commerce favorable au service des idoles, qui ne se trouve enveloppé dans la condamnation de l’idolâtrie.

Revenant à l’objection : « Je n’ai pas d’autre moyen pour vivre», Tertullien en presse la réfutation par ces généreux sentimeus:

Eh bien, vous serez pauvre, vous serez donc de ceux-là que Jésus-Christ appelle bienheureux.(Maith, v.5.) Vous n’aurez pas de quoi manger? Dieu y pourvoira,(Ibid. vi. 25.) Ne vous inquiétez pas , nous dit-il, de votre subsistance ; de quoi vous couvrir? pensez aux lis des campagnes. (Ibid. 28.) — Je ne suis qu’un ouvrier aux ordres de qui le paie. (Ibid. 24·) — Personne ne peut servir deux maîtres à la fois : on n’est le disciple de Jésus-Christ qu’à la condition de porter sa croix; vous n’avez pas à la chercher bien loin, votre corps vous en présente l’instrument.—Je me dois à mes enfans, à ma famille.—Dieu avant tout: les apôtres n’ont-ds pas tout quitté pour suivre le Seigneur ? En voyez-vous un seul qui ait répondu à l’appel de Jésus-Christ: Je n’ai pas de quoi manger? La foi ne craint pas de mourir de faim; la faim n’est qu’une mort comme une autre ; et toute espèce de mort doit être bravée pour Jésus-Christ. Il condamne tout attachement à la vie , à plus forte raison toute sollicitude pour le lendemain (1). Mais où voit-on une aussi haute perfection? — Ce qui est difficile à l’homme, devient facile à celui que Dieu soutient. (Chap. XII.)

(1) Bossuet , citant Tertullien : ״ Pourvu qu’il meure en notre Sei-»gneur, toute manière de mourir lui est glorieuse : l’épée ou la famine , »tout lui est égal ; et ce dernier genre de mort ne doit pas être plus ״ terrible que tous les antres. » Serm. tom. v, pag. 502.

De là Tertullien passe à la question : Si l’on peut assister à des fêtes profanes.

Déchirez donc, répond-il vivement, les pages où il est écrit : Le monde se réjouira; vous, vous (jOan. xv!.) serez dans les pleurs. Si nous en partageons les joies, il est bien à craindre aussi que nous ne partagions un jour ses gémissemens. Gémissons tant qu’il est dans la joie , pour nous réjouira notre tour quand il sera dans les larmes. Lazare, au sortir de la vie, est reçu en triomphe au sein d’Abraham ; le mauvais (Luc. H!,) riche est plongé dans un étang de feu. Voilà l’alternative qui compense les maux et les biens de cette vie ; il faut choisir. (Chap, xili.) On m'opposera les paroles de l’apôtre, Je m’étudie à plaire à (!00!·. x.) tous en toutes choses. Qu’est-ce à dire: que, pour plaire aux hommes de son temps, saint Paul célé-broit avec eux les saturnales et les calendes de jan-vicr? ou plutôt qu’il cherchait à plaire par sa réserve et sa patience , par la gravité de ses mœurs et par une affectueuse charité, par le fidèle acconi-plissement de tous les devoirs? Et quand vous l’entendez dire , Je me suis fait tout à tous, pour les gagner (, Λ L) tous à Jésus-Christ, est-ce à dire qu’il se fai-soit idolâtre avec les adorateurs des idoles, mondain avec ceux qui !’étoient? (Chap.XiV.)

Notre loi nous de'fend tout commerce avec les païens, avec les adultères; il nous est permis de vivre avec eux, non de mourir avec eux. Habitons avec eux; partageons ensemble les plaisirs de la nature, rien de ceux de la superstition. Ce qui nous est commun, c’est !,humanité', non la loi; le monde, et non !,erreur... Oh ! combien le paganisme est plus conséquent! Il s’isole de toutes nos fêtes ; on ne voit aucun de ses partisans s’unir à nous dans la célébration de nos solennités du dimanche, delà pcntecôte , même en supposant qu’ils les connois-sent: ils auraient peur de passer pour chrétiens; et nous I nous ne craignons pas que l’on nous confonde avec les païens. De deux choses l’une : ou l’on ne saura pas que vous êtes chrétiens, el votre conscience aura à répondre de cette ignorance; ou bien on le saura, et dans ce cas, outre la tentation à quoi vous vous exposez, vous corn-promettez la conscience d’un aulre, qui ne vous reconnaîtra plus pour l’être. Votre dissimulation est un piège , un engagement. De quelque côté que vous vous tourniez, vous vous êtes rendu coupable du crime de paraître rougir de Dieu devant les hommes.

Tertullien ne veut pas que les chrétiens de son temps acceptent des dignités et des magistratures civiles , parce que la plupart des ornemens dont elles étaient accompagnées avoient leur institution dans l’idolâtrie. C’est la conséquence de la doctrine qu’il avoit manifestée ailleurs, et qu’Origène partageait avec lui (1). Il l’appuie de l’exemple du Sauveur, qui n’a pas voulu de toute celle pompe extérieure.

(1) Contre Celse, liv. vin, n° 74· (Voy. plus liant, pag. ôjû.) L’un et l’autre redoutaient tout engagement, même indirect avec les cérémonies du paganisme, que l’homme public autorisait au moins par sa présence.

« Il a jugé que ces biens, ces contentemens, cette gloire, éloient indignes de lui et des siens (2). Si c’étoient là des dignités, une puissance réelle , à qui appartenoient-elles à plus de droits qu’au Fils de Dieu? Qui les auroit plus facilement obtenues, ou avec plus de magnificence? Quel nombreux et honorable cortège auroit devancé ses pas! quelle brillante pourpre n’eut pas orné ses royales épaules! quel riche diadème auroit éclaté sur son front! quelles délices lui préparait toute la nature, qui obéit si ponctuellement à ses ordres ! Mais non. « Il a cru que cette grandeur étant fausse et imaginaire, elle ferait tort à sa véritable excellence; et ainsi, en ne la voulantpas, il l’a rejetée. Ce n’est pas assez: en la rejetant, il l’a condamnée. Il va bien plus loin: en la condamnant, le dirai-je? otn, ne craignons pas de le dire, il l’a mise parmi les pompes du diable , auxquelles nous avons renoncé par le saint baptême (3). »

(2) Bossuet, Serm. loin. 11, pag. 409·

(3) Bourdal. sur le caractère du chrét. Dominic. ton!, iv, pag. 65. Massillon , Petit nombre des élus \ Car. tom. 11, pag. 505 et suiv.

Vous en serez privés dans cette vie? Consolez-vous: d’autres honneurs vous attendent, non sur la terre, mais dans le ciel. (Chap, xvin.)

Tertullien se prononce avec la même énergie contre l’usage des armes ; toujours sur le même principe , que les drapeaux de Jésus-Christ et ceux de l’idolâtrie ne peuvent marcher de front et se rencontrer dans les mêmes mains. (Chap, xix.) C’étoit aussi l’opinion d’Origène. (Page 117)

Il ne permet aucun serment, et ne fait grâce à aucune de ces locutions voisines des juremens, que l’usage a introduites dans le discours familier, et où se trouvent mêlés les noms des divinités païennes; bien moins encore à celles qui compromettent la majesté du nom du seul vrai Dieu. ( Chap, xxi, xxn.)

Il condamne également tout mensonge; toute dissimulation (Page 118) lui semble équivalente au mensonge lui-même. On juge bien qu’il ne fait pas plus de grâce à ce qu’on appelle restrictions mentales.

« J’ai écrit, dit-on , mais je n’ai proféré aucunes paroles. »C’est la langue, non la lettre qui tue. (A quoi il oppose le double témoignage de la nature et de la conscience.) La nature, parce que la main ne peut rien écrire, à défaut même du concours de la langue, qui ne provienne de l’inlclli-gence, qui en a conçu la pensée ou l’a reçue d’une impression étrangère. La conscience : qu’elle me réponde quelle autre que l’âme a entendu ce qui étoit dicté, pour le transmettre à la main , quel qu’ait pu être ici le ministère de la langue ? Vous croyiez donc avoir des précautions à garder: votre (Pa&pl,9) cœur vous le disoit. Vous ne pouvez donc pré-tcxter ni ignorance, ni défaut de volonté; vous le saviez, puisque vous preniez vos précautions; et pourtant, vous n’avez pas moins consenti. L’intention équivaut au fait ; et il vous devient impossible d’échapper à une faute par une plus grande.

« En ne jurant pas, je n’ai point nié! I Vous n’auriez fait ni l’un ni l’autre , que vous n’encourriez pas moins le reproche de vous être parjuré, si votre cœur étoit d’intelligence. N’est-ce point parler que d’écrire ? et ne peut-on proférer des sons sans remuer les lèvres? Zacharie,privé pour un temps de l’organe de la voix, ne s’en entretient pas moins avec lui-même; et, triomphant de l’embarras de sa langue, il supplée par le langage des mains, pour (Luc.!. 65.) énoncer la pensée de son cœur; il n’a pas besoin de voix pour faire entendre le nom qu’il donne à son fds. Il parle en écrivant; sa plume devient plus éloquente que sa bouche ; et les caractères que sa main a tracés ont plus d’éclat que les mots qu’il eut articidés. (Chap. XXI1I· ) Prions le Seigneur de ne pas permettre que nous soyons réduits jamais à semblable nécessité; de peur qu’au jour du jugement ces lettres mensongères ne produisent contre nous des témoignages aussi accusateurs que nos paroles. (Chap, xxiv ) (1).

(1) Cette morale n’a rien d’outré, ce n’est là que la substance de ]’Évangile , la doctrine prêchée de tout temps par nos docteurs chrétiens, et si éloquemment développée par Bossuet, Bourdalou ï , Alas-sillon, Joly, etc. On peut consulter Bourdaloue , Car. tom. 11, pag. 178; au sujet des fautes légères : La Colombière, Serm. tom. m, pag. 164 et suiv. : Massillon , sur l'immutabilité de la loi; Joly, Serm. tom. 111, pag. 505 et suiv., où il cite Tertullien; Montargon , Diet, apostol. tom. 111, pag. 522.

«Parmi tant d’écueils cl tant d’orages, la foi sera ferme, si elle est craintive, et naviguera sûrement, si elle marche toujours tremblante et étonnée de ses périls (1). »

(1) Trad, par Bossuet, Serm. tom. m, pag. 172.

 

VI. LIVRE DE LA COURONNE.

Ce qui donna occasion à cet écrit de Tertullien , ce fut un trait de courage d’un soldat chrétien. S’étant présenté devant le tribun pour recevoir la gratification militaire qui se distribuoit aux fêtes des empereurs, on remarqua qu’il tenoit à la main la couronne que les au-très portoient sur la tête. Interrogé pour quoi cette singularité,' il répondit qu’il étoit chrétien. On l’en punit , en le jetant en prison. Tertullien établit sa défense sur le principe, sans doute exagéré, qu’il est absolument défendu aux chrétiens de porter des couronnes. Ce qui nous intéresse dans ce livre, ce n’est point l’érudition qui s’y fait remarquer, mais la foule de solides instruc-lions, et de pensées vives et profondes qui s’y rencontrent. Nous en transcrivons quelques-unes des plus remarquables dans l’idiome même où elles se trouvent exprimées avec une énergie que le nôtre n’imite que bien faiblement. Tertullien défère la question à ceux, non qui avoient déjà pris parti, niais qui cherchoient à s'éclairer (1).

(1) El ideo non ad eos erit iste tractatus, quibus non compelit quœs-lio, sed ad itlos qui discendi studio non qucestionem deferunt, sed con-sultationem. (Cap. 11.)

On ne peut point arguer de !,Écriture qu’elle (Page H!,) condamne tel usage; arguera-t-on de son silence qu’elle le permette? Dans l’incertitude, il vaut mieux s’abstenir, que de risquer d’être en faute.

Et quand !’Écriture ne dit rien, quel autre tribunal faut-il interroger? (Tertullien n’hésite pas de répondre que ce tribunal c’est la tradition. ) Car, comment l’usage auroit-il lieu , s’il ne provenait de cette source: Quomodo enim usurpari quid potest, si traditum prias non est? Combien en effet n’avons-nous pas d’institutions en faveur desquelles nous ne pourrions alle'guer aucun texte précis de !’Ecriture, mais que nous justifions par la tradition et par la coutume!

Il donne pour exemple les cérémonies usitées dans l’administration du baptême, les oblations pour les morts, les anniversaires des martyrs, l’usage fréquent du signe de la croix (2). (Chap, ni.)

(2) Ter mergitamur... Eucharistiœ s acramentum , eliani antelucanis cœtibus , nec de aliorum manu quant prcesidentium sumimus. Oblatio-nés pro defunctis, pro natalitiis annua die Jacimus... Ad omnem progressant atque promotuni , ad omnem adituni et exilum, ad catcia-tum, ad lavacra, ad mensas, ad luntina, ad cubilia, ad sedilia qua cumque nos conversatio exercel, Jroiitem crucis signacido terinius. ׳Cap. 111.)

(]aye 122.) Demandez-moi les témoignages de !’Ecriture en faveur de chacune de ces institutions, je resterai sans réponse. Tout ce que j’aurai à dire, c’est que la tradition les a consacrées, la coutume les a autorisées, et que la foi en garantit l’observation (1). Dans l’ordre civil, c’est la coutume qui fait loi, quand la loi ne parle pas; et l’autorité est égale entre le fait et le code , quand la chose est raisonnable. Dans ce cas, la source est indifférente. Ici, c’est la raison souveraine qui agit : qu’importe qu’elle ait prononcé ou qu’elle ait laissé faire ? ( Chap. IV. )

(1) Harum et aliaruvi ejus modi disciplinarum , si legem expostules Scripturarum, nullam inverties. Traditio libi prœlendetur auctrix , con- suetudo conjirmatrix , eljides observatrix. (Cap. iv.) Argument invincible, à la portée de tous, qui fait le boulevard de notre foi catholique ; c'est le même qui, sous la plume de notre apologiste , a produit son bel ouvrage des Prescriptions le même qui est développé avec tant de méthode et de force, par Vincent de Lérins, dans son Commonitoriuuij par saint Basile, dans le xxxne chap. du Traité du Saint-Esprit , adressé à Amphiloque ; par S. Augustin, dans toutes ses controverses ; et par tous nos savant théologiens répondant à l'Eglise prétendue ré formée,-

Dans !’application particulière de ces principes à la question :

«Peut-être m’opposerez-vous, dit Tertullien, que Jésus-Christ a été couronné?(Page 125.Joan. xix. 2, 5.) »Je ne balancerai pas à vous répondre :A !abonne heure, soyez-le à pareil prix. ( Chap. ix. )

Pour tout le reste (poursuit notre éloquent écri- Page !26. vain), la majesté de Dieu ne veut rien de commun avec les démons : Quid tain indignum Deo, quam quod dignum i do 10 ? Laissez à de froides idoles, laissez aux morts insensibles, une vaine parure qui n’est pas faite pour les membres du Dieu vivant (1).

(1) Belle imitation dans Massillon, Petit nombre des élus, Car tom. n, pag. 512.

