XVIII. DE l’ornement DES FEMMES.
Ce traité est composé de deux livres : dans le pre-mier, Tertullien combat le luxe de la parure; dans le second, les recherches de la toilette (1)
(1) L’auteur l’explique lui-même : Cullum dicimus quem mundum muliebrem vacant : ornatum quem immundum muliebrem convertit did; ille in auro, et argento , et gemmis et vestibus deputatur; isle in cura capilli et cutis et earum partium corporis quœ oculos irahunt. Alteri ambilionis crimen intendimus, ailed prostilutionis. Lib. 1, cap. iv. pag. 172.
Le premier est le crime de la vanité, l’autre ce-lui de la séduction (2) ; tous deux également répréhensibles (Page17S.) dans la femme héritière du crime d’Eve, condamnée comme elle à la pénitence. O femme Λ a-t-il été dit, vous enfanterez dans la douleur 3 vous serez sous la puissance de voire mari* et il vous domi-nera. Eve, c’est vous: la sentence pèse sur tout le sexe, lapunition doit donc y peser également (3).
(2) Tertullien , qui, dès le commencement de ce livre , rappelle le début d’une des plus célèbres satires de Juvénal ( Credo pudici■ tiam, etc. sat. vi.), en retrace également dans plusieurs traits la mor-danle hyberpole. Ici, par exemple : Tu es diabolijanua... tu es quee eum persuasisti quem diabolus aggredi non ualuit. Propter tuum men-turn, id est mortem, c tiam Filius Dei mod habuil. Paroles que nous ne rappellerions pas si elles n’avoient fourni à un de nos prédicateurs cette belle peusée qu’il appuie de l’autorité de Tertullien. : « Mais la »mort de Jésus-Christ, qui est le plus étrange et le plus tragique évé-»nement, qui a étonné le ciel et la terre, qui a fait trembler les hommes »et les anges, n’a point d’autre cause que la légèreté d’une femme et ■ la facilité d’un homme. · Senault, Panégyr. de S. Jean-Haptiste, tom. it, pag. 4"8.
(3) Un ancien sermonnaire , aujourd’hui trop négligé , a transporte heureusement dans un sermon, sous le même titre, les principaux traits de l’ouvrage de Tertullien :״ Unde venis (demande le P. Le Jeune , s’adressant à tout le sexe)? Vous descendez de cette première Ève , vous avez hérité d’elle son sexe , sa faute, ses peines ; la femme a été la porte par où le diable est entré au monde ; elle a donne le fruit défendu, elle a été la première prévaricatrice de la loi de Dieu. Elle a induit au péché celui que Satan n’osoil seulement aborder; elle a ruiné l’homme qui étoit l’image de Dieu; elle a obligé le Fils de Dieu à mou-rir honteusement en croix... Pensez-vous n’avoir point de part aux at-tentats de cette première femme ? Hélas ! vous n’en sentez que trop les funestes effets : sans doute que vous en avez encourt! la colère, puisque vous en portez la peine. » Serm. lxi, loin. 1, 2e part. pag. 541 - Toutes ces pensées sont traduites de Tertullien.
L’antique simplicité des premiers âges ne comtois-soit pas ces raffmemens d’orgueil; la cupidité ne savait pas arracher l’or des entrailles de la terre , ni la vanité sourire à un miroir imposteur. (Chap ί.)
Renvoyez à la terre ces parures sorties de son (Page 172.) sein, et associées à sa malédiction. La matière qui les composées( d’une origine qui leur est commune avec les métaux les plus vils, mais aussi les plus utiles à l’homme ; elle n’entre point comme celle du fer et de l’airain dans la formation des instru-mens de l’agriculture et des arts nécessaires à nos besoins. Ces pierres si précieuses, où l’orgueil se trouve mêlé à l’or qui les enchâsse, ont-elles servi jamais à la construction de nos édifices? « Il n’y a que l’édifice orgueilleux du sexe idolâtre de lui-même qui les mette en œuvre (1). » La rareté seule (Page 1;5.) en l'ait le prix; ce qui est commun, on le dédaigne. ( Chap, iv, v. )
(1) Traduit par Laruc, Serm. sur le line des habits, dirent, 2(1·
Lesage auteur de la nature les avoit placées loin de nous au sein de contrées étrangères. On s’erfflamme du désir de les posséder; plus on en a, plus on en (Page 174·) veut avoir. Quelques cailloux représentent un im-mense héritage : une tête délicate peut étaler à tous les yeux la valeur de vastes domaines (1). Ce que c’est que l’orgueil d’être remarqué ! Le corps d’une femme est assez fort pour soutenir le poids de tant de trésors (2) ! ( Chap. VIII.)
(1) Uno lino, saltus et insulas tenera cervix circumfèrt. Bossuet tra· duit ainsi : « Qui porte en un petit fil autour de son cou des patrimoines entiers. » Serm. tom. 1v, pag. 465.
(2) Bossuet : « O ambition ! dit Tertullien, que tri es forte de pouvoi r porter sur toi seule ce qui pourrait faire subsister tant d’hommes mou-rans ! » Serm. tom. vi, pag. 254·
Le second livre présente bien plus d’intérêt. L’auteur y rappelle à tous les chrétiens les règles de la modestie chrétienne. C’est aux hommes aussi bien qu’aux femmes qu’il l’adresse (3).
(3) Eu salusnccJôeminarum modo, sed ctiam rirorumin exhibitions prtecipue pndicitiev est.
C’est pour tous un rigoureux devoir de la manifester dans tout leur extérieur ; nous sommes les sanctuaires de la divinité, consacrés par !’Esprit saint. A la porte du sanctuaire veille la pudeur qui ne permet à rien de ce qui est profane d’y pénétrer, sous peine d’en voir sortir la divinité qui y réside. ( Chap. 1. )
On borne communément le devoir de la pureté à la fuite des excès coupables. C’étoit là toute la vertu des païens.
Erreur (reprend Tertullien). La pureté' chre-tienne, seule parfaite, seule digne de ce nom, évite non-seulement ce qui est mal en soi, mais ce (pii peut être pour autrui l’occasion du mal. Le désir (Page !75.) de plaire par les agrémens de la beauté ne sau-roit être innocent. On sait trop bien qu’il ne fait qu’allumer dans les autres des désirs criminels (1).
(1) <t Tertullien le disoit, et le cœur de !,homme n’est pas changé. La vue d’une femme est un péril pour un homme ; la beauté, les grâces naturelles de ce sexe invitent comme d’elles-mêmes les hommes an mal : Naturaliter invitator libithnis. « Molinicr, Serm. chois, tom, 11. pag. 465.
On ne voudroit pas commettre le mal, pourquoi donc y exciter?
C’est pour chacun de nous un devoir d’impri-mer à toutes nos actionsun tel caractère de sainteté, de marcher de telle sorte dans la plénitude de la foi, que nous puissions nous répondre d’être sans reproche; toutefois sans jamais présumer de nos forces, car la présomption affaiblit la crainte, éloigne les précautions, multiplie les dangers. Il vaut bien mieux croire que nous pouvons tomber, que de présumer qu’on ne le puisse pas : qui est sans défiance est voisin de la chute. Pourquoi ex-poser autrui? pourquoi risquer d’allumer des feux déréglés ? vous devenez responsable du péché dont vous avez clé l'occasion. Apprenez donc que non-seulement vous devez repousser loin de vous toute recherche de parure, tout ajustement étudié, propre à relever vos agrémens naturels , mais que vous de-vez travailler à en affaiblir la dangereuse impression par la fuite de tout ornement (1).
(1) Molinier, Serm. chois, tom. 11, pag. 467, 468· M. Pane.évêq. de Sénez , Serm. sur la pudeur, tom. ut, pag. 82, et Serm. contre le luxe , tom. 11. pag. 155 et suiv. Le P. Lejeune . Serm. lxi sur les vains ornent, desfemmes, tom. 11, pag. 525. Le texte dit : Jam non tantum confictœ et elaborate pulchritudinis suggestum rccusandum a vobis scialis, etc. Segaud a lu libidinis au lieu du mot pulchritudinis, et traduit: ״ Autant de chairs parées de tous les agrémens de la passion. » Avent, pag. 252.
Ce n’est pas que la beauté soit un mal en soi, mais elle peut être un écueil et toujours un présent dangereux. (Exemple deSara, femme d’Abraham.) ( Chap. 11. ) Qu’elle soit la parure d’une belle âme ; que l’on puisse et la posséder et la voir impuné-Page !;g. ment. C’est la pudeur qui fait la sauvegarde de la beauté. Où il y a pudeur, la beauté n’est plus qu’un mol vide de sens. Le propre de la beauté, et sa conséquence, est dè fomenter les passions (2). Qu’elles aillent étaler leûrs charmes naturels, et suppléer à ce qui leur manque , celles-là qui ac-cordent si libéralement aux regards étrangers ce qu’ils leur demandent, et se prêtent si coin-plaisamment aux impressions qu’ils commun!-quent. Laissons-les se glorifier des avantages exlé-rieurs; mais le chrétien, s’il doit se glorifier dans sa chair, c’est quand il l’a mortifiée, endurcie dans les exercices du Seigneur, et non dans la coupable espérance d’attirer les regards et les soupirs des jeunes gens. Vous avez reçu la beauté en partage, femme chrétienne; oubliez-la, du moins ne cher-chez pas à !’augmenter, sachez plutôt l’éclipser. Empruntons un langage profane : contentez-vous de plaire à votre mari, vous serez d’autant plus sûre de lui plaire que vous affecterez moins de plaire aux autres. Pour qui donc entretiendriez-vous votre beauté? Pour le fidèle? il ne l’exige point. Pour l’infidèle? il ne la croit point sans intérêt. A quoi bon tant de frais pour plaire, ou à qui vous est sus-pect, ou à qui ne vous recherche pas? (Chap. V.)
(2) « C’est pourquoi le grand Tertullien soidiaitoit que’la beauté fût »bannie du monde , parce que le seul ellét qu’elley produit est Pinçon-»tinenceet l’impureté : Ubi pudictlia, ibi'yacua pulchritudo, quia *proprie usas et jructus pulchritudinis corporis luxuria.· Senault, Panégyr. tom. 111, pag. 55y.
Λ Dieu ne plaise que je vous commande un extérieur négligé. Ce que je veux, c’est une sage réserve, une modeste simplicité qui n’aille point au delà des ornemens nécessaires, au delà de ce qui plaît à Dieu. Reconnoissez l’œuvre de Dieu à ce qui est naturel, l’œuvre du démon à tout ce qui est artificiel. (Chap, vi.)
Avec toute l’antiquité sainte, Tertullien condamne, rigoureusement l’usage du fard, et par-là, de toule pa-rurc recherchée. Ses expressions sont pittoresques :
(Page >;;·) Combien n’est-il pas indigne du chrétien de larder son visage , lui à qui il est ordonné de pa-roître ce qu’il est! de mentir dans ses traits, quand il ne lui est pas permis de mentir dans son lan-gage ! de prétendre à ce qu’il n’a pas , quand on lui défend tout attachement à ce qu’il a! de provo-quer des désirs adultères, quand vous faites profes-sion d’être chaste (1)!.. Votre tête est-elle un autel pour la charger ainsi de fleurs ? Vous rougissez de la vieillesse : en la déguisant, vous l’accusez , vous laissez bien voir que vous regrettez ce temps de la jeunesse, qui fut celui de vos iniquités ; et que s’il y a dans vous quelque chose de grave , ce n’est pas à vous qu’il faut en savoir gré. Quel mécompte ! vous en êtes plus près du terme qui vous annonce la prochaine dissolution de cette maison terrestre qui doit être remplacée par une autre. Laissez se dépouiller d’elle-même cette tête peut-être chargée d’iniquités, peut-être destinée à des feux éternels! laissez-la se courber sous le saint joug de Jésus-Christ. (Page 1;8.) Ah! si, au jour de son rigoureux jugement, le Seigneur me permet à moi, à moi le dernier de ses serviteurs, de lever mon front par-dessus vos têtes humiliées, sera-ce avec ces couleurs emprun-tées que mes yeux vous verront sortir de vos sé-pulcres ? sera-ce avec ces frivoles ornemens que les anges viendront sur les nuées du ciel vous dépo-ser aux pieds du souverain juge?Non: rien ne ressus-citera de vous que votre chair toute seule (le torn-beau aura dévoré tout le reste). Montrez-vous donc aujourd’hui aux regards de Dieu tels que vous leur apparoîtrez alors. (Chap. Vil, VIII.)
(1) ITonientièies emploie l’autorité et les paioles de Tertullien pour combattre le même usage. Car. tom. 11, pag. 452, 455.
A la suite de la pudeur marche la gravité, qui l’escorte et la soutient. Elle doit régner dans le maintien, dans le langage; partout elle supplée à la beauté; elle en répare l’absence et la perte. ( Chap. JX. ) Dieu nous a appelés au christia- rage '79· nisme, pourquoi? pour modérer les excès du siècle et retrancher ses superfluités (1). » Sachons nous priver même de choses légitimes, pour nous tenir en garde contre les choses défendues. Dieu les met à notre disposition, comme un maître sage qui veut éprouver la fidélité de ses serviteurs, et s’as-surer de leur courage ׳à s’en abstenir. (Chap.X.)
(1) Casligando et caslrando sa:culo erudiniur a Dcmino. Trad, de Bossuet, Serm. torn, v, pag. 019.
Quels motifs auriez-vous d’étaler aux yeux cette pompe orgueilleuse, vous qui ne fréquentez rien de ce qui la rend nécessaire? י< La pompe n’est faite que pour être produite en public. Dès qu’on est seul, et qu’on n’a nul besoin de ses ornemens, on les oublie.» (2) (Chap, xi.)
(2) Fronjcntiërcs, Car. ton!. 11, pag. 25.|.
Ce n’est pas vous que l’on voit dans les assemblées des infidèles, ni dans leurs temples, ni à leurs spectacles. Ou recherche d’ostentation, ou trafic d’impureté, n’importe le motif des femmes païennes , elles n’y paraissent avec le désir de voir et d’être vues, que pour y rencontrer des hommes qui les admirent ou qui les achètent (1). ?Jais vous , jamais on ne vous vit hors de vos maisons ; que pour vaquer à des occupations plus sérieuses; c’est un malade à visiter sur le lit de la souffrance ; c’est le saint sacrifice qu’il faut of-frir, ou la parole de Dieu qu’il faut aller entendre. Que si des rapports de famille ou de société vous obligent à vous trouver près des gentils, pour-quoi ne vous y montreriez-vous pas avec l’armure qui vous est propre, afin de manifester la diffé-rence qu’il y a entre les servantes du Seigneur d’avec les esclaves du démon ?
(1) « Tertullien ne conçoit pas comment une femme qui succombe sous des attaques aussi foibles qu’est celle de la vanité des babils peut resister à des tentations plus violentes; et conclut hardiment que tout le luxe des femmes ne se termine qu’à acquérir une fausse et ridicule gloire , ou à faire un honteux trafic de leur propre corps : Aut ul luxu-ria iiegocictur, aul ut gloria insolescat. « l’romentiëres, Car. tom.11 , pag. 255.
« Mais, dit-on , ces singularités exposeront le nom chrétien aux censures et aux blasphèmes des infidèles (2). מ
(2) M. l’ancien évêque de Sénez : « Ne répondez point : Mon cœur est pur, et malheur ;1 qui st scandalise, etc. » Serm. tom. ni, pag. 78.
Retenez-en donc aussi les mœurs. La redoutable censure que celle à qui I on entend dire: Telle s’est faite chrétienne ; depuis ce temps, elle est d’une mise qui approche de la pauvreté. Plus riche de-vaut Dieu, vous alarmeriez-vous d’être pauvre aux yeux des hommes? Mais à qui devez-vous plaire? aux gentils ou à Dieu ?Le seul intérêt qui doive nous occuper, c’est de ne point donner lieu par notre faute à des blasphèmes. Or, combien ne les au-toriseriez-vous pas, dames chrétiennes consacrées au culte de la pudeur, si l’on vous voyoit affecter les parures mondaines de celles qui n’en connois-sent pas les lois! Eh! qu’auroient de moins que vous ces déplorables victimes de la prostitution publique, aujourd’hui que la dépravation des mœurs toujours croissante , se jouant des lois qui leur in-terdisoient les ornémens réservés aux mères et aux citoyennes , a fait tomber toutes les différences qui les en séparoient? Que l’on sache du moins si vous êtes honnêtes , ou si vous ne l’êtes pas. (Chap. ΧΠ.)
« Mais que m’importe l’approbation des hommes? (Page 18t.) ne me suffit-il pas d’avoir Dieu pour témoin?»' Oui, sans doute ; mais l’Apotre veut aussi que notre modestie soit connue de tous. (Phil. iv. 5.) Et pourquoi, si ce n’est pour que la malignité n’ait aucune prise sur vous? pourquoi ? pour servir d’exemple et de témoignage aux méchans. Il est dans la nature du bien de se faire voir, comme de la lumière de briller. La pudeur chrétienne veut paraître ce qu’elle est: telle doit être sa plénitude, qu’elle déborde de l'âme à tout ce qui l’environne.
«Piéduisons en servitude l’appétit de ces voluptés qui, parleurs délicatesses, rendent molle et effé-minée cette mâle vertu de la foi (1). » Je doute fort que des mains accoutumées à porter de riches bracelets fussent capables de porter le poids des chaînes, que des membres ornés de bandelettes pussent soutenir les tortures, et qu’une tête toute couverte de pierres précieuses consentît à livrer passage au tranchant du glaive (2). Occupons-nous à de plus rudes exercices, et nous ne sentirons plus les autres. Tenons-nous prêts aux plus vio-lentes menaces, et il n’y aura plus rien dont la perte nous alarme. Foulons sous les pieds les vains ornemens de la terre , si nous aspirons à ceux du ciel. N’ayez pour l’or que du mépris; re-poussez loin de vous ce qui a perdu les généra-lions passées, ce qui fut l’objet du culte des hommes après qu’ils eurent abandonné Dieu. Les seuls ornemens permis aux chrétiens, c’est la pu-deur, la simplicité, les vertus domestiques, les œuvres de miséricorde. Avec une semblable parure, vous êtes assurés d’obtenir le cœur de Dieu(i). Chap. X1I1.)
(1) Trad, de Bossuet, Panégy r. pag. 44444 ,כ־·
(2) Imité par Massill. Confer, tom. 1, pag. 225:0 Quels talens ,etc.» L’abbé Clément , ( Avent, pag. 274):« Quoi! s’il s’agissoit de rendre témoignage à Jés11s-C11ri<t, vous endureriez, les tournions , etc. »
(1) Si l’on veut une traduction plus exacte de cette péroraison, 011 la trouvera dans le sermon lxi du P. Lejeune , Contre les vains ontemens, tom. 1, part. pag. 5/(.5, 5|6.
XIX. QUE LES VIERGES DOIVENT ÊTRE VOILEES.
Rien ne peut prescrire contre la vérité', ni le (Page >9 י־■) laps du temps, ni l’autorité des personnes, ni les privilèges et les coutumes des lieux. Les coutumes tirent pour la plupart leur origine ou de l’ignorance ou d’une grossière simplicité ; l’usage les accrédite avec le temps, et elles finissent par pré-valoir contre la vérité. Mais notre Seigneur Jésus-Christ ne s’est pas appelé la coutume, il s’est ap-pelé la vérité (2). Si Jésus-Christ est dans tous les temps, il est donc avant tout. La vérité est, comme lui, éternelle avant tous les temps.
(2) Lame , Avcnt, pag. 232 ; Car. tom. 11, pag. 11.
Point d’ignorance qui soit innocente et sans danger. Ce que l’on ignoroit il fallait le chercher, comme il faut conserver ce que l’on a découvert. La règle de la foi est une, seule immuable, seule au-dessus de toute réforme ; qu’elle demeure in-tacte : le reste, qui n’est que de discipline, peut être modifié, sous la direction de la grâce divine qui exécute et achève son œuvre. Les choses n’arrivent que progressivement. Cet arbre n’a pas été tout à coup ce qu’il est; ce fut d’abord un simple grain qui pousse son germe , et de ce germe est provenu l’arbuste; successivement se sont développées des brandies revêtues de fleurs et de feuilles , et voilà l’arbre forme'. Au sein de la fleur étoit déposé le fruit qui lui-même a ses commencemens, sans forme et sans saveur, croît peu à peu, se perfec-tionne, et s’adoucit en mûrissant. De même dans la religion , qui, comme la nature, reconnoît Dieu pour auteur, aux premiers élémens d’une loi na-turelle, bornée à la seule crainte du Seigneur, succédèrent la loi et les prophètes ; ce fut là le (Page ! <)3.) premier âge de la religion. L’Evangile est venu la porter à l’adolescence. Maintenant !,Esprit saint lui imprime le sceau d’une maturité absolue. (Chap. 1.)
Après cet exorde Tertullien entre en matière. Il ne met point de différence entre regarder et aimer à être vue (1).
(1) «La même passion qui nous fait désirer de voir nous fait désirer »d’être vus, et ces deux désirs, venant d'une mêmecause, nous rendent »également criminels devant Dieu : Ejusdem hbidims est videre cl ·videri.· Senault, Panégyr. torn. 111, pag. 459.
On ne recherche que pour être remarquée. Il est aussi naturel à l’homme chaste de rougir à l’aspect d’une vierge, qu’à celle-ci d’éprouver de l’embarras quand ses regards se rencontrent avec ceux d’un homme chaste. ( Chap, il.)
Telle est la définition qu’il donne du scandale :
Le scandale, si je ne me trompe, n’est pas (Page !9!.) l’exemple d’une bonne chose, mais d’une mauvaise, qui porte au péché (1). Les bonnes choses ne scandalisent que les esprits de Iraversj comme la modestie, la pudeur, le mépris de la gloire, le désir de ne plaire qu’à Dieu seul, sont choses bonnes de leur nature, quiconque s’en scandalise recommit par lui-même que le mal est en lui seul.
(1) « Le scandale suppose l’exemple d’une chose mauvaise : Exem-plum rei malœ, œdificans ad delictum. »Molinier, Serm. chois, tom. 11, pag. 95. « Coucevez-en la raison, elle est de Tertullien : e’est que tout «pêché que l’on voit est un exemple pour ceux qui le voient; or tout »exemple de péché est péché de scandale. » Ch. de Neuville , Avent, pag. 359.
Toute vierge qui se montre s’expose à ne l’être plus. O mains sacrile'gcs qui ont pu de'pouiller nos vierges du voile qui les consacroit au Seigneur! Que pouvoit oser de plus le perse'cuteur le plus déclaré ? En lui enlevant ce qui faisoit la noble parure de son front, vous la dégradez à ses propres yeux; elle a cessé d’être vierge. ( Chap. IV.)
Tout ce livre est plein de ces mouvemens hardis, de ces sentences graves et profondes, si familières à Ter-tullicn. Il en est de sa morale comme de son éloquence, que Balzac appeloit étrangère (2). Souvent outrée dans ses applications, elle n’est plus qu’exacte quand elle est réduite aux simples conseils de la perfection évangéli-que. Sa méthode est de mêler à une argumentation vive, brillante d’images et animée par !’interrogation, de ces élans en quelque sorte prophétiques qui réveil-lent l’attention , comme les éclats brusques de la trom-pette au milieu du silence d’une marche militaire.
(2) Lib. v, Leltr. 11 à Nie. fligaut, l’éditeur de Tertullieu.
Lève-toi donc, ô vérité, lève-toi ! fais retentir tes accens long-temps comprimés : Exsurge igilur, ve-rilas ! exsurge , et quasi de patienlia erumpe (1). (Chap, ni.)
(1) Application par Bourdaloue :a J’ose croire que Dieu manquerait ״au premier de tons les devoirs dont il se tient comme responsable à »lui même, s’il souffrait que la vérité demeurât éternellement obscur-»cie, cachée, déguisée. U faut qu’il lui rende une fois justice; et » qu’après s’être lassé, pour ainsi dire, delà voir dans les ténèbres de ״!’aveuglement du mensonge où les hommes la retiennent, il l’en fasse ״sorti! avec éclat, suivant cette admirable parole de Tertullien: » Exsurge ,veritas! etc. »Serin, sur le jugent. de Dieu, Dominic, torn. 1, pag. 425· Jolyenfait un heureux emploi, en l’appliquant à la sainte eucharistie : Exsurge, veritas ! etc., disoil Tertullien dans une autre occasion que je puis appliquer à celle-ci : « Vérité de !non Dieu présent ״sous les espèces du pain et du vin, sortez de ces mystérieuses ténè-»bres,et de ce profond silence on vous étiez enveloppée. » Dominic. torn. 111, pag. 156. Et Bossuet, original, même quand il imite, <C0n-»science captive , parle, il est temps de rompic ce silence violent que Ί’οη t’impose. » Serin, tom. vi, pag. 2׳j5.
(Page !οι.) On n״us oppose la nature, comme si le Dieu de la nature étoit autre que celui que nous ado-rons. ( Chap. XII. )
(pa׳re 202.) Pourquoi nos vierges se découvriroient-elles ? dtles-le-mot ; pour se faire voir aux yeux des frères, on à ceux deDieu ? Dieu connaît aussi bien ce qu’il y a de plus secret. Le désir de n’être pas cachée aux yeux des hommes est donc un manque de pudeur. Vous avez beau vouloir vous sauver par l’intention , en se prodiguant on s’expose. La rencontre fré-quente des regards étrangers, les trop vives affec-tions que Ton fait naître, les familiarités qui suivent, deviennent autant d’étincelles dont l’ardeur en se communiquant affaiblit le sentiment de la pudeur, et amène le désir de plaire à d’autres encore qu’à Dieu. (Chap. XIV.)« La virginité est si délicate, qu’elle appréhende les yeux des autres et les siens propres; elle se cache à ses compagnes et à elle-même ; elle redoute de se voir et d’etre vue. Elle sait bien que, tandis qu’elle ne s'aimera pas , elle ne se mettra point en devoir de se faire aimer des autres. La vierge qui aime sa chasteté a recours au voile comme à un casque , ou comine à un bouclier, pour se défendre contre les assauts des tentations, (Page 20') contre l’éclat des scandales, contre le bruit sourd des soupçons et des médisances secrètes, contre les coups de la jalousie et de l’envie , reconnais-saut bien qu’il est impossible d’être belle et de se montrer sans se faire du mal à soi-même, et sans en faire à tous les autres (1). » (Chap. XV.)
