ABAISSEMENT de J.-C. v. État.
ABARBANEL (don R.-Isaac), aussi nommé Xbrabanel, Abravanel, Barbanella, Barbinellus et Ramnelia„ célèbre rabbin portugais, né à Lisbonne 1437, d'une famille noble qui prétendait descendre du roi David, et dont l'émigration datait de la première destruction du temple. Son père, Juda ben Samuel, lui fit donner une éducation distinguée qui, jointe à ses talents naturels et à son extérieur aimable, lui attira successivement la faveur d'Alphonse V, roi de Portugal, et celle de Ferdinand de Castille (1484-1492). Les juifs ayant été bannis d'Espagne, il se réfugia à Naples, en 1493, où le roi Ferdinand d'abord, puis le roi Alphonse l'accueillirent parfaitement. Ce dernier ayant dû fuir devant Charles VIII. se retira à Messine où Abarbanel l'accompagna. Après la mort de son protecteur, le rabbin se rendit à Corfou, puis à Monopoli en Apulie, où il composa la plupart de ses écrits; enfin à Venise, comme médiateur entre cette république et le Portugal. Il + 1508 a l'tye de 81 ans, et fut enterré à Padoue où les Vénitiens lai firent de splendides funérailles. Il a laissé de nombreux écrits, qui se distinguent par une vaste érudition, un style facile et une critique relativement indépendante, mais aussi par une regrettable prolixité et par des développements trop considérables donnés à des détails. Ses principaux ouvrages sont: Une dissertation sur la Création du monde; un Traité de la prophétie; une dissertation sur les prophètes messianiques; un travail sur les différents articles de la foi des Juifs; enfin plusieurs commentaires sur l'A. T.. le Pentateuque, les livres historiques, les grands prophètes et les douze petits prophètes. Presque tous ses écrits ont été traduits en latin. On regrette l'amertume constante de sa polémique contre les chrétiens, que les persécutions exercées contre son peuple expliquent sans la justifier.
ABAUZIT, Firmin, né 1679 à Uzès (Gard), à l'époque des persécutions, fut, après la mort de son père, enlevé fort jeune à sa mère pour être élevé dans la religion catholique. Sa mère réussit à le faire évader et l'envoya à Genève, 1689, mais elle expia par plusieurs années de prison le crime qu'elle avait commis de reprendre possession de son enfant. Le jeune Abauzit, vif et intelligent, s'adonna avec ardeur à l'étude des lettres, des sciences et de la théologie. Pour compléter ses études, il voyagea, se lia en Hollande avec Bayle, fit la connaissance de Basnage et de Jurieu; vit de près en Angleterre Newton qui le tint plus tard en haute estime, et refusa les offres de Guillaume III qui aurait voulu le retenir. Il revint à Genève à la demande de sa mère, prit une part active & la nouvelle traduction du N. T. qui parut en 1726, et mérita les remerciements de la Compagnie des pasteurs. Il fut nommé en 1727 bourgeois d'honneur. L'Académie lui offrit une place de professeur de philosophie, mais il préféra garder son indépendance. Il se contenta du titre de bibliothécaire honoraire qui lui fut décerné, et en 1767, âgé de 87 ans (notice de Végobre). — Il avait cultivé avec succès les sciences naturelles; on lui attribue même plusieurs découvertes que d'autres se seraient plus tard appropriées, abusant de son désintéressement à tous égards. Mais c'est surtout dans la théologie qu'il se fraya des voies nouvelles, et son Essai sur l'Apocalypse fit époque; il est le premier qui, délaissant l'ancienne méthode d'interprétation, émit l'idée que ce livre mystérieux pourrait bien avoir été écrit sous Néron et n'être que la paraphrase poétique du discours de Jésus sur la ruine de Jérusalem, Matth. 24. Parmi ses autres ouvrages, qui ne furent publiés (1770) qu'après sa mort, on en remarque deux, l'un sur la Connaissance du Christ, l'autre sur l'Honneur qui lui est dû, qui paraissent avoir inspiré dans YÉmile la Confession de foi du vicaire savoyard. Rousseau avait une grande estime pour Abauzit, qu'il comparait à Socrate; Voltaire lui-même l'admirait, d'où cependant il serait injuste de conclure qu'Abauzit eût adopté l'ensemble des idées philosophiques et religieuses qui avaient cours au 18me siècle.
ABBÀDIE, Jaques, né 1654 à Nay? Béarn, t à Mary-le-Bone, Londres, 1727. Il étudia d'abord dans sa ville natale, sous les soins du ministre J. de la Placette. puis à Puylaurens, à Saumur et à Sedan où il fut reçu docteur en théologie. Les églises durent faire les frais de son éducation. Bien que l'édit de Nantes ne fût pas encore entièrement révoqué, les persécutions grandissaient chaque jour et provoquaient de nombreuses émigrations. Frédéric-Guillaume, électeur de Brandebourg, accueillait avec bienveillance les réfugiés, et bientôt il chargea son grand écuyer, le comte d'Espense, en ambassade à Paris, de lui procurer un ministre pour la colonie naissante. Abbadie fut choisi et se rendit à Berlin où il mit son influence au service de ses malheureux compatriotes proscrits. Il fit plusieurs voyages en Hollande. Après la mort de Frédéric-Guillaume 1688, il accompagna le maréchal de Schomberg en Angleterre, à la suite du prince d'Orange, qui devint Guillaume III. Il fut nommé pasteur de l'église dite de Savoye, à Londres (aujourd'hui allemande-luthérienne), puis doyen de Killabow, Irlande; retourna à Amsterdam pour y soigner la réimpression de ses œuvres, et mourut à son retour à l'âge de 73 ans. — Outre plusieurs sermons, discours et panégyriques officiels, il a publié divers ouvrages de théologie, dont le plus célèbre est son livre d'apologétique: La vérité de la religion chrétienne (Rotterdam, 2 vol. 8<> et 4°, 1684), qui a été réimprimé plusieurs fois, qui a été traduit en plusieurs langues et qui a obtenu un succès de vogue tel que les catholiques eux-mêmes, à la cour de Louis XIV, le lisaient avec admiration. Madame de Sévigné, Bussy-Rabutin, le duc de Montausier en parlaient avec le même enthousiasme que Bayle, qui le plaçait au-dessus de tous les autres ouvrages du même genre. Il s'y trouvait des digressions dogmatiques ou polémiques qui ont disparu dans plusieurs éditions subséquentes, de manière à ce que le livre pût devenir le patrimoine, non d'une secte religieuse, mais de tous les chrétiens. — Il est davantage controversiste dans: Les caractères du chrétien et du christianisme, et dans: La vérité de la religion chrétienne réformée, suivi du: Triomphe de la Providence et de la religion, ou l'Ouverture des sept sceaux. — L'Art de se connaître soi-même, ou Recherche sur les sources de la morale, montre dans le vrai amour de soi le principe des actions vertueuses; D. Lami lui a reproché de faire l'éloge de l'égoïsme, mais Malebranche l'a victorieusement défendu sur ce point. Il avait écrit aussi des notes sur les Commentaires philosophiques de Bayle. et une Nouvelle manière de prouver l'immortalité de l'âme, mais on ne les a pas retrouvées dans ses papiers.
ABBÉ, Abbesse, Abbaye. Le mot syriaque Abba a passé dans presque toutes les langues d'Europe avec la signification de père. On s'en servit de bonne heure dans l'église comme distinction honorifique; on le donna d'abord à tous les moines, puis, vers le 5me siècle, on le restreignit aux chefs ou supérieurs des couvents seuls. Dans la règle de St-Benoit siècle) on trouve déjà le nom d'Abbat, d'où les Allemands ont fait Abt, et les Français abbé. Presque vers la même époque on fit le féminin abbesse (abbatissa) pour la supérieure d'un couvent de femmes, et le mot abbaye (abbateia) pour la maison et pour l'institution. Avec le temps le nom se généralisa dans le sens de président, ou directeur; il y eut l'abbé du palais, de la cour, des cloches, des écoles, etc. D'un autre côté, des mots différents prirent la place de celui d'abbé; dans l'église grecque, le chef d'un couvent, d'après la règle de St-Basile, s'appelle l'archimandrite; cbez les dominicains, les augustins. les carmélites, il s'appelle le prieur ou le préposé; chez les franciscains, le custode, ou gardien; chez les jésuites, le recteur; chez les camaldules, le major; ailleurs l'igoumène, etc. Les bénédictins conservèrent le nom d'abbé, mais depuis la réforme de Clugny ils le réservèrent pour le chef de la maison-mère, et donnèrent le nom de co-abbés à ceux des succursales. Le supérieur du couvent du Mont-Cassin portait, à cause de certains privilèges, le titre de abbas abbatum, abbé des abbés. Dans d'autres ordres il porte le nom d'abbé général, ou simplement général. Dans les couvents de femmes il y a eu de même des archi-mandritesses, des prieuresses, etc.
On distingue les abbés en réguliers et séculiers. Ces derniers sont des ecclésiastiques séculiers qui jouissent d'une abbaye comme d'un bénéfice, mais qui se font remplacer pour tout ce qui touche aux règles, ou aux fonctions de l'ordre, par un moine qui est leur vicaire. Si c'est un abbé qui n'a reçu que les premiers ordres, s'il n'est que tonsuré, par exemple comme les anciens abbés de France, il doit se faire remplacer pour toutes ses fonctions, mais il en est autrement si c'est un ecclésiastique d'un degré supérieur, un évêque surtout. Ordinairement, le bénéfice n'est qu'à terme; dans ce cas le commandataire n'a droit qu'aux revenus et aux honneurs, et c'est l'abbé régulier qui reste chargé de l'administration et de la juridiction; mais s'il est à vie, le commandataire peut aussi exercer tous les droits. Les rois ont souvent récompensé des laïques par la collation de bénéfices; du 8™ au iOme siècle on trouve fréquemment en France de ces abbés-soldats, qu'il ne faut pas confondre avec les abbés de camp qui étaient des aumôniers militaires. On dut renoncer aux abbés-laïques, lorsqu'il fallut rétablir. au besoin par la force, la discipline des couvents, qu'ils avaient entièrement comprenne.
Les abbés réguliers sont de vrais moines, appartenant à l'ordre, au couvent, et régulièrement nommés, à temps ou à vie, soit parles pères du couvent, soit par le chapitre provincial. Ils sont, comme les couvents eux-mêmes, presque toujours placés sous la juridiction de l'évoque du diocèse. Quelquefois cependant, anciennement surtout, ils avaient rang d'évêque avec line juridiction quasi-épiscopale; de là aussi la mitre et la crosse qu'ils avaient le droit de porter et qui figurent parmi leurs insignes. Quel-queuns avaient des droits sur certains territoires. et s'appelaient princes-abbés, ce qui leur donnait aussi (à Fulda et ailleurs), comme à plusieurs abbesses, voix délibératives dans les assemblées du royaume.
Les droits et les devoirs des abbés sont fixés par le droit canon et par les règlements de chaque ordre. En général, ils ne peuvent être installés ni exercer aucune fonction avant d'avoir reçu la bénédiction épiscopale, sauf exceptions par privilège spécial du pape. L'abbé a la discipline du couvent et l'administration de ses biens; dans les cas graves, il doit être assisté de son chapitre. Pour les abbesses, la loi exige qu'elles soient filles légitimes, âgées de 40 ans au moins, et qu'elles soient dans les ordres depuis 8 ans. Ces deux chiffres peuvent être réduits à 30 et à 5 ans, en cas de nécessité. Elles sont élues au scrutin secret; l'évêque les installe solennellement et leur remet la crosse et le pectoral. Les religieuses doivent obéir à l'abbesse comme à une mère. Une abbesse doit se faire représenter par un vicaire pour toutes les fonctions que son sexe ne lui permet pas de remplir en personne. Des honneurs spéciaux ont été conférés à quelques-unes d'entre elles; le titre même d'évêque, qucopa, a été décerné à Tune d'elles; plusieurs ont eu le droit d'assister aux synodes.
Le nom d'abbé a fini par se donner aussi aux prêtres catholiques sans charge d'âme, et on l'a conservé dans quelques églises protestantes pour des dignitaires ecclésiastiques mis en jouissance des bénéfices d'anciennes abbayes.
ABBON de Fleury, un des rares savants qui dans la décadence du lO"® siècle, cherchèrent à relever les études dans les couvents et amenèrent le règne de la scolastique. Né dans la Fran-conie occidentale, il fut envoyé fort jeune au couvent de Fleury et c ntinua ses études dans les célèbres écoles de Reims et de Paris, où il cultiva fortement la philosophie, l'astronomie et les mathématiques. L'archevêque Oswald de York lui confia, en 985, une chaire dans l'abbaye de Ramsey, mais, au bout de deux ans, il retourna à Fleury, dont il fut nommé abbé, ajouta un nouveau lustre à la réputation de cette école et prit une part active aux débats religieux de son temps; il fut même envoyé à Rome comme représentant du roi Robert. Son zèle pour le rétablissement de la discipline dans les couvents lui coûta la vie; il fut tué d'un coup de lance, 13 novembre 1004. dans une émeute de moines, à La Réole, en Gascogne, ce qui lui valut la réputation d'un martyr et d'un saint. Il reste de lui des lettres et des traités manuscrits, sur l'histoire (la vie de 91 papes), la langue, les mathématiques, etc. Le célèbre moine Aimoin, historien, était son élève et a écrit sa vie.
ABBOT, Georges, né à Guilford 29 oct. 1564, fils d'un tisserand, se rendit 1578 à Oxford, où il passa 30 années, d'abord comme élève, puis comme docteur, professeur et prédicateur de l'université. Il fut trois fois vice-chancelier, à la satisfaction de tous. La part qu'il prit à la revision de la Bible (version anglaise actuelle) attira sur lui l'attention, puis la faveur de Jacques 1er. En 1608, il fut chargé, avec deux autres théologiens, de travailler à l'union des églises d'Angleterre et d'Écosse, et il réussit à décider un certain nombre de presbytériens qui se rattachèrent à la forme épiscopale. Il correspondit aussi avec Duraeus et avec Cyrille Lucar. Son tact, sa modération, ses talents, lui valurent, en 1609, l'évêché de Lichfield et Coven-try, en 1610, celui de Londres, et bientôt après il fut appelé à l'archevêché de Cantorbéry avec le titre de primat et de métropolitain pour toute l'Angleterre. Il continua de se montrer favorable aux presbytériens, s'opposa aux mesures de rigueur projetées contre les puritains, combattit le ritualisme et les tendances catholiques d'une partie du clergé, entretint arec les églises protestantes du continent les meilleures relations, travailla de toutes ses forces à marier la princesse Elisabeth avec un prince protestant, l'électeur palatin, Frédéric V qui devint roi de Bohême, empêcha le mariage du prince de Galles (Charles Iw) avec une princesse espagnole, et maintint les droits de l'Église avec une courageuse fermeté. Le roi ayant fait, en 1618, une Déclaration autorisant certains plaisirs bruyants du Dimanche, il en interdit la lecture dans son église de Croydon. Àbbot protesta non moins vivement et publiquement contre le divorce du comte d'Essex, que le roi avait autorisé par faiblesse, et n'en conserva pas moins la faveur royale. Il assista le roi Jacques à son lit de mort, 27 mars 1625, et couronna son successeur. Charles Mais les tendances absolutistes du nouveau monarque et l'hostilité d'une camarilla catholique et dissolue, à la tête de laquelle se trouvaient la reine et le duc de Buc-kingham, devaient tôt ou tard amener un conflit. On reprochait au prélat d'être trop sévère vis-à-vis du haut clergé et de ses tentatives ri-tualistes, trop indulgent pour les fidèles qui ne mettaient pas leur salut dans les formes du Common-prayer-Book; il aggrava noblement ses torts en refusant le permis d'imprimer à un sermon du Dr Sibthorp, qui plaçait l'autorité royale au-dessus de tout contrôle et qui ne laissait aux sujets que l'obéissance passive. C'était l'époque où le parlement luttait déjà pour ses franchises. Buckingham et l'évêque Laud, de Londres, jetèrent de l'huile sur le feu, et Abbot fut suspendu 1628; on n'alla pas jusqu'à le destituer, par crainte du peuple et du parlement, mais on remit à une commission l'administration de son diocèse, et ce fut Laud qui eut l'honneur de baptiser le prince de Galles (Charles II). Il mourut à Croydon, le 4 août 1633, en pleine disgrâce, à l'âge de 71 ans. — 2° Son frère Robert, évêque de Salisbury, f 1617, s'était fait une réputation par ses ouvrages de controverse. — 3° Jacob Abbot, né 1813, aux États-Unis, pasteur congrégationaliste, puis professeur d'un collège de la Nouvelle-Angleterre; f 1879. Auteur du Jeune chretien et d'une trentaine d'autres volumes pour la jeunesse, histoires et voyages, plusieurs composés avec la collaboration de son frère John, aussi pasteur indépendant. <
ABÉLARD ou Abailard. Au plus fort des débats entre les réalistes et les nominaux, vers le commencement du 12^® siècle, apparut un homme remarquable par sa vaste érudition, son attachement à la logique et son talent de dialecticien. Pierre Abailard. Né 1079 près de Nantes, ou à Tours, il étudia sous Guill. de Cham-peaux, son adversaire à venir, et devint bientôt célèbre à son tour par ses leçons philosophico-théologiques; il fut suivi par un grand nombre d'élèves des deux sexes. Dans le nombre, une jeune femme, la triste Héloïse, s'éprit pour lui d'une violente passion. Abélard avait reçu déjà les ordres: il répondit cependant à son amour, l'enleva, la conduisit en Bretagne où elle lui donna un fils, Astrolabius, et pendant quelque temps ils vécurent tranquilles. Mais Fulbert, l'oncle d'Héloïse, découvrit l'intrigue, surprit Abélard dans la nuit et le fit affreusement mutiler. Héloïse se retira dans un couvent, et Abélard vint fonder une école à Paris dès qu'il eut recouvré sa liberté. Il obtint un immense succès. Mais ses leçons, basées sur le conceptua-lisme, système qui conciliait le réalisme et le nominalisme et qui s'efforçait de démontrer la vérité du christianisme par la philosophie et non par l'autorité de l'Église, le firent condamner une première fois par le concile de Soissons, 1122. Ses 3000 élèves lui fournirent les moyens de rouvrir son école loin de Paris, à Nogent sur-Seine. Sa dialectique poursuivait, du fond de sa retraite, les mystiques et les autoritaires. On envoya saint Bernard pour le combattre, mf^s celui-ci n'osa engager la lutte contre un aussi formidable* adversaire. Attaqué de nouveau, persécuté par le clergé et le pouvoir civil, condamné comme hérétique par un second concile, Sens 1140, Abélard eut l'idée de se rendre à Rome, mais le pape lui donna tort. Pour éviter d'être enfermé ou assassiné, il dut promettre de se taire. Mais dès qu'il fut libre, il se retira dans le monastère de Cluny, auprès de Pierre le Vénérable, où il passa ses derniers jours et d'où il continua de foudroyer ses adversaires. Il mourut dans cette retraite vers 1142. Abélard peut être considéré comme le fondateur de la scolastique. Orthodoxe non suspect quant au fond de la doctrine, mais logicien implacable quant à la méthode et jaloux des droits de la raison, il s'efforça de concilier la religion et la philosophie en démontrant celle-là par celle-ci, sans s'apercevoir du danger que cette méthode faisait courir à l'Église. On lui doit plusieurs ouvrages considérables: une Introduction à la Théol., une Théol. chrétienne, de Trinitate, et particulièrement le Sic et non qui ne fut connu que longtemps après sa mort. Il y expose chaque dogme catholique avec les différents arguments pour (sic) et contre'(nan) et termine par la conclusion, toujours favorable à Rome. Toutefois, son indépendance et son peu de soumission le firent persécuter. Il fut l'un des premiers martyrs de la liberté de penser. Plusieurs de ses ouvrages sont malheureusement perdus. — Vie, par dom Gervaise. Biographie, par Ch. de Rému-sat, Cousin, Jacobi, etc. H. B.
ABÉLITES, ou Abèloniens; petite secte du Nord de l'Afrique, n'est connue que par ce qu'en dit Augustin (de Hœres. ch. 86). Ils prétendaient se rattacher à Abel; comme lui, disaient-ils. ils admettaient le mariage, mais sans en remplir les conditions. Ils adoptaient un garçon et une fille, et si l'un d'eux venait à mourir, ils le remplaçaient par un enfant du même sexe. Cette secte, qui dura peu et qui ne s'éten* dit guère au delà des environs de Hippo-Regius, était nne émanation des vieilles sectes gnostiques, peut-être aussi un dernier reste du système manichéen.
ABÉLY ou Abelli, évêque de Rhodez, auteur d'une biographie de Vincent de Paul et d'un traité dogmatique serni-pélagien, la Medulla theo-loffica, qui lui a valu d'être surnommé le Moelleux par les Jansénistes, ses adversaires. Ce surnom lui a été conservé par Boileau, Lutrin, IV. II a écrit aussi sur le culte de Marie, prouvé par la tradition. Il mourut, à l'&ge de 88 ans, le 14 oct. 1691, dans le couvent de Saint-Lazare fondé à Paris par Vincent de Paul.
ABEN-ESRA. ou plutôt Abraham ben rabbi Meyer ben r. Esra, né à Tolède vers 1093, voyagea beaucoup en Angleterre, en France et en Orient, et se distingua comme rabbin par sa science et par ses commentaires sur TA. T. Ses coreligionnaires l'avaient surnommé le Sage. Il avait un grand bon sens critique, et un caractère indépendant; il repousse l'exégèse allégorique. Il a écrit aussi sur la grammaire, l'astronomie, la morale, et on a de lui quelques poésies. f vers 1168 ou 74, à Rhodes ou à Rome.
ABGARE (syriaque boiteux), nom de plusieurs rois d'Edesse. Le plus connu est le 14m*, surnommé Oukhômé, ou le iVotr, qui vécut sous Auguste et Tibère, et auquel une vieille tradition prête d'avoir correspondu avec Jésus. Il lui aurait demandé de venir le guérir d'une grave maladie, et Jésus, en le félicitant de croire sans avoir vu. lui aurait répondu qu'il ne pouvait se rendre auprès de lui, mais qu'après son ascension il lui enverrait un de ses disciples; il lui aurait en effet envoyé Thaddée. Malgré l'autorité d'Eusèbe, cette correspondance n'a jamais été regardée sérieusement comme authentique, non plus que le portrait que Jésus aurait envoyé à Abgare, et dont Gênes et Rome se disputent l'original La prétention de quelques théologiens modernes, de joindre la lettre de Jésus au canon sacré, est une fantaisie d'amateur plutôt qu'une conviction critique. Deux mss. récemment découverts, l'un eu arménien, l'autre en syriaque, désignent Labou-bna comme l'auteur, et le feraient contemporain df Abgare; en tout cas la tradition est fort ancienne, mais les documents sont interpolés.
ABOUL-FARADJ, Aboul-Fèda, v. Abul-F.
ABRABANEL, v. Abarbanel.
ABRAHAM DE SAINTE-CLAIRE, qui s'appelait de son nom de famille Ulrich Megerle, né 4 juin 1642 à Krahenheimstetten, g.-duché de Bade, entra en 1662 dans l'ordre des capu-cins-augustins et y occupa plusieurs charges importantes. Sa réputation d'orateur le fit appeler i Vienne comme prédicateur de la cour, en 1699, et il y resta jusqu'à sa f 1*' déc. 1709. Il n'agit pas seulement par sa parole, mais aussi par ses écrits, qui ont été réimprimés à Vienne 1846, à Passau et à Lindau. de 1833-50. C'était un orateur puissant, original, cotoyant souvent le burlesque, le dépassant parfois et qui se faisait en tendre de tous, princes ou vulgaire, disant à chacun la vérité, ne flattant ni la cour, ni le peuple. Il connaissait les replis du cœur humain et ses mystères; en chaire il les dévoilait avec une crudité de langage que lui seul pouvait se permettre; ses prédications appartenaient à la même tendance religieuse qui a fait la fête des fous et celle des ânes, mais si beaucoup de ses auditeurs venaient l'entendre pour s'amuser, tous y trouvaient des appels pour leur conscience. Son style est quelquefois noble et pur; il s'élève avec la pensée. Comme catholique il retient les superstitions les plus grossières; il s'attache à ce qu'il y a de plus matériel dans la religion et son culte pour Marie a quelque chose de fabuleux. Parmi ses écrits on remarque: la Grammaire religieuse, Mic-mac salutaire, la Fête des fous, Hui et pfui au Monde. Judas le chef des scélérats (der Erzschelm); Range-toi, Quelque chose pour tous. etc.
ABRAHAMITES 1<> v. Pauliciens; 2<> déistes de Bohême, qui se rangeaient à la foi d'Abraham avant la circoncision; ils n'admettaient que la foi en Dieu, les dix commandements et Notre Père. Refusant de se dire chrétiens ou juifs, ils se trouvèrent exclus des bienfaits de l'édit de tolérance rendu en 1782 par Joseph II et ils furent transportés jusqu'aux frontières de l'empire; les hommes même furent incorporés dans les bataillons de frontière. Quelques-uns se firent catholiques; le plus grand nombre restèrent fidèles à leur foi, mais sans la transmettre à leurs enfants, et la secte ne tarda pas à s'éteindre.
ABRAXAS, nom mystérieux, d'origine égyptienne (?), et que les gnostiques donnaient à l'Être suprême, soit au Dieu-Soleil considéré comme embrassant toutes les intelligences pures, soit à l'ensemble des 365 intelligences qui ne sont que le développement du Dieu-lumière, Dieu-soleil. Dieu-plérôma. (Les lettres du mot Abraxas représentent en chiffres le nombre 365.) On a été amené peu à peu, dès l'époque des gnostiques, à donner le nomd'abraxas à des pierres précieuses ornées de dessins, de gravures, d'inscriptions ou de devises; puis, par extension, on a groupé sous ce nom des plaques de métal, des ornements, des tablettes d'or, d'argent, de cuivre, de plomb, et tous les monuments gnostiques dont la signification mystérieuse a échappé jusqu'ici aux recherches des savants. Parmi les écrivains qui ont étudié ce sujet, il faut noter Chiflet, qui a eu le tort d'attribuer aux basilidiens toutes le» pierres gravées qu'il a pu trouver; puis Fabretti, Ca-pello. de Venise, dont l'archéologie n'est que de l'arbitraire; Montfaucon, plus exact dans ses - descriptions, mais sans méthode; Maffée; Gor-lée, Cabinet de pierres antiques; Bachmann; Belermann, précis dans ses dessins; Gori. Spon, Recherches curieuses sur l'antiquité; Matter, Hist. du gnostic, t. II. et planches; etc. Les pièces désignées sous le nom d'Abra-xas, sont loin d'avoir toutes droit à ce titre, attendu que les unes ne sont ni des pierres précieuses, ni même des pierres quelconques, et que les autres ne sont pas des abraxas, mais de simples œuvres d'art ou d'imagination, sans caractère symbolique ni religieux. On ne doit comprendre sous cette désignation que les objets qui, dès le 2me siècle et jusqu'au moyen âge, ont été travaillés avec l'intention de représenter les idées gnostiques. et pou vant au besoin servir d'amulettes. Or jusqu'ici les amateurs d'antiquités se sont préoccupés surtout du désir d'accroître les collections, plutôt que du besoin d'établir l'authenticité et la signification réelle des pièces recueillies. Matter, qui aie plus étudié ce sujet, fait ressortir (Encycl. de Herzog) l'impossibilité où Ton est d'établir une classification, aussi longtemps que l'on n'aura pas expliqué le sens exact des inscriptions et des symboles. Il propose pour le moment de distinguer io L'abraxas pur, une figure k tête d'épervier ou de coq. finissant en serpent, avec bouclier, fouet, sceptre, etc. 2° L'abr. avec d'autres puissances gnostiques, Éons, etc. 3° L'abr. avec des puissances juives, Jéhovah. Adonaï. Sabaoth, Gabriel, Raphaël, etc. 4° Le même avec des puissances perses, Mithras. 5° Id. égyptiennes: le Phre conduisant son chariot, ou assis sur un crocodile, un lion: Isis, Horus, Thot, Harpo-crate dans le calice du lotus. 6° Puissances grecques: planètes. Jupiter, Vénus. 7* Voyage vers un monde supérieur, à travers les espaces stel-laires. 8° Le jugement: Anubis pèse les cœurs. 9° Culte et consécration. 10° Groupe astrologique. 11° Inscriptions (qui se subdivisent elles-mêmes en plusieurs classes).
ABRÉVIATEURS, nom qu'on donnait aux employés de la chancellerie romaine, souvent de hauts dignitaires, chargés de rédiger ou d'expédier les lettres, brefs et bulles du pape. Ce nom se trouve pour la première fois dans une bulle de Benoît XII, au commencement du 14m« siècle. La charge fut supprimée par Paul II à la suite d'abus commis.
ABSALON, nom ecclésiastique d'Axel, né 1128 à Soroé. Danemark. Il étudia à Paris en 1148, voyagea beaucoup et à son retour servit puissamment l'Église et l'État. Il avait manié l'épée, il maniait également bien le glaive de la parole; on dit de lui qu'il parlait comme un dieu. Le roi Waldemar, dont il avait aidé à fonder la dynastie, le nomma en 1156 évêque de Rœskilde. En 1177 le chapitre de Lundeo le nomma archevêque et primat de l'Église de Suède. Absalon refusa énergiquement; on en vint aux mains et il y eut des coups de poing donnés. A la fin le pape dut intervenir et il se prononça en faveur du chapitre. Absalon dut accepter, sous peine d'excommunication; il fut installé, 1178, comme primat de Suède et légat du saint-siège. Il conserva cependant aussi son diocèse de Rœskilde, dans lequel il fonda quelques couvents, et f 1201 dans le monastère de Soroé où il s'était rendu avec le pressentiment de sa fin prochaine. Il avait travaillé activement à la conversion et à la conquête des îles voisines, de Rugen, etc. Il a posé les fondements de Copenhague, et concouru à fonder l'unité de l'Église danoise, surtout en y établissant par la force le célibat des prêtres. Il se montra très rigoureux pour la perception des dîmes, et fit fermer les églises qui se disposaient à les refuser. Les cisterciens, qu'il appela à Soroé en remplacement des bénédictins, furent chargés par lui d'écrire l'histoire du pays, et l'un d'entre eux, Saxon le grammairien, nous a laissé en outre l'histoire d'Absalon lui-même.
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ABSIDE, ou Apside, en grec Apsis, voûte; la partie d'une église où est placé le sanctuaire, derrière et y compris le chœur; elle est ordinairement demi-circulaire, quelquefois cependant carrée, ou polygonale. Comme les châsses renfermant des reliques sont presque toujours placées dans le chœur ou dans les cryptes, on les désigne aussi quelquefois sous le nom d'absides. mais par une simple extension du mot.
ABSOLUTION, rémission des péchés prononcée par le prêtre après la confession; v. Pénitence. Se dit aussi de l'acte par lequel sont levées certaines irrégularités, empêchements ou obstacles à l'exercice de droits ou de fonctions ecclésiastiques.
ABSOUTE, cérémonie et aspersions qui accompagnent l'enterrement d'un mort ou le service fait à son intention.
ABSTINENCE, vertu qui est moins que le jeûne, mais plus que la simple sobriété. Elle porte non seulement sur la nourriture et la boisson, mais sur toute jouissance sensuelle. L'instinct chrétien la recommande comme un moyen d'affranchir l'esprit en mortifiant la chair, mais l'Évangile n'en fait nulle part une prescription, v. Tempérance.
ABUKARA, Théodore, disciple de Jean de Damas au 8"* siècle, a écrit: Questions et Réponses.
ABUL-FARADJ, dont le vrai nom syriaque était Grégoire, né 1226 à Malathia (Mélitène),
ville de Cappadoce. Il était fils d'un médecin juif qui avait embrassé le christianisme et s'était rattaché à la secte des Jacobites. Versé de bonne heure dans la connaissance du syriaque, de l'arabe et du grec, ii étudia la philosophie, la médecine et la théologie, et a composé dans ces trois branches des écrits qui lui ont lait une grande réputation. Mais il est surtout connu par son Histoire universelle, que Pococke a traduite et publiée en latin 2 vol., Oxford, 1665. Lors de l'invasion des hordes tartares, il s'enfuit à Antioche avec sa famille et vécut en ermite dans une caverne près de cette ville. Il se rendit ensuite à Tripoli pour y étudier l'éloquence et la médecine auprès d'un sage nesto-rien nommé Jacob, et de là le patriarche David, qui le connaissait d'Antioche, l'appela au siège épiscopal de Gubos, non loin de Malathia. Par des services qu'il rendit à Denys Angur, successeur de David, il mérita1' d'être nommé évê-que d'Alep. Denys ayant été tué par son propre clergé pendant le service divin, 18 févr. 1261, son rival Jean bar Maadani fut reconnu sans contestation comme patriarche par tous les Jacobites, et comme il avait une grande considération pour Abul-Faradj, quoique celui-ei l'eût toujours combattu, il le nomma mafrten, titre ecclésiastique qui lui assurait la juridiction absolue sur les églises de la Galdée, de l'Assyrie et de la Mésopotamie. Le mafriennat, qui datait de 629, était l'acheminement au patriarcat; il avait pour siège Takrit, sur les bords du Tigre. Les troubles de l'époque empêchèrent Abul-Faradj de se rendre immédiatement à son poste; il ne put en prendre possession qu'en 1266, sous le nouveau patriarche Josué (Ignace III). Son frère Bar Çauma, et lui-même, ont écrit l'histoire de son ministère, mais bien que l'Église syriaque eût encore des missions en Chine et en Mongolie, les deux frères se bornèrent surtout, semble-t-il, à fonder des couvents, à bâtir des églises, à traduire Euclide et à commenter l'Almageste de Ptolémée. Il protesta contre l'élection faite, en 1283, d'un patriarche d'Antioche sans qu'il eût été consulté, mais en déclarant qu'il ne réclamait rien pour lui-même, étant rassasié de charges et d'honneurs. Il attendait sa fin pour l'an 1286. Je suis né, dit-il, dans une année où Jupiter et Vénus étaient en conjonction dans le Verseau; 20 ans après, ils étaient dans la Balance, et je fus nommé évê-que; 20 ans après, dans les Gémeaux, et je fus élu mafrien; ils vont se trouver dans le Verseau après 20 nouvelles années, et je dois partir. Il mourut en effet le 30 juillet 1286 à Maraga, après une courte maladie, pendant laquelle il conserva toute sa sérénité, honoré et pleuré des Arméniens, des Grecs, des Nesto-riens et des Jacobites. — On le désigne quel- j
quefois, à cause de son père, de sa race et de sa profession, sous le nom de bar Ahrun (fils d'Aa-ron), bar Ebraja (fils d'hébreu), ou ibn Hakiou (fils d'un médecin). — Ce qu'il a laissé de plus important en théologie, c'est le Trésor des secrets, explication des passages les plus difficiles de l'A. et du N. T. Il s'est servi du canon des monophysites, où manquent Néhémie, Esdras, Ester, les Chroniques, la 2® de Pierre, les 2<* et 3« de Jean et l'Apocalypse; en revanche on y trouve l'Ecclésiastique, la Sapience de Salomon, l'histoire de Suzanne et celles de Bel et du Dragon. Il paraît n'avoir eu sous les yeux qu'un mauvais mss. de la Peshito.
ABUL-FÉDA, né à Damas 1273. f 1331, joua un rôle dans les croisades, comme guerrier, puis comme écrivain (Hist. abrégée du genre humain; Vraie situation des pays). Successivement gouverneur, puis prince de Hamath, Syrie.
ABYSSINS, l'Église abyssine. Une des grandes fractions de l'Église d'Orient, très rapprochée des coptes, mais qui ne doit pas se confondre avec eux. L'Abyssinie actuelle, ancienne Ethiopie, se divise en trois provinces principales, Tigré, Amhara et Shoa, réunies sous le sceptre d'un empereur. La population, que les estimations diverses évaluent de 4 à 6 millions d'habitants, est en grande majorité chrétienne; on compte cependant 2 à 300.000 juifs et un certain nombre de mahométans. Les juifs sont considérés; ils jouissent de plusieurs privilèges et d'une grande indépendance. Leur nom, Fé-lashas (les exilés) s'explique par les traditions, dont les unes font remonter la première émigration au temps de Menihélek, fils de Salomon et de la reine de Scéba; les autres placent l'arrivée des Juifs en Éthiopie à l'époque des .conquêtes d'Alexandre, quelques-unes même après la destruction du temple par les Romains. On a été jusqu'à donner aux Abyssins eux-mêmes une origine juive, parce que l'on retrouve chez eux. même chez les chrétiens, des coutumes et des habitudes judaïques, circoncision, sabbat, aliments purs et impurs, jeûnes, partage de l'église en compartiments distincts, etc. On croit généralement que le christianisme fut apporté en Abyssinie par l'officier de la reine Candace, Act. 8; mais c'est seulement au commencement du 4™ siècle qu'eut lieu la conversion en masse des Éthiopiens, par le ministère de l'un d'entr'eux, Frumentius, qui fut consacré à Alexandrie par Athanase, 326. Ils tiennent à cette origine non moins qu'à leur filiation apostolique. Ils ont coutume de dire: «Nous buvons à la source du patriarche d'Alexandrie, 9 et ils se servent, pour le baptême, du symbole de Nicée et non du symbole des apôtres. C'est encore chez les Coptes, auprès du patriarche d'Alexandrie, qu'ils vont chercher leur chef ou primat, auquel ils donnent le titre d'Abouna, Notre Père.
Perdus pendant des siècles et séparés du reste de la chrétienté, les chrétiens abyssins furent en quelque sorte découverts par les Portugais vers la fin du lo^e siècle. La cour de Rome essaya de se les rattacher; ses missionnaires, les jésuites, furent d'abord favorablement accueillis, au moins par l'empereur, qui se sépara du patriarcat d'Alexandrie et fit sa soumission au patriarche Mendez, légat du pape. Mais, à la suite d'intrigues politiques, le peuple se souleva, chassa les jésuites 1634, et revint à son patriarche traditionnel. Les relations avec l'Europe furent de nouveau interrompues pendant près de deux siècles. En 1808, le consul de France, M. d'Asselin, chargea le vaillant Abyssin Abreka, le compagnon de Bruce, de traduire l'A. et le N. T. de l'éthiopien en amharique; ce mss. fut acheté par la Soc. biblique de Londres. M. Jowett fit ensuite traduire deux évangiles dans la langue du Tigré, et il fut amené peu à peu à l'idée d'une mission épiscopale dans ces contrées. MM. Gobât et Kugler y furent envoyés en 1826, mais ne purent arriver qu'en 1830, v. sur cette mission: Gobât, Journal d'un séjour en Abyss., Paris 1835. Des missionnaires catholiques arrivèrent à leur tour en 1838, firent de la politique, opposèrent l'influence française à l'influence anglaise, firent chasser les missionnaires protestants et fermer leur mission; puis, l'an d'après. 1839, ils furent eux-mêmes renvoyés du pays. Ces rivalités durèrent quelques années et firent plus de mal que de bien; la brillante expédition anglaise de 1868 aura eu du moins pour résultat de réduire à néant les tentatives d'intervention politique et d'assurer aux missionnaires et à l'église abyssine elle-même une plus grande indépendance.
Les Abyssins sont monophysites, comme les coptes, et ils se complaisent dans les diseussions les plus puériles sur les différentes natures de Christ, sur ses différentes naissances, dont ils comptent trois: sa naissance coéternelle avec le Père, sa conception et sa naissance terrestre, sa naissance par le St-Esprit dans le sein de sa mère. Les provinces ne sont pas d'accord sur ces points, et parfois l'empereur et l'abounaont eu de violentes contestations, dans lesquelles leurs partisans en sont venus aux mains. Il est probable qu'ils ne comprennent pas toujours très bien ce qu'ils disent, et que le sens réel de la discussion leur échappe. Ils admettent les trois premiers conciles, mais rejettent celui de Chalcédoine. Outre les livres apocryphes des Latins, ils ont encore le livre d'Enoch et le 4* d'Esdras. Leur exégèse a quelque chose d'enfantin; ainsi Matih. 8. 20. Ils entendent que les renards sont les rois et les princes, tandis que les oiseaux du ciel sont les prêtres et les évêques, parce que leurs prières s'élèvent vers Dieu; Matth. 5, 29. l'œil, c'est la femme, ou l'enfant; la main, c'est le serviteur, ou l'esclave (Krapfs Journal).
Leur principal livre de dévotion, après leur Bible qui est en langue geez et qui date du ou du 5me siècle, est un recueil intitulé La foi des pères (Heimanst Abutk). où se trouvent des paroles des apôtres, des maximes des pères, les Constitutions apostoliques, le symbole de Nicée, etc. Ils adorent les saints, au nombre de 105, choisis dans l'A. et le N. T. et dans les Églises grecque, copte, abyssine, et la Vierge comme créatrice du monde et mère de Dieu. Ils prient pour les morts; baptisent par immersion, après la circoncision; le mercredi et le vendredi sont des jours de communion, par conséquent de jeûne; ceux qui ont communié ne peuvent manger ce jour-là que du pain et des pousses d'ortie. Ils commencent en février leur carême, ou Kabala, qui dure 40 jours; en juin, ou dès Pentecôte, un jeûne de 12 à 25 jours; en juillet, 3 jours; en août, 16; puis viennent les jeûnes de l'Assomption et en dé-cemboe ceux de l'Avant; en tout, plus de 200 par année. Inutile de dire qu'il y a bien peu de fidèles qui s'astreignent à ces macérations. Ils font de fréquents pèlerinages, soit à leurs couvents, soit surtout à Jérusalem. La magie et les amulettes abondent chez eux comme chez les païens et les musulmans. Ils regardent comme souillés tous les aliments déclarés tels dans l'A. T.; ils y ont joint même le café, pour n'avoir rien de commun avec les sectateurs de llslam; on assure toutefois qu'ils s'en dédommagent en secret. L'aumône est considérée comme une des principales vertus, et ils la multiplient sous ses formes les plus variées, donnant aux prêtres, aux pauvres, aux moines, aux couvents, aux pèlerins. Le mariage se célèbre sans aucune cérémonie religieuse et ses liens ne sont pas très solides. Le divorce est facile, mais un homme ne peut se divorcer que quatre fois. Si le mariage a été accompagné de la sainte communion, il devient par là presque indissoluble, et le divorce ne peut être prononcé que par le prêtre. Celui qui a été marié quatre fois doit entrer dans un ordre de moines, sous peine d'excommunication. Il arrive aussi qu'un homme entre dans un couvent, sans prévenir, et abandonne sa femme et ses enfants. La polygamie n'est pas permise, mais les puissants se mettent au-dessus de la loi, et ils ont, comme les musulmans, jusqu'à quatre femmes légitimes sans parler des autres.
Sur le point de mourir, on fait venir le prêtre pour se confesser et recevoir l'absolution.
Les Abyssins admettent la transsubstantia-lion on, comme ils disent, le Malawat, le changement dn pain et du vin. Ils attachent une grande importance aux cérémonies et aux sacrements, notamment à celui de l'Eucharistie, et se figurent que les anges interviennent en personne dans la préparation du pain sacré, qui se fabrique et se cuit dans un four spécial attenant an temple.
Leurs temples sont en général bâtis sur des hauteurs, entourés d'arbres, simples, presque mesquins, recouverts de toits de chaume de forme conique et ceints d'un parvis qui sert en même temps de cimetière. A l'intérieur ils sont divisés. comme celui de Jérusalem, en deux compartiments, le Lieu Saint et le Très Saint; dans ce dernier une table. Taba (arche, coffre) représente l'arche de l'alliance et sert pour la communion. Beaucoup d'images sur les portes, de colossales figures d'anges. Point de sièges; on se tient debout ou à genoux. Pour cloches, des pierres que l'on frappe. Ils ont un clergé ignorant et pauvre, dont la seule ressource est dans le casuel qu'il perçoit pour les absolutions et les funérailles. Les prêtres, une fois consacrés, ne peuvent plus se marier. Ils n'ont pas de costume officiel et ne portent d'autres insignes, quand ils sortent, qu'une croix qu'ils donnent à baiser. 11 faut qu'ils sachent lire l'éthiopien, chanter les hymnes du Yared, et qu'ils aient la barbe. Le patriarche les consacre en soufflant sur eux et en faisant sur eux le signe de la croix; il reçoit pour cela 40 à 50 c. Le chef du clergé est l'Abuna. toujours un étranger, désigné par le sort ou par le patriarche copte, et choisi parmi les moines coptes, souvent malgré sa volonté; il réside dans un magnifique palais à tiondar, et n'a au-dessus de lui que l'empereur. Puis viennent les évêques. Komur, dont l'unique devoir est d'entretenir les églises en bon état; pais l'Alaka, qui perçoit et administre les deniers de la communauté; enfin les prêtres, qui peuvent seuls entrer dans le Lieu très saint, d'où les diacres sont exclus.
Comme rang, TEtchégué, ou chef des moines, vient immédiatement après l'Abuna; c'est le grand-prieur du célèbre couvent de Debra-Liba-nos, érigé dans le Shoah au 13"»® siècle, par la sainte Tekla Haimanet. 11 est le supérieur, non seulement de tous les couvents de son ordre, mais encore des couvents de Saint-Eusta-the* quoique ceux-ci aient aussi leurs abbés. Les occupations de tous ces moines sont ce qu'elles étaient en Europe au moyen âge; ils mendient, ils lisent leurs bréviaires, ils aident quelquefois à la desserte des églises, ils se promènent, et ils disputent à l'infini sur les questions de dogme doit ii a été parlé plus haut. Ils font vœu de cé-liiot.