Le peuple se montre avec des couronnes sur la tête dans les réjouissances publiques. « La licence épie d’ordinaire le temps des réjouissances publiques, et n’en trouve point qui lui soit plus propre (2). »

(2) Est omnis publicœ latitiœ luxuriu captatrix. Bossuet, Serm. tom. vin, pag. 277.

Non pas qu’une couronne soit quelque chose de mauvais en soi ; c’est l’abus qui la dénature, par son affinité avec les cérémonies du paganisme. Entendez-vous 1’Apôtre vous crier: Fuyez l’idolâtrie! (!Cor. v״!.) Donc toute espèce d’idolâtrie, et l’idolâtrie tout entière : Omnem utique. et totam. C’est une forêt épaisse, où sont cachées des épines sans nombre.

Ne donnez rien aux id oies | n’en acceptez rien non plus '.Nihil dandum idolo, sic nec sumendum ab idolo.

La foi permet-elle de se reposer sur une idole? Non: et vous vous permettez d’avoir 1’air d’une idole ? Quel rapprochement entre Jésus-Christ et Belial (J ״Cor. v!.)

Pour obéir à l’ordre qui nous est donné de nous éloigner de toute idolâtrie, le plus sûr est de n’en pas même approcher. Le serpent ennemi atteint de loin. L’évangéliste saint Jean va plus loin encore que 1’apotre saint Paul: Mes petits enfans 3 gardez-vous 3 (Joan. v. 21.) nous dit-il, des idoles, non pas seulement de tout culte idolâtrique, mais de tout ce qui en présente l’image.(Page 128.) Créé à l’image du Dieu vivant, il ne vous sied pas de retracer en vous une image de simulacre et de mort. ( Chap. X. ) Jamais le. chrétien n’est dit-férent de lui-même ; il n’y a qu’un Evangile ; il n’y a qu’un Jésus-Christ, (Luc. ix.26.) qui méconnaîtra devant son Père quiconque l’aura méconnu devant les hommes, comme il reconnaîtra quiconque l’aura reconnu. Il ne met point de différence entre qui le sert d’une manière infidèle, et le païen qui le repousse. L’empire de la foi n’admet point de nécessités. « Sa gloire particulière est qu’il n’y a pas une loi de péché qu’elle ne réprouve et ne condamne, frappant d’anathème l’injustice, en quelque sujet qu’elle paroisse , ne respectant en cela ni rang , ni qualité, n’ayant égard ni à coutume, ni à profession, ne s’accommodant ni à faiblesse, ni à intérêt, ne cédant pas même à la plus pressante de toutes les néccs-sités, qui seroit celle de mourir: Non adniittii status fidei necessitates;... ne moriendi quidem necessi-tali disciplina nostra, connivel (1). » (Chap.xi. )

(1) Traduit par Bourdal. Domin. loi1 .״, pag. 229. Beau développement de cette maxime dans Molinier , Serm. chois, tom. 1, pag. 125 et suiv.

Il vous est impossible de servir à la fois Dieu et le (Matth. vi.) monde. Le maître à qui vous appartenez, c’est Jésus-Christ. Vous êtes consigné sur les registres de vie. (Page 12g.) Votre pourpre à vous, c’est le sang dont il vous a marqué. Etranger dans ce monde, vous êtes citoyen de la Jérusalem céleste. Conservez à Dieu, sans (page HH) tache, l’âme qu’il vous a donnée ; il saura bien la couronner comme il lui plaît : il le veut, il vous y invite : Celui qui aura vaincuכ je lui donnerai la couronne de vie. (Jac. t2· ) Pourquoi condamner votre tête à des couronnes fragiles, quand vous aspirez à un diadème immortel (1)? ( Chap. xm. ) Apprenons quels sont les artifices du démon. « Il n’y a point démarque de divinité qu’il n’affecte; on lui rend dans le monde les mêmes honneurs que l’on rend à Dieu ; on lui fait des sacrifices comme à Dieu; il a ses martyrs aussi bien que Dieu ; ses lois sont reçues et observées plus exactement que celles de Dieu ; et il s’est mis en possession de tout cela pour nous confondre un jour devant Dieu, quand il nous opposera la conduite de ces malheureux qui, aveugles des erreurs du monde, s’assujettissent à lui, et lui obe'issent comme au dieu du siècle(1). »

(1) Un volume entier ne suffiroit pas pour rapporter en détail les imitations qui ont été faites de ces belles maximes. Bossuet , Larue , Boiirdaloue, Joli, Fromentières , sont entre autres ceux qni en ont fait le plus fréquent usage. C’est là au reste tout l’esprit de cette perfection chrétienne qui nous est tant recommandée , non pas seulement comme conseil, mais comme précepte.

(1) Bourdal. sur le jugement dernier. Avent, pag. 4 J et 44 ; et il rapporte le texte de Tertullien , après l’avoir traduit en grand maître.

 

VII. CONTRE LES JUIFS.

Tertullien prouve, premièrement, que la loi de Moïse et ses cérémonies n’avoient été données que pour un temps, et qu’elles dévoient finir à la venue de Jésus-Christ; en second lieu, que le Messie, attendu par les Juifs et prédit par les prophètes , est venu , et que c’est Jésus-Christ: ce qu’il montre évidemment parles prophètes qui avoient annoncé le temps de sa venue et les circonstances de sa vie et de sa mort. Il remarque que ce qui l’a fait méconnaître par les Juifs, c’est qu’ils ont confondu son dernier avènement, dans lequel il paraîtra puissant et glorieux, avec le premier, dans lequel il a voulu s’humilier et s’abaisser à la condition des autres hommes (2). On compte ce traité parmi les plus beaux ouvrages de ce Père. C’est en effet un chef-d’œuvre de logique et d’éloquence, où la lumière brille de tout son éclat. L’argumentation vive, accablante, s’y trouve soutenue par l’énergie, souvent par la magnificence de l’élocution.

(2) Dupin , Bibl. ecclés. art. Terlull. tom. 1, pag. 251.

(Pages 205 et suiv.) Tertullien établit doctement que la promesse faite à Abraham s’éloit réalisée dans le nouveau peuple sorti de sa race; que la première alliance, purement temporaire et conditionnelle, devoit être abrogée par une alliance nouvelle, bien supérieure à l’ancienne ; que la vocation des gentils, prédite par tous les oracles, s’étoit vérifiée par !’institution et par la merveilleuse propagation du peuple chrétien répandu jusqu’aux extrémités de l’uni־ vers; que le sacrifice lévitique préludoit au véritable sacrifice, seul propitiatoire, promis et attendu partons les peuples.(Page 215.) I) discute avec autant de sagacité que d’érudition la prophétie des soixante et dix semaines de Daniel, celle de David sur le miraculeux enfantement de la Vierge. II voit, dans les patriarches et dans les figures de !’Ancien-Testament, les copies vivantes de Jésus-Christ, et des principaux événemens de sa vie moi-telle; dans le psaume xxi, l'histoire de la passion du Sauveur ; et dans le psaume xliv, celle de ses triomphes sur ses ennemis. A l’occasion de la prophétie qui désignoit Bethléem comme le futur berceau du Messie :

(Page 23[.) S’il faut attendre encore ce chef, sorti de la tribu de Juda, qui devoit,selon tous les oracles, naître à Bethléem, où est aujourd’hui cette royale famille de Juda qui doit régner sur Israël, où est cette cité de Bethléem, marquée pour être le lieu de sa naissance, puisqu’il n’est plus de Bethléem, puisque son peuple n’a pas même aujourd’hui la permission de s’arrêter dans le voisinage de cette ville, détruite conformément à la parole des prophètes, Votre terre sera déserte; (Isa., v. 6. Jérém. iv. ־־.,) que la contrée tout entière, depuis le désastre de Jérusalem, n’est plus qu’un amas de ruines; et que les Juifs , repoussés de leur terre natale avec une rigueur qu’ils n’ont que trop méritée, ne peuvent la contempler que de loin? Comment, encore une fois, le Messie naîtra-t-il de Bethléem, puisqu’il n’y a plus de Bethléem? Corn-ment recevra-t-il l’onction qui lui imprime le sceau de Christ, puisqu’il n’y a plus de temple où soit déposée Fonction sacrée qui fait les rois? (Chap. XIII.)

Mais l’endroit le plus remarquable de tout ce livre est celui où l'éloquent apologiste s’arrête sur le tableau de la propagation évangélique. On le croiroit échappé à Bossuet dans ses plus belles inspirations ·

(Page 212.) Voici., dit le Seigneur par son prophète (Isaïe 3 La. xlv. 2.) voici que j'ai pris parla main le Seigneur monChrist_, pour lui assujettir les nations. A son approchera-battrai les remparts des nations; j’ouvrirai devant lui les portes des villes, et aucune ne lui restera fer-mée. Quel est-il celui-là que le Seigneur Dieu son Père a pris par la main, si ce n’est son Fils Jésus-Christ, à qui toutes les nations ont été soumises, c’est-à-dire à la parole de qui toutes ont cru ; celui-là dont les apôtres ont été prédits par David dans (1׳a win.) ses divins cantiques, quand il disoit.· Le bruit de ■י· leur voix s'est fait entendre par toute la terre ״ il est parvenu jusqu’aux extrémités du monde? Je vous de-mande: tous ces peuples du inonde, dans quel autre ont-ils cru, si ce n’est dans Jésus comme déjà (Act. h. 9 et suiv) venu ? Parthes, Mèdes, et les Perses enfans d’Elarn, ceux qui occupent la Mésopotamie, l’Arménie, la Phrygie!, la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Pamphylie , et ceux de l’Egypte, et ceux de la contre'e d’Afrique qui est située par delà Cyrène, et nos Romains, et ceux de votre nation qui habitaient alors Jérusalem; poussons plus loin encore, les peuplades diverses confondues sous le nom de Gétules et. de Maures ; les nations lointaines qui peuplent les Espagnes, les Gaules, et le pays des Bretons, inaccessible aux aigles romaines , aujourd’hui soumis au joug de Jésus-Christ; Sarmates, Daces , Germains , Scythes, tant d’autres peuples encore ignorés, tant déréglons et d’îles où nous n'avons pénétré jamais, et de qui les noms mêmes échappent à notre connaissance: tous, ils connaissent le nom de Jésus-Christ ; tous, ils ont reçu sa domination, et lui rendent hommage comme au monarque venu pour leur donner des lois, comme à celui à la présence de qui toutes les villes ont ouvert (Isa. xlv. a.) leurs portes, sans que pas une se soit tenue fermée ; à son aspect, les gonds de fer et les verrous d’airain se sont abattus et réduits en poudre : expressions du Prophète qui doivent s’entendre au figuré, pour dire que leurs cœurs, enchaînés de mille et mille manié-res par le démon, se sont ouverts à la foi de Jésus-Christ. Or, la prophétie s’est accomplie à la lettre, puisqu’il n’est pas une de ces contrées où il n’y ait un peuple chrétien. Qui donc auroit pu établir son empire au milieu d’elles, sinon le Christ Fils de Dieu , lui à qui les divins oracles avoient pro-mis ]’empire universel ? Salomon a régné, mais sur la Judée seulement; et sa vaste domination, qui s’e'tendoit de Bersabé jusqu’à Dan, n’alloit pas plus loin. Darius commandoit aux Babyloniens et aux Parthes ; il ne comptoit point tous les peuples du monde au nombre de ses sujets. Pharaon, et après lui tous les souverains de ce nom, régna surl’E-gypte, mais sur l’Egypte seule. Nabuchodonosor, aidé de ses lieutenans, poussa ses conquêtes de l’Inde à l’Ethiopie: là aussi expiroit sa puissance. Alexandre de Macédoine, maître un moment de l’Asie entière et des autres contrées, ne laissa point son empire à ses successeurs. Le Ger-main indomptable ne permet pas à l’étranger de franchir ses frontières; le fier Breton est gardé par l’océan, qui l’entoure; le barbare Gétule , et le Maure impatient de se répandre, est contenu à peine par les légions romaines, qui le brident de toutes parts; et ces Romains eux-mêmes, qui n’ont pas de trop de toutes leurs légions pour garder leurs frontières, pour conserver leur empire , le voient s’arrêter au-devant de ces nations inacces-sibles à tous leurs efforts. Pour Jésus-Christ, sa puissance a pénétré avec son nom dans tous les lieux du monde. Partout on croit à lui ; partout on obéit à sa loi; partout on l’invoque, on l’adore; partout on lui paie un tribut égal: point de roi qui trouve auprès de lui plus ou moins de faveur; point de barbares qui s’applaudissent de se soustraire à sa domination; point de privilège de rang ou de naissance pour s’affranchir de son autorité. Le même pour tous, il commande e'galement à tous; seul roi, seul juge, seul Seigneur et maître de l’univers (1).

(1) « Jésus règne partout, dit le grave Tertullien; e’est dans te livre »contre les Juifs , duquel j’ai tiré presque tout ee que je viens de vous »dire de l’étendue du royaume de Dieu , ete. »Bossuet, Serm. tom. 111, pag. 46 et suiv. Voy. Molin. Serm. chois, tom. 11, pag. 187; iv, pag. 5g4; xi״, pag. 209 et suiv. sur la relig. chrét. Larue, même sujet, prouvé parla ruine des Juifs , Car. tom. 111, pag. 27 et suiv.

 

VIII. LIVRES CONTRE MARCION.

Marcion avoit été d’abord un chrétien zélé. Un crime publie, dont il se rendit coupable, le fit excommunier. Marcion , chassé de !’Eglise , s’attacha à Cerdon , apprit de lui le système des deux principes , qu’il allia avec les idées pythagoriciennes, platoniciennes et stoïciennes. Le combattre, e’étoitdonc attaquer les écoles du portique et de l’académie, repousser invinciblement l’accusation de platonisme dont on a voulu charger tous les Pères (2).

(2) Saurin, Serm, tom. vu, pag. 2 15.

Marcion supposait un principe créateur essentiellement mauvais, qui avoit produit la matière et les élé-mens, assujetti lésâmes à la terre, les avoit enchaînées au mal; e’étoit celui qui avoit formé le monde et le corps de l’homme, donné la loi de Moïse. Il prétendait faire voir une opposition absolue entre !’Ancien et le Nouveau-Testament, ce qu’il avoit essayé d’établir dans un livre qu’il avoit intitulé les Contradictions. Pourcon-tre-balancer l’empire du mal, Jésus-Christ s’étoit, disait-il, revêtu des apparences de l’humanité, il n’avoit point souffert, il n’étoit point mort réellement. Donc le mé-rite de la rédemption étoit anéanti. Un critique de nos jours remarque, au sujet de M. Bayle, apologiste indi-rect de Marcion , que la plupart des difficultés répan-dues dans les ouvrages modernes contre la religion ne sont que des répétitions de ces difficultés, qui ont été pleinement résolues par les Pères, et qui sont très-bien expliquées par les commentateurs anciens et modernes, entre autres par Tertullien dans ses livres contre Mar-cion (1).

(1) Plnquet, Diet, des hérés. lorn. 11, pag. 55y.

Ils sont au nombre de cinq.