(1) Senault, Panégyr. ton!, ni, pag. 458.
L’opinion que je défends a pour elle !’Ecriture , la nature , la discipline. L’Ecriture a établi la loi, la nature la justifie , la discipline la commande.
Le même Dieu a fait !’Ecriture, la nature et la dis-cipline.
Qui que vous soyez, mère, épouse , fille , soyez modeste dans votre parure. (Couvrez votre tête d’un voile.) Mère, par égard pour vos enfans ; épouse, en considération de vos frères; fille, par honneur pour vos pères. « Point d’àge ni de con-dition qui ne soit en danger de se perdre en vous regardant. Si donc vous déférez âmes avis, pre-nez un voile qui serve de défense à votre pudeur, de bouclier, de boulevard à votre pudicité, de bastion à la faiblesse de votre sexe, et qui vous empêchant d’être vue par les autres, vous empêche aussi de les voir, puisque leurs regards vous sont aussi préjudiciables que les vôtres leur sont dangereux (1).» (Chap, xvi.)
(1) Senault, Panégyr. tom. 111, pag. 45y.
Ce sont des conseils que lui lègue Tertullien dans le pressentiment d’une prochaine séparation (2). Ils ne doivent être cités dans nos chaires qu’avec précaution. L’on commence à y reconnoitre cette morale outrée qui bientôt précipita l’auteur dans les erreurs des mon-tanistes, et qui, en exagérant la sévérité de la loi, ne la viole pas moins que le relâchement.
(2) Tibi eliam solatioJuturayquod meant niemoriam, siita evenerit, in illis Jïequenlabis (lib. ז, cap. ultimo). Dèb l’abord : Dignum duxi, quid tibi seclanduni sit post decessutn de sœculo nteum, si prior tejùero vocatus, jam hinc proridere. cap. 1.
La question qu’il agite est celle des secondes noces.
Il est indubitable que !a doctrine constante des pre-miers siècles fut que les chrétiens mariés une fois ne se croyaient pas permis de l’être une seconde. Cette opi-nion, fondée sur l’estime que l’on donnoit à la chasteté du corps et de l’àine, facilement répandue parmi des hommes toujours prêt^à quitter la vie, expeditum morti genusי offrait un argument sans réplique contre la calomnie qui rcprochoit aux chrétiens leurs mœurs privées. Aussi tous nos apologistes ne manquoient-ils pas de s’en prévaloir comme d’un fait authentique. Athénagorc va jusqu’à prononcer que les secondes no-ces étoieut regardées comme une sorte d’adultère : se-cundai quippe speciosum sunt adulteriuin : et ce qu'il ajoute à ces paroles lève toute équivoque sur le sens rigoureux qu’il y atlachoit. Théophile d’Antioche, Minu-tins Félix , Clément d’Alexandrie et Origène répètent le même sentiment. S’étonnera-t-on que le zèle de Ter-tullien fait porté à soutenir une doctrine qui se recom-inandoit par de si graves autorités, et que nous verrons encore après lui soutenue par les hommes de la plus haute vertu, tels que saint Jérôme et saint Grégoire de Nazianze?
LIVRE PREMIER. Nous ne manquons pas commu- (Page !S3,) nément de prévoyance quand il s’agit de ménager nos intérêts temporels, d’assurer notre succession à nos amis ou à nos parens. Mais l’héritage de la vertu et de la piété on s’en embarrasse peu , et c’est là un désordre où il ne nous est pas permis à nous de tomber. Je veux donc des à présent vous lais-ser les avis qui vous sont nécessaires et pour le repos de cette vie et pour le bonheur de l’autre (Chap. J.)
Comparant le mariage avec la virginité, d'après les (1. Cor. v!״.) paroles de !’Apôtre :
Ce que Ton ne fait que permettre n’est pas bien; en le permettant on le rend suspect; car ce qui est mieux, on ne dit point qu’on le permette , parce qu’il ne s’élève nul doute sur sa légitimité; elle se manifeste d’elle-même. Il ne faut donc pas se porter à certaines choses parce qu’il n’y a point de loi qui les prohibe, bien qu’elles semblent l’être par cela seul qu’on leur en préfère d’autres ; car on ne préfère une chose à une autre qu’en improuvant celle-ci comme lui étant inférieure. De ce qu’une chose n’est pas mauvaise, on au-roit tort de conclure qu’elle soit bonne. Ce qui est explicitement bien non - seulement ne nuit pas, mais il est utile; donc ce qui vaut mieux est ce qui doit être préféré à ce qui n’est que permis. Le premier suppose des combats et des triom-phes, l’autre n’est qu’une concession sans victoire. (Chap, ni.)
(Page 185.) On allègue le mot de !’Ecriture, que la chair est (Maith, ״״.) foible. On n’ajoute pas avec elle , et l’esprit est fort; on s en tient a ce qui flatte ses penchans secrets. Oui, la chair est foible ,parce qu’elle vient de la terre ; 1 esprit est ferme, parce qu’il a son principe dans le ciel. D’où vient donc que nous sommes si complaisons à nous excuser, si faciles à nous re-trancher dans notre foiblesse plutôt que de nous armer de notre force? Pourquoi les choses de la terre ne le cederoicnt-elles pas aux choses du ciel (1)? S’il est vrai que l’esprit soit plus fort que la chair parce qu’il vient de plus haut, ne nous en prenons qu’à notre lâcheté quand nous sommes foibles (2). (Chap, ιν , v. )
(1) Tous nos prédicateurs, Bourdal. Serm. sur la rechute, Dominic. tom. iv. pag. 94· Ch. de Ncuv. sur le péché mortel, tom. iv, pag. 265.
(2) Reproche que Tertullien se faisait encore â soi-même. Nous avons, disoit-il, une chair terrestre et animale qui nous porte au péché; mais nous avons en récompense une âme toute spirituelle et toute cé-leste qui nous élève à Dieu. Pourquoi donc nous exposer toujours par ce qu’il y a dans nous de fragile , sans considérer jamais les forces de la nature et de la grâce , de la raison et de la loi, de la conscience et de la icligion , dont nous avons été pourvus? Cur ergo acl excusalionem quœ in nobis injirtna sunl opponimus, el qua: forlia sunl, non memoramus?
Éloge des vierges.
Belles aux yeux du Seigneur, toujours jeunes (Page 184.) pour lui, elles vivent pour lui, s’entretiennent familièrement avec lui. Elles le possèdent jour et nuit, lui font de leurs prières une dot ; et re-çoivcnt en échange du divin époux sa grâce pour douaire, et !’accomplissement de tous leurs vœux.
Telles sur la terre que les anges dans le ciel, qui ne (Marc. x!. 25.) connaissent pas les liens du mariage, elles scm-blent être dès maintenant entrées en possession du don de Dieu, et participer à la famille des es-prits bienheureux. (Ibid.)
( « Les objections que combat Tertullien sont .־ qu’une veuve sans appui, sans protecteur, sans crédit, sans autorité, a peine à gouverner sa famille, à défendre son bien de l’injustice et de l’avidité (les méchaus. Il répond en demandant à son tour:) Si l’on est sans appui, quand on ne s’attache qu’à Dieu ; si l’on est abandonné, quand on a le Seigneur même pour protecteur; et ce qui peut manquer de nécessaire et d’important à une veuve chrétienne, sinon la persévérance et une forte résolution de demeurer toujours vierge. 11 est vrai, ajoute-t-il, que le désir de voir son nom soutenu et étendu par une fertile postérité est une grande raison pour bien des gens ; mais cette raison n’en est point une pour les chrétiens qui sont persécutés si cruelle-ment dans tout l’empire, qui ont tant de peine à se sauver, qui sont si souvent obligés de s’enfuir, qui doivent être libres et détachés de tout, et qui ne peuvent avoir des enfans sans en appréhender mille fois ou l’infidélité, ou la mort, ou l’apostasie ou le supplice (1). »
(1) Analyse par Duguct, Conférences, 10m. 1, Dissert, vm, pag. 155.
« Combien n’avons-nous pas de chrétiens que le baptême et le saint amour des biens célestes engage dans le célibat ou retient dans le veuvage ? Deux personnes qui aiment plus la chasteté qu’elles ne s’aiment elles-mêmes, ne doivent-elles pascon-fondre celles qui passent à de secondes noces, et qui témoignent par-là qu’elles n’ont véritablement aimé ni celui qu’elles pleurent, ni la chasteté qu’elles ne pleurent pas (1)? מ (Chap. VI.)
(1) Analyse par Duguet, Confer. turn. 1 ; Dissert,, vin, pag. 135.
Dieu en vous séparant de votre époux, abroge (page 18g.) par cela même votre mariage ; car il avoit ses vues en l’appelant à lui. Pourquoi donc aller contre sa volonté? pourquoi renouer des liens qu’il a rom-pus? Quand c’est lui qui vous affranchit, pourquoi vous remettre sous le joug? (Chap, vu, VIII. )
Livre second. Tertullien paroît y revenir à un avis plus mitigé. Dans le cas où sa femme, après lui, vou-droit se remarier, du moins que ce ne soit pas avec un infidèle.
Saint Paul ne le permet pas : La femme devenue , (Cor V11) libre par la mort de son époux peut se marier à qui °θ· elle voudra, pourvuque ce soit selon le Seigneur : sen-tence claire, exprimée avec la précision ordinaire à la parole divine, avec l’autorité qui commande la soumission, et laisse entrevoir la foule de dangers qui s’attachentà ces sortes de mariages,profanation réelle, d’un corps dont !’Esprit saint avoit fait son sanctuaire. Tout fidèle contractant mariage avec un païen se rend criminel, et doit être retranché de la communion chrétienne (2) ! Osera-t-il au jour du dernier jugement produire ce contrat engage' contre la défense expresse du Seigneur? Qui doute que la foi ne s’efface peu à peu par la fre'quente communication avec un infidèle? Les mauvaises (1 Cor. XV.) conversations corrompent les bonnes mœurs : a plus forte raison la fréquentation et la société ha-bituclle. L’épouse fidèle est tenue d’obéir à la loi de Dieu ; attachée à un époux qui ne la respecte pas, (Page >«9) comment pourra-t-elle servir à la fois Dieu et son époux, et encore un époux païen? Par déférence pour celui-ci, il faudra donc qu’elle suive avec lui des institutions profanes, qu’elle consente à des parures et à toutes les vanités mondaines, qu’elle se rende l’esclave de ses lubriques caprices, que , pour lui plaire elle souille la sainteté du lit nup-liai? Où trouvera-t-elle le loisir de vaquer aux exer-cices de la piété chrétienne, asservie aux volon-tés d'un maître qui la traîne où il veut? Ira-t-elle , avec sa permission, assister les frères, visiter et parcourir les réduits de l’indigence , s’arracher durant la nuit à ses côtés pour aller se réunir à la célébration de la pâque , participer soit à la table du Seigneur, soit à nos agapes fraternelles, que le païen ne connoît que pour les calomnier ? Quel mari païen y consentirait ? en est-il qui permît à sa femme de descendre dans les cachots pour y baiser les chaînes de nos saints confesseurs, leur laver les pieds, donner et recevoir le baiser de paix, remplir tous les devoirs de l’hospitalité en-vers les étrangers; toutes obligations qui nous ex-posent à la haine des infidèles. La voilà doncréduite à la dangereuse alternative , ou de violer sa foi en la dissimulant, ou de troubler la paix domestique en excitant les soupçons et les persécutions de son époux. Eh! le moyen de cacher à sa curiosité les (pngc !90.) signes de croix que vous imprimez sur votre lit et sur votre corps ? de n’en être pas aperçue quand vous chassez, par votre souffle, la malignité de l’es-prit impur, ou que vous vous levez durant la nuit pour prier? ne lui semblera-t-il pas ( comme on en accusait alors les chrétiens ) que ce soit pour vous livrer à des opérations de magie? Comment dero-ber à sa vue ce que vous prenez secrètement avant toute autre nourriture ? Et s’il vient à le découvrir, n’imaginera-t-il pas que c’est ce pain mystérieux trempé dans le sang (1)? Et alors quelles alarmes, quels soupçons! il ne rêvera que meurtres et em-poisonnemens ; ou bien s’il n’éclate pas, quelle idée se fera-t-il d’une épouse livrée à de pareilles occupations ? Combien de ces épouses infortunées n’ont reconnu le malheur de leur imprévoyance que par le sacrifice de leur repos ou la perte de leur foi ! Tout , entre époux semblables , devient étranger , tout ennemi, tout sujet à condamnation, et matière de scandale (1).
(2) Geutiliuni matrintonia subeiinles stupri reos esse constat, et arcendos ab omni contmunicalione Jralcrnilatis. Ce qui est confirmé par le canon xi du premier concile d’Arles, cl le quinzième du concile d’Elviic.
(1) Voy. V Apologétique , ebap. vm. tom. 11 de cet ouvrage, pag. 348.
(1) Fromentières a traduit en grande partie cet éloquent morceau dans un de ses panégyriques. ( Serm. tom. 1, pag. 5 19.) Segaud a fait une heureuse application de ces mouvemens à la vie des gens du monde. Car. tom. 1, pag. 35g.
(Page 191.) Je trouverais difficilement des paroles qui ex-priment bien toute l'excellence et le bonheur des mariages chrétiens. L’Eglise en forme les nœuds ; l'offrande de notre auguste sacrifice les confirme; la bénédiction du prêtre y met le sceau ; les anges en sont les témoins; le Père céleste les ratifie (2).Quelle alliance que celle de deux époux chrétiens, réunis dans une même espérance, dans un même vœu, dans une même règle de conduite et la même dé-pendance! Ils ne forment bien véritablement qu’une seule chair qu’anime une seule âme. Ensemble ils prient, ensemble ils se livrent aux saints exercices de la pénitence et de la religion. L’exemple de leur vie est une instruction, une exhortation, un sup-port mutuel. Vous les voyez de compagnie à l’é-glisc , à la table du Seigneur. Tout est commun en-tre eux, les sollicitudes , les persécutions, les joies et les plaisirs. Nuis secrets, confiance égale, em-pressemens réciproques , ils n’ont pas à se cacher l’un de l’autre pour visiter les malades , assister les indigène, rc'pandre leurs largesses , offrir le sacri-ficc, vaquer assidûment à tous les devoirs, sans réserve et sans contrainte. Rien ne les oblige à dis-simuler ni le signe de la croix ni Faction de grâces: leurs bouches libres comme leurs cœurs font re-tentir ensemble les pieux cantiques. Point d’autre jalousie que celle à qui des deux servira le mieux le Seigneur. Tels sont les mariages qui font la joie de Jésus-Christ, ceux à qui il donne sa paix ; il n’en est point d’autre légitime, ni permis aux chré-tiens.
(2) La plupart des rituels ont emprunté ces éloquentes paroles dans les exhortations qu’ils adressent aux epoux recevant la bénédiction nuptiale. Voy. Pastorale parisieiise D. dcJuigné, torn, m, pag. 277.
Chez les peuples où la vigueur de la discipline s’est maintenue, les esclaves n’ont point la per-mission de se marier hors de leur pays. « Les raisons de cette politique sont assez naturelles. Parce que la chasteté est la plus grande ennemie de l’oisiveté, la défense du mariage obligeait jus-tement à une vertu qui fuit le repos et qui cherche le travail ( 1 ). »
(1) l'romenticres, Serm. tom. 111, pag. 246. A l’autorité de Ter-tullien il joint celle de Tacite; et qui l’amène à cette induction :«c’est par une politique aussi judicieuse que le grand S. Benoît, et les fou-dateurs des autres ordres, à son exemple, ont voulu que tous leurs disciples fussent chastes. Ils ne voulaient point fournir à Jésus-Christ de soldats qui ne fussent vigilans et robustes, etc. Scilicet ne in lasci-viam excedant, officia deserant, dominica extraneis promant.
Il est difficile d’etre riche , et d’être chrétien : Difficile in domo Dei dives (2).
(2) « Sans donner ici dans l’excès de l’austère Tertullien qui a paru rejeter de la profession de l’Evangile les riches du monde , je demande à tant de riches »’ils se croient, ou par l’usage de leurs richesses, ou par la disposition de leur cœur, les disciples de Jésus-Christ pauvre.· Molinié! , Serm. chois, tom. 111, pag. 451.
XXI. EXHORTATION A LA CHASTETE.
Même sujet que dans les livres à sa femme. Il censure les secondes noces avec encore plus de sévérité: car ici il les condamne presque à l’égal de l’adultère (1).
(1) Non alitai dicendum est secundum malrimoninm , ף nam species slupri. cap. vm.
(p.-igi664 ׳. ) Se rengager quand on est veuf, c’est aller contre les décrets de Dieu. Dieu ne vouloit plus que vous fussiez dans les liens du mariage , puisqu’il les a rompus : en les renouant » vous vous mettez en ré-volte contre lui. (Chap. II.)
(Page 665.) Quand nous péchons, c’est bien moins au démon que nous devons nous en prendre, qu’à notre vo-lonté propre. Il nous a fourni l’occasion, il n’a pas déterminé notre volonté: c’est elle qui a choisi, et qui s’est portée au mal. (Chap, in.)
(669) (Dans l’opinion de Tertullien , c’est faire le mal que de ne pas faire le mieux possible. Son zèle outré ne voit qu’un rigoureux précepte , là où saint Paul ne donne qu’un conseil; et dans les permissions qu’il accorde, que des épreuves aux-quelles il met la fidélité- (Chap. V11J.)
A l’en croire, le mariage en lui-même ne seroit pas exempt de blâme; encore adoucissons-nous ses exprès-sions, car il ne fait pas difficulté de prononcer que Pacte en est le même que celui de la prostitution (1). (page 670.)
(1) Commixlio cartiis scilicet, cujiis concupiscenliani Dominus stupro adœ<]tuwil ; cap. ix. Voy. Duguel, Coiifer. tom. 1, pag. 13p.
L’une et l’autre remontent à une source commune, la concupiscence. Vous épouserez une , deux fois; quand finirez - vous ? apparemment quand vous aurez cessé de vivre. ( Chap. IX. )
Ramenées à leur principe général, les propositions suivantes deviennent le commentaire le plus légitime des paroles de !,Apôtre , quand il recommande de prier (j?p!u Vl )en tout temps.
« La prière part de la conscience. Si vous avez honte de votre conscience, ayez honte de votre prière (2). » S’il y a des dangers pour le salut dans un premier mariage , à plus forte raison dans un second (3). (Chap. x. )
(2) Trad, de Bretteville, Essais de serm. tom. 1, pag. 377.
(3) Voyez le développement de cette proposition, dans la 3e part, du serm. de Bourdal. sur VËtaL du mariage , exposé avec la rigoureuse exactitude qui fait l’un des grands mérites de cet excellent prédicateur. Dominic, tom. !,pag. 103.
Je sais trop de combien de prétextes nous co-1 orons nos foiblesses. Oubliez-vous aussi que vous êtes soldats, et dans quelle milice vous êtes en-rolés, quel prince vous avez l’honneur de servir? Qu’eles-vous dans ce monde , autre chose qu’un étranger?... Vous demandez une postérité? que fait à un chrétien l’avenir de la terre ? Des héri-tiers ? quand, par une solennelle renonciation au monde, vous vous êtes déshérités vous-mêmes.
Tertullien va chercher jusque dans le paganisme des exemples de la préférence accordée à la virginité sur le niariaçe, et de femmes oui ont sacrifié la virginité à la chasteté (1).
(1) La Colomb. Serm. 10m. 11, pag. 2$2.
(Page C72.) Ainsi Je démon, après avoir fait de l'impureté une source de corruption, a trouvé le secret de rendre la chasteté elle-même dangereuse ; en sorte que le chrétien qui la viole en devient plus cou-]!able (2). (Chap.dern.)
(2; ״ N’est-ce pas une conclusion bien solide et bien vraie que celle de Tertullien : Que dans la lui nouvelle, dans cette loi qui nous lie si étroitement à Dieu , qui nous donne avec Dieu uue communication si intime , si nous sommes pêcheurs, notre péché nous rend beaucoup pluscondamnables au tribunal de Dieu, et plus redevables à sa justice ?» Bourdal. Dominic, tom. 1v, peg. ~6.
Tertullien y répète les mêmes erreurs, quoique avec moins d’emportement. Tenons-nous à quelques géné-ralités que l’on ne contestera point.
(Page 682.) Ce qui fut permis dans !’Ancien Testament ne l’est plus dans le Nouveau. Autre est la figure , autre laréalité. La figure ne fut que pour un temps; la réalité embrasse tous les temps. La figure passe du moment où elle est accomplie ; elle annonce la loi : la réalité la fixe, la détermine , et la rend ir-révocable. (Chap. VI, )
Nouveau témoignage dans ce livre pour les prières en laveur des morts (1).
(1) Voy. plus haut, t. 11, p., 4^9» not. 2. Livre de la couronne, ch. 111.
La mort vous a séparée de celui à qui le mariage (Page 682.) vous avoit uni. Que faites-vous? Vous priez, pour le repos de son âme ; vous demandez à Dieu de lui donner un Heu de rafraîchissement et de paix , de vous réunir à lui au jour de la résur-rection. Vous en célébrez l’anniversaire par l’oblation de la prière, et de l’action de grâces (c’est-à-dire du sacrifice eucharistique). (Chap, x.)
11 rappelle de nouveautés exemples de chasteté don-nés par des femmes païennes, entre autres ceux de Di-don et de Lucrèce (2).
(2) De même, La Colombière, citant Tertullien , Serm. tom. 11, pag. 242.
Rougis, ô chair qui as revêtu Jésus-Christ! (Page 688.) Erubesce caro quæ Christum induisit!
Tertullien ajoute , avec cette austérité qui accom-pagne son éloquence , qu’il est plus aisé de mourir une fois pour la chasteté que de vivre toujours avec elle, et qu’il est moins difficile de combattre la douleur que la volupté.« Si bien qu’au jugement de ce grand homme, qui avoit tant de passion pour cette vertu , il est plus malaisé d’être continent que d’être martyr, et il faut plus de grâce pour conserver la virginité pendant la vie que pour triompher des tyrans jusqu’à la mort (3).«
(3) Senault, Panégyr. de la sainte Vierge, Panégyr. tom. 1, pag. 5. Majus est vivere in castilate, quam pro eu mort. Le vrai teste porte , facilius est.
XXIII. LIVRE DE LA PUDICITE.
La doctrine de ce livre tient encore de celte morale outrée qui faisait le caractère des inontanisles (1). Ter-tullien y enlève à !’Église, sinon explicitement, du moins par ses restrictions (2), le pouvoir de remettre les pé-chés des fornicateurs et des adultères. Une fois tombé dans le crime après le baptême, on ne peut plus, dit-il, être admis à la communion des fidèles, quelque péni-tence que l’on fasse.
(1) « Tertullien se scandalisa, quoique très-mal à propos, de ce que le souverain pontife n’interdisoit pas l’usage pour toujours des saints mystères aux simples fornieateurs, n’estimant pas que nulle salisfac-tion , de quelque nature et de quelque durée qu’elle fût, pût jamais les rendre assez purs pour se rapprocher de ce sacrement.» La Colomb. Serm. tom. 11, pag. 55.
(2) Voy. les remarq. criliq. de D. Petit-Didier, sur la BibUoth. ecclés' de Dupin, t m. 1, pag. 188 et suiv.
(Pag. 715,) Éloge de la pudicité. Tertullien l’appelle la fleur des mœurs , l’honneur du corps , la gloire des deux sexes, le fondement de la sainteté. Il se plaint qu’elle commence à devenir rare ( dans le sens rigoureux qu’il y attachait). « La vertu, ou ne germe plus, parce que la semence en est gâtée , ou germe inutilement, parce qu’on ne la cultive point. Les lois ne peuvent l’inspirer; celles de !’Evangile sont oubliées, celles de !’Eglise ne rendent plus qu’un son impuissant (3).» On la fait consister aujour-d’hui, non plus à triompher de ses passions . mais seulement à en modérer l’excès ; et pour avoir la réputation d’être chaste, il suffit de n’être pas im-pudique avec scandale. ( Chap, i.)
(3) Trad, per Collet, Serm. ton!. 1, pag. 127.
L’adultère, crime égal à celui de l’idolâtrie. A la (page 7,9.) suite de la défense d’adorer des dieux étrangers et d’en faire aucune image, du précepte de la sanctifi-cation du sabbat, du commandement d’honorer ses père et mère, le précepte qui vient immédiatement après est celui-ci : Vous ne commettrez point de fornication (1).(xx.) Dans le langage ordinaire de !’Écriture, les mots de fornication et d’idolâtrie se confon-dent. De tous les péchés, celui qui approche le plus près de l’idolâtrie c’est l’impureté (2).
(1) Senanlt, Panégyr. tom. 11, pag. 491·
(2) Lame, Car. tom. 11, pag. 112.
Tertullien applique au crime de l’impureté ce que dit !’Apôtre du péché irrémissible. Cette partie de son ouvrage (v!. 4) ne doit être lue qu’avec les sages restrictions qu’y met Bourdaloue dans la seconde partie de sou Sermon sur l'impureté, où il profite eu grand maître des erreurs mêmes de l’auteur qu’il explique.