L'Église abyssine a gardé pendant des siècles la foi en la divinité de J.-C., mais par suite de son isolement elle est tombée dans un état de langueur spirituelle qui nécessite un prompt remède et qui appelle la sollicitude des autres églises plus vivantes, v. les Journaux de missions. etc.
ACACIUS ou Acace* 1° Disciple d'Eusèbe et depuis 340, son successeur comme évêque de Césarée. Il était surnommé le Borgne. Il fut l'un des chefs du parti arien pur, rejetant à la fois l'identité de nature et la ressemblance de nature du Père et du Fils (v. Homoiousiens), et fut, pour cela même déposé par les synodes d'An-tioche 341 et de Séleucie 359. Ses partisans peu nombreux s'appelèrent de son nom. les Acariens. Il s1 brouilla ensuite avec les Ano-méens et se rangea aux décisions du concile de Nicée, qu'il recommanda par un écrit à l'empereur Jovien. 11 mourut en 363 ou 36o. laissant la réputation d'un caractère intrigant, ambitieux et versatile. Protégé par l'empereur Constance, il avait fait déposer saint Cyrille, et plus tard exiler le pape Libère. Ses ouvrages sont perdus.
2° Acacius, anachorète, né vers 322, adhérent du symbole de Nicée, fut envoyé k Rome auprès de Damase. puis nommé en 378 évêque de Bérée et de Syrie; l'un des plus violents ennemis de ChrysosWme, il l'accusa d'origénisme et sollicita sa condamnation. Plus tard cependant, et peut-être sous l'influence de Rome, il revint à d'autres sentiments et fit rétablir son nom sur les registres de (Constantinople. 11 se montra hésitant dans l'affaire de Nestorius, le fit condamner à Éphèse 431 par son suppléant, l'évêque d'Emesa, mais ne put marcher d'accord non plus avec Cyrille et son parti. + vers 436, âgé de 110 ans. C'était un homme énergique, mais d'humeur changeante.
3<> Évêque et patriarche de Constantinople. de 471-488. Zélé défenseur de ses prérogatives hiérarchiques, il adhéra aux décisions du concile de Chalcédoine contre Eutyches et le mo-nophysisme, mais refusa de rompre avec les patriarches d'Alexandrie et d'Antioche qui n'avaient pas adhéré. Il essaya de concilier les uns et les autres dans l'espoir de les absorber, et ne fit que susciter de nouveaux troubles. Il chercha aussi à s'affranchir de l'autorité du pape; cependant, ayant à lutter contre l'empereur Basilisque et les hérésies d'Eutyches, il demanda l'appui du pape Simplicius. Il réussit à soulever le peuple de Constantinople et à détrôner l'empereur avec l'aide de l'usurpateur Zénon. Basilisque s'enfuit dans une église, mais Acacius l'en fit arracher et le livra à son ennemi. Fort alors de l'appui du nouvel empereur, il se tourna de nouveau contre le pape, et, en 485, fit porter par Zénon un édit d'union avec les Eutychéens. Cet édit, favorable à la secte d'Eutyches, reçut le nom d'Hénoticon q. v. Anathématisé par le pape Félix III, et cité devant un petit concile à Rome, il dut se soumettre; mais à peine de retour àConstantinople, il anathématisé de son côté Félix III, persécute ouvertement les orthodoxes et met sur tous les sièges épiscopaux de son ressort des prélats euty-chéens. En 4S6, il joua un rôle plus noble et plus digne de sa charge; l'empereur Zénon voulait faire périr sa femme Ariadne, lorsqu'Aca-cius accourt, fait des reproches sévères au prince et le détourne de son projet criminel. Il mourut tranquillement sur son siège en 489. On n'a de lui que deux Lettres.
4o Acacius, évêque d'Amide sur le Tigre, né au milieu du siècle, fut mêlé aux affaires de la persécution de Varane. roi de Perse, persécution suscitée par l'excès de zèle de l'évêque mésopotamien Abdas. Il se signala par un acte de générosité en vendant les vases d'or et d'argent de son église pour racheter 7,000 esclaves persans tombés entre les mains de Théodose-le-Jeune; il les secourut dans leur misère et les renvoya au roi. Varane. admirant cet acte de charité chrétienne, demandi à Acacius un entretien qui amena probablement la fin des persécutions et la paix signée peu après entre les deux monarques.
ACCEPTANTS, nom qui fut donné en France, par opposition aux Appelants, à ceux des membres du clergé qui reçurent, après la mort de Louis XIV, la bulle Unigenitus de Clément XI. tandis que ceux qui la rejetèrent ou qui subordonnèrent leur adhésion à la décision d'un concile prirent le nom d'Appelants. Les Acceptants reçurent aussi le nom de Constitutionnels.
ACCÈS 1° Recueil de prières de préparation pour les prêtres avant le sacrifice de la messe. 2° Dans l'élection de hauts dignitaires ecclésiastiques. des papes en particulier, on désigne sous ce nom les voix qui, ayant été d'abord données à un autre, l'abandonnent pour arriver à former la majorité nécessaire.
ACCLAMATION, ou quasi-inspiration; réu-i^on de toutes les voix, sans entente préalable, pour l'élection d'un pape ou d'un évêque.
ACCOMMODATION. On appelle ainsi d'une manière générale la condescendance d'un supérieur envers un inférieur, le premier témoignant par actes ou par paroles, pour ne point blesser ou froisser le second, une indulgence passive ou active, pour ses idées, ses préjugés ou ses goûts. Jésus-Christ s'ac^mmodait à la faiblesse de la multitude, quand il lui parlait en paraboles, et à la faiblesse de ses disciples, quand il réservait pour l'avenir ce qu'il avait encore à leur dire. Matth. 13, 11. Jean 16, 13. Il entrait dans leurs vues, sans les réfuter ni les rectifier directement, quand il disait aux disciples de Jean, que leur maître était l'Élie qui devait venir. Matth. 11, 14. Paul s'accommodait aux préjugés des judéo-chrétiens, quand il faisait circoncire Timothée, et qu'il se joignit à Jérusalem aux hommes qui avaient fait un vœu, Act. 16. 1-3. 21. 17-26.; il leur parlait comme à des enfants en Christ, s'asservissant à tous, afin de les gagner, 1 Cor. 3, 1. 9,19. cf. Hébr. 5,11-14. Il donne Rom. 14. I et suiv. la théorie de cette condescendance chrétienne, mais il montre aussi. Gai. 2, 11-13. qu'il y a des limites à l'accommodation, et qu'elle ne doit être un acte ni de timidité, ni d'hypocrisie. Supporter une erreur ou une faiblesse ne doit pas aller jusqu'à la justifier ou la sanctionner.
Les pères de l'Église ont déjà connu la chose et le mot. Clément d'Alexandrie dit que s'il y a, pour un auditeur, quelque intérêt à ne pas tout lui expliquer, on peut taire certaines choses, mais il ajoute que ce silence ne peut porter que sur les points secondaires. De même Tertullien. Origène, saint Jérôme, Chrysostome, etc. Saint Augustin au contraire repousse cette prudence, comme un manque de respect et d'amour pour la vérité. La question de l'accommodation, qui, pendant longtemps, n'a présenté qu'un intérêt assez médiocre, a pris au commencement da ce siècle une importance toute particulière. Avec le développement de la critique historique, on s'est demandé si plusieurs des faits racontés dans l'Écriture ne seraient pas simplement une accommodation à des idées régnantes au temps de Jésus-Christ. Partant du fait que les anthro-pomorphismes de l'A. T. ne peuvent guère être envisagés autrement que comme une accommodation; constatant une accommodation dans le judaïsme lui-même et dans la plupart de ses institutions, les théologiens qui désiraient se débarrasser de certaines difficultés, sans trop porter atteinte à l'autorité des Écritures, ont tenté d'expliquer différents passages au moyen de cette théorie; ainsi la doctrine du diable et des anges, celle de l'expiation, de nombreuses apparitions, la messianicité de beaucoup d'oracles, qui, selon eux, n'avaient aucun rapport avec le Messie, mais que Jésus-Christ s'est appliqués à lui-même, parce que le peuple les interprétait dans ce sens. Avec ce système on n'allait à rien moins qu'à ruiner l'autorité des Écritures; aussi Mosheim, Storr, Knapp, Reinhard le combattirent vivement. Mais il tomba de lui-même, quand on crut n'en avoir plus besoin et que l'exégèse critique se décida franchement à traiter d'erreur ce qu'elle ne pouvait pas expliquer. La vie de Jésus, de Strauss, en traitant de fables ou de mythes les principaux faits de l'histoire évangélique, a donné du courage aux timides, et les a dispensés de la tâche ingrate et laborieuse de mettre d'accord leur respect pour l'Écriture avec leur droit d'en rejeter les faits ou les enseignements.
ACÉMÈTES, moines du 5*e siècle, qui s'étaient imposé de ne jamais dormir, ou de dormir aussi peu que possible, et d'avoir nuit et jour des services religieux. L'exemple donné par Marcel d'Apamée, en Orient, trouva aussi des imitateurs en Occident. Leurs deux principaux couvents étaient, l'un à Constantinople, l'autre à Agaunum, ville des Nantuates, aujourd'hui Saint-Maurice (Valais) dont l'abbaye fut fondée par Sigismond, roi de Bourgogne.
ACÉPHALES (Sans tête). Quand l'empereur Zénon eut réussi, par son Henotikon, à faire vivre quelque temps en paix les mono-physites et les orthodoxes, quelques-uns des roonophysites les plus résolus, se séparèrent de leur patriarche, Pierre Mongus, et comme ils n'avaient plus de chef (de tête), on les appela Acéphales. Plus tard ils se rallièrent autour de Sévère et de Pierre Fullo. v. Monophysites.
ACHÉRY, don J.-Luc d' — v. Dachéry.
ACOLYTHE, serviteur chargé d'accompagner son maître quand il sortait. Peu à peu le sens étymologique changea, on donna ce nom aux serviteurs de l'évêque, chargés du service de l'autel; le formulaire de leur consécration mentionne encore aujourd'hui le soin des cier ges et des lumières, la préparation de l'eau et du vin pour l'eucharistie. Puis quand ces fonctions eurent passé aux enfants de chœur, le titre seul resta, mais il n'est plus qu'un degré, le dans l'ordre de la prêtrise, le plus élevé des ordres mineurs chez les catholiques.
ACOSTA, Uriel, prit plus tard le nom de Gabriel; Portugais, né 1594 à Porto, d'une famille juive de la noblesse, convertie au christianisme depuis plusieurs générations. Il fut baptisé catholique et étudia avec zèle les Évangiles et plusieurs livres traitant de la religion; mais la théorie des Indulgences l'irrita et lui rendit le christianisme suspect; il finit par abandonner une position lucrative qu'il avait obtenue au collège, et sous prétexte que les juifs et les chrétiens étaient d'accord à recevoir l'A. T.. tandis que les chrétiens seuls adoptaient le N., il se décida à rentrer dans le judaïsme d'où sa famille était sortie. La chose n'était pas possible en Portugal; il s'enfuit à Amsterdam où il se fit circoncire et reconnaître juif. Mais le pharisaïsme de ses nouveaux coreligionnaires ne le satisfit pas non plus, et il professa ouvertement les maximes de l'incrédulité sadducéenne. Il fut accusé de nier Dieu et l'immortalité de l'âme, affirmant (1623) que sur ce dernier point la loi de Moïse était muette. Le Dr Samuel de Sylva lui répondit. L'autorité fit emprisonner Acosta, qui au bout de 8 à 10 jours obtint sous caution d'être remis en liberté, mais en payant une amende de 300 florins; son livre aussi fut condamné à être détruit. En même temps la synagogue le mit à l'interdit, et il resta sept ans sous le poids de cette excommunication, ne voulant pas se soumettre aux conditions qu'on lui imposait pour le réintégrer. Il céda cependant, et dans son autobiographie (Exempter vitœ humanœ) il raconte d'une manière assez lamentable les humiliations qu'il eut à subir, les 39 coups de fouet qu'on lui administra, tout nu, en pleine synagogue, et comment il dut se coucher sur le seuil de la porte pour être foulé aux pieds par les juifs. Il n'abandonna d'ailleurs aucune de ses convictions, et ne voulut reconnaître d'autre loi que la loi naturelle, f 1640, ou 1647; le bruit courut qu'il s'était suicidé; mais ce n'est pas prouvé.
ACTES DES MARTYRS, Acta Martyrum et plus tard Actes des Saints, Acta Sanctorum. On désigne sous ce nom les notices plus ou moins complètes, plus ou moins authentiques, et, dans tous les cas, de valeur fort diverse, qui ont paru à différentes époques sur les hommes illustres de l'Église chrétienne. On comprend que dès l'origine chaque église ait tenu à honneur de conserver la mémoire de ceux de ses membres martyrs, qui avaient payé de leur vie leur fidélité; puis on y a joint les noms des confesseurs. c'est-à-dire de ceux qui, au risque de la mort, avaient bravé l'autorité romaine et s'étaient déclarés chrétiens, quoiqu'il y eût du danger à le faire. On y ajouta ensuite la liste de ceux qui avaient été persécutés pour l'Évangile, des saints qui avaient honoré l'Église par leur sainteté, par leur dévouement, par leur ascétisme ou par leur activité. Tout cela se fit lentement, peu à peu. naturellement, sans plan densemble et sans parti pris. Chaque église avait sa liste, et elle y ajoutait à l'occasion quelques noms des églises voisines, au fur et à mesure qu'elle en avait connaissance par des lettres ou des communications. Ainsi l'église de Smyrne écrivit à celle de Philadelphie le martyre de plusieurs des siens et finalement celui de son évêque Polycarpe; les églises de Lyon et de Vienne racontent leurs malheurs aux chrétiens d'Asie et de Phrygie; Denys d'Alexandrie écrit à Fabien d'Antioche; Cyprien est rempli de détails de même sorte, et Ponce, le biographe de Cyprien. explique ce qui l'a amené à raconter la vie et la mort d'un si grand évêque. A mesure que ces listes grossissaient, on devait y mettre un peu d'ordre, el Ton classait volontiers les martyrs d'après la date de leur mort, de manière à ce que chaque jour de chaque mois eût son saint ou son martyr. En même temps, à mesure qu'on s'éloignait de l'époque où le souvenir était encore vivant, on complétait par des détails et par des notices plus développées la simple mention qui avait suffi dans l'origine, afin de conserver aux générations suivantes des mémoires et des exemples précieux. De là deux espèces de listes: les ca-lendaria, simples catalogues des noms rangés suivant l'ordre des jours de l'année, et les mar-tyrologia qui formaient des espèces de notices biographiques d'un caractère général, destinées à l'édification des chrétiens. Les diptycha présentaient plutôt un intérêt local; on y inscrivait les noms des pasteurs et des évêques de l'endroit, et cette liste était complétée par les noms de personnages qui avaient illustré la localité, ou par coux d'hommes vénérés de l'Église entière. On eut ensuite les passionalia (le latin se gâte déjà), histoires de martyrs proprement dits, et enfin les legenda, fragments qui devaient être lus aux anniversaires de la mort de ceux dont on racontait l'histoire. Ces derniers n'avaient pas le caractère d'une simple notice; ils étaient soignés, ornés, et avec le temps on se permit de les embellir au point qu'il fut difficile de distinguer la réalité de la fiction; ce furent les légendes des saints.
La plupart de ces documents historiques furent malheureusement détruits lors des persécutions de Dioctétien, et tout fut à refaire, en partie de souvenir, quand le premier empereur chrétien eut assuré le triomphe du christianisme. Eusèbe écrivit un livre sur les martyrs de la Palestine, et un autre plus général sur les martyrs de l'Église chrétienne, mais ses livres se sont perdus de bonne heure. Vers la fin du siècle, sous Grégoire I, il est question d'un martyrologe qui se lisait à Rome, et dont un double se trouvait à Alexandrie; on l'attribuait, mais sans preuves, à saint Jérôme, comme on mettait volontiers sous le nom du traducteur de la Bible, beaucoup d'écrits dont l'auteur était inconnu. Cassiodore recommande plusieurs écrits de même nature, Vies des pères, Confessions des fidèles, Passion des martyrs, comme formant une littérature assez considérable, destinée à édifier, à affermir la foi et à servir d'exemples. Mais déjà le pape Gélase devait s'opposer à ce que ces livres fussent lus dans les églises sans avoir été préalablement contrôlés; plusieurs étaient anonymes, et un grand nombre étaient de pures et simples compositions littéraires, sans aucune valeur historique. Adrien I«r, fin du 8rae siècle, dit positivement que, outre les Saintes Écritures, il est permis de lire publiquement les Vies des pères, mais seulement si elles ont été écrites par des auteurs orthodoxes. Ces Vies des pères, qui servent en quelque sorte de transition entre les Actes des ^fartyrs et les Actes des Saints.
étaient le récit en général authentique et vrai de l'histoire de la propagation du christianisme; on y trouvait l'histoire de Séverin, celles de Boniface, de Jonas, de Gall, etc. A l'heure qu'il est encore, c'est une source précieuse à consulter: chez les Latins, dans le catalogue dit de saint Jérôme, dans les 14 hymnes de Prudence, dans la Collatio patrum de Cassien, dans les œuvres de Grégoire de Tours, etc.; chez les Grecs, dans Palladius, Héraclide, Jean Mos-chus, Siméon Métaphraste. quoique ce dernier soit déjà sujet à caution comme exactitude.
Un martyrologe publié par ordre de Sixte V est à peu près sans valeur, car il n'est guère que la reproduction du travail attribué à Jérôme. Bède, Florus, Wandelbert (qui mit l'histoire en vers), Rhaban Maur, Adon, archevêque de Vienne, Usuard enfin et Notker, développèrent et enrichirent de détails historiques les anciens martyrologes, et constituent un progrès. A partir du 9™ siècle, il y a chute et décadence. Toutes les Églises veulent remonter aux apôtres ou à leurs successeurs immédiats, et les moines font l'histoire à cette intention; les légendes s'élèvent jusqu'à la fraude et à la puérilité; c'est l'époque où saint Denis, martyr, s'en va, sa tête à la main, fonder l'église des rois de France, qui porte son nom. Mais le souffle de la Renaissance et l'étude de l'antiquité dissipent aux lime et lo^e siècles cette érudition fantastique; des travaux sérieux sont entrepris; on compile les documents, on cherche à dégager le vrai du faux, et les Bollan-distes entreprennent l'œuvre colossale, encore inachevée, qui se rattache à leur école. Jean Bolland (1596-1665) reçut des jésuites, à la mort de Heribert Rosweyd (1629) les nombreuses pièces et les manuscrits rassemblés par celui-ci, et il fut chargé de rédiger les Acta Sanctorum, sur le plan des anciens calendaires, mais en donnant à chaque notice tous les développements possibles. Avec les immenses ressources que l'ordre avait à sa disposition, trésors de toute nature, relations dans toutes les parties du monde, Bolland se mit à l'œuvre, et il trouva des collaborateurs dignes de lui dans les pères Gottfried Henschen (1600-1681) et Daniel Papebroch (1628-1714). qui, sous le patronage du pape Alexandre VII, visitèrent vers 1662 une grande partie de l'Europe. On avait compté sur environ 18 volumes in-folio; le Martyrologe donna pour le mois de janvier seul 2 vol., pour février, mars et avril, chacun 3. mai 8, juin et juillet chacun 7, août 6, septembre 6, octobre (l^ volume, jusqu'au 14) 6 volumes; en tout 53. L'œuvre fut alors interrompue par la suppression de l'ordre, en 1773, et la maison des bollandistes à Anvers fut convertie en une école militaire; mais ils réussirent à poursuivre leur travail dans l'abbaye de Can-denberg. L'empereur Joseph II, qui n'aimait pas les jésuites, donna l'ordre aux bollandistes de publier à l'avenir un volume par année et d'avoir tout fini dans l'espace de 10 ans. En 1788 cette association de savants fut dissoute, et ils n'eurent plus qu'une préoccupation, mettre leurs trésors historiques et littéraires à fabri. Ils y réussirent par une vente fictive à rabbaye des Prémontrés, de Tougerloe, 1791. A l'arrivée des Français, qui proclamèrent en Belgique lecir république et qui déclarèrent biens nationaux tous les biens du clergé, les bollandistes durent s'enfuir, et une partie seulement de leurs collections littéraires put être sauvée, grâce au voisinage de la Westphilie. La Restauration permit aux religieux de Tougerloe de retrouver quelques-uns de leurs documents, et les jésuites reprirent leur travail. En 1845 parut le 7c e volume d'octobre, comprenant les 15 et 16 du mois, en 1189 pages in-folio. L'ensemble de la collection ne compte pas moins de 25,000 biographies. Mais les derniers volumes n'ont pas la valeur des précédents, et, malgré bien des circonstances favorables, l'ordre semble avoir perdu le sentiment de sa dignité ancienne. La vie de sainte Thérèse en particulier est un tissu de puérilités, aussi dépourvues d'intérêt que de critique, et n'offre aucune garantie pour Theureux achèvement de l'œuvre. — Il a paru à Venise en 52 vol., une réimpression de l'édition d'Anvers, mais elle est peu correcte.
ADALARD, ou Adalhard, ou Adelard, né 753. et WALA, deux cousins germains de Charlemagne, petits-fils de Charles Martel par le comte Bernard, furent soigneusement écartés des affaires et de la vie publique à l'avènement de leur parent au trône. On craignait leur influence, et ils furent enfermés dans un cloître, Adalard à Corbie, où il fut d'abord condamné aux travaux les plus vulgaires, mais dont il finit par devenir abbé, après avoir réussi une première fois à s'enfuir au Mont-Cassin. Cependant vers 796, leur position changea; Charlema-gne donna Adelard comme conseiller à son fils Pépin, nommé roi d'Italie; Wala reçut le gouvernement de la Saxe. Un troisième frère, Bernard, fut nommé abbé de Corbie. Mais de nouveaux changements politiques et les incertitudes de la succession de Charles troublèrent à plusieurs reprises l'existence de ces trois frères. Ils maintinrent énergiquement l'unité du royaume, en soutenant, tantôt avec Louis-le-Débonnaire, tantôt contre lui, que la couronne devait revenir au fils ainé, tandis que d'autres voulaient un partage égal du royaume entre les fils. Grégoire IV ayant voulu intervenir à Worms dans ces questions de politique intérieure, les évéques résistèrent et menacèrent même le pape de le faire déposer. Wala, mandé par Lothaire, vint de Noirmoutiers avec son ami Radbert. et tous deux donnèrent connaissance au pape (qui les ignorait) d'anciens documents, ordonnances papales, décrets de conciles, qui établissaient le pape comme juge de tout le monde, sans que personne pût le juger. Ces pièces, qui voyaient le jour pour la première fois, étaient un «acheminement à la production des fausses Décrétâtes. Le parti de l'unité du royaume triompha un moment, mais Lothaire ne sut pas profiter des circonstances; les siens l'abandonnèrent, et Wala, découragé, se retira dans son couvent lombard de Robbio, où il f 836. Adalard mourut la même année.
ADALBERT 1° Évêque de Prague, puis missionnaire en Prusse et en Pologne. Woycech, ou Woytech, né vers 950, fils d'un des plus puissants woy wodes de la Bohême, avait étudié à Mag-debourg d'où il avait rapporté une bibliothèque fort nombreuse. L'archevêque de cette ville, Adal-bert. lui avait donné son nom, par attachement, et c'est sous ce nom seulement qu'il est connu. Appelé à l'épiscopat par ses compatriotes qui désiraient voir un des leurs occuper ces hautes fonctions, il ne tarda pas à les froisser par son caractère trop rigoureux et surtout par sa soumission trop absolue à la cour de Rome. Sous prétexte d'un pèlerinage au Saint-Sépulcre, il partit pour Rome, 984, où il passa quelques années dans un couvent, avec son ami Gauden-tius. Rappelé par sa paroisse, 993, il consentit sur l'ordre du pape à y retourner, mais son exagération des pratiques romaines indisposa toujours plus Je peuple, et malgré l'appui du duc Boleslav, il vit son autorité méconnue, déposa de nouveau sa crosse et retourna à Rome, 995. En chemin, il baptisa le jeune Waïk, qui plus tard, sous le nom d'Etienne, devint roi de Hongrie. L'année d'après, sur les instances de l'empereur, il essaya une troisième fois de reprendre son évêché, 996, mais il fut si mal reçu qu'il y renonça définitivement et se décida à aller chercher la couronne du martyre chez les païens de la Pologne, puis en Prusse. Il se fixa successivement à Cracovie et à Gnèse, avec son ami Gaudentius, puis à Dantzik, et là, pendant une tournée d'évangélisation, il fut attaqué par une troupe de païens furieux et tomba percé de sept coups de lances, 23 avril 993. La semence sacrée ne devait lever que 250 ans plus tard. Son corps fut réclamé par Boleslav. qui le fit déposer dans la cathédrale de Gnèse et lui fit de magnifiques funérailles. Le bruit ne tarda pas à se répandre que des miracles avaient lieu sur son tombeau.
2<> Adalbert, archevêque de Brème, 1045, d'une famille considérable d'Allemagne. Il faisait déjà parler de lui quand il était sous-diacre de l'archev. Hermann. 1032-35. et son caractère altier inspirait des inquiétudes. Nommé ar-ehevêq. par Henri III, il joua un grand rôle sous ce monarque et sous son successeur Henri IV, qui tous les deux ans travaillant à établir leur domination en Allemagne, et ne le pouvant qu'avec l'appui des papes, trouvèrent en Adalbert l'instrument qu'il leur fallait. C'est par lui qu'ils parvinrent à faire nommer trois papes allemands, Clément II, Damase II et Léon IX. En même temps ils distribuèrent à un certain nombre de familles romaines les biens qui, depuis Charlemagne, appartenaient à l'Église, et ils réduisirent autant qu'ils le purent les revenus de la curie, de manière à la rendre dépendante de l'empire. Adalbert poussa à l'érection d'un patriarcat du nord, avec résidence à Brème, comme l'église de Milan avait été de son côté érigée en patriarcat, et par conséquent rendue indépendante de Rome. Henri III obligea Clément II, sa créature, à regarder Adalbert comme son égal. Un moment, dit l'historien Adam, la petite Brème fut comme une seconde Rome, où affluaient les envoyés de tous les pays du nord, des Orcades de l'Islande, du Groenland, venant demander des missionnaires. A la mort de Henri III (5 oct. 1056) les choses changèrent de face; il s'agissait de tenir tête aux haines déchaînées par la tyrannie du roi mort. Adalbert réussit à s'emparer de Ja régence du jeune Henri IV, et il gouverna souverainement pendant quelques années, mais en 1066 il fut précipité du pouvoir et dut se retirer modestement dans son diocèse. En 1069 il réussit à reconquérir un peu de son ancienne influence auprès du roi, et il allait se venger de ses ennemis, notamment des Billungen, quand il f 1072.
ADALGAR, second successeur de saint Ansgar sur le siège archiépiscopal de Brème, 888. Il eut le chagrin de voir, 890 et 895. son siège réduit par les intrigues de Heriman, archev. de Cologne, à un simple évêché. 11 réussit un moment, sous Serge III, févr. 905, à rentrei dans ses anciennes prérogatives, mais l'accord de l'archev. de Cologne avec celui de Mayence, Hatto, les lui fit perdre de nouveau, et définitivement. Brème, en perdant les missions du nord, qui en avaient fait une véritable métropole, avait en réalité diminué d'importance, et l'on redoutait pour l'unité de l'empire, surtout avec un empereur de 6 ans, Louis IV, dit l'Enfant, sa trop grande prépondérance, f 9 mai 909. Son successeur, Hoger, reçut de Rome tous les honneurs personnels, mais ne put reconstituer l'archevéché.
ADALHARD, v. Adalard.
ADAM 1° de Brème; chanoine saxon, vint à Brème 1068 sous Adalbert; il est déjà mentionné, 14 juin 1069, comme magister schola-rum; auteur d'une Hist. des églises de Hambourg, Brème, etc., et d'uneGéogr. de la Scandinavie. En général exact, même dans les notes qui y ont été ajoutées plus tard, mais partial contre les ducs de Saxe, qui étaient en hostilité avec Brème. Edit. abrégée de Lappenberg, Hanovre, 1846.
2° Melchior Adam, né à Grotkau, Silésie, fit de bonnes études à Brieg. puis à Heidelberg, ou il soutint ses thèses 1601, fut couronné et devint recteur du gymnase et professeur de l'université. Il mourut pasteur à Hoppenheim, 1622. C'était un travailleur et un collectionneur intrépide. Il a écrit des Vies des savants allemands, philosophes, théologiens, médecins, etc., au nombre de 136. et deux Décades, ou 20 Vies de théologiens étrangers, Cranmer, Calvin. Farel, Knox, etc. Ces notices sont sans doute de valeur inégale, mais l'ensemble forme une collection intéressante pour l'hist. de la Réformation.
ADAMITES, petite secte du nord de l'Afrique, au 3™ siècle; mélange d'ascétisme et de gnosticisme; en vivant nus comme Adam avant la chute; ils pensaient établir leur innocence. Ils furent excommuniés. Une secte semblable surgit encore au 15™e siècle parmi les Beghards; ils furent persécutés par les Hussites que l'on affectait de confondre avec eux. De pareilles manifestations ne durent pas.
ADELBERT, personnage singulier, un peu mystérieux, qui parut jouir en France, à la cour de Carloman, d'un assez grand crédit, ainsi que son ami Clément: il fut nommé évêque, mais sans diocèse, et eut pour constant adversaire l'apôtre de l'Allemagne, Boniface, par qui seul nous le connaissons. Les reproches qui lui sont faits sont contradictoires. Il semble qu'il ait condamné les pèlerinages, la confession obligatoire. la consécration des églises aux apôtres et aux martyrs. D'autre part, on l'accuse d'avoir présenté ses ongles et ses cheveux à l'adoration des fidèles, d'avoir exploité une lettre du Christ, qui lui aurait été envoyée du ciel, d'avoir composé des prières au nom d'anges inconnus. Condamné dans un synode à Soissons, 744, puis dans un concile à Rome, 25 sep. 745. il ne paraît pas avoir beaucoup souffert de ces deux sentences, et le pape Zacharie, en remettant la question à l'étude, 747, infirmait moralement la condamnation prononcée. Carloman n'abandonnait pas volontiers ses protégés, mais, après son abdication, Pépin qui avait besoin du secours de Rome, se prononça contre l'ennemi de Boniface. A la suite d'une discussion publique à Mayence, Adelbert aurait été officiellement condamné, puis dégradé et enfermé au couvent de Fulda; s'étant évadé, il aurait été assommé par des porchers.
ADÉODAT, v. Dieu-donné.
ADIAPHORA. Nom scientifique donné en théologie à la question des choses indifférentes. En existe-t-il dans la doctrine? Et en morale? De même que les stoïciens, les chrétiens des premiers siècles se sont posé la question, et l'ont résolue diversement, suivant leur tendance personnelle et leur manière d'envisager la vie et la sainteté. Schleiermacher, 1826, a établi qu'endroit positif, et vis-à-vis de toute législation humaine, il y a des actions qui ne méritent ni éloge, ni blâme: ainsi les jouissances artistiques, les délassements après le travail, etc., tandis qu'au point de vue de la morale stricte, il n'est aucune action qui ne se rattache directement ou indirectement à l'accomplissement d'un devoir. A cet égard il y a eu des controverses, presque à toutes les époques de Fhistoire. Parmi les plus modernes on peut citer celles qui éclatèrent à l'occasion de Plnte-rim de Leipsic 1548, trêve imposée aux évan-géliques et aux romains, et qui ménageait plus que l'Intérim d'Augsbourg les doctrines protestantes. Toutefois il maintenait encore la juridiction des évêques. plusieurs parties de la messe, l'extrême-oncton, les 7 sacrements, la confirmation, les cierges, les prières pour les morts, etc., que l'Intérim déclarait être des choses indifférentes, adiaphora; Mélanchthon les accepta comme telles; d'autres, notamment Flaeius, les repoussèrent énergiquement. La latte dura dix ans, jusqu'à la paix d'Augsbourg 1555, et se prolongea même jusqu'en 1577 où la Formule de concorde y mit un terme. — L'autre controverse se rattache au réveil religieux de Spener. qui condamna comme contraires à la sainteté de la vie tous les plaisirs mondains, les jeux, danses, théâtres, promenades, plaisanteries, luxe dans la nourriture ou dans les vêtements. Il n'avait en vue que certains excès dont il avait été témoin, mais il y avait de l'excès dans son jugement trop absolu, et ses adhérents allèrent plus loin encore que lui. La lutte éclata en 1692 par une violente brochure anonyme d'un piétiste. En 1698 nouvelle brochure, avec préface de Franck. Les opposants, cependant orthodoxes, maintinrent qu'il existe des choses indifférentes, et ils en dressèrent la liste; mais ils exagérèrent à leur tour, et quelques-uns de leurs arguments laissent beaucoup à désirer; ainsi, quand Stier, à propos de Luc 15, 25. prétend que les paysans ne comprendront pas la parabole de l'enfant prodigue, si on leur retire leurs danses et leur musique. Cette controverse a duré longtemps, elle n'est même pas terminée, et par sa nature même elle échappe à une solution: c'est à la conscience chrétienne de chacun de la résoudre pour son propre compte, v. 1 Cor. 10, 31.
ADO, archevêque de Vienne, né vers 800 sous
Charlemagne, f 16 décembre 875. D'une famille considérée des environs de Sens, il étudia dans les couvents de Ferrière et de Prilm et fit de bonne heure un voyage en Italie où il se lia avec Claude de Turin. Pendant les 16 ans de son épiscopat, il travailla pour l'affermissement de la hiérarchie papale dans le sud de la France. Nicolas I et Adrien II le traitent dans leurs lettres comme un intime. Il a laissé une Histoire du monde depuis la création jusqu'au 9®e siècle, et un Martyrologe, bien supérieur à ceux de Florus et de Raban Maur.,etc.
ADOPTIANISME, doctrine qui eut au 8me siècle pour principaux représentants l'archev. Elipand de Tolède et l'évêque Félix d'Urgel. C'était une espèce de nestorianisme mitigé, adapté aux besoins d'esprit de l'Occident. Poursuivi du besoin de s'expliquer les deux natures qui sont en Christ et ne réussissant pas à les comprendre, Elipand en était venu à cette idée que quant à sa nature divine, Christ est réellement le fils de Dieu, mais que quant à sa nature humaine il n'est que son fils par adoption. C'était respectueux, mais ce n'était pas orthodoxe. Elipand, qui vivait à Tolède, sous le joug des musulmans, ne fut pas inquiété par eux pour ses opinions, mais Félix, qui habitait une partie de l'Espagne incorporée à la France depuis 778. eut à rendre compte de ses nouvelles idées dans plusieurs conciles: à Narbonne d'abord 788, où rien ne fut décidé, puis à Ratis-bonne 792. où il confessa son erreur et se rétracta. De retour en Espagne et sur les sollicitations de ses amis, il revint à l'adoptianisme. Charlemagne, au lieu de le condamner comme récidiviste, chargea Alcuinde l'éclairer. Dans un concile de 300 évêques, tenu à Francfort 794. mais où Félix ne comparât pas, il fut condamné; à Aix-la-Chapelle enfin, à la suite d'une conférence avec Alcuin, il abjura de nouveau, 799. Dès lors il resta à Lyon placé sous la surveillance de l'archevêque, jusqu'à sa f 816. Elipand continua de prêcher et d'avoir des adhérents, mais la secte fut bientôt oubliée.
ADRETS (baron des), v. Reaumont.
ADRIEN. On connaît sous ce nom plusieurs saints: un officier de l'armée de Galère, converti par l'héroïsme des martyrs chrétiens, et martyr lui-même à Nicomédie 306; un martyr à Césarée 309; un missionnaire en Gr. Rreta-gne, envoyé par le p. Vitalien, f 720; le év. de Saint-André, Écosse; martyr 874. — En outre 6 papns:
1° Adrien I, né à Rome, 772-95. Inquiété par Didier, roi des Lombards, il est protégé et vengé par Charlemagne, qui détruit le peu qui restait encore de la souveraineté des empereurs grecs. Le 7me (0u 8™) concile écuménique. 2rae de Nicée, convoqué par Adrien 787, consacre pour la première fois l'invocation des saints; il introduit aussi le culte des images, qui est cependant bientôt derechef condamné par le concile de Francfort; id. le culte des reliques.
2° Adrien II, né à Rome, 867-72, avait refusé deux fois le pontificat. Il prend parti pour Louis, frère de Lothaire, contre Charles-ie-Chauve, et lève l'excommunication lancée contre Lothaire, qui avait répudié sa femme. Les évêques français lui répondent, 870, que le pape ne peut être à la fois roi et évêque. Hinc-mar de Reims résiste également et appelle les Décrètales une invention de l'enfer. Hincmar île Lion, son neveu, tient pour le pape; Charles-le-Chauve le fait emprisonner et le prive de la vue: les rois ne sont pas encore très obéissants. Adrien tient un concile à Rome 863, où Pho-tius est excommunié; ce jugement est confirmé par le 8rne concile écuménique, tenu à Constantinople 869, après un conflit avec l'empereur Basile et le patriarche Ignace. Adrien a aussi des difficultés avec Charles-le-Chauve, à l'occasion d'un évêque condamné en France.
3° Adrien III, de Rome, 884-85, maintient les résolutions prises à Constantinople contre Photius.
4° Adrien IV, Nicolas Breakspear. né à Abbots-Langley, Hertfordshire, le seul pape anglais, était tîls d'un mendiant, et quelques temps réduit à mendier lui-même. Honteux de ce rôle il passa en France, entra comme domestique chez les chanoines de Saint-Ruf. près d'Avignon; se fit recevoir comme religieux dans ce couvent, et finit par en devenir le supérieur. Eugène III le créa cardinal d'Albano et l'envoya comme légat en Danemark et en Nor-wège pour y achever l'œuvre de la conversion de ces peuples. Élu pape à son retour 1154, il eut des démêlés avec les Romains au sujet d'Arnaud de Brescia; avec Guillaume, roi de Sicile, et avec l'empereur d'Allemagne. Frédéric étant venu à Rome pour rétablir les droits impériaux depuis longtemps oubliés, Adrien le couronne, mais bientôt, à propos d'un pèlerin, il écrit à Frédéric: De qui tiens-tu ton empire, si ce n'est de Ion seigneur le pape (a domino Papâ)? Les légats du pape sont immédiatement renvoyés, et Adrien f 1159, au moment où il va excommunier l'empereur. Trois papes lui succèdent à la fois.
5° Adrien V, de Gênes, neveu d'Innocent IV, élu 1276, ne régna qu'un mois.
6° Adrien VI. Adrien Florentio, fils d'un tisserand d'Utrecht, né 1459, prof, de théologie à Louvain et vice-chancelier de l'université, précepteur de Charles-Quint, évêque deTortose, vice-roi en Espagne, fut élu pape sans être bien connu, grâce à la protection de Charles-Quint.
Honnête et droit, il voulait réformer l'Église en dehors de la Réforme. Il fit divers essais, mais ses cardinaux et toute la curie lui représentèrent qu'une réforme ferait trop de plaisir au parti de Luther, que ce serait confesser que l'Église avait failli. Il recommanda donc, an peu malgré lui, l'usage du fer et du feu contre les hérétiques, une croisade. Il reconnaissait qu'il y avait de grands abus à la cour de Rome et que le siège du mal était là. La Diète germanique pensait de même et le fit connaître par la publication des Cent griefs. Il mourut, 14 sept. 1523, peu regretté en cour de Rome, où l'on redoutait sa probité et ses intentions sincères d'une réforme.
ÆGIDIUS 1° Grec d'origine, vint d'Athènes dans les Gaules, s'attacha à Césaire d'Arles et fonda à St-Gilles un couvent dont il fut le premier abbé; sa réputation de sainteté a fait de l'église où ses cendres reposent un pèlerinage très recherché. Il vécut, selon les uns. au commencement du 6roe siècle; selon les autres, il serait f vers 720 ou 725.
2° Ægidius Colonna, de Rome, célèbre sco-lastique, surnommé Doctor fundatissimas et theologorum princepe, 1247-1316. D'abord ermite, puis professeur à Paris et général des au-gustins, il avait étudié sous Thomas d'Aquin et Bonaventure. Chargé de l'éducation de Philippe-le-Bel, il composa pour lui un ouvrage De régi-mine principum, et beaucoup d'écrits, qui ne sont pas tous imprimés. Il fut nommé 1295 archevêque de Bourges.
ÆLIA CAPITOLINA, nom qui fut donné à Jérusalem après qu'elle eut été reconstruite sous Adrien, et qu'un temple y eut été élevé à Jupiter-Capitolin, vers 136.
AEPINUS, Hoch Jean, né 1499 dans le Brandebourg; théologien allemand qui, après avoir embrassé la réforme et étudié à Wittemberg, se rendit, après un court voyage en Angleterre, à Hambourg, où il introduisit la réforme. 1525, fut nommé pasteur 1529 et surintendant 1532. Il avait des talents et un caractère bien équilibré. Il publia quelques écrits sur la descente de Christ aux enfers, et prit parti contre l'Intérim et ses trop nombreuses concessions, mais ne chercha pas à passionner la discussion, f 13 mai 1553.
ÆRIUS, ami d'enfance d'Eustache qui devint plus tard évêque de Sebaste, Pont. Ils avaient mené ensemble une vie d'ascètes. Depuis l'élévation de son ami, 355, jErius, nommé par lui ancien et directeur d'une maison de pauvres, se tourna contre lui, par jalousie peut-être, et lui reprocha d'avoir renié son passé et de ne plus penser qu'à l'argent. Ils se séparèrent, 360, et iErius se mit à prêcher partout où il trouvait des auditeurs; les adhérents ne loi manquèrent pas. Il enseignait l'égalité des anciens et des évêques, et condamnait les jeûnes forcés et les prières pour les morts. Ce mouvement dura peu et n'eut pas de suites directes.
AÉTIUS, fondateur de la secte des Anoméens, était syrien d'origine, probablement d'Antioche, ouvrier en cuivre, d'un esprit dégagé, peu instruit, mais désireux de s'instruire; d'un caractère difficile, ergoteur; il fit de la philosophie, de la médecine, de la théologie. C'était l'époque des luttes ariennes, il prit parti pour 1 aria-nisme et se promena d'Antioche à Tarse, à Anazarbe, à Alexandrie, à Sirmium, à Constan-tinople, se faisant partout mettre à la porte pour son outrecuidance ou excommunier pour ses doctrines. Condamné dans plusieurs conciles, exilé par Constance, il eut le bonheur de trouver un protecteur et un ami en Julien l'apostat, qui lui donna une propriété dans l'île de Lesbos. Il fut môme consacré évêque, mais sans diocèse, et il profita de cette position pour consacrer à son tour des évéques ariens. Sa vie fut plus d'une fois menacée, pour cause de caractère ou de politique. Il + 366 à Constanti-nople dans les bras de son ami Eunomius. Ses partisans reçurent le nom (Vaétiens, quelques-uns le transformèrent en athées; on les appelait aussi anoméens, v. Arianisme. Il a laissé plus de 300 lettres ou dissertations, dont une a été conservée et réfutée par Êpiphane, sur la non-conception du Verbe.
AFFRE (d'), Deni$-Auguste, né 1793 à Saint-Rome, Aveyron, étudia à Saint-Sulpice, fut successivement prof, de philos, et de théol. à Nantes et à Paris, aumônier des Enfants-trouvés, vicaire général à Luçon et à Amiens, combattit Lamennais, accepta en 1840 l'archevêché de Paris, sans reconnaître officiellement la dynastie de juillet, se prononça conlre les tendances philosophiques de Cousin, et f 17 juin 1848 tué sur les barricades, en demandant de n'être pas vengé. Un des rédacteurs de la France chrétienne, il a écrit: Traité de l'administration temporelle des paroisses, 1827 et Essai historiq. et critiq. sur la suprématie temporelle des papes et de l'Eglise.
AFRA (sainte), chrétienne qui fut brûlée à Augsbourg pendant la persécution dioclétienne, 304. Ses antécédents sont obscurs, et les récits contradictoires. Les uns disent qu'avant sa conversion, elle vivait dans le désordre (Aschbach, d'après les Act. Martyr.); les autres le nient (Tillemont, Rettberg).
ÀFRICANUS. v. Julius.
AFRIQUE. C'est ordinairement de la côte septentrionale de l'Afrique, l'Algérie actuelle, que l'on parle, quand on mentionne les églises d'Afrique. Il faut y joindre cependant TÉgypte, l'Abyssinie, et quelques autres localités, que l'on trouvera sous leurs rubriques spéciales, ainsi que les églises africaines plus modernes.
AGAPES, repas fraternels que les premiers chrétiens célébraient en même temps que la sainte Cène, et souvent comme demi» acte de ce repas sacré, d'abord tous les jours, et habituellement le soir. On sait les abus qui s'y glissèrent bientôt, notamment dans l'église de Corinthe, où, chacun apportant sa nourriture, la différence entre riches et pauvres qui aurait dû ne pas exister, se produisait au contraire d'une manière choquante. Quoique parfaitement inoffensives au point de vue politique, les agapes éveillèrent les soupçons des gouverneurs romains, qui y virent comme une résurrection des hétairies païennes. Pline s'en préoccupe dans son rapport à Trajan (Ép. L. X, 96). Au siècle, les agapes sont séparées de la Cène, qui reste exclusivement un acte de culte, et elles ne sont plus que des repas chrétiens, accompagnés de prières et de conversations édifiantes; mais là encore on retrouve les inconvénients signalés à Corinthe (Tertul-lien, Clément d'Alex.). Les riches pieux commencent à s'abstenir d'y paraître. L'institution tombe en decadence et dans une sorte de mépris, et le concile de Gangre doit les réhabiliter; elles reprennent quelque faveur, mais ce ne sont bientôt plus que des repas d'amis, offerts aux pauvres par les riches. Plusieurs conciles durent défendre la célébration des agapes dans les églises. Par leur caractère même, les agapes sont une institution qui a reparu souvent dans l'Église, notamment aux époques de réveil.