Le premier livre débute par une description de la contrée qui a donné naissance à cet hérésiarque , à sa-voir le Pont-Euxin(2).

(2) Il étoit né à Sinope . ville de la Paphlagonie sur le Pont-Enxin , d’où vient que Tertullien l’appelle le Pontique.

(Page 453.) Elle est habitée par des peuples nomades, les plus féroces des nations reculées à cette extrémité de la terre, si toutefois c’est habiter que d’être tou-jours errant sur des chariots ; point de demeure fixe ; les mœurs les plus brutales ; hommes et femmes, pêle-mêle , s’y montrent sans pudeur à dé-couvert, et se provoquent réciproquement à lapins infâme prostitution. Ils se nourrissent de la chair de leurs parens égorgés, qu’ils mêlent, dans leurs repas, à celle des animaux : ce seroit un malheur de mourir de mort naturelle, et sans emporter l’espe'-rance d’être de'vorc par les siens. Les mères ne savent ce que c’estque d’allaiter leurs enfans, elles préfèrent la guerre à toutes les douceurs du lien conjugal. Le ciel y est de fer comme les cœurs : là, la lumière du jour ne perce qu’à travers d’e'pais brouillards ; le soleil n’y laisse parvenir ses rayons qu’à regret : l’air, chargé de vapeurs sombres et froides , y fait régner l’hiver durant toute l’année. Point d’autre vent que celui des frimas et de la tempête. Les fleuves disparoissent sous les glaces qui les arrêtent, et les neiges amoncelées couvrent les montagnes. Rien qui annonce le mouvement et la vie, rien qui y semble animé que la barbarie ; aussi la fable avoit-elle choisi cette région pour en faire le théâtre des effroyables catastrophes dont la scène s’est emparée : mais de toutes les productions sorties de cette malheureuse contrée , la plus funeste estMarcion. (Chap. 1. )

Tertullien attaque et détruit la chimère du double principe, en établissant l’unité de Dieu sur ces raison-nemens sans réplique :

Si Dieu n’est pas un , il n’y en a point ( 1 ), et il y (page451.) auroit un moindre blasphème à nier son existence, qu’à le supposer autre que ce qu’il doit être. Or, pour s’assurer qu’il doit être un , cherchez ce qu’il est ;et vous trouverez qu’il ne peut être autrement. Tout ce que l’intelligence humaine peut saisir de l’essence divine, je le re'duis I ces termes simples , (Page452.) l’expression de la conscience universelle : Dieu est l’être souverainement grand, nécessairement e'ter-nel, sans principe , sans commencement, sans fin. Ce que je dis de son éternité' est également vrai de chacun de ses autres attributs ; l’idée de Dieuem-portant avec elle la perfection la plus absolue dans l’essence, dans l’intelligence, dans la force et la puissance (1 ).

(1) Aut Deus unus aut nullus. Molin. tom. vin, pag. 368. Bossuet, Serm. tom. v, pag. 226, traduisant T<jrlullien.

(1) ·La vraie idée de Dieu renferme toute perfection, comme J’a prouvé Tertullien contre l’hérétique ?·larcion. » Larue, serin. sur Vamour de Dieu : Car. tom. 1. pag. 109.

Avoir de Dieu une autre idée , c’est le méconnoi-tre; c’est le nier en lui otantce qui le constitue essentiellement. Comment seroit־il souverainement grand s’il avoit un égal? Et il a un égal, s’il y a un second être souverainement grand. Deux êtres souverainement grands ne sauroient exister à la fois, parce que l’essence de l’être souverainement grand est de n’avoir point d’égal, et la prérogative de n’avoir point d’égal ne peut convenir qu’à un seul. L’être souverainement grand efface nécessairement tout être, tout rival, que vous prétendez lui égaler, par la raison même qu’il est souverainement grand ; et que dès lors ce second être , quelque grand que vous le supposiez, ne peut plus être souverainement grand. Dieu est donc essentiellement un, et s’il n’e'toit pas un, il ne seroit point du tout; ainsi l’a défini la vérité chrétienne (1). ( Chap. in. )

(1) Cette vérité chrétienne s’est manifestée avec la plus éclatante pompe dans la bouche de nos docteurs. Voy. Bossuet, Elévat. sur les mystères, tom. x, pag. y, éd. in-4°. Molinier, sur le myst. delà Trinité: Serm. tom. vu, pag. 505 et 5y5. Ch. de Neuville, Car. tom. u, pag. 4/5. Torné , serm. tom. 1, pag. 85.

Il revient quelques lignes plus bas sur l’élernité de Dieu, et devance ce qu’en a dit après lui le plus profond des Pères (2).

(2) S. August, torn. 1, pag. 200; torn, iv, pag. 51 , etc.

(Page 455.) Il n’y a point de temps dans l’éternité : tout ce que l’on appelle temps, c’est elle. Point d’âge en Dieu, parce qu’il n’a pu naître ; dans lui, rien d’ancien , rien de nouveau ; la nouveauté supposeront un commencement, l’ancienneté, une fin.

Et encore au second livre.

Ne vous figurez point de temps dans Dieu ; il étoit avant le temps, puisqu’il a fait le temps : ni de commencement ; il étoit avant tout commencement, puisque c’est lui qui a donné aux choses leur corn-mencement (3).

(3) Lib. 11, cap. 111, pag. 455.

On me dira : un monarque a dans son empire la souveraine puissance, ce qui n’empêche pas qu’il n’y ait ailleurs des rois investis d’une e'gale autorite'.

Tertullien ne veut pas de ces similitudes; elles dérogent à la majesté du Roi des rois.

Nulle ressemblance entre Dieu et l’homme : admettez un pareil raisonnement : Qui empêche de faire intervenir, je ne dis pas un troisième, un quatrième dieu, mais autant de dieux qu’il y a de rois sur la terre? Non; l’essence propre de Dieu , c’est (Ezecin xxxi.) d'être hors toute comparaison. Cui assimilabitis(is. x״v. 7.) Dominum ? demande-t-il lui-même par la bouche de son prophète (1). Autre est Dieu, autre ce qui vient de lui. A quelque grandeur que puisse s’e'le-ver un monarque , il n’en reste pas moins au-dessous de Dieu. Rapproche'e de celle de Dieu , toute grandeur s’ane'antit devant celle-là ; elle est le centre unique d’où e'manent toutes les autres pour se re'pandre et se partager graduellement sur ces rois subalternes, alterius formœ. reges3 d’où elles remontent jusqu’à leur principe sublime. Toute autre puissance n’est que d’emprunt(2). (Chap.1V.)

(1) Au livre De carne Christi : Deo nihil par est. Natura ejus ab omnium rerum conditione distat. lib. 1, cap. ni. Et dans le livre contre Hermogène, avec une égale précision : Quod si Deus est, unicum sit nccesse est. Quid erit unicum et singulare, nisi cui nihil adœquabitur? quid principale, nisi quod super omnia, nisi quod ante omnia, et ex quo omnia? Cap. iv.

(2) Le génie de Tertullien a fourni à nos prédicateurs , non pas sen-lement les preuves qu’ils apportent d’ordinaire en faveur des perfections de Dieu ; mais les brillantes images et les énergiques expressions qu’ils emploient. Voy. Bossuet, Elévat. sur les myst. tom. x, pag. 7, édit. in4°־. Ch. de Neuville, Car. tom. 11, pag. 4y5. Molinier, serm. sur la sainte Trinité, tom. vm, pag. 565 et 567. Torné, Serm. tom. 1, pag. 85.

Tertullien poursuit avec la même vigueur les autres (Page 452 et suiv.) contradictions de l’impiété sur la nature de Dieu. Marcion l’appeloit un dieu inconnu. 11 répond :

Jamais Dieu ne sera caché (1 ) (Page 452.); jamais il ne manquera de témoignages. Il se manifeste à chacun des hommes, parles œuvres de ses mains, parla vive impression de sa divinité, profondément empreinte dans toutes les âmes. Dans tous les temps il se fera connoître, sentir et apercevoir de la manière qui lui conviendra. Il a pour témoignage tout ce que nous sommes, et ce monde où nous sommes, plein tout entier des merveilles de sa magnificence, qui s’est prodiguée avec tant de libéralité aux besoins de chacune de ses créatures. (Chap.xi.)

(1) Bourdaloue, citant Tertullien, Car. tom. 11, pag. 516. Molin. tom. xiii, pag. 582. Superville, dans Morceaux chois, des protest, pag. 160.

Le monde! répond Marcion ; (Page 458.) mais voyez le merveilleux ouvrage. (Page 459·) Est-ce là une création digne de Dieu? —Prétendez-vous qu’il n’y ait pas en Dieu de puissance créatrice ? — Je ne dis point cela. — Donc le monde n’est pas‘indigne de Dieu; car Dieu peut-il faire rien qui soit indigne de lui, bien qu’il l’ait fait non pour lui, mais pour l’homme?

Tout ouvrage vaut moins que son auteur ; et pourtant, s’il est indigne de Dieu de faire telle chose , combien n’est-il pas plus messe'ant qu’il n’ait rien fait même de peu digne de. lui! ne seroit־cc que pour témoigner qu’il étoit capable de mieux ? Mais encore , pour dire un mot de cette œuvre prétendue si peu digne de Dieu, est-ce ainsi qu’en jugeoient les philosophes les plus célèbres, un Thalès, un Anaximène, un Anaximandre , un Straton , un Zé-non, un Platon, et les mages chez les Perses, et les hiérophantes en Egypte, et les gymnosophistes dans les Indes , lesquels, bien loin d’en parler en termes aussi méprisans , ont exprimé leur admiration dans les paroles les plus pompeuses, jusqu’à en diviniser les substances diverses (1)? Ne remontez pas si loin ; abaissez vos regards sur ce qui semble leur échapper : la fleur cachée dans le buisson , comme celle qui émaillé nos prairies ; le plus petit des coquillages, comme celui qui nous donne la pourpre; l’aile du dernier des insectes, comme la magnifique parure du paon, vous montrent-ils dans le Créateur un ouvrier si méprisable? Vous qui souriez de pitié sur ces mêmes insectes dont la merveilleuse main qui les a faits a réparé la foi-blesse par l’adresse ou la force dont elle les a doués, imitez, s’il vous est possible, les constructions de l’abeille, les greniers de la fourmi, le venin de la cantharide, l’aiguillon de la mouche, la trom-pelle el la lance du moucheron. Si d’aussi foibles créatures, ou servent à vos besoins, ou vous présentent des ennemis, quels sentimens réserverez-vous à de plus grandes, vous qui refusez de reconnoitre le Créateur dans ses moindres ouvrages ? Ne sortez pas de vous-même ; considérez l’homme au dedans, au dehors de lui-même : trouvera-t-il plus de grâce à vos yeux, cet ouvrage de notre Dieu , pour lequel il a bien voulu descendre du ciel sur cette misérable terre; qu’il a aimé jusqu’à mourir pour lui par le supplice de la croix? Moins dédaigneux, lui, il ne rejette point, ni l’eau dont il régénère les siens, ni l’huile dont il les oint, ni le lait el le miel mêlés (Pag-· 410.) ensemble qui nous sont donnés au moment où le baptême nous fait ses en fans, ni le pain dans la substance de qui il nous donne son propre corps. Mais vous, disciple qui valez mieux que le maître, serviteur au-dessus de votre Seigneur, vous vous entendez mieux que lui en profondeur de conseils, puisque vous condamnez ce qu’il étoit venu chercher! Vous le condamnez: mais est-ce de bonne foi? Ce ciel (pie vous dépréciez, vous aspirez à l’ha-biler un jour, quand vous serez affranchi des liens du corps : celle terre , elle fut votre berceau : vous obtenez de son sein déchiré les alimens qui vous nourrissent. Vous réprouvez les ondes; oui, mais sauf leurs productions, qui vous donnent ce que vous appelez un aliment plus saint (1). Que je vous pre'sente une rose : osez calomnier le Cre'ateur. (Chap, xiii, xiv. )

(1) Imité par le P. Lenfant, Serm. tom. 11, pag. 415 et suiv. D’après Bossuet, Serm. tom. v, pag. 458.

(1) Les marcionites s’abstenoient de la chair des animaux terrestres, qu’ils regardoient comme étant plus impurs que les poissons.

(Page 442.) Pourtant Dieu s’est fait connaître encore par une autre voie, parla révélation. Que l’on ose nous dire que celle-là ait été moins digne de Dieu! (Chap, xviii.)                     ־

(Page 443.) «A la bonne heure, répliquait Marcion ; mais cetterévélation n’a eu lieu que depuis Jésus-Christ.» Avant Jésus-Christ existoit une autre loi; or cette loi, quoi qu’en dise Marcion (2), ne prêchait pas un autre Dieu que celui de la révélation. (Chap. XIX. )

(2) Marcion séparoit la loi ancienne de la nouvelle .· Separalio legiset Evangelii proprium et principale opus est Marcionis. Cap. xix.

Les partisans de l’hérésie affectoient de dire que leur maître n’avoit rien innové, mais qu’il n’avoit fait que ramener à sa première institution la vérité, qui s’en étoit égarée (3). Même prétention dans ceux de nos jours. Tertullien répondant à tous :

(3) diunt Marcionein, non tam innovasse regulatn quam rétro aclulleratam recurasse.

O étrange patience dans notre Seigneur Jésus-Christ, d’avoir attendu si long-temps à se faire cou-noître (4) !

(4) Voy. les chap, xxn et xxix du livre des Prescriptions.'

Dans leur système, Dieu auroit abandonné le inonde pour le plaisir de le réparer un jour. Que devenait dans celte hypothèse la bonté essentiellement inhérente à la nature de Dieu ?

S’il en e'toit ainsi ( poursuit Tertullien ), (Pages 445, 446·) loin d’être bon, il eut été de tous les êtres le plus méchant. Pouvoir faire du bien et ne pas le vouloir, c’est faire du mal. Quoi! l’homme fut condamné à la mort pour avoir cueilli le fruit de l’arbre défendu; de cette source funeste , tous les péchés et tous les châtimens. La postérité d’Adam est enveloppée dans la disgrâce de son premier père, bien qu’elle ignorât l’arbre fatal du paradis terrestre; et Dieu a pu ou l’ignorer ou le souffrir ! Le beau mérite dans le Créateur, de n’être bon que parce qu’il n’est pas méchant! Mais quelle idée auriez-vous d’un médecin qui entretient une maladie qu’il peut guérir, au risque que son malade vienne à lui échapper; et diffère de lui donner ses soins, pour se faire une plus grande réputation d’habileté, ou mettre ses services à plus haut prix ? (Ce qui ramène l’éloquent défenseur à la consubstantialité du Verbe avec Dieu son Père, qui ne s’est laissé jamais sans témoignage sur la terre , se faisant connoître aux hommes par ses prophètes.) Mon Dieu est éternel, et n’a point corn-mencé à Tibère '.Ab œvo Deus, el non a Tiberio. (Chap, xxii.)