« Il est placé, dit Tertullien , entre l’idolâtrie et le meurtre ; pour nous apprendre sa malice par son rang, et pour nous faire juger qu’il ne doit rien à ces deux péchés au milieu desquels il est logé : Est el mali dignitas 3 quod in summo aut in medio pcssimorum collocatur. Son trône est une marque de sa grandeur ; et ayant l’idolâtrie à sa tête et le meurtre à sa suite, on doit inférer qu’il égale la première, el surpasse le second en inso-lence et en fureur: Pompant quamdam atque sug-gestum aspicio mœchiœ. Hinc ducatum idololatricc antecedentiSj hinc comitatum homicidii insequentis. Ainsi le rang qu’il tient dans le Décalogue le charge de honte et d’horreur, et apprend à tous les fidèles combien il est odieux, puisque, marchant après l’idolâtrie qui attaque Dieu, il marche de-vant le meurtre qui attaque l’homme; Inter duos apices facinorum eminentissimos sine dubio digna con-scdit. ctper medium eorurrt quasi vacantem locumpari criminis auctoritate complevit. » (Chap. IV. ) (1)
(1) Traduit par Senault , Panég)׳r. tom. ״,pag. 49t.
Il ne manque pas de rappeler les tragiques évé-nemens dont l’impureté a ensanglanté les pages de l’histoire. « L’esprit impur a comme une liaison né-cessaire avec tous les vices ; et tous les vices sont, pour ainsi dire, à ses gages et à sa solde, toujours prêts à le servir pour le succès de ses détestables entreprises : c’est pour lui que l’homicide répand le sang ennemi, pour lui que la perfidie prépare ses poisons, pour lui que la calomnie est ingé-nieuse à inventer, pour lui que l’injustice est toute-puissante quand il s’agit de solliciter, pour lui que l’avarice épargne. pour lui que la prodigalité dis-sipe, pour lui que le parjure trompe, pour lui que le sacriîége attente sur ce qu’il y a de plus saint. Voilà ( dit Terlullien) la pompe infernale que je m’imagine voir, quand je considère les démarches de celte dangereuse passion : Pompani qiiamdam alque suggestiini aspicio mœchiœ. L’impudicité est à la tète de tout cela, et tout cela lui fait es-corte (1 ).»
(1) Bourdat. Serin. sur l’impureté. Car. tom.u, pag. 93.
La loi de Jésus-Christ, qui condamne tous les vices (l’age 720·) et les poursuit jusque dans la pensée, a consacré des vertus nouvelles et les assure toutes, en leur donnant pour commune base la pureté. La loi ancienne mon-troit moins de sévérité à l’écard des faiblesses de la chair, toutefois sans les permettre. (Chap, vi.)
« Que la chair se soit jouée, dit Tertullien, ou (page 721.) plutôt qu’elle se soit corrompue avant qu’elle eût été recherchée par son maître , elle n’étoit pas digne du don( de salut, ni propre à l’office de la sainteté. Elle étoit encore en Adam tyrannisée par ses convoitises, suivant les beautés apparentes, et attachant toujours ses yeux à la terre. Elle étoit impure et souillée , parce qu’elle n’étoit pas lavée au baptême. Mais depuis qu’un Dieu, en se faisant homme, n’a pas voulu venir en ce monde si la sainte virginité ne l’y attirait; depuis que, trouvant au-dessous de lui-même la sainteté nuptiale , il a voulu avoir une mère vierge, et qu’il n’a pas cru que Joseph fût digne de prendre le soin de sa vie s’il ne s’y préparait par la continence; depuis que, pour laver noire chair, son sang a sanctifié une eau salutaire, où elle peut laisser toutes les ordu-res de sa première nativité' ; nous devons entendre que depuis ce temps-là la chair est tout autre. Ce n’est plus cette chair forme'e de la boue , et en-gendrc'e par la convoitise : c’est une chair refaite et renouvele'e par une eau très pure, et par l’Es-prit-Saint ( 1 ). »
(1) Traduit par Bossuet, Panégyr. de S. Joseph, Panégyr. p. 9G, 97.
Pourquoi donc alléguer ce qui fut fait autrefois? Autrefois la chair n’e'toit pas la chair de Je'sus-Christ. Point de chre'tiens devenus les membres de Jésus - Christ. Autrefois nous !!’avions point un corps qui s’appelait le temple de Dieu (2). (Chap. vu. )
(2)« Qu’avant Jésus-Clirist on eût eu une sorte d’indulgence pour les »fragilités d’une chair née dans la corruption et conçue dans le péché, »à la bonne heure, disoit Tertullien; l’impureté pouvait paraître alors ·moins criminelle; un Dieu ne s’ëtoit pas encore fait chair : Nondum »caro Christus vocabatur. Mais depuis qn’un Dieu a honoré notre chair ·jusqu’à s’en revêtir dans l’incarnation, jusqu’à l’adopter dans le bap1 ·tème, jusqu’à s’y mêler tant de fois dans la communion , jusqu’à la ·consacrer parson onction, c’est une chair, disoit-il, reconnue pour ·chair divinisée, Caro nostra (juoties caro Christi ; et par conséquent, ·concluoit-il, la déshonorer, la souiller, ia plonger dans des voluptés ·brutales, c’est un sacrilège qui ne souffre pas d’excuse dans le chris ·tianisme, et qui ne mérite point de pardon. » Scgaud , Serm. sur l'impureté, Car. tom. h, pag. 7a.
Les catholiques opposoienl l’autorité de ]’Ancien et du Nouveau Testament, pleins l’un et l’autre de témoi-gnages de la miséricorde divine envers les plus grands pécheurs. Tertullien combat ces exemples par d’autres tirés de la justice divine ; et répond aux objections :
Commençons si vous voulez par la parabole (Luc. XV.6.) de la brebis égarée , représentée sur les calices, où nous voyons Jésus-Christ sous la forme du bon pasteur qui la charge sur ses épaules. (Chap, vu.)
Preuve donc que les premiers chrétiens ne s’interdi-soient pas les images, et qu’elles étoient pour eux un objet de culte (1).
(1) Sur quoi l’on peut consulter l’historien <10 !’Eglise, Mœurs des chrél. n״ xxxvi, et tous nos écrivains catholiques. Les protestans eux-mêmes n’osent pas aller à l’encontre de ce fait. Les Centuriatems de Magdebourg en conviennent dans vingt endroits ; et ils allèguent les témoignages de Socrate, de Sozoniène, de Tertullien, en faveur du culte des images. Cent. 111, cap. vi, pag. 84, 85. Cent. iv. cap. vi, pag. 219, etc. Daillé,dans son traité exprès De imnginibus, declare la même chose, libr. 111, cap. 1, pag. 2^7, el lib. 111, cap. iv, pag. 288, etc.
Nous ne le suivons pas dans les raisonnemens (Page 727.) qui viennent après.
A quoi reconnoitre le fruit de la pénitence, si ce n’est à la réforme efficace des mœurs ? Que si vous le faites consister dans le pardon, le pardon lui-même suppose renoncement au péché: c’est donc ce renoncement qui fait la racine dont le pardon devient le fruit. ( Chap. X. )
C’est dans ce traité que sc rencontre cette expression si énergique sur l’obligation de la pénitence , expression qu’il est plus facile dedévelopper que de traduire :
Qu’est-ce que le chrétien? (Page 727.) Ce n’est pas un homme (pii ne se refuse aucun plaisir ; c’est un homme qui porte le cilice et qui est couvert de cendres, Concilialuni el concilier aluni. « Expliquez autrement ces grands mots, si vous voulez; je n’ai point d'autre explication à leur donner que celle-là (1).» (Chap, xiil)
(1) Joly, Serm. pour La dédicace, OEuar. mêlées, pag. çjy.
(Page ;So) C’est là en effet tout l’esprit du christianisme. Ce que Tertullien établit solidement par l’exposé de la doc· trine de saint Paul et de saint Jean, d’après chacune de leurs èpîtres. ( Chap, xvi et suiv. )
(Pa״e 42) H e״ co״c^ut (Iue l’enseignement uniforme des apo-très tend à purger !’Église de tout ce qui est attentatoire à la majesté de la pudeur. (Chap, xx.)
(Page ;45) Les apôtres ont ressuscité des morts, ce qui n’appartient qu’à Dieu ; ils ont guéri des malades, ce que personne n’avoit fait avant Jésus-Christ : ils ont infligé des châtimens , ce que Jésus-Christ n’avoit pas voulu faire. Celui qui ne venoit que pour souffrir n’a pas cru qu’il fût digne de lui de (Yct xm ji) sévir. Saint Paul frappe Ely mas d’aveuglement, (Ibid.v.5.10.) saint Pierre frappe de mort Ananie et Saphire, pour témoigner que Jésus-Christ auroit bien pu en faire autant.
(Pa״e -44) Vous me direz, !’Église a le pouvoir de remettre les péchés: je le reconnais aussi bien que vous; seu-lement je n’userai pas de ce pouvoir, de peur que l’on n’en abuse pour en commettre de nouveaux(2). ( Chap. XXI.)
(2) Nous citons ces paroles pour expliquer, non pour excuser l’opinion de Tertullien.
(Page -45) Ql,i sacrif1e aux idoles ne renonce à Dieu que par contrainte, et par la violence des tourmens; au lieu que celui qui s’abandonne à l’impureté renonce à Dieu pour son plaisir avec une pleine liberté, l’impudique parce qu’il le veut, l’idolâtre parce qu’on le force. Lequel des deux (demande Tertullien) , vous semble plus criminel? Quis ma-gis negavit, qui Chrisiunt vcxatus, an qui delectalus amisit (1) ?»( Chap, xxit.)
(1) Trad, par Lame, Serai. sur l’impurelè . Car. tom. 11, pag. 112.
Je le confesse humblement devant le Seigneur; je (pagc !59.) ne suis pas exemptde crainte, peut-être même dois-je m’accuser de témérité, d’oser écrire sur la patience, moi si peu propre à en donner l’exemple: car c’est là la première condition imposée à tout homme qui veut recommander une vertu, de lui donner l’autorité de sa propre conduite, de peur d’avoir à rougir de la comparaison entre ses paroles et ses actions. Mais si je ne sais point la pratiquer, ce sera du moins une consolation de m’en entretenir, comme les malades aiment à parler des avantages de la santé qu’ils n’ont pas. » (Chap. I. )
C’est la grâce qui la donne : Dieu seul en est le principe. Les philosophes , partagés entre eux d’o-pinions sur lout le reste, s’accordent en faveur de l’excellence de cette vertu. Le premier modèle de la patience, c’est dans Je ciel qu’il existe : c’est Dieu même , Dieu qui fait luire son soleil également sur (Maith. 45,) les bons et sur les méchans, leur distribue à tous les bienfaits de la nature , qu’il a faite tributaire de nos besoins, Dieu qui endure l’ingratitude des peuples, leurs superstitions insensées, leurs persécutions (»60) contre s0״ nom, contre son propre sang, les scan-dales du luxe, de l’avarice, de la corruption, de l’in-justice sans cesse enchérissant sur ses coupables at-tentats. Telle est la patience que le Seigneur exerce du haut du ciel : il l’a personnifiée dans son divin Fils venu parmi les hommes pour en offrir l’image la plus sensible. Tout Dieu qu’il est, Jésus-Christ consent à naître dans le sein d’une femme. 11 croît dans l’obscurité, paroissant s’oublier lui-même, ne dédaignant pas d’être baptisé par les mains de l’homme qui s’avoue son inférieur,ni de se laisser tenter par le démon, qu’il repousse d’une seule parole. (1sî. lxii. 5·) Pour joindre l’exemple à la leçon, IL ne dis-pute pointy ne crie point; personne n’entend sa voix dans les rues; il ne brise point le roseau casséet n’o.-chève point d’éteindre la mèche qui fume encore. C’é-toit à sa patience, signalée par son Prophète, que Dieu le vouloit faire reconnoitre. Il ne contraint qui que ce soit de s’attacher à lui, ne rebute ni la table ni la maison de personne. Il s’abaisse jusqu’à laver les pieds à ses apôtres , ne repousse ni les pécheurs ni les publicains. Loin de s’irriter contre la ville qui refuse de le recevoir, il ne permet pas à ses disciples de faire tomber sur elle le leu du ciel. 11 guérit ceux qui le méconnaissent, se livre de lui-même aux mains de ses ennemis, du perfide apô-ire qui le trahit, après l’avoir charitablement averti de son crime. 11 se laisse conduire à la mort comme un agneau à la boucherie , lai qui d’une seule parole (Isa. !.!h. 7· 1, Maith. XXVI.53.) pouvait appeler des legions cl anges a son secours, et ne permet pas à l’e'pée de Pierre de le (ioa,IJ/'v1"’ venger. Parlerai-je de la mort qu’il a bien voulu subir? 11 n’étoit venu au monde que pour mourir; mais la mort de la croix! Mais falloit-il y joindre tant d’opprobres ? c’est qu’il ne voulait quitter la terre qu’après avoir savouré à longs traits le plaisir de la patience (1). Pharisiens ! c’en étoit assez de tant de miracles de patience pour vous forcer à le reconnoitre (2); jamais homme n’en fut capable, tant la patience est en Dieù une vertu propre, inhé-rente à sa nature. (Chap, ni.)
(1) Sed saginari voluptate patientice discessurus volebat. « Ne diroil-»on pas (ajoute l’évêque de Meaux,) que, selon le sentiment de ce grand »homme, toute la vie du Sauveur étoit un festin dont tous les mets »étoient des tourmens ? » Serm. tom. vu, pag. 105, et Panégyr. pag. 486·
(2) Fromentières imite tout ce morceau. Car. tom. ״,pag. 584. ν<Ύ· aussi l’abbé Clément, Arenl, pag. 3ק. Le P. Lejeune, tom. 1, pag. 655
Comment donc pouvoir faire assez l’éloge d’une (p;lgc !61.) vertu que notre Seigneur lui-même a si puissam-ment autorisée par ses leçons et par ses exemples? (chap. iv. ) Apprécions-la par son contraire. Comme la patience a Dieu pourprincipe; ainsi l’impatience a pour auteur l’esprit le plus contraire à Dieu. Il y a entre les œuvres de l’une et de l’autre la même difference qu’entre les deux principes de qui elles émanent.
Tertullien parcourt la longue chaîne des crimes dont le démon a souillé la terre. 11 s’arrête au meurtre d’Abel, dont il accuse la jalouse impatience du fratri-eide Caïn.
(l’âge !62. ) « Auroit-il trempé ses mains dans le sang de son frère, s’iln’eûtpas étéemportépar la colère?Etcette colère, où s’étoit-elle allumée? dans l’impatience. Tels lurent les premiers essais de cette passion en-core à son berceau ; et bientôt quels développe-meus ! »
Il voit tous les forfaits cl tous les vices marqués au caractère de !’impatience.
Tout ce qui nous emporte amène avec soi un germe d impalience qui veut réussir à tout prix : Quidquid compellit} sine impatienlia sui non est; ut perfici possil. (D’où il conclut) : Toute espèce de mal a sa source dans l’impatience; le mal est l’im-patience du bien. (Cap. V.)
(Page 160.) £a patience est compagne de la foi. Pour éprouver (Hcbr.x,. 17.) la fidélité d’Abraham , le Seigneur mit sa pa-tience à une épreuve qui lui mérita les bénédic-lions célestes: Merito bencdictus, quia cl fidelis; merito (idelis quiael paliens. (Chap, vi.)
Autrefois une loi moins parfaite permettoit les représailles ־, la patience et la foi n’e'toient pas en-core descendues du ciel pour réprimer toute co-1ère, commander à tous les sentiraens de l’àme, ar-rêter à leurs commencemens les ravages que cause une langue empoisonnée , ordonner l’amour même des ennemis. Aimez ceux qui ne vous aiment pas, faites du bien à ceux qui vous font du mal. (Maith. ». 41·) Dans ce seul mot est renfermé tout le code de la législa-lion nouvelle que Jésus-Christ est venu apporter au monde : il n’est pas permis de faire mal, même pour les causes en apparence les plus légitimes.
Vous êtes sensible à la perte de vos biens ? (Page 164■) Mais à chaque page de l’Evangile il nous est ordonné de mépriser le siècle. Eh! quelle plus puissante exhortation pour nous élever au-dessus de tout attachement, que l’exemple d’un Dieu qui ne connut pas les richesses, qui na que des bénédictions pour les pauvres, que des anathèmes pour les riches ? Ce qu’il ne nous est pas permis de désirer, parce que noire législateur se l’est interdit lui-même, pourrions-nous en regretter la perte ? L’Es-prit saint a déclaré que la cupidité étoit la racine (i Tim. 11.10.) de tous les maux; croyons que le précepte ne se borne pas à défendre la convoitise du bien d’au-trui. Rien ne nous appartient en propre ,־ nos biens et nos personnes, tout est au Seigneur. Supporter impatiemment quelque perte, comme si nous avions à regretter quelque chose qui nous fut personnel, c’est avoisiner de bien près la cupidité ; c’est atten-ter au bien d’autrui, que d’être trop sensible à la perte d’un bien qui ne nous appartcnoit pas. Sachons nous résigner au dépouillement des choses de la terre , dans la vue des biens célestes : que le siècle périsse tout entier, pourvu que je gagne la patience. Tel qui ne sait pas endurer un larcin , un acte de violence qui lui est fait, ou un manque de fortune , me laisse douter s’il satisferoit volon-tiers au précepte de l’aumône. \rous n’auriez pas le courage de subir une opération , et vous me par-lez de vous exécuter vous-même ? C’est par la pa-tience à supporter le dommage que l’on s’exerce à répandre ses largesses. On n’hésite point à don-ner quand on ne craint pas de perdre. Laissons les gentils exhaler leur impatience dans les revers de fortune: pour eux, peut-être, leur trésor passe avant leur âme. Poussés par l’amour du gain, qu’ils affrontent les dangers de la mer ; qu’ils se dévouent aux laborieux exercices du barreau; qu’ils vendent jusqu’à leurs propres corps à d’infâmes professions: mais nous qui n’avons rien de commun avec eux, nous , ce n’est pas notre âme que nous devons sa-crifier à de l’argent, mais l’argent à notre âme. Il (Matth. v.) nous est ordonné de ne point défendre notre corps, notre vie elle-même contre les mauvais traitemens à quoi nous sommes exposés: de moindres intérêts valent-ils la peine qu’on s’en affecte? Abandonnez votre cause à celui au nom de qui vous souffrez. Que la calomnie vous outrage : pensez à ce mot : Quum vos maledixerint, gatidete : Si l’on dit du mal (Mauh. %,) de vous, réjouissez-vous. Si je donne quelque res-sentiment à une parole méchamment proférée cou-tre moi, il faudra donc ou que je réponde avec une égale amertume, ou que je me punisse moi-même par un chagrin concentré. Toute injure, toute vio-lence à quoi vous n’opposez que la patience, manque son but; elle s’émousse et se brise comme le trait lancé contre une pierre, qui souvent le re-pousse sur la main imprudente d’où il est parti. L’intention de votre ennemi fut de vous faire du mal; si vous n’en ressentez pas, ce n’est pas vous, c’est lui seul qui l’éprouve (1): et voilà les précieux (pagc ,β.-,.) avantages et les solides plaisirs qui s’attachent à la patience : Hœc est patientice utilitas et voluptas. (Chap, vin.)
(1) Larue, Serm. sur le pardon des injures, Car. tom. 11, pag. 187, 208, Bourdalouc, Segaud, Lenfant, tous les prédicateurs qui ont traité ee sujet.
Il est pourtant, même pour le chrétien , des pertes plus douloureuses à supporter; ce sont celles qui lui viennent de la privation des personnes justement ché-ries. Voici les sources fécondes de patience que Tertul-lien oppose à ces sortes de douleurs.
Vous croyez à la résurrection des morts. Quels motifs pourraient donc autoriser l’excès d’une don-leur semblable à celle des païens, qui sont sans espérance? (, Thess. !v. 12.) Pourquoi supporter impaliemmentuneab-sence que vous croyez devoir être suivie du retour!' Ce que vous appelez mort n’est qu’un voyage: ce-lui que vous pleurez n’a fait que vous devancer: il n’est pas perdu pour vous : vous n’allez pas tarder à le rejoindre. Ces transports de douleur sont un manque d’espe'rance, un pre'juge' contre la foi, un outrage fait à Jésus-Christ, comme si l’on étoit à plaindre d’être dans sa compagnie (1). Vous vous affligez qu’un autre soit avec lui: vous craignez donc d’y être vous-même. ( Chap. IX. )
(1) Bossuet , Serm. tom. 1, pag. 206 et sniv. Saurin , Sur l'afflictioii i/ue cause la mort île ceux <μι'θη aime, loin, vi, pag. 26.
Tertullien revient au désir de la vengeance, excité par un faux intérêt de gloire, ou par le plaisir que l’on met à rendre le mal pour le mal.
(tjebr. x.50.) Dans le premier cas, vanité coupable qui entre-prend sur les droits du maître, et ne fait que doubler le mal qui a été commis. Car. quelle différence y a-t-il entre l'agresseur et l’offensé , sinon que ce-lui־ci se rend criminel après l’autre ?Tous deux en sont-ils moins justiciables au tribunal de Dieu, qui réprouve et châtie tout ce qui est mal ? Vous ne ren-drez point le mal pour le mal; (Prov. xx.22.) le précepte est absolu. Quel hommage réserverons-nous à Dieu , si nous usurpons à notre gré le droit de nous défendre? Peut-il être juge, à moins d’etre vengeur? Aussi a-t-il dit: A moi la vengeance Λ et je t’exercerai. (Rom., χιι) Rap-pelez-vous combien de catastrophes ont signalé la vengeance; combien de repentirs amers ont suivi l'impatience et le désir de se venger! combien de (Page 166.) fois les conséquences ont été pires que les motifs qui l’avoient excité! Ce que fait entreprendre le mouvement de l’impatience ne sait jamais s’arrêter.
Ce qui se fait dans l’impétuosité aveugle, ou ne touche pas le but, ou s’abat et se perd parson propre excès. Si vous ne mettez pas de chaleur à vous dé-fendre, vous n’etes qu’un insensé ; si vous en mettez trop, c’est un poids qui vous accable. Qu’ai-je donc à gagner avec une passion où la vivacité du senti-ment qui m’entraîne ne me laisse pas maître de ses mouvemens ? Que si au contraire je m’attache à la patience, plus de chagrin ; sans chagrin, plus de désir de vengeance. (Chap. x. )
Suit l’énumération des manœuvres que le démon emploie pour irriter l’impatience. Redoubler de zèle à mesure qu’il redouble scs attaques. (Chap, xi.) Dans les épreuves qui nous viennent du Seigneur, nous féliciter que sa main daigne nous châtier; c’est la preuve qu’il nous aime.
Un des commentateurs de Tertullien rappelle à ee sujet un mot profond de l’impératrice Hélène, femme de Julien l’apostat : Vous n’auriez pas connu celui à qui vous avez fait la guerre, disoit-elle à son époux frappé d’une plaie intérieure, si, au lieu de déployer sur vous sa vengeance, il avoit usé de sa patience ordi-naire (1).
(1) Laccrda, dans le Tertull. de Rigaut, pag. 146, note 9, d’après Théodoret, Hisl. ecclés. liv. 111, chap. xiii.
A !’occasion de la patience que Jésus-Christ exerce envers le pécheur, Tertullien atteste les paraboles du bon pasteur et de l’enfant prodigue.
(Page 167.) Pasteur miséricordieux, Jésus-Christ court à la recherche cl à la découverte de la brebis égarée. Ou’est-ce qu’une brebis dans un si grand troupeau? S’il l’aimoil moins, il ne s’en inquiéteroit pas. (Chap, xi.)
Il lait voir l’accord qui règne entre la patience et les antres vertus chrétiennes : ce qui l’amène à l’éloge par-liculier de la charité ( 1). ( Chap, xui.)
(1) Summum fidei sacramenlum, chrisliani nomims thésaurus.
Il relève les fruits de la mortification des sens par ces paroles :
Elle accrédite nos prières, appuie nos demandes pour les biens que nous désirons, et contre les maux que nous craignons ; elle se fait entendre à l’oreille de Jésus-Christ, désarme sa sévérité, assure sa miséricorde; (Page 168.) elle combat avec nous durant la persécution, nous escorte dans les hasards de la fuite, dans les tortures, dans la solitude ou dans l’indigence, et dans le désert du monde où nous sommes jetés. El quand arrive l’heureux moment de la victoire, elle est le premier degré qui nous fait monter au ciel.
Exemples du prophète Isaïe, du premier des martyrs, saint Étienne, du saint patriarche Job dont il parle avec enthousiasme :
Heureux athlète , dont l’invincible patience fil échouer toutes les fureurs de Satan ! Vainement ses troupeaux, et toutes ses richesses avec eux, lui sont enlevés; vainement ses fils expirent ensevelis sous les ruines d’un même édifice ; son corps à lui-même est lentement dévoré par l'ulcère qui le ronge : sa patience et sa foi restent inébranlables , et toutes les violences du démon demeurent sans effet. Tant de douleurs auxquelles il est en proie ne distraient pas un moment sa pensée du Seigneur ; témoignage et modèle admirable de patience dans les épreuves qui l’assiègent dans son esprit et dans sa chair, au dedans et au dehors; pour nous apprendre à ne nous laisser pas accabler ni par le dépouille-ment des biens terrestres, ni par les séparations les plus sensibles, ni par les plus violons assauts de la maladie. Quel magnifique char de triomphe Dieu s’élevoit dans la personne de Job enchaînant le démon à sa suite! Quel glorieux étendard il le· voit contre son ennemi, alors que, frappé coup sur coup par tant de désastreuses annonces (1), il ré-pondoit à toutes par ce seul mot: Dieu soit béni. (Job. 1 21.) Quelle joie pour le cœur de Dieu ! quel supplice pour le démon ! ( Chap. XIV. )
(1) On peut voir dans Senault une traduction plus fidèle du texte de Tertullien que nous n’avons dû nous la permettre. Panégyr. ton!. 11, pag.667.