AGAPET 1° Romain, fils du prêtre Gordien, élu pape en 535, ne régna que dix mois, mais non sans gloire. Il fut envoyé comme député auprès de Justinien, à Constantinople, par Théodat, roi des Ostrogoths, qui avait fait mourir sa cousine et femme Amalasonte, et contre qui Justinien, pour venger ce meurtre, et aussi pour chasser les barbares, avait envoyé Réli-saire. Agapet trouva la cour divisée. Justinien tenait pour le concile de Chalcédoine et pour les deux natures en Christ; c'était l'opinion reçue dans l'Église latine. Mais Théodora sa femme était monophysite et avait fait nommer au siège de Constantinople un prêtre de son opinion, Anthime, précédemment évêque de Trébizonde. Agapet, pour gagner la faveur du roi, et aussi par conviction, déposa Anthime et le remplaça par Mennas. Il écrivit à l'église de Jérusalem que Mennas, sacré par un pape, devait être considéré comme l'égal de ceux qu'avait établis saint Pierre lui-même. Satisfait de son ambassade. il se remit en route pour Rome, mais une maladie l'emporta en peu de jours pendant le voyage, à la fin d'avril ou septembre 536.
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2° Agapet II, Romain, élu pape en juin 946. Marousia et Théodora étaient mortes, mais leur esprit vivait encore dans la personne de leur rejeton, le prince Albéric, soutenu par toute la noblesse romaine. Pour secouer ce joug ignoble, Agapet fit alliance avec Othon 1er, d'Allemagne, et concourut ainsi pour sa bonne part à assurer la prééminence à cet empire. Il eut également à intervenir dans les affaires de la France, à propos des rivalités qui éclatèrent, pour la repourvue de l'archevêché de Reims, entre Hugues et Artold (ou Artaud). Il se prononça tour à tour pour l'un et pour l'autre, suivant en cela les conseils de la modération ou de la prudence, et finit par donner le siège à Artold, le protégé de l'Allemagne, quand il se vit absolument délivré de la domination d'Albéric. Il mourut à la fin de 955. Son successeur Jean XII, fils d'Albéric, compléta sans le vouloir le triomphe de l'Allemagne, en forçant par ses désordres Othon de revenir à Rome.
3<> Agapet, diacre de Constantinople, auteur d'un livre De officio régis (ou Scheda regia) dédié à l'empereur Justinien, sur les devoirs des rois. Venise, 1509, grec-latin, 8<>. Trad. plusieurs fois en français, entre autres par Louis XIII, Paris 1612.
AGATHE, vierge sicilienne, qui subit le martyre à Catane 251, sous Décius.
AGATHON, pape 678 ou 79, f 682, condamna les monothélètes dans un concile, et refusa le premier de payer le tribut que les papes avaient coutume de payer aux empereurs lors de leur élection.
AGENDE, formulaire déterminant l'ordre du culte public; ce mot est surtout usité en Allemagne, où les différentes agendes locales ont été en partie remplacées, sous l'influence de Bunsen, avec l'exemple et l'autorité du roi de Prusse, par une agende commune, la même pour toutes, ce qui amena de nombreuses protestations et une controverse passionnée, 1822 à 29.
AGIER, Pierre-Jean, né 28 déc. 1748, f 22 sept. 1823; janséniste célèbre, président de cour à Paris; défenseur énergique de la constitution civile du clergé. Il a écrit un Traité sur le mariage, 1800, et plusieurs traductions ou commentaires sur la Bible, notamment sur l'Apocalypse, 1823. Napoléon dit de lui, en le voyant: Voilà un magistrat !
AGNÈS, jeune chrétienne appartenant à une noble famille romaine. A l'âge de 13 ans, elle attira les regards du fils du préteur Symphro-nius, qui lui demanda sa main. Elle refusa, ayant, disait-elle, un autre fiancé, Jésus-Christ. Symphronius lui fit de belles promesses, puis des menaces en exhibant devant ses yeux ses appareils de supplice. Voyant qu'elle ne s'effrayait pas, il lui donna le choix entre se faire prétresse de Vesta ou être déshonorée publiquement. La jeune fille, pleine de foi, lui répondit: € L'ange du Seigneur est auprès de moi, il me gardera. » Entièrement dépouillée de ses vêtements, elle fut conduite dans un lieu de prostitution. Là, le fils de Symphronius voulut s'approcher d'elle, mais avant qu'il pût seulement la toucher, il tomba comme frappé de la foudre. Symphronius effrayé n'osa continuer son œuvre de persécution et remit la jeune héroïne à son remplaçant Aspasius, qui la fit égorger, 21 janvier 306. Elle a été chantée par Prudence.
AGNOÈTES, secte du 6*e siècle, qui prit naissance pendant les querelles monophysites. Christ, comme homme, savait-il toutes choses, ou y a-t-il des choses qu'il ignorait? Thémis-tius, diacre d'Alexandrie, se prononça dans ce dernier sens; il fut combattu par le patriarche Timothée et par son successeur Théodosius, qui donna aux Thémistiens le surnom d'Agnoètes (qui ignore). Grégoire-le-G. condamna la secte; elle s'éteignit au 8"ne siècle.
AGNUS DEI. 1* Vieux chant d'église; vient à la fin de la messe; ordinairement très doux. Dans l'Église grecque, il se chantait le matin. Vers l'an 1120, l'usage s'introduisit de répéter 3 fois Agnus Dei, répétition dont les évêques et les commentateurs donnent les explications les plus diverses. Luther le traduisit (O Lamm Gottes untchuldig) 1523, et l'introduisit dans sa messe allemande, 1526, pour être entonné aussitôt après la consécration des espèces, au moment où les communiantss'approchentde l'autel.
2° On donne aussi ce nom à de petits agneaux en cire, fabriqués avec les restes des cierges. Le pape les bénit le mardi après Pâques, la i™ et la 7n" année de son règne et la distribue comme amulettes à de hauts personnages; ils doivent préserver de la foudre.
AGOBARD, né en Espagne, 779, archevêq. de Lyon, 816, appartient à cette pléiade d'hommes distingués qui brillèrent au temps de Char-lemagne. Il restaura les églises et les couvents, enrichit le culte, fonda des écoles et des bibliothèques, et combattit plusieurs des superstitions de son temps; il fit abroger la loi Gombettequi autorisait les duels judiciaires, il fit la guerre aux épreuves dites Jugement de Dieu, à la sorcellerie, à l'adoration des images. Il travailla à l'amélioration du chant sacré. Il émit sur la doctrine de l'inspiration des Écritures des idées saines et modérées. Il joua enfin un rôle considérable dans les luttes de Louis-le-Débonnaire avec ses fils, et prit parti contre le père dans l'intérêt de l'unité du royaume, en maintenant la loi de succession telle que Louis l'avait donnée en 817, tandis que l'impératrice Judith voulait la faire modifier en faveur de son fils Charles. Il concourut à la double humiliation qui fat infligée k Louis 833, et qui devait le rendre inapte à régner. Déposé pour ce fait, en 835, par le concile de Thionville, il se réconcilia cependant avec Louis et fut réintégré dans son diocèse de Lyon, f 840- Œuvres publiées par Baluze, Paris 4666.
AGONISANTS, v. Pères.
AGREDA (Marie d'). Célèbre visionnaire née, 1602, à Agreda, Vieille-Castille, d'une famille pieuse nommée Coronel. Elle fit ses vœux dans le couvent de l'Immaculée conception 1620, dont elle devint abbesse, 1627; passe pour être fauteur de la Mistica Ciudad (cité) de Dios, qui parut à Madrid, 1655. et qui renferme la biographie de la Mère de Dieu, tissu d'absurdités et parfois d'indécences. Elle raconte l'enfance de la Vierge qui, plusieurs fois, fut transportée dans l'empyrée; qui avait sous ses ordres, pour la servir, 900 anges commandés par l'archange Michel; qui aurait parfaitement pu parler dès sa naissance, mais ne voulut pas; qui est la princesse célébrée Prov. 8, etc. Le livre fut condamné par la Sorbonne, mis à l'index par l'Inquisition, interdit en Espagne et en Portugal, sans toutefois qu'aucun pape se soit prononcé catégoriquement. Marie d'Agreda était protégée par les franciscains, à l'ordre desquels elle appartenait, et quand, après plus d'un siècle de discussions, le pape fut mis en demeure de se prononcer, il ne réussit à éluder la difficulté qu'en demandant d'abord des preuves authentiques établissant que Marie était bien l'auteur du livre. On avait été moins scrupuleux et plus expéditif pour lancer l'Unigenitus contre Jansénius et contre le p. Quesnel, 1710. Marie f 1665. Son livre a été trad. en fr. par le p. Crozet, 3 vol. Marseille, 1696.
AGRICOLA. 1° Rodolphe, né 1443 en Hollande, étudia à Zwoll chez les Frères de la vie commune, sous A. Kempis, et travailla en Allemagne au relèvement des études, f 1485 à Heidelberg où il était professeur. Auteur d'un traité De inventione dialecticâ, qui a une direction pratique.
2o Jean, né à Eisleben le 4 avril 1492, étudia à Wittemberg et fut le commensal et l'ami de Luther. Il assista comme secrétaire à la dispute de Leipsic, 1509, fut qlq. temps professeur à Wittemberg. puis pasteur à Francfort, et prédicateur à Eisleben, où il obtint un grand succès. Il insistait sur la justification par la foi, au point de dire que la loi était inutile pour être sauvé, et l'on donna à ses sectateurs le nom d'antino-miens. D enseignait que sous la nouvelle alliance la loi ne devait plus être prêchée 1537, et il se brouilla momentanément avec Luther et Mé-lanchthon qui trouvaient du danger dans la ma nièredont il accentuait, en l'exagérant, la vérité évangélique. Il contribua à l'Intérim d'Augsbourg 1548, où les intérêts de la Réforme étaient étrangement sacrifiés; on l'accusa même d'avoir reçu pour cela 700 couronnes, mais cette calomnie ne trouva pas de crédit. Il + de la peste à Berlin, 22 déc. 1566, âgé de 75 ans. Ses ennemis firent courir le bruit qu'il s'était suicidé. Outre ses sermons et traités de théologie, il a laissé un recueil de 750 proverbes allemands, avec un Commentaire qui lui assigne une bonne place dans la littérature de son pays.
AGRIPPA, Henri-Corneille, dit de Nettes-heirn; né à Cologne 1487, f à Grenoble 1535; savant, presque un géni\ un des hommes qui ont le plus fait pour les progrès de la science de son temps, mais d'un esprit inquiet, aventureux, mal équilibré, espèce de mélange d'Érasme et du chevalier de Hutten. Il eut une carrière digne de son caractère, parcourut presque tous les pays de l'Europe, servit le roi de France, puis Louise de Savoie comme médecin, puis Marguerite de Hollande, se rendit ensuite en Angleterre, de là à Cologne, puis à Wurz-bourg, en Suisse, à Venise, à Pavie où, docteur en théologie, il se fit aussi recevoir docteur en droit et en médecine, et où il se maria. Syndic de Metz en 1518, il entre en relation avec Lefe-vre d'Étaples, sauve une sorcière des mains de l'inquisition, retourne à Cologne, vient à Genève où il se remarie, est nommé médecin de la ville de Fribourg, etc. Il comptait finir ses jours à Cologne, mais dans une excursion qu'il fait à Lyon il est arrêté, puis, mis en liberté, il meurt en passant à Grenoble. Ses principaux ouvrages sont (tous en latin) un Traité sur l'incertitude et la vanité des sciences, trad. en fr. par Tur-quet 1682; un livre sur la Philosophie occulte, qui l'a fait accuser de magie et emprisonner à Bruxelles, une apologie (Declamatio) du sexe féminin, écrite pour faire sa cour à Marguerite, trad. p. Gueude ville. Édition complète de ses œuvres, Leyde 1560 et 1600. Partout on croit trouver déjà le souffle de la réforme, mais scepticisme, défaut de caractère ou manque de convictions, il ne se prononça jamais.
AGUIRRE (Joseph Saënz d') né 1630 à Logro-gno. Espagne; bénédictin, prof, de théol. à Salamanque, secrétaire de l'Inquisition, fait cardinal par Innocent XI, défendit dans deux ouvrages considérables l'autorité du pape contre les libertés gallicanes, f 1699 à Rome.
AHASVÉRUS, v. Juif errant.
AICHSPALT, ou Aspelt, Pierre, né près de Trêves vers 1250. f 5 juillet 1320, fut successivement chancelier de Bohême et archevêq. de Mayence. Partisan des Habsbourg jusqu'en 1303, il devint dès lors leur plus ardent ennemi et suscita contre eux l'alliance de Wenzel, roi de Bohême avec Philippe, roi de France. Intrigant et cupide il sut jouer un rôle dans l'histoire de son pays et se fit bien venir des papes auxquels il eut à faire. De mœurs régulières, il fut sévère sous ce rapport avec son clergé.
AILLY 1° Pierre d'Ailly, né à Gompiègne de parents pauvres 1330, s'éleva par son travail et ses talents aux plus hautes positions. C'était l'époque oti la philosophie scolastique commençait à baisser, et il se rangea parmi les nomina-lis'.es les plus décidés. Il a écrit un grand nombre d'ouvrages, entre autres sur l'astronomie; dans ce dernier, 1414, il cherche à montrer qu'il y a concordance entre l'histoire du monde et la conjonction des planètes, et l'on y trouve entre autres une curieuse prophétie sur les grands changements qu'il annonce pour 1789, t si le monde dure encore jusqu'à cette époque. » Notons aussi plusieurs livres philosophiques, sur la Trinité, l'âme, le but de la vie, la vertu; des commentaires sur les Psaumes, le Cantique. l'Oraison dominicale, et un grand nombre de lettres et brochures de circonstance. Sous-diacre il jouissait déjà d'une telle considération qu'il fut délégué 1357 au Concile provincial d'Am-boise. En 1362 il fut nommé docteur en théologie et dans son discours de réception il prit pour sujet l'étude de l'Écriture Sainte, comme la pierre sur laquelle le Christ a promis d'édifier son Église. C'était hardi, et toute sa vie il poursuivit le môme but, la réforme de l'Église dans son chef et dans ses membres. Il fut nommé successivement grand-maître du collège de No-varre (comptant parmi ses élèves Gerson et Clémangis) 1384. chancelier de l'Université de Paris 1389 (à la suite d'une mission réussie à Avignon), évêque du Puy 1397 et de Cambrai 1398. confesseur de Charles VI, et enfin cardinal 1411, nommé par Jean XXIII. Il souffrait beaucoup du schisme, auquel par ses différentes missions il s'était trouvé mêlé. Il avait connu P. de Lune, quand il n'était que légat à Paris 1393, il le reconnut et le fit reconnaître par la France, lorsqu'il fut devenu le pape Benoît XIII. mais il finit par l'engager, ainsi que Jean XXIII à donner sa démission. Il prit part au concile de Pise, mais malgré sa modération, ne put en obtenir aucune réforme. En 1414, envoyé comme légat en Allemagne, il écrivit encore pour demander la démission volontaire des trois papes, et il finit par arriver le 17 nov. à Constance, 5 mois après l'ouverture du Concile. Il obtint que les votes auraient lieu par nations, et non par têtes, ce qui consterna le parti ultra -montain. Il stimula le zèle des princes. Il fit voter la supériorité des conciles sur les papes, et assura ainsi la démission ou la déposition des trois papes qui se partageaient le pouvoir. Tout allait bien et l'on pouvait entrevoir une réforme comme la conclusion de tant d'efforts, quand d'Ailly, par une de ces inconséquences qui abondent dans sa vie, fit tout échouer. Sigismond, les princes allemands, Gerson et beaucoup d'autres, voulaient que le concile s'occupât immédiatement de la réforme de l'Église avant l'élection d'un nouveau pape; d'Ailly se joignit aux cardinaux qui voulaient au contraire que l'on commençât par l'élection du pape; il assura ainsi le succès du parti romain et peut revendiquer le triste honneur d'avoir compromis l'œuvre du concile. Il concourut à la sentence contre Huss. qu'il condamna non comme réaliste, mais comme disciple de Wicleff. II. demanda avec Gerson, mais en vain, la condamnation de Jean-Petit qui avait essayé de justifier l'assassinat du duc d'Orléans, et proposa entre-temps une réforme du calendrier. Mécontent de l'issue du concile, et peut-être aussi mécontent de lui-même, il retourna à Cambrai où il passa les dernières années et d'où il continua de s'occuper avec intérêt du collège de Navarre. Envoyé en mission par Martin V en Allemagne, il f en route 1420; son corps fut transporté à Cambrai et enterré dans la cathédrale. Les catholiques l'ont surnommé l'Aigle de France et le Marteau de ceux qui s'écartent de la vérité; les protestants le comptent parmi les précurseurs de la Réforme. Les uns et les autres vont peut-être trop loin. Ses principaux écrits ont été publiés à Strasbourg, 1490, in-fol.
ATT,
2° D'Ailly, noble famille de Picardie, dont les titres remontent à 1090, et qui a donné à la Réforme deux capitaines, Louis et Charles, tués l'un et l'autre à la bataille de Saint-Denis 1567, et une fille, Marguerite, qui épousa 1581 François de Châtillon, 4me fils de l'Amiral, femme de tête et de courage qui, en l'absence de son mari, repoussa en personne les ligueurs commandés par Salard et fit leur capitaine prison-nier 1590. Le d'Ailly de laHenriade, liv. VIII, n'est qu'une fiction bien réussie.
AIMOIN ou Aymoin 1<> moine de Saint-Germain des Prés, f 889, auteur de plusieurs vies de saints qui ne sont pas sans valeur.
2<> Chroniqueur français, né à Villefranche, Périgord, vers 950, f 1008, disciple d'Abbo de Fleury, a écrit une Hist. des Francs de 353-654, en cinq livres. Les deux derniers, qui sont les meilleurs, paraissent être d'une main étrangère.
AIX-LA-CHAPELLE. Ville célèbre déjà bien connue des Romains, puisqu'on y retrouve partout leurs traces sous la forme de monnaies, de bains, d'inscriptions, d'aqueducs, mais qui est nommée pour la première fois dans une donation de Pépin 754. Cette donation est datée des Aquis Grani palatio, du palais d'eaux de Gra-nus, soit que Granus fût le propriétaire du palais, soit que, remontant beaucoup plus haut, comme quelques-uns le pensent, ce soit un Romain, Gratins, qui ait fondé la ville sous Adrien, vers 124. Son nom d'Aix, Aqua, vient incontestablement des eaux thermales sulfureuses et ferrugineuses que Ton y trouvait en abondance, et qui décidèrent Gharlemagne à s'y fixer et à s'y faire bâtir une chapelle. Une des tours de l'hôtel de ville porte encore aujourd'hui le nom de Gr&nus. Aix-la-Chapelle doit aux Carlovin-giens toute sa grandeur, et ce n'est guère que par eux qu'elle touche à l'histoire de l'Église. Pépin y possédait un palais, et il y passa les fêtes de NoPl 765 et celles de Pâques. Gharlemagne y célébra Noël en 768 et y passa dès lors tons les hivers, quand il n'était pas retenu par de lointaines expéditions. Il y fit construire la cathédrale de Sainte-Marie, seul reste aujourd'hui de la grande architecture carlovingienne, pour laquelle Adrien lui envoya de Ravenne des colonnes, du marbre et des mosaïques. Elle fut achevée vers 796, et inaugurée, dit-on, par Léon III. Elle est construite en rotonde, dans le style byzantin, et non dans le style des basiliques romaines. Un certain nombre de reliques, aussi curieuses que problématiques, y sont renfermées; les petites, clous, morceaux de la croix, épines, dent de sainte Catherine, cheveux de Jean-Baptiste, etc., sont dans des vases de vermeil, facilement abordables pour les visiteurs; les autres, les grandes, langes du Christ, robe de la Vierge avec quelques taches de son lait, linge dans lequel fut enveloppée la tête de Jean-Baptiste, le linge enfin qui ceignait 1? corps du Seigneur sur la croix, ne s'exposent que tous les 7 ans et avec une pompe qui attire une foule de pèlerins, dont les offrandes forment un des gros revenus du chapitre. Mais ce qui a donné à Aix-la-Chapelle sa plus grande notoriété, ce sont les nombreux capitulaires (ou lois), environ 65, que Gharlemagne publia, réédita, ou fit élaborer par ses assemblées générales, notamment le 23 mars 789, le 28 oct. 797, en avril et oct. 802, en nov. 809, etc. On discutait de tout dans ces assemblées, mais Charlemagne décidait seul. On s'occupait d'administration et de législation, parfois de l'État, souvent de l'Église, de sa discipline, de son organisation, de ses dogmes. En 811 Gharlemagne se plaint des difficultés qu'il rencontre dans son œuvre et du peu de concours qu'il trouve chez les ecclésiastiques et chez les laïques. En 813 il convoque des synodes à Mayence. Reims. Chalon-sur-Saône, Arles et Tours, qui doivent préparer des travaux pour une assemblée générale convoquée à Aix-la-Chapelle la même année. Il f le 28 janvier 814, et il est enterré dans l'église de Sainte-Marie. L'an 1000, à Pentecôte, Othon III fait rechercher son tombeau dans l'église que les Nor-| mands avait saccagée en 881, et il donne à l'archevêque de Cologne les divers ornements qu'il y trouve, couronne, croix, sceptre, épée, etc. En 1165 Frédéric I** fait rouvrir le tombeau et veille à ce que les restes de Charles soient recueillis par l'archevêque de Cologne et l'évêque de Liège et soigneusement conservés dans un cercueil spécial. — Louis-le-Débonnaire continua de résider à Aix-la-Chapelle. Il y avait été couronné; il y convoqua 816 une assemblée ecclésiastique chargée de régler sur certains points les détails de la vie des religieux, hommes et femmes, chanoines et chanoinesses; ces prescriptions ne comptent pas moins de 80 chapitres, et furent promulguées en 817. D'autres assemblées y furent tenues encore en 819, en 825 pour la translation des os de saint Hubert en 831 pour la justification de l'impératrice Judith; enfin enS40un concile est appelé à juger Lothaire et le dépose. A partir de ce moment l'unité du royaume disparaît pour un temps et l'importance d'Aix-la-Chapelle diminue; ce n'est plus que par un reste de respect traditionnel qu'à partir du 10™e siècle on y couronnera les empereurs d'Allemagne; d'Othon I«r 936 à Ferdinand I«r 1558. on n'en compte pas moins de 29. — Il faut encore mentionner parmi les souvenirs religieux de cette ville la cathédrale où reposent les restes d'Adalbert; commencée par Othon III. elle ne fut achevée que sous Henri II, 1005.
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AKIBA, célèbre rabbin juif, qui vivait vers l'an 100; directeur d'une école à Bani-Brak, auteur d'un livre sur la loi. d'une étude sur la création et d'un traité sur l'alphabet; ces deux derniers ont fait de lui un des pères de la cabbale. Il s'attacha à la révolte de Bar-Kochba. Les Romains l'ayant fait prisonnier, le mirent k mort de la manière la plus cruelle; ils lui arrachèrent la peau avec des crochets de fer; il avait 120 ans. Le Talmud de Jérusalem nomme comme son bourreau Jursus Rufus qui était gouverneur de Palestine l'an 135. Dix autres savants juifs souffrirent le martyre avec lui.
ALACOQUE, Marie, née le 22 juillet 1647 à Hautecour, diocèse d'Autun, fut mise au couvent à 8 ans et entra à Paray-le-Monial dans Tordre des salésiennes, ou visitandines, le 25 mai 1671. Elle devint de bonne heure célè-' bre par ses extases. Ayant été guérie d'une paralysie, elle l'attribua à la Vierge et, pour lui faire honneur, prit dès lors le nom de Marie au lieu de celui de Marguerite, qu'elle tenait de sa marraine. Ses visions et ses entretiens avec Dieu se multiplièrent. Elle a inauguré le culte du Sacré-Cœur par son petit livre: La dévotion au cœur de Jésus (publ. par le P. Crozet 1698), qui, développé par le jésuite Gallifet, est devenu le point de départ d'un culte nouveau qui a eu sa vogue. Elle s'était entaillé le nom de Jésus sur la poitrine, + 17 oct. 1690, le jour qu'elle avait fixé. Canonisée 24 juin 1864. — v. 4 Chants, dans Vert-Vert, de Gresset, Amsterdam 1748. Vie, par l'abbé Daras.
ALAIN. Il y a eu plusieurs théologiens et philosophes de ce nom: Alain de Lodio (du Puy) méridional; Alain, évêque d'Auxerre, et Alain de Lille, ou de l'Isle (de Insulis), ces deux derniers pouvant bien aussi n'être qu'un seul et même personnage. L'incertitude sur l'identité jette aussi quelque confusion sur la vie. On se demande si Alain de l'Isle est né à Lille en Flandre, ou dans le Bordelais, ou dans le comtat Venaissin; on le fait même naître à Ryssel, Flandre. Il aurait été moine cistercien et aurait passé une partie de sa vie en Angleterre. Selon d'autres, il aurait enseigné la théologie à Paris, avec grand succès, et aurait cultivé la philosophie sous la forme gracieuse de la poésie, f 1203. Ses œuvres complètes ont été publiées par Ch. de Visch. Anvers 1654. Dans le nombre il faut compter l'Anti-Claudien, poème allégorique en 9 livres, dans lequel il traite des devoirs de l'homme bon et parfait; il dit que la raison peut bien par ses seules forces découvrir les vérités de l'ordre physique, mais que pour les questions religieuses elle doit se soumettre à la foi; De planctu naturœ, des soupirs de la création, où il déplore l'immoralité de son temps; De arte calholicœ fidei, 5 livres où il cherche à démontrer qu'il faut combattre les hérétiques non par la force seulement, mais par la raison, point de vue étonnant pour le 12me siècle, et en désaccord avec celui de l'Anti-Claudien; une étude, qui n'est pas sans valeur, sur l'histoire de l'Angleterre jusqu'à Henri IL Deux autres ouvrages, une Vie de saint Bernard et une Summa quadripartite réfutation en 4 livres, contre les hérétiques (cathares), les vau-dois, les juifs et les païens, qui sont publiés parmi ses œuvres, devraient plutôt être attribués à l'évêque d'Auxerre. La Summa, dédiée à Guillaume, comte de Montpellier, serait même, selon quelques-uns, l'œuvre d'Alain de Podio, Provençal, dont un traité de morale a été découvert il y a une quarantaine d'années dans les bibliothèques de France. *
ALBAN ou Albain 1° Soldat romain, de Veru-lam. le l«r martyr de l'Angleterre, f 302 dans la persécution dioclétienne. 2° A. deMayence, martyr du 4™ siècle. Originaire de Namsia, il fut envoyé par Ambroise dans les Gaules où il trouva la mort. Il a porté sa tête jusqu'au lieu choisi pour sa sépulture; il n'est pas le premier qui ait fait ça. Une église lui fut élevée par Charle-magne, pour en faire le tombeau de sa femme Fastrade 805. Plus tard le couvent devint un chapitre noble, avec droit de battre monnaie.
ALBE, Fernand-Alvarez (duc d'), né 1508, général espagnol sous Charles-Quint et Philippe II. Négociateur habile et militaire distingué, il fit les campagnes de Hongrie, de Tunis, d'Allemagne (Miihlberg) contre les protestants, et fut nommé 1567 gouverneur des Pays-Bas avec mission spéciale d'écraser les hérétiques. Il réussit; en 4 ans il en fit périr 18,000 sur l'échafaud. v. Hollande, Gueux. Il tomba en disgrâce à cause du mariage de son fils 1579, et f 12 décembre 1582. Granvelle regrette pour lui sa mission en Hollande.
ALBER ou Aulbert, Matthieu, né à Reutlin-gen 11 déc. 1495, épousa Clara Baier 1524, f 2 déc. 1570, entouré de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Il compte parmi les plus zélés réformateurs du sud de l'Allemagne. Sa jeunesse fut difficile; comme Luther, il dut chanter dans les rues pour gagner sa vie. A 18 ans il obtint à Tubingue une place qui lui permit d'étudier en échange de leçons qu'il donnait, et dès 1516, sa ville natale, sur la recommandation de Mélanchthon, lui vota une bourse pour l'achèvement de ses études. Consacré à Constance, il fut appelé comme prêtre à Reutlingen et se mit à prêcher l'Évangile, sans se rendre bien compte encore du mouvement qui l'entraînait. Il finit par être interdit; l'évêque, le pape et l'empereur lancèrent contre lui leur sentence, qui fut affichée le même jour aux portes de toutes les églises. Il se décida à comparaître à Esslingen devant le tribunal de l'empire; 68 hérésies lui étaient reprochées; il en avoua 67 et les justifia, mais il nia d'avoir parlé avec mépris de la Vierge et de l'avoir appelée une blanchisseuse. La franchise de ses explications lui gagna le cœur de ses juges qui, au bout de trois jours, le laissèrent aller. Il avait dit: « Le pardon du pape nettoie les bourses, le pardon de Christ nettoie les consciences. » Il se montra ferme dans la révolte des paysans et réussit à maintenir à Reutlingen l'ordre et la tranquillité. Malgré ses bonnes relations avec Zwingle, il resta fidèle à la doctrine des sacrements de Luther. Il fit la connaissance du grand réformateur seulement en 1536. En 39 Tubingue lui conféra le titre de docteur. Ne voulant pas accepter l'Intérim, il quitta Reutlingen le 25 juin 1548 et fut nommé pasteur, antistès et conseiller ecclésiastique à Stuttgart par les ducs Ulrich et Christophe; enfin en 63 abbé de Blaubeuren. On a de lui quelques sermons et un catéchisme.
ALBERT 1° célèbre philosophe scolastique, surnommé le Grand à cause de l'étendue et de la variété de ses connaissances. Né entre 1193 et 1205 à Lauingen, Souabe, de la famille des comtes de Bollstœdt, f Cologne 1280. Il étudia à Padoue et à Paris, entra 12Î21 dans l'ordre des dominicains, enseigna à Paris, fut nommé provincial de son ordre à Cologne, où il continua d'enseigner la philosophie; puis évéque de Ra-tisbonne 1260; il n'y resta que 3 ans et se hâta de venir reprendre sa cellule à Cologne, pour se consacrer exclusivement à l'étude. Il était si savant que ses contemporains lui firent, bien à tort, la réputation de sorcier qu'il a conservée jusqu'à ce jour, et lui prêtèrent une foule d'histoires merveilleuses. Ses œuvres ont été publiées par Jammy, Lyon 1651, 21 vol. fol. Son principal mérite est d'avoir fait connaître les œuvres d'Aristote, qu'il étudia sur des mss. traduits de l'arabe. Il est essentiellement scolastique; pour lui la foi est purement objective; c'est l'adhésion au symbole de l'Église; le travail de l'âme, de la conscience et de l'intelligence n'y entrent pour rien. La version de la Vulgate est seule authentique. Les pères de l'Église étaient inspirés, c'est pour cela qu'ils portent le titre de saints. Les magiciens d'Égypte ont fait de vrais miracles, mais seulement en précipitant l'action de la nature, car la verge de Moïse aurait pu tôt ou tard se changer en serpent par le seul fait de la décomposition et de la moisissure; les démons n%ont fait que hâter le procédé ordinaire. Les astres n'exercent pas une influence directe sur l'histoire, mais indirecte, en agissant sur la végétation, la température et le climat. Il se pose des questions difficiles: Celui qui a fait que Dieu soit en même temps homme, peut-il faire aussi que le noir soit blanc? Les démons sont-ils tous tombés volontairement, ou Lucifer les a-t-il entraînés ? Etait-il plus difficile à Dieu de faire le monde ou de le racheter ? On remarque cependant aussi chez Albert quelques traces de néo-platonisme, et il est probable qu'elles tiennent à ce que les œuvres d'Aristote ne lui étaient parvenues qu'en latin, et dans des traductions faites de l'arabe. En somme, s'il est vrai qu'il ait été l'un des scolastiques les plus savants de son temps, il est également vrai que ses connaissances n'étaient ni bien digérées, ni bien réglées; c'étaient des matériaux péniblement rassemblés, mais non coordonnés et par conséquent sans emploi. Ce qu'il a fait et laissé de mieux, c'est son élève Thomas d'Aquin.
2° Albert, antipape; v. Pascal II.
3° Albert, ou Albrecht; v. Albrecht.
ALBIGEOIS. La secte des cathares (Ketzer), ou bonshommes, s'était rapidement répandue dans le sud de la France, en particulier dans le comté de Toulouse et dans la contrée d'Albi. Elle avait en même temps changé de nom, soit à cause de certaines transformations dans sa doctrine, soit à cause de sa prédominance numérique et de ses nombreux adhérents dans le pays. Le nom d'albigeois devint l'appellation générale de tous ceux qui s'opposaient au cléricalisme romain, et les historiens catholiques eux-mêmes travaillèrent à entretenir la confusion en comprenant sous un seul nom les sectes les plus diverses. Puy Laurens ne connaît d'ennemis que les ariens et les vaudois, ou lyonnais; pour lui les albigeois rentraient donc dans la désignation de lyonnais, et cette erreur s'est accréditée au point que Basnage lui-même la partage. Ce qui dans tous les cas rend la confusion plus facile encore, c'est que tous les livres et documents des albigeois ont été détruits par leurs ennemis et que nous ne les connaissons que par ceux qui les ont condamnés. Quelques faits cependant paraissent établis, c'est que lorsque des vaudois et des albigeois se rencontraient, ils fraternisaient, étant unis par une pensée commune; c'est que sous le nom d'albigeois se rencontraient les tendances les plus diverses, au moins quant aux chefs et docteurs, au point qu'on a cru reconnaître chez les uns des tendances manichéennes et dualistes, chez les autres l'influence gnostique, et chez la plupart un ascétisme prononcé ou inconscient. Enfin ils possédaient l'Écriture, au moins le N. T., et la tenaient en honneur; le principal reproche que leur font leurs adversaires, c'est précisément d'avoir repoussé les dogmes et les pratiques romaines, le purgatoire, les prières pour les morts, le pouvoir temporel des papes, les richesses du clergé, les ornements d'église, les statues, les images, les crucifix, le culte de Marie et des saints, la messe, la transsubstantiation, la confession obligatoire, le sacrement de la prêtrise, etc. Dans tous les temps on a vu les mêmes empiétements provoquer les mêmes résistances, et les pauliciens, les bulgares, les bogomiles, les patarins, les publicans, les albigeois, les vaudois et la Réforme, ont pu se succéder dans l'histoire sans qu'il y ait cependant entre eux d'autre lien que l'analogie de leurs tendances, et sans qu'on puisse les faire découler les uns des autres. Le clergé d'alors était d'ailleurs tellement décrié qu'il était de mode de s'en détourner avec affectation, et, quand on voulait exprimer une répugnance invincible, au lieu de la locution traditionnelle: J'aimerais mieux être un juif, on avait coutume de dire en jouant: J'aimerais mieux être un chapelain. Des causes externes et internes expliquent donc le nombre considérable d'albigeois qui se trouvaient alors dans le midi de la France, en même temps que la diversité de vues, de caractères et de personnalités qui se groupaient sous ce nom. On comprend aussi qu'il ait fallu à la papauté 50 années d'efforts, et l'emploi de toutes ses armes spirituelles et temporelles, pour venir à bout de cette protestation des consciences et pour maîtriser cette tentative de réforme. — Trois phases caractérisent la campagne entreprise par Rome contre les albigeois; la 1", qui fat la plus courte, fut celle des prédications et des excommunications; la 2®* fut la croisade, la plus meurtrière; la rétablissement de l'Inquisition, la plus cruelle et la plus odieuse. Les papes Alexandre III, Innocent III, Honoré III et Grégoire IX rivalisèrent d'ardeur dans cette lutte d'extermination. C'est une longue et lamentable histoire, dans laquelle on vit des villes de 40 et de 60.000 âmes passées au fil de l'épée, et qui ne fit pas moins d'un million de victimes; nous ne saurions la raconter en détail. C'est Alexandre III qui avait le premier excommunié Valdo et ses adhérents. Lucius III renchérissait sur lui et lançait «l'éternel anathème » 1181. Mais cela n'aboutissait à rien. Innocent III comprit qu'il y avait mieux à faire, et il envoya en France deux légats, Reinerius Saccho, et Guido le fondateur des Hospitaliers, pour stimuler, surveiller et informer. Le beau-frère du roi d'Angleterre, Raymond VI, était alors comte de Toulouse; quoique catholique, il ne voulait pas de persécution contre ses sujets albigeois; il résiste aux ordres du pape et est excommunié. Douze abbés de Cîteaux accompagnent partout les légats, et renonçant à des prédications qui ne convertissent pas, ils prêchent la croisade, sous la direction de deux nouveaux légats, cisterciens comme eux, Pierre de Castelnau (Château-neuf) et Raoul, bientôt renforcés par l'arrivée de leur abbé, le terrible Arnaud (ou Arnold) Amaury 1204. Un nouvel aide leur est donné en la personne de Folquet, troubadour converti, qu'Innocent nomme évêque de Toulouse et qui se propose d'expier aux dépens des albigeois les scandalep de sa vie passée. Mais rien ne bouge encore, ni peuples, ni princes. A ce moment viennent à passer deux Espagnols. Diégo. évêque d'Ossuna et son sous-prieur Dominique. Voyant les légats découragés par l'inutilité de leurs efforts: Allez à pied, leur disent-ils, sans argent, sans or, imitant en tout les frères apostoliques, en pauvre appareil, comme les parfaits. Eux-mêmes donnèrent l'exemple, et ils allèrent de lieu en lieu avec Raoul et Castelnau, s'entre-tenant avec les hérétiques et notant toutes les circonstances dont ils pouvaient avoir à se servir plus tard. C'était le commencement de l'Inquisition. Mais ni la parole ni les prières ne suffisant encore, il était facile d'entrevoir le moment prochain où il serait fait appel à la force brutale. Un accident trancha la question. Le légat Castelnau ayant insulté en face Raymond VI, un des gentilshommes du comte le frappa de son épée et le tua. Innocent y répondit par un cri de fureur et par l'appel à une croisade; 30.000 hommes furent bientôt sur pied contre Raymond et contre les albigeois.
Raymond épouvanté fait sa paix aux conditions les plus humiliantes; il est amené presque nu à la porte de l'église de Saint-Gilles, où il est introduit par le légat qui le frappe de verges, et il s'engage à se joindre aux persécuteurs. Quant aux albigeois, ils sont massacrés sans merci. Que devons-nous faire? demandent les croisés, vêtus de noir et blanc. Nous ne pouvons pas toujours distinguer les bons et les mauvais. — Tuez-les tous, répond le légat; le Seigneur reconnaîtra ceux qui sont siens. Ainsi tombèrent successivement Béziers 1209, Carcassone. Minerve. Narbonne; et bientôt Toulouse, puis Avignon 1226, en même temps que les campagnes étaient systématiquement saccagées et détruites. avec les récoltes de l'avenir, par ces furieux qu'aveuglait le fanatisme. Après le légat cistercien, après Arnaud, le pape avait remis l'exécution de ses ordres à un ancien croisé. Simon, comte de Montfort, homme aussi féroce qu'ambitieux, et qui apporta aux malheureux persécutés le pillage, l'incendie, le viol et l'assassinat. Il périt lui-même dans le second siège de Toulouse, écrasé par un bloc lancé sur lui 1218. Son fils Amaury reprit son œuvre avec ardeur 1219, aidé par le nouveau roi de France Louis VIII, et béni par le nouveau pape Honoré III. C'était une nouvelle génération qui commençait; il ne lui restait plus beaucoup de lauriers à cueillir; elle renouvela àMarmande les massacres de Béziers, et tout fut dit, ou à peu près. Le fils de Raymond, qui avait succédé à son père, fut réduit comme lui à sauver par des lâchetés sa vie et l'ombre qui lui restait de son pouvoir. Le pays était détruit et l'Inquisition s'installa sur ses ruines, dans un château des environs de Narbonne, pour achever ce qu'une guerre de 20 ans n'avait pu faire. Dès ce moment les albigeois déclinèrent visiblement en France; ils avaient été exterminés, mais non vaincus, encore moins persuadés. Ceux qui échappèrent aux massacres, ne pouvant plus obtenir d'asile en France chez aucun des princes régnants, se dispersèrent en divers lieux: on les retrouve à la fin du 13me siècle en Italie, surtout en Calabre, en Lombardie et dans les vallées; ils étaient nombreux à Milan, ville que Mathieu Pâris appelle le refuge et le réceptacle de tous les hérétiques. On en trouve également en Espagne, en Allemagne et en Bulgarie. Ils vivaient dans une grande union, jusqu'au moment où ils se divisèrent sur la doctrine des deux principes. A la longue ils disparurent, ou se fondirent soit dans les vaudois, soit dans les sectes de la Bohême.
ALBO, Joseph, rabbin juif qui vivait en Cas-tille vers 1425; auteur d'un traité fort estimé Ikaritn, c.-à-d. les éléments de la foi. En opposition à Maïmonides qui en comptait 13, il n'en compte que 3, qui selon loi résument toute la religion juive: l'existence de Dieu, la révélation et la rétribution.
ALBRECHT (en franç. Albert) 1<> Apôtre de la Iivonie. Il était chanoine à Brème quand, à l'ouïe des fâcheuses nouvelles de la Baltique, son archevêque décida de l'envoyer comme missionnaire chez les Livoniens. Avec les mœurs du temps, il s'agissait d'une expédition militaire autant que religieuse, et Aibrecbt, avant de s'embarquer, visita les cours de Danemark et d'Allemagne, qui lui fournirent une flotte de 23 vaisseaux et un grand nombre de soldats. Arrivé à l'embouchure de la Dwina, il y fonde la ville de Riga, qui devait être et qui devint après quelques années le boulevard de l'Église dans ces contrées. Il remporte quelques succès militaires et en profite pour prêcher la foi; mais à chaque instant des révoltes mettent en péril la mission, et il en vient à l'idée de fonder un ordre de chevalerie, qui sera une armée permanente sous les ordres de l'évêque, v. Frères de la milice, ou de l'épée. C'était une imitation de Tordre des templiers. Dès lors et pendant de longues années la vie d'Albrecht. monotone dans son agitation, ne présente plus qu'une suite de petites batailles, interrompues par d'incessants voyages en Allemagne et à Rome, à la recherche de chevaliers et de moines. La mission est compromise par les mesquines rivalités des Russes, des Danois, des Suédois, qui contestent les droits des Allemands. Le pape lui-même ne sait plus à qui donner raison. Enfin la paix 9e fait 1224. et le pays est divisé en 5 évêchés. Aibrecbt f 1229, après un ministère laborieux et dévoué de 30 années, laissant à son frère Her-mann l'évêché de Dorpat.
2° Albrecht, fils de Jean, électeur de Brandebourg. né 1490, f 24 sept. 1545, fut nommé en 1513 archevêque de Magdebourg (à 23 ans) et en 1514 archevêque de Mayence, cumul jusqu'alors sans exemple, et que le pape n'autorisa qu'en l'obligeant à faire lui-même les frais du Pallium, le chapitre de Mayence n'étant pas en état de les supporter. C'était une somme de 30,000 ducats; la maison Fugger lui en fit l'avance, et c'est pour pouvoir la rembourser qu'il prit à ferme la vente des indulgences dont il confia l'exploitation à un certain nombre d'individus, entr'autres Tetzel. D entra en lutte avec Luther, dont il dédaigna d'ailleurs de lire les écrits, laissant, dit-il, ce soin à de plus savants. Il fut nommé cardinal à la diète d'Augs-bourg 1518, et concourut pour sa part à l'élection de Charles-Quint 28 juin 1519. Il aimait les beaux-arts, les ornements d'église, les lettres et les sciences. Il était l'ami d'Erasme et reçut chez lui Capito en visite. Ni méchant, ni vicieux, mais sans aucune espèce de convictions.
Il avait fondé en 1506 l'université de Francfort-sur-l'Oder.
3° Albrecht de Brandebourg, margrave de Brandebourg, premier duc de Prusse, né 17 mai 1490, destiné de bonne heure à l'état ecclésiastique, entra le 13 févr. 1511 dans l'ordre teutonique et en fut nommé grand-maître quelques jours après, ayant à peine 21 ans. Après une courte guerre entre le roi de Pologne et la Russie 1519, bientôt suivie d'une trêve de 4 années, il vint en Allemagne et ne tarda pas à se convaincre que l'ordre avait fait son temps et que sa résurrection morale était impossible. Luther lui conseilla d'en finir avec une antiquité qui n'avait plus de sens, de se marier et de séculariser son duché. Le prédicateur Osiandçr. de Nuremberg, exerça sur lui une grande influence dans le même sens, mais ce ne fut qu'en 1525. et après s'être mis en règle avec le roi de Pologne, qu'il se décida à donner sa démission de grand-maître, à se joindre au mouvement de la réforme et à en favoriser l'introduction dans ses États, sans toutefois jamais rien faire contre les catholiques. Il épousa en 1526 Anna-Dorothée, fille du roi de Danemark. Le roi de Pologne, Sigismond, son oncle, lui donna la Prusse inférieure et le titre de duc; il le soutint aussi contre Charles-Quint qui le sommait de restituer à l'ordre les domaines de Prusse qu'il prétendait lui appartenir de droit. La jalousie d'une partie de la noblesse, les animosités cléricales, les revendications teu-toniques et impériales, un soulèvement des paysans, les sectes qui s'établirent autour de lui, assombrirent ses dernières années. Il perdit en 1547 sa femme bien-aimée et épousa en secondes noces Anne-Marie, fille du duc de Brunswick. Il défendit toujours la liberté religieuse et organisa en 1549 la ligue des princes contre l'intolérance de l'empereur; il soutint les Fr. moraves aussi longtemps qu'il le put, mais fut contraint à la fin de leur imposer la confession d'Augsbourg, ce qui en décida un grand nombre à émigrer. Avec l'âge, et dans des circonstances exceptionnellement difficiles, son énergie fléchit et il se laissa arracher par une commission polonaise le gouvernement et l'administration de son duché, dont il ne fut plus pendant quelques années que le malheureux titulaire, + le 20 mars 1568, âgé de 78 ans, après avoir régné 57 ans. C'est de lui que date réellement la Prusse actuelle.