Mais il faut à Marcion un dieu qui ne soit que bon, une bonté' sans justice, une bonté', une douceur qui jamais ne s’altèrent, jamais ne s’énervent; il lui faut un dieu qui ne se fâche point, ne (1et^suivf) condamne point, ne châtie point (1). Mais que devient sa justice , attribut aussi nécessaire dans Dieu que chacun des autres?Que devient le juge? Que se-roit-ce qu’un dieu qui établiroit une loi dont il ne garantiroit pas !’observation? un dieu qui porteroit des défenses, et laisseroit les raanqucmens impunis, parce qu’il manqueroit de l’autorité nécessaire pour les juger, étranger qu’il seroit à tout sentiment qui détermine la sévérité et la correction ? Pourquoi défendre de commettre ce qu’il ne pour-roit réprimer, quand il y auroit plus de sagesse à ne pas défendre ce qu’il devenoit incapable de réprimer, qu’à laisser l’infraction sans vengeance? Je dis plus; c’eut été permettre directement le mal, que de le défendre sans avoir le moyen de le réprimer. On ne défend que ce que Ton n’aime point (Page 450.) voir faire: ce seroit conséquemment le comble de la folie de ne pas s’offenser de ce que l’on n’aime point à voir faire, quand l’offense se trouve eu contravention avec une volonté exprimée.' Si donc l’on est offensé, Ton doit s’irriter, l’on doit punir : car la punition suit le ressentiment; le ressentiment est lasolde de l’offense, et l’offense est, encore unefois, la transgression de la volonté du législa-leur. Mais dans le système de l’adversaire, Dieu ne punit point; donc il ne s’offense pas: s’il ne s’offense pas, on n’a point transgressé sa volonté en faisant ce qu’il avoit défendu de faire. Bien plus, on ne pèche qu’en conséquence de sa volonté; car on n’est point justiciable envers la volonté quand on ne l’a point violée. Ou bien, si l’on fait consister, soit la vertu, soit la bonté divine, a ne vouloir point que telle chose se fasse; à la défendre, sans toutefois être sensible au manquement qui en est fait, c’en est assez pour conclure qu’en s’y opposant on n’y étoitpas insensible, et que l’on ne devient point indifférent après pour le punir, quand on ne !’étoit pas auparavant pour le prévenir. Par le simple énoncé de sa volonté, Dieu a défendu telle chose: c’éloit la juger et la condamner. S’il n’est pas digne de Dieu de juger, ou s’il ne lui convient de juger qu’autant qu’il condamne et qu’il défend, il ne lui convient pas davantage de punir le prévaricateur. Rien au contraire de moins assorti à sa nature, que de ne pas tenir à l’exécution des défenses qu’il a faites; d’abord, parce que, quelle que soit la loi qu’il ait portée, il en doit assurer l’autorité, et soumettre l’obéissance par la crainte du châtiment; ensuite, parce que c’est une conséquence ne'cessaire qu’il n’ait pas voulu que telle chose fût faite, et qu’en ne le voulant pas, il l’ait de'fendue : autrement il l’autorise, et l’absout en ne la punissant pas. Quel dieu que celui qui seroit prévaricateur de la vérité, qui abrogeroit sa propre loi! Il craindrait de condamner ce qu’il accuse, de haïr ce qu’il désapprouve ; il permet après l’événement ce qu’il avoit défendu ayant ; il se contente de témoigner ce qui lui déplaît, et s’embarrasse peu de justifier son éloignement. Une pareille bonté dans Dieu n’est qu’imaginaire ( 1 ). Toute sa doctrine ne seroit que rêverie ; sa loi, un vain épouvantail, une sauvegarde pour le crime. Ecoulez, ô pécheurs, et vous qui ne l’êtes pas encore, apprenez à l’être : On a imaginé pour vous un dieu plus favorable, lequel ni ne s’offense , ni ne se fâche, ni ne se venge ; qui n’ù point à vous proposer un lieu de supplices où brûle un feu dévorant, ni des ténèbres extérieures où 11 y ait des grincements de dents: celui-là ne sait qu’être bon; un dieu enfin qui de'fend de pécher, mais seulement dans le texte de sa loi. Vous êtes libre, si la chose vous plaît, de souscrire une vaine formule de sou-mission, pour avoir l’air de lui rendre quelque honneur;pour de la crainte, il n’en veut pas. Telle est la bannière des Marcionites: un dieu que Ton fait profession de ne craindre point. Bon, disent-ils, pour le mauvais principe; mais l’autre, il ne lui faut que de l’amour. Insensé, vous l’appelez votre Sei-gneur, et vous lui refusez l’hommage de la crainte! Eh! le nom seul de puissance peut-il aller sans la crainte ? Aimerez-vous sans craindre de ne pas aimer? A'ous ne le reconnaissez donc pas pour votre Père, à qui vous deviez et de la tendresse pour ses bienfaits et de la crainte pour ses saintes lois? Allez donc, ô vous qui ne craignez point Dieu, (Page 451.) parce qu’il est bon, allez vous plonger dans l’i-vresse de vos passions ; car c’est là, ce me semble, le plus grand bien auquel aspirent ceux qui n’ont pas la crainte du Seigneur. Qui vous empêche de vous abandonner à tous les scandales de la débau-che? de vous enrôler parmi les gladiateurs, pour combattre avec eux dans une arène sanglante, ou de vous mêler aux jeux infâmes du théâtre? La persécution est ouverte: le prêtre vous attend l’en-cen^oir à la main. Vous allez mourir, et vous êtes chrétien! Qui vous arrête? — Moi, apostat! vous écriez-vous. Vous craignez donc de pécher. Mais par-là seul vous avez prouvé que vous craignez celui qui défend de pécher. (Chap, xxvil-xxviil.)

(1) Voy. Bourdal. serm. sur ]’éternité malheur. Dominic, toni. 1v, pag. 153, 154. Ch. ,\euville, serm. sur le péché mortel: Car. loin. 1v, pag. 25ÿ. Lenfant, sur l’enfer, tom. v, pag. 19. Cheminais, sur la crainte des jugent. de Dieu : serm. loin. יי pag. 25S,etc.

(1) « 11 est bon , dit Tertullien, parce qu’il est l’ennemi du mal, et il est infiniment bon, parce qu’il en est infiniment l’ennemi : Non plane bonus, nisi mali cemulus. Il ne faut donc pas concevoir en Dieu une bonté foible , et qui souffre tout, une bonté insensée et déraisonnable ; mais une bonté vigoureuse qui exerce l’amour qu’elle a pour le bien par la baine qu’elle a pour le mal, et se montre efficacement bonté véritable, en combattant la malice du péché qui lui est contraire: Ut boni amorern odio mali exerceal, et boni tutelam expugnalioue mali impleat.· Bossuet , Serm. tom. 11, pag. 281.

Les autres erreurs que Tertullien combat dans ce premier livre étant particulières aux marcionites, il nous paroît inutile d’en rappeler la réfutation. Ce qui ne l’est pas, c’est de faire observer combien cette vi-gourcuse dialectique peut servir comme elle a fait à Bourdaloue, à Larue, à Segaud, au P. Lenfant , dans tout discours qui traite des attributs et des jugemens de Dieu (1).

(1) Voy. entre autres , Larue , serin, sur la grandeur de Dieu ( Car. tom. 1, pag. 402 » 4°5 ), où il expose le système de Marcion et sa réfuta- tion par l'un des argumens de Tertullien; Bourdaloue, Dominic. tom. iv, pag. i53; Montargon, Dict. apostol. tom. 11, pag. 097; Saurin, Serm. tom. vi, pag. i!\~~> , tom. 11, pag. 247. Outre ce riche fonds de raisonnemens et de pensées, dont nos plus illustres prédicateurs ont fait un si heureux usage , plusieurs lui ont emprunté des mots éclatans tels que ceux-ci : Redundanda bonitaùs , les pieux excès de la clé- mence divine. <• Le propre de la bonté divine , c'est d'être toujours prodigue. » Segaud, Car. tom. 11, pag. {1. Timor hominis honor Dei . commenté par Bourdal. Mjst. tom. 11, pag. 41, etc.

Le second livre traite plus spécialement encore de l’alliance de la bonté et de la justice en Dieu. Les grau-des questions de la métaphysique s’y trouvent ramenées et discutées avec une foi ce de logique et une netteté de solutions qui auraient rendu bien des livres inutiles si une curiosité raisonneuse avoit su se contenter des écrits que l’antiquité nous a transmis à ce sujet. Continuons d’extraire de celui-ci ce que la prédication peut en emprunter (2).

(2) Bossuet l'appelle un chef-d'œuvre de doctrine et d'éloquence. Serm. tom. iv, pag.

Parce qu’il est impossible de nier que Dieu existe, (Page p׳(.) l’hére'sie s’en est fait un an gré de son caprice, censurant ses œuvres , comme un aveugle ou un malade dont la vue onduleuse ne peut soutenir !’éclat de la lumière voudrait un autre soleil plus tempe're' et plus accommode' à son foible organe. Insensé'! vous ne supportez pas* les feux de ce soleil unique dont les rayons e'clairent et pénètrent !’univers tout entier; quoi que vous en disiez, il n’en est pas moins une source ine'puisable de bienfaits. Plaignez-vous de sa chaleur, pour vous seul importune êt insupportable, trouvez des taches dans le soleil: il n’en est pas moins tout ce qu’il est. Votre vue de'bile n’en peut soutenir l’e'clat: soutiendroit-clle mieux les clarte's d’un second, s’il y en avoit un autre, et à plus forte raison de celui qui l’efface ?

Vous consentez qu’il y ait un Dieu : et vous lui refusez ce sans quoi il n’est pas; ce qu’il cesserait d’être, si l’homme pouvait le comprendre.

Isaïe, par un esprit prophétique, voyait déjà ces téméraires agresseurs; et, pour les confondre, Qui a connu, s’écrioit-il, les pensées du Seigneur? (Isa. xi. 15.) qui en a été le conseiller ? L’Apôtre de même : (Rom. xi.55.) O profondeur des richesses de lu sagesse et de la science de Dieu ! que ses jugemens sont incompréhensibles! que ses voies sont impénétrables ! Oui, pour tout le reste des hommes , mais non pour ces détracteurs de la divinité qui vont disant: Dieu ne devoit pas faire ainsi: il devoit plutôt faire comme cela: comme si l’homme pouvoit rien voir dans les conseils de Dieu, que !,Esprit de Dieu seul con-noît !

Adam, rebelle à son Créateur, donna le premier signal à l’hérésie : du moins n’alla-t-il pas jusqu’à dire à celui qui l’avoit fait: Vous avez manqué (Gen. m, 12.) votre ouvrage.il avoua qu’ilavoitété séduit; il désobéit, mais il ne s’emporta point à des blasphèmes contre son Créateur. Adam n’étoit qu’un novice d’irréligion. (Chap. II.)

(Page K.) Remontant à la création, Tertullien voit l’auteur de toutes choses les marquer du sceau de sa bonté, et les proposer à la reconnoissance autant qu’à l’admiration, par l’éloge que lui-même a dai-gué en faire, Et vidit quod esset bonum. ((Gen. 1. 10 י12.)) Non pas qu’il ignorât qu’elles fussent bonnes à moins de les voir, mais parce que, les voyant telles qu’elles sont, il a voulu apprendre à les voir des mêmes yeux. Ainsi appeloit-il bon ce qü’il avoit fait bon, voulantsignalerson être tout entier par ce caractère particulier de bonté qui se manifestait dans ses pa-rôles et dans ses œuvres. L’arbre planté parlamain du céleste ouvrier étoit bon: c’est une main étrangère qui est venue y greffer une plante mauvaise. C’étoit à l’homme, créé à l’image de Dieu, à ne pas déshonorer cette auguste empreinte. La bonté de Dieu avoit tout fait. Le mal !?existait pas encore à ces cominencemens , ni dans le langage ni dans l’action. En donnant Eve pour compagne à l’homme, Dieu savoil combien ce sexe deviendroit profitable (Page ■'!5·) à Marie, et par suite à son Eglise. Si en cre'ant l’homme il lui impose une loi, c’est pour l’attacher à lui par son propre intérêt ; pour en faire un être libre, cl non pas un esclave de même nature que les autres animaux qui lui dévoient être assujettis; afin que l’homme eût seul le droit de se glorifier que pas un autre que lui ne tenait sa loi de Dieu; et que, doué de la raison et de la faculté du discernement, il trouvât, dans le privilège de sa liberté même, son guide et son frein, en se soumettant à celui qui lui avoit soumis tout le reste (1). Sa prévoyante bonté ne laissa pas non plus ignorer à Adam à quoi il s’exposoit en manquant à cette loi , pour ôter d’avance au manquement le prétexte de l’ignorance. Si donc l’homme vient à pré-variquer contre la loi, il fut libre d’obéir ou de la violer ; c’est à lui, à lui seul qu’il doit s’en prendre.

(1) Bossuet traduit : ״ Il fallait bien que cette même bonté donnât des lois à l’homme, non pour le priver de sa liberté , mais pour lui témoigner de l’estime. zVulrement cette liberté de vivre sans lois eût été très injurieuse à notre nature. Dieu eût témoigné qu’il méprisoit l’homme., s’il n’eût pas daigné le conduire , et lui prescrire l’ordre de sa vie : il l’eût traité comme les animaux, auxquels il ne permet de vivre satis lois que par le peu d’état qu’il en fait, et qu’il ne laisse vivre de celte manière que par mépris. ״ Serm. tom. iv, pag. 50.