La patience est donc un dépôt assuré dans le sein de Dieu (2). Vous êtes offensé? confiez-lui votre intérêt, il vous vengera ; dépouillé? chargez le de la restitution ;affligé? prencz־le pour rnéde-cin; mourant? il vous garantit la résurrection. L’heureux privilège pour la patience , que d’avoir Dieu pour débiteur ! Et certes avec raison : c’est lui qui en protège les saintes résolutions, lui qui anime tous ses sacrifices. La patience fortifie la foi, règle la paix, soutient la charité, cimente l’humilité, dispose à la pénitence, gouverne la chair, main-lient l’esprit, arrête l’intempérance de la langue , modère la main, asservit les tentations, repousse les scandales, consomme le martyrç. Elle console dans la pauvreté, dirige dans l’usage des richesses. (Page !69.) Elle n’accable point celui qui est foible, et n’épuise point celui qui est fort. Délices de l’âme fidèle, elle invite par ses attraits celui qui ne l’est pas , elle concilie au serviteur la bienveillance de son maître, au maître celle de Dieu. Elle est l’ornement du sexe , l’épreuve de l’homme, le charme du pre-mierâge, le mérite de l’adolescence , le plus beau litre dans le déclin de la vie. On l’aime à tous les âges et dans toutes les circonstances. (Chap, xv.)
(2) Adco satis idonetis sequester patientiœ Deus.
Tertullien achèvccc tableau par une description al-légorique; et termine tout !‘ouvrage par un parallèle entre la patience chrétienne et le courage mondain. ( Chap. xv.)
(*) Ad martyres. Ces deux titres se confondent ordinairement dans les écrits qui nous sont restés de la primitive Église. Pour avoir le titre de martyr, il suffisoit d’avoir persévéré dans sa confession, sans qu’il fût besoin d’y être mort.( Voy. Lombcrt sur la 1ve lettre de S.Cypricn , pag. 44 de la trad, française.)
Athlètes vénérables de Jésus-Christ! qui attendez (page !55.) les palmes du martyre, permettez que ce foible écrit parvienne jusqu’à vous , avec les alimens que la charité maternelle de ]’Eglise, et le généreux désintéressement des frères, vous font passer dans vos liens (1).
(1) « Les prisons publiques étoient le commun rendez-vous de tous les fidèles; nul obstacle, nulle appréhension, nulle raison humaine ne les arrêtait. Ils y venoient admirer ces braves soldats, l’élite de l’armée chrétienne; et les regardant avec foi comme destinés au martyre, martyres designati, comme dit Tertullien , ils les voyoient déjà tout resplendissons de l’éclat de cette couronne qui pendoit déjà sur leurs têtes, et qui alloit bientôt y être appliquée. » Bossuet, Panêg. pag. 500. Le saint évêque de Carthage recommandait à son clergé d’avoir soin de fournir aux confesseurs détenus dans les prisons la sub-sistance convenable.
Les gladiateurs le plus consommés dans leur art ne trouvent pas mauvais que, non - seulement leurs maîtres dans la science des combats , mais les plus novices, mais les derniers du peuple, leur adressent des cncouragemens.
(Le premier avis qu’il leur donne est de ne pas (Epi!. 50 .׳״.) contrister l’Esprit-Saint, qui est descendu avec eux dans la prison). S’il n’étoit pas entré avec vous dans vos cachots , vous ne seriez pas ce que vous êtes aujourd’hui, les captifs de Jésus - Christ. Appli-quez-vous à l’y maintenir au milieu de vous, afin qu’il soit votre introducteur auprès de Dieu. La prison elle-même n’est pas inaccessible au dé-mon; il peut y trouver des complices (1). La main du Seigneur ne vous y a conduits que pour en triompher, et achever la victoire que vous avez déjà remportée sur lui au dehors. Ne donnez pas à l’ennemi du salut lieu de dire :Ils sont dans mon domaine; je les tenterai par de basses animosités , par de lâches affections, par de vains combats d’amour-propre. Qu’il fuie à votre aspect, qu’il (Page !56.) aille se cacher au fond de son repaire. La paix entre les chrétiens est un état de guerre contre le démon. ( Chap. 1. )
(1) Domus quidem diaboli esl cl career, in qua Jàmiliam suam con-tinet. « La prison est, selon Tertullien , une maison oü le diable loge sa famille, c’est-à-dire les misérables et les criminels. »Senault, Panîgjrr. tom. 1, pag. 017
Ceux qui n’ont point obtenu la grâce de la récon-ciliation à !’Eglise, sont dans l’usage d’intéresser les confesseurs en leur faveur, de se faire des interces-seurs des martyrs détenus dans les fers. La paix qu’ils vous demandent, conservez-la dans vous-mêmes, pour la pouvoir donner aux autres.
En entrant dans votre prison, vous avez été sé-parés du inonde. Que dis-je? c’est de ce moment que vous avez été affranchis de la prison du monde.
C’est lui qu’il faut appeler île ce nom ; lui qui re-cèle une bien plus profonde obscurité, puisque les ténèbres qui s’en répandent aveuglent l’esprit ; loi qui courbe ses captifs sous de plus dures chai-nés, puisque ce sont les âmes qui sont prisonniè-res; l’infection qui s’en exhale est bien plus mal-faisante , parce qu’elle gagne jusqu’au cœur. Là, ce n’est pas le proconsul, c’est Dieu qui condamne. Vous habitez un cachot ténébreux, mais vous êtes lumière; vous êtes dans les liens, mais vous êtes libres pour Dieu. Dans l’infection de vos cachots, vous répandez la bonne odeur de Jésus-Christ. Permis de s’attristera qui soupire après le siècle ; mais le chrétien, alors même qu’il jouit delà li-berlé, a renoncé au siècle. Jusque dans les fers, il brave ses fers eux-mêmes. N’imporle le lieu où vous êtes; vous êtes hors du siècle (1), et si vous manquez de quelques-unes des jouissances de la vie, vous les retrouverez à grand intérêt. Sans parler encore de la magnifique récompense dont Dieu couronne les martyrs, dès maintenant vous n’êtes point sans consolation, non plus que sans secours humain. Outre que la charité des frères pourvoit à vos besoins, vous y gagnez l’avantage de ne point apercevoir les simulacres des divinités étrangères , de ne point vous trouver mêlés parmi leurs profanes adorateurs; vous n’avez point à repousser ni l’odeur de leurs sacrifices impurs, ni les clameurs insensées des spectacles, ni l’aspect des scènes ou sanguinaires ou dégoûtantes qui s’y donnent. Vos yeux ne sont point blessés par la vue de tant d’infamies et de scandales. Vous n’avez à combattre ni les tentations ni les souvenirs ; vous êtes hors de la persécution. La prison est pour le chrétien ce qu’éloit le désert pour les prophètes. Changez le nom : ce n’est plus qu’un séjour de retraite, où l’esprit s’émancipe en liberté, où il circule et se répand, non plus sous les épais om-brages ni sous les longues voûtes des portiques, mais dans les vastes avenues qui mènent à la patrie céleste. Tant que l’on y voyage , on n’est plus pri-sonnier; on oublie ses douleurs, quand on plonge dans le ciel. La pensée domine l’homme tout en-tier, et le transporte dans une région sans limite (1). (Matth. vi.21.) Là où est votre cœur, là aussi est votre trésor: plaçons donc noire cœur dans le lieu où nous voulons trouver notre trésor. 11 est fâcheux de se voir en prison soit; mais nous sommes les soldats du Dieu vivant. Quel soldat s’attendit ja-mais à trouver sous les armes de quoi contenter sa délicatesse (1). La paix n’est pour lui que l’ap-prentissage de la guerre. Piien qui ne s’achète ; rien qu’il ne faille arroser de ses sueurs. C'est par l’habitude (Page 157.) du travail que le corps et'l'esprits s'aguerrissent.
(1) « Eh que vous importe , dirois-je avec Tertullien , quel est votre »état dans le monde? Vivez en chrétiens; prenez pour modèles ceux » qui se sont sanctifiés ; dès là vous êtes hors dti monde. La séparation ט vous en est commandée; elle ne vous est donc pas impossible : Nihil »refèrt ubi silis; christiani eslis, extra sœculum estis. » Segaud, Car. tom. 1, pag. 187. V. aussi Bossuet, Panëgyr. pag. 298, 299.
(1) Senault :« Il semble, selon la pensée de Tertullien, que l’esprit de l’homme n’est jamais plus libre que quand son corps est enchaîné, et que, sortant de son cachot sans le rompre, il emporte l’homme tout entier où il veut aller. Mais il est certain qu’il n’est jamais plus occupé de Dieu que quand il est séparé du monde, et que sa prison l’élève heureusement dans le ciel. » Panég. de S. Pierre aux liens, Panégyr, tom. 11, pag. 258.
(1) Massill. Confer, tom. 1, pag. 245.
De l’ombre passer au soleil, du soleil au ciel, de la tunique au baudrier, du silence aux saints cantiques, du repos à l’agitation; voilà vos destinées. La nature souffre, mais la vertu y gagne. Athlètes de Jésus-Christ! vous allez soutenir le généreux combat où vous aurez pour juge le Dieu vivant, pour héraut l’Esprit-Saint, pour couronne les récompenses de l’éternité, les joies qui font la vie des célestes in-telligences, une gloire ineffable pour la durée des siècles. C’est pour vous y préparer que, comme autrefois on exerçoitpar de laborieuses épreuves et par de rigoureuses privations ceux qui aspiroient à disputer dans des jeux olympiques une couronne corruptible, dit l’Apotre; et plus on s’étoit péniblement (!Cor. 1x. 23·) exercé, plus on pouvoit se promettre la victoire : ainsi Jésus-Christ veut-il que nous prélu-dionspar tous les sacrifices au combat qui doit les couronnerions,et nousmettre en possession du prix (Maui!, xxu.) immortel qui nous est destine. La chair est foible elfes-prit est prompt ,nous dit l’oracle de la vérité. N’ayons donc aucune complaisance pour une chair condam-ne'c à la faiblesse ; conservons à l’esprit son empire. Que le plus foible cède au plus fort, et tire de lui la force qui lui manque : qu’ils se soutiennent l’un et l’autre par la pensée non des épreuves , mais du terme qui les réunit dans un salut commun. La chair pourra s’alarmer à la vue d’un glaive prêt à s’appesantir , d’une croix qui l’attend avec ses supplices, d’animaux rugissans qui appellent leurs victimes, d’un bûcher avec une mort la plus douloureuse de toutes ,et de tout ce que l’art des tortures pourra faire inventer à nos bourreaux : mais qu’aussi l’esprit réponde aux faiblesses de la chair: que ces épreuves, toutes cruelles qu'elles sont, ont été, non seulement supportées souvent avec courage, mais recherchées par le simple désir de renommée et d’une gloire humaine ; que l’on a vu jusqu’à des femmes disputer ici d’héroïsme avec les hommes. « Rome idolâtre (faut-il que l’incré-dulité du siècle nous oblige d’aller chercher des exemples jusque dans la profane antiquité?), Rome idolâtre vit la chaste Lucrèce s’immoler de sa pro-pre main à la pudeur conjugale (1 ). » Mais, dit-on, c’est moins la mort qui effraie (pie les lourmcns.
(1) M. Pcvéq. de Séncz (de Beauvais), Serin, torn, ni, pag. 5g.
(Page 15S.) Parlerai-je de cette Athénienne qui, plutôt que de révéler le secret d’une conspiration, se coupa la langue avec ses dents, afin de prouver au tyran que la violence de la douleur n’obtiendroit pas d’elle la plus légère indiscrétion? Parlerai-je des jeunes Lacédémoniens, qui se laissent battre de verges et mettre en sang sous les yeux de leurs pères, qui les exhortent à la constance, et les félicitent quand la nature succombe plutôt que leur vertu? Voilà ce qu’a pu produire un vain fantôme de gloire. Quel est parmi nous celui à qui l’amour de la vérité n’inspire pas les mêmes sentimens qu’à ceux-là leur enthousiasme mensonger ? Mais que parlé-je de gloire ? il ne faut pas même à bien des hommes cette futile espérance, pour les exciter à braver tout ce qu’il y a de plus formidable dans la souffrance; il leur suffit d’un misérable orgueil, et de je ne sais quelle maladie d’esprit qui pousse des hommes accoutumés aux douceurs de la paix à se précipiter dans les combats. Vous les voyez affron-ter d’autres bêtes féroces, s’exposer avec joie à être déchirés par elles, et triompher des blessures qu’ils en ont reçues. Dieu a permis que le siècle eût ses héros pour nous animer, et nous confondre si nous tremblions de souffrir, pour les intérêts de la vérité et du salut, ce que d’autres hommes ont enduré pour le mensonge, et pour se perdre. Sans même aller chercher ces exemples de constance, regardons autour de nous: tant d’accidens insc-parables de la condition humaine ne nous appren-dront-ils pas à supporter courageusement ce qu’il faut bien endurer maigre' soi? Combien tous les jours de victimes de'vorées seulement, ou par les incendies qui les ont surpris toutvivans, ou par les ardeurs brûlantes de la maladie , par le fer des brigands, par la vengeance des ennemis; et mou-rant sans gloire comme sans recompense, à la suite des plus affreuses tortures!
Le livre intitulé Scorpiacum est une réponse dirigée contre les gnostiques, qui décrioient le martyre. Ce titre veut dire antidote contre les piqûres du scorpion (1). Tertullien donne ici dans un excès contraire. L’éloge qu’il fait du martyre va jusqu’à en faire une nécessité tellement rigoureuse que, sans le mérite du martyre, on n’a point droit à la récompense; maxime outrée, mais beaucoup moins dangereuse que l’autre, puisqu’il n’est pas moins certain qu’à défaut de persécuteurs de pro-fession, le chrétien trouve en soi-même de quoi s’exer-cer à une sorte de martyre journalier, attaqué comme il l’est, tant au dehors qu’au dedans, par tousles enne-mis du salut. C’est sous ce point de vue que nous rc-commandons au prédicateur la méditation de ce livre fécond en mouvemens généreux, en expressions hardies et pittoresques, dont tous nos grands maîtres ont su profiler. Massillon, qui avoit peu lu les saints Pères, cou-noissoit bien cc traité de Tertullien; car il l’a fondu dans son panégyrique pour ta fête d’un saint martyr, quoiqu’il ne l’ait pas cité. Bossuet et Bourdalouc, plus savans et plus exacts, aiment à faire connoîtrc les sour-ces où ils puisent.
(1) S. Jébûme : ScripsîL Tertullianus, vir cnulitissimus, insigne vo■ lumen, quod Scorpiacum vocal, reclissimo nomine quia arcualo vul-ncre in ecclesia venena diffundit, quœ olim appellabalur caïita harcsis. Silvers. Tigilant. pag. 285,tom. iv, édit. Martian.
Le premier rappelle plusieurs fois une belle exprès-sion qui se lit au premier chapitre du Scorpiaquc, par laquelle Tertullien flétrit ces «chrétiens lâches, mal as-»sures dans leur foi, chrétiens en l’air, qui seront tout »ce que l’on voudra: Plerosqueinventt1m3et,siplact1c-‘ (pao.c) » rit, christianos* (1). (Cap. !.)Tous deux, et la plupart des prédicateurs venus après, ont souvent allégué cette autre expression non moins remarquable : « Le martyre »est la dette de la foi, Debit-rican martyrii fidem » (pa<re 625) (cap. vu!.) (2) ; toujours en le restreignant à la morti-fication des sens, et à la sévère exécution que la péui-tcncc nous impose contre nos passions.
(1) Bossuet, Sem.tom. 11, pag. 87. « C’est sans doute à cette exprès-sion qu’un de nos prédicateurs faisait allusion en disant :« Tertullien, » pour marquer la légèreté de ces chrétiens qui se règlent par le respect »humain, les compare à des nuées qui sont emportées par les moin-» dres vents : Christiani' in omnem venturn. Brettev. Essais de serm. tom. 111, pag. 521.
(2) « La foi est obligée au martyre. »Bossuet, Serm. tom. ix, p. 545. Segaud, z/wnt, pag. 550. Pcrusseau, Serm. tom. 1, pag. 11. Massillon, Panégyr. pag. 525. Brettev. Serm. tom. 1, pag. 72, etc.
Dans ces jours où !,Eglise, pareille au buisson ardent d’autrefois, est investie de feux dévorans; l’hérésie l’assiège de toutes parts. C’est le gnos-tique qui s’élance de son repaire : c’est le Valen-tinien qui déguise sa marche tortueuse ; ce sont tous les détracteurs du martyre qui s’avancent, gonflés de venin, pleins d’un poison brûlant, lan-çant leurs dards ; tous ligue's pour l’anéantir. Des hommes innocens être, dit-on, exposés à d’aussi cruelles tortures! une secte de qui personne n’eut jamais à se plaindre, envoyée à la mort sans ombre de raison ! Jcsus-Christ, mort une fois, ne nous a-t-il pas affranchis de la mort? Dieu a-t-il besoin de mon sang, lui qui ne veut pas de celui des boucs et des taureaux? Voyez quel acharnement! ici des bûchers, là les pointes déchirantes du glaive, ail-leurs les lions de !’amphithéâtre. D’autres, écrasés sous les coups, mutilés par les ongles de fer, vont achever leur martyre au fond des cachots. Tels que des animaux timides que l’on destine à la mort, nous sommes épiés, poursuivis à outrance.(Chap. I.)
L’interprétation qu’il donne au fait d’Aaron laissant construire le veau d’or est singulière.
(Page 619.) (( Après que le souverain prêtre eut fait inutilement tous ses efforts pour détourner les Israélites d’un si damnable dessein, il leur demanda leurs chaînes et leurs bracelets, dans la créance qu’il eut que l’avarice les guériroit de l’idolâtrie. Mais comme il vit que ce dernier crime l’emportoit sur l’autre־, touché de dépit, il jeta cet or et cet argent dans le feu ; et ce judicieux élément, pour les char-ger de confusion et leur reprocher leur folie, changea ces métaux en un stupide animal, à dessein de voir s’ils auroient l’effronterie de l’adorer: Sa-piens ignis viluhun finxil 3 dit Tertullien (1). » ( Chap. III.)
(1) Traduit par Senault, Panégyr. tom. 1n, pag. 58y.
Qui impose une loi veut qu’on lui obéisse. Mon Page 6?,0. législateur souverain me commande de ne recon-noître d’autre Dieu que lui : de bouche ou d’ac-lion, n’importe־, il veut être obéi. Je lui dois l’hommage de la crainte et de l’amour, un de'voue-ment absolu. J’ai fait serment de mourir sous ses drapeaux. Maître d’empêcher le concours d’événe-mens qui m’obligent à déclarer ma foi, il le permet, il l’ordonne. Son ennemi vient me défier au coin-bat : je le deviens moi-même, si je cède lâche-ment. Mon devoir est de mourir à son service ( Chap. IV. )
Quel travers d’esprit dans le commun des hom-mes! on repousse ce qui sauve; on embrasse ce qui perd; on court s’engager dans le péril ; on se dérobe au remède: c’est plus tôt fait de se laisser mourir que d’attendre guérison.
Ce que vous taxez de sévérité de la part de Dieu n’est que l’économie de sa providence. Cette plaie dont il vous frappe est un bienfait. Il vous fait gagner une récompense éternelle pour une épreuve d’un moment. Bien loin de vous en plain-dre, rendez grâces à cette main qui vous châtie pour votre bien. Ce qui vous arrive, il l'a e'prouve' avant vous. On est homme avant d’être médecin.
La désobéissance du premierhomme l’avoit con-damné à la mort. La sentence devoit être irrévoca-ble , si Jésus-Christ, en mourant pour nous , ne s’é-· toit substitué à notre place ; et l’homme coupable serefuse à un remède auquel le Sauveur des hommes n’a pas dédaigné de se soumettre! il repousse une mort qui lui donnera la vie, lui qui se perd tous (Page 622.) jes jours en mourant par le péché ! Si affamé pour le poison, il n’a que du dégoût pour le breuvage salutaire ! ( Chap. V. )
Voyez dans nos cités quels empressemens et quels honneurs accompagnent les combats que la superstition, soutenue par le goût du plaisir, inventa chez les Grecs. On a cru de tout temps que , pour enflammer l’émulation, apprécier la force du corps et l’étendue de la voix, il falloit donner aux athlètes la perspective d’une récompense , des spectateurs pour juges, le plaisir pour aiguillon : à ce prix, plus de répugnances, plus de blessures; on se laisse battre, déchirer, mettre en lambeaux, inonder de sang, et personne ne pense à accuser le juge du combat ; tout disparaît sous le prestige des cou-ronnes et des applaudisscmens, des présens et des distinctions publiques, des images et des statues, de l’espérance de se survivre à soi-même dans la mémoire des hommes , et de la sorte d’immortalité que la gloire du nom peut, permettre. Vous n’entendez pas l’athlète couronné se plaindre des blessures qu’il a souffertes, pas même le vaincu. Quoi donc ! Dieu n’auroit pas le droit de proposer ses exercices et ses combats , de nous faire des-cendre dans cette arène où il nous donne en specta-cle aux anges et aux hommes , et à toutes les puissances? (1. Cor. iv. 6.) de mettre à l’épreuve la force de l’âme et de la chair? (Chap. VI.)
Du moment où la religion a commencé à s’établir (Page 624·) parmi les hommes, elle a trouvé des persécu-leurs (1). Abel est agréable à Dieu ; il excite la haine de son propre frère , qui le met à mort. L’impiété n’aura plus rien qui l’arrête dans la route du meur-tre, après qu’elle en aura rougi l’entrée du sang d’un frère. Quand les justes sont sacrifiés, les prophètes ne seront pas épargnés. David est réduit à fuir ; Elie ne sauve ses jours qu’en se cachant ; Jérémie est lapidé ; Isaïe scié ; Zacharie meurt égorgé (Matth. xxin. 35.) entre le vestibule et l’autel, laissant sur la pierre l’inef-façable trace du sang qu’il a versé. Le précurseur de Jésus-Christ, Jean-Baptiste, venu annoncer l’a-bolition de la loi et des prophètes, (Ibid. xi.9· ) plus que pro-phète lui-même, honoré du nom de l’ange du Nouveau-Testament, (Malacli. ni.) est la victime (hi brutal Hérode ; et sa tête devient le salaire d’une infâme prostituée. De tout temps ceux qui, agissant dans l’esprit de Dieu, dirigeoicnt leurs vues vers le martyre, ont justifié leur doctrine par leur propre exemple. Au milieu d une ville (Page 625.) lâchement obéissante à l’ordre d’adorer l’image deson monarque, (Dan. in.) les trois jeunes captifs d’Israël, animés d’une foi qui savoit être libre jusque dans les fers, étoient disposés à mou-rir pour combattre l’idolâtrie. Leur martyre , bien qu’il ne fût pas sanglant, n’en fut pas moins par-fait. Dieu , qui vouloit témoigner que leur confiance en lui n’avoit pas été vaine, ne permit pas qu’ils eussent à souffrir davantage. (Chap. VIII.)
(1) Tertullien : Cum odio sui simul esse cœpit veritas. ( Jpologet.) S. Paul : Et ovines qui pie volunt viverein Christo Jesu, perseculioiiem patientur. Tous les panégyriques des saints, tous les sermons sur les souffrances des justes. Molinier Serm. chois, loin. sי <״ pag- 67. Montarg. Diet, apostol. ton!, vi, pag. 1|2, citant Tertullien.
Substituons encore la pénitence au martyre dans les lignes suivantes; et nous ne serons qu’exacts.
(Page 623.) Dieu avoit prévu la foiblesse de notre nature, les embûches de notre ennemi, les séductions du siècle, les pièges au milieu de qui nous marchons, les périls auxquels la foi est exposée même après la régénération baptismale. 11 prévoyait combien méconnaîtraient les moyens de salut, souilleroient la robe nuptiale, obligeroient le pasteur à courir après eux par les montagnes et les solitudes pour les ramener au bercail en les chargeant sur ses épaules ; il nous a ménagé une dernière ressource et un renfort puissant. ( Chap. VI. )
11 finit en proposant l’exemple des apôtres et de tous les saints.
Tout ce que les apôtres ont eu à souffrir, nous (Pag() le savons ; il me suffit de parcourir le livre des Actes , je n’en demande pas davantage : j’y vois à chaque page leur emprisonnement, leurs tortures par les chaînes, par les fouets, par les grêles de pierres, par les insultes des Juifs, la haine des pro-consuls. Les plumes qui nous ont transmis leur histoire sont, pour ainsi dire, trempe'es dans leur sang ;partout où j’en rencontre le récit, j’apprends à souffrir. (Chap. XIII. )
XXVII. DE LA FUTE EN TEMPS DE PERSECUTION.
Est-il permis de fuir dans la persécution? Telle est la question à laquelle Tertullien répond par la négative. Son génie ardent le portoit à tout ce qu’il y avoit de plus rigoureux. « Tertullien, dit un de nos écrivains, n’avoit »pas celte sobriété de sagesse tant recommandée par »!’Apôtre, mais ce zèle indiscret qui charge l’homme »de fardeaux insupportables à sa faiblesse (1) ». L’Es-prit-Saint, qu’il appelle l’inspirateur de toute vérité, a mis sous la plume de saint Cyprien , de saint Pierre d’Alexandrie, de saint Athanase, le correctif de cette morale contraire à la parole expresse de Jésus-Christ (2). Le principe d’où part Tertullien , c’est que rien n’arrive (Pag() indépendamment de la volonté de Dieu.
(1) llouteville : La relig. chrèt. prouvée par les Jails, Disc, prélim. pag. 38.