ALBRET, v. Jeanne.
ALCANTARA, nom arabe, qui signifie pont, passage, et qui a été donné ainsi à plusieurs localités, en Egypte, en Algérie et ailleurs. La ville de ce nom la plus connue est située sur le Tage, en Estramadure; elle est célèbre par son beau pont de pierre construit sous Trajan. Alphonse IX, de Castille, prit cette ville sur les Maures en 1213 et la donna aux chevaliers de Calatrava, qui la remirent à leur tour à Nuno Fernandez, 3^e grand-maître de Tordre de Saint-Julien du Poirier. Les deux ordres vécurent quelque temps en bonne harmonie, mais ils se divisèrent à propos de l'élection d'un grand -maître, et les derniers venus se groupèrent sous le nom d'Ordre d'Alcantara. ordre exclusivement militaire, occupé contre les Maures, et qui compta 37 grands-maîtres; le dernier, Juan de Zuniga, donna sa démission 1495, et fut nommé archevêque de Séville et cardinal. Leur drapeau portait sur fond d'or la croix de l'ordre, les armes de Castille et Léon, et le poirier. Ils étaient soumis à la règle de saint Benoît, sous la forme cistercienne. Paul III leur permit de se marier, mais une fois seulement. Leurs vœux portaient sur trois points: Obedientia. castitas conjugalis, et conversio Morum. Le roi Joseph supprima 1808 les revenus de cet ordre, qui a été lui-même définitivement supprimé 1835.
ALCUIN naquit à York, d'une famille distinguée, 726 ou 735. Élevé dans le monastère de sa ville natale, où les études étaient très soignées, il eut pour maîtres Bède-le-Vénérable, l'archevêque Egbert et le savant Aelbert. Celui-ci ayant été nommé archevêque, Alcuin lui succéda comme directeur et réussit à maintenir la haute réputation de cette école. Il fit en 766 et en 780 le voyage de Rome, et rencontrai Parme Charlemagne qui le pressa de venir s'établir en France. Il y vint en effet 782 et reçut aussitôt 3 abbayes, qui devaient assurer sa position. Dès lors il fut aussi le confident et le conseiller du monarque, son premier ministre, chargé de l'organisation du culte et de l'impulsion à donner à l'instruction publique à tous les degrés. II fonda des écoles à Paris, à Tours, à Aix-la-Cha-pelle, et dirigea lui-même l'École du Palais, destinée à l'empereur et k son entourage, et qui l'accompagnait partout où il allait, classe de conversation plus que d'enseignement méthodique, dont les auditeurs étaient les princes et les princesses de la famille, frères, sœurs, fils et filles. Pour donner une base à l'enseignement, aux maîtres et aux élèves, il s'occupa de multiplier le nombre des manuscrits, mais il fallut avant tout les restaurer, car la plupart étaient dans un état déplorable. Ce fut un de ses premiers travaux, et il s'en occupa toute sa vie. Il procéda lui-même à la revision des livres sacrés, dont il fit hommage à l'empereur, mais il ne travailla pas avec moins de zèle à la restauration des mss. de la littérature profane; il revit entre autres et copia les comédies de Térence. Enfin ses Lettres (on en possède 232) et ses nombreux ouvrages sur les sujets les plus divers, montrent combien était vaste ce génie auquel Charlemagne avait confié les branches les plus importantes de son administration. La théologie, la jurisprudence, l'astronomie, les lettres lui ont également familières et l'on reconnaît partout son influence dans les célèbres capitulaires. Charlemagne lui confia de nombreuses missions, et Alcuin s'y distingua par son tact autant que par sa modération. Mais quelle que fût l'estime que lui portait l'empereur , le voisinage d'un grand fatigue à la longue le subordonné, et Alcuin, rassasié d'honneurs, souffrant d'infirmités, sollicita la permission de se retirer de la cour et d'aller vivre dans la retraite 796. Charlemagne finit par le lui accorder et lui donna l'abbaye de Saint-Martin de Tours, une des plus riches du royaume. Ce ne fut pas une vie oisive. Alcuin rétablit la règle et l'ordre, enrichit la bibliothèque, et continua d'enseigner; il compta parmi ses auditeurs Amalaire et Raban Maur. Charles essaya plusieurs fois de le rappeler à sa cour; il eût voulu même, 800, l'emmener à Rome pour son couronnement; mais Alcuin resta inflexible, sa santé ne lui permettait plus aucun déplacement; il renonça peu à peu à toute activité, se démit de ses abbayes 801, et ne s'occupa plus que de se préparer « à paraître devant le juge éternel. * f 19 mai 804. Ses œuvres ont été publiées par Duchesne, Paris 1617, et par Froben. Ratis-bonne 1777. — II signait quelquefois Flaccus Albinus, nom de guerre qu'il avait pris à l'École du Palais, de même que Charles s'appelait David, Amalaire Symphosius, Gisla Lucie, etc.
ALDE, imprimeur vénitien, un des premiers éditeurs du N. T. grec 1518 d'après le texte d'Érasme. C'est lui qui mit en relations le savant bâlois avec celui qui fut plus tard le cardinal Aléandre.
ALDEGONDE, sainte, de race royale, née 630 en Hainaut, célèbre par ses vertus et ses visions, fonda le couvent de Maubeuge auquel elle légua ses biens, et f 684.
ALEANDRE, Jérôme, né 13 févr. 1480 à La Mothe, sur les frontières du Frioul et de l'Is-trie, se distingua de bonne heure par sa mémoire et ses vastes connaissances dans les langues, les mathématiques, la médecine et la théologie. A Venise, les Aide le mirent en relation avec Érasme. Il passa quelque temps à la cour d'Alexandre VI. Louis XII l'appela en 1508 à Paris, comme professeur de belles-lettres, puis comme recteur de l'université. Léon X le nomma successivement secrétaire du cardinal de Médicis. bibliothécaire du Vatican, et enfin légat en Allemagne. C'est en cette qualité qu'il siégea à Worms contre Ldther 1521; il parla pendant 3 heures pour s'opposer à l'appel de Luther à la diète et pour demander que ses line* fassent brûlés. On lui attribue la rédaction de Fédit de Worms. Il combattit violemment la réforme dans les Pays-Bas et fit brûler à Bruxelles 2 moines augustins d'Anvers. Clément VII le nomma archevêque de Brindes 1524 et lui confia plusieurs missions. Fait prisonnier à Pavie à la suite de François il se racheta pour 500 écus d'or. Paul III le nomma cardinal et lenvoya une 3®«foisen Allemagne, mais sans succès, f 31 janvier 1542. — Auteur d'un Lexicon grœco-latinum, Paris 1512.
ALÉGAMBA, jésuite, né 1592 à Bruxelles, t à Rome 1651, fut prof, de théol. à Gratz 1629, visita presque toute l'Europe avec son élève, le fils du prince d'Eggemberg, devint secrétaire, puis préfet de la maison professe des jésuites à Rome. On a de lui une Bibliothèque des écrivains jésuites, Anvers 1643, plus ou moins impartiale, et un catalogue des martyrs de la Société.
ALEMANI; sélon les uns, confédération d'hommes appartenant à divers peuples (Aile Mânner); selon d'autres, tels que Griinm, les hommes les plus distingués, les vrais hommes. Ce nom qui, par extension, a fini par désigner toute l'Allemagne, ne s'appliquait dans l'origine qu'aux contrées, probablement parentes des Suèves, situées entre le Neckar et le lac de Constance, c.-à-d. le grand-duché de Bade, le Wurtemberg, et par moments les pays riverains, FAisace et le nord de la Suisse. Dion Cassius est le premier écrivain chez lequel on trouve ce nom; Caracalla essaya, mais sans y réussir, de soumettre à Rome les Alemani; le nom d'Ale-manicus qu'il crut pouvoir prendre consacre ses intentions, mais nullement son triomphe. La haine entre les Alemani et les Romains était si intense, que toute évangélisation venant de Rome était impossible. Vaincus à Tolbiac par les Francs, 496, les Allemani se montrèrent moins hostiles au christianisme quand il leur fut présenté par le moine irlandais Fridolin. Vers 517 on voit déjà un évêque de Constance au synode de Vindonissa ( Windisch); Fridolin fonde à Seckingen un couvent de femmes; Colomban et Gallus obtiennent de nombreuses conversions; en 750 on trouve 7 ou 8 églises dans le Wurtemberg et dans la Forêt-Noire, à Calw, Heilbronn, Hirschau, etc. Trudbert, autre irlandais, Landolin, écossais, Pirmin, et enfin Boniface travaillèrent successivement dans ces contrées et les amenèrent à la profession du christianisme. L'influence romaine, complètement nulle à l'origine, s'y fit sentir plus tard, quand l'Église éprouva le besoin de se constituer en une forte unité pour résister à ses nombreux ennemis. V. les différ. art.
ALEXANDRE. L'histoire de l'Église compte un grand nombre de personnages de ce nom.
saints, savants, évêques et papes. Voici d'abord la liste de ces derniers:
1° Alexandre, év. de Rome vers 109 ou 110, souffrit le martyre sous Adrien 119. On lui attribue à tort l'introduction de l'eau bénite dans l'église et l'usage de mêler de l'eau au vin de la communion; ces deux rites lui sont de beaucoup postérieurs. Sa fête est fixée au 3 mai.
2° Anselme de Baggio, né à Milan, év. de Lucques, célèbre par sa piété, élu pape sous le nom d'Alexandre II 1061 sous l'influence de Hildebrand, en concurrence avec Honoré II nommé par l'empereur. Il fit restituer au saint-siège les terres que les Normands lui avaient enlevées et protégea les juifs contre les persécutions des chrétiens. Par l'énergie avec laquelle il combattit la simonie et s'opposa au divorce d'Henri IV, il se montra le digne prédécesseur d'Hildebrand. f 21 avril 1073.
3° Alexandre III. Roland Rainuce, de Sienne, 1159-81, monta sur le siège pontifical dans des circonstances difficiles. Adrien IV venait de se brouiller avec l'empereur Frédéric Barberousse, qui, pour soutenir les droits du pouvoir séculier, ne suscita pas au nouveau pape moins de 4 concurrents les uns après les autres dans les personnes de Victor IV 1160, Pascal U11164, Calixte III1168. et Innocent III 1178. Les succès de l'empereur en Italie obligèrent Alexandre à se réfugier momentanément en France 1162, où il resta jusqu'en 1165. La division des modérés augmente les forces du parti hiérarchique; les Lombards, ligués dès 1164, battent à Legnano le 29 mai 1176, Frédéric qui dès lors abandonne son pape et doit se résigner à recevoir d'Alex. III, après lui avoir baisé les pieds, l'absolution la plus humiliante. Alexandre l'emporte également en Angleterre sur Henri H qui, après avoir fait mourir Becket 1170, est bientôt contraint par son peuple et par sa famille, de venir faire pénitence, nus-pieds, sur le tombeau de son ennemi nouvellement canonisé, et d'offrir son dos à la flagellation des prêtres. La force d'Alex, lui vint, d'abord de ce qu'il avait pour lui tous les ordres religieux, cisterciens, chartreux, etc.; ensuite de son alliance avec les Lombards. Dans le domaine religieux il enleva au peuple et au clergé romain tout droit d'intervention dans l'élection des papes, la réservant aux cardinaux seuls, et stipulant qu'à l'avenir celui qui aurait réuni les deux tiers des voix serait élu et que son concurrent, s'il essayait de se maintenir serait excommunié. La résidence n'est plus ecclesia, mais curia romana, c'est une cour. Il tint 3™ concile de Latran, 11™ écu-ménique, enleva aux évêques le droit de canonisation, comme appartenant aux causes majeures, introduisit l'usage des monitoires, porta à 7 le nombre des sacrements, et peut être considéré comme le véritable fondateur de l'inquisition, qu'il fit fonctionner activement dans le midi de la France, + 30 août 1181, aimé et respecté.
4° Alexandre IV; Rinaldi, comte de Segna, évêque d'Ostie et de Velletri, pape de 1254-61. Il se laissa gouverner par ses flatteurs, prodigua les dispenses, protégea les ordres mendiants, publia en leur faveur sa bulle De Sancto amore 1256, établit des inquisiteurs en France à la demande de saint Louis 1255, succomba dans la lutte des guelfes et des gibelins et dut s enfuir à Viterbe; obtint quelques succès en Allemagne où il prit parti naturellement contre Con-radin, et donna moyennant finances la couronne de Sicile à Henri III d'Angleterre, qui n'eut plus qu'à la conquérir et n'y réussit pas. Il travailla à l'union des églises grecque et latine, mais sans succès, f à Viterbe 1261.
5° Alexandre V; Pierre Philargi, né à Candie, pauvre mendiant qui n'avait connu ni père, ni mère, élevé dans son ordre par un cor-delier franciscain, étudia à Oxford et à Paris; nommé archev. de Milan par Galeas Visconti, cardinal par Innocent VIL il prit part au concile de Pise 1409 qui maintint la supériorité des conciles sur les papes, et après que Grégoire XII et Benoît XIII eurent été destitués comme hérétiques, schismatiques et parjures, il fut élu à leur place par les cardinaux réunis; il avait 70 ans. Il aimait beaucoup la bonne chère, et tenait à plaire à chacun, ce qui l'empêcha de travailler à la réformation de l'Église, comme il avait juré de le faire. Il dit de lui-même: J'étais un riche évêque, je suis devenu un cardinal moyen, et finalement un pauvre pape. Il congédia les membres du concile, 7 avril 1409, et dominé ou mené par Balthazar Cossa (Jean XXIII) il favorisa tous les abus au lieu de les détruire; il multiplia les charges afin de pouvoir en donner beaucoup aux franciscains ses protégés. Les deux papes qu'il avait évincés se relevèrent à l'aide de leurs partisans. L'Église se trouva un moment avec trois papes. Alex, mourut bientôt après à Bologne 1410, empoisonné selon toute apparence par son ami Cossa, qui fut son successeur.
6° Alexandre VI; Rodrigue-Alex. Borgia, Espagnol, né à Valence, neveu de Calixte III, successivement archev. de Valence, cardinal-évêque de Porto 1455. et vice-chancelier; un des hommes les plus corrompus qui aient occupé le trône pontifical. Après la mort d'Innocent V1H. 1492, il se fit nommer pape à force d'argent. Débauché dès sa jeunesse, il avait eu d'une dame romaine nommée Rose Vanozza cinq bâtards, dont 4 fils: Louis, César, Jean, Gottfried, et une fille, la fameuse Lucrèce On assure que cette dame eut encore quatre maris, dont trois au moins furent assassinés par elle. On a accusé Alexandre d'avoir eu des relations incestueuses avec sa fille, de même que son fils César, mais la preuve matérielle manque; c'est déjà trop qu'on ait pu l'en soupçonner, que ses ennemis de Naples l'en aient accusé et que le peuple l'ait cru. Sa vie fut une suite de débauches et d'empoisonnements. Son but unique fut de bien établir et d'enrichir sa nombreuse famille, et surtout son fils César, le plus grand des scélérats, l'idéal de Machiavel, dont on a dit qu'il ne donnait d'audience qu'à son bourreau. Sous ce pape, tout Rome craignait d'être assassiné. Il eut affaire à Charles VIII et à Louis XII, rois de France; malheureux avec le premier et obligé de se cacher, il eut le bonheur de contracter avec le second une alliance à la faveur de laquelle il réussit à dépouiller les princes voisins et à agrandir ses États. On a dit de lui qu'il foula aux pieds toutes les lois divines et humaines. Sa fin fut digne de sa vie; il avait invité à dîner Adrien de Corneto, l'un des plus riches cardinaux de sa cour, et il comptait s'en débarrasser par le poison; le cuisinier, gagné par le cardinal, servit au pape le plat destiné à sa victime, et Alex, mourut presque aussitôt, 18 août 1503. Le fait est contesté, mais vraisemblable (Vie, par Burchard 1697. par Gordon en anglais 1729; trad. franç. 1732. etc.).
7° Alexandre VII; Fabio Chigi, de Sienne, né 1599, pape 8 avril 1655. + 22 mai 1667. Nommé sous l'influence d'un parti indépendant, dit l'Escadron volant, en opposition aux influences étrangères qui avaient fait les précédentes élections, Chigi s'était montré l'ennemi des abus et bien décidé à combattre le népotisme. Ces belles intentions ne durèrent pas un an. Rusé et dissimulé, d'un esprit médiocre et inconstant, incapable de persévérer dans une entreprise de longue haleine, il avait cependant bien débuté, et fait concevoir des espérances qu'il ne devait pas réaliser. Envoyé comme légat à Munster pour les négociations de la paix, il avait fait preuve d'intelligence et Innocent X avait pu lui confier d'autres missions importantes. Pendant son séjour en Allemagne, il avait cependant formé le projet d'embrasser le protestantisme; mais il en fut détourné par l'exemple de son frère, empoisonné à Lyon pour l'avoir fait; il fut affermi dans ses craintives et prudentes dispositions par son élévation au cardinalat. La première année de son pontificat en fut aussi la plus sage et la plus heureuse; il embellit Rome, réforma quelques abus, baptisa un prince marocain, reçut l'abjuration de la reine Christine (qui lui causa plus tard beaucoup d'ennuis), confirma les décisions de ses deux prédécesseurs contre les 5 prétendues affirmations de Jansénius et prescrivit le fameux formulaire; tout cela en 1656. Mais il tomba bientôt entre les mains des Jésuites et dès lors tout changea; d'ascète il tourna au sybaritisme; le p. Oliva lui fit croire que c'était un péché à loi de ne pas prendre soin de sa famille, et il se mit à donner des places à ses frères, à ses neveux et à ses cousins; il fît faire les magnifiques colonnades de la place Saint-Pierre, et se lança dans la poésie (Philomathi labores juve-*ile$n Paris 1656). La garde corse ayant insulté à Rame l'ambassadeur de France, duc de Cré-qui, Louis XIV exigea et obtint d'Alex, que cette garde fût cassée et qu'une pyramide fût élevée à l'endroit même où avait eu lieu l'offense, avec une inscription constatant l'outrage H sa réparation; ce monument disparut cependant quelques années plus tard avec le consentement de Louis XIV. Alex, a canonisé François de Sales et l'Espagnol Thomas de Villa-Nova.
8« Alexandre VIII; Pierre Ottoboni, né 4610, élu le 6 oct. 1689, f 1 fév. 1691. 11 était de Venise et prodigua des secours d'argent à cette ville contre les Turcs. Agé de 80 ans quand il monta sur le siège, il laissa, par sa criminelle indolence, retomber l'Église au point où elle en était avant son prédécesseur, Innocent XI. Il vida les caisses publiques en cadeaux à ses parents. Il acheta la bibliothèque de la reine Christine et la réunit à celle du Vatican. 11 résista aux demandes de la France qui réclamait pour ses ambassadeurs et pour leur palais le droit d'asile et la franchise de l'exterritorialité; la France céda sur ce point et abandonna en outre Avignon. Malgré tant de condescendance, et quoiqu'il dût en partie à la France son élévation, le caractère papal était si fort chez Alex, qu'il publia une bulle contre les 4 art. de l'assemblée du clergé de 1682, relatifs aux libertés de l'Église gallicane et disgracia les prélats qui avaient fait partie de cette assemblée. Quoique ennemi des jansénistes il se montra indépendant vis-à-vis des jésuites, et condamna 1690 la doctrine du p. Bougot sur le « péché philosophique. »
Voici maintenant les noms d'autres Alexandre qui, sans être papes, n'en ont pas moins joué un certain rôle dans l'histoire:
|0 Evêque de Jérusalem, f en prison à Césa-rée sous Décius, vers 251.
2o Evêq. et patriarche d'Alexandrie en 312 ou 313; il succéda à Aquila ou Achilles; il est connu surtout par le zèle avec lequel il combattit les erreurs d'Arius. Il lui écrivit pour l'engager à se rétracter et, sur son refus, rassembla en 321 à Alexandrie un concile d'une centaine d'évéq. d'Égypte et de Lydie, où Arius fut excommunié. Constantin ayant essayé d'intervenir, mais sans succès, convoqua en 325 un concile à Nicée; Alexandre, avec son diacre
Athanase, y joua un rôle prépondérant, mais il n'y survécut que quelques mois, f 326. Il écrivit de pombreuses lettres sur la question; une a été conservée par Théodoret.
3® Patriarche de Constantinople pendant les troubles ariens 317-340. Il vota les résolutions du concile de Nicée et les défendit toujours courageusement. Arius ayant réussi, à l'aide des semi-ariens, à obtenir sa rentrée dans l'Église, grâce à un symbole équivoque qu'il jura, et l'empereur voulant contraindre le patriarche à recevoir à la communion un homme que celui-ci en jugeait indigne, le pieux Alexandre vivement troublé demanda à Dieu de le retirer de ce monde, lui ou Arius. Arius mourut subitement la veille du jour fixé pour sa réintégration. Un grand éloge d'Alexandre a été fait par Grégoire de Naziance, quand il monta sur le siège de Constantinople.
4° Alexandre, év. d'Hiérapolis et primat de la province d'Euphrate, fut délégué 431 au concile d'Ephèse par Jean d'Antioche qui s'excusa de ne pouvoir s'y rendre lui-même. Alexandre tenait pour Nestorius, et quand celui-ci écrivit à Théodose pour demander un nouveau concile sans les évêques égyptiens, il signa cette lettre avec 8 autres évêques. Il ne voulut avoir aucun rapport avec Cyrille. Il en appela aussi au pape Sixte III. Son caractère inquiet finit par le faire destituer; l'empereur l'envoya en exil à Fa-mothis, Égypte. Il avait du talent, comme le prouvent 23 lettres de lui, et un Traité sur; Ce que le Christ a apporté de nouveau dans le monde.
5<> Alexandre de Haies (Halesius), ainsi nommé d'un couvent du comté de Glocester, où il fit ses études, et où il fut nommé archidiacre. Il enseigna avec succès la philosophie scolasti-que à Paris et mérita le surnom de docteur irréfragable. f 1245. Il était entré chez les fr. mineurs en 1222. Un des premiers qui aient su mettre à profit les œuvres d'Aristote, traduites par les Arabes, il inaugura en quelque sorte la seconde période de la scolastique et composa une Summa theologica et un Comment, des sentences de P. Lombard, qui ont été plusieurs fois réimprimés. On y reconnaît aussi l'influence de l'esprit franciscain dans la manière dont il traite de l'Immaculée Conception de Marie, et surtout dans l'éloge qu'il fait des frères mendiants et même de la mendicité.
6* Alexandre Natalis,ou Noël; v. Natalis.
7° Alexandre Netcsky, le saint; fils du grand-duc Jaroslaw II; né 1218 à Wladimir. Après la mort de son frère, et bien qu'âgé de 20 ans seulement, il fut appelé au gouvernement du duché de Nowogorod que les Mongols n'avaient pas encore envahi. Il remporta en 1241 de brillantes victoires sur les Suédois, les Danois et les chevaliers teutoniques. Son père étant mort 1247 il hérita du grand-duché de Kiew, vainquit les Tartares, affranchit la Moscovie du tribut qu'elle payait aux successeurs de Gengiskhan. et régna avec tant de sagesse que la reconnaissance populaire le mit au nombre des saints. Il mourut le 14 nov. 1263; dans les dernières années de sa vie, il avait revêtu le cilice et la robe des moines. Le pape Innocent IV avait essayé à plusieurs reprises de l'attirer à la foi romaine 1246 et 1248, mais il resta fidèle aux traditions de l'Église grecque et fonda plusieurs évêchés. Sa mort fut un deuil universel. Pierre-le-Grand fit élever un couvent à son honneur 1715 à l'endroit où il avait remporté sa plus grande victoire, à Saint-Pétersbourg; Catherine I fonda l'ordre d'Alexandre Newsky, et tous les czars jusqu'à Nicolas ont célébré sa fête en grande pompe.
8° Alexandre, Aies. ou de Alès, né à Edimbourg 23 avril 1500, chanoine de Saint-André, attiré par la réforme, fut mis en prison et réussit à s'enfuir en Allemagne 1532, où il fit la connaissance de Luther et de Mélanchthon. Rappelé par Henri VIII qui le nomma prof, de théol. à Cambridge 1535, on le trouva trop avancé. Il revint à Londres où il exerça la médecine pendant quelques années, puis il retourna en Allemagne où il se fixa définitivement, d'abord à Francfort - s.-0., ensuite à Leipsic où il f 17 mars 1565. Sa tournure d'esprit conciliante et scientifique le mirent surtout en rapports avec Mélanchthon. Il traduisit en latin, à la demande de Cran mer, le Common Prayer Book, et publia divers ouvrages, en-tr'autres une Epistola sur le devoir des laïques de lire la Bible 1533.
9o V. Lambert 3<>.
ALEXANDRIE. Une tradition rapportée par par Eusèbe, dit que cette ville célèbre, la plus grande de l'empire après Rome, déjà peuplée de Juifs nombreux, grâce à la tolérance des Ptolémée d'abord, puis des Romains, et centre d'un grand mouvement intellectuel, fut évan-gélisée par saint Marc, qui y aurait fondé une église considérable. La chose est possible, mais n'est pas établie, et pendant longtemps les auteurs qui parlent de l'église de Carthage ne disent rien de celle d'Alexandrie. C'est seulement à la fin du 2™« siècle que l'on voit l'Évangile s'établir et les églises se multiplier dans la Basse-Égypte, et Alexandrie en particulier prendre un développement, acquérir une influence, et devenir un centre important pour l'histoire de la vie chrétienne. Les sciences sacrées qui y étaient cultivées avec succès depuis des siècles, et qui avaient spécialement pour objet l'A. T., devaient favoriser les progrès du christianisme dans ces contrées, et concourir à transformer l'école d'Alexandrie en lui donnant une direction nouvelle. C'est ce qui arriva, et sans parler d'Athénagore dont quelques-uns font un des premiers catéchèses d'Alexandrie, on peut faire remonter au moins à Pantène, vers 180, la fondation définitive de cette école qui pendant deux siècles, devait rendre tant de services à la chrétienté. Pantène q. v. eut pour élève, puis pour collègue, et enfin pour successeur Clément, à la fois professeur et écrivain distingué; puis Origène, et après lui Denys et Héraclès. Ce fut la belle époque. Dès lors Eusèbe mentionne encore les noms d'Achil-las, de Pierius, de Théognoste et de Sérapion; peut-être aussi faut-il compter parmi ces maîtres l'évêque et martyr Pierre, le moine Ma-caire, et enfin Arius lui-même. L'aveugle, mais savant et pieux Didyme. aurait aussi rempli les fonctions de catéchiste pendant le long espace de 340-395, et relevé pour un temps la réputation de cette école un moment compromise par les controverses origénistes. et qui devait l'être bientôt encore par les discussions nestoriennes et monophysites.
La destination première de l'école catéchéti-que d'Al. avait été sans doute d'instruire les païens. Il n'y avait probablement d'abord qu'un seul catéchiste chargé d'enseigner les éléments de la foi chrétienne aux néophytes, et peut-être aux enfants des chrétiens. Mais on sentit bientôt aussi le besoin d'avoir un homme instruit et habile, qui pût défendre la foi contre les attaques et les subtilités de la philosophie. De là à une institution capable de former des pasteurs il n'y avait qu'un pas, et il fut rapidement franchi; aussi l'on peut considérer cette école comme la première pépinière des missions chrétiennes. Elle évangélisa directement les abords immédiats de l'Égypte, puis l'Arabie, l'Éthiopie et les Indfes. Si l'Égypte, avant le christianisme, avait été déjà la terre des merveilles, elle ne cessa pas sous l'influence chrétienne d'être encore la terre des hautes recherches, et la pensée humaine ne cessa d'y élaborer des systèmes. Un syncrétisme platoni-sant, qui rappelle celui de Philon, se glissa dans l'Église et, en développant à quelques égards le sentiment religieux, exerça une fâcheuse influence sur l'enseignement proprement dit. Deux courants distincts se dessinèrent: l'un évangé-lique, représenté par Origène et Clément, par Dénys, Athanase et Cyrille, qui relevait en Christ le côté divin, même dans les exagérations de l'eutychianisme; l'autre relâché et fantaisiste, tel qu'il apparaît dans le gnosticisme, chez les docètes, les sabelliens et les ariens, qui sont des produits purs de l'Égypte.
On trouve chez Eusèbe les noms des évêq. d'Alex, et des détails sur l'école et les catéchistes; et chez Denys l'histoire des souffrances de cette église pendant les persécutions de Décius, de Valérien et de Dioclétien.
ALEXIENS, société religieuse qui vers 1300 s'était formée à Anvers pour s'occuper des devoirs à remplir envers les malades, les pauvres et les morts. Ils tiraient leur nom de leur patron, Alexius, fils d'un riche sénateur romain, qui vivait au 5me siècle dans une pauvreté volontaire, qui mourut sur le Mont Aventin, et dont les os furent découverts en 1216. Ils s'appelaient aussi cellitede cella, tombe, parce qu'ils enterraient les morts. Enfin, plus communément, on les désignait sous le nom de Lollards, de lollen murmurer, parler ou chanter à voix basse. Leur costume était noir, et les femmes avaient été surnommées les sœurs noires: mais ils ne s'étaient affiliés à aucun ordre, probablement à cause du discrédit dans lequel étaient tombés à cette époque, à cause de leur inconduite, la plupart des ordres religieux. Leur prétention de vivre ^ part, en laïques pieux, leur attira des ennemis; ils furent calomniés; un chanoine de Liège 1348 les traite de vagabonds, et peut-être que dans le nombre il y avait un mélange de bons et de mauvais. On les confondit aussi avec les Begghards, et il ne fallut rien moins qu'une bulle de Grégoire XI, 1377, pour assurer leur tranquillité.
ALEXIUS, v. Alexiens.
ALFRED, justement surnommé le Grand (proprement jElf-rœd> conseiller des elfes), né 849, 6®« roi de la dynastie saxonne d'Angleterre, succéda à son père Ethelwolf et à ses deux frères aînés Ethelbert et Ethelred. Désireux de s'instruire, il apprit à lire de bonne heure et fit, très jeune encore le voyage de Rome avec son père qui allait demander la bénédiction de Léon IV. C'était l'époque des invasions danoises et l'Angleterre fut plus d'une fois à la veille d'une complète invasion. Alfred avait 22 ans quand il monta sur le trône 871. Vainqueur d'abord il ne tarda pas à être défait et il dut s'enfuir; il passa quelque temps chez un berger comme simple valet et garda les troupeaux. Plus tard, déguisé en ménestrel, il pénétra avec sa harpe jusque dans le camp et dans la tente de Gothrum, chef de l'armée ennemie, et suffisamment éclairé par ses observations il reprit l'offensive et défit les Danois. Il fut modéré dans sa victoire, fit grâce aux prisonniers et leur céda une partie du pays sotfs la seule condition, acceptée par eux, qu'ils embrasseraient le christianisme. Il employa dès lors 15 années de paix à réorganiser l'administration, à développer l'instruction publique, à relever les églises et les monastères pillés, détruits, incendiés par les Danois, et à réformer le culte et le clergé lui-même, qui avaient beaucoup souffert au point de vue religieux de l'absence de tout gouvernement régulier. En 893 une nouvelle expédition tentée par Hastings. avec 250 voiles, faillit de nouveau tout compromettre, mais Alfred fondit sur les ennemis avec la rapidité de la foudre et par la hardiesse de ses manœuvres déjoua une tentative menaçante dont les suites auraient pu être fatales. Le pays jouit dès lors d'un repos durable et Alfred put consacrer ses dernières années aux travaux paisibles de la civilisation. Il f 28 oct. 901, âgé de 51 ans, après en avoir régné 29. D'une santé délicate. habituellement malade, sujet à des évanouissements inexpliqués, Alfred fit face à tout à force d'énergie morale. Musicien, poète, savant, passionné des arts de la paix, il avait en même temps le génie militaire et le courage du soldat. On l'a souvent comparé au roi David. C'est un des souverains qui ont laissé dans l'histoire de l'Angleterre les traces les plus profondes et les plus bénies. On lui doit l'université d'Oxford 872 et les trois grandes halles bâties à l'honneur « des trois personnes de la divinité. « Il fit venir de l'étranger des hommes savants et pieux, Grimbald, moine de Reims. Jean, ci-devant abbé de laNouvelle-Corbie. etc. Il étudiait lui-même avec son ami Asser, évêque de Saint-David; à l'âge de 38 ans il se mit à apprendre le latin et fit des progrès rapides. L'étude des saintes Écritures l'absorbait au point qu'il se faisait quelquefois réveiller la nuit pour élever son âme à Dieu pendant que le silence régnait autour de lui. Il gagna le cœur de ses ennemis par sa générosité, quand il renvoya à Hastings les prisonniers qu'il lui avait faits, ajoutant « qu'il ne faisait pas la guerre à des femmes, ni à des chrétiens. » Quant à son peuple il fit tout pour le relever, l'instruire et le moraliser, et cet homme dont le règne fut difficile, dont la santé était chancelante, qui n'a pas livré moins de 56 batailles rangées, qui a étendu le commerce de l'Angleterre jusqu'aux Indes, qui s'occupa de tous les détails de la vie publique, cet homme extraordinaire a encore trouvé le temps d'écrire ou de traduire lui-même. pour les écoles ou pour l'Église un grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels il faut citer: un Code, publié à Londres 1658; les Consolations de la philosophie, de Boèce, Londres 1829; Hist, ecclés. des Anglo-Saxons, de Bède, Cambridge 1722; des extraits de l'Histoire, d'Orose, avec plusieurs chapitres originaux, entr'autres une description géographique et ethnographiques de l'Allemagne; l'Instruction pastorale de Grégoire-le-Grand, qu'il fit envoyer à tous les évêques, et dont on connaît encore 3 ex. dont un, parfaitement conservé, à la Bibliothèque de Cambridge; un recueil de Proverbes et une traduction des Fables d'Ésope lui sont également attribués, mais sans preuves suffisantes; une traduction des Psaumes de David, inachevée; enfin son Testament, conservé dans sa Vie, écrite par Asser. On y trouve entre autres cette phrase qui caractérise à la fois l'anglais et le chrétien: Je désire que mon peuple reste toujours aussi libre que le sont ses pensées.
ALGIERI, Pomponio, de Nôle, près Naples, étudiant à Padoue, converti de bonne heure, se fit avec enthousiasme l'apôtre de la doctrine évangélique. Dénoncé puis arrêté à Padoue, il répondit avec clarté et fermeté à tous les interrogatoires, et au bout de quelques mois fut transféré à Venise. Après de vains efforts pour l'amener à se rétracter, les juges, quoique à regret, le condamnèrent aux galères; mais ce n'était pas assez pour Délia Casa. Paul IV qui venait de monter sur le trône, obtint qu'on lui livrât l'hérétique, dont la fermeté pendant une longue détention avait fait l'admiration de l'Italie, et le martyr peu après son arrivée fut envoyé au bûcher, vers la fin de 1555. Il subit son supplice comme il subit son cachot, avec une joyeuse sérénité, s'étonnant lui-même et rendant grâce à Dieu, de ce qu'il pouvait trouver t tant de paix et de douceur dans la gueule du dragon. •
ALLATIUS, Léon, natif de Chios, né 1586, f à Rome 1669; jésuite, professeur au collège des Grecs à Rome, bibliothécaire du Vatican 1661; auteur de plusieurs ouvrages d'une érudition un peu lourde, notamment sur les rapports des églises d'Orient et d'Occident.
ALLEMAGNE. Après avoir été longtemps une simple expression géographique, réunissant au cœur de l'Europe des peuples divers sans autre unité que leur position centrale et les rudiments d'une langue encore peu formée, la patrie d'Arminius se développant de siècle en siècle et se constituant fortement au moyen âge sous les Hohenstaufen, est arrivée par Luther au sentiment de l'unité morale et a fini de nos jours par réaliser l'unité politique. Il n'y a donc pas d'histoire ecclésiastique pour l'Allemagne prise dans son ensemble, ni quant aux missions, ni quant au mouvement religieux, quoiqu'il ait été considérable, et c'est aux articles spéciaux d'hommes ou de villes qu'on trouvera les indications principales. Ici quelques lignes seulement de statistique. La population de l'empire étant d'environ 43 millions d'âmes, se décompose en 26 millions de protestants, 15 millions de catholiques, plus de 500,000 juife et cent mille dissidents divers, grecs, mennonites, wes-leyens, etc. Dans la plupart des États qui forment partie de l'empire, la majorité est protestante; elle est catholique en Bavière, dans le duché de Bade, et dans rAlsace-Lorraine. Les protestants sont en majorité luthériens ou unis.
Il y a une lutte incessante entre le gouvernement civil et le clergé romain qui revendique une autorité absolue dans son domaine, ce domaine devant comprendre les écoles, les mariages, les cimetières, etc. Il y a lutte enfin contre les juifs, qui ont accaparé par leur travail une grande partie de la fortune publique et qui disposent des journaux les plus importants. Le rationalisme et le socialisme rongent l'Allemagne et menacent son avenir; mais les chrétiens n'oublient pas leur devoir; de nombreuses sociétés religieuses, des pasteurs, des professeurs, des hommes d'État éminents, de simples laïques, combattent avec énergie l'incrédulité matérialiste, dont le triomphe serait la fin de la société.
ALLEMAND (cardinal Louis d'), archev. d'Arles, le seul de son rang qui, au concile de Bâle, défendit avec énergie les droits du concile contre les empiétements de Rome; il resta à Bâle après que les partisans du pape eurent décidé de s'en aller 1437. Homme de talent et sans reproche, peut-être ambitieux.
ALLEN 1°, ou Alan, ou Allyn, Guillaume, né à Rossai, Lancaster, 1532, sous Henri VIII, fréquenta l'université d'Oxford sous Édouard VI, 1547, au moment où l'archev. Cranmer donnait à l'Église anglicane sa nouvelle constitution. Il se montra hostile à la réforme, salua avec joie la réaction qui se produisit sous Marie et profita des bonnes dispositions de cette reine pour se faire donner des places honorifiques et lucratives; il fut nommé chanoine d'York 1558. Cela changea sous Élisabeth et Allen consacra toutes ses forces à la défense du catholicisme romain. Il s'enfuit d'abord à Louvain 1560. où il passa 5 années, écrivant des brochures de controverse. Il revint en Angleterre 1565 et passa 3 ans, caché aux environs d'Oxford, intriguant contre la religion de son pays; découvert en 1568 il s'enfuit de nouveau, vint à Malines d'abord, puis à Douai où il fonda un collège anglais qui réussit parfaitement, mais qu'il fallut transférer à Reims 1578, la reine en ayant interdit la fréquentation à ses sujets. Le pape le chargea de fonder à Rome et à Madrid des institutions analogues. Allen continua d'écrire, et déclara dans une de ses brochures, que des parents qui deviennent hérétiques perdent leurs droits naturels sur leurs enfants, de même qu'un souverain perd toute son autorité du moment où il renie la foi. Il justifie le meurtre d'un tyran, provoque le passage à l'ennemi de Stanley à Deventer, fait des vœux pour Philippe II et son Armada, obtient du roi d'Espagne une des riches abbayes de Naples, et de Sixte V le ch* peau de cardinal 1587. Il publie à Anvers en 1588un pamphlet injurieux contre Élisabeth,destiné à être distribué aux soldats espagnols quand lis débarqueront. L'expédition ayant échoué, on détruisit toute l'édition et il est aujourd'hui assez difficile d'en trouver un ex. Philippe lai donna l'archevêché de Matines avec résidence à Rome. Une lettre de lui, de 1593, dans laquelle il se réjouit de la tolérance accordée aux catholiques, et sa f survenue en 1594 et attribuée au poison, ont été exploitées en sa faveur, comme s'il fût revenu à des sentiments plus humains et un peu plus patriotiques; c'est beaucoup dire; sa cause étant perdue, il était naturel qu'il se réjouit d'avoir au moins la tolérance.
Guillaume A., philanthrope distingué, né 29 août 1770 à Londres, + 30 déc. 1843, quaker. industriel, visita 8 fois le continent pour plaider les causes auxquelles il s'intéressait, visita Oberlin et l'emp. Alexandre, fonda des écoles populaires, des caisses d'épargne, des pénitenciers, des colonies agricoles, intervint en faveur des Vaudois, des Grecs et des Irlandais. — Vie, par de Félice.
ALLIANCE 1° Sainte Alliance, nom sous lequel la Russie, l'Autriche et la Prusse signèrent à Paris, le 26 sept. 1815. après la seconde abdication de Napoléon, un traité auquel adhérèrent ensuite presque tous les souverains de l'Europe, et qui avait pour but de garantir aux rois leur autorité, et à l'Europe la paix et la religion. Il n'était guère question des peuples. Elle fut appelée sainte à cause des sentiments de sérieux chrétien et de piété qui l'avaient inspirée aux contractants et notamment à l'emp. Alexandre.
2° Alliance évangélique. Vaste association religieuse fondée en Angleterre en 1846 dans le but d'unir sur un terrain commun les chrétiens souvent divisés par des questions secondaires, d'église ou de doctrine, et de provoquer au besoin une action commune en faveur de la liberté de conscience. Elle a envoyé des députations pour cet objet à Madrid, à Stockholm, à Constantinople et à Saint-Pétersbourg. Elle a à des intervalles réguliers, tous les 4 ou 5 ans environ une Assemblée générale à laquelle sont convoqués des délégués des différentes sections; ainsi à Londres 1851, à Paris 1855, à Berlin 1857, à Genève 1861, à La Haye 1867, à New-York 1873. Des rapports sont lus sur la situation générale des différentes églises et sur leurs besoins. Un des résultats immédiats les plus clairs de cette société a été de diminuer considérablement le nombre des controverses et tout au moins d'en adoucir le caractère.
ALLIX Pierre, savant controversiste français, né 1641 à Alençon où son père était pasteur, fut appelé à Charenton, après avoir desservi d'abord une égtise de Normandie (ou de Champagne). Il succédait à Daillé et travailla avec Claude à une nouvelle version de la Bible. A la Révocation il dut s'enfuir en Angleterre où Jaques II lui permit de fonder une église française du rit anglican; en 1690 il fut nommé chanoine de Salisbury, et les universités d'Oxford et de Cambridge lui conférèrent le titre de docteur. Il était versé dans toutes les sciences, et le clergé d'Angl. le chargea d écrire une Hist. des Conciles; cet ouvrage, qui devait avoir 7 vol. f°. n'a jamais paru. Il f à Londres 1717. Agé de 76 ans. Il a beaucoup écrit, en latin, en français et en anglais, sur l'histoire, la controverse et même la prophétie; ses œuvres sont rares et avaient surtout le mérite de l'actualité. Deux ouvrages, sur les vaudois. et sur les albigeois, ont de la valeur, mais il attribue aux vaudois une origine apostolique, et il confond trop les albigeois avec leurs devanciers des Vallées. Son fils devint doyen d'Ely 1734. Le nom d'Allix existe encore en Angleterre.
ALMACHIUS. saint espagnol (?), moine, lapidé 403 à Rome, parce qu'il protesta contre un combat de gladiateurs et voulut s'y opposer; 1er janv. des bollandistes.
ALOGES. ou Alogiens, secte de l'Asie Mineure, vivant à la fin du 2""* siècle, connue seulement par Épiphanes. Ils rejetaient la doctrine du Paraclet et celle du Logos (Verbe), comme conduisant au gnosticisme (de là leur nom qui signifie sans Logos, mais qu'on peut traduire aussi par sans logique). Ils rejetaient par conséquent l'Évangile de Jean, ainsi que le chiliasme et la perpétuité des charismes.
ALOYS, ou Louis, de Gonzague. né près de Mantoue 1568, de la famille des princes de Cas-tiglione; distingué dès son enfance par la piété et la rigueur de ses mœurs; il entra 1587 dans l'ordre des jésuites et + 1591 à Rome, victime de son dévouement pendant une épidémie. Déclaré bienheureux par Grégoire XV 1621, il fut canonisé par Benoît XIII 1726.
ALSTED, Jean-Henri, né 1388, prof, à Her-born, puis à Wissembourg où il f 1638. Il représenta l'église de Nassau au synode de Dor-drecht 1618-1619. Son érudition était immense. Il a publié une Encyclopédie universelle en 2 vol. f°, et une Encyclopédie philosophique; en outre, divers traités: sur la Chronologie, la Messe, le Règne de mille ans qui doit commencer en 1694, etc. On lui a reproché de s'être parfois copié lui-même, ce qui à la rigueur est pardonnable, mais surtout d'avoir copié les autres, notamment Casaubon; il ne faut cependant pas exagérer la gravité de ces emprunts.