Quel plus magnifique prc'sent pouvoit-il recevoir de son Créateur, que d’être formé à l’image de son intelligence ?Libre comme Dieu même, maître de ses actions , il lui fut donné de jouir de la plénitude de son libre arbitre, avec pouvoir, ou de se maintenir volontairement dans le bien, ou d’éviter le mal volontairement. Otez cette volonté, réduisez-le à la nécessité d’être ou bon ou mauvais indépendamment de son propre choix; plus de titre, ni à la récompense ni au châtiment. (Cap. V.) Par-là (ajoute Tertullien), tout s’explique. Nul compromis pour ]a bonté de Dieu, ni pour l’économie de sa sagesse, ni pour sa prescience et sa puissance. (Page 458.) Parce que Dieu prévoyoit bien l’abus de cette liberté, falloit-il qu’il l’empêchât? Que devenait le don de la liberté? C’est bien alors que Marcion auroit raison de s’écrier à l’inconséquence, à l’infidélité. ( Cap. VI.■ ) A quoi bon donner à Adam son libre arbitre, s’il voulait l’enchaîner'? (Page 459. et suiv.) Si donc l’homme a péché, c’est l’homme qui l’a voulu. (Chap. vu. et suiv.) Ce que la prescience de Dieu avoit vu de sa faute, la bonté du même Dieu avoit voulu l’empêcher par la sévérité de ses menaces ; en agissant autrement, il eût détruit son propre ouvrage. Jusque-là sa bonté seule avoit paru: maintenant ses autres attributs se montrent. (Page 462·) Le crime et le châtiment s’impriment à toute la nature. La femme conçoit, mais dans les douleurs ; la terre est maudite, mais auparavant elle étoit bénie ; l’homme est condamné à la mort, mais auparavant il étoit fait pour la vie. La bonté avoit do-vancé, la justice suit. « Jamais la toute-puisance divine n’afflige ses créatures que quand elle y est forcée par les crimes (1). » Plus de justice, plus de Dieu. Séparez la justice de la bonté, ce n’est plus bonté, c’est injustice. Faut-il, pour être bon , que le législateur ne soit pas juste? qu’il n’y ait dans la loi qu’indulgence, et point de sévérité? Au milieu de tant de séductions qui nous poussent au mal, est-il un homme qui s’attachât à ce qu’il pourroit me'־ priser impunément? qui conservât ce qu’il pourroit perdre sans risque? La voie qui conduit au mal est (Pan.c) si large, elle est si courue ! Tous ne s’y engageroient-ils pas, si l’on y pouvait marcher sans inquiétude? Nous n’entendons point sans effroi la formidable menace du Créateur; et pourtant nous avons peine à nous arracher au mal ; que seroit-ce s’il n’y avoit point de menaces ? (Chap, xin.) Appellerez-vous mal une justice qui n’est point favorable au mal? refuserez-vous le nom de bien à celle qui pourvoit au bien? Vous ne voulez pas d’un Dieu tel qu’il doit être : vous le voudriez à votre fantaisie ; un Dieu sous lequel les crimes pussent être quelque jour en paix ; un Dieu à qui le démon eût le droit d’insulter. Le Dieu bon seroit, à votre avis , celui qui réussirait bien mieux à rendre l’homme me'chant, en lui assurant l’impunité'(1). Mais, je vous le demande, où est l’auteur du bien, que dans celui qui le sanc-lionne et qui le venge ; l’oppose' du mal, que dans celui qui en est l’ennemi ? Qui en est l’ennemi, sinon celui qui le poursuit? et qui le poursuit, si (Page 465) ce n’est pas celui qui le punit ? (Cap. xiv.) (2) Examinez la conduite du souverain juge; prouvez, si vous pouvez, qu’il est injuste, qu’il a puni des crimes qui n’existoient point: sinon, dès que les jugemens sont justes et les châtimens mérités, sa sévérité même est juste et louable, et toutes ses suites, la colère, la jalousie, ce que vous appelez excessive rigueur. (Te'moignages pris de l’ancien et du nouveau Testament.) (Cap. xv. ) Vous ne faites point le procès à un chirurgien, vous ne repoussez point les instrumens dont il se sert pour couper et pour brûler , et sans lesquels il ne peut exercer son art | mais condamnez־le s’il coupe et s’il brûle mal à propos et sans nécessité : appliquez ceci aux jugemens de Dieu. (Cap. XVI.)

(1) Bossuet citant Tertullien, Serm. tom. 111, pag. 77, 7S.

(1) «Je sais bien que la justice divine a deux principaux emplois ״dans l’univers ; qu’elle y récompense les bons, et qu’elle y punit les ״ mécbans. Je sais bien que le premier lui est plus naturel que le second; « qu’elle récompense avec plaisir, qu’elle punit avec regret ; qu’elle pré-״vient quelquefois les bonnes œuvres pour les reconnoitre, et qu’elle ״attend toujours les mauvaises pour les châtier. Mais je n’ignore pas ״ aussi que depuis que Dieu a des ennemis , la justice a des foudres pour ״les perdre, des prisons pour les enfermer, des enfers pour les punir, »et des feux pour les brûler. C’est-elle , dit Tertullien , qui venge la mi-״sérieorde quand elle est méprisée : Tutela bonitatis reputanda est. פ C’est-elle qui, joignant la sévérité à la patience et à la bonté de Dieu , ״lui donne sa pleine et dernière perfection , Plénitude bonitatis; puis-״que s’il étoit toujours patient, il autoriseroit le mal, et !endroit les »criminels insolens. ״ Senault, Panégyr. tom. 111, pag. 384, 585.

(2) Voy. Bourdal. Dominic, torn. 1v, sur Véternité malheureuse , 1" part. pag. 133. Lenfant, Serm. tom. v, pag. 24 etseq. Fromentières , Carême , tom. 1, pag. 162 et 400, etc.

Nous avons été instruits à l’école des prophètes et de Jésus-Christ, et non pas à celle d’Epicure ni des autres philosophes ; c’est pourquoi nous soin-mes bien éloignés de penser que la divinité ne prend aucun soin des choses de la terre.

« Mais, nous disent les hérétiques,si Dieu a de la colère, de la jalousie, s’il se venge, il est donc changeant, corruptible et mortel. »

Ces raisonnemens n’effraient point les chrétiens (page 466.) qui croient en un Dieu mort et néanmoins vivant éternellement. Mais quelle extravagance de juger Dieu par l’homme , de transporter à la divinité nos passions et nos foiblesses ! Ne nous laissons pas tromper par la ressemblance des noms ; il y a autant de différence entre les senlimens de Dieu et ceux des hommes, qu’il y en a entre leurs natures. C’est ainsi qu’on attribue à Dieu des yeux, des bras, des oreilles, quoiqu’il ne puisse y avoir rien de semblable dansDieu. Il suffit de réfléchir que c’est Dieu le Créateur des hommes , pour éloigner de lui tout ce qui ressent !’imperfection et la faiblesse humaine. Dieu a sans doute toutes les bonnes qualités de l’homme ; mais de la manière qui convient à l’être parfait et éternel ; sans émotion, sans changemeilt, sans altération. C’est ainsi que son courroux, son indignation, sa jalousie s’enflamment contre les ingrats, les superbes, contre tous les méchans: ainsi est-il compatissant pour les foibles, patient à l’égard des pécheurs , juste pour tous, généreux et magnifique pour les bons.

Les marcionites ne veulent pas reconnoitre dans le même Dieu, avec la souveraine justice, cette bonté universelle, souveraine (1), qui, aux termes de Jé-sus-Chrisl, fait pleuvoir sur les bons et sur les méchans, (·Matth. v.45.) qui fait lever son soleil sur les justes et sur les injustes. En vain Marcion a-t-il voulu effacer de ΓΕvangile ce témoignage rendu par Jésus-Christ à la bonté du Créateur: qu’il l’efface donc aussi du cœur de tout l'univers, où il est gravé; qu’il l’efface du cœur de chacun de nous où nous le lisons. Cette même patience que nie Marcion, l’attend et le jugera. Que d’exemples de la patience et de la miséricorde divines ne nous fournissent pas les livres saints!

(1) Cathoticce et sumniœ illius bonilalis. Belle expression souvent employé(; par Segand , Joly, Molinier.

De là passez aux divers commandemens de la loi qu’il nous a donnée. Vous m’arrêtez pour me dire que les mêmes commandemens se retrouvent dans (^7’) les lois humaines; mais avant tous les Lycurgue et tous les Solon du monde, il y avoit eu Moïse, il y avoit Dieu (1). (Cap. XVII.)

(1) Sed ante Lycurgos et Soloncs oumes, Moses et Deus.

Cette loi ancienne que vous attaquez avec tant d’acharnement, que vous soutenez être l’ouvrage du mauvais principe, elle est remplie de préceptes de justice, d’honnêteté,de pudeur, de bonté même et de bienfaisance. Les animaux mêmes n’y sont pas oubliés, non pas pour eux-mêmes sans doute, mais pour accoutumer nos cœurs à la douceur et à la compassion envers nos semblables. Je ne finirois pas si )’entreprenais de rapporter toutes les maximes et tous les préceptes de la loi sur la bienfaisance et l’amour du prochain : c'est pourquoi le Christ dit que la loi et les prophètes étaient renfermés dans les préceptes de l’amour de Dieu et l’amour du prochain. (Matth. xix.*9·) Mais je dois justifier la loi dans les points où elle est attaquée. La loi du talion, œil pour œil; dent pour dent; (Lévit. xxiv. 20.) n’avoit pas été portée pour autoriser à rendre le mal pour le mal, mais pour prévenir et réprimer la violence par la terreur. Comment persuader à un peuple grossier et incrédule d’attendre la vengeance du Seigneur, se-Ion l’oracle du Prophète: La vengeance mappartient; et je l’exercerai dans le temps? (Rom. xn.*9·) La seconde injure permise empêchait la première , et par can-séquent n’avoit point lieu elle-même. Rien de si effrayant pour l’agresseur, et de si capable de le contenir , que !,assurance d’être traité comme lui-même auroit traité les autres. (Cap. xv1t1%־

(Gen. j. ?.2.) Si la loi défend quelques viandes, si elle déclare immondes quelques animaux, quoique Bénis dès l’origine du monde, son dessein est d’exercer la tempérance , de mettre un frein à celte gourmandise (Num.xi.5. 35.) qui regrettait les concombres elles melons de l’Egypte, tandis qu’on lui servait le pain des anges ; elle vouloit prévenir l’incontinence et le libertinage, suites ordinaires de l’intempérance. C’était aussi pour éteindre en partie la soif de l’or, en ôtant le prétexte du besoin des richesses pour une nourriture recherchée et somptueuse ; enfin pour former l’homme à jeûner dans la vue de plaire à Dieu, et à se contenter des aliraens les plus communs.

(Page468.) Quant à ce long, embarrassant et minutieux détail de cérémonies et de sacrifices , Dieu fait entendre clairement de quel œil il les regardait, lorsque par exemple il dit: Qu ai-je besoin de la multitude (is·־»· ', “·) de vos victimes ? Est-ce donc là ce que j*ai désiré de vous? Dieu, qui connoissoit le penchant du peu-pie juif à l’idolâtrie, vouloit l’en détourner et Fat-tacher à la vraie religion, par un appareil de cérémonies extérieures dont ses sens avoient besoin. Il vouloit, par ces riles religieux si diversifiés et répétés en tant de circonstances, le tenir sans cesse en sa présence , l’accoutumer à méditer jour et nuit cette loi divine, la source à la fois du bonheur, de la gloire,et de l’innocence de l'homme (1). Je ne parle pas encore des sens mystiques de cette loi, tout entière en figures et en prophéties. (Cap. xix. )

(1) Ces pensées sont développées avec beaucoup de justesse dans Massillon. Car. tom. 11, pag. 366.

Il faut les expliquer ces figures ; montrer quel en fut le véritable objet, et justifier l’apparente contradiction des deux alliances, en prouvant l’uiiité de la conduite divine dans !’économie de sa religion. Tertullien ne manque pas de le faire. Il montre sous le voile de ces figures, dans la lettre même de ces prophéties, Jésus-Christ Messie , agissant partout au nom de Dieu son père, apparaissant dans le monde dès ses commence-mens, vivant dans la personne des patriarches et des prophètes, exprimant deloin, par ces vives images, et rendant sensible déjà sa future humanité.

Tertullien considère ces apparitions différentes comme des préludes de l’incarnation, comme des préparations de ce grand ouvrage qui se commençait dès lors;

יי De sorte, clit-ii, que le Fils de Dieu s’accoutu-moit aux sentimens humains; il apprenoit , pour ainsi dire, à être homme; il se plaisoit d’exercer, dès l'origine du monde, ce qu'il devoit être dans la plénitude des temps: Ediscens jam indc a pri-mordio, jam inde hominem quod erat futurus in fine (2). מ

(2) Bossuet, Serm. tom. 11, pag. 141.Le même, sermon sur les carac■ tèrês des deux alliances, tom. ni, pag. 256. Molinier, Serm. tom. x, pag. 209 et suiv.; et tous les discours qui traitent des grandeurs de Jésus.

(Page 475.) C’est lui qui est descendu de la droite de Dieu son Père, le Dieu dont les Ecritures avoient dit : Personne ne verra Dieu sans mourir; (Exod.XXXIII. 20.) il l’a fait voir dans sa personne. Fils de Dieu, pour nous apprendre à connoître le Père invisible , au nom de qui il parle et agit en Dieu. Christ pour nous, identifie' à nous, et par-là devenu tout à nous. Donc, toute la part que vous assignez au grand Dieu, nous la re'clamonspour la personne duPère , invisible, au-dessus même de toute intelligence, habitantau sein d’une paix inaltérable ; ce sera là, si vous voulez, le Dieu de la raison humaine, le Dieu des philosophes. Ce qui, dans votre ide'e, ne s’assortit pas avec sa grandeur, faites-en la part du Fils dans sa chair mortelle, associant dans sa personne l’homme et le Dieu; Dieu par l’éclat de ses vertus, homme dans les foiblesses de son humanité; par-là transportant à l’homme tout ce qu’il semble delà-cher de la divinité. Le Dieu est venu habiter avec les hommes , pour apprendre aux hommes à vivre en Dieu. Il est venu traiter avec l'homme d’égal à égal, pour rendre l’homme capable de traiter d'égal à égal avec Dieu ; il s’est rapetissé pour m’agrandir. Quel travers d’esprit dans votre double idée de concevoir sa nature ! Vous le reconnaissez pour juge ; et quand il exerce, à titre de juge , une sévérité en proportion des motifs qui la provoquent, vous l’accusez de dureté. Vous voulez qu’il soit souverainement bon ; et quand sa bonté miséricordieuse le fait descendre à la portée de notre foi-blesse, vous criez qu’il s’avilit. Vous ne voulez de lui ni son élévation ni sa condescendance : vous le repoussez, soit comme juge, soit comme ami (1). ( Cap. xxvii.)

(1) Appliqué par Senault. Panégyr. tom. 111, pag. 558.

Dans le cours de sa discussion , Tertullien n’avoit pas laissé sans réponse cette objection : « Pourquoi Dieu dit-ilà Adam dans le paradis: Où êtes-vous ? II ignoroit (Page 47^.) donc où il étoit. »

Le Seigneur ne pouvoit pas plus ignorer le lieu où il étoit, que le péché qu’il venoil de commettre. Ces mots, Où êtes-vous? n’ont pas seulement rapport (Gen. !״.) au lieu; ils sont un commencement de reproche; et ils indiquent l’état affreux où Adam étoit tombé. Sans doute un coin de jardin ne pouvoit être caché à celui qui tient l’univers dans sa main, dont le ciel est le trône , et la terre le marchepied.

Et quand Dieu demande à Caïn où est son frère (!bid.) Abel, il avoit entendu la voix du sang d’Abel, qui crioit du sein de la terre. Mais il voulut donner à (Hebr x1l) Adam ]e moyen de confesser son crime , et de commencer par-là à l’expier; il permit au contraire que Caïn mît le comble au sien par le mensonge et par rendurcissement. Aussi Dieu eut pitié d’Adam et maudit Caïn ; et donna deux grandes leçons aux pécheurs dé tons les siècles. (Cap. xxv.)

Dans le troisième livre, Tertullien prouve contre Marcion, que Jésus-Christ s’est fait voir clans une chair réelle et non fantastique.

(Page 484.) En niant la vérité de sa chair, vous démentez la certitude de sa mort , vous anéantissez par-là même la vérité de sa résurrection ; et voilà par-là même tout le fondement de notre foi renversé. (Cap.Vlll.) Plus de christianisme , plus de rédemption : la prédication (! Cor. xv. !4.) de l’apôtre est illusoire ; la mort de Jésus-Christ, ses souffrances , sa résurrection , ne sont que des fables ; l’espérance de notre propre ré-surrection à nous-mêmes n’est plus qu’une chi-mère, puisqu’elle repose tout entière sur la foi de la résurrection de Jésus-Christ. S’il n’est pas véri-tablement mort, sa naissance ne fut également qu’imaginaire ; tous les témoignages qui en con-statentle fait,autant de mensonges; sa vie entière, (La. v!!, !4.) une illusion perpétuelle; plus d’Emmanuel, plus (Matth.23. ’) de Dieu avec les hommes; l’histoire tout entière n’est plus qu’un problème (1). (Cap. XII.)