(2) Matlli. x. 23. Cum aillent persequenlur vos in civitaleista,fugite in aliam. Tertullien veut que eel ordre, donné par le Sauveur à ses apû-très, ne les obligeâtquc pour un temps,et pour la Judée seule, c. vietvii.
(Mauh. in.) Dieu permet les persecutions pour éprouver la fi-délit(*' de ses serviteurs. C’est le van où si* fait la sé-paralion du froment d’avec la paille qui se trouve (u<·״. xxvni.) mêlée dans l’aire; c’est l’échelle mystérieuse de Ja-cob où les uns montent, et d’où les autres descen-dent ; une arène où le Seigneur appelle scs athlè-tes pour décerner les couronnes aux vainqueurs. Dans quel temps la foi est-elle plus vive que dans celui où elle est le plus éveillée par la crainte, exer-cée par le jeune, par la prière, par une mutuelle charité entre les frères? Tous les senlimcns sont absorbés parla crainte et l’espérance. (Chap. I. ) (Page 690·) Il est bien vrai que la persécution est l’œuvre du démon , puisque tout ce qui est injuste remonte à lui comme à son auteur; et quoi de plus injuste que de traiter les plus innoccns des hommes comme s’ils en étoient les plus criminels ? Mais toute sa perversité n’est qu’un instrument dans les mains (h Cor. vu!,) de Dieu, qui s’en sert pour manifester sa force dans la faiblesse, et pour confondre l’iniquité. Le démon n'a de pouvoir sur les serviteurs de Dieu qu’au-tant qu’il plaît «à Dieu de lui en accorder. Exemple de Job et des apôtres. (Chap. 11.)
Dieu, souverain maître des événemens et des peuples, permet que le feu de la persécution s’al-lume; il saura bien l’arrêter quand il le jugera à propos. (Chap. 111. )
(Page 691.) De ccs principes Tertullien va droit à la conclusion:
il n’est jamais permis de fuir, pas plus que dose racheter par argent. (Chap, iv.)
(A l’objection, « En ne fuyant pas, je cours le risque (!»;!ge 692·) de succomber, » il répond : ) En êtes-vous cer-tain ? Si vous l’êtes, c’est déjà fait. Si vous ne l’êtes pas, pourquoi dans l’incertitude préjuger la ques-lion, manquer de confiance en Dieu, vous mettre en opposition avec sa volonté, toujours raisonnable, toujours bienfaisante ? C’est renoncer à la foi, que de n’être pas dans la ferme résolution de la cou-fesser. Le saint martyr Rutilius avoit eu beau fuir, changer souvent de retraite, essayer par de l’argent de se dérober au danger, et se croire bien assuré de la vie; toutes scs précautions n’empêchèrent pas qu’il ne fût arrêté et conduit devant le juge. Condamné au feu, il bénit Dieu d’un bienfait au-quel il avoitcherché inutilement à se soustraire (1). A quoi sert de fuir? Dieu saura bien vous retrou-ver. ( Chap. V.)
(1) Sa fête est marquée au 2 août.« Gel exemple étoit nécessaire, dit M. de Tillemont, en un temps principalement où Tertullien et les autres montanistes , passant à une extrémité opposée à celle où étoient les gnostiques, mettaient en œuvre tout le faste delà philosophie sloï-cicnnc pour persuader aux chrétiens qu’il étoit défendu de fuir la per-séculion, et exposaient ainsi les (bibles au péril de perdre leur foi. » lîailh l, f'ics des saints, 10m. v, in-/!", pag. 58 du mois d’aoùt.
Tertullien discute les passages de !’Ecriture qui corn-battent sa doctrine. On admire la subtilité de son gé-nie, et la chaleur de son argumentation.
«Qui fuyoit, reviendra au combat. »—Oui, peut- (l’âge 6yG.) être pour fuir encore. Le moyen de vaincre, lors-qu’en fuyant on a été vaincu? Le généreux guerrier, bien fidèle à son général, que celui qui, avec la (Ephe־, vi.) puissante armure que nous donne l’Apôtre, déserte le champ de bataille, au moment où le son de la trompette vient frapper son oreille ’. Est-ce donc un si grand mal de mourir? car il faut bien en venir là. Vainqueur ou vaincu , n’importe. J’aime mieux que l’on me plaigne , que d’avoir à rougir. N’y a-t-il pas plus de gloire pour un soldat à mourir les armes à la main, qu’à se sauver en les abandonnant ? « Vous chrétien, vous avez peur d’un homme, vous qui devez vous rendre redoutable aux démons ! vous qui portez dans ce nom de quoi faire trembler le monde, puisque vous avez parce nom l’autorité de (Gai. !7? .!י.) le juger; »(1) vous revêtu de Jésus-Christ, puisque vous avez été baptisé en son nom !( Chap. X.)
(1) Tr.1׳t. par Lame , Serm. sut le respect humain, vivent. p. 288.
Dans le sens outré de Terlullien , il n’y a pas un moindre mal à se racheter dans la persécution qu’à la fuire.
Vous racheter! mais vous Teles: vous avez coûté (Page 697.) à Jésus-Christ bien plus (pie de l’argent.
Bossuet, laissant là ce qu'il y a de répréhensible dans ce livre, s’arrête à ces sentimens vraiment dignes de l’an-cicnne Eglise, et de l’esprit du christianisme: «0 honte de !’Eglise (s’écrie-t-il avec Tcrtullicn.cn traduisant se.; paroles)! un chrétien sauvé par argent ! un chrétien riche pourne souffrir pas! a-t-il done oublié que Jésus-Christ s’est montré riche pour lui par l’effusion de son sang ? Sachons qu’étant rachetés par le sang, étant délivrés par le sang, nous ne devons point d’argent pour nos vies, nous n’en devons point pour nos libcrlés , ci notre sang nous doit garder celle que le sang de Jésus-Christ nous a méritée (1). »( Chap. xn. )
(1) Serai. sur l'esprit du Christian. pour le jour de la Pentecôte, tom. ix, pag. 73.
( * ) j9e pallio. Le P. Malebranche, tout en admirant les descrip-lions pompeuses etmcupiifiques qui se rencontrent dans ce petit ouvrage, en blâme le sujet, et surtout l’obscurité, llecherch. de la vérité, iiv. 11, ch. ni, pag. 508.
Tertullien avoit quitté la longue toge romaine adop-téc à Carthage, pour le manteau plus court desphiloso-plies. On l’cn blàinoit; il crut devoir se justifier, et pu-blia ce petit ouvrage, que l’on peut regarder comme un jeu d’esprit remarquable par une étendue prodigieuse de connaissances dans l’histoire tant ancienne que contemporaine. Juvénal n’a rien de comparable à l’é-nergie de Tertullicn décrivant les désordres de son temps. La gravité de la chaire chrétienne n’a pas dé-daigné d’y faire quelques emprunts. Senault, parexem-pie : « Les Pères de !’Église ont dit que Dieu avoit traité l’homme, depuis son péché, comme un esclave rebelle: qu’il l’avoit couvert de peaux pour lui apprendre qu’il étoit devenu semblable aux bêtes; qu’il l’avoit mis dans le monde comme dans une minière, et qu’il l’avoit obligé de remuer la terre pour se nourrir, comme la rc-muent les criminels pour y trouver les métaux (2). »
(2) Panégyr. loin, in, pag. 578.
Ce sont en effet les expressions de Tertullien dans cet (Page 154) ouvrage (1); et Bourdaloue, qui les rappelle dans son sermon sur l'oisiveté, ne manque pas d’en faire con-noître l’auteur. Après avoir cité les paroles de la Genèse , Dieu fit à Adam un habit de peaux : « Sans doule pour lui signifier qu’en péchant il s’étoit dégradé lui-même, et qu’il étoit déchu de la liberté des enfans de Dieu, dans un esclavage honteux et pénible; car l’habit de peaux, poursuit Tertullien, étoit affecté à ceux que l’on con-damnoit aux mines ; et Dieu le donna à Adam, afin qu’il ne considérât plus sa vie que comme un continuel tra-vail (2). »
( 1) Deliinc eum de originis loco exterminai ; pellilus orbi, ul métallo, datur. cap. 111.
(2) Domiti. tom. 1, prem. part. pag. 285.
(!,âges !36, 158) Le luxe des habits avoit fourni à Tertullien une censure éloquente, dont un autre de nos prédicateurs (le Père Larue) a saisi habilement les traits généraux, pour les appliquer à un genre de désordres où nous avons surpassé les Grecs et les Romains.
״ On voit l’or et les pierreries, dit Tertullien, surles mains occupées aux ministères les plus vils. On voit des personnes inconnues, à peine sorties de la poussière, gémir au fond du cœur du désavan-lage de leur condition, et tâcher de s’en consoler par la multitude et l’affectation de leurs parures. »
« Tertullien nous est témoin que les plus nobles d’entre les païennes avoient quitté ces habits majestueux dont l’appareil embarrassant marquait, dit-il, et défendait en même temps l’ancienne dignité de la pudicité 10-mainc : Indices custodesque dignitatis habitus (3). »
(3) Sur le luxe des habits. Serm. de l’Avcnt. pag. 258, 209, 355.
Observons que l’éloquent jésuite auroit pu donner à sa traduction plus d’âme et de vérité, en y ajoutant d’autres passages qu’il eût rendus beaucoup mieux que nous.
Toutes les passions sont devenues autant d’in-cendies; c’est à qui en attisera la flamme.
Le génie du luxe, sans cesse enchérissant sur (Page !54,1 55י·) lui-meme, ne s est pas borne a ces vastes ap-provisionnemens que lui fournissoit la nature: du nécessaire , on avoit bientôt passé à la parure ; le faux honneur de paraître plus considérable en se grossissant(1), a imaginé les formes diverses de vêtemens. ( Chap. IV. )
(1) Belle expression, que Bossuet s’est appropriée dans un de ses sermons sur l'honneur, tom. iv, pag. 161.
Voyez ces repaires publics ouverts à la prostitution; (Page !56.) voyez ces courtisanes effrontées, qui font de l’artifice un trafic; ou plutôt, si vos yeux ne doivent pas même s’abaisser sur ces lieux infâmes, où la pudeur est égorgée au grand jour, jetez-les, bien que de loin, sur nos dames.
Vous retrouvez Tertullien sous la plume du Père de Larue, dans une autre imitation qu’il doit encore au même ouvrage.
« Le miroir n’a point de voix pour reprocher aux hommes leur laideur; il ne laisse pas de les en faire rougir par la seule image qu’il leur en met de-vaut les yeux: tel étoit, dit Tertullien , le chrétien des premiers siècles en présence des païens : Etsi eloquium quiescat, ipse habitus sonat, auditor dum vidclur. Voiralors un chrétien, c étoit l’entendre, c’étoit s’instruire de son devoir; sa seule vue étoit une invective contre les mauvaises mœurs, une leçon de pudeur et de modestie (1).»
(1) Serin, sur le respect humain , vivent. p:1g. 287.
Mais Bossuet; bien mieux encore que le P. de Larue, s'est pénétré du génie de Tertullien, quand il dit en citant ce même ouvrage :
(rage 15-.) (( Je ״e s״is point dans l'intrigue, dit le grave Tertullien, dans le docte livre de Pallio : on ne me voit point m’empresser près de la personne des grands; je n'assiège ni leurs portes ni leur passage; (Page 15S.) je ne me romps point l’estomac à crier au milieu d'un barreau : je ne vais ni aux marchés ni aux places publiques, j'ai assez à travailler en moi-même. C’est là ma grande et ma seule affaire , in me negotium mihi est (2). » (Chap, v.)
(2) Sermons . lom. ni, pag.
Et encore :
« L’on craint de passer pour un homme inutile, et de rendre sa vie méprisable : Sed ignorant infama-bis. 11 faut faire quelque figure dans le monde;)־ devenir important, nécessaire; servir l’état et la patrie: Patriœ et imperia, reique vivendum est. Ainsi le temps s’écoule sans s'en apercevoir. Sous ces spécieux prétextes, on contracte chaque jour de nouveaux engagemens avec, le monde, loin de rompre les anciens. L’unique nécessaire est le seul négligé. Et enfin , après avoir été le jouet du temps, du monde et de soi-même , on est surpris de se voir arrivé , sans préparation, aux portes de Péter-nitc (1).»
(1) Bossuet, Panêgyr. pag. 228 ,־.
Un des ouvrages le plus justement célèbres de Ter-lullicn est celui dans lequel il combat les specta-clés (2).
(2) Ce sujet fut traité dans le dernier siècle avec un succès éclatant par le P. Beauregard, jésuite missionnaire (a). Je l’entendis un joui' qu’il prêchait à Saint-Sulpice ce sermon, l’un des plus courus de ce prédicateur, vraiment apôtre. Je m’en souviens ; l’impression fut vive et universelle. J’entendis un prélat, auprès de qui je me rencontrais, dire à son voisin : Tertullien n’eùt pas été plus éloquent ; et l’autre répondre : Je crois plutôt , monseigneur, que le prédicateur n’est pas plus éloquent que Tertullien. Le plan du sermon étoit simple :lesspec-taeles y étaient combattus par la tradition et par les argumens tirés de la religion et de l’expérience. Le P. Beauregard , enchérissant snrlîi fameuse réponse de Bossuet à Louis xiv. établissait qu’il y a contre les spectacles les plus graves autorités, et pas un exemple légitime en leur faveur.
On a recueilli a diverses époques les témoignages de la tradition, qui tous les condamnent, et dont pas un ne les absout. Les noms de S. Clément d’Alexandrie, de Tertullien, de S. Cyprieu, de Laclance et d’Arnobe, de S. Ambroise et de S. Augustin, de Salvien et de S. Jean-Chrysostôme, de S. Charles Borromêe et de S. François de Sales, des conciles et de plusieurs de nos rois, paraissent avec honneur dans la longue chaîne de cette antiquitési hautement déclarée contre ces sortes dedivertissemens, auxquels les sages païens eux-mêmes ne pardonnoient pas les désordres qui s’y attachent. Les lettres de AI. Després de Boissy publiées contre les spectacles ajoutent les témoignages des temps modernes; et cet ouvrage, fort bien fait , peut apprendre beaucoup de choses au prédicateur lui-même , pourvu qu’il sache faire un choix dans cette vaste accumulation de matériaux , et les réduire à une vigoureuse analyse. L’abbé Clément a suivi cette méthode avec succès dans son sermon sur les spectacles (a), on il examine : ״ Si le théâtre est, comme ־on le prétend , indifférent en soi; et quand même on pourrait le con-»siderer comme indifférent en soi, s’il est vrai que l’innocence n’y »coure aucun risque.» Il enchaîne à cette double question les passages des Pères , particulièrement de S. Jean-Chrysostôme, et de Tertullien. Ce discours est une des plus estimables productions de ce prédicateur.
(a) L’on vient de mettre au jour un choix ou analyse mutilée de ses serinons (1 vol. in-12, Paris, 1820). Ce qui ne pouvait pas se transmettre sur le papier, c’étoit le noble extérieur du prédicateur, son air pénétré, son admirable organe, et le pittoresque dç son geste , quelquefois trop abandonné. Son sermon sur les spectacles est la pièce la plus remarquable de ce recueil. Il n’est, d’un bout à l’autre, que la paraphrase, souvent la traduction du traité de Terlullien.
(a) Carôme, tom. 11, pag. 177 et suit.
Par les principes qu’il établit, Tertullien ramène toute la question à son vrai point de vue : Qu’cst-cc que le chrétien ? qu’est-ce que le théâtre?
(P:,SC) Le chrétien, c’est le disciple de Jésus-Christ; le serviteur de Dieu, appelé par sa profession et ses destinées aux plus intimes communications avec Dieu. C’est donc la morale de Jésus-Christ, c’est la loi de Dieu qui doit faire la règle de nos mœurs (1).
(1) Boiirdalone, Serm. sur le caractère du chrétien. Domiu. tom. 1v, pag. 48, et tout le discours. Clément, sur les spectacles, Carême, t. 11, p. 1S0. Montargon, Diet, aposlol. ait. spectacles, t. xn, p. 611.
Tels sont ceux à qui Tertullien adresse cet écrit: Dei serai, qui cum maxime ad Dcum accedilis.
D’un coté l’on ignore sa loi ; de l’autre on veut l'interpréter au grc de ses préjugés ou de ses pas-sions. Tel est l’empire de la séduction, que l’on méconnoît le danger, parce qu’on ne le soup-çonne pas, ou qu’on le dissimule par une fausse conscience (1). 11 faut instruire les uns, désabuser les autres.
(1) Tanta est voluplatum vis, ut ignorantiam prolelct in occasio-nem,el conscienliam corrumpal in dissimulationeni. Bourdaloue déve-loppe éloquemment celte proposition par les mêmes paroles de Ter-tullien, dans le commencement de son serm. contre les divertiss. du monde, Dominic, tom. 11, pag. 55, 56. Voy. aussi Beauregard, p. 27.
Qu’est-ce donc que le chrétien ? Alors toutes les lois condamnaient les chrétiens au martyre, ehristianos expeditum morti genus (2). Ils le savaient bien , et parce que, à tout moment, ils s'attendaient à mourir, ils s’enlretenoient dans cette espérance par la fuite des plaisirs, s’exerçant au mépris de la vie par le retran-chôment de tout ce qui peut y attacher, amputalis quasi retinaculis ejus■ On 11e regrette point ce qui ne fut pas une privation. Y renoncer volontairement, c’éloit satisfaire à ses propres inclinations, autant qu’obéir à la loi divine.
(2) « Savez-vous ce que c’est que les chrétiens ? C’est, dit Tertullien, »un genre d’homme destiné à la mort. Remarquez qu’il ne dit pas »condamné, mais destiné à la mort, parce qu’on ne les condamnoit »pas parles formes , mais plutôt qu’on les regardoit comme dévoués »au dernier supplice par le seul préjugé d’un nom odieux. » Bossuet, Panégyr. pag. 505. La Colomb. Serm. tom. m, pag. 74·
Ce qui fut vrai du temps de Tertullien n’a pas cessé de l’être pour les jours où nous sommes. Dans tous les temps , le chrétien doit mourir à soi-même. La foi ehré-tienne, dit ailleurs le même Père, est un continuel engagement au martyre, debilricenimarlyrii [idem (1).
(1) Jn Scorpiaco, cap. vin.
Le chrétien est l’homme de la pénitence et de la inor-tiiication , l’homme du cilice et de la cendre, con-cilicialus cl concineratus (2).
(2) De pudicilia, cap. xm.
Persuadés que la frivolité du théâtre étoit incompa-tible avec l’austère gravité de !’Évangile, les fidèles d’alors s’abstenaient des spectacles du cirque et de l’am-phithéâtre, au point que nous avons vu les écri-vains du paganisme leur en faire un crime (3). Ter-tullien en convient dans son Apologétique (4), et ne manque pas de le rappeler ici.
(3) Celse dansOrig. 1. vin, cli. xxi, xxiv, xxvin. Octave dans Minutins-Féï'is: Non spec taenia visitis, non pompis inlereslîs. p. 105, cd. Varier.
(4) Cap. xxxvin. Sur quoi l’on pent consulter les Serm. du P. de la Colonibiêrc, contre As ièï׳cz׳zzs5ivwe7zs du carnaval, tom. 111, pag. /j6, '17, 17a, oii Tertullien lui prête unes! puissante autorité.
On cherchait à expliquer !’indifférence des chrétiens pour les diverlissemens du théâtre , par le prétendu fa-natisme qui les faisait courir à la mort, et ne leur lais-soit que du dégoût pour tous les plaisirs de la vie.
Quel attrait les spectacles pouvoient-ils offrir à des hommes qui n’avoient qu’un moment à vivre ? L’attachement au plaisir pouvoit-il s’allier avec la disposition de mourir pour la cause de Dieu ?Ce n'est pas la mort qui fait peur; on sait bien qu’elle est inévitable : mais le plaisir, sans qui ce n’est plus vivre, est un besoin pour le sage comme pour celui qui l’est le moins. (Chap. II.)
On les condamnoit, on les plaignait ; on se gardait bien de les imiter.
Il en eût trop coûté pour être chrétien à pareil prix; et la peur d’un tel sacrifice éloignoit de la religion plus encore que la crainte de la mort (1).
(1) Plures denique inventas quos rnagis periculum voiuplatis quant vitœ avocet ab hac sccta. Voy. Bossuet citant Tertullien , Semi. tom. v, pag. 87. Le P. Le Jeune, Serin, contre tes diverliss. du inonde, tom. 11, Serin, lxii, pag. 548. Fromentières , Serin, tom. 1, pag. 440.
C’est donc un principe certain que, dans la profession de la vérité chrétienne, telle que Tertullien la conçoit, le théâtre ne s’allie pas avec !’Évangile: isla non competunt verte religioni, et vero obsequio erg a Deum verum.
La fuite des dangereux divertisseinens est la marque la plus caractéristique du chrétien, au ju-gement de quiconque ne l’est pas (2). Sans nous (Page 90.) embarrasser donc de l’opinion des païens, écou-tons ce que nous disent nos saints oracles (3).
(2) Hinc vel maxime intelligunt factum chrislianum esse répudie speclaculorum. Tertull. De sped. cap. xxiv.
(3) Beanregard : Avant d’entendre vos auteurs , perinettez-moi de vous citer les miens, et d’abord l’autorité vénérable de !’Eglise, p. 4ô.
« L’ignorance de l’esprit de l’homme n’est ja-mais plus présomptueuse, ni ne prétend jamais mieux philosopher et raisonner, que quand on veut lui interdire l’usage de quelque divertisse-ment et de quelque plaisir dont elle est en pos-session, et qu’elle le croit légitimement permis; car c’est alors qu’elle se met en défense, qu’elle devient subtile et ingénieuse, qu’elle imagine mille prétextes pour appuyer son droit, et que, dans la crainte d’etre privée de ce qui la flatte, elle vient à bout de se persuader que ce qu’elle désire est honnête et innocent, quoiqu’au fond il soit cri-minci et contre la loi de Dieu (1). »
(1) Traduit par Bourdatoue, Serm. sur les divertissent, du monde, Dominic, tom. 11, pag. 55, 56.
Ce sent là les maximes fondamentales auxquelles notre ministère doit toujours ,ramener la discussion sur ces sortes de divertissemens. Leur développement fournit la réfutation la plus décisive des motifs dont les apolo-gistes du théâtre appuient sa défense.
Est-il bien vrai que la religion et la conscience proscrivent l’innocent plaisir de voir et d’entendre? Dieu s’offense-t-il de divertissemens qui peuvent se concilier avec le culte qui lui est dû, tant qu’on va les prendre dans un temps et dans des lieux où on peut le faire sans manquer à sa loi ? (2) Pourquoi renoncer à des jouissances que Dieu autôrise, puisque c’est de sa main libérale que l’homme lient tout ce qui les compose; et s’il les a données pour l’usage et pour l’agrément de la vie, quel mal peut-il y avoir à en profiler (3) ? (Chap. II.)
(2) h ihil obslrepere religioni in animo, et in conscientia, tanta solatia cxtrinsecus oculoruni vel aurium ; nie vero Deum ojj'endi oblectalione hominis, <]ua, salvo erga Deum metu et honore, sito in tempore, etsuo in loco J'rui scelus non sit. (cap.1.)
(3) Omnia a Deo inslilula, et homini atlributa ; cl ulûpic bona. Inter luvc depulari universa ista, ex f/uibus spec taenia inslruuntur.
Tertullien distingue en général l’usage de la chose d’avec son abus ; ce que Dieu a fait, d’avec ce que le démon aajoutéàson ouvrage.
Il ne suffit pas de regarder par qui telle chose (Page 90.) a été׳ faite ; il faut considérer par qui elle a été dé-tournée. Il y a bien de la différence entre conser-ver et corrompre. La morale du paganisme lui-même s’accorde avec nous pour ranger dans la classe du mal une foule de choses dont les instru-mens nous ont été donnés par le Créateur. Par exemple, le fer et le poison attentent à la vie des hommes. Dieu a donné à l’homme et le fer et les plantes dont il compose son poison: étoit־ce pour en faire un assassin? L’or, l’argent, l’airain, l’ivoire, sont des présens de sa munificence ; l’idolâtrie les fait servir au culte de ses fausses divinités (1).Dieu en les créanta-t-il voulu qu’on les employât contre lui-même, et qu’on en lit la pompe d’une sacri-lége impiété? Ne voyez, plus l’œuvre de Dieu dans ce qui l’offense... L’homme qui s’est abandonné à tous les crimes en est-il moins l’ouvrage de Dieu? plus encore, son image. Pas une faculté de son in-telligence, pas un de ses organes, ni de ses sens , dont il n’ait fait un instrument d’iniquité : étoit-ce là l'intention de son divin auteur? Non certes; le Dieu qui hait jusqu’à ]a pensée quand elle est cri-minelie ne nous a pas doués de si brillans a van ta-ges pour que nous les détournions à notre perte , quand ils peuvent servir à notre salut, puisque c’est sur le mauvais emploi que nous en aurons fait que portera notre condamnation. (Chap. II.)
(1) a Le démon, n’oubliant pas son premier dessein de s’égaler à la nature divine , se déclare ouvertement le rival de Dieu ; et tâchant de se revêtir de la majesté divine , comme il n’est pas en son pouvoir de faire de nouvelles créatures, pour les opposer à son maître, que fait-il? Du moins il adultère tons les ouvrages de Dieu, dit le grave Tertullicn, il apprend aux hommes à en corrompre l’usage; et les astres, et les élémens , et les plantes , et les animaux, il tourne tout en idolâtrie. 11 abolit la connoissancc de Dieu, et par toute l’étendue de la terre il se fait adorer en sa place. » Bossuet, Serin, tom. iv, pag. 188.