ALTENSTEIN (Charles, baron de Stein d'), né à Ansbach 7 oct. 1770, f 14 mai 1840, exerça en Prusse une grande influence comme ministre des cultes, de la médecine et de l'instruction publique. Après avoir étudié à Erlangen, où il avait reçu déjà des impressions religieuses, il entra dans l'administration dès 1799, se retira à Konigsberg en 1806 après les malheurs de son pays, et s'occupa, avec le baron de Stein, de son relèvement. Il remplaça Stein en 1808 comme ministre des finances, fut en 1813 gouverneur de Silésie, et fut chargé en 1817 du ministère difficile auquel il consacra les dernières années de sa vie. C'est lui qui dans sa loi de 1819 décréta l'instruction primaire obligatoire. Il releva les hautes études à Bonn et à Berlin où il appela Hegel. Au milieu des crises qui menacèrent plus d'une fois sa position, il ne cessa d'avoir en vue le relèvement de la piété, et il pensait, comme son ami Stein, que tout ce que l'on peut faire pour l'éducation d'un peuple n'est rien, si l'on n y joint un esprit religieux. Il rencontra surtout des difficultés de la part des catholiques. C'était un esprit lucide, un caractère énergique, un travailleur infatigable et un homme modeste.
ALTHAMMER, André, né 1498 f 1564, un des premiers prédicateurs de la Réforme à Ans-bach, conseiller intime du margrave Georges de Brandebourg; prit part à la dispute de Berne sur les sacrements 1528, et au colloque de Nuremberg 1539; homme fort instruit, auteur d'un catéchisme encore estimé et d'un essai de conciliation des passages de l'Écriture qui semblent se contredire.
ALT1NG. Jean-Henri, théologien réformé, né à Embden 1583, fit l'éducation de plusieurs jeunes princes, dont un devint roi de Bohême. En 1627 il fut nommé prof, de théol. à Groningue. où il t 1644- — S°u fils Jaques, né à Heidel-berg 1618, versé dans les langues orientales, succéda à Gomar pour l'hébreu à Groningue 1643, et aussi pour la théologie 1667. f 1697. Ses œuvres, concernant surtout la langue hébraïque, ont été publiées à Amsterdam en 5 vol. fol. 1687.
ALUMNEUM, collège ou séminaire, destiné à former et à préparer des jeunes gens pour la carrière ecclésiastique. L'admission des élèves suppose déjà leurs aptitudes et leur ferme résolution de se consacrer au service de l'Église, et dans plusieurs endroits ils sont astreints à prêter un serment d'entrée. Les élèves portent le nom iïalumnats.
AMALAIRE, surnommé Symphosius, né en Austrasie, diacre, prêtre à Metz, abbé de Horn-bach, chef de l'École du palais, homme de confiance de Louis-le-Débonnaire, f 837. Il a écrit un grand Traité des offices ecclésiastiques en 4 livres, important pour la connaissance dn culte à cette époque; une Règle des chanoines, et plusieurs lettres. Il se complaît un peu trop dans une symbolique exagérée, cherchant le sens exact des moindres pièces du vêtement ecclésiastique, mais c'était dans le goût du temps. Il n'entendait la présence réelle que dans le sens spirituel ad vivificandam animant. Il a écrit contre Agobard et contre ses tentatives de réforme du chant sacré.
AMALRI, dit Sanglar, natif de Montpellier, chef des protestants pendant les guerres de religion, se distingua par sa belle défense d'Agde 1562. de Montpellier 1567 et de Sommières 1573. Fait prisonnier dans une reconnaissance, il fut pendu par les catholiques 1575 et sa tête promenée au bout d'une pique.
AMALRIC 1° Philosophe et théologien du 12ra<> siècle, né à Bène, près Chartres. Il porte aussi le nom d'Amaury. Il enseignait la théologie à Paris et compta un grand nombre de disciples. Il avait puisé dans les écrits de Scot Erigène une sorte de panthéisme mystique pour lequel il fut condamné par l'université de Paris 1204. Il fit le voyage de Rome et en appela à Innocent Ul, mais celui-ci confirma la sentence 1207, et Amalric de retour à Paris dut se rétracter publiquement. Il f 1209, de chagrin, dit-on. Un synode réuni à Paris condamna ses disciples; 12 furent brûlés, et 4 emmurés. Lui-même, malgré sa rétractation, fut exhumé, ses os brûlés et ses cendres jetées au vent. Le synode défendit en outre l'étude des œuvres d'Erigène. Le concile de Latran 1215 confirma toutes ses sentences.
2° Amalric, Arnaud, abbé de Citeaux, choisi par Innocent UI pour prêcher la croisade contre les albigeois 1204. Il rassembla jusqu'à 500,000 hommes sous les ordres de Montfort, et commit tant de cruautés au siège de Béziers qu'il dût être révoqué 1209. Il fut nommé archev. de Narbonne 1212, et passa ensuite en Espagne où il fit la guerre aux Maures. Il a écrit Thist. de cette expédition, + 1225.
AMAND 1° évêque et natif de Bordeaux, renommé pour son zèle, sa vigilance et sa sainteté; vivait au commencement du 5m<> siècle. Jérôme nous a conservé des fragments intéressants d'une Lettre de lui.
2° Apôtre de la Belgique. Né à Nantes vers 590, et chassé de la Gaule par Dagobert, qu'il avait censuré à cause de ses désordres; il se rendit d'abord comme missionnaire sur les bords du Danube et chez les Slaves 626, mais repoussé par ces populations, il accepta l'appel de saint Eloi qui l'envoyait chez les Frisons; se fixa d'abord à Gandavum (Gand), avec l'appui de Dagoberty mais il renonça bientôt à cette protection, et recourant à la douceur, il obtint de grands succès malgré certaines intempérances de zèle; il bâtit des églises et des couvents, remua toutes les Flandres, devint évéq. de Mœstriclit, et f 675, très âgé. On lui prêta des miracles, même de son vivant, entre autres d'avoir ressuscité un pendu, ce qu'il nia toujours.
AMBOISE (Conjuration d'), complot ourdi à Nantes le l«r févr. 1560. par les protestants exaspérés de Tasservissement de la royauté par les Guises, et des nombreux supplices infligés à leurs coreligionnaires. Blâmé par Coiigny et par Calvin, ce complot qui avait pour chef muet le prince de Condé et pour chef avoué le seigneur de la Renaudie, fut secrètement dénoncé aux Guises, qui emmenèrent le roi de Blois à Am-boise. La Renaudie n'en poursuivit pas moins son projet, mais il fut vaincu et périt en combattant; ses partisans furent massacrés, de nombreuses exécutions eurent lieu et de lâches atrocités ajoutèrent à la haine que les Guises ne cessaient d'amasser contre eux. Beaucoup de nobles eurent la tête tranchée dans la cour du château.
AMBON. mot grec, employé dans l'antiquité chrétienne pour désigner une espèce de tribune ou destrade, élevée de quelques pieds et placée au milieu de l'église, capable de recevoir une cinquantaine de personnes, chantres ou lecteurs. Les prédicateurs, et même les évêq. s'y plaçaient aussi quelquefois pour être mieux entendus du public. A mesure que les églises devenaient plus grandes, ce qui n'était d'abord que l'exception devint la règle; vers le 13ra« siècle il y avait des ambons partout; ils se modifièrent suivant les besoins, et on finit par en faire les chaires et les lutrins.
AMBROISE 1° un des pères les plus remarquables de l'Église latine, né à Trêves vers 340, pendant que son père était gouverneur des Gaules. Venu à Rome, il s'y distingua bientôt dans les arts et les sciences, et fut nommé gouverneur de la Ligurie, 370. Il résidait à Milan lorsqu'à la mort de l'èvêque de cette ville, les divers partis entrèrent en lutte pour le choix de son successeur. Ambroise eut assez d'influence pour rétablir la paix, mais comme on ne pouvait se mettre d'accord sur la nomination de Tévêque, une voix d'enfant s'écria: Ambroise èvêque ! Les partis, charmés de ses vertus et de ses talents, furent frappés de ce mot et s'unirent pour le prier d'accepter l'épiscopat, 374. Effrayé de la grandeur de la tâche, il refusa d'abord; le peuple insista, et le gouverneur, pour échapper à ses instances, s'enfuit de nuit. Mais s'étant égaré, il se retrouva le lendemain en face de Milan; prenant cela pour un avis céleste, il accepta enfin. Il n'était cependant pas encore chrétien; il n'était que catéchumène; en une semaine il fut baptisé, ordonné prêtre et consacré èvêque. Dès lors il s'adonna entièrement aux soins de son troupeau, remplissant en personne toutes ses fonctions, prêchant régulièrement, recevant tout le monde, les plus petits comme les plus grands, donnant l'exemple des vertus et de l'austérité, et composant en même temps des écrits sur divers sujets à l'ordre du jour. Au moment de son élection, il avait distribué tous ses biens à l'Église et aux pauvres, et il vivait avec la plus grande simplicité. Aimé de son troupeau, entraînant par sa prédication onctueuse et oratoire, il lit le plus grand bien autour de lui. 11 joua aussi un rôle dans la polémique contre les païens et dans la politique. En 381 ou 383 Maxime, gouverneur des Gaules, lit assassiner Gratien, emp. d'occident, usurpa le trône et marcha sur l'Italie pour la soumettre. Ambroise alla à sa rencontre et négocia pour le dissuader de franchir les Alpes. Son éloquence obtint gain de cause au point que Maxime l'accusa de l'avoir ensorcelé. A ce moment cependant le paganisme relevait la tête; le rhéteur Symniaque reçut la mission de plaider sa cause et d'obtenir du sénat le rétablissement de la statue de la Victoire. Ce fut encore Ambroise qui réfuta son plaidoyer. Dans les querelles ariennes, il fut au côté de l'orthodoxie. Il entra même en lutte à ce sujet avec la cour impériale et a\ec Justine, mère et tutrice de Valentinien II, à laquelle il refusa tout, même « une église sur tant. » Il montra une fermeté inébranlable: menaces, voies de fait, condamnation à l'exil, rien ne put l'intimider, il resta maître de la situation. Ce fut à cette occasion qu'il établit pour ses fidèles et dans son église qu'on voulait lui enlever de force, le chanl antiphonique auquel il donna son nom. En 387. nouvelle interxention auprès de Maxime. Celui-ci ayant franchi les Alpes, fut battu par Théo-dose; Ambroise réussit à arrêter l'effusion du sang. Il eut aussi l'occasion de montrer son intrépidité et sa fermeté, en s'attaquant à Théo-dose-le-Grand lui-même. Celui-ci avait livré la ville de Thessalonique à la discrétion de ses soldats; 7000 habitants, dit-on, furent massacrés. Ambroise écrivit à l'empereur pour le blâmer de sa conduite et l'exhorter à la repen-tance. Théodose vint cependant se présenter sur le seuil du sanctuaire pour prendre part à l'eucharistie, mais Ambroise lui barra le passage, en déclarant qu'il ne lui donnerait la communion qu'après qu'il se serait soumis publiquement à la pénitence et aurait reçu l'absolution. Théodose, lorsqu'il revit plus tard Nectaire, patriarche de Constantinople, lui dit: Ambroise m'a appris ce que doit être un èvêque. En 392. nouvelle réaction païenne, qui dura 27 mois. Ambroise la combattit vivement, et Théodose vainquit par ses armes Eugène, l'empereur païen. Il f en 397 et fut enseveli à Milan. A la fois savant et orateur, il a laissé un grand nombre d'ouvrages remarquables par le style, l'élégance et l'entraînement; des sermons, des traités, des lettres où se trouvent des morceaux de la plus haute éloquence, des travaux sur l'Écriture sainte, des livres de morale et de théologie, des oraisons funèbres, en particulier celles de Théodose-le-Grand et de Valentinien, des hymnes, etc. C'est à tort peut-être qu'on lui a attribué le Te Deum, dont les paroles sont de saint Augustin; mais le Detis creatoromnium est bien de lui. On a traduit en français un de ses principaux ouvrages, le De offkiis ministro-rum Dei. Il avait organisé à Milan une liturgie particulière avec une échelle musicale appropriée au chant d'église, qui reçut le nom de rif ambi-osien en opposition au rit romain, et dont l'église de Milan se sert encore aujourd'hui (v. Marcillac, Hist. de la musique), il piraît avoir eu un don exceptionnel de persuasion. Il prêcha l'ascétisme et la virginité perpétuelle; on accourait d'Afrique po ir l'entendre, et les mères, à Milan, enfermaient leurs filles de peur qu'elles ne fussent entraînées au célibat si elles entendaient la parj!e persuasive de leur évê-que. Son traité de la Virginité compte parmi s*s œuvres les mieux travaillées. Sa haute renommée lui valut la visite de souverains étrangers. chrétiens ou barbares, qui venaient de loin pour le voir. H. B.
2° Ambroise, de l'ordre des camaldules, né 1386 à Portico, prés Florence, &bbe général de son ordre depuis 1431, se distingua par ses essais de réformes intérieures, et comme légat d'Eugène IV à Bâle 1433. Il s'occupa aussi de réconcilier l'Église grecque avec l'Église latine, et publia plusieurs ouvrages en grec et en latin. Il était profondément dévoué à la papauté.
AMBROSIASTER; nom sous lequel on désigne l'auteur inconnu d'un Commentaire sur les 13 Épitres de Paul, qui se trouve dans l'édition bénédictine des œuvres d'Ambroise. mais que Ion a plusieurs motifs d'attribuer à d'autres qu'à l'évêque de Milan. Ce commentaire anonyme a été écrit du temps de Damase, et peut-éire par le diacre Hilairede Rome, quoique cette hypothèse soulève aussi quelques difficultés de doctrine.
AMBROSIEN, chant et rit; v. Ambroise.
AMBROSIENXE (Bibliothèque), fonde* au 17^ siècle à Milan, par le cardinal Fréd. Bor-romée. et nommée ainsi en l'honneur de l'évê-que patron de la ville.
AMESILÎS, Guillaume, né 1576, théologien anglais, étudia à Cambridge sous Perkins. Puritain zélé, il dut renoncer à se faire une position dans sa patrie, et se rendit en Hollande, où il fut successivement aumônier militaire à La Haye, membre influent du synode de Dordrecht (les États généraux lui votèrent 4 fl. par jour, pour qu'il pût vivre à Dordrecht et assister de
conseils le président du Synode), inspecteur des étudiants boursiers d'Amsterdam et de Leyde, professeur à Franeker, et enfin prédicateur à Rotterdam. Il f 1633 dans cette dernière ville peu après son arrivée, des suites d'une inondation. Il a écrit de nombreux ouvrages, dont la Medulla theologica est le principal; d'autres sur le sabbat, la conscience, les rapports de la métaphysique et de la morale avec la théolopie^ des comment, sur les Psaumes et les Ép. de Pierre, ainsi que plusieurs discours et des traités de controverse. Œuvres compl. en latin, Amsterdam 1658, 5 vol. in-42.
AMIS (les), 1° v. Quakers. 2° Amis des lumières, v. Lumières. 3° Les amis d» Dieu, v. Nicolas 10*.
AMMIEN-MARCELLIX, auteur d'une Histoire de Rome de Nerva à Valens, 91-378. en 31 livres, dont les 13 premiers sont perdus. Ceux qui restent commencent à l'an 333 et comprennent l'histoire de l'emp. Julien et de ses successeurs, c.-à-d. les événements dont Amrnien a été le contemporain. Grec de naissance, ayant fait de fortes études, il entra dans l'armée sous Constantin, accompagna Julien dans la guerre contre les Perses, et visita tour à tour, comme soldat. l'Orient et l'Occident. Quand il prit sa retraite il se fixa à Rome et se remit à ses études de prédilection, f vers 410 so is Théodose. Dans son Histoire il fait preuve d'un grand sens politique, d'une grande tolérance et de beaucoup de modération. Il touche à l'histoire ecclésiastique par les détails qu'il donne sur Julien, sur l'église de Rome et sur les luttes ariennes. Longtemps on a cru qu'il était chrétien, mais cette idée est aujourd'hui presque gènéralem. abandonnée; rien ne prouve qu'il ait été baptisé, ni qu'il ait fait une profession de foi chrétienne, bien qu'il s'intéresse à l'Église et qu'il semble prendre parti pour l'orthodoxie contre l'aria-nisme. Mais il n'était plus païen; il admet l'action d une divinité supérieure qui dirige les événements, et il se rapproche d'Hérodote et surtout de Sophocle par les tendances monothéistes qui percent dans ses récits.
AMMON, Christophe-Fréd. (d'). 1766-1849. prof, à Erlangen et à Gottingue, puis prédicateur de la cour à Dresde, a publié des sermons et quelques ouvrages de dogmatique d un rationalisme vulgaire. Par ses talents il a pu exercer une certaine influence, mais il n'a pas servi la cause protestante. Il niait les miracles et les prophéties.
AMOLO, ou Amulo, disciple d'Agobard, et dès 840 son successeur à l'archevêché de Lyon: f 832. Il honora l'Église par ses lumières et son caractère et combattit les superstitions, comme beaucoup d'autres évêques de l'époque carlo-vingienne. Son livre contre les Juifs, faussement attribué à Raban Maur, ne vaut pas son écrit sur les Reliques. Il prit parti contre Godescalc au sujet de la prédestination, et pour mieux le réfuter, lui prêta des idées qui n'étaient pas les siennes ou qu il exagéra.
AMORTISATION ou Amortissement (lois d'). On désigne sous le nom de mainmorte des biens qui passent d'un propriétaire personnel entre les mains d'un propriétaire impersonnel, collectif, et qui sortent ainsi de la circulation. Ce sont surtout les établissements religieux, églises, ordres, couvents, qui sont susceptibles de posséder de cette manière, soit par acquisitions, soit par dons ou héritages. Dans ces conditions les propriétés sont soustraites pour longtemps, si ce n'est pour toujours, à différents impôts, tels que le droit de mutation, sans même parler du privilège dont ont joui pendant des siècles* dans différents pays, les biens ecclésiastiques, d'être exemptés de tout impôt. Les inconvénients d'un pareil ordre de choses ont fini par se faire sentir, là surtout où la richesse foncière de l'Église atteignait et dépassait certaines bornes. En France, à l'époque de la Révolution, le clergé possédait le tiers du pays; dans plusieurs États de l'Allemagne, il en possédait la moitié. Il résultait de là que les impôts pesaient toujours plus lourdement sur ceux qui étaient moins riches, et sous l'influence du mécontentement général, les gouvernements ont été amenés à faire ce qu'ils auraient dû faire par simple esprit de justice; ils ont édicté des lois spéciales sur les biens de mainmorte, lois qui varient naturellement suivant les pays; tantôt faisant payer un droit de mutation à une époque déterminée, alors même qu'il n'y a pas de mutation; tantôt prélevant un droit sur les revenus; tantôt réservant aux pauvres un quart des legs fait aux établissements religieux, tantôt et c'est le cas presque partout où il y a eu résistance, en rattachant au domaine public des propriétés dont l'origine est équivoque, dont l'usage a été détourné de sa destination première, ou qui sont exploitées d'une façon défectueuse. Il n'est aucun pays en Europe qui n'ait dû recourir à des lots de ce genre; l'Espagne même a dû par ses nombreuses incamérations ou amortisations, remédier au tort immense que lui causait la mainmorte. Cette opération s'appelle ordinairement sécularisation, parce qu'elle rend au siècle, au monde, des valeurs qui en avaient été distraites.
AMPHILOQUE, rhéteur et avocat de Cappa-doce; puis ascète et solitaire, nommé évêque d lconieet métropolitain deLycaonie vers 375. prit part au 2®* concile de Constantinople 381. se montra l'adversaire résolu des ariens et obtint de Théodose que les discussions publiques sur les points relatifs à la nature de Christ fussent interdites, f vers 392. La plupart des écrits publiés sous son nom, Paris 1644, sont inauthentiques, sauf peut-être une lettre synodale en faveur de la doctrine de la Trinité.
AMPOULE (Sainte-). On désigne sous ce notn (amplum vas, ou ampla olla) une fiole sacrée que les anges apportèrent à saint Rémi pour le sacre de Clovis, la fiole ordinaire ayant manqué pour une raison quelconque. C'est Hincmar de Reims qui le premier, trois siècles après l'événement, s'est amusé à raconter cette légende. L'ampoule n'en a pas moins été regardée dès lors comme authentique, et son huile intarrissable a servi au sacre des rois de France, jusqu'au moment où Ruhl, représentant du peuple la brisa, en 1793, quand il aurait dû la conserver soigneusement pour la mettre dans le musée des superstitions du moyen âge. Elle se retrouva intacte en 1824, comme elle s'était retrouvée en 1179, après une éelipse de 600 ans.
AMSDORF (Nicolas d'); né près de Wilrzen le 3 déc. 1483, d'une bonne famille. Parent de Staupitz par sa mère, il se destina de bonne heure à l'état ecclésiastique, étudia d'abord à Leipsic, et fut en 1502 un des premiers inscrits à l'université de Witlenberg qui venait d'être fondée. Grande capacité de travail, profonde piété, esprit de prière, dévouement à la vérité, volonté de fer, il avait tout ce qu'il fallait pour devenir un des piliers de la Réforme, et il mérita d'être appelé un secoud Luther, aussi bien par ses adversaires que par ses amis. Il fut dès 1517 un des plus fervents disciples du Réformateur, l'appuya dans sa thèse, l'accompagna à Worms et à la Wartbourg; et après avoir quelque temps professé à Wittenberg, il devint successivement pasteur à Magdebourg, puis évêque de ISaumbourg-Zeitz. Son caractère impétueux le fit vers la fin de sa \ie îomber en disgrâce auprès des princes, dont il combattit sans relâche le penchant aux compromis. Dans sa lutte contre les antinomiens, il alla jusqu'à dire que les bonnes œuvres pouvaient être dangereuses pour le salut, f 14 mai 1565.
AMUN, cénobite égyptien, ami et contemporain de saint Antoine. A22 ans ilépousaune jeune fille noble, mais en prenant l'un et l'autre l'engagement de vivre dans la chasteté; elle f au bout de 18 ans de cette espèce de mariage, et il se retira dans les déserts de la Hte-Égypte où, avec saint Antoine, ils fondèrent un nouveau couvent.
AMYRAUT. Moïse, né à Bourgueil, Tou-raine, en sept. 1596, la même année et dans la même province que Descartes. Il appartenait à une famille honorable. Son père l'envoya d'abord à Poitiers faire ses études de droit; il y fut reçu licencié à l'âge de 20 ans, mais la lecture de l'Institution de Calvin le décida à entrer dans le ministère. Il se rendit donc à Sau-mur, où il étudia sous Caméron, fut nommé pasteur à Saint-Aignan, Maine, puis en 1626 à Saumur en remplacement de Daillé nommé à (!harenton (Rouen et Tours appelaient Amyraut dans le même moment). En 1631 il fut délégué au synode de Charenton, qui le chargea avec François de Montauban de Rambanlt, ancien de Gap, de présenter à Louis XIII les plaintes des églises sur les infractions à l'édit de Nantes. Il refusa, malgré l'insistance de Richelieu, de se conformer au cérémonial qui voulait que les députés des églises parlassent au roi à genoux, et sa harangue plut si bien au cardinal-ministre que celui-ci, comme témoignage d'estime, le consulta sur son projet d'union des deux Églises. Amyraut fut nommé professeur en 1633, en même temps que L. Cappel et Jos. de La Place, et se trouva dès lors engagé dans une série de luttes auxquelles on donna beaucoup plus d'importance que la question n'en méritait. Prouvant, comme Caméron, qu'on avait outré la doctrine de la prédestination, il essaya d'en adoucir les angles et de se porter comme médiateur entre les arminiens et les gomaristes, en appuyant toutefois dans le sens orthodoxe. Mais les souvenirs de Dordrecht étaient encore trop récents pour permettre aucun compromis, et Amyraut fut regardé comme suspect par l'école de Sedan, et par les hommes les plus marquants de l'Église, A. Rivet, Spannheim, Heidegger, Du Moulin, Jurieu. etc. Sa théorie, connue sous le nom d'Universalisme hypothétique. et contre laquelle en 1675. c.-à-d. onze ans après sa mort, fut rédigée la formule du Consensus, revenait à dire que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, que tous peuvent l'être par la foi en J.-C.; que Dieu ne refuse à personne le pouvoir de croire, mais que s'il donne à quelques-uns la grâce et le secours nécessaires pour cela, il ne les donne pas à tous, de sorte que ceux qui sont perdus le sont par leur faute, sans pouvoir accuser Dieu de les avoir exclus du salut. On le voit, c'est bien subtil. Amyraut et son ami le pasteur Testard, de Blois, furent dénoncés comme penchant vers le pélagianisme et l'arminianisme, et le synode d'Alençon 1637 fut nanti de plaintes venues surtout du dehors, notamment de Leyde et de Genève. Le synode, dont la majorité ne saisissait probablement pas bien la question, accepta les explications d'Amyraut et de Testard et se borna à leur recommander la prudence, en imposant aux deux partis le silence sur ces problèmes. Même solution à Charenton 1641 et 1645. Peu à peu cependant les idées d'Amyraut firent leur chemin, et malgré les 1856 pages que Spannheim écrivit contre lui sur la grâce universelle, Guill. Riwt, Vincent de la Rochelle, Du Moulin lui-même se réconcilièrent avec lui; le synode de Loudun 1659 lui rendit tout honneur, et lui confia la publication de la Discipline des églises réformées. +8 janv. 1664. D'un caractère ferme et bienveillant, et d'une charité inépuisable, il était estimé et aimé de tous, et si le procureur général lui retira par un arrêt le titre de docteur en théologie (comme à tous les ministres), il ne put lui ôter la considération dont il jouit auprès de Richelieu, de Maza-rin, et de plusieurs notabilités militaires ou de robe du parti catholique. Amyraut a beaucoup écrit et dans toutes les branches de la théologie, sermons, dissertations, commentaires, controverse, etc. Son principal ouvrage est un traité de la Morale chrétienne, premier essai d'un système complet; Saumur, 1652. 6 vol. in-8°.
ANABAPTISTES (rebaptiseurs), désignation inexacte des chrétiens qui, plus ou moins nombreux à diverses époques, refusaient le baptême aux enfants, le regardant comme nul aussi longtemps que la foi ne le justifiait pas; en conséquence ils rebaptisaient ceux qui étaient convertis, n'admettant pas que leur premier baptême eût aucune valeur. C'est à l'époque de la Réformation qu'ils se constituèrent en parti distinct. A côté de vues très justes, ils avaient des tendances mystiques exagérées qui obligèrent les réformateurs à les combattre. Ils voyaient dans la Réforme une œuvre manquée, qui s'était arrêtée à moitié chemin; le respect de la Parole leur paraissait être le culte de la lettre; l'appui de l'autorité temporelle était pour eux l'alliance de Christ et de Bélial; dans la modération et les ménagements dont on usait envers les faibles, ils ne voyaient qu'une coupable complicité. L'Église étant l'assemblage des saints, ils se constituèrent peu à peu, tout naturellement, en une société spirituelle, sur le modèle de l'Église apostolique. Ils eurent des apôtres, ils eurent la communauté des biens, et la misère des temps leur ayant procuré de nombreux disciples parmi ceux qui n'avaient pas le nécessaire, ils se trouvèrent engagés dans la guerre des paysans 1520, sous la conduite de Thomas Mttnzer et de ses amis, et succombèrent avec eux comme parti, lorsque les princes eurent étouffé cette révolte. On a peine à comprendre les inconséquences dont ils se rendirent coupables; ils avaient commencé par l'esprit, ils finirent par la chair; ils condamnaient la guerre et ils firent la guerre; le pillage, le meurtre, la débauche déshonorèrent leurs armées, et Luther les stigmatisa avec la plus grande énergie. Purifiés par l'épreuve, les anabaptistes d'Allemagne renoncèrent à des alliances contre nature et redevinrent ce qu'ils étaient à l'origine, un parti exclusivement religieux, représentant au sein de la Réforme le progrès et la spiritualité. Le Palatinat leur offrit un refuge, pendant qu'ailleurs on continua de les persécuter jusqu'à la mort; ils souffrirent le martyre avec courage, l'n ancien prêtre, amené à la connaissance de TÉvangile par la lecture des écrits de Luther et de Bueer, Menno Simons, exerça sur les sectaires trop fanatisés une salutaire influence, et s'il calma un enthousiasme malsain, il contribua d'autant plus à convertir des âmes et à fonder de nouvelles congrégations. Les églises se multiplièrent. grâce à son zèle vraiment apostolique, et elles finirent par prendre, du nom de leur fondateur, le nom de mennonites, moins compromis que celui d'anabaptistes. C'est sur-ton t dans le nord de l'Allemagne et dans les Pays-Bas qu'elles s'établirent. Un mouvement semblable s'était produit en Suisse, sous la direction de Hubmeier, mais ses excès le perdirent, et Zwingle, qui s'était montré un moment indécis sur la question du baptême des enfants, rompit avec les novateurs. Des discussions publiques, suivant la vieille coutume, tournèrent contre les anabaptistes et paralysèrent leur progrès. En Moravie le parti, soutenu par la noblesse, obtint quelques succès, mais le gouvernement, poussé par les prêtres, persécuta de telle sorte les adhérents des idées nouvelles, qu'ils durent bientôt se disperser et s'enfuir. L'Angleterre d'abord, puis les États-Unis, reçurent un grand nombre de proscrits, et l'anabap-tisroe transporté sur ces terres libres y prospéra. y fit de nombreux prosélytes, mais s'y modifia dans un sens plus spirituel et plus modéré. V. Baptistes, Menno, Jean de Leyde, etc.
ANACHORÈTES (grec: ceux qui se retirent), nom que l'on donna dès les premiers siècles du christianisme à ceux qui abandonnaient le roonde pour travailler à leur sanctification, et qui s'enfuyaient dans les déserts pour y vivre loin des habitations. On peut ranger les prophètes Élie et Élisée, ainsi que Jean-Baptiste, dans cette catégorie. Les persécutions des empereurs firent éclater beaucoup de vocations semblables. Ils demeuraient dans des cavernes de montagnes, pratiquaient l'abstinence, et même s'infligeaient des macérations exagérées pour dompter la chair. Quelques-uns restaient exposés longtemps à la neige et au froid; d'autres s'imposaient pendant des années un silence absolu, s'interdisant même la prière à haute voix; quelques-uns se privaient pendant un long temps de «ommeil ou de nourriture, ou tenaient leurs mains élevées vers le ciel, ou restaient debout sur une colonne, etc. Plusieurs ont eu leurs légendes. L'Inde possède de même ses fakirs. Mais si l'on s'en tient aux anachotëtes, ascètes, ermites ou solitaires plus sérieux, on en voit qui, dans des temps de trouble, ont momentanément abandonné la vie solitaire pour venir exercer sur le monde l'influence de leur caractère ou de leur parole. Télesphore en 128 et saint Denis en 259 furent même élevés au pontificat; Marcion se fit anachorète, quand il quitta l'Église. Un grand nombre sortirent de leurs retraites pour rappeler aux peuples et aux princes leurs devoirs. Julien Sabba fut appelé par Acacius en 370, pour combattre l'arianisme. Thraates parut devant Valens et fit des miracles. Le stylite Daniel, poussé par l'Esprit, vint en 476 à Constantinople pour défendre la foi contre l'empereur Basilisque, qui refusa d'abord de le recevoir et finit par tomber à ses pieds. Les anachorètes forment la transition à la vie monacale; ils se réunirent d'abord dans de petites cabanes isolées, avec une chapelle centrale, et peu à peu s'entendirent pour n'avoir qu'une seule maison avec une règle intérieure très sévère. La première laura (communauté) connue fut fondée en 340 par Chariton à Pharan, non loin de la mer Morte; puis une autre par Eu-thyme, près de Jérusalem, vers 400; puis saint Saba, Quiriacus et d'autres suivirent cet exemple. Cependant la vie solitaire continua d'avoir ses adhérents, et Cassien les place au-dessus des moines vivant en commun. Le Mont Athos renferme encore aujourd'hui des uns et des autres. Le concile de Trull. 692, ordonne que celui qui veut être anachorète fasse d'abord un stage dans un couvent. Plusieurs fondateurs d'ordres ont commencé par être anachorètes, et un couvent du Dauphiné avait coutume de désigner le meilleur de ses membres, pour qu'il vécût solitaire et qu'il se consacrât exclusivement à la prière. — v. Bolteau, Hist. monast. d'Orient; Hélyot, Hist. des ordres monast.
ANACLET 1° ou simplement Clet, grec d'Athènes, disciple de Pierre et successeur de Linus, d'après Irénée; de Clément, d'après saint Augustin; de Clet, d'après saint Jérôme. Donc complètement inconnu (78 à 91). Son martyre est fixé au 26 avril. Hégisippe nomme un Annenclet qui aurait été év. de Rome de 80 à 93.
2° Anaclet II, ou Pierre de Léon, élu pape en 1130, par une partie des cardinaux en concurrence avec Innocent II, fut reconnu par Rome et l'Italie et soutenu par Roger, roi de Sicile, tandis que son rival était reconnu par le reste de la chrétienté. Il fut excommunié par le concile de Pise, 1134, et f 1138. Ses partisans le remplacèrent par Victor IV, qui ne joua aucun rôle.
ANAGNOSTE, v. Lecteurs.
ANAPHORA, portion de la liturgie qui, chez les grecs, répond au canon de la Messe des latins, c'est-à-dire au moment de la consécration des espèces. On désignait aussi sous ce nom le volume qui renfermait la liturgie d&4a Cène.
ANASTASE 1er io pape romain 368-402, combattit les donatistes et se prononça contre Rufin dans les luttes de celui-ci contre saint Jérôme. Il condamna Origène au point de vue dogmatique. Homme pieux, il appelle les Églises chrétiennes des membres de son propre corps; il veut qu'on écoute debout la lecture de l'Évangile dans le culte liturgique, et s'oppose à la consécration ecclésiastique de personnes atteintes de difformités. Le culte des saints commence à poindre. Il réconcilie les orientaux avec l'église de Rome.
2° Anastase II, romain 496-98. Après avoir adhéré d'abord à la condamnation d'Acace, dans une lettre adressée à son homonyme l'empereur Anastase le Silentiaire, il parut plus tard vouloir revenir en arrière, mais il mourut avant d'avoir pu retirer le décret lancé par ses prédécesseurs contre le patriarche eutychien de Constantinople. Il salua avec joie la conversion de Clovis et lui écrivit pour l'engager à agir de telle sorte que l'église de Rome n'eût jamais qu'à se réjouir de cet événement.
3° Anastase Hl, 911-13. pape sous l'ignoble gouvernement des Théodora et deMarrouzia; il subordonne à l'archevêché de Brème celui de Cologne, dont le titulaire a concouru à détacher la Lorraine de l'Allemagne.
4° Anastase IV, 1153-54. lit sa cour à Frédéric 1er. en reconnaissant Wichmann, l'évê-que de Magdebourg. que son prédécesseur n'avait pas voulu reconnaître. Il se montra charitable dans une grande famine, restaura le Panthéon et a écrit un ouvrage sur la Trinité.
5<> Cénobite, connu sous le nom d'Anastase le Sinaïte, qui fut élu évêque et patriarche d'Antioche, fut ensuite banni 572 et f 599. D'autres moines de ce nom et de ce surnom moururent en 606, 609 et 678; on ne sait auquel attribuer quelques ouvrages, d'ailleurs sans grande valeur.
6° Prêtre de Constantinople, ami de Nesto-rius, né 478, le premier qui nia dans un sermon. que Marie fût la mère de Dieu.
7o Persan qui. sous le nom de Magundat, servit dans les troupes de Cosroès. Après sa conversion il prêcha l'Évangile en Assyrie et fut martyrisé 628.
8° Moine, abbé d'un couvent romain et bibliothécaire, fut envoyé par Louis II au concile écuménique de Constantinople 869, dont il traduisit les actes en latin. Il a écrit une Hist. ecclésiastiq. et un Liber Pontificalis, ou Vie des papes jusqu'à Nicolas I«r. f 886.
ANASTASIE, fille d'un père païen et d'une mère chrétienne, fut élevée dans la foi, mais son père la contraignit d'épouser un païen qui lui interdit tous rapports avec ses coreligionnaires. Après la mort de son mari, elle consacra toute sa fortune au bien de l'Église, et fut brûlée pendant la persécution de Dioclétien en Illy-rie 304. Les bollandistes fixent au 25 déc. le jour de sa mort.
ANATHÊME. Les écrivains classiques donnent à ce mot le sens de: offert, présenté à Dieu. Dans le N. T. il s'y joint l'idée de sacrifice: retranché, mis à part, sacrifié. C'était le retranchement de l'Église, l'excommunication, peine tout ecclésiastique, mais qui pouvait entraîner des châtiments et même la malédiction divine. Le mot passa dans ce sens dans le langage ecclésiastique, les conciles d'Elvire 303 et de Laodicée 357 l'emploient pour frapper des délits religieux; celui de Nicée 325 prononce l'anathème contre les propagateurs des doctrines ariennes, et dès ce moment il fut employé couramment dans les sentences des papes et des conciles, jusqu'au concile de Trente et jusqu'au Syllabus.
ANATOLE lo théologien du 3®e siècle, né à Alexandrie de parents chrétiens, était disciple d'Origène. Il avait montré dans sa prédication des talents rares, et obtint les plus grands succès. Nommé évêque de Laodicée en 269, il pro- • pagea hors de l'Egypte les idées d'Origène. On a de lui un traité sur l'époque où il faut célébrer la Pâques, et dix livres sur l'arithmétique.
2<> Un autre Anatole, aussi d'Alexandrie, nommé patriarche de Constantinople 449 sous Théodose. Il entre en rivalité avec Léon-le-Grand, et convoque en 450 le concile de Chal-cédoine où. après avoir condamné l'eutychia-nisme, il fait déclarer son siège patriarcal l'égal de celui de Rouie, malgré les évêques d'Alexandrie et d'Antioche et les légats du pape. Léon menace deux fois Anatole de l'excommunier, mais sur les instances de l'euip. Marcien et sur les explications d'Anatole qui se lava du reproche d'ambition, la chose n'eut pas de suite. Anatole f 458.
ANCIENS v. Presbytériens.
ANCILLON. célèbre famille protestante, née française, que les persécutions chassèrent en Allemagne où elle finit par se naturaliser. 1° Son chef était président à mortier et sacrifia sa charge à ses convictions religieuses. 2° Son fils Georgin fut un des fondateurs de l'église de Metz, il eut pour fils 3° Abraham, « habile en droit. • et celui-ci à son tour fut père de 4<> David Ancillon, né à Metz 1617, étudia d'abord chez les jésuites, ne pouvant le faire ailleurs; vint à Genève 1633 sous Spanheim, Diodati et Tronchin; nommé pasteur à Meaux 1641, où il épousa Marie Macaire de Paris, et où il se lit comme homifieet comme prédicateur une excellente réputation; puis 1653 à Metz, où il resta jusqu'à la révocation 1685. Il dut alors partir, abandonnant au pillage sa riche bibliothèque; fut nommé à Hanau. où il passa un an, puis à Potsdam où le graud-duc électeur Frédéric-
Guillaume l'accueillit avec un affectueux respect. Nommé pasteur à Berlin, il travailla jusqu'à la fin, eut la joie de voir ses enfants établis autour de lui, et + âgé de 75 ans, 1692. On a de lui une Vie de Farel, quelques traités et quelques sermons, ainsi que des Mélanges sur toutes sortes de sujets, publiés par son fils Charles et fort appréciés de Bayle.
5* Charles, son fils, né 28 juillet 1659 à Metz, f à Berlin le 5 juillet 1715; fit ses études de droit à Marbourg, Genève et Paris, plaida contre Louvois la cause des proscrits lors de la Révocation, et suivit sa famille à Berlin, où il fut nommé juge et directeur de la colonie française, puis juge supérieur, conseiller de cour et de lé-gation^ enfin historiographe de Frédéric Ier. Il a écrit trois ouvrages sur la Révocation, une Hist. des réfugiés en Brandebourg, une Hist. de Soliman II, un Éloge de Danckelmann, des Mélanges en souvenir de son père, et quelques autres traités sur différents sujets. Il se recommande par la pensée plus que par le style.
6* Louis-Frédéric, petit-fils de Charles, f le 13 juin 1814, âgé de 70 ans, pasteur, membre de la Soc. royale de Berlin, auteur de quelques Oraisons funèbres, éloges et dissertations.
7° Jean-Pierre-Frédéric, né 30 avril 1767, 119 avril 1837; fils du précédent. Après avoir achevé ses études universitaires sous les yeux de son père, il visita quelque temps Genève, puis Paris, au moment où la Révolution commençait. Nommé pasteur du Werder à Berlin, admis dans l'intimité du prince Henri, d'une éloquence entraînante, il vit sa réputation grandir d'année en année. Mais son aptitude pour les sciences historiques et pour la philosophie devait lui donner une autre célébrité. Il était déjà, depuis 1791, professeur d'histoire à l'Académie militaire; en 1796 il publiait des Considérations sur la philosophie de l'histoire; en 18(M une Iutrod. à l'Hist. des révolutions du système de l'Europe; puis des Mélanges de politique et de littérature. En 1803 il fut nommé historiographe de la Prusse; en 1810 précep-tenr du prince royal (et de l'empereur actuel, Guillaume; puis conseiller à l'Instruction publique et aux affaires étrangères; enfin en 1834 ministre en remplacement du comte de Bernstorff. Son influence dans les conseils fut bientôt prépondérante. Comme caractère il resta modeste, affectueux, un peu faible et toujours très conservateur. Ses principaux ouvrages de politique, de littérature et de philosophie ont été réuuis en une édition en 4 vol. Paris 1832.
8® David, frère de Charles (5°), second fils de David (è°), né à Metz le 2 févr. 1670. f à Berlin le 16 nov. 1723, de la gravelle. Il étudiait à Genève quand son père fut forcé de quitter Metz; il le rejoignit bientôt à Berlin, où il témoigna le désir d'entrer dans l'armée, mais le Grand-Électeur l'en détourna, pourvut à l'achèvement de ses études, le donna en 1689 à son père comme collègue et le nomma son successeur eu 1692. Le jeune ministre avait tout ce qu'il faut pour réussir comme prédicateur, et il réussit. Il fut en outre chargé de plusieurs missions diplomatiques en Hollande, en Angleterre, en Suisse, en Pologne, en Autriche, et finalement à Neuchâtel: il s'en acquitta dignement, et sans jamais oublier qu'il était avant tout un ministre de l'Évangile. Il avait épousé Susanne Meus-nier, de Paris; il en eut douze filles et cinq fils, dont l'aîné fut directeur de l'Hôtel de Refuge; le second, Manassé, pasteur à Prentzlow; le troisième, Alexandre, pasteur à Kônigsberg.
9° Joseph, frère de David (4°), né 1626, avocat, l'orgueil du barreau, eut sa carrière brisée par la Révocation. C est au péril de sa vie qu'il rejoignit son frère à Berlin, où il fut nommé juge supérieur des colonies françaises, et conseiller de cour et de revision. Il est regardé comme le fondateur des justices françaises dans le Brandebourg, v. Haag. — On peut juger par cette seule famille de la perte immense que causa à la France la criminelle folie du vieux roi, et le nom de Metz qui reparait si souvent dans cette biographie appelle bien des réflexions.
ANDERSON, ou Andreœ, Laurence, né 1480, favorisa l'introduction de la Réforme en Suède, fut chancelier sous Gustave Wasa, mais fut condamné à mort sous prétexte de conspiration, v. Petersen. Le roi lui fit grâce de la vie. mais lui retira ses emplois, f 1552.
ANDRÉ, 1° notable protestant du Pont-de-Montvert, persécuté, traqué dans les bois 1685; découvert et tué par les dragons, il mourut en pardonnant à son meurtrier. L'abbé du Chaila s'empara de sa maison et en fit pendant plus de 15 ans le cachot de ceux qu'il ne réussissait pas à convertir. Une attaque de cette maison, la nuit du 24 au 25 juillet 1702, fut le signal de la guerre des Camisards. Cette maison exisle encore et sert aujourd'hui d'auberge. — 2° v. Moser. — 3° v. Sarto.
ANDREÆ, 1° v. Anderson.— 2° Jacques Andréa*, né 25 mars 1528, à Waiblingen, Wurtemberg, f 7 janvier 1590 à Tubingen, où il était professeur et chancelier de l'université, fut un des hommes les plus actifs et les plus décidés de son temps. Fils d'un maréchal (d'où on l'appelait quelquefois Schmidlin), il fit ses études aux frais de la ville à Stuttgart et à Tu-bingue; nommé diacre à Stuttgart à l'âge de 18 ans, il fut chargé de nombreuses missions en France et à l'étranger; écrivit plus de 150 traités ou brochures, presque tous de polémique, qui jettent un jour intéressant sur l'état religieux de l'époque, et prit une part importante à la rédaction de la formule de Concorde q. v. Il fut en correspondance avec Calvin, en relations personnelles avec Bèze, et jouit de la confiance de plusieurs princes; l'emp. Maximilien lui-même lui témoigna une grande estime. Sa lin fut paisible et confiante.