(1) Même mouvement daus Massillon, Vérité d’un avenir, Car. loin. 1, pag. 117, et dans la plupart des Sermons sur la resurrect, de notre Seigneur.

(Pages .485,48;.)    Les prophètes qui annoncèrent la venue de Jésus-Christ I’avoient signalee par le double caractère de ses abaissemens et de ses grandeurs. Ses abaissemens dévoient faire le partage de sa vie mortelle.

Toute la pompe de la gloire, et ]’éclat de la souveraine majesté, réservés à son futur avènement à la fin des siècles, où il viendra juger le monde. ( Cap. vu. )

il établit la divinité de Jésus-Christ par les prophéties, dont il justifie les prédictions par les événemens. « C’étoit de lui qu’Isaïe annonçoit les conquêtes futures (Isa. Im. 4.) par ces paroles : Antequam sciât puer, etc. Avant que l’enfant sache nommer son père et sa mère, il cnlè-vera les dépouilles de Samarie devant le roi des Assyriens. Je sais bien qu’il ne faut pas prendre ces paroles d’Isaïe toul-à-fait à la lettre, ni tomber dans l’erreur grossière des Juifs qui, au rapport de Tertullien, vou-loient que Jésus-Christ ne fût pas le Messie qu’on at-tendoit, parce qu’il n’avoitpas, selon cette prophétie, donné des batailles et emporté des dépouilles dès son berceau : Hœc accipiunt verba quasi bcllatorem portendant Christum. Ce peuple charnel s’imagine que ce prophète ait promis à Jésus-Christ comme un conquérant de profession ; que la guerre loi soit un excr-cice si naturel que les plaintes qu’il fait dans son berceau aient la force de faire prendre les armes à ses soldats; que les cris de son enfance sonnent la charge; qu’élevé sur les bras de sa nourrice il puisse déjà, comme du haut d’un rempart, découvrir l’ennemi; et qu’étant encore attaché à la mamelle, il subjugue déjà la Samarie: Quasi vagitu ad arma esset convocatu-rus in fans; quasi de nutricis aut gerulce suœ eollo hostem destinaturus; atgueita Damascum et Sama-riam pro mamillis subaeturus. Mais si Tertullien ne veut pas qu’on prenne cette prophétie tout-à-fait à la lettre, et que l’on s’imagine que Jésus- Christ doit faire toutes ces actions guerrières dans son berceau ; il veut néanmoins que nous croyons qu’il n’a pas laissé d’y être un grand conquérant. Que les Juifs apprennent, dit-il, que si notre Messie n’a pas répandu du sang à sa naissance, il n’a pas laissé d’y remporter des victoires; que ces trois princes (les Mages), qu’il a enlevés à l’idolâtrie, sont les véritables dépouilles de Samarie; et que les ayant obligé de respecter son enfance et de faire hommage de leur couronne à sa foiblesse, il a dignement accompli la prédiction qui en avoit été faite. Car voilà, conclut-il, la manière dont il a fait la guerre; voilà commentil s’est acquis, dès son berceau, la qualité de conquérant, et qu’il a commencé de se rendre maître ηυη-seulemcnt de la Samarie, mais de toutes les nations du monde : Sic bellipotens, sic armiger Christus non solius Samaria} spolia, sed et omnium gentium accepit. » Fromentières, Sermon pour le jour des Rois, tom. 1. pag. , 44·

Ces brillantes images se retracent fréquemment sous la plume de Bossuet. Voyez ses sermons sur la Circoncision , où il le qualifie de capitaine sauveur, de roi conquérant (tom. 111, pages 17, 52, 75)(r.ige 4g1.) descendu pour combattre, il monte pour triompher, etc. (tom. vin, pag. 574), et ses sermons sur la résurrection de Notre-Seigneur ).

Lorsqu’il fallut donner un successeur à Moïse, quel nom fut donné au fils deNavé? Le nom de Je-sus (1). Pourquoi Jésus pour remplacer Moïse? parce que Jésus-Christ devait introduire dans la vraie terre promise, celle-là où coulent des ruisseaux (Exod. ״!. s.) de lait etde miel, c’est-à-dire dans le royaume de la vie éternelle, ce second peuple de Dieu, enfanté dans le désert du siècle ; et que ce n’étoit pas à Moïse, à la loi ancienne , qu’il étoit donné d’opérer cette heureuse révolution. Celui à qui cet honneur étoit réservé a reçu le nom de Jésus, comme un présage du bienfait qu?il devait donner à son peu-pie. ( Cap. xvi.)

(1) Fortis in hello Jesus nave. Eccli. xlvi, 11.

Il prouve contre les Juifs que Jésus est le Messie qui leur fut promis et qu’ils n’en doivent plus attendre d’autre, parce qu’ils refusent de le reconnoitre dans ses 11 u-miliations- Tertullien voit dans ces humiliations mêmes le caractère auquel il faut le reconnoitre.

Voilà le Christ que je réclame, c’est là le Jésus qu’il me faut:J/Z/1i vindico Christum, mihi defendo Jesam (2). Confrontez sa vie tout entière avec les prophéties: Quelque vile que vous semble cette chair où il s’est fait voir : par cela seul qu’il l’a ha-bite'e, qu’il s’est manifesté dans cette chair, elle a beau être sans gloire, sans beauté , sans honneur, c’est là mon Christ ;car ce sont là les formes sous lesquelles il a été annoncé. (Cap. xvu.)

(2) « C’est ici que je dis du plus grand sentiment de mon âme, avec »le grave Tertullien , Mihi ■vindico Christum, mihi defendo Jesum. »Cet innocent contredit par toute la terre,c’est le Jésus que je cherche; »je soutiens que ce Jésus est à moi; je proteste qu’il m’appartient. S’il »est déshonoré, s’il est abject, s’il est misérable, j’ajouterai encore, »s’il est le scandale des infidèles , c’est mon Jésus-Christ : 54 inglorius, »si ignobilis , si inhonorabilis, meus erit Christus. Car, poursuit le » même Tertullien, il m’a été promis tel dans les prophéties, Talis enim »habituel aspectu nunciabatur. » Bossuet, Serm. tom. n, pag. 444 י'·Γ>·

Les prophéties et !es figures sont analysées oudé’ elop-pées avec cette brillante éloquence. .

(Page 494.) Pourvoient-elles s’appliquer à d’autres qu’à Jésus-Christ? Lisez le psaume vingt-nnième, qui fait !’histoire de sa passion : Est-ce David ? est-ce quelqu’un des rois d’Israël qui ait été suspendu (Ps. xxu 1-.) à la croix, les pieds et les mains percés de clous? Les événemens qui ont suivi sa mort, et les prédictions qui en avoient été faites, tout cela pourroit-il concerner un autre que lui? jetez un coup d’œil sur ce profond abîme d’erreurs où le genre humain tout entier étoit plongé avant lui;voyez־le naissant tout à coup à la vérité d’un Dieu créateur, d’un Jésus-Christ Dieu : auriez-vous l'effronterie de nier qu’un aussi merveilleux changement eut été prédit? je vous arrête aussitôt par ces paroles du Psalmistc :

(Ps. m, •7) Vous êtes mon Fils: aujourd'hui je vous ai engendré. etsmv.   Demande z-moi} et je vous donnerai les nations pour héritage ; et votre empire n'aura de bornes quaux extrémités de la terre. Si cette promesse ne regarde pas Jésus-Christ comme Fils de Dieu , vous ne serez pas plus fondé à l’appeler le fils de David. Direz-vous qu’elle regarde David lui-même? l’histoire (Page 495·) vous dément; David ne fut roi que d’une petite contrée, Jésus-Christ règne sur tout l’univers, par la soumission à son Evangile : l’appliqueriez-vous à Salomon ? Salomon n’a régné qu’un moment ; il est dit de Jésus-Christ que son trône est (Luc. 1. 33.) fondé pour tous les siècles. Vous ne voyez pas que la grâce et la miséricorde du Seigneur se soient retirées jamais de Jésus-Christ: Salomon mérita la colère du Seigneur par le double crime de l’impudicité et de l’idolâtrie. (Cap. XXI.) Chercheriez-vous l’accomplissement de la promesse dans cet autre Messie que les Juifs attendent ? Sera-ce un Messie encore crucifié , puisque c’est du haut de sa croix qu’il doit (Joan. x״.) attirer à lui toutes les nations, ainsi qu’il a été prédit? Puis donc que c’est dans Jésus , et dans Jésus seul que toutes les prophéties se trouvent exécu-léës , Jésus est le Messie. Osez nier, ou la prophétie quand l’événement est sous vos yeux, ou l’événement quand la prophétie est dans tous vos livres.

S’arrêtant à celle qui regarde le châtiment du peuple déicide, Tertullien demande pour quelle autre cause que pour venger le sang de Jésus-Christ, les Juifs sont en proie à tous les fléaux que la colère de Dieu a versés sur eux. Marcion, en convenant que leur châtiment étoit l’effet d’une vengeance céleste, prétendait que ce n’étoit naint en punition de la mort de Jésus-Christ parce qu’il n’avoit point souffert e* qu’un autre corps avoit été substitué au sien ; sur quoi Tertullien , toujours le livre des prophéties à la main , répond :

(Page /|9s.) Quel autre que son Christ Dieu a-t-il pu venger de la sorte? Bien loin de punir les Juifs de sa mort, il devoit bien plutôt les en rc'compenscr, eux, et Judas qui le leur avoit livre'; ils ne faisoient qu’exercer un acte de justice contre celui qu’ils regardaient comme l’ennemi de leur Dieu. En supposant que le Christ, dont les prophètes annoncent si clairement que Dieu vengera la mort sur son peuple criminel, ce Christ, que Marcion appelait celui du Dieu créateur; en supposant, dis-je, que celui-là soit encore à venir, toujours est-il que quand il sera venu , c’est là le sort dont sa nation est mena-ce'e par tous les oracles. Mais où se trouvera alors cette idle de Sion qui doit être dc'laisse'c , puisqu’il n’est plus de fdle de Sion ? Où seront les cités dé-voue'es au feu et à la flamme, quand il n’y a plus que les cadavres des cités? Comment ce peuple pourra-t-il être chassé de son pays? le voilà dès maintenant dispersé par toute la terre. Common-cez donc par rendre aux Juifs leur ancien état, pour que le Christ trouve un peuple juif (1). (Chap, xxiii. )

(1) Voyez, plus haut , livre contre les Juifs, pag. 4y5.

Le quatrième livre contre Marcion répond aux diverses objections de cet hérétique contre les Evangiles, en particulier celui de saint Luc (1). Tertullien en montre (Pagt5o1.) l’authenticité et la concordance, établit les diffé-ronces ainsi que les rapports entre la loi ancienne et la loi nouvelle, prouve qu’elles ont un même auteur.

(1) Marcion s’attache à !’Évangile de S. Lue, pour le mettre en pièces:

Lucam videlur Marcion elegisse, quemccederel.eap. 11. «Lesmareionites disoient que les trois autres Évangiles etoient supposés, et que celui de S. Luc , qu’ils préféraient aux autres , on ne sait pourquoi, puisqu’il n’éloit pas venu par une autre voie, avoit été falsifié. » Bossuet, Disc, sur l'hisl. ttniv. part. 11, pag. /p5, éd. in-12,Paris, 1719.

Dieu, qui a fait annoncer par scs prophètes la fu-turc économieI a marqué également en quoi la nouvelle différerait de ],ancienne. S’il y a différence Page 502. dans les époques, il n’y en a point dans ],autorité; s’il y a séparation entre !,Ancien et le Nouveau-Tes-lament, elle ne consiste que dans la réforme, dans !’augmentation et le perfectionnement, comme le fruit se trouve à part de la semence dont il est le produit. Ainsi !,Evangile succédant à la loi se sépare d'elle ; il est autre , il n’est pas étranger ; différent, mais non contraire (2).

(2) El lamen sic concedimus se.paralioitem islam per rejormationem, per ampliludinem, per projeclum, sicul fruclus separalur a semine, cpium sitfruclus ex semine : sic el Evangelium separalur a lege, dum pro-vehilur ex lege : aliud ab ilia-, diversum , sed non contrariant. cap. xi.

Tertullien rappelle ici, comme dans tous ses autres livres, les grands et immuables principes de la prescription contre les hérésies ; de la continuelle assistance de Jésus-Christ promise à son Eglise; de la succession apostolique dans toutes les églises, et du lien de communion qui les unit toutes à une même foi, aux me-mes sacremens.

(Page 504·) Nous établissons , pour fondement, que l’Evan-gile a été rédigé par les apôtres, en conséquence de l’ordre reçu de leur maître d’aller le prêcher: par x.xviii. (Matth. 50. 3r) les apôtres, comme saint Jean et saint Matthieu, ou par les hommes apostoliques qui les accompa-gnoient ou qui sont venus immédiatement après eux, tels que saint Marc et saint Luc, disciples des apôtres. On peut voir si leurs récits sont en oppo-silion. Marcion ne donne point d’auteur à l’Evan-gile , c’est-à-dire à celui qu’il a forgé : je pourvois m’en tenir là; c’en est assezpour récuser un ouvrage qui ne se montre pas à visage découvert, et ne pre'-sente aucun titre de créance. Entre Marcion, qui allègue son Evangile, etmoi qui m’appuie sur celui des apôtres, quel sera le juge, si ce n’est l’ancien-noté? S’il est vrai que les nôtres aient été publiés bien avant celui de Marcion, il devient incontes-table qu’ils sont vrais et que le sien est faux ; les auroit-il pu réformer comme il s’en vante , s’il ne les avoit trouvés déjà existans? Marcion réformateur (Page 505.) de l’Evangile ! Quoi ! pendant tout le temps qui s’est écoulé depuis Tibère jusqu’au règne d’Anto-nin, nous étions sans Evangile '. Marcion a seul ob-tenu le privilège de le publier; Jésus-Christ l’avoit attendu tout ce temps; Jésus-Christ s’étoit repenti de s’être si fort Kàté d’envoyer ses apôtres sans l’assistance de Marcion! (Chap. ιν. )

L’hêrcsie est l’œuvre delà témérité humaine ; jamais elle ne fut l’ouvrage de Dieu : elle se vante de réformer !’Evangile, et ne'faitque le corrompre (1).

( 1 ) Humante temeritatis non divines auctoritatis negotium est hœresis; (juœ sic semper emendat Evangelia, dum vitiat.

Que Marcion s’appelle disciple des apôtres; le disciple n’est pas au-dessus du maître. (Matth. x. 24.) Qu’il s’appelle apôtre. Les apôtres ou moi, n’importe, lui répond saint Paul, nous prêchons un même Evangile. Fut-il un ange, j’ai appris à n’avoir que des (Gai. 1. 8.) anathèmes pour l’ange qui viendroit nous annoncer un autre Evangile.