« Oui, dit-on, pour l’abus, àla bonne heure, on a raison de le condamner ; mais l’abus ne détruisant pas !’institution, confondre l’un avec l’autre, n’est־ce pas être aussi trop rigoureux? d’autant mieux, ajou-toieht, au sein même du christianisme, quelques personnes peu e'claire'es , d’autant mieux que les oracles de la loi n’avoient rien prononcé nommé-ment contre les spectacles; leur silence n’en étoit-il donc pas l’apologie (1) ? »
(1) Convertamiir magis ad nostrorum retraclus. Quorumdam enim fides aut simplicior, aul scmpulosior, ad liane abdicalionem spectacu-lorum de Scripturis aucloritatem exposcil, cl se in incertum constiluil, <juod non significanler neque nominatim clenuncielur servis Dei absti-nenlia ejusmodi. Et ibid. cap. xx : Obtendunt nullam ejus abstinenlice menlionem specialiler in scripluris determinant, <]uœ direcio prohibent ejusmodi conventibus insert servum Dei. pag. gg. « Les reproches contre les spectacles portent â faux ; car enfin !’Écriture ne les con-damne pas. » Beauregard, Anal, page 28. « On demande: Si la comédie est si dangereuse , pourquoi J ësus-Cbrist et les apôtres nΌιιΙ-ils rien dit d’un si grand péril et d’un si grand mal?» Bossuet, Reflex, sur la corné-die , dans le loin, vu de la collection in-4", Taris, 1744·
( Notre vénérable antiquité tout entière répond que !’Ecriture et l'Evangile en ont plus dit en se taisant sur ce point, que s’ils s’étoient expliqués par clés défenses expresses) (1).
(1) Kerecundiam passa plus interdixit, quia tacuit. S. Cyprian, seu autor libii de spectac. S. Cypriano adscriptus; ed. Pamel. pag. 4*4. col. 1; ed. Oxon. pag. 5, col. 2. La Colomb. Serrn. tom. ni, pag. 1?5. Le P. Croizet étend cette pensée dans sesAe/Zex. spirit, torn, u,pag. 81.
On sait trop que, malgré l’autorité de tous les Pères, l’objection s’est renouvelée dans les temps mqdernes, et sous'des plumes qui n’étoient pas celles de l’incré-dulité. Tertullien !’avoit foudroyée.
L’Écriture n’a pas dit explicitement: Vous fuirez (page 9I.) les assemblées du cirque et les jeux du théâtre, comme elle a dit en termes exprès : Vbus ne tuerez point, vous n adorerez point d’idoles , vous ne (Exod.xx.13)(Lévit. xxv!.) serez point adultère ni menteur. Mais elle a dit par (Rom. »״״·) la bouche des Prophètes : Heureux l’homme qui ne (ps.. »·) s’est point laissé aller à suivre le conseil des impies; qui ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s’est point assis dans la chaire contagieuse des libertins (2). (L'auteur applique au théâtre chacune de ces désignations).
(2) S. Clément d’Alexandrie dirige les mêmes expressions contre ceux qui assistent au théâtre. Pedag. liv, ni, ch. xi. Bossuet presse la réfutation par des témoignages nombreux et décisifs. Supr. pag. 671-673.
Si David, dans un esprit prophétique, a flétri sous le nom de conseil d’impiété et de chaire de pestilence l’assemblée où quelques Juifs dévoient porter contre Jésus-Christ l’arrêt de mort, corn-bien plus cette nombreuse réunion de tout un peuple qui ne conspire pas moins contre lui! A votre gre', les païens, les pécheurs de profession, les ennemis déclarés de Jésus-Christ, seroient donc jnoins impies que les Juifs? Non, le crime est le même. Le Prophète avoit en vue ceux-ci aussi bien que les autres , et les assemblées du théâtre et le conseil des Juifs. Les sacrilèges pro-fanateurs de la loi de Jésus-Christ, aussi bien que les meurtriers de sa personne, ne forment pas moins et ce conseil d’impiété et cette chaire de pestilence que David dénonçoit à l’indignation de la postérité. Ce que l’Ecriture adresse aux particuliers s’appli-que à tous les préceptes qu’elle donne ; les défenses qu’elle impose regardent le genre humain tout entier. (Chap. III.)
L’auteur du Traité contre les spectacles, attribué à saint Cyprien, pousse encore plus loin et l’argument et la réponse. «Bien loin de défendre les spectacles, !’Écriture, nous dit-on , les autorise , en nous montrant un David dansant devant l’arche, un saint Paul empruntant (11 Reg. v<.) ses plus belles comparaisons aux combats du (1 Cor. ix.) cirque et de !’amphithéâtre. » 11 répond : Des chrétiens, des hommes du moins qui font la profession de l’être, oser chercher dans !’Écriture l’apologie des infamies du théâtre, mèléos aux superstitions de l’idolâtrie (1) ! Mais quelle comparaison entre le saint enthousiasme du prophète roi. et les jeux indécens de vos spectacles pro-fanes! David s’abandonnoit-il à d’obscènes niouvemcns? représentoit-il en présence du Seigneur les excès delà débauche ( 1) ? El quand saint Paul prend ses similitu-des dans les combats du cirque, est-ce donc pour les permettre, ou seulement pour exciter à la vertu évan-gélique par l’espoir des récompenses , en demandant pour le service de Dieu la même émulation qui animoil les infidèles pour leurs couronnes terrestres et périssa-blés (2)?
(1) Nulla enim obscenis motibus membra dislorquens desallavit grceccelibidinisjabulam. ApudS. Cyprian, cd. Patnel. pag. 414·
(2) Argumentum esl excitandœ virlutis, non permissio, etc. Ibid. Voy. Beauregard , pag. 54 et suiv.
Un autre docteur, plein de l’esprit de cette antiquité sainte, en a fait passer le langage dans ces paroles :
« Si la comédie est dangereuse, pourquoi, demande Bossuet, Jésus-Christet ses apôtres n’ont-ils rien dit d’un si grand péril et d’un si grand mal ?» et il répond : « Ceux qui voudroienl tirer avantage de ce silence n’auroient encore qu’à autoriser les gladiateurs, et toutes les antres horreurs des anciens spectacles, dontl’Écrilurene parle non plus que des comédies. Les saints Pères, qui ont essuyé de pareilles difficultés de la bouche des défen-scurs des spectacles, nous ont ouvert le chemin pour leur répondre : que les délectables représentations qui intéressent les hommes dans des inclinations vicieuses ^0111 proscrites avec clics dans Γ Écriture. Les immo-desties des tableaux sont condamnées dans tousles pas-sages , où sont rejetées, en général, les choses déshon-nêtes. Il en est de même des représentations des théâtres. Saint Jean n’a rien oublié, lorsqu’il a dit:
(11 Joan. ni.15.) N’aimez point, /e monde ni ce qui est dans te monde. Celui qui aimelemonde, l’amour du Père n’est point en lui; (Ibid. 16.) car tout ce qui est dans le monde est concu-piscencede lu chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie, laquelle concupiscence n'est pas de Dieu, mais du monde (1)·»
(1) Nonpudet, non pudet, inquam ,fideles homines et chrisliani sibi nominis auctorilatem vindicantes, superslitiones vanas gentilium cum spedaculis mixtas de Scripturis cœlestibus vindicare, et auctori-tateni iàololatriœ confevre? Apud S. Cyprian, ed. Pamel. pag. 415.
Tout cela, Tertullien l’avoit dit avant Bossuet.
(Page 96.) On se prévaut, dit-il, du silence de !’Ecriture, parce que le mot de spectacle ne s’y trouve pas for-mellement énoncé; comme si le spectacle n’y étoit pas condamné dans sa source , qui est la concupts-cence du siècle. Par ce seul mot, il me semble que !’Écriture nous défend assez, clairement toute es-pèce de plaisirs et de spectacles , comme étant pro-pres à exciter en nous les appétits déréglés du cœur et des sens (2).
(1) Bossuet, Maximes sur la comédie, tom. vu de l’édit. in-|° des Benedict, pag.6;0 et suiv.
(2) Propter eos qui maxime sibi blandiuntur, quod non nomingtim abstineutia ilia prœscripta sit, quasi parum etiam de spcctaculis pro-nuncielur, cum concupisccntia! sceculi damnantur.... Opinor genera-Hier nominatœ concupiscentiœ continent in se et voluptates. Æque gene-ralitcr intellectœ voluptates spécialité!' et in spectacula disseruntui. cap. xiv. Beauregard : « L’Écriture ne les condamne pas ! Et moi je soutiens que !’Écriture les condamne à chaque page, etc. »Supr. pag. 28.
(Page 91.) Le silence des Écritures : je vous opposerai moi, poursuit Tertullien (3), votre propre confession de foi. Lorsqu’au jour de noire baptême nous avons déclare vouloir servir la loi de Jésus-Christ, qu’a-vons-nous dit? Que nous renoncions à Satan, à ses pompes, à ses anges; et, par une conséquence né-cessaire, à l’idolâtrie , consacrée toute entière au culte de Satan , de ses pompes et de ses anges.
(3) «Quand les Pères voulaient autrefois détourner les fidèdes de ccr-tains divertissemens qui nnt été de tout temps la passion du monde, et par lesquels les hommes du mondese sont de tout temps distingués, ils ne leur en apportaient point d’autre raison , sinon qu’ils étaient chrétiens , et séparés du monde ; et cette raison seule les persuadoit. » Bourdal. Sur le caracl. du chrétien. Domin. tom. iv, pag. 50.
Or, je le demande: où l'idolâtrie règne-l־elle avec plus d’empire que dans les théâtres? Etudiez leur origine: c’est l’idolâtrie, l’œuvre et le triomphe des démons; leur appareil, toute la superstition païenne; les lieux qui leur sont désignés, les arts qui les escortent, la pompe des sacrifices qui les précèdent ou les suivent, partout, les noms et le culte des faus-ses divinités. (Chap. IV.) Qu’importe sous quels (& J) noms on les fait revivre, quand l’objet est le meme...? Reproduire leurs mystères sacrilèges, leurs cérémonies mensongères, c’est perpétuer, c’est accréditer l’idolâtrie, et avec elle les pompes des démons, auxquelles nous avons renoncé. Ce à quoi vous avez renoncé , il ne vous est pas permis ni de le faire, ni de le voir, ni de l’entendre. Qu’allez-vous faire dans ces lieux où vous êtes étrangers? La contagion gagne ; ou se corrompt en (PaSc 94·) communiquant avec ce qui est corrompu : De con-taminatis contaminamur. La volupté n’y fait que (Page 94.) masquer l’impiété : Plaçait impietatem voluptate (Page 95.) adumbrare. Vous iriez, vous asseoir à la labié des démons, vous qui venez siéger à la table de Jésus-Cnrist ! Consentiriez-vous à manger des viandes consacrées aux démons? Non sans doute; et vous introduiriez dans vos yeux et dans vos oreilles, jusqu’au fond de votre âme, ces voluptés que le démon réserve à ses adorateurs (1)?
(1) Quid erit summum aUjue prcecipuum, in quo diabolus et pompœ et angeli ejus censeantur, quam idololatria ? Igilur si ex idololatria uni- versam spectaculorum paraturam constare constiterit, indubitate prœjudicatum erit eliam ad spectacula pertinere renunciationés noslrœ lestimoniuni in lavacro, quœ diabolo et pompœ et angelis ejus sutt mancipata , scilicet per idololatriam. cap. iv. Commemorabimus origines, titulos, apparatus, loca; artes... Si quid ipsis non ad idolum periinuerit , id neque ad idololatriam, neque ad nostram ejurationem perlinebit. Ibid. Hoc erit pompa diaboli, adversus quam in signaculoJidei ejura- mus. cap. XXIV. De idololatria niliildijf'ert apud nos sub quo nomine et lilulo, dum ad eosdem spiritus perveniat. cap. vi. Quod autem ejuramus, nequefacto nequc dicto , neque visu, nequc prospectu poj'ticipare debemus.cap, xxiv. L'auteur du livre contre les spectacles, attribué à S. Cyprien , ex- prime les mêmes sentiinens, pag. 414? col. 2.
Bourdaloue, et l’évêque de Clermont, développent le même raisonnement : le premier, dans son sermon con-tre les diver tissemens du monde (2) ; l’autre, avec une vigueur qui ne lui est pas ordinaire, et plus encore de pathétique, dans le sermon sur le petit nombre des élus. Citons le dernier; c’est l’âme, c'est le génie et tout le langage de Tertullien : « Vous avez renoncé à la chair dans le baptême, c’est-à-dire, vous vous êtes engagé à ne pas vivre selon les sens. Ce n’est pas ici une perfection ; c'est un vœu, c’est le premier de tous vos devoirs, c’est le caractère le plus inséparable de la foi... et de là voilà bien des questions résolues. Vous nous demandez sans cesse si les spectacles sont inno-cens pour des chrétiens. Je n’ai à mon tour qu’une de-mande à vous faire : Sont-ce des œuvres de Satan ou des œuvres de Jésus-Christ ?Car dans la religion il n’est point de milieu... Pouvez-vous'rapporter à la gloire de Jésus-Christ les plaisirs des théâtres? Jésus-Christ peut-il entrer pour quelque chose dans ces délasse-mens. Quoi!... les spectacles seroient des œuvres de Jésus-Christ? Jésus-Christ aimeroit une bouche d’où sortent des airs profanes et lascifs? Jésus-Christ prési-deroit à des assemblées de péché où tout anéantit sa doctrine, où le poison entre par tous les sens dans l’âme?... Or, si cc ne sont pas là des œuvres de Jésus-Christ, ce sont donc des œuvres de Satan, dit Terlu.1-lien : donc tout chrétien doit s’en abstenir; donc il viole les vœu:? de son baptême lorsqu’il y participe ; donc, de quelque innocence dont il puisse se flatter en re-portant de ces lieux son cœur exempt d’impression, il en sort souillé, puisque, par sa seule présence, il a par-ticipé aux œuvres de Satan, auxquelles il avoit renoncé dans son baptême, et violé les promesses les plus sa-crées qu’il avoit faites à Jésus - Christ et à son Église (1). »
(2) Dominic. tom. 11, pag. 60.
(1) Carême, tom. ״, pag. 511,512. Boissy , Leur, sur les spectacles, pag. 617. Beauregard, pag. 40.
Pas une ligne de cet éloquent morceau que nous ne pussions traduire par les textes de Tertullien.
(Page 94.) Le théâtre est proprement le sanctuaire de l’amour profane (1). L'impudique Vénus n y règne (Page 95.) Pas seule. L’intempérance y vient siéger à ses cô-tés. Qu’esl-ce en effet que cette Vénus, que ce Bacchus, que l’on y érige en divinités? leurs noms ne font qu’y masquer tous les excès de la débauche. (Page 96.) Mieux que le Capitole, l’amphithéâtre est le temple consacré,à tous les démons.
(1) Clement, sur les sped. pag. 199. Bossuet, Rcjlex. pag. 655. l’oissy , Lettres. pag. 555.
Si les spectacles insultent à la majesté de Dieu par le crime de l’idolâtrie, ils n’en violent pas moins chacun des attributs de l’essence divine, par les autres vices qui s’y attachent. Dieu nous recommande de conserver dans le calme et dans la paix, dans l’inaltérable pureté du cœur et des (1'·׳»gc 97.) sens, son Esprit-Saint, essentiellement tendre et délicat, de n’en pas troubler en nous la présence par les mouvemens de la passion, de la colère, de la douleur. Comment s’accordera-t-il avec les spectacles, dont pas un n’est sans agitation d’es-prit? Le charme du plaisir allume la passion, qui s’enflamme à son tour par l’attrait du plaisir. La passion, enchérissant sur elle-même, subjugue et domine tous les sens , qu’elle ouvre aux emporte-mens de la colère, de l’envie, de la douleur som-bre, de la haine, el de tous ces sentimens impé-tueux dont le flux et le reflux compatit si peu avec notre discipline. Je suppose que l’on s’y tienne avec un extérieur modeste et compose' ; qui me ré-pond que, sous cet exte'rieur flegmatique, sous ce masque impose' par l’art ou par le rang, le cœur soit impassible, et qu’il n’y ait pas au fond de lame une secrète agitation (1)? On ne vient pas chercher du plaisir sans s’attacher à celui qu’on trouve. Or, il devient impossible de s’y attacher sans quelque sentiment d’affection; et c’est cette affection meme qui est le plus vif aiguillon du plaisir que l’on y goûte. Que l’affection cesse, plus de plaisir : ce n’est plus qu’ennui, perte de temps, inutilité', et je vous demande si tout cela va à des chre'tiens. Quoi que l’on en puisse penser soi-même , on aura beau n’y être qu’à regret, les dé-tester même , rougir de la compagnie où l’on se trouve, c’en est assez de s’y rencontrer pour au-toriser, par sa présence, ceux qui s’y rendent : c’est se mettre en contradiction avec soi-même. Ce que l’opinion condamne, l’exemple l’absout. On de-vient l’approbateur du mal, quand on se rcncon-tre de plein gré avec ceux qui le commettent. N’est-ce pas assez de la nécessité qui nous cou-traintà vivre avec eux dans le monde , sans les aller chercher dans les repaires du crime et de la dé-bauche ?II ne nous suffit pas à nous de n’être pas ac-leurs, quand nous avons l’air d’être complices ( 1 ). (Chap. XV.)
(1) « La plupart prétendent n’y ressentir aucune mauvaise impres-»sion : mais quelle est la cause de leur insensibilité? N’est-ce point » parce que leurs passions sont déjà en mouvement avant qu’ils y entrent, »et qu’elles se trouvent à !’unisson de celles que l’on représente ? » Boissy, Lettres sur les spectacles, pag. 44 ■ cl il s’appuie de l’autorité-de Tertullien. Massill. Car. loin, iv, pag. 565. Bcaureg. pag. 5S.
(1) Omne speclaculum sine concussione spirilus non esl : ubi volup■ las, ibi sludium.
El est reus jam ille vanitatis co conveniens, ubi nihil consequilur. Pulo aulem eliam vanilas exlranea esl nobis.
Tertullien décrit les spectacles de son temps. C’étoicnt particulièrement les jeux de l’amphithéâtre et du cir-que. Déjà il les a flétris par ce mot énergique : (Page 96.) Amphitheatrum omnium dœmonum templum est; tout cc qui s’y rencontre y devient le repaire d’autant de ma-lins esprits : Tôt illic immundi spirilus considuni, quoi homines capit, parce que le démon y attire cha-cuncdes passions dont il obsède les cœurs. ( Chap, xn.) Il revient bientôt après avec une nouvelle force sur les désordres qui se commettent dans ces abominables lieux, le rendez-vous de toutes les impudicités : quod est privatum consistoriumimpiidicitiœ(2). Il décrit :
(2) « Le théâtre, qui est comme une scène ouverte à l’impureté. פ Traduct.de Bourdaloue, IJomin. tom. iv, pag. 50.
(Page 97. et 100) Le concours tumultueux qui s’y presse, l’impa-tience de l’attente,l’avidité' des regards concentre's sur l’acteur, et dévorant chaque geste , chaque pa-role ,chaque action; les animosités des partis qui s’y forment; les cabales, les haines sans motifs, les affections sans intérêt; les violentes ardeurs qui vous identifient à des événemens fictifs et mensongers (3). ( Chap, xv, xvi. )
(3) Ex co itur in Jurias, ci animos, eldiscordias, el quidquid non licet sacerdotibus pads. « Des comédiennes montées sur le théâtre à la place des passions, les passions même en personne, les passions in-carnées, viennent secouer avec grâce les torches de l’impureté ; et ces étincelles s’éteindroient à l’instant dans vos cœurs ? » Beauregard, pag.51.
D’où il prend occasion de demander :
Que faut-il attendre des passions qui vous sont personnelles, quand on vous voit e'pouser avec tant de chaleur des passions qui vous sont étran-gères (1)? (Chap, xvi.)
(1) Quid enim suum consecuturi sunt qui illic agunt, qui sui non sunt ?
Le chrétien s’abstient sévèrement de tout mets capable de le souiller :et il prêteroit ses yeux et ses oreilles à de criminels alimens qui porteront le poison dans ses entrailles (2) ?
(2) Si ergo gulam et ventrem ab inquinamenlis liberamus , quanto magis angustiora nostra, oculos et aures ab idololhj tis abstinemus, quœ non intestinis iransigunlur, sed in ipso spirilu et anima digerun-lur! Voy. Blontaig. Did. apostol. tom. xn, pag. 64 * et suiv.
Il leur reproche :
Les sarcasmes, insultans même pour la puissance publique, qui n’y est pas ménagée : l’obscénité des allusions, l’indécence des équivoques et des bouf-fonneries. Ailleurs on les réprouve; au théâtre on les pardonne , on les approuve. On en rougirait dans sa maison ; là on en fait trophée. Là des femmes...
Traduisons les expressions trop franches de l’auteur (Page 98.) latin par ces paroles de l’évêque de Meaux :
« Làdes femmes immolées à l’inconlinence pu-blique d'une manière plus dangereuse qu’on ne feroit dans des lieux qu’on n’ose nommer. Quelle mère, je ne dis pas chrétienne, mais tant soit peu honnête, n’aimeroit pas mieux voir sa fille dans le tombeau que sur le théâtre ? Quoi ! l’a-t-elle élevée si tendrement et avec tant de précaution pour cet opprobre? l’a-t-elle tenue nuit et jour, pour ainsi parler, sous ses ailes avec tant de soin, pourlalivrer au public et en faire un écueil de la jeunesse ? Qui ne regarde pas ces malheureuses chrétiennes, si elles le sont encore dans une profession si contraire aux vœux de leur baptême, qui, dis-je , ne les regarde pas comme des esclaves exposées, en qui la pu-deur est éteinte (1) ?... Et voilà qu’elles s’étalent elles-mêmes en plein théâtre avec tout l’attirail de la vanité... N’est-ce rien aux spectateurs de payer leur luxe, d’entretenir leur corruption, de leur exposer leur cœur en proie, d’aller apprendre d’elles tout ce qu’il ne faudrait jamais savoir (2)?» (Chap, xvi, XVII. )
(1) Le P. Larue emploie la même expression dans un de ses pane-gyriques, et il cite Tertullien : Publicœ libidinis hoslia (Panégyr. de Sainte signes, tom. 1, pag. 556). Le texte porte : Ipsa etiam prostibula publicœ libidinis hosliœ in scena profer untur. cap. xvn.
(2) Maximes sur la comédie, pag. G5S. Beaure׳. pag. 46. On peut voir les témoignages recueillis par M. de Boissy, pag. 50S et 535.
L’esprit et la lettre de tout ce mouvement est dans Tertullicn.
Si nous ne devons avoir que de l’horreur pour toute l’impudicité', nous peut-il être permis d’aller entendre ou voir ce qu’il nous est défendu de faire ou d’exprimer, (Mattli. xix. 56.) nous à qui il sera demandé compte d’une parole oiseuse? Le spectacle nous est donc interdit par le seul fait de l’interdiction de toute impudicité: Habes igitur el thealri interdiction em, de interdictione impudicitiœ. (Chap, xvn.)
(Page 100.) Ce que nous avons solennellement renoncé au baptême, il ne nous est pas permis ni de le pratiquer, ni de l’exprimer, ni de le regarder de près ou de loin (1).
(1) « Avons-nous la même foi? osons-nous bien attendre le même paradis que ees hommes dont parle Tertullien, lesquels se glorifient de ne savoir ee que c’est que l’amphithéâtre, de ne prendre nulle part à ces profanes divertissemens, de n’oser en faire le sujet de leur entre-tien, de ne pas même endurer qu’on en parle ?» La Colomb. Serm. tom. ni, pag. 172, 170.
On veut que le zèle de Tertullien n’ait eu pour objet que les spectacles de son temps (2) ; et l’on n’a pas de peine à condamner avec lui ces sanguinaires orgies où il étoit également impossible d’être acteur ousimplespec-tateursans dépouiller l’humanité (3). Quand il serait vrai que la licence du paganisme n’auroit pas connu d’autrès jeux que ces barbares passe-temps que Tertullien et les autres pères contemporains ont dénoncés avec toute l’énergie de la vertu et du talent, leurs immortels écrits ne nousseroient pas moins précieux pour combattre, à leur exemple et dans leur propre langage, ces mons-trueuses représentations, auxquelles les victimes humai-nés n’ont pas manqué, données durant vingt-cinq an-nées à un peuple blasé sur les crimes vulgaires par les féroces agitateurs qui le dominèrent si long-temps. Ils ne nous serviroient pas moins utilement pour retracer à la postérité, qui aura peine à les croire, ces spectacles dégoûtansqui se prodiguent encore tousles jours sur des théâtres transformés en autant déplacés d'exécution pu-blique, et applaudis avec fureur, à la honte du goût et de la morale (1). Et s’il m’étoit permis de le demander en présence des victimes : quels orateurs modernes ont su peindre avec d’aussi vives couleurs ces jours lamentables où nous avons vu les hommes égorgésde sang-froid (2) pour le plaisir d’un vain peuple; et les bourreaux, sans pitié pour 1’innoeenee et la vertu , épuiser contre elles des tortures inouïes dans le supplice des plus crimi-nels ? A quelle autre école alloit-on apprendre à con-templer sans pâlir, même avec joie, ces barbares exé-entions, si ee n’étoit à ces théâtres impurs autant que féroces, où les chants de mort se mêloient aux chants de la volupté, où retentissoient les brutales maximes du mépris delà mort et delà vie, où l’on s’aceoutumoit à voir prodiguer le sang d’autrui, par l'indiiTércncc à voir couler le sien (1)?
Mais ee n’est pas tout. La scène réduite aux seules représentations dramatiques, et ranfenée à ses plus ri-goureuses bienséances, qu’offroit-elle à Tertullien, ainsi qu’à tous les Pères ? et sous quels yeux tout dire-tien doit-il l’envisager?