3° Jean-Valentin, né à Herrenberg 17 août 1586, f à Stuttgart 27 juin 1654; petit-fils du précédent, fils de Jean, pasteur à Herrenberg. Ses études achevées, il visita comme précepteur de jeunes nobles, l'Allemagne, la Suisse, la France et l'Italie, puis passa encore quelques années à Tubingue dans l'enseignement. Son premier poste de pasteur fut Baihingen 1614, oïi il passa 6 ans; il fut appelé ensuite à Calw 1620, où il vit toutes les horreurs de la guerre tle Trente ans, la ville incendiée, sa bibliothèque détruite, la population presque anéantie, lui-même complètement ruiné. En 1639 il vint à Stuttgart comme prédicateur de la cour, et fut nommé prélat en 1654. C'était un homme ardent, plein de sens et d'esprit, versé dans tou~ tes les littératures; avec cela bon et dévoué au soulagement de toutes les misères, et qui, pendant la peste de Calw, soignait les malades, ensevelissait les morts et adoptait les orphelins. Herder l'a délini: Une belle âme, comme on en voit peu; et Spener a dit: Si je pouvais ressusciter quelqu'un, c'est Val. Andréa? que je choisirais. pour le bien de l'Église. Il a laissé plus de 100 écrits, en prose et en vers, la plupart peu considérables, mais dont quelques-uns ont fait sensation; entre autres: Menippus, ou une centaine de dialogues satiriques, contre l'orthodoxie morte; Alethœa exul, dans lequel il défend la philosophie et les sciences naturelles contre leurs détracteurs et contre la tendance cabalistique et les excès du mysticisme. Mais sps deux principaux livres sont sa Fama fra-ternitatis. et Judiciorum de fraternitate Rosa-ceœ crucis chaos, 1619, que plusieurs ont pris au sérieux, et qui ne furent qu'une innocente mystification. Il y fait intervenir les 7 sages de la Grèce, Sénèque et Caton, qui exposent successivement leurs vues sur les meilleurs moyens k employer pour le bonheur et l'amélioration morale de l'humanité: ainsi, le partage des biens, la suppression des monnaies d'or et d'argent, la suppression du fer, avec plus juste répartition des emplois publics, etc. Enfin, sur la proposition des sages d'Europe, on décide de s'en tenir aii Code de fraternité qu'un certain Christian, rose-croix, qui fit au 14m<> siècle le pèlerinage du Saint Sépulcre, rapporta de la Terre Sainte, avec une collection de formules magiques. Mais qu'est-ce que c'était que ce contrat d'alliance? Où se trouvait-il? On le chercha partout, sans s'apercevoir que l'auteur avait voulu se moquer des superstitions existantes, et sans comprendre les allusions qu'il avait faites à la Bible comme seule règle de la vie et seule garantie de bonheur. Quoiqu'il eût gardé l'anonyme, on le soupçonna d'être l'auteur de ces écrits, et on l'accusa d'avoir voulu restaurer l'ordre des Rose-croix.
ANE (fête de 1'), célébrée au moyen âge dans plusieurs églises. C'était plutôt un divertissement. où les prêtres et le peuple s'amusaient à braire les différentes parties de l'office, au lieu de les chanter. Un âne y représentait tour à tour l'ânesse de Balaam ou la fuite de l'enfant Jésus en Égypte. Cette cérémonie profane fut supprimée par le parlement.
ANGELA, ou Angèle, v. Merici.
ANGÉLIQUE (la mère), de son vrai nom Jac-queline-Marie Arnauld, née 1591, f 6 août 1661, fille d'Antoine Arnauld q. v. et abbesse de Port-Royal q. v. Aussi distinguée par ses talents qne par ses vertus. Auteur de Lettres, de Mémoires et de Conférences.
ANGÉLIQUES (ordre des), fondé 1530 par Louise Torrelli, comtesse de Guastalla, déjà deux fois veuve à 25 ans. Les religieuses s'engageaient à vivre dans la pureté des anges (de là leur nom; on les appelait aussi Guastallines, d'après leur fondatrice). Elles furent reconnues en 1534 par Paul III, rattachées à la règle de saint Augustin, soumises aux barnabites de Milan, mais sans être obligées à la vie cloîtrée. Elles accompagnaient dans leurs missions les religieux barnabites; aussi, malgré leurs vêtements grossiers, leur croix de bois sur la poitrine, leur corde autour du cou, elles furent bientôt compromises, et pour en finir avec ces scandales, elles furent tenues d'entrer dans des couvents et d'y rester.
ANGILBRET, un des conseillers et secrétaire de Charlemagne, auteur de quelques poésies et de documents sur l'abbaye de Saint-Riquier, où il se retira et dont il devint abbé. Il était de la Neustrie et avait été le premier conseiller de Pépin, roi d'Italie. Ami d'Alcuin. f 814.
ANGILRAM, év. de Metz 768-91, abbé deSe-nones (bénédictins), appelé dès 789 au titre d'archevêque, purement honorifique, car Metz n'était pas une métropole. On lui attribue la continuation de la Chronique de Frédegaire jusqu'en 796, année de sa mort; mais il est surtout connu en droit canon par des chapitres ajoutés aux fausses décrétâtes et qui portent son nom. C'est pendant les luttes de Hincmar de Reims contre son neveu de Laon, que ces statuts ecclésiastiques apparaissent pour la première fois sous le nom d'Angilram; il en existe deux éditions; la 2** paraît seule authentique; elle aurait été remise le 19 sept. 785 à Angilram par le pape Adrien lui-même, lors de son procès relatif à la résidence.
ANGLETERRE. On comprend historiquement sons ce nom, à moins de désignation spéciale contraire, l'ensemble des Iles Britanniques. Des témoignages fort nombreux établissent que le christianisme y fut introduit dès les premiers temps de l'Église, et au 6me siècle on voit ces îles former le centre principal des missions du moyen âge. Les Triades welches, le livre de Gil-das-le-Sage, et l'histoire de Bède-le-Vénérable, sont utiles à consulter pour l'histoire ancienne de la Grande-Bretagne. Une légende, ou une tradition rapporte que lorsque Caractacus. prince breton, vaincu par Claude, fut amené prisonnier à Rome, il y fut converti, ainsi que son père, par l'apôtre Paul (vers 53), et que lorsqu'il leur fut permis de retourner en Angleterre, ils y devinrent les premiers prédicateurs de l'Évangile. Vers 180, on trouve Lucius qui fonde â Llandaff la première église chrétienne. Des persécutions éclatent vers 303, et l'on cite les noms de trois martyrs, Alban, Jules et Aaron. Au concile d'Arles, on compte déjà 3 évêq. bretons. Le moine irlandais, Pélage. date de 400; l'Irlande est appelée l'Ile des saints. Mais les pirates Anglo-Saxons détruisent presque en entier l'œuvre de l'Évangile. Augustin, avec quelques moines, l'y ramène en 600, mais les Danois viennent encore une fois fouler aux pieds ce champ des missions, et ce n'est qu'après l'an 1000, sous les règnes de Suénon et de Canut-le-Grand qu'on peut considérer l'île comme décidément conquise à la foi chrétienne. C'est Guillaume le Conquérant, 1066, qui, en mettant fin aux rivalités des différentes familles royales, constitua l'Angleterre dans les conditions d'unité qu'elle a gardées dès lors. Mais pendant longtemps deux courants différents se firent sentir dans la direction de l'Église, l'un représentant l'indépendance nationale, l'autre la soumission à Rome. Les fidèles au nom d#e la foi, les rois au nom de leurs droits, résistèrent aux empiétements ultramontains, mais Jean-sans-terre dut se soumettre à Innocent III, 1213, et ses successeurs ne purent recouvrer que par une lutte incessante, quelques parcelles de leurs prérogatives, jusqu'au moment où la dynastie desTudor, en la personne de Henri VIII, proclama la Réforme, qui ne consista d'abord qu'à faire passer entre les mains du roi l'autorité du pape. Comme acte politique, cette revendication de liberté fut hautement acclamée, mais le côté religieux de la Réforme ne prévalut que lentement et Henri VIII fut plutôt le persécuteur que le protecteur de l'Église. Son fils Édouard VI. chrétien vivant, prit la Réforme au sérieux, mais il mourut jeune et laissa le trône à sa sœur, Marie-la-Sanguinaire. qui ralluma les bûchers et releva les échafauds; Latimer, Ridley, Cranmer, Saunders, Bradfort, Leafe, Elisabeth Folkes, et des centaines d'autres, furent brûlés par ses ordres, pendant que Wishart, Hamilton et un grand nombre de martyrs étaient suppliciés en Ecosse. Sa sœur Elisabeth. fille d'Anna Boleyn, lui succéda, 1558, et s >n avènement fit toutes choses nouvelles. C'est à cette grande reine qu'on peut rattacher le triomphe définitif de la réforme en Angleterre, dans les conditions modérées qu'elle a adoptées. L'esprit catholique essaya sans doute plus d'une fois, par ruse ou par force, de reprendre ses positions; il faillit réussir au 17me siècle, grâce aux Stuart, Jacques 1er et Charles 1er, mais l'opinion publique se souleva et le protectorat de Cromwell mit fin à ces velléités de réaction. Les Stuart rappelés s'étant montrés incorrigibles, furent remplacés, 1689, par la maison d'Orange qui avait donné des preuves éclatantes de son attachement aux doctrines de la Réforme. L'Église anglicane demeura la religion nationale officielle, mais la liberté de culte fut accordée aux églises indépendantes, sauf à l'égl. catholique dont on avait trop éprouvé la puissance d'intrigues; ce n'est qu'en 1829 qu'elle est rentrée dans le droit commun. Déjà avant Henri VIII, sous l'influence des écrits de Wicleff et de Luther, le besoin d'une réforme se faisait vivement sentir. Tynda1,Bilney et d'autres, venaient de traduire le N. T., et leurs adeptes se multipliaient. Le roi et le cardinal Wolsey,son favori, se montrèrent hostiles à ce mouvement et persécutèrent les fidèles. Mais en dépit de toutes les prohibitions, la Bible circula et fit son œuvre habituelle. Quand le roi proclama sa réforme, il mécontenta les catholiques, mais il ne contenta pas ceux qui demandaient une réforme plus complète et plus évangélique et qui auraient voulu purifier l'Eglise de tous ses restes de catholicisme. De là le nom de Puritains qui leur fut donné; on les appela aussi Non-conformistes à cause de leur refus de se soumettre à l'Acte d'uniformité de 1562, qui prétendait couler toutes les croyances et les cérémonies dans un même moule. Lrts uns restèrent dans l'Église pour travailler à sa régénération, les autres se constituèrent en Églises indépendantes et furent affreusement persécutés. En Écosse ils prirent le nom de Covenantaires q. v., et le 24 août 1560 un parlement libre réuni à Édimbourg, abolit l'autorité papale, révoqua les lois portées contre la religion réformée, et déclara le presbytérianisme la religion nationale.
ANGLICANE (Église). Au moment oii la Réforme se produisait avec le plus d'éclat sur le continent, et oti le besoin d'une réforme se faisait le plus vivement sentir en Angleterre, l'attachement du peuple à son église traditionnelle était encore assez puissant pour que l'on pût douter du succès d'un mouvement religieux. Déjà plusieurs avaient payé de leur vie leur
tentative, lorsque le roi et plusieurs membres de la noblesse, sous l'influence de leurs passions, rompirent avec le pape et avec l'Église romaine; Henri VIII, parce que le pape s'opposa à son divorce avec Catherine d'Aragon; les nobles, par déférence pour les caprices du souverain, et parce qu'ils comptaient s enrichir des dépouilles des couvents et des abbayes. Telle fut l'origine extérieure et matérielle de cette Église qui. sans rompre avec l'Eglise universelle, prit le nom de nationale, ou anglicane, par opposition au nom de romaine qui rappelait des traditions, une histoire, et surtout une dépendance dont elle voulait s'affranchir. Ce fut donc avant tout, dans son principe, une œuvre politique. Mais il ne suffisait pas de rompre, il fallait réorganiser, et pour justifier la mesure qu'il avait prise, le roi (lut la colorer de quelques réformes, mais le moins nombreuses possible. 11 avait à tenir compte à la fois des vœux de ceux qui demandaient une réforme, et de l'opposition de ceux qui n'en voulaient point. De là le caractère de compromis qui frappe dans la constitution de cette Église. L'archev. Cranmer, qui devait périr plus tard sous Marie, fut un de ceux qui prirent la part personnelle la plus active à la réforme, pendant que le roi et ses amis s'occupaient surtout de s'approprier les biens des (160) couvents. dont les revenus seuls dépassaient le chiffre de huit millions. Après quelques alternatives de prospérité sous Edouard, de persécutions sanglantes sous Marie. l'Église anglicane fut définitivement constituée sous Élisabeth, mais sans être cependant acceptée de tous; les puritains et les presbytériens ne cessèrent de demander des réformes plus radicales. L'Église anglicane compte environ 25 millions d'adhérents, dont 15 dans les Trois-royaumes; les autres sont disséminés dans le Canada, aux États-Unis, aux Indes, et partout où flotte le drapeau britannique. 11 est toutefois difficile d'en affirmer le nombre exact. En Angleterre même, la moitié de la population est anglicane; l'autre moitié se compose de dissidents sous toutes les formes. depuis les baptistes jusqu'aux catholiques. Riîunie à l'État, salariée et privilégiée, dans la plupart des colonies anglaises, cette Église est indépendante dans d'autres et vit de contributions volontaires. Ses principaux livres de piété sont: un Catéchisme, extrêmement court, clair et précis, qui part de l'idée que l'enfant a été baptisé; le Livre des Homélies, ou sermons, que l'on attribue généralement à Cranmer. mais auquel d'autres ont travaillé, notamment Latimer et Ridley. et qui devait suppléer dans le temps à l'ignorance des prédicateurs ou à leur pénurie; les XXXIX articles, et le Prayer-Book ou recueil liturgique. Les 39 articles furent rédigés * d'abord par Cranmer, avec l'aide de Ridley, en
1551; il y en avait primitivement 42; ils furent publiés en latin et en anglais en 1553. Une revision eut lieu en 1562, en latin; c'est alors qu'ils furent réduits à 39. En 1571 ils furent votés par les deux chambres en latin et en anglais. Les originaux, signés par les membres du parlement périrent dans l'incendie de Londrest mais l'exactitude du texte n'a jamais été contestée. Ce document, plus bref que la plupart des confessions de foi protestantes, se rapproche le plus, pour la doctrine, de celles de l'Eglise réformée, au point qu'on a cru y reconnaître l'influence de Calvin; pour le Canon des Écritures, pour le baptême et pour la confession, elle se rapprocherait cependant davantage de Luther, et les arminiens eux-mêmes y trouvent des articles qu'ils peuvent signer; de sorte que si la réforme anglaise a été un compromis entr* le passé et le présent, on peut dire que les 39 articles sont un compromis entre les diverses tendances protestantes. Quant au Book of Com-mon Prayer, c'est le manuel liturgique de l'Église anglicane; il renferme les chants, les prières, les lectures et toute l'ordonnance du culte; on le lit dans les familles, chacun l'apporte au temple pour pouvoir suivre et même réciter les prières avec le ministre. Il fut rédigé en i548 par Cranmer et quelques autres théologiens, sur la base des anciennes liturgies de Bangor, York. Salisbury, et avec l'aide des travaux de Bucer et de Mélanchthon. L'acte d'uniformité lui donna force de loi 1549. Quelques changements y furent introduits en 1552; d'autres en 160\ et en 1662. Ce livre est la fidèle expression de la foi de l'Église; on y trouve des traces d'uni-versalisme. des restes du catholicisme, et parfois l'empreinte de passions politiques. On pourrait croire que l'attachement des Anglais pour ce volume dût nuire à leur respect pour la Bible, mais les faits sont là pour établir le contraire, et aucun peuple n'a fait pour la propagation de l'Écriture autant que l'Angleterre.
L'Église anglicane a conservé l'épiscopaL comme plusieurs autres Églises protestantes, les moraves, les wesleyens, les luthériens en certains endroits, mais en insistant plus que les autres sur l'idée de la succession apostolique, ce qui la rapproche du catholicisme. Elle reconnaît, avec une foule de subdivisions, trois ordres principaux dans l'Église, les évêques, les pasteurs et les diacres; il y a en outre des chanoines pour le service des cathédrales, des doyens et des archidiacres. Les évêques siègent a la chambre des lords comme barons du royaume. L'archevêque de Cantorbéry a le titre de primat; il est le premier pair et membre du Conseil privé; les évêques l'assistent comme employés. doyen, chancelier, etc. C'est lui qui a le privilège de couronner le roi, l'archevêque
d'ïork vient en second, et couronne l'épouse da roi. II est également membre dti Conseil privé. L'un et l'antre passent avant les ducs. I/>s évêques suivent immédiatement les vicomtes. Les prélats irlandais sont lords tour k tour, chaque fois un archevêque et 3 évêq. Les évê-qaes des colonies peuvent être nommés directement par les ar^hevêq., sans l'intervention de la couronne, mais leur titre ne vaut que dans te colonies. Celui de Jérusalem est nommé alternativement par la reine d'Angleterre et par
roi de Prusse.
On a dit de l'Église anglicane, que sa doctrine était protestante et ses formes catholiques. Ce contraste explique les nombreuses sécessions qui ont eu lieu dans son sein k diverses époques, tantôt dans le sens d'un protestantisme plus arcentué. tantôt, et de nos jours surtout, dans U sens du catholicisme. On distingue en fait, sinon officiellement, trois pnrtis dans l'Église d'Angleterre: la Low church, qui est plus protestante. plus évangélique, moins attachée aux formes; la Broad church, ou Église large, qui tient surtout à l'établissement comme tel. k l'ap-pii de l'État, k ses richesses et k ses privilèges, et qui est assez latitudinaire en matière de doctrine; enfin la High church, la haute Église, qui attacha une plus grande importance aux termes catholiques du culte qu'à son caractère évangélique; elle accentue l'épiscopat. la succession apostolique, les sacrements, le rituel, (lette dernière tendance a toujours existé, mais elle a pris un développement extraordinaire de-pois environ 40 ans sons l'influence du Dr Pu-s*y; elle est connue sous les différents noms de pméime d'après son plus ardent défenseur; de trwtarianisme, k cause des « Traités pour le temps » par lesquels elle se révéla d'abord; de rituali&me. à cause de son penchant pour les manifestations extérieures et les cérémonies du culte, cierges en plein midi, processions, prières pour les morts, etc. Le résultat le plus net de ce mouvement a été la conversion franche au catholicisme de quelques-uns de ceux qui s'étaient laissé entraîner sur cette pente. Posey n'a pas abjuré, mais plusieurs de ses collaborateurs. Les protestants ont essayé de réagir contre ce danger; malheureusement, avec tout son appareil de fonctionnaires, l'Église anglicane ne possède aucune autorité réelle, le souverain n'étant que le chef nominal et politique de l'Église, les archevêques n'ayant aucune compétence en dehors de leurs diocèses, chaque évêque ne relevant que de lui-même, et les pasteurs ou recteurs jouissant d'une assez grande indépendance relative. La législation qui règle les rapports de l'Église avec l'État est si compliquée, que des sentences rendues par des évêques sont restées à l'état de lettre morte. Des conférences fraternelles, mais sans caractère officiel, ont réuni, sous la présidence de l'ar-chevêq. de Cantorbiry. jusqu'à 76 prélats; des résolutions générales ont été prises, et quoiqu'elles n'aient pas force de loi, elles sont de nature k fortifier les rapports des églises entre elles. D'autres conférences ont eu lieu entre des ministres et des prélats anglicans et des dignitaires de l'Église grecque, tendant k établir des communications entre ces deux grandes branches de la société chrétienne.
Les revenus de l'Égl. anglicane s'élèvent k plus de cent millions de francs, il répartir entre 18.000 ministres, 25 évêques et 2 arehev. L'ar-chev. de Cantorbéry reçoit à lui seul 375,000 fr. et possède le patronage de 177 bénéfices. Mais si la richesse est un moyen d'influence, elle présente aussi bien des dangers, dont le moindre est de faire du ministère une profession lucrative et une carrière.
En Irlande l'Église a cessé depuis le 1er janvier 1871. et grâce ît M. Gladstone, d'être unie à l'État. Elle comptait 2 archev. (Armagh et Dublin). 10 évêques et 2000 ministres, pour environ 600.000 anglicans. Les revenus étaient de plus de 15 millions (en capital 400 millions). Cette somme a été diminuée de moitié; le reste a été affecté k des établissements de charité, et l'Église a reçu la liberté en échange de ses privilèges. Sa seconde gloire, a dit M. Gladstone, sera plus grande que sa première.
ANHALT. petite principauté allemande, enclavée dans la Prusse, et datant de 1211. A l'époque de la Réformation, l'abbesse Elisabeth de Weyda fit venir Etienne Molitor 1521. qui prêcha hardiment l'Évangile et mit lin à bien des abus. Il fut puissammeut secondé par le noble et généreux prince Wolfgang, et ensuite par le* trois grands frères, les princes Jean, Georges et Joachim. Ce dernier hérita des enfants de ses frères, mais après lui la principauté se partagea en 4 branches, Dessau. Bernbourg, Kœ-then et Zerbst. Wolfgang, qui appartenait à une première branche, fut l'intime ami de Luther; il protesta à Spire 1529, signa la confession de foi d'Augsbourg 1530, pleura au lit de mort de Luther, et resta fidèle jusqu'à la fin, ■f 1566
ANICET, 11eme évêque de Rome, 157-168, martyr sous Marc-Aurèle. C'est pendant son pontificat que la différence qui existait entre l'Église d'Orient et celle d'Occident sur le jour où l'on célébrait la Pâque, attira pour la première fois l'attention; v. Polycarpe. Ces deux hommes, animés d'une vraie piété, n'en restèrent pas moins, malgré cette divergence, en communion fraternelle et célébrèrent ensemble la sainte Cène, Polycarpe se conformant dans cette circonstance aux habitudes de l'endroit où il se trouvait, tout en maintenant le mode oriental comme seul apostolique.
ANNATES. On appelait ainsi la redevance que payaient au pape les évêques nouvellement élus. Peu à peu on les a confondus avec les servitia communia, les présents offerts au con-sécrateur par le consacré. Comme en définitive tout remonte au pape, les deux offrandes ont fini souvent par n'en faire plus qu'une. Les annates payables directement au pape représentaient en moyenne un semestre de traitement; les servitia, payables aux évêques, une année entière. Plusieurs fois les conciles eurent à s'occuper de la question des annates qui avaient donné lieu à de nombreux abus, notamment le concile de Bâle. L'usage prévalut peu à peu de négocier avec le pape et de lui offrir une somme ronde, un peu inférieure au revenu réel de la place. Un décret du parlement les a supprimées en France 1789.
ANNE, v. Comnène.
ANNEAU du pêcheur. Chaque évêque, en entrant en charge, reçoit un anneau, symbole de son mariage avec l'Église. Le pape reçoit un anneau semblable, sur lequel est gravée la pêche miraculeuse de saint Pierre.
ANNIVERSAIRES. Dès le second siècle les églises se mirent à solenniser les anniversaires de la mort des martyrs. L'usage s'étendit et les familles célébrèrent le souvenir de la mort de leurs membres. De là les fêtes des saints, et les riches offrandes faites en ces occasions. Comme les riches seuls pouvaient faire d'abondantes aumônes aussi multipliées, on institua pour les pauvres la Fête des Morts, ou de Toutes-Ames, le 2 nov., et l'on y rattacha l'idée de messes pour délivrer les morts du purgatoire.
ANSBACH, margraviat des environs de Nuremberg, embrassa de bonne heure la Réforme sous l'influence de Casimir f 1527, qui demandait seulement que l'Évangile fût prêché, et laissant subsister d'ailleurs toutes les cérémonies catholiques. Son frère Georges, qui lui succéda, se montra plus énergique, rompit avec toutes les traditions romaines et résista même à l'empereur. Il fit partie de la ligue de Smal-calde. f 4343.
ANSCHAR. v. Ansgar.
ANSÉGISE io fils de l'évêque Arnulf, de Metz, 7'ûs siècle, et père de Pépin d'Héristal. — — 2o d'une famille noble de Bourgogne, élevé dans un couvent des environs de Lyon, passa dans le diocèse de Rouen, où il avait un parent abbé, se fit moine vers 787. devint successivement abbé de Saint-Germer de Flay 807, de Luxeuil 817 et de Fontenelle 823. Charlemagne l'appela à sa cour à Aix-la-ChapeHe, le nomma intendant de ses bâtiments sous Eginhardt, et lui confia diverses missions difficiles, notamment en Espagne. Outre plusieurs écrits de théologie qu'il fit faire par ses moines, on lui doit le premier recueil des capitulaires de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, en 4 livres, 827. Ce volume a fait sa réputation, f 20 juill. 833. — 3° Inconnu jusqu'en 870 on voit alors un Anségise abbé de Saint-Michel, ambassadeur à Rome pour le compte de Charles-le-Chauve. Ayant obtenu de Jean VIII qu'il couronnât Charles empereur 875, il reçut l'archevêché de Sens et devint l'instrument le plus actif de la papauté contre le clergé français et le conseiller intime du roi. Jean VIII le nomma 876 primat de l'Église franque et vicaire général du siège apostolique, en dépit des archevêques et de Hincmar en particulier, qui écrivit contre lui et ne voulut le reconnaître que comme métropolitain. Il ne jouit qu'un an de ses dignités, car Charles qui la lui avait procurée mourut l'année suivante. Au sacre de Louis-le-Bègue il n'apparaît que comme simple archevêque, et au concile de Troyes 878 l'arch. de Reims a de nouveau le pas sur lui. f 25 nov. 882. On inscrivit sur sa tombe Primus Gallorum papa, mais aucun de ses successeurs ne revendiqua ce titre. — 4° Évêque de Troyes entre 925 et 959, partit plusieurs fois contre les Normands, fut chassé de son diocèse en 959, le recouvra, grâce à l'arche v. de Cologne, et par ses connaissances lui donna les reliques de saint Patrocle.
ANSELME 1° savant et pieux théologien du 11m® siècle, surnommé de Cantorbéry, du nom de son archevêché. Né 1033 à Aoste, d'une famille lombarde illustre, il voulut de bonne heure entrer dans la vie monastique, mais son père l'en détourna et le lança dans le monde. Redevenu libre après plusieurs années de dissipation, il se rendit au couvent du Bec, Normandie, pour y étudier, s'y fit recevoir moine à l'âge de 27 ans, en fut nommé successivement prieur, puis abbé 1078; fit, dans l'intérêt de son couvent, plusieurs voyages en Angleterre, pendant lesquels il forma d'aimables et hautes relations, et gagna l'estime de Guillaume I^ dans les choses temporelles, comme il possédait celle de Grégoire VII en matières spirituelles. Appelé, lors d'un nouveau voyage, à l'archevêché de Cantorbéry, il n'accepta, après de longues hésitations, que parce qu'il s'agissait de défendre les droits de l'Église contre l'arbitraire tyrannique de Guillaume II. Mais bientôt il dut s'enfuir, passa quelques années en exil, tantôt à Rome et aux environs, tantôt à Lyon, employant ses loisirs forcés à la composition de traités de théologie sur les sujets les plus importants de la foi, et maintenant toujours l'autorité absolue du pape et du clergé en fait de doctrine. Henri W le rappela à la mort de son frère, mais Anselme ayant refusé le serment 1103, dut de nouveau reprendre le chemin de l'exil jusqu'au moment où, par un commun accord, le roi renonça à son droit d'investiture par la crosse et l'anneau, et le pape Pascal 11 céda sur la question du serment. Dès lors Anselme ne cessa de jouir de la confiance la plus absolue de son souverain qui, une fois même, pendant une absence prolongée, lui confia la régence du royaume. Mais tout en soccupant des prérogatives et des droits de l'Église et spécialement de l'Église d'Angleterre dont il défendit l'indépendance vis-à-vis du pape lui-même, il travailla à la réformer dans ses laïques et dans son clergé; il fit observer surtout le célibat ecclésiastique et la discipline des mœurs dans les couvents. Son activité s'étendait sur les trois royaumes et même au delà, mais les soucis*matériels et administratifs ne l'empêchèrent jamais de mettre la piété personnelle au-dessus de tout le reste. Sa vie était rigoureusement ascétique. Il f à l'âge de 75 ans, 26 avril 4109. — On l'a souvent comparé a saint Augustin. Il est généralement considéré comme le père de la scolastique et l'initiateur de ce mouvement des esprits qui pendant plusieurs siècles réagit seul en Occident contre la torpeur dont la pression romaine menaçait les consciences et les intelligences. Ses principaux ou>rages sont: un Dialogue sur la grammaire; un Monologue sur Dieu: Cur Deus homo (pourquoi Dieu s'est-il fait homme?), traité sur la rtdemption; un Traité sur la foi, ou l'Incarnation du Verbe; un sur la Procession du Saint-Esprit, des Méditations, des Prières, des Lettres, etc. Foncièrement catholique et prêtre, il s'élevait au-dessus des préjugés de son Église et de son temps, même quand il les partageait, v. Ch. Rémusat, Anselme, etc.
2° Evêque de Havelberg, envoyé à Constan-tinople par Lothaire II, 1135, connu surtout par sa tentative pour amener un rapprochement entre les Églises grecque et latine. Sa controverse avec Nicétas, archev. de Nicomédie, est aussi remarquable par la modération de la forme que par la vigueur des arguments. Il la rédigea 1145 sur la demande d'Eugène III, à Rome, et fait aux Grecs d'importantes concessions.
3* Anselme de Laon, étudia au Bec sous le grand Anselme, puis à Paris. Il ouvrit ensuite dans sa ville natale une école qui devint célèbre et compta Abélard parmi ses disciples. Archidiacre, il refusa plus d'une fois les fonctions épiscopales, pour pouvoir se livrer tout entier à l'enseignement, f 1117. Il est surnommé l'Éco-iâtre et aussi le Docteur des docteurs. Sa Vul-gate interlignée a donné une fâcheuse direction à l'exégèse du moyen âge.
AKSGAR, ou An*cAar(=Oscar?) l'apôtre du Jiord, né 801 dans le nord de la France d'une famille distinguée, étudia au couvent de Corvey (Corbie), Picardie, et se consacra de bonne heure à l'œuvre des missions. Parti en 826 pour le Jutland. avec son ami Autbert et avec Harald, l'ancien roi du Hadeby (Schleswig), il dut en 829 renoncer à tout espoir de succès immédiat. Il se rendit en Suède sur l'appel d'Eric Bjôrn, roi du pays, et après bien des vicissitudes et des dangers, il arriva à Birka 830; il y fut accueilli les bras ouverts, et un grand nombre. nobles ou esclaves, se convertirent à sa voix. Dans une diète présidée par l'emp. Louis 831, il fut nommé archev. de Hambourg, se rendit à Rome, et fut confirmé en cette qualité 834 par Grégoire IV. Ebbo de Reims lui donna pour coadjuteur un sien neveu, Gautbert, qui fut sacré èvêque de Suède, et pendant quelques années la mission parût prospérer. La plus grande partie du Holstein professait le christianisme, quoique les îles danoises, sous l'intluence du roi Gorm, restassent les ennemies de la nouvelle foi. Mais les rois du Jutland et de la Suède s'unirent pour une descente sur les côtes du continent, pillèrent tout, jusqu'à Paris, et ruinèrent Hambourg; l'église, le couvent, la bibliothèque d'Ansgar. furent livrés aux flammes et son troupeau dispersé ou réduit en esclavage, 845. Lui-même trouva un refuge à 3 milles de là. Les pirates persécutèrent aussi les chrétiens de Suède; Nidhart fut tué; Gautbert emprisonné, puis exilé. Tout était à refaire. Ansgar se remit à l'œuvre avec courage 847; il fut placé 850 à la tête des évêchés réunis de Brème et de Hambourg et reprit ses missions dans le nord. Le missionnaire Ardgar et le gouverneur Hérigar f 852. obtinrent des succès considérables, et Ansgar, chargé d'une mission de l'emp. Louis, vint avec son ami Rimbert (qui fut plus tard son historien), traiter lui-même avec le roi Olaf des conditions de la nouvelle église. Il y installa Erimbert et ses compagnons et repartit 856 pour son vaste diocèse. Il s'occupa de former des ouvriers fidèles et capables, combattit jusqu'à la fin le commerce des esclaves, en racheta un grand nombre, s'occupa des pauvres, des malades, des étrangers, et mérita par son activité, non moins que par son humilité et son désintéressement, d'être mis au rang des saints, f à Brème le 3 févr. 865. Sa vie se passa dans les austérités de la règle de saint Benoit; il ne se nourrissait que de pain et d'eau, et travailla de ses mains à faire des filets, aussi longtemps qu'il le put. La tradition lui prêta des miracles, mais il dit lui-même: « Si j'étais digne que Dieu fît pour moi un miracle, je lui demanderais de faire de moi un homme parfait. » La principale église de Brème porte encore aujourd'hui le nom de saint Anschar.
ANSO. moine du couvent de Lobbes (Lau-biensis). en fut l'abbé entre 776 et 800, et maintint les droits de son couvent qui ne tomba qu'en 889 sous la présidence de l'évêque de Liège. Il a écrit plusieurs biographies, qui ont uté utilisées par les bollandistes ou reproduites par Mabillon. C'était un homme intègre et actif, mais il n'a guère de valeur scientifique.
ANTÈRE, ou Anthère, pape inconnu, 235; mis à mort après un mois de règne, dit la légende, parce qu'il voulait qu'on fit un recueil des Actes des martyrs.
ANTHIME. v. Agapet 1<>.
ANTHROPOMORPHISME. On désigne sous ce nom tout essai de représenter Dieu sous une forme humaine, comme étant limité dans l'espace, ayant un extérieur, des dimensions, une ressemblance, des traits, des organes, des yeux, des bras, une bouche, etc. L'esprit de l'homme, incapable de contempler ce qui n'a pas de formes, donne involontairement à Dieu certaines formes, les siennes; mais ce même esprit redresse naturellement ce qu'il y a de faux dans cette représentation de la pensée et convient qu'il n'y a là qu'une simple adaptation à la faiblesse de sa nature. Il en est de même de l'an-thropopathisme, assimilation de Dieu à l'homme quant au sentiment, comme si Dieu était susceptible de jalousie, de colère, de vengeance, de repentir, etc. Les religions païennes sont toutes tombées dans ce double excès; le judaïsme et le christianisme l'ont évité au point de vue de l'enseignement et comme dogme, et c'est d'une manière tout à fait symbolique qu'ils emploient le langage de l'anthropomorphisme pour faire comprendre la relation de Dieu avec l'homme par l'analogie des choses connues. S'il y a erreur dogmatique à donner à Dieu, esprit pur, une forme quelconque, l'Écriture autorise par son langage une assimilation purement symbolique et de convention. Une secte d'anthropo-morphites fit quelque bruit au siècle; ils s'appelaient aussi Audiens, du nom d'Audi us leur chef, prêtre sévère et intègre de la Mésopotamie, qui flagella un clergé corrompu; ayant été maltraité par des prêtres, il sortit de l'église avec quelques amis, se fit consacrer évêque et fut exilé par l'empereur en Scvthie où il continua de prêcher jusqu'à sa f 372. Il s'appuyait de divers passages de l'A. T., pris à la lettre, et notamment de Gen. 4, 26, pour attribuer à Dieu la forme humaine. La secte, laborieuse et pure, mais tournant à l'exagération, s'éteignit au ome siècle.
ANTIDICOMARIANITES. Epiphanes appelle ainsi ceux qui, vers la fin du 4®* siècle, et sans former une secte à part, niaient la virginité perpétuelle de Marie et commençaient une sorte de réaction contre le culte de la Vierge. Ils n'étaient pas nombreux, parce que la mariolatrie n'existait encore qu'en germe. Ils eurent pour adversaires les Collyridiens, qui adoraient la Vierge et lui offraient des gâteaux, ou collyres: petite secte arabe, qui dura peu.
ANTIENNE, v. Antiphones.
ANTILÉGOMÈNES. C'est ainsi qu'Eusèbe, dans un fragment qui n'est pas très clair, désigne certains écrits apostoliques, reconnus comme tels par le plus grand nombre d'églises et d'écrivains, mais contestés, ou plutôt non connus de l'universalité. C'étaient 2 Pierre, 2 ou 3 Jean, Jaques et Jude, que leur caractère ou leur peu d'étendue, peut-être aussi leur contenu, avait empêché d'être aussi répandues que les autres. S'il les oppose aux Homologoumènes, reconnus de tous, il les oppose aussi aux No-tha, aux illégitimes, inauthentiques, édifiants peut-être, mais non apostoliques, tels que le Pasteur d'Hermas, les Actes de Paul, les Constitutions apostoliques, et aux écrits mauvais, entièrement rejetés, comme les faux évangiles de Pierre, de Thomas, les Actes d'André, etc.
ANTINOMIANISME (opposition à la loi). Plusieurs assertions de Luther et de Mélanchton. exagérées dans la forme, contre la valeur de la loi de Moïse, contre l'A. T., et contre les bonnes œuvres, poussèrent Agricola à exagérer davantage encore, et à établir une contradiction dogmatique là où il n'y avait à l'origine qu'une succession et un développement historique. Au lieu de voir dans l'Évangile l'accomplissement de la loi, il voulut y voir son entière abolition. 11 insista sur la justification par la foi seule, et quand il entendit, 1527, les deux réformateurs, dans leurs visites d'églises, recommander aux pasteurs la lecture, l'explication et l'observation des 10 commandements, il protesta contre ce qu'il appelait une chute, leur rappela leurs pro près paroles et leur reprocha leur inconséquence. Dans une conférence tenue à Torgau, décembre 1527, on s'expliqua, Agricola maintenant que la foi doit précéder la repentance. et les réformateurs concédant que sous le nom de repentance on peut comprendre aussi la foi. Le calme succéda momentanément à la guerre, mais comme Mélanchthon l'écrivit à Jonas, Agricola paraissait plutôt vaincu que persuadé. La dispute éclata de nouveau en 1537 à l'occasion de thèses, d'ailleurs modérées et fraternelles, qu'il publia en arrivant à Wittenberg pour y enseigner comme professeur. Mais si les thèses étaient modérées, les développements en étaient passionnés. Luther y répondit par quatre conférences, plus tard suivies d'une cinquième 1559, dans laquelle il malmena Agricola en l'assimilant à MUnzer. Mais Agricola fut appelé à Berlin comme prédicateur de la cour par le duc de Brandebourg, qui travailla et réussit à réconcilier les deux amis, déc. 1540. Après la f de Luther, Flacius essaya de ranimer le débat, mais Agricola n'y prêta pas les mains. Ses ennemis renouvelèrent leurs attaques en 1562, à propos d'un sermon sur Luc 7, 37-49, mais encore sans succès. D'autres prêchèrent après lui l'antinomianisme, Amsdorf, Otton de Nordhau-sen, jusqu'au moment où la Formule de Concorde les réduisit au silence, en établissant que la loi est faite pour réveiller les consciences, et qne l'Évangile qui peut les réveiller aussi, doit en même temps les consoler en les amenant à la foi. Le protestantisme était d'autant plus obligé de combattre l'antinom, que ses adversaires ne se faisaient pas faute de lui reprocher de mépriser les bonnes œuvres. Du reste l'antin. qui n'est qne l'exagération de la doctrine évangéli-que sur l'affranchissement du chrétien, a été de tous les temps. Il y a eu des antinomiens chez les pins fervents comme chez les plus relâchés; les baptistes anglais de 1689 penchaient vers Fantinomianisme, et aujourd'hui encore plusieurs sectes en sont atteintes. Leur grande erreur est d'opposer la Loi à l'Évangile, quand l'Évangile fait le contraire. Cette question, en théorie, peut n'être parfois qu'une dispute de mots entre chrétiens qui s'entendent au fond; dans la pratique elle peut avoir de dangereuses conséquences.
ANTIOCHE, v. Dict. Bibl. Cette ville célèbre. située sur l'Oronte en Syrie, devint de bonne heure comme une seconde capitale de la chrétienté, et servit de centre aux fidèles après que Jérusalem eut été détruite. Elle eut en outre l'avantage, comme métropole, d'être plus libre dans ses allures et dégagée de l'influence judaïsante. Elle compta parmi ses évêques Ignace et Chrysostome et vit plusieurs conciles se réunir dans ses murs; en 252 contre les no-vatiens, trois au sujet de Paul de Samosate, un en 341 au sujet des controverses ariennes (qui confirma les décrets de Nicée, moins le mot homoousias), etc. Ses théologiens, dans les discussions monophysites, s'appliquèrent à trouver un moyen terme, en distinguant les deux natu-res, mais sans les séparer. L'invasion de l'islamisme mit fin, 637, à l'influence qu'Antioche exerçait sur la chrétienté. A l'époque des croisades, Boëmond de Tarente s'en fit une principauté. Antioche est peut-être après Jérusalem et Damas la ville qui a été le plus souvent détruite et qui a le plus souffert de la peste, de la famine, de l'épée, du feu et des tremblements de terre; l'un des derniers et des plus violents a eu lieu le 13 août 1821 et a complété l'œuvre des siècles. Antakieh ne compte plus guère aujourd'hui que 8 à 10,000 habitants. — On désigne sous le nom d'École d'Antioche, ou plus exactement École de Syrie, une école célèbre, fondée au commencement du 4^6 siècle à Antioche et qui ne tarda pas à former autour d'elle en Syrie d'autres institutions semblables, notamment à Edesse. C'étaient des théologiens qui se livraient avec zèle à l'étude des saints Livres, et dont la tendance exégétique était également éloignée d'un littéralisme étroit et de la manie allégorique de certains commentateurs. Une critique indépendante et la distinction des deux natures en Christ caractérisent surtout cette école, dont Dorothée et Lucien furent les chefs, et qui compta parmi ses disciples Théodore d'Héraclée, Eusèbe d'Emèse, Cyrille de Jérusalem, Apollinaire de Laodicée, Ephrem d'Edesse, Diodore de Tarse, enfin Chrysostome, Théodore de Mopsueste et même Kestorius.
Il faut distinguer encore dans l'histoire de l'Église une autre Antioche, sur le Méandre, en Carie; résidence épiscopale, où se réunirent en 365 et 378 deux synodes relatifs à l'aria -nisme.
ANTIPHONES, chants alternés, ou double chœur, dont le second reproduisait comme un écho, mais dans un autre ton, ce qu'avait chanté le premier. C'est de là probablement que s'est formé le mot d'antienne. On attribue d'ordinaire à Ambroise l'introduction des antiphones, mais à tort. Ce mode était plus ancien, déjà connu des Grecs, et presque certainement des Hébreux, comme l'indique le contenu de plusieurs psaumes. Ambroise le réforma, le régularisa, et le vulgarisa. Il ne faut pas confondre les antiphones avec les répons; quoique l'effet musical fût quelquefois le même, le sens ne l'était pas; l'un était une répétition de la pensée, l'autre en était le complément.
ANTITACTES, nom commun à plusieurs sectes gnostiques, basilidiens, valentiniens, etc. ainsi qu'aux carpocrates qui, regardant la matière comme la source de tout mal, ne pensaient pas pouvoir mieux lui témoigner leur mépris qu'en tuant le corps par tous les excès possibles et en foulant aux pieds, sciemment et volontairement, la loi qui était l'œuvre du démiurge, pour bien constater que leur esprit était au-dessus de la chair.
ANTITRINITAIRES, v. Unitaires.
ANTOINE, !• célèbre religieux qui fut, après Paul de Thèbes, l'initiateur de la vie monastique. Né 251 à Coma, d'une riche famille de la Thébaïde, il ne reçut qu'une culture incomplète, sa tendance contemplative l'ayant toujours dé^ tourné de l'étude du grec. Mais il goûtait la Parole de Dieu et savait même la lire dans le grand livre de la nature. Ayant entendu un jour l'histoire du jeune homme riche, il se dépouilla de tous ses biens et n'en garda que ce qui lui était strictement nécessaire pour vivre, lui et sa sœur. Une autre fois il entend ces paroles: Ne vous inquiétez de rien; il se décide alors à se dépouiller de ce qui lui reste, confie sa sœur à une association de jeunes chrétiennes, et va s'établir seul en face de la maison paternelle, vivant de son travail et donnant aux pauvres le surplus de ce qu'il gagnait. Mais cette espèce d'oisiveté relative avait ses dangers et toutes les tentations l'assaillirent, sans parler môme de l'orgueil spirituel. Il se vit entouré de dénions sous diverses formes et se battit avec eux. Il crut remédier au mal par plus d'ascétisme encore et se retira dans une grotte solitaire au pied d'un rocher, où il pratiqua un jeûne excessif, mais les démons l'y maltraitèrent tellement qu'on le rapporta presque mort dans son village. Il vécut ensuite dix ans dans les ruines d'un vieux château de montagne, ou de saines occupations mirent fin au règne des démons. Il était devenu le conducteur spirituel d'un grand nombre de jeunes ascètes, dont les cellules peuplaient le désert autour de lui, et l'on accourait de tous côtés pour l'honorer ou pour le consulter. Il reculait toujours plus avant dans le désert, mais la foule l'y suivait, on lui amenait des malades pour qu'il les guérit et il prêchait avec force. Dans les occasions solennelles et importantes il reparaissait dans le monde; on le vit en 311 à Alexandrie, lors des persécutions de Maximin, exhortant les fidèles à persévérer; puis en 325 il apparut de nouveau pour combattre l'arianisme. Sa présence produisait toujours un grand effet. Respecté des païens, et même honoré des empereurs, il f 356 à l'âge de 105 ans, n'ayant cessé de croître en renoncement à lui-même et en humilité. Ne nous affligeons pas de nos fautes, disait-il, comme si nous n'étions pas rachetés, mais soyons toujours joyeux, afin que le Malin qui nous fait broncher s'enfuie. Sévère envers lui-même, il était indulgent pour les autres. Avant de mourir il ordonna de tenir secret le lieu de sa sépulture, pour enlever tout prétexte à une recherche superstitieuse de ses restes. On a de lui 7 lettres, une Règle et des Sermons. Plusieurs de ses disciples fondèrent des couvents en Libye et dans la Haute-Égypte; l'un d'eux, Hilarion de Tamata, en fonda un à Gaza en Palestine. La vie monastique, importation de l'Orient, était décidément installée dans l'Église chrétienne. — La vie d'Antoine a été écrite par Athanase, qui a reproduit sans les discuter les faits et les légendes qu'il avait recueillis, s'en rapportant peut-être au sens critique de ses lecteurs pour faire la part du réel et de l'imaginaire, de l'objectif et du subjectif, dans la description des luttes du saint contre les démons; il est possible cependant qu'il ait admis lui-même la réalité de ces combats.