L’he're'sie nous parle de ses églises : oui, les sien-nés; les nôtres remontent aux apôtres, les nôtresv n’ont qu’une même foi ; les siennes, elles ne sont venues qu’après , donc adultères: leur origine est dans l’apostasie, non dans l’apostolicité; elles ne vont pas plus loin que Marcion ou quelqu’un des siens. Les marcionites ont des e'glises comme les guêpes des rayons de miel (2). (Chap. V.)

(2) Les livres contre Marcion ne fournissent pas moins que celui des Prescriptions les argumens les plus solides en faveur de l’autorité de notre Église. I\ous en avons la preuve dans le bel emploi que Bossuet surtout en a fait dans ses admirables controverses sur cette matière. Voy. la première instr, pastor, tom. v, pag. 118, 127, 128, etc. le quinzième livre des variât, tom. 111, pag. 618, 670 et suiv. La confer, avec Claude, tom. iv, pag. 530.

Tertullien fait voir la conformité de la morale de 1’Ancieu Testament avec celle du Nouveau, qu’il fait toujours marcher de front. Tous ceux qui s’occupent de l’interprétation de nos saintes Ecritures ne manqueront pas d’être frappés de la profonde instruction qu’il en avoit acquise, des lumineuses analogies qu’il y découvre. Nous allons en fournir quelques exemples.

Déjà, dans les livres précédons, il avoit vengé éloquemment la sainteté de l’ancienne loi; il y revient dans celui-ci avec une nouvelle vigueur.

(Page 516.) Qu’on ne cherche plus à opposer la loi ancienne à la nouvelle; l’objet et l’esprit de l’une et l’autre est le même. (Sur le pardon des injures.) Jésus-Christ en interdisant absolument la vengeance, et disant que celui qui a été frappé sur une joue présente [autre, (Luc. vi.2) ne commande rien qui soit en opposition avec la loi que le Créateur avoit établie. Celle-ci ne disoit-elle pas : Ne rendez à personne mal pour mal ; que personne ne se ressouvienne du mal qu’il a reçu de son prochain ? Si !’Evangile défend jusqu’au souvenir de l’injure , à plus forte raison défend-il la vengeance. Mais la loi qui avoit à conduire des hommes dont le caractère et la foi n’étoient pas les mêmes a du parler de différentes manières. Elle apaisoit l’Israélite religieux en lui faisant attendre la vengeance du Seigneur; elle ef-frayoit le Juif incrédule en lui montrant la ven-'geance humaine prête à tomber sur lui ; en un mot la représaille n’étoil permise que pour arrêter ceux (pic la foi (l’un Dieu vengeur ne pouvoil contenir. Au reste, l’une et. l’autre !!,interdisent la vengeance que par la raison que Dieu se l’est réservée ; sans (rom.X)1.) cela, la patience de l’oliensé seroit une foiblcsse qui enhardiroil les médians. Si Dieu ne vengeoit pas, il auroit du permettre la vengeance. Puisqu’il ne la permet point, c’est qu’il la tirera lui-même. (Chap. XVI.)

Par ces éloquentes discussions, la loi ancienne est justifiée, la nouvelle est manifestée; l’accord des deux Testamens est établi comme étant l’ouvrage du même Dieu.

Ils ont tous deux le même dessein et la même suite: l’un prépare la voie à la perfection que l’autre montre à découvert; l’un pose le fondement, el l’autre achève l’édifice; en un mot l’un prédit ce que l’autre, fait voir accompli ( 1 ). » Aussi saint Pierre, sur la montagne, en présence (MattU. x״!) de Moïse el d’Elie, reconnoîtra-t-il dans la personne de son divin maître le lien des deux alliances. (Chap. XXII1. ) El notre savant apologiste, frappé lui-même d’admiration à l’aspect d’une aussi majestueuse harmonie, s’est-il écrié: 0! que Jésus-Christ est ancien dans la nouveauté de son Evangile! 0 Christum, et in novis veterem! (1). (Chap. XXI, XXII.)

(1) Bossuet, Disc, sur l'hisl. univer. 2e part. pag. 416. édit. in4°־, Paris, 16S1.

(1) Trad, par Bossuet, Serm. tom. ni, pag. 258.

Du milieu de ce savant commentaire échappent des mots éclatais, des traits de sentiment, des maximes profondes que nous devons recueillir.

(Sur la crèche de Bethléem.) J.es langes du Fils de Dieu sont le commencement de sa sépulture ,Pan-nis jam sepultures incolucrum initiatus (2) : ce qui rappelle cette autre expression non moins remarquable , A parta Virginis factus hostia, que tous nos prédicateurs se transmettent, pour ainsi dire, de main en main (3).

(2) Le même,Serm. tom. π, pag. 38g. Bourdal. Myst. tom. 1, pag. 6.

(3) Segaud , A vent, pag. 456. Pacand, pour la Jete de Noel. Serm. tom. 111, pag. 17. L’abbé Clément le paraphrase avec plus de diffusion que de solidité, Avent, pag. 270 et sui»·.

(Page 50y.) Partout où Jésus-Christ guérit, il est à moi : Quod-cumque curaverit Jesus, meus est.

A l’occasion des paraboles de la drachme et de la brebis perdues et retrouvées :

(Page 556.) Cette brebis , cette drachme perdues, qui est-ce qui va à leur recherche? n’est-ce pas celui qui les avoit perdues? Qui les avoit perdues, sinon celui à qui elles appartenoient, qui les possédoit à titre de propriété? Si donc l’homme est un bien qui n’appartienne pas à d’autre qu’à son Créateur, à qui éloil-il, sinon à celui dont il étoit le bien , dont il e'toit l’ouvrage (donc à Je'sus-Christ tout aussi bien qu’au Dieu créateur)? Celui qui l’avoit perdu, c’étoil son maître ; il ne l’a cherché que parce qu’il l’avoit perdu; il ne l’a pu recouvrer qu’après l’avoir cherché, et il s’est félicité de l’avoir recouvré.(Chap. XXXII.)

( Sur l’apôtre Saint-Pierre.) Jésus-Christ change (Pagc 5) le nom de cet apôtre , celui de Simon qu’il portait (Marc. !״.) auparavant, dans celui de Pierre, comme autrefois il avoit changé celui d’Abrahara. Pourquoi ce nom (Gen. xvu.) de Pierre ? Par ce mot il indique la solidité de la foi, en lui imprimant une ressemblance avec lui-même, appelé dans les Ecritures pierre angulaire. ( Pet. !!.6.) (Chap. XIII.)

Qui voudra conserver la vie la perdra; et qui la (Matth. x.) perdra pour la confession de mon nom la sauvera. De (page9555.) qui est cette maxime ? On le sait ; elle est de Jésus-Christ. Avant son apparition sur la terre, plus d’un juste l’avoit confessé, plus d’un juste avoit perdu la vie pour la gloire de son nom, et il l’avoit couronné, témoin Daniel et ses compagnons. Allez les voir dans la fournaise ardente où les a fait plonger le tyran de Babylone : le Fils de l’homme y est avec eux, exerçant sa qualité de juge, sauvant ceux qui meurent pour le glorifier׳, perdant ces Chaldéens que l’amour de la vie enchaînait au culte de leur idole. Déjà se vérifioil l’oracle qui devait un jour sortir de sa bouche, pour annoncer ses martyrs,( Luc. !x.) et les récompenses qui leur étoient destinées : Celui qui rougira de moi devant les hommes , moi aussi je rougirai de lui devant mon Père. L’on rougit de la bassesse de sa naissance, de l’obscurité de sa famille ; on rougit de cette chair mortelle qu’il a bien voulu prendre; de ces langes misérables où ilparoît enseveli comme dans un premier linceul : on oublie que ce même enfant qui croît avec douleur sur le scinde sa mère est le même qui n’eut point une naissance temporelle, grand, tout entier, Jésus Dieu au sein de l’éternité. Pourquoi donc dire de lui-même Celui qui aura rougi de moi ? C’est qu’il a consenti en effet à s’humilier pour nous; c’est qu’en se faisant notre victime , il a dîi déclarer par la bouche de ses prophètes qu’il n’étoitplus qu’un (ka'XL172) ver de terre, sans forme humaine s le rebut des hommes, et l’opprobre du peuple. Ainsi l’a-t-il voulu , pour nous guérir par ses plaies , nous sauver par ses abaissemens et ses confusions. Il falloit bien qu’il se dépouillât de sa divine nature, qu’il se sacrifiât de la sorte pour l’homme qui lui étoit si cher, pour l’homme qu’il avoit créé à l’image, non d’un autre, mais de lui-même; afin que, puisque l’homme avoit dégradé cette image jusqu’à ne pas rougir d’adorer le bois et la pierre, il apprît à ne pas rougir d’un Dieu humilié, et à porter lui-même la sainte confusion de la croix, pour expier la coupable confusion de l’idolâtrie ( 1 ). ( Chap. XXI.)

(1) « Le savant Tertullien a remarqué que , parce que nous avions »insolemment adoré des dieux de marbre et de pierre, qui avoient des «yeux, et ne voyaient pas leurs adorateurs, des oreilles, et n’entendoient » pas leurs prières , des mains, et ne pouvoient pas les secourir dans leurs » besoins , nous adorassions son Fils en croix, et que nous missions notre »espérance en un homme à qui la mort avoit ôté l’usage de tous les sens: «Ut quoniamhomo non embuerai lapident et lignum adorans, eadem » constantia non conjusus de Christo, pro insolentia idolatriœ salis Deo »faceret per impudentiamfidei. » (Senault, Panegyr. tom. 11, pag. 364·) Voyez !,admirable développement que Bossuet donne à une conception toute semblable dans son Discours sur l’hist. unir. part, n, pag. 562 et suiv. éd. in4־", Paris, 1681 : Dieu avoit introduit l'homme dans le monde, etc.; et àla pag. 366: Jésus-Christ par lemystère de sa croix, etc., pag. 566 : éclaircit et achève la pensée de Teilullien. Bourdaloue , tout le discours sur le scandale de la croix. Dominic, tom. 1, pag. 568 et suiv.

Le Dieu du Nouveau Testament n a ajoute au (Page 525.) précepte de l’amour du prochain rien de plus que ce qu’avoit prescrit déjà le Dieu de !’Ancien Testament. Il y a plus de mérile sans doute dans le sen-liment de l’affection qui se porte sur des étrangers, toutefois sans préjudice des droits de ceux qui sont plus près. Car comment aimer les étrangers, si l’on n’aime pas le prochain? Voilà pourquoi l’ordre du Créateur et les dispositions naturelles qu’il en a imprimées dans nos cœurs nous font un premier devoir de la bienveillance envers le prochain. Sen-liment qu il a dans la suite étendu aux étrangers eux-mêmes; d’abord sur les Juifs, par une économie particulière de sa providence en faveur de cette nation ; puis sur tout le genre humain. Tant que son alliance fut borne'c au seul peuple d’Israël, l’obligation de la miséricorde ne pouvoit aller au-delà de ce seul peuple; mais du moment où il eut donne' à Je'sus-Christ tous les peuples pour héritage, et le monde entier pour domaine; dès lors Je'sus-Christ a étendu sur tous le précepte de l’amour, comme étant tous les enfans du même Père, tous appelés au bienfait de la miséricorde, comme à celui d’une vocation commune. (Chap. XVI.)

(Page .9נל.) pas une mauvajse achon où il n’entre de la crainte, parce qu’il n’en est pas une où la conscience soit muette. (Chap. XVII.)

(Page 552.) Moïse n’est pas moins apôtre que les apôtres ne sont prophètes (1). (Chap. XXIV.)

(1) Tam apostolus Moses, quant et apostoli prophetœ. Et contre Praxéas : Nobis omnes Scripturœ, et veteres Christum Dei, et notice Filùun prœfîniunt. Cap. xxiv, pag. 51J.

Ce même livre nous fournit encore un témoignage, non moins précieux que celui de saint Justin (2), en faveur de notre foi catholique sur !’Eucharistie.

(2) Rapporté an 1er vol. de cet ouvragé, pag. 009.

Jésus-Christ, sachant bien à quel jour il devoit mourir pour justifier les prophéties; à l’approche de la pâque , car c’étoit là le jour annoncé par Moïse,pour la mort du Sauveur, quand il avoit dit Exod. xn. à son peuple, Ce sera la pâque, c’est-à-dire le passage du Seigneur Jésus-Christ ; après , dis-je, avoir choisi parmi tant de fêtes celle de pâque , témoigne à ses apôtres le vif désir où il est de manger (Luc· ^x·) lapàque avec eux avant de subir sa passion. Celui dans qui ses prophètes avaient vu l’agneau qui se (Isa. ״״.) laisse mener à la mort sans se plaindre , et la brebis n’ouvrant pas !abouche enpre'sence de la main qui la tond , brûle du désir d’accomplir l’oracle qui l’appelle à répandre son sang propitiateur.

Puisqu’il devait être trahi, étoit-il indifférent qu’il le fût par un étranger? Non, autrement je ne le reconnoîtrois pas dans le psaume où il est dit: Celui qui mangeoil le pain avec moi a fait éclater sa (ps. ״v. !5.) trahison contre moi. Indifférent qu’il le fût à prix d’argent? Non; tout autre pouvoit l’être autrement, mais non celui qui avoit à accomplir ses prophéties. (Zach. x!. !5.)

Le jour donc arrivé, où alloit être célébrée cette (a ^XVI1') pâque réelle si ardemment souhaitée (un Dieu (Lucxxil) pouvoil^i! en désirer une autre que la sienne?) Jésus prend le pain, le distribue à ses disciples ; (Matth. xxv!.) de ce pain il a fait son propre corps, en leur disant, CECI est MON CORPS (1); son corps dans sa forme, dans sa réalité, non d’une manière fantastique. De même , lorsqu’en prenant le calice il scella par son sang !,alliance et le testament, qu’il établissoit, il ajouta une nouvelle preuve de la réalité de son corps , car le sang ne peut faire partie que d’un corps réel et d’une véritable chair. Ainsi la vérité du corps est prouvée par celle de la chair, et la vérité de la chair est prouvée par celle du sang. (Chap. XL.)

(1) Il est vrai que Tertullien ajoute , Id estflgura corporis mei, c’est-à-dire, dans la forme de mon corps; tout corps suppose une forme, au-irement ce ne serait plus qu’un fautôme sans réalité. L’argument frappe contre Marcion , qui ne vuoloit pas que Jésus-Christ fût réellement mort. Tertullien s’explique partout ailleurs sur celte matière avec une précision qui ne laisse aucun nuage sur le véritable sens de ces paroles : Caro corpore et sanguine Christi vescilur, ut et anima de Dco saginetur. (De resurr. cam. cap. vm.) Voy. la note deM. de L’Anbespine dans le Tertull. de Rigaut, pag. 152, édit, de Paris, 1664; et l’ouvrage intit. Dissert, théolog. et dogmal., sur les exorcismes, etc., pag. 46 du Traité de L'Eucharistie, Paris, 1727. Notre savant Père, témoin irrecusable de la foi des premiers siècles, avoit donc raison de dire an même Marcion qu’il avoit prouvé invinciblement la vérité du corps de notre Seigneur, contre la vaine apparence que cet hérétique lui substitue, par le sacrement du pain et du calice : !,aids et calicis sacramenlo probavtnms corporis dominici veritateni. Lib. v, Adv. Marcion, cap. vm.