(2) « Je sais que vous opposez d’abord la différence prétendues que vous affectez d’exagérer, entre les spectacles anciens et les spectacles de nos jours. »(Clément, Serin, sur les spect. Carême, tom. 11, p. 178.) « J’allois faire entendre les Pères de !’Église, quand le monde me crie de toutes parts : ce n’est plus cela , le théâtre est aujourd’hui bien purgé. » Molinicr, tom. 1, 2« part. pag. 50.
(3) Ilac consueludine imbuli humamlalem perdiderunt. Lactant. Divin.inst. lib. vi, cap. xx.
(1) Spectatur hic proh nefas! et libenler... Ad pœnam hoininisjera rabida nutritur in dcliciis, ut sub spectantium ocitlis crudelius insaniat. S. Cyprian. Epist. ad Donal.
(2) Uomo occiditur in hominis voluptatem.... Non parcunt ctiamin-noccnlibus, sed exercent in onines <p1od in Jiudortnn trucidationc de-dicerunt. Ibid.
(1) Inter voluptates spectantium, quorumdam mors crogatur, quasi parumsit homini privala sua rabies, nisi illam et publice discal. {Ibid. pag. 414, col. 2.) Expectat vero aliquis ut alieno sanguini parcant, qui non parcunt suo. Lactant. Dia. inst. lib. vi, cap. xx.
Quel que soit le nom qu’elle présente, tragédie, (pagc 9s.) comédie, pantomime, n’importe; pas une dont l’intrigue n’ait pour sujet une action contre les mœurs ou contre !’humanité : faiblesses ou forfaits, voilà tout ce que l’on y voit. Or(en commençant par les seconds) ce qui est condamnable dans le fait, n’est pas plus innocent dans son image (2). S’il nous est possible de regarder comme légitime quelque acte que ce soit qui blesse l’humanité, outrage les lois de la nature ou de la religion, à la bonne heure, courons au théâtre. Si les chré-tiens sont ce que la calomnie les peint, ceux-là peuvent prendre plaisir à voir couler le sang. — Bon pour l’exemple, nous dit-on. —Pour les malfaiteurs, soit. Il faudrait leur ressembler pour n’eu pas convenir. Mais l’homme vertueux, quel plaisir goùta-t-il jamais à voir couler le sang, même d’un malfaiteur? Il se contente de ge'mir en secret sur le crime qui a provoque׳ la sévérité des lois: il voit toujours un homme, son semblable, dans ce cri-minel châtie' avec tant de rigueur. Encore qui me répond que cette exécution soit un acte de justice , (Pa5e 99·) et non un assassinat? J’aime mieux ignorer que tel malfaiteur a été puni , que d’apprendre que tels et tels innoccns ont été sacrifiés. (Chap, xviii-xx. )
(2) Quod si tragœdiœ et comœdiœ, scelerum et libidinum actrices, cruentœ et lascivœ, inipiœ et prodigœ nullius rei aut atrocis aut vilis coinmemoratio melior est. Quod in facto rejicitur, etiam in dicto non est recipiendum, cap. xviti.
La conséquence de ee raisonnement est celle qu’un écrivain moderne, fameux par ses écarts autant que par son génie, exprime dans une lettre où il réfute avec énergie les apologistes du théâtre. « Suivez, ccrivoit J.-J. Rousseau à D’Alembert , la plupart des pièces du Théâtre-François, vous trouverez presque dans toutes des meurtres abominables et des actions atroces; utiles, si l’on veut, à donner de !’intérêt aux pièces, mais dangereuses en ce qu’elles accoutument les yeux du peuple â des horreurs qu’il ne devroit pas supposer possibles. Il n’est pas meme vrai que le meurtre et le parricide y soient toujours odieux. A la faveur de je ne sais quelles commodes suppositions, on les rend permis ou pardonnables. Je le soutiens, et j’en atteste l’effroi des lecteurs: les massacres des gladiateurs n’étoient pas si barbares que ces affreux spectacles. On voyoit couler du sang, il est vrai, mais on ne souilloit pas son imagination de crimes qui font frémir la nature (1).
(1) Dans le recueil de M. de Boissy, pag. 290, 292. Je lis encore dans nn autre écrivain moderne, que M. de Boissy ne paraît pas avoir connu:
«On veut absolument introduire chez un peuple gai un genre sombre »et outré. On a beau le défendre par le'succès de quelques pièces de ce »genre (l’auteur cite quelques-uns denosmélodrames), s’il éloitadopté, » il pourroit à la longue mettre dans nos mœurs une teinte de férocité. ״ Sabbatier, Réflex. sur le vraisemblable théâtral, dans ses œuvres, tom. 11, pag. 262. A la longue? Non. Disons plutôt avec )’historien romain, J/ores magis magisque lapsi turn ire cœpcrunt précipites. (Tit. Liv. inproœmi) Une Académie de province a proposé pour sujet d’un de ses prix cette question: Quelle est l'influence des spectacles sur les moeurs du peuple? La réponse est dans l’histoire de notre révolution. Si Jean-Jacques Rousseau eût vécu assez long-temps pour être témoin des œuvres que ses coupables écrits avoient préparées, combien , nous ai-mous du moins à le croire , il eût gémi de l’influence que nos specla-eles ont exercée sur les mœurs que nous avons vues.... et que nous voyons encore ! Voy. Beauregard , pag. 4*.
Bien long-temps avant le philosophe de Genève, nos philosophes chrétiens avoient dit :
L’on va aux combats de gladiateurs repaître ses yeux de sang et de carnage... Détournez vos regards de ces scènes d’horreur, pour les porter sur les théâtres destinés à la représentation de for-faits antiques, reproduits sur la scène par vos poètes dramatiques; l’humanité et la pudeur y sont-elles moins compromises ?Le meurtre, le parricide, l’in-ceste , les crimes les plus odieux s’y montrent avec la plus effrayante vérité. Des spectateurs de tout âge viennent apprendre que ce qui est arrivé autre-fois peut bien arriver encore ; l’on y vient, comme à autant de leçons publiques , se former à l’art de les renouveler. L’liorreur du forfait s’efface: il ne reste plus que l’autorité de l’exemple (1).
(1) Paratur gladiatoriiis usas, ut libidinem crudelium luminum sanguis oblectet... Couverte hinc vultus ad diversa speclaculi non minus pœnitenda contagia ; in theatris quoque conspicies, quod tibi et dolori sit et pudori. Cothurnus est tragicus prisca Jacinora carmine recensere. De parricidis el incestis error antiques expressa ad imaginent ventatis actione replicatur. Admonetur cetas omnis aiulitu, fieri posse quodJac-turn est. Adullerium discitur, dum videlur. S. Cyprian. Epist. ad Donat, pag. edit. Oxon.
Quant aux représentations dramatiques, proprement dites (beaucoup moins licencieuses que les nôtres) (1), la morale est la même. C’éloit évidemment contre celles-là que Tertullien avoit déjà tonné dans son Apologétique, où il demande aux païens :
(1) « La plupart des tragédies de Sophocle et d’Euripide n’oflrent »rien de répréhensible ; et si les siècles suivans n’avoient pas ajouté »plus de corruption dans le choix des sujets et dans la manière de les »traiter, il seroit difficile de blâmer la comédie dans les païens, quoi-»qu’elle fût toujours très blâmable dans les chrétiens, dont la vocation » est si sainte et si relevée. » Traite de la comédie et des spect. pag. 21, Paris, 1667, par M. le prince de Conti.
Etes-vous plus religieux dans le cirque, où, parmi l’horreur des supplices, parmi les îlots de san״ humain, vos dieux viennent danser, el fournir à de criminels acteurs le sujet des farces qu’ils donnent en public (2) ?Si la majesté de la religion s’y trouve violée sans pudeur (3), la morale y seroit-elle plus respectée ? On s’y rend en foule : mais qui les fréquente? les chrétiens? jamais (4)· Nous renonçons sans nulle peine à tous vos spectacles : nous n’avons rien de commun avec les obscénités du theatre, pas plus qu’avec les cmportemens du cirque (1).
(2) Plane religiosiores estis in cavca , ubisuper sanguinem humanum, super iuquinamenta pœnarum proinde saltant dii vestri, argumenta et histories noxiis subministrantes. cap. xv.
(3) Nonne violatin' majestus f et divinités conslupraturplaudentibus vobis? ibid.
(4) Æque spectaculis vestris in tantum renunciamus, etc. cap.xxxvin.
(1) Nihil est nobis cum insimia circi, eu ni impudicilia lhealri. cap. xxxvm.
Il n’est pas moins véhément dans le traité que nous analysons; et c’est particulièrement celui-ci qui fournit à tous nos moralistes modernes les couleurs dont ils ont crayonné les dangers du théâtre. Parcourons ceux des plus célèbres modernes qui ont traité le même sujet avec plus ou moins d’extension. Lisons , par curiosité, Bourdalouc (2), La Colombière (3), Cheminais (4)> Croizel (5), Nicolle (6), l’abbé Clément (7), Molinier (8), Le P. Lenfant (9) ; par intérêt et par devoir, Bossuet sur cet article. Pas une de leurs pensées , de leurs mouvemens, de leurs expressions, qui ne se trouve dans notre vénérable antiquité, et souvent sous la plume de Tertullien, avec une énergie dont tout le talent de l’imitation n’approche pas. Mais dès ce tno-ment nous ne saurions nous défendre de rappeler ce que dit ici l’éloquent interprète du prêtre de Carthage, Bossuet parlant, d’après lui et d’après saint Augustin , des ravages de la concupiscence, de !,attrait du plaisir, de l’indocilité des sens, de la captivité et de l’attache du cœur aux objets sensibles, toujours si puissamment excitées par les spectacles. « Par quelque endroit que vous la frappiez (cette concupiscence), tout s’en ressent. Le spectacle saisit les yeux. Les tendres discours, les chants passionnés pénètrent le cœur par les oreilles. Quelquefois la corruption vient à grands flots : quelque-fois elle s’insinue comme goutte à goutte ; à la fin, on n’en est pas moins submergé. On a le mal dans le sang et dans les entrailles avant qu’il éclate par la fièvre. En s’a (faiblissant peu à peu. on se met en un danger évi-dent de tomber; et ce grand affaiblissement est déjà un commencement de chute... Tous les saints Pères blâment dans les jeux et dans les théâtres l’inutilité, la prodigieuse dissipation, le trouble, la commotion de l’esprit, peu convenables au chrétien, dont Je cœur est le sanctuaire de la paix. Ils y blâment les passions excitées, la vanité, la parure, les grands ornemens, qu’ils mettent au nombre des pompes que nous avons abjurées par le baptême ; le désir de voir et d’être vu , la malheureuse rencontre des yeux qui sc cherchent les uns les autres , la trop grande occupation à des choses vaines, les éclats de rire qui font oublier, et la présence de Dieu , et le compte qu’il lui faut rendre de ses moindres actions et de ses moindres paroles , et enfin tout le sérieux de la vie chrétienne. Dites que les Pères ne blâment pas toutes ccs choses, et tout cet amas de périls que les théâtres réunissent ; dites qu’ils n’y blâment pas même les choses honnêtes qui enveloppent le mal et qui lui servent d’in-troducteurs. Parmi les commotions où consiste tout le plaisir de la comédie, qui peut élever son cœur à Dieu? qui ne craint pas d’étoufler, dans ces folles joies et dans ces folles douleurs, l’esprit de prière; et d’interrompre cet exercice qui, selon la parole de Jésus-Christ, doit être perpétuel dans un chrétien, du moins en désir et dans la préparation du cœur? Que si on veut pénétrer le principe de leur morale, quelle sévère condamnation n’y lira-t-on pas de l’esprit qui mène aux spectacles, où, pour ne pas raconter ici tous les maux qui les accom-pagnent, l’on ne cherche qu’à s’étourdir et à s’oublier soi-mème, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond de la vie humaine, depuis que l’homme a perdu le goût de Dieu (1)? »
(2) Senti, sur les diverliss. du monde, Dominic, tom. 11, pag. 5g.
(3) Senti, tom. 111, pag. 74, où il s’appuie du nom et des paroles de Tertullien poîir condamner les profanes diverlissemens du monde.
(4) Senti, sur la concept, tom. 11, pag. 72 et suiv.
(5) Rèflex. chrél. tom. 1, pag. 78.
(6) Essais de morale, tom. ni, part, iv, ch. 1 ; tom. v, x1vc traité.
(7) Senti, sur les sped. Car. tom. 11, pag. 187.
(8) Senti, chois, tom. 11, pag. 157;tom· *» Sl1r l'impureté, pag. 55; tom. vin, pour lajele des rogations.
(9) Le Christian, et le monde, Senti, tom. ni, pag. 444·
(1) lieflex. sur la comédie , pag. 665, 66|.
Je le répète : l’antiquité sainte respire toute entière dans cet éloquent morceau; et c’est Tertullien qui en fait l’âme. La preuve; elle est dans ee que nous venons d’en voir, et dans ce qui nous reste à parcourir. La preuve, et celle-là est sans réplique, elle est dans le rapproche-ment de chacune de ces propositions de Bossuet avec les textes de Tertullien, fidèlement retracés à sa mémoire(2).
(2) Par quelque endroit que vous la frappiez celle concupiscence): Opinor généralité!' nominatœ concupiscenliœ continent in se et volup-tates. Æque généralité!' inlelleclœ voluptates spécialité!' et in spectacula disseruntur. De sped. cap. xiv.
Le spectacle saisit les yeux .־ Cur quæ ore prolata communicant homi nem, ea per oculos et aures adnussa non videantur hominem commuai-care; cum spiritui appareant aures et oculi, nec possitmundus prœstari cujus apparitotes iiuiuinaiitur? cap. xvn.
Les tendres discours, les chants passionnés,etc.: Est et plane in arli-bus cptoquescenicisLiberi el Eetteris palrocinium.Quœ privalaclpropria sunlscenœ... Qttie vero voce,etmodis, et organisât lyris transigunlur, A pollutes, et Musas, et Minert׳as, et Mercurios, mancipes habent. (cap. Minius sexumpudoris exterminons. (cap. xvn.) Sluprandis nioribus orienlia. ( dpolog. )
On a le mal dans le sang et dans les entrailles : Ex eo itur in /urias. (cap. xvi.) Quid/actes in illo suff’ragiorum omnium œstuario? (cap. xxvu.) lllc ipse mulierumet virorumaccuratior cultus, ipsa in/aroribus conspiratio aut dissensio inter sc de commercio scintillas libidinum conjlabcllant. cap. xxv.
Le trouble, la commotion de l’esprit : Pacem, opinor, habebit in animo contendens pro auriga? ( cap. xxv.) Quidquid non licet sacerdo-tibus et pads. cap. xvi.
Les passions excitées : Tragœdiœ et comœdiœ scelerum et libidinum actrices, (cap. xvm.) Inde tentationes emittuntur. cap. xxvn.
La parure, les grands ornemens qu’ils mettent au nombre des pompes que nous avons abjurées par le baptême : In omni spectaculo nullum magis scandalum occurrit, quam ipse ille mulicrum ac virorum accuratior cultus, (cap. xxv. ) Hœc erit pompa diaboli, aduersus quant in signaculoJldeiejuramus. cap. xxiv.
Le désir de voir et d’être vu : Nemo in spectaculo ineundo prius cogitât nisivideri et videre. cap. xxv.
Les éclats de rire, qui font oublier la présence de Dieu , et le compte qu’il lui faut rendre de ses moindres actions et de ses moindres paroles: An ille recogitabit de Deo, positus illic ubi nihil est de Deo ? (cap. xxv.) Cur liceat audire quœ loqui non licet, cum etiam scurrilitatem et omiie vanum verbumjudicatum a Deo sciamus. cap. xvn.
Et enfin , tout Je sérieux de la vie chrétienne : Puto autem etiam va-nitas extranea est nobis. ( cap. xv. ) Omîtes istœ pro/anœ spectaculorum seculariumvoluptates, Idscliristianum ajftci nondccet. Decult.Jaunin. lib. 1. cap. vu.
Dites que les Pères ne blâment pas même les choses honnêtes qui enveloppent le mal : Sint etiam honesta quœdam : nemo venerium tern-perat /elle ; omnia illic /ortia, seu honesta , seu sonora , seu canora, seu subtilia proinde habe ac si stillicidia ntellis de ranunculo venenato;
nec tanli gulam Jacias voluptatis, quanti periculum per suavilatem. cap. xxvii.
Et qui lui servent d’introducteurs: Non potesl spirilus prœstari mun-dus, cujus apparilores inquinanlur. cap. xvm.
Ces folles joies, ces folles douleurs : Ibi et Juror et bilis , et ira et dolor, (cap. xxvn.) Quidquid optant, quidquid abomiaantur (chris-liant) extraneuni ab illis est. Ita et anior apud illos otiosus, et odium injustum. (cap. xvi. ) Tam sine causa amure , quant sine causa odisse. (Ibid.)
L’on ne cherche qu’à s’étouidir et à s’oublier soi-mème, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond de la vie hu-maine depuis que l’homme a perdu le goût de Dieu : Aemo ad volup-talent venit sine adjèctu... et esl reus jam ille vanilalis eo conveniens ubi nihil consequilur. (cap. xv. ) Speclacula propter Grcecice otium. (cap. xvm.) Turpium et otiosarum superstionum vitia. (.dpolog. cap. v1.)Nos qui, Deo cognito,etiama!mulun1 ejus inspeximus, nec mi-rari neque dubilare oporiet cum ipsum hominem ilia vis œmulaloris angeli(diaboli scilicet) ab initio de intcgritale dejecerit. cap. 11. Voy. Lettres sur les spectacles , par Desprez de Boîssy, pag. 44 et 4^5.
On ne manque pas d’objecter l’autorité de l’usage et de l’exemple. Tertullien avoit prévu et foudroyé l’objcc-tion par des faits péremptoires.
(Page <j2 et suiv.) A diverses e'poques, les censeurs à Rome avoient arrête' la construction des théâtres, parce qu’ils les regardoient comme funestes aux muœrs publiques, comme autant d’arsenaux de toutes les infamies, Arcem omnium turpiludinuni, comme autant de (Page gi-) sanctuaires d’impudicilés, Tkeatrum, privatum (Page 98.) consisloriuni impudicitiæ ( 1 ).
(1) Molinier, Semi. tom. 11, 1re part. pag. 47ל et 2e part, pag, 68.
Les païens eux-mêmes savaient bien à quoi s’en tenir sur les spectacles et ceux qui les servent. Ceux-là même qui les protègent et qui les corn-mandent sont les premiers à les condamner. On les paie à grands frais, mais on a grand soin de les repousser de toutes les charges publiques (2).
(2) « La condition des comédiens étoit infâme chez les Romains , et »honorable chez les Grecs; qn’est-elle chez nous? On pense d’eux »comme les Romains ; on vit avec eux comme les Grecs. » La Bruy. Caracl. ch. xii, tom. 11, pag. yo , éd. Amsterd. 1yG0. Voy. Beaureg. pag. 5g, 4L L’abbe Clément, pag. igi. Montargun, Did. aposlol. loin. xii. pag. 658.
La profession de comédien étoit réputée infâme, damnant ignominia} malgré toute la faveur accor-dée par une bizarre inconséquence à ceux qui (Page 100.) l’exerçoient. 0 contradiction de nos mœurs ! on les dégrade, et on les recherche! on les condamne, et on les applaudit! on note ! acteur d’infamie , et l’on exalte lemétier qu’il fait!
L’étrange législation que celle qui flétrit et ré-compense une même profession ! ou plutôt n’e.st-ce pas reconnoitre évidemment les dangers de cette profession, que de la flétrir en même temps que l’on récompense ceux qui s’y dévouent? Que si les hommes en jugent de la sorte, et si la faveur qu’on leur accorde n’empêche pas qu’on ne les condamne, combien plus la justice divine ne doit-elle pas sévir contre ces artisans de corruption ! Dieu auroit-il de l’indulgence pour les instigateurs de désordres, qui mettent les sens et les passions en combustion? (Chap. XXII, XX1II.)
Ici le prédicateur évangélique ne manquera pas de suppléer à ce que Terlullien n’a pu dire. Qu’il se montre le digne organe de cette Eglise à qui Jésus-Christ a confié le dépôt de son testament et de ses foudres spirituels ; qu’il évoque le conseil auguste de la tradi-tion : qu’il rappelle sommairement les ordonnances publiées dans tous les temps, et non révoquées ( elles ne sauroient l’être) contre les spectacles, el ceux qui les donnent, et ceux qui y assistent. Remontant jusqu’à nos premiers conciles, qu’il parcoure la longue chaîne des siècles chrétiens, tous, prononçant la peine d’ex-communication contre toutes personnes vouées à celle infâme profession : Quilibet publicœ turpitudinisprojès-sores (1) ; et qu’il ne craigne pas de conclure avec Ter-tullien :
(1) S. Augustin, Lib. deJide el operib. cap. xvm, 53.
D’après les conciles :
Conciles d’Elvire, en 505 ; can. 62 et 67.
Premier d’Arles, en 514; can■ 5.
Troisième de Carthage, en 597 ; can. 2.
Quatrième de Carthage, en 898; can. 88.
D’Afrique, en 424 ; can. 2 S ou 61 ; can. 50 ou 65 ; eau. 129.
Second d’Arles, en 452 ; can. 20.
Sixième conc. génér., en 680; can. 51.
Troisième de Châlons, en 815 ; can. 9.
Synod, de S. Charles Borromée, en 1568 ;
De Bourges, en 1584; can· 4·
Si !’Église doit recevoir de tels hommes , elle doit egalement ouvrir son sein aux plus grands cri-rninels (2).
(2) Paleat igilur Ecclcsia omnibus י si nulla est exccplio, epius Del disciplinanonrecipit. Deidololatr.cap.v.Voy. Beamcgard, pag. 2!׳ et suiv.
Et pourquoi ? Parce qu’il sera toujours vrai de dire, avec cette vénérable antiquité dont Tertullien n’est que l’organe :
Trage'die, comédie, pantomime, n’importe. Toutes représentations profanes , tous divertisse-mens mondains, sous quelque nom qu’on les dé-guise, sont indignes du chrétien (3). Toutes vos precautions ne les sauveront pas des dangers inévitables qui les accompagnent, à savoir l’at-trait du plaisir, et d'un plaisir coupable, l’enivre-ment des sens, l’intrigue mensongère qui en fait le fond , le langage dans lequel elles s’cxpri-ment (1); toujours le culte des fausses divinités du paganisme , donc l’apostasie de la religion (2).
(3) Sin et doctrinale. sœcularis littérature!, ut slulliliœ apud {)cum deputatam aspernamur, salis prœscribilur nobis et do illis speciebus spectaculorum, <juœ sœculari littevatura lusoriam vel agonosticam scenam dispingunl. cap.xvm.
(1) Movet sensus, mulcet ajj'eclus, expugnat boni pectoris conscien-tiamfortiorem: uec deesl probri blandientis auctorilas ut auditu mol-liore pernicies hoininibns obrepal. S. Cypr. Epist. ad Donat, pag. 7.
(2) Una conditio partis utriusqueest una idololalria, una renuncialio nostra adaersus idololalriam. (cap. vi. ) Æque spectaculis veslris in tantum rcnunciamus, in quantum originibus eorum, quas scimus de sttperslitione conceptas. dpolog. cap. xxxvm.
Et pour en venir aux détails :
(Page gS.) Q״e VOus apprend, dites-moi, cette tragédie ?rien ue des aventures controuvées ou exagérées, les-quelles ne rappellent à votre esprit la plupart du temps que des actes ou violens ou honteux qu’il vaudrait bien mieux avoir oubliés (3), ou bien dé-veloppcnt dans votre cœur des germes malheureux qui se déclarent par de trop fidèles imitations (4). ( Chap, xviil.)
(3) Exentplafiunt, quœ jam facinovaessedestiterunt. — Ne sœculis transeitntibus exolescat, quod aliquaudo coinmissum est. (S. Cvpr. Epist. ad Donat, pag. 7.) Non est Ubidini salis malts uti prevsentibus , nisisuumde spectaculo Jacialin quo cliam celas superior erraverit. Ap. Cjpiian. pag. 7, col. 1, 2e part. cil. Oxon.
(4) ״■id tille ri uni discilur. dnm viilelur. Ibid. pag. 4> col. 2.
Celle comedic, que vous apprend-elle? qu’ex-pose-t-elle à vos regards? L’adultère et !’infidélité, les manèges de la séduction et le déshonneur des epoux, d’indécentes bouffonneries, les pères joués par leurs valets ou par leurs enfans, des vieillards imbéciles ou débauchés(1).
(1) Sedutad scenœ jam sales ùwerecundos transitionfaciam, agen-ùum strophas, adulterorumfallacias, mulierum impudicitias, scurriles jocos, ipsos quoque patres ■familias togatos, modo stupidos, modo obscènes, iu omnibus slolidos. Apud Cyprian, ibid.
Cette pantomime? elle étale sous vos yeux tous les désordres d’une luxure insolente, tout ce qu’une bouche chrétienne n’a pas le courage de retra-cer. Quelle école pour les mœurs, ou plutôt quel foyer de crimes, que d’alimcns pour tous les vices (2) !
(2) Pudet referre quœ dicuutur, pudet etiam accusare quœ jiunl. ( Ap. Cypr. Ibid.}. Tum delectatin mimis turpitudineni magisterio velquid domigesserat,velquidgererepossit audire. (S. Cypr. ad Donat, pag. 7. ) Adhuc deiude morum quanta labes, quœ probrorumfomenta, quœ alimenta viliorum! {ibid.} Saint Augustin en fait l’aveu : Rapie-bant me (dit-il au livre de ses Confessions) spectacula lheatrica, plena imaginibus miseriarum mearum, et fomitibus ignis mei: Je conrois à ecs tragiques représentations, y chercher les images de mes misérables faiblesses, cl l’aliment des feux dont j’étois dévoré.