2o Antoine, dit de Padoue, parce que ses reliques sont conservées dans cette ville, est l'un des plus illustres successeurs de François d'Assise. Né à Lisbonne 1195 de parents nobles, il reçut une éducation distinguée et se fit religieux dès l'âge de 15 ans. Après une tentative man-quée pour l'évangélisation des Maures d'Afrique, il fut poussé par une tempête en Italie où il se fit bientôt remarquer par sa science comme théologien et par ses talents comme prédicateur. La légende porte même que les poissons se dressaient près du rivage pour l'entendre. Successivement professeur à Bologne, Toulouse, Montpellier et Padoue, il finit par se vouer uniquement à la prédication. Il s'opposa à l'adoucissement de la règle de saint François, que le second général de l'ordre, Élie, damandait d'accord avec un certain nombre de custodes. Provincial de la Romagne, il renonça à ces fonctions dans ses dernières années et f Padoue 1231. Il a laissé quelques sermons et une Concord. morale de la Bible, de peu de valeur.
3° Antoine de Lebrixa, Andalousie. 4444-1522, littérateur espagnol, un des plus utiles collaborateurs de la Bible polyglotte du cardinal Ximénès.
4° Antoine (Marc-) de Dominù, né 1556 à Arbe, Dalmatie; de la famille des Théobald de Plaisance, étudia chez les jésuites de Padoue et fut employé par eux comme professeur de mathématiques et de philosophie. On dit même qu'en dépit du cardinal Aldobrandini, il se lit secrètement recevoir membre de l'ordre. Il fut nommé évêque de Segni, archev. de Spalatro, primat de Dalmatie, par l'influence du cardinal Borghèse, qui désirait l'éloigner de Rome où il était trop intime avec plusieurs grandes dames. Les négociations entre Rome et Venise l'amenèrent à étudier de plus près l'histoire de la constitution de l'Église. La rencontre qu'il fit de deux Anglais, lui inspira des doutes sur les doctrines de Rome. Assez mal reçu par le pape, censuré par l'inquisition, il partit pour l'Angleterre, où il publia une brochure latine, avec l'exposé de tout ce qu'il ne croyait pas: sacrifice de la messe, transsubstantiation, purgatoire, confession, culte des reliques, etc. Il abjura 1616 dans la cathédrale de Saint-Paul, et Jaques 1er lui donna de riches bénéfices. Toutefois on ne se fiait pas à lui. L'archevêque de York étant mort, il postula la place 1618, et ne l'ayant pas obtenue, il quitta l'Angleterre. Il se refit catholique en traversant Bruxelles, dut faire pénitence à Saint-Pierre de Rome, la corde au cou, reçut l'absolution après de rudes épreuves, mais resta toujours suspect d'indifférentisme ecclésiastique. Arrêté de nouveau 1623 pour quelques paroles imprudentes, il fut enfermé au château Saint-Ange, où il f 1624, vraisemblablement assassiné. Son corps fut traîné dans les rues, brûlé par le bourreau, et ses cendres jetées dans le Tibre. On a de lui un Traité de la république chrétienne, contre le pape; une édition anglaise de FHist. du conc. de Trente, de Sarpi; quelques opuscules, et un curieux traité de 1611 De radiis visu* et lucis, dans lequel, au milieu de beaucoup d'erreurs, il émet le premier une juste explication de l'arc-en-ciel.
5° L'ordre de Saint-Antoine. Vers 1070 sévissait en France une maladie que le peuple avait baptisée du nom de Feu sacré (sacer mor-bus), ou feu de Saint-Antoine. Plus tard, un gentilhomme du Dauphiné, Gaston, voyant son fils atteint de ce mal, se rendit en pèlerinage à Saint-Didier, près Vienne, Provence, où l'on conservait les reliques du saint (?), et fit vœu, si son fils se rétablissait, de consacrer au saint toute sa fortune pour la fondation d'un ordre spécialement chargé de soigner ce genre de maladies. L'enfant guérit, le père tint sa promesse, ouvrit un hôpital, obtint le concours de huit compagnons, fut autorisé par Innocent III à bâtir une église 1208; Honoré III leur permit de prononcer des vœux 1228, et Boniface VIII les reconnut comme chanoines réguliers sous la règle de saint Augustin. Ils portaient une robe noire, semée de T bleu de ciel, cf. Ezéch. 9, 4, et une petite clochette au cou lorsqu'ils faisaient la quête. Le peuple leur offrait chaque année un cochon, animal que l'on croyait, à cause de ses rapports avec les démons (Matt. 8), être plus particulièrement consacré à saint Antoine. L'ordre se répandit en Allemagne, en France et en Italie; mais à l'époque de la Réformation il était tombé en un complet discrédit; il se fondit au 45"* siècle dans l'ordre de Malte et fut supprimé avec lui, 1789.
ANTONIENS, pelite secte bernoise, ainsi nommée d'après son fondateur Antoine Unternâhrer, né 1761 dans l'Entlibuch, Lucerne, et élevé catholique. De marmiton il voulut devenir peintre; puis menuisier, marchand ambulant, médecin. enfin théologien. Il se prenait pour une seconde incarnation de Dieu, s'établit à Amsol-dingen près de Thoune, 1799, prêcha toutes les libertés, enseigna que le seul mal était de distinguer entre le bien et le mal; que le seul bien était l'amour, surtout l'amour des femmes, composa une quinzaine de brochures, la plupart anonymes, se fit mettre plusieurs fois en prison ou exiler, et f à Berne 1824. Il avait réuni autour de lui quelques disciples, surtout dans les cantons de Berne, Lucerne. Argovie et Zurich, mais la secte lui survécut peu.
ANTCKNIN 1° le Pieux, né à Lanuvium l'an 36, adopté par Adrien, et son successeur au trône 138-161, fut un des meilleurs empereurs romains, et mérita d'être surnommé le Père de la patrie. Il disait qu'il aimait mieux sauver un citoyen que voir périr mille ennemis. Les chrétiens eurent aussi part aux douceurs de son règne, quoique le fanatisme des prêtres réussit encore parfois à faire parmi eux de nouvelles victimes, entre autres l'év. Publius d'Athènes. Il les défendit dans un décret remarquable contre l'absurde imputation d'être responsables des fléaux publics, tremblements de terre, inondations, famines, etc. C'est vers la fin de son règne que parut l'Apologie de Justin martyr. II eut pour successeur Marc-Aurèle.
2® Antonin, né 1389, dominicain 1405, bientôt prieur, puis vicaire-général, s'occupa de réformes, travailla au concile de Florence 1439 à la réunion avec les grecs, fut nommé arche v. de cette ville en 1446 et f 1459. Canonisé 1523. Distingué par son intelligence et par sa largeur d'esprit, il ne le fut pas moins par son caractère et sa générosité. On a de lui un Manuel de théologie morale, une Summa confessionalis, et un Abrégé d'histoire où il reconnaît entre autres que la donation de Constantin n'est pas à l'abri de toute contestation.
3° v. Marc-Aurèle.
APELLÈS, v. Marcion.
APHTHARTODOCÈTES, ceux qui enseignaient l'incorruptibilité du corps de rChrist. une des nombreuses sectes issues du monophy-sitisme; on les nommait aussi julianistes, du nom de Julien, évêque d'Halicarnasse, qui avait suggéré cette idée. L'emp. Justinien I les déclara orthodoxes, mais sa f 565 mit fin à la secte et à la controverse.
APION, Égyptien de l'oasis, qui passe pour un Alexandrin parce qu'il étudia à Alexandrie sous Apollonius ,et Didyme. Il vint à Rome et enseigna sous Tibère, Caligula et Claude. C'était un fort travailleur, versé dans la littérature grecque, éloquent, bon dialecticien, mais très vaniteux. Il se vantait d'assurer l'immortalité de ceux à qui il dédiait ses livres, et tous sont perdus, il n'en reste que des fragments conservés pour la plupart dans les écrits de ses adversaires. Son livre contre les juifs a provoqué la réfutation de Josèphe contra Apionem, qui seule a sauvé son nom de l'oubli. Il avait aussi écrit sur Homère, et une Hist. d'Égypte.
APOCRISAIRES, délégués officiels des patriarches auprès des empereurs, et leurs intermédiaires naturels pour les communications et présentations, depuis l'époque où les empereurs devenus chrétiens se crurent le droit d'intervenir dans les questions d'organisation ecclésiastique. L'év. de Rome eut lui-même son apocri-saire à Constantinople pendant un certain temps.
APOLINAIRE, Claude, évêque d'Hiérapolis en Égypte, contemporain de Méliton, apolo-gète et adversaire du montanisme, 160-80; écrivain fécond, d'une belle culture hellénique.
De tous ses ouvrages qui furent fort répandus: aux Grecs, aux Juifs, de la Vérité, de ia Piété, Apologie adressée à Marc-Aurèle, il ne reste plus que des fragments incomplets. Comme il est fait mention dans l'Apologie de la pluie accordée à la Légion foudroyante, et qui sauva l'armée de Marc-Aurèle, 174, l'Apologie est nécessairement postérieure à cette date.
APOLLINAIRE 1<> VAncien, né à Alexandrie de parents païens, vers la fin du 3n»e siècle. D'abord rhéteur et grammairien, il embrassa le christianisme. Après avoir professé à Béryte et à Laodicée, il fut ordonné prêtre dans cette dernière ville et s'y maria. Ses relations avec des rhéteurs païens le firent exclure de l'Église, mais il ne tarda pas à y être réintégré après avoir fait pénitence. Il écrivit de nombreux ouvrages en vers et en prose, qui presque tous sont perdus.
2® le Jeune, fils du précédent, né à Laodicée, surpassa son père. Il enseigna successivement à Béryte et à Laodicée, puis fut diacre dans cette dernière ville 335. Ses rapports avec le rhéteur païen Libanius et avec Epiphane le firent exclure de l'Église comme son père, mais il fut bientôt réintégré comme lui. Plus tard il eut encore des démêlés avec son évêque à propos de ses relations avec Athanase. Apollinaire avait pris une part active à la rédaction du Symbole de Nicée. Quand l'arianisme triompha, il partagea la disgrâce d'Athanase, mais cela dura peu. En 362 il fut nommé évêque de Laodicée. Julien l'Apostat était alors sur le trône, et avait enlevé aux chrétiens le droit d'enseigner dans les écoles de grammaire et de rhétorique; pour subvenir à cet inconvénient, les deux Apollinaire écrivirent des livres élémentaires, des Dialogues, des Hymnes, des Odes, etc. sur des sujets d'histoire sainte ou des sujets profanes à l'usage des écoles. Sozomène compare ces œuvres aux chants d'Homère. Plus tard, niant qu'il y eût rien d'humain dans l'âme de Christ, il fut accusé de sabellianisme et condamné par plusieurs conciles, notamment par celui de Rome 381. Il mourut fort avancé en âge, vers 390. Littérateur, poète, savant et éloquent, instruit en hébreu, Apollinaire écrivit beaucoup, entre autres des ouvrages d'exégèse. De toutes ses œuvres il ne reste qu'une Interprétation des Psaumes, en vers, et une tragédie, le Christ souffrant (Paris 1552 et 1580).
3° Sidoine Apollinaire, auteur et poète latin, né 431 à Lyon, d'une des principales familles de cette ville. Il se destina d'abord à la carrière militaire, fut en grande faveur à Rome et protégé par l'empereur Avitus son beau-père, ainsi que par Majorien et Anthémius; devint successivement préfet du prétoire, patrice, sénateur, et remplit en plusieurs circonstances les fonctions d'ambassadeur. En 472, quoique laïque et marié, il fut nommé évêque de Clermont-Fer-rand; après avoir refusé quelque temps, il se décida cependant à accepter. En 475 les Goths attaquèrent Clermont; Sidoine se resouvint de ses talents militaires et les mit vaillamment an service de la ville, qui cependant fut prise et détruite, f entre 482 et 488. Il a laissé 9 livres de Lettres, précieuses pour la connaissance des mœurs ecclésiastiques du temps, et 24 poëmes, panégyriques, épithalames, etc. Ses œuvres ont été trad., assez mal. par Sauvigny, 1786, et mieux plus tard, 1836, par Grégoire et Col-lombet. H. B.
APOLLONIA, vierge; diaconesse; probablement d'un certain âge, qui souffrit le martyre 249 à Alexandrie pendant les persécutions de Décius. Connue par une lettre de Denys à Fabien d'Antioche. Elle reçut tant de soufflets et si violents, que ses dents tombèrent. Puis conduite devant le bûcher, on la menaça de l'y jeter, si elle ne maudissait pas son Christ. Après avoir paru se recueillir quelques instants, elle se leva et se précipita elle-même dans le feu. Il est probable qu'elle redoutait des outrages pires que (a mort. Quelques écrivains ont voulu établir par cet exemple, qu'il était permis aux chrétiens de se soustraire aux supplices par le suicide dans les temps de persécution. Augustin croit au contraire qu'Apollonia a pu agir ainsi par une impulsion secrète de l'Esprit, sans que cela puisse faire règle pour d'autres. L'exemple de Samson ne prouve pas davantage. Les catholiques invoquent Apollonia, ou sainte Apolline, contre les maux de dents.
APOLLONIUS 1° de Thyane, mage, philosophe et thaumaturge célèbre de la fin du 1er siè-cle, né à Thyane en Cappadoce, de la secte de Pythagore, voyagea beaucoup, visita l'Euphrate, Babylone et les Indes, puis la Grèce et l'Italie, s'instruisant partout, arrachant à chaque peuple quelques parcelles de vérité. Il faisait des cures merveilleuses, et on lui attribuait le don de seconde vue. Chassé de Rome par Néron, il retourna en Orient, se lia avec Vespasien, ouvrit à Éphèse une école pythagoricienne, et l'on raconte qu'il s'interrompit au milieu d'une de ses leçons pour dire: t Courage, Stephanus, tue le tyran. • C'était le moment même où Domi-tien périssait à Rome. Il f à Éphèse en 97 dans un âge avancé. Son ami fidèle Damis a écrit ses mémoires, qui ne parurent d'ailleurs, par les soins du sophiste Flav. Philostrate, qu'un siècle plus tard, singulièrement ornés de fables et de commentaires incroyables, et certainement dans une intention polémique. Son ascétisme, se» connaissances prodigieuses, ses actes, les persécutions qu'il eut à subir, sa doctrine, sa mort même, qui est plutôt décrite comme une assomption, sont racontés de manière à établir forcément un parallèle avec Jésus-Christ. Baur a voulu y voir un premier essai de syncrétisme, comme si le rhéteur païen avait voulu établir qu'il y a du bien dans toutes les religions, et des grands hommes chez les païens comme chez les chrétiens. Rieckher pense au contraire qu'il y a eu là une attaque indirecte contre le christianisme, et que l'auteur s'est proposé en glorifiant Apollonius de détourner de Christ l'attention des masses en leur présentant le spectacle d'un païen possédant toutes les vertus et tous les pouvoirs.
2° Écrivain du 2"* siècle, qui écrivit contre le montanisme; cité par Eusèbe et par Jérôme.
3° Sénateur distingué, respecté des chrétiens de Rome à cause de sa culture scientifique et philosophique, prononça un discours en leur faveur devant le sénat, et f 186 martyr sous l'empereur Commode.
APOLOGÈTES, Apologétique, Apologie.—Dès les premiers temps du christianisme, la doctrine et les faits chrétiens ont été un signe auquel le monde devait contredire, Luc 2, 34. On l'a attaqué dans son berceau, on l'a poursuivi jusqu'à la croix, et pour cette guerre impie toutes les armes ont paru bonnes, la violence et le mensonge, la moquerie et la raison. De bonne heure aussi les disciples comprirent que c'était leur devoir de défendre leur foi et d'en aflBrmer les motifs. Le mot dont se sert saint Paul Act. 22, i, signifie défense; il se retrouve 22, 16. et ailleurs comme verbe dans le même sens. C'est le même mot aussi qui est employé Luc 12, 11. 21, 14 pour: se défendre devant les tribunaux. Enfin l'apôtre recommande aux fidèles 1 Pier. 3, 15 d'être prêts « pour toute apologie. » Dans un sens les chrétiens doivent donc être tous des apologètes, mais il est clair aussi que cette tâche incombe plus particulièrement à ceux que leurs dons, leurs talents et leur position a davantage qualifiés pour cela. Le mot d'Apologie désigne la défense proprement dite, par parole ou par écrit, et celui d'Apologétique désigne la science qui expose les principes d'après lesquels, suivant les temps et les circonstances, la défense doit être entreprise et conduite. La défense dépendra naturellement toujours du genre des attaques; il pourra même survenir tel cas où le chrétien se rappellera qu'il ne faut pas jeter les perles devant les pourceaux; mais en général la réponse est un devoir. Les premiers chrétiens n'y ont pas manqué, et comme les accusations étaient politiques et entraînaient après elles des persécutions, la défense le fut de même, et s'appliqua à prouver le caractère inoffensif des chrétiens et leur soumission aux lois. Plus tard on attaqua le côté moral du christianisme et ses principes; les calomnies abondèrent; il fallut les repousser. Il fallait se défendre tantôt contre les juifs, tantôt contre les païens et chaque fois le point de vue changeant, la défense devait se placer sur un terrain différent. Vis-à-vis des juifs en particulier, il fallait prouver que le Christ était bien le Messie annoncé par l'A. T., et les apologètes dépassèrent parfois le but par une exégèse pressurée et par l'abus de l'interprétation allégorique. Il reste peu de chose des exégètes de la primitive Église. Eusèbe cite une Adresse de Quadratus et d'Aristide à Adrien; des fragments de Miltiade, Méliton de Sardes et Claude Apolinaire sous Marc-Aurèle. L'époque d'An-tonin-le-Pieux fut féconde en écrits de ce genre; ainsi les deux Apologies de Justin Martyr, Tatien le Syrien, Athénagore, Théophile d'Antioche, Hermias; en Occident Tertullien, Minutius Félix, Cyprien; en Afrique Arnobe et Lactance. Plus tard le côté scientifique commence à prévaloir; Origène répond à Celse, Mé-thodius à Porphyre, Eusèbe de Césarée à Hié-roclès. L'apostasie de Julien amène dans la lice Cyrille d'Alexandrie et Grégoire de Naziance. Puis viennent Théodoret, Augustin, Orose; au 9m© siècle Agobard de Lyon, au 13m® Raymond Martin; puis Anselme, Savonarole, Vivès, jusqu'au moment où la Réformation, en créant un esprit nouveau, imprime à l'apologétique un nouveau caractère, dont Duplessis-Mornay. Amyraut, Grotius, Pascal sont les représentants les plus remarquables. Aux 17et 18™* siècles les déistes, les naturalistes, les philosophes, les libres-penseurs, sont combattus en Angleterre par Boyle, Richard Baxter, Clarke, Locke, Le-land, Lardner, Addison. etc.; en France par A. Turretin, Abbadie, Guénée, Jaquelot, Ver-net, Bonnet et même Rousseau. De nos jours enfin les attaques les plus diverses ont été repoussées par des hommes et par des arguments également divers et de valeurs bien différentes, depuis Châteaubriand jusqu'à Erskine, Chal-mers, Sack, Schleiermacher, Tholuck, Bruch, Frayssinous et Vinet. — Le nom d'apologètes est cependant employé d'une manière plus spéciale en parlant des pères des premiers siècles, v. Viguié.
APOSTASIE, abandon de la foi, du latin apostatare, violer, transgresser. Délit purement ecclésiastique, qui se punissait naturellement par l'excommunication, et quelquefois suivant les temps et Jes circonstances, exposait le délinquant à des peines plus graves et plus matérielles, de la part soit de l'Église, soit même de l'État. Les catholiques romains donnent aussi le nom d'apostats (a supererogatione) aux religieux qui abandonnent leur ordre sans autorisation et aux prêtres qui rentrent dans la vie laïque (Talleyrand, etc.) L'apostasie a fide (de la foi) a toujours été considérée comme la plus grave, et dans les premiers temps de l'Église, elle l'était en effet par son caractère, le reniement public du nom de Christ, et par ses conséquences, le retranchement définitif de la communion de l'Église, au moins jusqu'à l'article de la mort. 6n comprend qu'à une époque de persécutions, l'attention fût davantage éveillée sur ce point; les païens tenaient à constater avec éclat leur victoire, et l'Église ne tenait pas moins à constater sa réprobation; le nom d'Apostat était ainsi devenu une injure. Les passages de l'Écriture qui se rapportent à ce sujet sont surtout Hébr. 3,12. 6,4-9.10,26-29. Pier. 22, 15-21. Luc 12, 9. 2 Jean 9. On distinguait ceux qui. devenus chrétiens, retournaient au judaïsme, et ceux qui retombaient dans le paganisme; on distinguait aussi ceux qui désavouaient le Livre, ceux qui sacrifiaient aux idoles, et ceux qui allaient jusqu'à maudire Jésus-Christ... mais on comprend que ces nuances dans l'apostasie dépendaient beaucoup plus des bourreaux que des victimes. De grandes controverses eurent lieu, surtout au 3m<> siècle, sur la conduite à tenir avec les apostats, qu'on appelait alors fajm,les tombés; de nos jours, et dans les pays dits chrétiens, l'apostasie n'a plus de raisons pour s'afficher, ni par conséquent l'excommunication pour sévir; il n'y a guère que l'Église catholique qui recoure encore de temps en temps à ce procédé, et seulement contre des prêtres qui l'abandonnent, ou contre des gouvernements qui compromettent ses intérêts. mais même alors l'excommunication n'a pas de suites fâcheuses, à moins que l'Église ne soit maitresse absolue. L'Écriture sainte annonce pour les derniers temps une apostasie finale et générale, l'abandon de la foi par ceux mêmes qui en auront conservé les apparences, et le triomphe momentané d'une incrédulité prodigieuse sous le règne de l'Antéchrist.
APOSTOLIQUE (Symbole), ou Credo. Vénéré dans l'ancienne Église au point qu'Ambroise et Rufin lui assignent pour auteur, sinon Jésus-Christ lui-même, du moins les douze apôtres, ce vieux document de la foi chrétienne s'est formé peu à peu. Il eut pour point de départ la formule du baptême, la foi aux trois personnes de la Trinité, et il se développa au fur et à mesure que le besjin s'en faisait sentir, soit comme explication, soit dans un intérêt polémique au point de vue des questions contemporaines. C'était la règle de la foi; les pères la reproduisent souvent, mais avec de nombreuses variantes. L'art, relatif à la Rémission des péchés y est introduit en vue des lapsi qu'un parti trop rigoureux refusait de réadmettre dans l'Église. D'autres articles visent les gnostiques. On croit que c'est saint Augustin qui rédigea le Credo sous sa forme actuelle, sauf la Descente aux enfers et la Communion des Saints, qui n'y furent insérés que plus tard, vers la fin du 5®« siècle, v. Viguié, Coquerel et Nicolas. Incomplet, quant à la valeur de la Bible et à l'œuvre rédemptrice de J.-C.,ce symbole est admis par l'Église catholique et par la plupart des EgL protestantes comme le résumé le plus ancien et le plus authentique des affirmations et de la foi chrétiennes.
APOSTOLIQUES (Canons). On entendait par là d'une manière générale les règles laissées par les apôtres, telles qu'on les trouve dans leurs écrits et dans la tradition; puis, dans un sens plus restreint certains recueils, ou collections^ où ces règles étaient récapitulées. L'un de ces recueils, comprenant 85 règles, est spécialement désigné sous ce nom, tantôt à part, tantôt comme appendice des Constitutions apostoliques. Il est cité pour la première fois dans les actes du concile de Constantinople 394, puis à Éphèse 431 et à Chalcédoine 451. Il était généralement reconnu à la fin du 5me siècle. L'Église grecque l'admet comme authentique, et Jean de Damas n'est pas loin de lui donner la même autorité qu'aux écrits de Paul. L'Église d'Occident n'a reconnu comme apostoliques que les 50 premières de ces règles, et encore difficilement. Ces canons forment un corps à peu près complet de discipline ecclésiastique, à l'usage du clergé. On a lieu de croire que c'est en Syrie que la collection s'est formée. D'autres collections, plus anonymes encore et postérieures, jouissent d'une beaucoup moins grande autorité.
APOSTOLIQUES (Constitutions), en grec Didascnlia, enseignements; recueil de maximes et de directions ecclésiastiques, en huit livres; n'est mentionné pour la première fois d'une manière positive que par Epiphane. vers 400; une fois dès le dernier des canons apostoliques, plusieurs fois dès le 6m« et le siècle. Ce recueil n'a jamais été reconnu dans l'Église d'Occident, surtout à cause des interpolations dont il fourmille. L'Église grecque a été moins difficile, mais c'est dans l'Église épiscopale d'Angleterre qu'il a trouvé, avec quelques réserves, le plus de faveur. Stapleton, Pearson, Whiston le font remonter, les uns aux apôtres, sinon à J.-C. lui-même, les autres à Clément de Rome, et presque tous le regardent comme antérieur au concile de Nicée. Les six premiers livres, d'après Rothe, forment un tout et constituent la base du recueil; ils auraient été écrits par un judéo-chrétien, peut-être un ébionite, en Syrie, vers la fin du 3*ne siècle. Le 7 me livre formerait également un tout distinct; il donne des directions pour la vie chrétienne et l'action de grâces; on y trouve quelques traces de sabellia-nisme, qui mettraient sa composition entre 300 et 325. Enfin le 8™ livre, qui a pu dans l'origine servir de rituel aux évêques, renferme divers formulaires liturgiques, et le style en est plus précis, plus bref, que celui des livres précédents: les chap. 4 et suiv. se retrouvent à part dans plusieurs mss. sous le titre de: Directions des saints apôtres touchant l'ordination, par Hippolyte (évêque vers la fin du 2m« siècle). Mais il est difficile de dire si l'auteur des Constitutions s'est approprié l'ouvrage d'Hippolyte, ou si c'est au contraire un extrait du 8®« livre qu'on a publié plus tard en le plaçant sous le patronage d'Hippolyte. On possède, en plus ou inoins bon état, des versions syriaques, arabes et éthiopiennes des premiers livres des Constitutions. La meilleure édition est celle de Cotelerius, Amsterdam, 1724.
APOSTOLIQUES (Frères), secte de la fin du 13m« siècle. Elle prit naissance dans la Haute-Italie, et resta inoffensive aussi longtemps que l'Église s'abstint de la persécuter. Gérard Sega-relli son fondateur, était d'Alzano. près Parme, et ouvrier. Mécontent de tout ce qu'il voyait dans le monde et dans l'Église, et probablement aussi mauvais ouvrier, il voulut entrer dans l'ordre des franciscains, mais fut refusé. Un tableau, qui représentait les apôtres nu-pieds et nu-tête, le frappa et il se décida à imiter la vie pauvre des premiers disciples; il réussit même à s'adjoindre quelques compagnons, et dès 1260, ayant liquidé le peu qu'il avait, il se mit à parcourir le pays en prêchant la repentance. L'évêque de Parme le fit arrêter en 1280, mais n'ayant rien trouvé d'hérétique en lui, il se contenta de le faire surveiller comme maniaque; en 1286 il le bannit de son diocèse. Honoré IV interdit toutes les réunions qui ne seraient pas spécialement autorisées, et Nicolas IV. 1290, renouvela cette défense. De ce moment date l'opposition avouée de Segarelli contre la hiérarchie et contre Rome qu'il traite de Babylone; le pauvre homme n'était pas de taille à lutter. Arrêté en 1294, il ne put se sauver qu'en se rétractant: il fut brûlé comme relaps en 1300. Son œuvre fut continuée parDolcino, q. v., intelligence beaucoup supérieure, et survécut même à ce dernier, puisqu'on voit des synodes les condamner, à Lavaur, Provence 1368, et Narbonne 1374. Cette secte, qui avait une tendance plutôt morale que théologique, s'allia plusieurs fois avec les fraticelles et les béghards; des manifestations du même genre sont fréquentes au moyen
APOTRES (Symbole des), v. Apostoliq.
APPEL, moyen de droit accepté dans l'Église catholique, avec effet suspensif. C'est en 347, au concile de Sardique, et sur la proposition des évôques Osius et Gaudence, qu'il fut décidé pour la ire fois qu'un évêque condamné pourrait en appeler au primat de Rome. Cette décision ne fut cependant pas admise généralement. En 404 la faculté d'appel fut restreinte aux causes majeures, mais étendue en ce sens que ce n'étaient pas les évêques seuls qui avaient le droit d'en appeler, mais toutes les personnes qui se croyaient lésées. Plusieurs passages du faux Isidore établissent que les évêq. peuvent en appeler au pape pour tout; qu'ils ne peuvent être jugés que par le pape et non par des tribunaux épiscopaux pour les choses graves; que les actions intentées contre les évêques, à propos de quoi que ce soit, grave ou non grave, ne peuvent être jugées que par le pape; enfin, qu'il peut être fait appel au pape par tout le monde et à propos de n'importe quelle cause; en un mot, que si le pape n'était pas nécessairement le juge dans toutes les causes, il était certainement le juge en dernier ressort. Ce fut la règle dès le 12®* siècle; Alexandre III et Innocent III la confirmèrent et la développèrent. Aussi le nombre des appels à Rome alla tellement en augmentant, que l'excès amena une réaction; les conciles de Constance et de Bâle s'appliquèrent à restreindre les cas d'appel, sans diminuer l'autorité du saint-siège, et le concile de Trente a nettement fixé la législation moderne sur ce point en décidant: d'abord, qu'il n'y aurait recours à Rome que pour des sentences rendues, et non pour des causes pendantes; puis qu'il n'y aurait appel que pour des questions graves, causœ majores; le reste devait être jugé par les évêques, par des légats ou par des tribunaux ecclésiastiques provinciaux. Ce sont les prétentions du moyen âge, mais régularisées. Mais les États de l'Europe, catholiques aussi bien que protestants, ont depuis longtemps, et même avant l'empereur Joseph, mis fin à cet ordre de choses en établissant leurs tribunaux civils et nationaux et en interdisant tout appel à Rome. Aujourd'hui ces appels n'ont plus de valeur légale et n'ont de signification que celle que leur donnent volontairement ceux qui y recourent. — VAppel comme d'abus, qui date de saint Louis, est le recours au roi ou au parlement contre une sentence ecclésiastique; il n'a pas de sanction et n'est qu'on simple désaveu sans portée.
APPELANTS, v. Acceptants.
APPROBATION de livres. Le concile de Trente, reproduisant un décret du 5® de Latran 1512. a décidé que, sous peine d'amende et d'excommunication, aucun livre de théologie ne serait imprimé sans l'autorisation de l'évêque du diocèse. Cette règle subsiste encore et a été étendue à tous les livres sans distinction. Les religieux des différents ordres doivent soumettre leurs livres à leur général. L'autorisation est toujours indiquée sur le titre de l'ouvrage.
Il y a à Rome un Conseil d'approbation, comme il y a une Congrégation de l'Index. Les Églises protestantes n'ont rien de pareil.
AQUAVIVA (ou Acquaviva), Claude, né en octobre 1543, fils du prince Jean-Antoine Aquaviva, duc d'Atri, et d'Isabelle Spinelli; élu le 19 février 1581 général des jésuites. D'un caractère souple mais énergique, il vit son ordre atteindre à sa plus haute prospérité matérielle, en même temps qu'il présida au commencement de sa décadence morale. La discorde était à l'intérieur. L'Espagnol Mariana soutenait la doctrine du régicide. Il combattait aussi la tyrannie du général et des supérieurs de l'ordre. Aquaviva le condamna en défendant toute discussion sur le meurtre des tyrans. Les missions étrangères s'étendirent considérablement sous son administration, mais sans rien produire de durable. Il eut à se défendre contre les franciscains et les dominicains, et en vint à bout à force d'habileté, d'intrigues et de persévérance. On a de lui l'ordonnance dite Ratio studiorum. où il régla les études, f 1615.
AQUILA Gaspard (français Aigle), né 7 août 1488 à Augsbourg, dont son père, Léonard Ad-ler, patricien, était syndic. Après de bonnes études il parcourut l'Italie pour voir ses hommes célèbres, rencontra Érasme à Berne et se lia avec lui. Nommé prédicateur à Berne, il n'y resta pas longtemps. En 1514 il est à Leipsic, en 1515 il acèompagne comme aumônier l'armée de son ami François de Sickingen; en 1516 il est nommé curé de Jenga, près d'Augsbourg et se marie. Il prêche bientôt les doctrines de Luther, et il expie cette double hardiesse par 6 mois de cachot. Condamné à mort il est sauvé par l'intercession de la sœur de Charles-Quint, Marie reine de Hongrie, mais il doit s'enfuir, laissant tout ce qu'il possède. Il s'établit d'abord à Wittenberg, puis à Eisenach et à Saalfeld. Il compte parmi les meilleurs amis de Luther, qui dit de lui: Quand toute la Bible serait perdue, je la retrouverais chez Aquila. Il assiste en 1530 à la diète d'Augsbourg. Plus tard il écrit très vivement contre l'Intérim, et Charles-Quint promet 5000 écus à qui le lui livrera mort ou vif. Il passe ses dernières années à Saalfeld et +12 nov. 1560.11 s'était remarié 1539 et eut 4 fils qui embrassèrent tous le ministère évangélique. Il a laissé sune vingtaine d'écrits, courts, mais substantiels, entre autres 11 Sermons pour les enfants.
AQUILÉE, ville d'Illyrie. située au N. de l'Adriatique, près des lagunes deMarano; compte à peine auj. 1600 hab. Elle eut de bonne heure son évêque, et celui-ci ne cessa de revendiquer ses droits de patriarche contre les prétentions de l'év. de Rome. Pour avoir la paix, et pour exercer au moins l'une de ses prérogatives. Honoré l*r consacra l'évêque d'Aquilée patriarche de Grado, petite île où il s'était réfugié lors de l'invasion des Lombards en Italie 568. En 1451 le patriarcat fut transféré à Venise, et enfin 1751 supprimé et remplacé par les deux archevêchés d'Udine et de Gôrtz. — Trois conciles furent réunis à Aquilée: le premier le 3 sept. 381, dirigé par Ambroise, déposa Palladius, év. d'Illyrie, et Secundinus, prêtre, comme convaincus d'arianisme; le second, 698, se prononça contre la condamnation des Trois chapitres, q. v.. et ne fut pas reconnu par l'Église; le troisième, 1409, convoqué par Grégoire XII, anathéma-tisa ses deux rivaux. Benoît et Alexandre V, ce qui n'empêcha pas ce dernier d'être élu pape à l'unanimité par le concile de Pise. Le symbole d'Aquilée se distingue des autres par l'addition des mots invisibili et impassibili qui terminent le premier article; c'était une protestation énergique contre les patripassiens qui, ne voyant dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit que des manifestations différentes du Dieu unique, semblaient admettre que le Père avait été vu en chair et avait souffert. Il renferme aussi les mots descendit ad inferna, qui ne se trouvent pas dans les symboles des trois premiers siècles.
AQUIN, v. Thomas.
ARABIE. Sauf la mention de Gai. 1,17. qui a donné lieu à plusieurs légendes, on n'a sur le christianisme en Arabie que fort peu de détails. Vers l'an 200 un chef arabe demanda à Deme-trius, év. d'Alexandrie, de lui donner Origène pour l'instruire dans la religion chrétienne. Eu 244, au synode de Bostra, Origène ramène à la foi Bérylle, évéq. de Bostra, qui s'en était écarté; d'après Eusèbe il y avait encore plusieurs autres évêques dans la contrée. En 250 nouveau voyage d'Origène; il va combattre les hérétiques Arabiens, secte qui prétendait que l'àme meurt avec le corps, mais pour ressusciter avec lui. Sous les empereurs chrétiens plusieurs tentatives de missions furent faites pour évan-géliser l'Arabie; Constance y envoya Ananes Théjphile, mais sans grand succès. Plus tard on y trouve des nestoriens et des monophysites. L'avènement de l'islamisme mit fin à l'existence des églises chrétiennes, et jusqu'à ce jour les efforts des missionnaires et des sociétés religieuses n'ont abouti à aucun résultat.
ARABIENS, v, l'art, précédent.
ARBA KANNEPHOTH, c.-à-d. les quatre coins; pièce d'étoffe carrée que les juifs d'aujourd'hui portent au-dessus de la chemise sur l'épaule, avec des franges de laine bleue aux quatre extrémités. Cet usage, qui se rattache à Nomb. 15, 38.39 a pour but de rappeler à celui qui l'observe, les commandements de Dieu.
ARCHÉOLOGIE. On appelle ainsi, ou Antiquités chrétiennes, le tableau de l'Église primi tive, considérée dans tes divers éléments de son existence, c'est-à-dire l'exposition de l'ensemble de ce qui constituait la vie des premiers chrétiens, les principes, les développements, les résultats de cette vie. Par archéol., les Grecs entendaient les faits et l'histoire, aussi bien que les institutions (v. Platon, Hippias), tandis que l'archol. chrétienne s'en tient aux institutions seules, à la vie intérieure; elle est sans doute le tableau du christianisme primitif, mais dans un sens elle devrait être le tableau du christianisme de nos jours. Elle comprend quatre branches ou éléments principaux: l<> les personnes des premiers chrétiens, les membres de l'Église; 2° l'organisation de ces membres en société; 3° le culte que les chrétiens ainsi réunis rendaient à Dieu; 4<> la vie religieuse, ou les mœurs qui se développaient au sein de cette association. L'histoire s'occupe de ces faits; la tâche de l'archéol. est de les grouper, de réunir en un seul faisceau tous les éléments épars qui se trouvent çà et là dans l'Église, de développer ce que l'histoire ne fait qu'esquisser, et de montrer ainsi la manière d'être de l'Église primitive. Le point oti commence l'archéol. chrétienne est facile à déterminer; c'est le commencement du christianisme lui-même, mais on n'est pas d'accord sur le point où elle finit; Walch l'arrête à Constantin, d'autres à Grégoire 1er, Grégoire VII, et plus bas encore. La première de ces dates est aussi la plus naturelle, parce que lorsque l'Église commença à dominer il s'y introduisit tant de choses impures que son caractère en fut altéré. Il faut distinguer, même dans l'Église primitive, l'époque apostolique proprement dite et celle qui suivit immédiatement, et qui fut marquée par une prompte dégénération, sous l'influence de peuples ou d'individualités prononcées. Comme sources, consulter les écrits des pères, les actes de conciles, les monuments, les monnaies, les inscriptions, notamment celles des catacombes. V. aussi Bingham, Orig. ecclésiast. Londres 1708, Halle 1722; Cave. Primit. Chris-tianity; Nicolaï, Antiq. eccle*.; Augusti, Denk-wûrdigkeiten; Mamachii, Orig. et Antiq. christ, lib. XX; Fleury, Mœurs des chrétiens; Nean-der, Guericke. etc.
ARCHEVÊQUE, v. évêque.
ARCHICHAPELAIN. Le grec archi, qui indique une prééminence, se trouve en tête d'un certain nombre de mots composés dont il accentue la signification. Ici nous avons le chapelain par excellence, titre donné au principal des ecclésiastiques attachés à la cour un peu nomade des anciens rois francs. Entre eux tous ils formaient la Chapelle du roi, et leur chef, complètement indépendant de Rome, jouissait de toutes les prérogatives d'un prélat, en même temps qu'il exerçait sur les affaires politiques une influence qui n'était pas à dédaigner. Plus d'une fois il joignit à ses fonctions celles d'archichan-celier. Le roi revêtait ordinairement de cette charge un archevêque. A partir du 13™* siècle les archichapelains furent remplacés par les aumôniers. q. v.
ARCHIDIACRES et archiprêtres. A partir du 4m« siècle, on trouve dans presque tous les diocèses ces deux assistants de l'évêque, le premier chargé surtout de l'administration extérieure, le second du service religieux et du personnel ecclésiastique. Le premier, l'archidiacre* par la multiplicité de ses fonctions, et aussi par leur nature, maniement des fonds, président des diacres et du clergé inférieur, inspecteur des études, surveillant des aspirants à la prêtrise, acquit de bonne heure une grande influence et s'éleva au-dessus de tous les prêtres du diocèse, Tarchiprêtre compris. À mesure que l'Église s'étendit, le nombre des desservants de tous grades allant croissant, l'évêque multiplia ses représentants, la hiérarchie se compliqua, il y eut des chapitres pour les cathédrales, et les archiprêtres de la campagne devinrent les doyens d'aujourd'hui.
ARCHIMANDRITE (chef, ou surveillant du troupeau), titre qui apparaît dès le 5™ siècle pour désigner les supérieurs des couvents. II est employé surtout dans l'Église grecque, mais pas exclusivement. Il s'appliquait aussi quelquefois aux prélats.
ARCHITECTURE. Presque tous les peuples ont eu des monuments religieux, destinés soit à honorer la divinité, soit à rassembler les fidèles, et ces monuments ont plus ou moins reflété par leurs formes et leur disposition le caractère de la religion à laquelle ils étaient destinés. On peut dire en général qu'ils révèlent une civilisation. L'Inde a taillé ses temples dans le flanc des montagnes et les a ornés de figures fantastiques colossales. L'Égypte les fait immenses, dominant l'horizon, regardant vers le Nil, avec des avenues de sphynx, de lourdes colonnades et de mystérieux hiéroglyphes. Les Phéniciens, pour leur Moloch et leur Bahal, n'avaient guère que des autels en plein champ; s'ils avaient des édifices spéciaux à Tyr ou à Sidon. l'on ne connaît rien de leur style. Pour les Hébreux monothéistes, il n'y avait qu'un seul temple, et il était magnifique par son architecture et par les matériaux qui avaient servi à sa construction sous Salomon. Les Grecs, plus artistes, eurent les premiers l'idée du goût, du beau, des justes proportions, et ils se distinguèrent surtout par la disposition de leurs portiques, la grâce de leurs colonnes et la beauté humaine de leurs dieux, qu'on admire dans leurs trois ordres, dorique, ionique et corinthien; leurs temples étaient presque des musées. Les Romains les imitèrent, mais en copistes intelligents, et ils inventèrent les arcades et la voûte plein - cintre. Qnand le christianisme arriva, religion en esprit et en vérité, il ne sentit pas d'abord le besoin d'avoir des édifices spéciaux, et d'ailleurs ses disciples n'en auraient eu ni le droit, ni les moyens. Ils sont eux-mêmes des temples vivants, disait Origène d'après saint Paul. Partout où ils étaient réunis, ils pouvaient célébrer leur culte: dans une chambre haute, dans une maison sans apparence, au bord de la mer ou de la rivière, dans une caverne. A Rome et à Naples les catacombes servirent de temples pendant les persécutions, et les tombeaux des martyrs furent l'autel. Depuis Constantin les choses changèrent et les disciples du Crucifié purent élever autel contre autel. Ce qu'il leur fallait, c'était moins un sanctuaire et une habitation pour la divinité qu'un lieu de réunion pour la communauté; ni les temples grecs, ni celui des Hébreux, ne pouvaient leur suffire; la synagogue répondait davantage à leurs besoins, ainsi que la basilique romaine avec ses quatre murs, son portique sur la rue, sa tribune et son espace central. Ce fut la forme qu'on choisit, mais en la couvrant, à Rome d'une charpente en bois, à Bysance d'une voûte, et en l'éclairant de fenêtres percées dans le mur d'enceinte. Si les églises construites à Constantinople, Damas, Jérusalem et Bethlèhem. conservèrent la forme d'un rectangle, cependant le Style bysantin rechercha plutôt la forme concentrique, octogone ou ronde, avec une voûte en coupole, comme Sainte-Sophie qui en est le type le plus remarquable. Plus tard les coupoles se multiplièrent, ainsi que les ornements intérieurs, dorures et mosaïques, et le sanctuaire, icanostasis, fut séparé de l'enceinte sacrée. En Occident on conserva plus longtemps le style de la basilique, mais une fois qu'on s'en fut écarté, on alla de changement en changement, et l'architecture porta aux différentes époques le cachet de la théologie. Il y eut d'abord le style latin, le moins éloigné de la basilique, avec nef, abside, sacristies latérales, autel au-dessus d'une crypte souterraine, chœur pour les chantres, ambons pour les lecteurs, baptistère, transepts ou nef transversale pour agrandir l'édifice; la décoration est riche; tout est en marbre ou en pierre, la charpente des plafonds seule est en bois, mais cachée sous de brillantes peintures où l'or abonde. Le style roman date de la fin du 10*"® siècle; il est beaucoup plus varié et compte plusieurs écoles, lombarde, pisane, sicilienne, auvergnate; les moines se font architectes; à côté de la nef centrale on élève des nefs latérales; il y a quelquefois deux transepts et l'égl. affecte la forme d'une croix de Lorraine; les murs sont consolidés par des contreforts extérieurs, le clocher est réuni au corps de l'église; la voûte est en pierre pour mettre l'édifice à l'abri du feu. Ce style est un peu lourd, il est sombre. Le style gothique, ou ogival, qui surgit au 12me siècle dans l'Ile-de-France, le remplace avantageusement. et devient bientôt populaire; les architectes laïques et les francs-maçons en font leur affaire, et ne se gênent pas, à l'occasion, pour faire la satire de l'Église dans les sculptures qui doivent l'embellir. L'arc en ogive sert de base aux voûtes, les piliers sont moins larges, les fenêtres plus grandes, de belles rosaces ornent les portails d'entrée et donnent une lumière que des vitraux coloriés tamisent heureusement. Mais déjà la décadence se fait sentir au 15*ne siècle, et Brunelleschi, à Florence, inaugure un style nouveau, dit de la Renaissance, qui combine l'art antique et les traditions chrétiennes, et qui, par le luxe des matériaux et par le génie des Michel-Ange et des Bramante, réussit pendant un siècle à se faire pardonner ses inconséquences. L'ornementation intérieure et les fresques, la voûte en berceau et la double coupole, en sont les traits caractéristiques, mais le style lui-même varie beaucoup suivant les pays et se montre dans les détails plus que dans l'ensemble. Saint-Pierre de Rome, Saint-Paul de Londres, les Invalides et le Panthéon de Paris, en sont les principaux spécimens. Le 19m* siècle, qui n'a pas d'idéal, n'a pas d'architecture spéciale, ou plutôt il emploie tous les styles et les combine, sans avoir rien inventé de neuf, du moins comme architecture religieuse. Il a fait à Paris la Madeleine comme un temple grec, >ainte-Clotilde comme une église gothique, et la Trinité en style Renaissance. Le protestantisme n'a pas d'architecture, et ses temples, simples et sévères, sont faits en vue de l'acoustique plutôt que de la beauté; cependant quelques églises modernes ont des prétentions artistiques, et les styles roman, gothique et Renaissance ont quelques représentants.