(Page 5/3.) Si, comme le prétend Marcion, Jésus-Christ n’a point paru dans une chair réelle, comment est-il mort? (Matth. xxvii.50.) comment a-t-il rendu l’esprit? qui expi-roit en lui? la chair ou l’esprit? Qu’y avoit-il sur la croix? Ftien? Rien n’auroit donc été demandé à Pilate; (Matth. xxvii, 58 et suiv.) rien ne fut donc enlevé de la croix, enveloppé du suaire, déposé dans le sépulcre? Jo-sepli d’Arimathie, qui lui rendit les honneurs de la sépulture , n’auroit donc enseveli qu’un fantôme? Mais Jésus-Christ disparu, adieu le fantôme. Il ne reste plusà Marcion qu’à nous dire qu’il demeuroil le fantôme du fantôme. (Chap. XL11.)

Le livre se termine par cette proposition qui ne trouvera point de contradicteurs:

Je crois avoir rempli ma promesse ; j’ai démontré (57·) la divinité de Jésus-Christ, égale à celle de Dieu Créateur, par les oracles desprophètes, par sa propre doctrine , par l’éclat de scs vertus, de sa puissance; parla vérité de sa chair dans ses souffrances, dans sa mort, dans sa résurrection. (Chap.XLIII.)

Livre cinquième. Tertullien développe la même doctrine, seulement d’après saint Paul. Il s’attache partieu-lièremcnt à cet apôtre, parce que Marcion lui refusait cette qualité comme n’étant venu qu’après les autres. Le défenseur de l’humanité sainte autant que de la divinité de Jésus-Christ étoit pour l’hérétique un ad-versairc trop redoutable : il devenait plus facile de le supprimer que de le combattre, méthode familière à l’esprit de mensonge. Le commentateur n’est pas au-dessous de son sujet. Moins cité à ce titre dans nos chaires, ce livre ne nous semble pas moins utile au prédicateur, qui y trouvera au besoin de solides éclair-cissemens à des difficultés embarrassantes pour la pleine intelligence du texte.

Le début en est imposant.

Rien qui n’ait commencé , excepté Dieu : Nihil (page 5;3.) sine origine, nisi solus Deus. Parce que , en toutes choses, l’origine est ce qui marche en première ligne; il est bon partout de remonter jusqu’à cette origine, si Ton veut bien connoître l’état de la ques-lion. (Chap. t. )

C’est cc que Tertullien établit par rapport à l’apôtre, dont il justifie l’apostolat, et venge la doctrine contre leur commun adversaire.

Expliquant ces paroles : II a emmené captive une foule de captifs. (EPh. .v. 8.)

(pege610.) Avec quelles armées ?dans quels combats? quel peuple, quelle conlre'e a e'te' ravagée? quelles cités ont été renversées? où sont et les mères, et les en-fans, et les potentats que notre heureux vainqueur ait traînés, humiliés à la suite de son char de triomphe? Ainsi, quand David, célébranlà l’avance les conquêtes (Ps. lxiv.) du Christ, lui donne un glaive pour armure ; (Isa til 5) qu’Isaïe le voit chargé des dépouilles de Samarie et de Damas, vous vous en faites l’idée d’un vrai con-quérant:ces combats, cette armure, ces triomphes, ces captifs, tout cela est spirituel (1). ( Chap, xvni.)

(1) Bossuet, Serm. tom. m, pag. 55, 54·

(Page 612.) Si la tradition évangélique s’est répandue par toute la terre, ce que ne saurait dire aucune des traditions de l’hérésie , nous sommes en droit d’appeler notre croyance apostolique (2). Et quand bien même celle de Marcion, qui n’est venu que d’hier, auroit rempli toute la lerre, ce ne seroit pas encore à elle à prendre ce titre; car il n’appartient qu’à celle qui, la première, s’est étendue jusqu’aux extrémités du monde, ainsi qu’il avoit été Ps. xvm. prédit par cet oracle de la prophétie: Leur bruit s’est répandu par toute la terre, et leurs paroles se sont fait entendre jusqu’aux extrémités du inonde.

(2) « Cette doctrine des catholiques est un remède assuré contre tousles schismes et toutes les hérésies futures : elle prouve invinciblement que toute secte qui ne naît pas dans la succession des apôtres sort de la chaîne , etc. » Bossuet, Seconde instr, pastor, sur tes pro-»?esses, torn, v, in4־u, pag. 187.

Quand l’apôtre avertit de se mettre en garde contre les raisonnemens vains et trompeurs, selon (p;lgc 6!:. , 1Coloss., 11. 8. ) les principes dune science mondaine; proscrit par ce seul mot toutes les hérésies, car elles pren-ncnt toutes leur source dans la subtilité du langage, et dans la vaine curiosité d’une philosophie hu-maine.

Pour confondre toutes les hérésies, il nous suf-fit de l’argument de prescription. D’où vient que je suis dans l’usage de l’opposera tous les novateurs. Dès le temps de saint Paul, la foi évangélique étoit déjà répandue par tout le inonde. A plus forte rai-son l’est-elle de nos jours. Or, si c’étoit là la foi apostolique, il faut en conclure que celle qui n’est venue qu’après, au temps d’Antonin, ne sauroit être la foi apostolique (1). Et quand on supposeroil que la doctrine de Marcion auroit pénétré par tout le monde, elle n’en serait pas plus pour cela la foi apostolique , puisqu’il y en avoit une autre au-paravant. (Chap, xix.)

(1) « On connoît d’abord les hérésies par la date de leur commence-ment. Marcion et Valentin sont venus du temps d’Antonin; on ne les connoissoit pas auparavant, on ne les doit pas connoître aujourd’hui. Ce qui n’étoit pas hier est réputé dans !’Église, comme ce qui n’a jamais été. » Bossuet, Instruct, sur les promesses^ tom v, ed. in4°־, pag. 1a-et 128.

FIN DU TOME SECOND.

 

TABLE DES AUTEURS

ET

OUVRAGES CITÉS DANS CE SECOND VOLUME.

/

A.

Aegestini (S.), Hippon. episc., opera, edit. Benedict. (D. Blampin). Paris, 168g.

B.

Balzac. Lettres. (Elzevir.)

Baronies (cardin.). Martyrolog. in־fol. Paris, 1615.

Barreel (l’abbé). Helviennes, ou Provinciales philosophiques. Paris, 1812.

Basile (S.) le Grand, archev. de Césarée. Opera, edit.

Garnier. Paris, 1721.

Bayle. Nouvelles de la républ. des lettres, 1624 et succès-sivement.

Beaeregard (Analyse des Sermons du P.). 1 vol. in-12, Paris, 1820.

Beaesset (S. E. Mgr. le card, de), anc. évêq. d’Alais. Vie de Bossuet. Versailles, 1814·

Bible (la sainte), trad., dissert, et comment., par D. Cal-met et l’abbé deVence, in4°־. Paris, 150ק.

Bible (la sainte), traduct. de Sacy. Cologne, 1700.

Bibliotiièqce choisie des Pères de !’Église grecque et latine, 1" vol. Paris, 1822.

Boismont. Sermon de charité, édit. in4־“. Paris, 1782.

Bossuet. (J. B.), évêq. de Meaux. OEiivres recueillies parles Bénédictins (dom Desforis), in4°־. Paris. 1745, el de suite.

— Disc, sur l’hist. univ. Paris, in1719 ,1681,111-12 ,4°־.

— Sermons, in-8°. Paris, 1772.

— Sermons, Panégyriques, in-8°. Versailles, Lebel, 1816.

— Politique sacrée.

— Élévations sur les mystères.

— Histoire des variations des églises protestantes.

— Instructions pastorales sur les promesses faites à !’Église.

— Avertissement aux protestons.

— Conférence avec le ministre Claude.

— Défense de la tradition et des saints Pères.

— Dansl’éd. in4°־desBénéd. Œuvres posth. Amsterd., 1753. Bouiiereau (Élie). Traduct. du traité d’Origène contre Celse, in4°־. Amsterdam, 1700.

Bourdaloue. Sermons. Paris, 1760, édit, des libraires associés et Rigaud.

Bretteville. Essais de sermons et panégyriques.

Buddée. Parerga histor. theolog., in-8°. Magdebourg, 1605.

Bullet. Hist, de !’établissement du Christian., in-8°. Paris, 1814.

Bullus. Defens. fidei nicænæ. Oxon. 1688.

Butler (Alban).Vies des Pères, des martyrs et autres principaux saints, trad, de l’anglais par Godescard. Versailles, 1811.

C.

Cambacérès. Sermons. Paris, 1781.

Cave (Guill.). Scriploruin ecclesiastic, hist, littéral־., in-fol Colon. 1720.

Cellier ou Ceillier (dom Remy). Hist, génér. des auteurs sacrés et ecclésiast. Paris, 1752.

Centeriatores Magdeberg. Hist, eccles. Basileæ, 1504·

Cheminais (le P.). Serinons. Paris, !737·

Chrysostomi (S. Johan. ) opera, edit. Benedict. Mont-faucon. Paris, 1718. Morel et Front. Duc. Paris, 1625.

Clément (l’abbé). Sermons. Paris, 1770.

Clementis (S.) Alexandrin, opera, edit, in-fol. Morel. Paris, 1629. J. Potter. Oxon., 1715.

Cypriani (S.), Carthagin. episc. et martyris. Oxon., edit. Jo. Fell, 170c. Edit. Pamel. Paris, 1605.

D.

Delisle. Défense de la vérité du martyre de la légion thé-baine, in1757 .8°־.

Dion Cassies. Hist. rom.

Degeet. Confer, ecclésiast., 2 vol. in4°־.

Depin (Élie). Biblioth. des auteurs ecclés. Paris, 1686 et suivantes.

Défont (de Nemours). Mémoires sur l’hist. natur. 1 v. in-8°.

E.

Epiphan. (S.), adv. hæres. Paris, 1622, edit. Petav.

Eeseb. Cæsariens. Hist, eccles. H. Valois, in-fol. Paris, 165g, — Adversus Hieroclem.

F.

Fénelon. Œuvres choisies, édit. Boullage, 6 vol. in-8°. Paris, 1821.

Fleery (l’abbé). Hist, ecclés., in-!2. Paris, 1724־

— Mœurs des chrétiens, in-12. Paris, 1766.

DES CITATIONS.         555

Fromentières , évêque d’Aire. Carême et Serinons. Paris, 1692 et 16g6.

G.

Giry (Louis). Traduct. de !,Apologétique de Tertull. Paris , 1654 ; du Traité de la résurrection de la chair, du même.

Goercy (l’abbé de). La suite des anciens Apologistes. Paris, 1786.

H.

Halloïx (Petr. Soc. Jes.). Origenes defensus, in4°־. Duaci, 1653.

Haymond, Halberstad. episc. Breviar. hist, eccles.

Hermant. Vie de saint Jean Chrysostôme, in4°־.

II1ER0N1M1 (S.) opera, edit. Benedict. Paris, 1706.

Histoire de l’éclectisme, ou des nouveaux platoniciens, 2 vol. in-12. Paris, 1766.

Homeri !lias.

Hvet. Origen, opera, in-fol. Lutel., 167g.

— Origeniana, primo volumini præfata.

I.

Irenæi (S.), Lugdun. episc., opera, ed. Feu-Ardent. Paris , 165g.

J.

Joli, évêque d’Agen, Prônes et Dominicales. Paris, 170-t.

— Œuvres mêlées. Paris, 1702.        ’

Joseth (Tit. Flav.). Antiq. judaic.

— De bcllo judaico, in-ibl. Lcips., 16g1.

L.

La Colombiere. Sermons prêchés devant S. A. R. madame la duchesse d’York, 4 vol. Lyon, 1679.

Lactance. Opera, edit. Varier. Lugd. Batav., in-8°, 1660.

La Luzerne (Mgr. le card, de), évêque de Langres. Instruct, pastor, sur les attaques portées à la religion, édit. in4°־.

La Rue (le P.). Sermons. Paris. Rigaud , 1719.

Le Chapelain (le P.). Sermons. Paris, 1768.

Lenfant (le P.). Sermons. Paris, 1818.

Le Nourry. Apparatus ad bibliothcc. Patrum. Paris, 1705.

M.

Malebranche. Recherche de la vérité. Paris, 1720.

Maréchal. Concordance des Pères des premiers siècles, 2 vol. in4°־.

Massillon. Sermons. Paris, 1761, parles libraires associés. Maury (Mgr. le card.). Essai sur l’éloquence de la chaire , édit. in-8°. Paris, 1810.

Molinier. Sermons choisis. Paris, 1750.

Montargon. Dictionnaire apostolique. Paris, 1767.

Montesquieu. Esprit des lois.

Morceaux choisis des protestans, par Caillot, in-8°. Paris, 1810.

N.

Neuville (le P. Charles FreyDc). Sermons. Paris, 1726. Nicéphore. Ilist.· ecclés., traduct. du présid. Cousin.

0.

Origenes adv. Celsum, edit. in-4°. Canlabr., 1698, 1 vol. in-4°, editor. Sigism. Galen, et Guill. Spencer.

— Opera, edit. Huet. Paris, 167g, et Genebrard.

— Hexaples , edit, ûlontfaucon, 2 vol. in-fol. 1715.

P.

Pacaud. Discours de piété\ 5 vol. Paris, 1767.

Perusseau. Sermons choisis. Lyon, 1758.

Petau. Doctr. tempor.

Petit-Didier. Remarq. critiq. sur la bibliotli. de Dupin.

Paris, 1691.

Platonis opera , edit. Bipont., 1787.

Pluquet (l’abbé). Dictionn. des hérésies.

Poulee (l’abbé). Sermons. Paris, 1781.

R.

Rivaz. Éclaircissement sur le martyre de la légion thébaine.

Paris, 1779.

Ruinart. Acta sincera et selecta martyrura, in4°־. Paris, 1689.

S.

Saurin (Jacques). Sermons sur divers textes de !’Écriture sainte. La Haye , !749·

Segaud. Sermons. Paris, !750, 1762.

Senauet (de !’Oratoire). Panégyriques, 5 vol. in-8°. Paris, 1660.

Socrate. Hist, ecclés. H. Valois. Paris, 1688.

T.

Tertuleiam opera, edit. Nie. Rigaull, in-fol. Paris, 1764·

55G      TABLE DES CITATIONS.

Tillemont. Mémoires pour servir à l’hist. ecclés. des six premiers siècles. Paris, 1701.

V.

Vassodlt, traduct. de l’ApoIog. de Tertullien.

Vincent de Lérins. Commonitor., edit. Baluz. Cum Sal-viano edilum. Paris, 16G7.

 

FIN DE LA TABLE DES CITATIONS.