Tertullien enveloppe dans la même condamnation ces divertissemens que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de bals, de déguisemens ; et prêle à nos Bourdaloues les traits irrésistibles dont ils les ont frap-pés. (Page 100.)
C’est insulter au Dieu qui hait le mensonge: le Dieu de vérité ne s’accommode d’aucune fiction ( 1 ). (Chap, xxi, xxill.)
(1) Voy. Bourd. Serm. sur les divertiss. du monde, Dominic. torn. 11, pag. ^9 et suiv. La Colomb. Serm. loin. >11, pag. 171.
Se donner pour autre que l’on est, c’est le crime de l’hypocrisie ; et la vérité éternelle n’en peut consentir aucune (2).
(2) Placebit qui ■vultus suos novacula mutât, infidelis erga faciem suant ? Jam zero ipsum opus personarum quæro an Deo placent qui omnem similitudinem vetatfieri, quanto magis imagiui suce. Non aniat J'alsum auctor z’eritatis ; adulterium estapud ilium omne quodfngitur. Proinde vocem, sexus, celâtes mentientem non probabit qui omnem hypocrisim damnat. cap. xxm.
(P«ge 99·) Ce qui est mauvais de sa nature, ne sauroil de-venir bon ni tolérable. Laissez le païen, qui sere-fuse à la lumière de l’Evangile, qui n’a point un Dieu pour législateur et pour maître, laissez-le confondre indistinctement le bien et le mal : notre Dieu à nous, c’est le Dieu de la vérité, le Dieu de l’innocence et de toutes les vertus, l’uni-que Dieu du ciel et de la terre (3). Y parle-t-on d’autre chose que d’un profane amour, que d’une déesse de la beauté, que d’un dieu du vin et de la joie? idolâtrie déguisée, qui n’en consacre pas moins l’impudicité et la débauche (4). Un paganisme pur révolteroit : le démon réussit bien mieux à se faire des adorateurs sous le nom de ces prétendues divinités (1). (Chap. XIII.)
(3) Son potest aliud esse quod rere quidem est bonum seu malum. Omnia autem penes verilatem DeiJixa sunt. Ethnici quos penes nulla est veritatis pleniludo, quia nec doctor veritalis Deus, malum ac bo-num pro arbitrio ac libidine interprclantur. cap. xxi.
(4) Theatrumpropriesacvarium Jrenevisest. Tbealrum Generis, Liberi quoque domus est. Pcneri et Libero couvenit. Duo ista dœmonia con-spirata et conjurata inter se sunt, ebrielatis et libidinis. Non ignoramus qui sub istis nominibus institulis simulacris operenlur et gaudeant, et divinitatem mentianlur, nequam spiritus, scilicet dœmones. cap. x.
(1) Dœmonas abiuitiopvospicientessibiinter ccetera idololatnœ etiam spectaculorum inquinamenta, quibus hominem a Deo avocarent et sito honori obligarent, ejus modi quoque artium ingénia inspirasse : neque enùnabaliis procuratu1njuisset}quod adillos perventurumesset. (Ibid.) Diabolus actif ex, quia idololauiam perse nudam sciebat horren, spec· taculis miscuit, ut per voluptatem posset aman. Apud S. Cyprian, pag. 4, col. 1, edit. Oxon.
Que si l’on nous objecte que c’est autre chose d’y être acteur ou 41e n’y être qu’assistant, les mêmes oracles nous ont fourni la réponse :
Non, le Dieu que nous servons ne connoîl (pa״es ־״,9,־ ) et point ces transactions; il ne défend pas moins d’être le complice du mal, que d’en être l’auteur, d’autoriser par sa présence ce que l’on seroit cou-pable de faire (2). Répondons qu’il n’y aurait pas d’acteurs, s’il n’y avoit pas de spectateurs (3).
(2) Prohibait spectari quod prohibet gm. (Apud S. Cypr. pag· 4*4» col. 2.) Proinde si CapiloÎium,si Serapeon sacrificatorvel adoralor in-travero, a Deo excidam, quemadmodum circum vel thealrum specta-tor. Tort. cap. vm. Beaareg. pag. 5g.
(3) Deniquc remove spectatorcm,reddiderisvanilatem. Ap. S. Cypr. pag. 5, col. 1, ed. Oxon.
Pas un des sophismes modernes en faveur des spec-taeles qui ne soit prévenu et réfuté victorieusement dans ces éloquens écrits.
On nous dit: A mon âge, dans le rang que j’occupe,(Page 97. ) avec la force de mes principes ou l’heureuse temperature de ma constitution, je n’ai rien à redouter du spectacle(1). Votre âge? qui que vous soyez, il ne vous sauve pas des dangers du théâtre. Jeune, c’est pour vous sans doute qu’ils sont le plus formidables. Comment vous dc'fendre des impressions de la volupté' qui vous y assiège par tous les sens, et qui n’y trouve que des ap-probateurs? Le devoir ne tient pas contre les spectacles, qui remuent tout votre être, et parlent plus puissamment à votre cœur que laconscience(2). La vieillesse elle-même n’est pas un sur préserva-tif ; non, les glaces de l’âge n’éteignent pas des feux dès long-temps allumés, et dont le temps n’a fait qu’accroître l’activité (3). Le rang que vous oc-cupez vous en fait, dites-vous , une nécessité. (Ter-tullien se hâte de répondre que la foi chrétienne n’admet point de nécessité autre que celle d’obéir à la loi du Seigneur) (4). Il est, dit-on , des circon-stances où l’on ne peut se dispenser de s’y rendre. Erreur (poursuit le même père): il n’en est point où l’on puisse se permettre d’offenser le Seigneur.
(1) Pro dignitatis, velcelatis, vel eliani naturce suce condilione. Tcrt. cap. xv.
(2) Quid juvenes, quid virginesfacient, cum et fieri sine pudore, et speclaii libenter ab omnibus cernunt? (Lact. Div. iusl. lib. vi, c. xx.)
(5) Nunquani cevi seniodelictamoriuntur. (S. Cypr. ad Donat.) Eliam sencs, quos peccare jam non decet, in talent viliorum semitam dila-buntur. Lactanl. Divin, instil. lib. vi, cap. xx.
(4) Non admiltit status fidei allegationeni necessitatis. Tcrl. De coron, cap. 11.
Ce qui est absolument défendu ne peut jamais être permis (1). Vous vous croyez garanti par votre constitution même. Jeu appelle, moi, à l'expé-péricnce ; et, d’après ses leçons journalières, je vous demande qui jamais est sorti du spectacle comme il y étoit entrer(2) .Que si j’interroge votre conscience, qn’aura-t־elle à me repondre ? Par quel chemin y êtes-vous entré à ce spectacle (3) ? Qu’y êtes-vous allé voir? Tout ce qu’il vous est dé-fendu d’imiter (4)· De bonne foi, étoit-ce là la place d’un chrétien ? Ou ne ne se trouve dans le camp ennemi que quand,(Page 101.) infidèle à son prince, on a déserté ses drapeaux (5). Quoi ! vous étiez le mo-ment d’auparavant dans !’Eglise de Dieu ; et vous voilà dans le temple du démon ! tout à l’heure dans la société des esprits célestes : maintenant dans une fange impure! Quoi ! ces mains que vous veniez d é-lever vers le ciel, elles ont pu battre pour un his-Irion ! celte même bouche qui s’ouvroit pour chan-1er nos saints mystères, elle a proclamé les louan-״es d’un homme de théâtre! Qui désormais vous empêchera de chanter des hymnes à la gloire du démon ? (Chap. XXV.) Quel préjugé encore contre les théâtres que les mœurs des écrivains, même le moins diffamés , qui se consacrent à ce genre d’oc-cupation ( 1 ) ! L’auteur, l’acteur, le spectateur, tous également coupables, également sous le joug de l’anathème (2).
(1) Erramus : nusquam el nunquam excusalur quod Deus damnai, nusquam et nunquam licet quod semper eliibique non licet, cap. xx.
(2) Si qui modeste et probe speclaculis Jruitur, pro dignitatis , vel cetatis vel naturae suce condilione, non lamen immobilis aniint est. cap. xv. Voy. Lettr. sur les spect. par Després de Boissy, pag. 44ד not. Quaere jam nunc, an possit esse qui special integer vel pudicus. S. Cypr. Epist. ad Donal.
(3) Quern si rursum interrogent guo ad illud speclaculum itinere pervenerit, confitebitur per publicam libidinem, per dedecus publi-cum, per vulgarem lasciviam, per communem omnium contumeliam. Ibid. Beaureg. pag. 3y.
(4) Cui, ut non objiciam quod forte commisit, vidit lamen quod comntillendum nonfuit. Ibid.
(5) Nemo.in castra hostium transit, nisi projeclis armis suis, nisi destinais signis et sacramenlis principle sui. cap. xxtv.
(1) Quanta con/essio est ntalœ rei, cujus auctores, <]uum acceptis-sitni sint, sine nota non sunt! (cap. xxn)« Exemple de Racine , re-grettant d’avoir fait ses tragédies, et maudissant lui-même ses lauriers!» Beaureg. Anal·) s. pag. 47·
(2) Pactus sintul perire, etc. (cap. xxiv.) Beauregard :« Non seu-lement l’auteur, mais le spectateur sont dignes de mort, » pag. 44·
On aura beau répondre que le théâtre est purgé; qu’il est susceptible de réformes qui en éloignent le danger; qu’il est même des spectacles honnêtes, et qui en font des écoles de morale (3); que ce n’est point le lieu par lui-même qui est dange-reux, et qu’il ne le devient que par les impres-sions que l’on y apporte (4) : je serai toujours en droit de répliquer que ce qui est mauvais el crimincl de sa nature ne sauroil devenir bon et licite ; que le charme des sens sera toujours un mauvais introducteur des sentimens vertueux (1); qu’il n’est point de prescription pour les lieux ; et que le théâtre, quel qu’il soit, ne cessera jamais d’être condamnable, soit par lui-même, soit par l’entou-rage de séductions qui l’escortent (2).« Vous al-lez au théâtre chercher des modèles de vertus chré-tiennes; ah! ce n’est pas là votre religion, ou c’est une religion défigurée. Les dignes interprètes de 1’Écriture que vos poètes! les dignes organes du Saint-Esprit que vos auteurs (3) ! »
(3) Sml honesla qucedam, cap. xxvn. pag. t02.
(4) Ubi voluptas, ibi el stucliuin , etc. cap. xv. Lettres sur les spec-taeles, par Després de Boissy, pag. 158.
(1) Ibid. pag. 5j)5.
(2) Aon est prœscriptio de locis... non per sernet ipsa nos inquinetit, sed per ea quœ illic geruntur, per quœ simul inqiiinanientum combi-berint, tune et in alteros respuunt. cap. xiv.
(3) An Deo placebit auriga ille toi animarum inquietator? cap. xxm, pag. ιυυ. Beauregard , pag. Sy.
Que deviendriez-vous si, durant que vous êtes dans ce foyer de dissolution, vous veniez à être surpris par quelque accident funeste ? « Qu’un coup de foudre, par exemple, vous y rappelle le souvenir des vengeances du Seigneur : aussitôt même on vous voit alarmés ; vous portez la main à votre front, pour y graver le signe du salut. Que faites-vous ? reprend Tertullien. Ce signe de sainteté et de re-cueilleraient , ce signe de pénitence et de mortifi-cation vous condamne. Ah! vous ne seriez pas là, si vous l’aviez dans le cœur ce signe que vous osez marquer sur votre front. G estant in frontc, unde discederenl si habcrent in corde (1). »
(1) Montargon. Did apost. tom. xn, pag. 651. Clément, tom. 11. pag- ·כע.
Tertullien raconte un fait dont il prend Dieu à té-moi η.
Cuefcnime étoitallée au théâtre; elle en revint possé-dée du démon. Comme, dans l’exorcisme, on reproclioit à l’esprit immonde d'avoir osé attaquer une fidèle, il répondit hardiment : J’ai eu raison , je l’ai trouvée chez moi (2).
(2) ־ J’ai usé de mon droit, répondit le démon à tin exorciste qui le cliassoit du corps d’un chrétien. j’ai usé de mon droit, je l’ai trouve dans un lieu qui m’appartient : invent in meo. Il étoit sur mon terrain et dans mon domaine. » Beanrcg. pag. 4θ·
A combien d’autres la fréquentation de ces temples du démon n’a-t-elle pas fait abandonner lé service de Dieu! C’est qu’il est impossible de servir deux maîtres à la fois. ( Chap. XXVI. )
(Pa<^e 101) Qu’aurez-vous à répondre , si l’on vient à vous surprendre mêlé à cette tourbe d’impies? non pas que vous auriez rien à craindre de la part des hommes. Vous n’êtes pas connu pour être chré-tien, à la bonne heure : mais réfléchissez à ce que l’on pense de vous dans le ciel. Pouvez-vous mettre en doute que dans ce moment où le démon est déchaîné contre !’Église, tous les anges du ciel n’aient les yeux fixés sur vous ; qu’ils ne consignent sur le livre du jugement les noms de ceux qui se permettent ces blasphèmes , et de ceux qui les écoutent, de tous ceux en un mot qui prêtent au démon le ministère de leur langue et de leurs oreilles contre Dieu? Hésiteriez-vous donc encore à fuir ces assemblées des ennemis de Jésus-Christ, celte chaire de pestilence, où tout, jusqu’à l’air qu’on y respire, est empoisonne par tant de mau-vais discours et de maximes antichrétiennes qui s’y débitent (1) ?
(1) Ipsum aeruni qui desuper incubât, scelestis vocibus constupra· turn. Bossuet a dit : « Entre les autres ineonvéniens des assemblées de »plaisir, on s’excite les uns les autres par le concours des acclamations »et des applaudissemens, et l’air même qu’on y respire est plus malin.» Maximes sur la comédie, pag. 666 ; ci Serm. tom. iv, pag. 261. Beau-regard , Clément, ele.
Vous nous dites: « Ce n’est ]à qu’un passe-temps, où l’esprit se récrée quand il n’a rien de mieux à faire; c’est le simple miroir de la société, quel-quefois même une école de vertu. » Je réponds que la main qui apprête le venin homicide n’en frotte (Page !02.) pas la coupe de fiel et d’ellébore, mais de sucs doux et amorçans, afin de déguiser la trahison et ]a mort (2). Voilà les manœuvres et les artifices du démon. Que l’on se récrie sur la beauté des scè-nos, sur la mélodie des chants, sur !’excellence des poèmes, même sur la pureté de !amorale; que vous importe? Rayons de miel, si vous voulez; le vase d’où ils s’épanchent n’est pas moins empoisonné (1 ) : l’attrait du plaisir ne vaut pas le risque du danger qui l’accompagne. Laissez ces perfides attraits à ceux qui les aiment (2). Et le lieu, et le moment, et le maître du festin, tout cela est leur bien. Nos festins à nous, nos fêtes nuptiales ne sont pas encore arrivées (3) ; nous ne pouvons pas siéger à la même table , parce que nous ne pouvons pas les avoir pour convives. Tout vient à son temps: pour eux aujourd’hui les joies , pour nous les tri-joan.,xvi. bulations. Le monde3 nous dit Jésus-Christ, sera dans la joie, et vous dans la tristesse. Soyons donc dans l’affliction tandis que le païen se réjouit, afin d’être dans la joie quand il commencera à s’affli-ger ; de peur qu’en partageant ses plaisirs nous ne partagions aussi ses douleurs. « Vous êtes trop étranger à vous-même , ô chrétien! vous êtes trop avide de plaisirs et de délices , quand vous les pré-venez en les cherchant dans le monde (4)· ” Ou plutôt quel aveuglement d’appeler cela du plaisir! Certains philosophes s’y entendoienl bien mieux; ce n’étoit pas dans de bruyantes dissipations qu’ils prenaient le plaisir, mais dans le calme et dans la paix. « Eh! dites1־noi, je vous prie, ne pouvons-nous vivre sans plaisir, nous qui devons en trouver jus-que dans la mort (1 ) ? » Car, où doivent tendre nos vœux, sinon, comme !,Apôtre l’exprimait, (Rom. xii. 2. Jac. iv. 4·) à sor-tir du siècle pour nous réfugier au sein de Dieu? Nos plaisirs sont là où est l’objet de nos vœux. Il vous faut des plaisirs: eh! dès à présent, n’en trouvez-vous pas sur la route de la vie? Ingrat! vous n’êtes pas satisfait de cetix que la main d’un Dieu libéral vous dispense avec profusion ! vous ne les recon-naissez pas? Mais quelle source plus féconde de voluptés saintes, que d’avoir etc réconcilié avec votre Seigneur et votre Dieu; que d’avoir été ap-pelé à la connaissance de la vérité, à la révélation de vos erreurs, au pardon des péchés que vous avez commis? Quel plaisir plus délicieux que de mépriser le plaisir même , de s’élever au-dessus de tout ce qui tient au siècle (1) : que de jouir d’une liberté vraie , de sa conscience tout entière , d’une vie pleine et innocente ; de ne redouter pas même la mort, de fouler sous ses pieds les dieux des na-lions, démettre en fuite les démons , de vivre pour Dieu? Ce sont là les plaisirs du chrétien, ses spec-taeles purs, sans relâche, et qui ne lui coûtent rien. Voilà pour vous les jeux du cirque, et les nobles exercices de votre pèlerinage. Comptez elle temps qui s’écoule, et l’espace qui s’échappe; transpor-tez-vous au terme de votre course ; éveillez-vous , allez vous ranger sous l’étendard de votre Dieu. Debout, chrétien! voici l’ange qui sonne de la trompette , voici le moment du combat cl du triom-phe : la palme du martyre brille à tes yeux. Tu veux de la science : en voici, et qui doit satisfaire en toi la noble passion d’apprendre. Voici et des hymnes et des sentences (2) ; voici des trésors de poésie et d’éloquence , puisés , non dans les fictions , mais au sein de la vérité. Il le faut des épreuves et des combats; ils ne te manqueront pas, ils t’env’iron-nent: Vois l'impudicité vaincue par la continence, l’incrédulité immolée par la foi, la barbarie sou-mise par la miséricorde , le libertinage dompté par la modestie ; telle est l’arène où s’exerce le chrétien, où il triomphe, où il reçoit la couronne. Que si tu demandes des spectacles sanglans, le sang de Jé-sus-Christ coule encore. Te parlerai-je d’une pompe (<p1i ) ne se fera pas long-temps attendre , de l’arrivée du Seigneur, annoncée par tant de signes incon-testables, dans tout l’éclat de la gloire et du triom-plie le plus magnifique ? Contemple ces légions d’anges empressés autour de lui ; tous les saints ressuscités pour l’immortalité, et le règne des justes commencé pour ne finir jamais; une Jérusalem nouvelle qui s’élève. Mais voici encore d’autres scènes qui s’ouvrent a tes regards : ce jour, le dernier (page 1י3ס) des jours ,jour sans lendemain , du dernier ju-gement, qui viendra inopinément pour les nations les surprendre au milieu de leurs dérisions impies; où Jaillira un feu qui dévorera dans un même in-cendie et les antiques monumens du globe, et les créations récentes de la main des hommes : alors quel spectacle! quelle vaste scène! quels objets et quels contrastes laits pour exciter tout à la fois et la surprise et ! admiration , la joie et la risee ! Tous ces potentats que Γοη nous disoit etre les ci-toyens du ciel , gémissant au fond des tenebreux abîmes , avec leur Jupiter et ses complices ; tous les persécuteurs du nom chrétien tombes de leurs tribunaux de sang, pour brûler dans un feu bien plus dévorant que les flammes des bûchers al-lûmes contre leurs victimes ;à leur suite , ces sages, ces philosophes, en présence de leurs disciples con-damnés aux mêmes supplices que leurs maîtres , associés à leur éternelle confusion ; et les poêles traînés aux pieds, non de leur Minos ou de leur Rhadamanthe, mais aux pieds de Jésus-Christ ;fré-missant, palpitant de honte et de douleur... Ils le verront ce fils du charpentier et d’une pauvre ou-vrière, ce destructeur du sabbat, ce samaritain, ce possédé du démon, ce Jésus trahi par Judas, ou-tragé, insulté, chargé de coups, couvert de era-chats infâmes, abreuvé de fiel et de vinaigre (alors établi juge suprême des vivans et des morts). Ah! ce spectacle, ce triomphe, nous en jouirons, nous, sans en avoir l’obligation à la libéralité d’un pré-leur ou d'un consul. Nous en jouissons dès main-tenant par l’espérance et par la foi, qui en antici-pent la consolante représentation. Et quel sera le (»Cor. h. 9.) dénouement du drame? des béatitudes que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, que l’esprit de l’homme ne concevra jamais. Voilà, ce me semble, des spectacles bien autrement in-téressans que tous vos cirques et vos théâtres et vos décorations... (Chap. XXIX ,XXX.)
(2) S. Jérôme : Kenenaiion dantur, nisi mette circumlita; et vilia non decipiunt, nisi sub specie iimbraque virlulum.
(1) Omnia illic seu Jbriia seu honesta, etc. Clément, pag. 202. Montarg. Dicl. apostol. tom. xti, pag. 655.
(2) « Que les libertins , les femmes perdues , les âmes malfaisantes aillent au théâtre , c’est pour eux qu’il est fait. Beaureg. pag. 46.
(3) Bossuet:« Nos jeux , nos fêtes, nos banquets, ne sont pas encore prêts.» Serm. tom. 11, pag. 468.
(4) Trad, par Molinier, Serm. pour la fête ties rogal., Serm. choisis. tom. vin, pag. 155. Bossuet a transporté tous ces sentimens dans une de ses péroraisons :« Ne souhaitons pas, dit-il, une vie si douce ni si aisée; ne soyons pas fâchés quand elle sera détrempée de quelques amertumes. Le soldat est troplâehe, qui veut avoir ses plaisirs pendant la campagne (a). Et loi, dit Tertullien , tu es trop délieat, chrétien , si tu désires tes voluptés, même dans le siècle; notre temps de délices viendra , c’est ici le temps d’épreuves et de pénitence. Les impies ont leur temps dans le siècle, parce que leur félicité ne peut pas être éter-nolle; le nôtre est différé après cette vie, afin qu’il puisse s’étendre dans les siècles des siècles. Nous devons pleurer ici-bas, pendant qu’ils se réjouissent. Quand l’heure de notre triomphe sera venue, ils corn-menceront à pleurer. Gardons-nous bien de rire avec eux , de peur de pleurer aussi avec eux; pleurons plutôt avec les saints, afin de nous réjouir en leur compagnie. » Panégyr. de S. François de P aide} pag. 252.
(a) Nemo miles cum delicti s venil adprartium. Ad martyr., eap. 111.
(1) Bossuet, Panégyr. de S. François d’Assise , pag. 444 t et Sertit. tom. 1v. pag. 2g.
(1) Le même, ibid. Beauregard, pag. 52.
(2) Tertullien fait allusion aux hymnes qui se cliantoicnt dans les chœurs, et aux sentences ou 'en grec Tvcatzai ,, des poêles comiques.
Est-ce là. je le demande à tout lecteur, est-ce là de l’éloquence , de celle-là qui semble tombée du ciel, qui du moins s’échappe avec !,impétuosité du torrent, d’un cœur profondément ému ? Spirilus ejus sicul torrens. (xxx. 28.)Quelle vigueur, quelle héroïque magnanimité de sen-iimens et de langage ! Je défie que l’on me montre rien de semblable dans aucun écrivain profane. Ubi inare illud eloquentiœ tultianœ? demanderais-je avec saint Jérôme: Ubi torrerns fluvius Demosthenis(1)'? Tertullien n’a pas tout dit sur la matière des spectacles : il n’étoit pas obligé de l’épuiser. Mais dans ce qu’il développe , quelle magnificence! et dans ce qu’il indique, quels germes heureux il laisse au prédicateur qui saura les étendre ! On a quelquefois imité ce morceau ; on ne l’a pas encore rendu avec tout ce qu’il a de beautés origi-nales. Bossuet l’indique dans ses Réflexions sur la comédie (2); il n’eût pas manqué de le développer dans un sermon. Molinier (3) l’abbé Clément (4), Fro-inentières (5), Montargon (6), en ont saisi quelques traits, mais affaiblis sous leur plume molle et lan-guissante; et cependant ils ne laissent pas de pro-duîre de l’effet. Il doit être réservé tout entier pour une péroraison. Je sais qu’aujourd’hui il faut en quel-que manière plus que du zèle pour prêcher contre les spectacles : mais, après tout, quand la coutume et l’abus prévaudraient; quand, au lieu de réprimer les désordres publics, les lois elles-mêmes seroient les pre-mières à les autoriser ; devons-nous oublier qui nous sommes? C’étoit au pied des échafauds que Tertullien écrivait les lignes éloquentes que nous venonç de trans-crire.
(1) Ep. xcni ad Sabinian. tom. ■v, cd. Bencd. col. 757.
(2) Pag. 6y5.
(3) Serm. chois, tom. vin, pag. 152, 170.
(4) Tom. 11, pag. 215.
(5) Carême, tom. 1, pag. 155.
(6) Diet, apostol. lom. xn, pag. 656.
Ceux des Pères qui ont le plus fortement écrit contre les spectacles sont, après Tertullien, saint Cyprien )־, Lactance, dans plusieurs endroits de ses institutions; saintBasile-lc-Grand (1ve homélie sur V Examéroriy, saint Jean Chrysostôme ( xve homélie (tu peuple d* Antioche, et 111° sur Saül et David}', saint Ambroise (deFuya sœculi,cap. 1); saint Augus-tin , au 111'livre de ses Confessions, et ailleurs ; Salvicn, au livre vi du Traité de la Providence ; saint Bernard et Jean de Savisbery.