ARCHONTIQUE, secte gnostique détachée des valentiniens, connue par Epiphane et Augustin. Selon eux, l'univers se compose de 7 cieux qui ont pour mère Photine, la lumière incréée. Zabaoth, le créateur de la tenv, archonte inférieur, a été le père de Caïn et d'Abel et les a enflammés d'une passion incestueuse pour leur sœur. Seth et ses 7 fils échappèrent à son influence, et ont laissé à la secte les livres sur lesquels se fondent leurs croyances. Ils rejettent la résurrection.
ARCIMBOLI. Jean-Angèle, fils d'un sénateur de Milan, docteur en droit, fut envoyé 1517 en Suède comme protonotaire apostolique par Léon X pour prêcher le commerce des indulgences. La Scandinavie était alors, depuis le traité de Calmar 1398, réunie sous le sceptre du Danemark, impatiemment supporté par le parti national suédois. Arcimboli obtint de Christian 11 l'autorisation de faire son commerce en Suède; il s'était donné pour un fort partisan de l'union, mais en Suède il se joignit au parti national et s'attira la colère du roi. Il dut revenir à Rome où. après une disgrâce de quelques années, il fut nommé év. de Novare 1525. ar-chev. de Milan 1550. + 1855.
ARETIUS, Benoît, théologien bernois, étudia à Marbourg où il devint professeur, revint à Berne, professeur au gymnase 1549, en théologie 1563, f 1574. Auteur de plusieurs ouvrages: Tkeotogiœ problemata, Genev. 1579, très retimé; Examen theologicum, qui a eu 6 éditions en 14 ans; divers Comment, sur le N. T.. le Pentateuq., les Psaumes. Il a aussi écrit une Flore des Alp. bern., un Comment, sur Pindare, une histoire justificative de la condamnation de Gentilis, et un traité contre les Catabaptistes de Pologne. ARIANISME, Ariens, v. Arius. ARISTIDE, philosophe chrétien, natif d'Athènes. Il n'est connu que par la fameuse Apologie qu'il adressa à Adrien pendant une persécution, 125. C'est après avoir reçu cette Apologie que l'empereur fit paraître un édit en vertu duquel il était défendu de se porter contre un chrétien à des voies de fait sans avoir obtenu contre lui une condamnation légale. Cet ouvrage, qui ne nous est pas parvenu, paraît avoir été écrit dans un style éloquent et spirituel.
AWUS, célèbre hérésiarque du 4m<> siècle, naquit vers 270 dans la Lybie cyrénaïque. La vie de cet homme remarquable se lie étroitement à ses opinions et aux progrès qu'il leur fit laire. de telle sorte qu'en dehors des discussions théologiques qu'il souleva, nous ne savons presque rien de lui. Taille avantageuse, figure maigre, pâle, imposante, chevelure abondante, maintien grave; abord gracieux, affable et prévenant; sa conversation était douce et agréable, fine et vive à la fois, ses mœurs austères; il avait une grande connaissance de tous les auteurs profanes et ecclésiastiques; intelligence prodigieuse, talent rare et penchant prononcé pour la dialectique et la controverse. Il fut successivement diacre et prêtre à Alexandrie. A la mortd'Achillas. son évêque, il espérait lui succéder, mais Alexandre l'emporta, 313. Arius avait sur la nature de Jésus des opinions particulières. Selon lui, la seconde personne de la Trinité n'était point éternelle, mais elle avait été créée par la première, tirée du néant, par conséquent sujette à faiblir et à changer. Ces idées qu'il prêchait avec succès et ouvertement dans la ville et les campagnes, trouvèrent d'énergiques adversaires dans Alexandre et Athanase. Deux fois Arius fut cité à comparaître devant son évêque et le clergé d'Alexandrie, mais on ne put le convaincre d'erreur ni lui faire rien rétracter. Alexandre n'ayant pu le ramener, ni par la persuasion, ni par la discussion, le fit condamner lui et 15 de ses partisans par un concile réuni à Alexandrie. 320. Arius, chassé de l'Église et de la ville, alla travailler ailleurs: le nombre de ses partisans, subjugués par la puissance de sa parole, augmentait de jour en jour. Il gagna même à ses opinions des évêques influents, entre autres Eusèbe de Nicomédie. Eu-sèbe réunit un concile en Rithynie, qui cassa les décisions de celui d'Alexandrie et réhabilita Arius. Celui-ci, qui conservait à Alexandrie des partisans, se créait de jour en jour de nouvelles relations. Grand acharnement et grand déploiement d'activité de part et d'autre; bientôt tout l'Orient fut divisé. L'empereur Constantin s'émut de tant de bruit et envoya Hosius en Asie pour examiner la querelle. Le rapport d'Hosius fut défavorable à Arius et aux ariens. Arius continuait à se défendre vaillamment; une émeute éclata même à Alexandrie, où les ariens, qu'on voulait opprimer, brisèrent les statues de l'empereur. L'Orient tout entier était en feu. Ce fut pour apaiser cet incendie théologique que se réunit, en juin 325, le premier concile œcuménique, à Nicée; plus de 300 évêques s'y étaient rendus, l'empereur en était le chef. Arius y vint avec ses partisans. On y voit aussi Athanase, le plus ferme boulevard de l'orthodoxie, champion aussi ardent qu'habile et expérimenté. Mais il trouva dans Arius un athlète de sa force. Avant d'ouvrir les sessions du concile, on tint des conférences particulières, où l'on discuta longtemps. Arius soutint avec fermeté ses idées: Christ, disait-il, est bien l'une des trois personnes de la Trinité, mais il n'a ni l'éternité, ni l'identité de substance avec (ePère. On ne put rien lui faire rétracter. Le concile lui présenta successivement plusieurs confessions de foi, en lui demandant de les signer; il les rejeta toutes en tant qu'elles impliquaient la coéternité et la consubstantialité du Père et du Fils. Il comptait parmi ses partisans les deux Eusèbe, celui de Nicomédie et celui de Césarée; mais les ariens étaient en minorité et l'empereur était contre eux. Après de longs débats contradictoires et une défense savante, Arius et s?s opinions furent anathématisés. Eones, Ce-cilius et lui furent relégués en Illyrie; trois mois après Eusèbe et Théognis dans les Gaules. Un édit de Constantin ordonna de brûler ses écrits et menaça de mort ceux qui les cacheraient ou les conserveraient. Arius ne baissa pas la tête; il travailla de loin à rendre la victoire à son parti: il y réussit, grâce à l'appui de Constance, sœur de Constantin et veuve de Li-cinius. En 328 il fut rétabli dans ses fonctions de prêtre à Alexandrie. Athanase, son ancien adversaire, patriarche dans cette dernière ville, refusa de le recevoir. Nouveaux débats, nouvelles discussions. Arius proteste de son attachement à TÉcriture et à la doctrine du Père, du Saint-Esprit et du Fils par qui toutes choses ont été faites. Enfin en 335. deux conciles, réunis à Tyr et à Jérusalem à l'occasion de la consécration du Saint-Sépulcre condamnent Athanase, et réhabilitent Arius. La querelle continua cependant, et en 336 le pieux Alexandre, patriarche de Constantinople, reçut l'ordre de Constantin, d'admettre Arius dans son Église; il refusa d'abord, mais Arius souleva le peuple qui l'écouta avec enthousiasme et l'accompagna en foule vers la cathédrale. Alors Alexandre se jeta à genoux demandant à Dieu un miracle: Seigneur, disait-il, ne permets pas que ton héritage soit livré à l'opprobre, ne souffre pas qu'il soit souillé par la présence de l'hérésiarque. Il préférait mourir. Le lendemain matin, dimanche, Arius fut saisi tout à coup de douleurs violentes, et mourut 336. Le bruit courut qu'il avait été empoisonné, mais ce peut n'être qu'une calomnie de parti. De tous les écrits d'Arius il ne nous est rien parvenu. Sa tendance ne succomba pas avec lui; il avait de trop puissantes racines soit dans l'esprit du siècle, soit dans le nombre et les talents de ses adhérents. Les ariens furent le parti prédominant de l'Église et de l'État pendant assez longtemps. Mais, puissants par leur union, ils s'affaiblirent par des dissensions intérieures. Les ariens, les semi-ariens, les eu-nomiens (ariens outrés, disciples d'Eunomius) se disputaient la prééminence entre eux et contre les orthodoxes. En vain les nouveaux maîtres de l'empire, Osthrogoths, Visigoths, Lombards, Vandales, Burgondes,etc.. embrassèrent-ils l'arianisme; au 5ra* siècle déjà le parti, devenu plutôt politique, était presque ruiné; il disparut à la fin du 6me, sous la pression de l'unité romaine, mais pour renaître à diverses époques et sous diverses formes, qui chaque fois réduisaient à de plus petites proportions le chef de l'Église et le Sauveur des chrétiens. H. B.
ARLES, quelque temps la résidence de Constantin, a vu quatre conciles; celui de 314, qui confirma la condamnation des donatistes prononcée au concile de Rome 313 et rétablit l'évêque Cécilien; il condamna aussi en 22 canons plusieurs abus de discipline ecclésiastique; celui de 353, convoqué par Constance, qui prit parti pour les ariens et condamna Athanase; celui de 452 qui reproduisit en partie les décisions du conc. de Nicée, et celui de 475 qui se prononça pour le semi-pélagianisme.
ARMÉNIE, Arméniens. Bien que ses limites n'aient jamais été bien définies et que son territoire ait souvent varié, on désigne sous le nom général d'Arménie le haut plateau compris entre la mer Noire et la mer Caspienne, le Taurus et le Caucase; la montagne la plus connue est l'Ararat; ses principales villes, Erzeroûm, Kars, Van, Erivan. Climat varié, neiges éternelles sur les plus hautes cimes, printemps perpétuel dans ses riches vallées. C'est là que prennent leur source l'Euphrate, le Tigre, l'Araxe et le Cyrus. L'A. T. y place l'Éden des premiers hommes. Les Juifs des dix tribus s'y trouvaient en grand nombre à l'époque de la captivité de Babylone, et bien peu profitèrent de l'édit de Cyrus pour retourner dans leur pays. — L'Évangile fut introduit de bonne heure en Arménie par Abgare, roi d'Edesse, q. v. Ce qui est plus sûr, c'est que l'Évangile était connu dans cette contrée au 2"^ siècle, mais il ne s'y établit définitivement qu'au 4rae, grâce à la conversion de Grégoire, prêtre païen, qui devint l'instrument d'un grand réveil et mérita d'être appelé l'Illuminateur. Les Arméniens firent d'abord partie de l'Église orthodoxe d'Orient, mais ils rejetèrent les décrets du concile de Chalcédoin* 451, qui ne leur paraissaient pas affirmer assez clairement la divinité de J.-C„ et dans un synode tenu à Walashapat, penchant vers les doctrines monophysites ou eutychianisme, ils se constituèrent en église séparée. Souvent persécutés, soit par l'Église d'Orient, soit surtout par les mahométans, les Arméniens se sont toujours distingués par leur culture théologique et littéraire; ils ont eu de riches et importantes imprimeries à Venise, Vienne, Moscou et Ispahau. Ils possèdent encore aujourd'hui plusieurs journaux, et recherchent volontiers des relations avec les autres églises. Sauf la nuance indiquée, leur doctrine est strictement orthodoxe orientale. Il en est de même de leur culte; ils admettent 7 sacrements, la transubstantiation, le culte de la Vierge et des saints. Ils comptent 9 degrés dans le sacerdoce; leurs prêtres se forment soit à Tiflis, soit dans les couvents; ils sont en général peu payés. Le principal revenu du patriarche consiste dans la fabrication et la vente de l'huile sainte. Le patriarche porte le nom de Catholicos (universel) et réside au pied de l'Ararat dans le riche couvent d'Eschmiatzin. Il a pour aide un grand vicaire et, depuis 1802, un conseil composé de 5 ou 6 dignitaires, évêques ou wartabeds (docteurs). Eschmiatzin étant dans les États russes, l'empereur est le protecteur naturel des Arméniens, c.-à-d. qu'il agrée le patriarche élu par les délégués de l'Église; le patriarche à son tour nomme les évêques. Il a sous sa juridiction les patriarches arméniens de Constantinople et de Jérusalem. Le* couvents sont nombreux; outre celui d'Esch-miatzin, riche en livres, manuscrits et reliques, il faut nommer celui de Jérusalem. Les Arméniens sont an nombre d'environ cinq millions; leur vie religieuse est déchue; ils retiennent les formes et les cérémonies, mais ils ne connaissent presque pas la Bible. Un réveil s'est manifesté chez eux il y a quelques années et plusieurs milliers se sont convertis au protestantisme. On appelle Arméniens-Unis ceux qui se sont dès 1439 rattachés à l'Église de Rome; ils ont un archevêque à Lemberg, Autriche; à Venise, un couvent fameux, celui de Saint-Lazare, de l'ordre des méchitaristes, qui possède une vaste imprimerie. Ils sont 46,000 en Turquie, dont la moitié à Constantinople. — v. S. Martin, Mémoires hist. sur l'Arménie, 2 vol. Paris 1819, et plusieurs livraisons du Mag. des missions de Bile.
ARMINIANISME, Arminius. On désigne sous ce nom une tendance théologique qui se fit jour vers la fin du 16™ siècle, et qui d'abord très modérée, finit par s'accentuer davantage et dépassa de beaucoup les intentions de celui qui avait commencé le mouvement. Jacques Arminius. on Harmensen, ou Hermanns, né 1560 à Oudewater sur l'Yssel, Hollande, fils d'un coutelier, perdit son père de bonne heure, mais fut encouragé par de nombreux amis à continuer ses études à Utrecht, Marbourg, Rotterdam et Leyde. H visita ensuite Genève où il entendit Bèze, et Rome où il crut reconnaître le mystère d'iniquité. Disciple de P. la Ramée, il fut accueilli avec défiance à Genève; il fut plus heureux à Bâle où la faculté lui offrit le titre de docteur en théologie; il n'avait que 22 ans et fut assez modeste pour refuser. En 1583 il fut nommé pasteur à Amsterdam, et en 1603 professeur à Leyde. f 19 oct. 1609. C'est à Amsterdam qu'il émit pour la première fois en public ses opinions infralapsaires, par opposition aux sapralapsaires qui soutiennent que Dieu, même avant la chute, a destiné les uns au bonheur, les autres au malheur éternel, non par la prescience de ce qu'ils deviendraient, mais par un acte libre de sa volonté souveraine. Il crut pouvoir adoucir ce qu'il y avait de trop absolu dans les doctrines d'Augustin, de Gottschalk et de Calvin, tout en restant dans les limites du catéch. de Heidelberg, de la confession de foi hollandaise, de Bèze et de Zwingle. Deux fois il fut appelé à donner des explications en conseil sur des sermons qu'il avait prononcés, sur Rom. 7, 14. et Rom. 9, et ses explications forent jugées satisfaisantes, sans cependant le blanchir entièrement aux yeux de ses adversaires. Une conférence avec son futur collègue Gomar constata qu'il repoussait le pélagianisme; mais en 1604 les difficultés recommencèrent, Arminius ayant dit qu'il fallait se garder non seulement du pélagianisme. mais aussi du manichéisme et d'autres erreurs semblables qui | aboutissaient à faire Dieu auteur du mal et du péché. Un synode en 1606, puis une conférence entre Arminius et Gomar 1608, n'amenèrent aucun résultat. L'année d'après le savant uni-versaliste était retiré de ce monde. Ses œuvres compl. ont paru à Leyde 1629; sa Vie a été écrite par Gaspard Brandt, avec des notes de Mosheim. La doctrine d'Arminius ne différait de celle de Calvin et des Églises réformées en général que sur le seul point que nous avons indiqué: il ne niait pas l'élection, mais il niait qu'elle fût inconditionnelle et absolue; il maintenait la liberté de l'homme et sa responsabilité; il estimait que J.-C. est mort pour tous, que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. La prédestination était seulement un acte de la prescience de Dieu, qui savait à l'avance quels seraient ceux qui croiraient.
Les disciples d'Arminius, ou prétendus tels, qui prirent son nom pour drapeau, allèrent beaucoup plus loin que lui et le compromirent par leurs excès. A peine il était mort qu'ils se constituèrent en secte ou société religieuse distincte. Ils attaquèrent la valeur des livres symboliques, firent alliance avec le socinianisme, et peu à peu glissèrent dans la politique et devinrent un parti. En 1610 ils adressèrent aux États de Hollande une remontrance en 5 articles (de là leur nom de Remontrants) où ils exposaient leurs vues sur la grâce; en 1611 ils y ajoutaient comme supplément que les régénérés peuvent perdre la grâce de Dieu. En somme ils ne s'éloignaient pas beaucoup d'une orthodoxie mitigée. Leurs adversaires répondirent par une contre-remontrance, et comme les passions populaires s'en mêlaient, les États défendirent 1614 toute discussion sur ce sujet. Le synode de Dordrecht (13 nov. 1618 — 9 mai 1619) trancha toutes les questions contre les arminiens, rejeta leurs 5 propositions, déposa plus de 200 pasteurs et précisa les bases dogmatiques de l'Église de Hollande. Il provoqua indirectement l'emprisonnement de Grotius et l'exécution de Olden Barnevelt. Les remontrants destitués, presque tous pasteurs à Amsterdam ou aux environs, publièrent un mémoire pour se justifier de toute participation à un complot contre le prince-stathouder Maurice de Nassau. Ce mémoire et la publication des Actes du synode de Dordrecht 1620 adoucirent en leur faveur l'autorité, et à l'avènement d'Henri, frère de Maurice 1625, ils furent d'abord tolérés, puis 1630 officiellement autorisés à s'établir en Hollande partout où ils voudraient. Ils en profitèrent pour avoir à Amsterdam et à Rotterdam des églises et des écoles, mais la tolérance leur fut aussi fatale que la persécution leur avait été favorable. Quant à ceux qui avaient préféré quitter le pays en 1621, ils avaient trouvé dans le Schleswig un prince bienveillant qui leur avait permis de s'établir dans ses États; ils se bâtirent une ville qu'ils appelèrent Fridrichstadt, du nom de leur protecteur, et dans laquelle se trouve encore aujourd'hui une petite communauté arminienne. Parmi les représentants les plus autorisés de cette tendance, il faut nommer Épiscopius 1583-1643, Curcellaeus f 1645, Hugo Grotius, Lim-borch 1633-1714, Cattenburgh f 1737, Jean le Clerc 1657-1736, Wettstein f 1754, etc.
ARNÀULD, ou Arnaud, Arnaut, Arnold, nom qui revient souvent, et avec des orthographes différentes, dans l'histoire de l'Église chrétienne. Les jésuites veulent le faire dériver du grec arnoumai, renier; ce n'est pas très spirituel.
1<> Arnold ou Arnaud de Brescia, né vers 1100 probablement, dans la ville dont il a gardé le nom. Il embrassa de bonne heure la carrière ecclésiastique et remplit dans sa ville natale les modestes fonctions de lecteur. D'une intelligence vive, d'une éloquence impétueuse, originale, d'un caractère élevé, d'un dévouement absolu à ce qu'il regarde comme la vérité, il avait l'esprit tourné vers la pratique plutôt que vers la spéculation. Jeune encore il vint en France, où il suivit les leçons d'Abélard. à Saint-Denis d'abord, puis à Nogent et dans les solitudes du Paraclet, et l'influence du maître fut grande sur ses disciples. De retour en Jtalie, Arnold revêtit le costume monastique et se jeta avec ardeur dans la lutte que lui imposaient les désordres du clergé. Il combattit par la parole et par la plume. Ses écrits malheureusement sont perdus; Innocent II les fit brûler, et il n'est plus possible de reconstituer d'une manière sûre l'ensemble des doctrines et le système dont Arnold fut le représentant. On sait seulement qu'il voulait le retour aux œuvres et à la vie de la primitive Église. Ses discours passionnés, tombant au cœur d'une multitude inflammable, trouvèrent un écho dans la population de Brescia et des environs; la guerre civile éclata; une faction nombreuse, dirigée par Rebaldus et Persicus, s'insurgea contre l'évêque Manfred, et celui-ci recourut auprès du concile de Latran qui était assemblé 1139. Sans parler de ses doctrines, Innocent II condamna Arnold, le bannit et lui imposa le silence. Contraint de s'expatrier de nouveau. Arnold passe une seconde fois les Alpes, il revient en France, à temps pour assister au synode de Sens, juin 1140, où Abélard et saint Bernard doivent se rencontrer; mais Abélard a vieilli (stat magni nominis umbra), et au moment de la lutte, malgré la présence d'Arnold, il se dérobe en en appelant à Rome. Les deux amis ne se verront plus; un rescrit du pape, juillet 1140, ordonne qu'ils seront enfermés séparément dans deux maisons religieuses, mais Abélard trouva l'hospitalité à Cluny, chez Pierre-le-Vénérable, et Arnold réussit à se sauver en Suisse. Il prêche à Zurich, où il obtient de grands succès. Saint Bernard alarmé le dénonce à l'évêque de Constance, mais le légat du pape, Gui de Castello, le futur Célestin II, ancien élève d'Abélard, lui assure un asile. A son tour Gui reçoit une lettre menaçante de saint Bernard, et le proscrit disparaît pour quelques années. Il finit, vers 1146, par retourner à Brescia, et même à Rome, « avec une armée de Suisses, » dit un de ses historiens par trop fantaisiste. Pendant son absence la lutte avait continué entre les papes et le peuple de Rome, et Eugène III avait dû se réfugier en France. Arnold a de puissants amis; si ses doctrines sont peu populaires et mai comprises, le fait politique de son opposition lui crée de nombreux adhérents. 11 rêve la restauration de l'ancienne Rome et son indépendance comme ville; le sénat et le peuple seuls seront les maîtres; le pape conservera son pouvoir spirituel. Adrien IV, 1155, refuse de sanctionner le nouvel ordre de choses, et se retire à Orvieto d'où il excommunie Arnold et lance l'interdit sur Rome. Les Romains épouvantés, voyant approcher le terrible Frédéric I«r, Bar-berousse, abandonnent Arnold qui doit quitter la ville et se mettre en sûreté dans un château de la Campanie. Adrien obtient de Frédéric la promesse qu'il lui fera livrer l'agitateur, et Frédéric qui désire être sacré par le pape tient sa promesse. Sans bruit, avant le jour, par crainte du peuple, Arnold est conduit à la Porta del popolo où il est pendu, puis son corps brûlé et ses cendres jetées au Tibre. Un moment après, ses amis accourent en armes pour le délivrer, mais trop tard; on leur avait laissé ignorer le moment de l'exécution. — On a cherché à expliquer les doctrines d'Arnold par l'influence d'Abélard (Néander); d'autres, par ses rapports avec les albigeôis, les cathares, les vaudois (Buheus et Léger); d'autres enfin y voient un mélange de mysticisme panthéiste, ou dualiste, qu'ils rattachent à l'ancien gnosti-cisme (Raumer, Hurter). Toutes ces hypothèses sont de trop; Arnold était homme à juger par lui-même, et ce que l'on connaît de ses opinions s'explique par le fait seul des abus qui régnaient de son temps. Il voyait dans de trop grandes richesses la source de la corruption du clergé; il ne regardait comme prêtre que celui qui justifiait sa prédication par sa vie; il voulait séparer les pouvoirs temporel et spirituel; il insistait enfin sur l'inutilité du baptême et de l'eucharistie sans la conversion du cœur. — v. Othon de Freysingen, fragments; quelques fragments de saint Bernard; Muratori; Gui bal,
A. de Bresce et les Hohenstaufen. Son nom est aussi lun des plus populaires de l'Italie; Nico-linien a fait un draine, Tantardini de Milan lui a élevé une statue, Brescia et Rome ont honoré sa mémoire. Le nom d'Arnoldistes, mentionné dans un décret de Lucius III, 1184, et dans un décret de l'empereur, désigne moins peut-être une secte proprement dite, que les tendances antihiérarchiques si nombreuses qui se manifestèrent au moyen âge, surtout au nord de l'Italie. Sans doute Arnold laissa quelques disciples, mais ils ne s'organisèrent pas et durèrent peu.
Nicolas Arnold, né en Pologne 17 déc. 1618, f 15 octobre 1680 à Franeker, où il était pasteur et professeur. Successeur de Cocceius, il a publié les œuvres de Maccovius et écrit lui-même divers ouvrages contre le millénium de Gomenius, qui devait commencer en 1672, contre le papisme et contre le socinianisme.
3o Gottfried Arnold. né 1665 en Saxe, à An-naberg où son père était maître d'école, fit de bonnes études à Wittenberg, se lia à Dresde avec Spener, 1689, fut un piétiste ardent, se jeta dans le mysticisme, grâce aux œuvres de Bœhme, combattit le mariage comme incompatible avec la sagesse supérieure (sophia), se maria, \700, fut un séparatiste décidé, se calma avec làge, fut successivement précepteur, professeur à Giessen. prédicateur de la cour à All-staedt, historiographe de Frédéric l«r, enfin pasteur et inspecteur à Werben, puis à Perleberg, où il t 1714. Malgré la mobilité de son caractère et ses fréquents changements d'opinion, il s'était concilié le respect et l'estime par sa droiture de conscience et par sa piété. Il a publié de nombreux ouvrages historiques, mystiques, polémiques et d'édification. Alb. Knapp en a réimprimé quelques-uns, avec une vie d'Arnold, Stuttgart 1845.
Les Arnaud de France. Famille noble d'Auvergne, originaire de Provence, établie à Paris vers 1547, en majorité protestante.
1» Antoine, f 1585, auditeur à la Chambre des comptes. Il eut un fils d'un premier mariage, et en secondes noces onze enfants, dont 7 fils et 4 filles. L'aîné de ceux-ci, également
2o Antoine, né 5 août 1560, f 29 déc. 1619, avocat au parlement de Paris, d'un désintéressement rare, d'une éloquence passionnée, se fit une réputation européenne par le discours qu'il prononça le 12 juillet 1594 pour l'université de Paris contre les jésuites. En 1602 il adressa un Mémoire au roi. plusieurs fois réimprimé dès lors, pour empêcher le rappel de cette redoutable Compagnie. On a de lui un grand nombre de brochures politiques. Il eut 20 ou 22 enfants, qui paraissent tous, et peut-être lui-même aussi, avoir laissé la réforme pour le jansénisme, entre autres Jaqueline, la célèbre abbesse de Port-Royal, Robert Arnaud d'Andilly, Henri, èvêque d'Angers, etc. Le plus célèbre et le plus jeune des 20, s'appelait aussi
3° Antoine; c'est celui que les jansénistes ont surnommé le grand Arnaud. Né le 6 février 1612, il étudia d'abord le droit, puis, sous l'influence de Saint-Cyran, la théologie, fut reçu prêtre 1641, et docteur en Sorbonne 1643. Il se fit connaître de bonne heure par son livre De la fréquente Communion, qui eut bientôt sept éditions, livre d'édification, qui était en même temps une déclaration de guerre aux jésuites et à leur manière expéditive de simplifier la confession et la communion. Il veut que les actes religieux soient accomplis sérieusement. Ce n'était pas beaucoup; c'en était trop cependant pour les confesseurs jésuites. Le clergé de France se divisa à ce sujet; les uns prirent parti pour, les autres contre, et les sermons du carême furent une mêlée où l'on faillit en venir aux mains. Les jésuites en appelèrent au pape; la reine Anne voulait livrer Arnaud à Rome, le parlement s'y opposa au nom des libertés gallicanes; la reine persista et Arnaud n'échappa à ce voyage qu'en se cachant. Dans la querelle sur la grâce,
11 prit parti pour Jansénius et publia deux Apologies de cet èvêque 1644 et 45; en 1655, une Lettre à une personne de qualité (le duc de la Rochefoucault-Liancourt). La Sorbonne, où les jésuites, alliés aux thomistes, aux dominicains, aux semi-pélagiens, formaient la majorité, le censura et prononça son exclusion, 31 janvier 1656; 80 docteurs sortirent avec lui. Ce fut à cette occasion que Pascal écrivit ses Provinciales. Arnaud s'enferma à Port-Royal, où il resta
12 ans avec Lancelot, Nicole, Pascal, écrivant, seul ou avec ses amis, ces ouvrages de théologie, de morale, de grammaire, de physique et autres, qui ont fait de Port-Royal un centre littéraire et philosophique si brillant. Il prit une grande part à la traduction du N. T., édit. de Mons, v. Saci. En 1668, lors de la paix dite de Clément XI, le nonce et le roi le prièrent de mettre sa plume d'or au service de l'Église en écrivant contre les réformés. I)e là ses deux volumes et ses deux éditions sur la Perpétuité de la foi, où il s'appuie sur les droits de la prescription pour prouver que l'Église catholique est la véritable. L'argument laissait à désirer. Il faut dire à la décharge d'Arnauld qu'il n'a écrit que le 1er chapitre de cet ouvrage, dont le reste appartient à Nicole. Les jésuites, pour lui nuire, affectèrent de dédaigner ce volume, en entravèrent la circulation, et firent un grand éloge de la réfutation que Claude lui opposa. Peu encouragé, Arnauld cessa momentanément d'écrire contre les reformés, d'autant plus que la persécution sévissait contre eux cruellement. Devenu suspect il se cacha à Paris, mais se sentant entouré d'espions, sachant ses correspondances ouvertes, il s'enfuit sous un déguisement le 18 juin 1679, à l'âge de 68 ans, et se retira à Bruxelles où il passa ses 15 dernières années. Il fut en correspondance avec Leibnitz qu'il espérait convertir; il attaqua la doctrine de Mallebran-che sur la providence, la grâce et la vision en Dieu 1683; il eut de vifs démêlés avec le ministre Jurieu qui ne le ménagea guère. Il était cartésien et eut le malheur, en philosophie comme en religion, de représenter des tendances qui ne pouvaient plaire aux esprits extrêmes. Il fut mal avec les protestants, sans pouvoir se concilier les catholiques; son neveu, le marquis de Pomponne, dut le prévenir qu'on ferait tout pour s'emparer de sa personne et qu'il ne serait en sûreté qu'à Amsterdam. 11 ne cessa de réclamer les libertés de l'Église, l'autorité des conciles et la lecture de la Bible en langue vulgaire. Il écrivit d'Utrecht contre « Guillaume d'Orange, le nouvel Absalon, Hérode et Cromwell. • Plusieurs cardinaux lui fournirent des matériaux pour son livre: Morale pratique des jésuites. Le compagnon dévoué de ses dernières années, depuis 1685. fut le pèreQuesnel; il mourut dans ses bras le 8 août 1694, après une courte maladie. âgé de 82 !/i ans: « ainsi délivré, dit-il, de son double exil. » Son cœur fut porté à Port-Royal; son corps conservé dans l'égl. de ^inte-Catherine, à Bruxelles. Il est à regretter que l'amour "de la discussion l'ait entraîné trop loin; c'était une maladie de son esprit. Vers la fin de sa vie, Nicole lui exprimant son besoin de se reposer après tant de luttes: Hé ! lui répondit Arnaud, n'aurez-vous pas toute l'éternité pour vous reposer ! — Il a énormément écrit, mais rien de saillant. Ses ouvrages, au nombre de 320, avec ses lettres, des préfaces et des introductions, forment 135 volumes. On les a réunis en 48 tomes 4°, Lausanne 1773-83.
4° Robert A. d'Andilly, frère aîné du précédent, 1589-1674, gentilhomme de cour, ne se servit de son crédit que pour faire le bien. A 55 ans il se retira à Port-Royal. On a de lui une trad. de Josèphe, des Confessions de saint Augustin, des OEuvres de sainte Thérèse, etc. Son fils, marquis de Pomponne, fut ministre de Louis XIV.
5° etc. Plusieurs pasteurs de ce nom. un à La Rochelle vers 1650, deux au synode d'Alen-çon 1637, un à Montaren 1603, un au Désert, pendu 1718, et d'autres. V. la France prot.
ARNAUD, Henri, pasteur et colonel des vaudois, né vers 1640 aux environs de Die, Dau-phiné; il quitta son pays pour se soustraire aux persécutions iniques de Louis XIV, se battit courageusement contre Catinat lors des Pâques piémontaises de 1688, accompagna les Vaudois dans leur exil 1686/87, présida à leur rentrée 89. Pasteur et modérateur-adjoint en 1692, il fut obligé de nouveau de quitter les Vallées par suite du décret du 1er juillet 1698, qui en bannissait tous les habitants d'origine étrangère. II se retira en Allemagne, et fut d'abord pasteur à Dttrmentz. Les circonstances lui ayant permis de reprendre du service dans les Vallées, on le retrouve 1706 pasteur de Saint-Jean. En 1707 il est à Londres, où Van Somer fait et grave son portrait. Étant revenu dans les Vallées, il est exilé de nouveau en 1709. Guillaume III l'engagea à venir à sa cour et lui offrit un brevet de colonel, mais Arnaud préféra retourner en Allemagne où la reine Anne lui fit une pension de 226 L. st. (5650 fr.). f 1721 à Schfin-berg, à 80 ans. Il a écrit La glorieuse rentrée des vaudois MDCCX, devenu très rare, réimpr. 1845 à Neuchâtel, avec préf. de Fréd. de Rou-gemont.
ARNDT, Jean, auteur d'un livre célèbre et justement populaire, intitulé Le vrai christianisme. Spener disait de lui: Sans doute Luther lui est supérieur par l'étendue de l'œuvre que Dieu lui a donnée à faire, mais Arndt le suit de bien près, et je ne suis pas sûr que par ses écrits il ne soit pas destiné à une œuvre également importante. Arndt naquit 1555 à Ballen-stœdt, Anhalt; étudia àHelmstedt, en 1577 àWit-tenberg; vint de là à Strasbourg, puis à Bâle, 1579, où il suivit les cours de morale et de médecine de Tbéod. Zwinger, célèbre médecin chrétien. Rentré dans son pays, il fut successivement pasteur à Badeborn, Quedlimbourg 1590, Brunswick 1599; il publie en 1605 le premier livre de son Vrai christianisme, qui est accueilli partout avec enthousiasme, excepté par ses collègues de Brunswick. Il combat dans ce livre la foi morte, la sèche scolastique, même orthodoxe; il veut réveiller les étudiants et les prédicateurs, et que le chrétien puisse dire en réalité: Ce n'est plus moi qui vit, c'est Christ qui vit en moi. En 1608 il donne la fin de son manuscrit à son ami et fils spirituel Gerhard, publie 1609 l'ouvrage entier, passe à Eisleben, et enfin 1611 à Zell, comme prédicateur de la cour et surintendant. Son activité, prédications, visites d'églises. furent bénies non seulement pour sa paroisse, mais pour tout le Lunebourg, comme ses livres pour toute l'Allemagne, f 1621. Il eut toujours une grande prédilection pour les écrits mystiques d'A'Kempis, Tauler et Staupitz.
ARNO, évêque et premier archev. de Salz-bourg, entre 785 et 800. Il était de la famille des Freysingen, et se consacra à l'Église encore eufant 758, diacre et prêtre 778, abbé de Saint-Amand, Belgique, 782, et grand ami d'Alçuin. Après l'incorporation de la Bavière à l'empire des Francs 788, il se concilia la faveur de Char-lemagne, et fut employé par lui soit pour des missions à Rome, soit pour la conversion des Slaves et des Avares. C'est Léon III qui érigea Sakbourg en métropole de la Bavière. Arno est plus d'une fois délégué (missus) de l'empereur pour des intérêts temporels. Il assiste au testament de Charles et au concile de Mayence 813; il n'assiste pas à celui d'Aix-la-Chapelle pour la réforme des ordres religieux 817, et Louis lai eu communique par écrit les résolutions, f 821.
ARINOBE 1° VAncien, célèbre apologiste chrétien de l'Afrique proconsulaire occidentale, né à Sicque en Numidie, vers le milieu du 3me siècle, de parents païens. Il enseigna assez longtemps la rhétorique et la grammaire, combattit le christianisme et s'acquit une réputation considérable comme savant et orateur. D'ûn esprit enclin à la superstition, il était travaillé intérieurement par le sentiment qu'il faisait fausse route; il hésita longtemps avant d'embrasser le christianisme; enfin il se décida. Comme il avait combattu les chrétiens publiquement, son évêque exigea, avant de l'admettre au baptême, qu'il fit un acte public de conversion. C'est alors, qu'au milieu des persécutions dioclétien-nes, 304, il écrivit une profession éclatante de sa foi:VII Livre» contre les païens: Disputationes adœriw gentiles. On ne sait s'il fut ecclésiastique; quelques-uns l'ont cru, mais sans preuve. Son style est dur, inégal, obscur souvent, mais parfois aussi agréable, élégant et énergique. Il a de fines railleries et des attaques virulentes contre le polythéisme et contre ceux qui le soutiennent par des allégories; en général il cite peu les saintes Écritures; on lui reproche des subtilités et des idées étranges sur l'origine du mal, qu'il rapporte à un être inférieur à Dieu. D eut pour disciple Lac tance.
î° le Jeune, théologien du 5m« siècle, dont on ne connaît ni le lieu, ni la date de naissance, ni la vie. Il écrivit un Comment, sur les Psaume qu'on a faussement attribué au précédent, et qui renferme une attaque assez forte contre Augustin.
ARNOLD 1° de Bresce, etc., v. Arnaud. — 2° Geoffroy, né 1666 en Saxe, étudia la théol. à Wittenberg. entra 1689 en relation avec Spe-ner, fut prof, un an à Giessen et occupa successivement plusieurs places de pasteur, refusa de signer la formule de Concorde, fut banni de Saxe et nommé pasteur à Terleberg, il y f 1714. Auteur de divers ouvrages mystiq. et historiq.. cantiq. et sermons qui lui ont valu une réputation méritée.
» Thomas, né 13 juin 1795, f juin 1842. Élève d'Oxford, théologien anglais, prédicateur et pédagogue distingué, a fait de Rugby une école chrétienne. A publié une édition de Thucydide, une Hist. romaine, 5 vol. de Sermons, une brochure sur la conscience chrétienne, une Étude sur l'interprét. des Écritures, etc. H tenait rÉgl. et l'État comme deux domaines devant se confondre l'un dans l'autre, et réclamait l'école chrétienne et un gouvernement chrétien. — Son fils Matthew est connu surtout comme publiciste éminent.
ARNOLDI, Barthélémy, d'Using, moine au-gustin, professeur de philosophie et de théologie à Erfurt, un des maîtres de Luther, l'approuva dans ses débuts, mais trouva qu'il allait trop loin. Il assista à la diète d'Augsbourg 1530 et f à Erfurt 1532. A laissé de nombreux ouvrages.
ARNULPH 1° évêque de Metz 614, avait été jusque-là laïque et marié, majordome à la cour franque d'Austrie. Quand il entra dans les ordres, sa femme prit le voile à Trêves. Leur fils Anségis épousa Begga, fille de Pépin, dont il eut Pépin d'Héristal. Après avoir siégé dans les conseils de Clotaire et de Dagobert, il sollicita sa retraite 625, et se rendit au couvent de Re-miremont. Vosges, où il f 641. — 2° v. Jean 12<>.
ARSÈNE lo diacre romain, très instruit et distingué, recommandé par Damase à Théodose pour l'éducation de son fils Arcadius. Mais le jeune prince, faible et méchant, irrité de devoir se tenir debout devant son maître assis, lui jura une haine mortelle, et celui-ci dut s'enfuir dans les déserts de l'Égypte, où il atteignit jusqu'à 95, quelques-uns disent même 120 ans. f 445.
2° Moine de Nicée, solitaire du mont Athos, enfin patriarche de Constantinople, chargé par Théodore Lascaris II de la tutelle de son fils Jean 1255/59, excommunia l'usurpateur Michel Paléologue, qui à son tour le fit déposer et bannir par un synode convoqué à Constantinople. Il f 1267 dans une île de la Propontide; Michel se fit relever de son excommunication en 1268, mais Arsène conserva beaucoup d'adhérents dans le clergé grec et fut canonisé 1312.
ARTÉMON, vivait à Rome à la fin du 2*e siècle, et soutenait que Jésus n'était qu'un homme; il admettait cependant sa naissance surnaturelle et sa parfaite sainteté.
ASCÈTES, ascétisme. Mot grec d'origine, qui signifie exercice et qui s'employait spécialement en parlant des athlètes. Dans le langage chrétien il s'appliqua aux exercices spirituels. Clément d'Alex, donne ce nom aux hommes de l'A. T. qui menaient une vie austère. Peu à peu il se dit des personnes, hommes ou femmes, qui s'imposaient des privations physiques dans la pensée d'affranchir l'esprit; il finit par désigner surtout les religieux, les moines et la vie monastique.
ASCHE, rabbin célèbre, un des principaux rédacteurs du Talmud, enseignait à Sura, Euphrate. et f 427. Il eut pour successeurs Àbina et José, qui mirent la dernière main à l'œuvre et l'ont laissée telle qu'elle est aujourd'hui. Il avait divisé son travail en 60 parts, dont chacune devait être achevée dans l'espace d'un semestre.
ASGIDAS, v. Théodore.
ASILE, v. Asyle.
ASINAIRES (les), proprement les adorateurs, ou les disciples de l'âne, sobriquet donné d'abord aux juifs, puis aux chrétiens, à la suite d'une caricature où, d'après le rapport de Ter-tulien, le Dieu des chrétiens était représenté sous l'image d'un homme à oreilles d'âne, ayant un sabot au pied, un livre à la main et revêtu d'une toge. Tacite raconte aussi que les juifs adoraient un âne, Hist. Y. 4., par confusion avec l'urne à deux anses qui renfermait la manne.
ASSEBOURG, Rosemonde-Juliane (d'j, demoiselle allemande, née 1672 d'une famille noble des environs de Magdebourg. Célèbre par sa piété, elle déclara en 1691 que dès sa 7™« année elle avait eu de temps en temps, et surtout pendant ses prières, des visions merveilleuses, et qu'elle avait reçu de Dieu de grandes révélations relatives à l'état glorieux de l'Égl. future et au Millenium. Le surintendant Petersen la recueillit dans sa maison, l'admira, fit valoir ses révélations dans un livre intitulé Species facti; mais l'un et l'autre furent bannis 1692 sur la plainte du clergé, et Ton n'entendit plus parler de la visionnaire. Leibnitz, qui l'avait connue, rend hommage à son caractère.
ASSEMANI, famille de savants qui ont rendu de grands services à la littérature orientale et ecclésiastique; ils étaient maronites, originaires du Liban; plusieurs ont étudié au collège des maronites à Rome, et sans renoncer à leurs traditions orientales, ils se sont développés dans l'esprit de l'occident. Les plus célèbres sont:
io Joseph Simon, docteur en théol., chanoine de Saint-Pierre à Rome, référendaire du pape, custode de la bibliothèque du Vatican, travailleur infatigable, qui a ouvert la voie aux études sur l'histoire des églises de Syrie. Clément XI l'envoya en orient 1715 pour se procurer des manuscrits; il en trouva beaucoup en Égypte, moins à Damas, et il allait partir pour la Mésopotamie, quand il fut rappelé. Il rentra à Rome 1717 avec 150 manuscrits de valeur, et le pape fut si content de son travail qu'il résolut de lui confier une seconde mission, mais il ne parait pas qu'il y ait été donné suite. Il retourna cependant en Syrie en 1735, avec de grosses sommes d'argent, mais sans autre mission que de venir en aide aux catholiques du Liban, maltraités par les Turcs, et de fournir aux maronites les moyens de se construire un nouveau couvent. Il présida en 1736, comme légat du pape, un synode convoqué par le patriarche maronite Jean-Pierre de Gaza, dont il rédigea les délibérations en arabe et les traduisit ensuite en latin. Il n'oublia pas ses collections, recueillit plus de 2000 vieilles médailles et pièces de monnaie, une quantité de manuscrits et sur des plaques de cuivre le texte des privilèges que Domitien avait octroyés aux Égyptiens. Au bout de 3 ans il revint à Rome, et c'est à cette occasion qu'il fut nommé custode, ou gardien de la Bibliothèque qu'il avait enrichie 1730. Le 18 févr. 1740 il fut chargé de faire le discours qui précède d'ordinaire l'élection d'un pape et il recommanda aux cardinaux de choisir un homme à la fois savant, sage et pieux, f 31 janvier 1768. Son principal ouvrage est la Bibtioth. orientait* Clementino-Vaticana, 3 vol. f», 1719-1728 qui contient l'histoire des écrivains syriens, orthodoxes et monophysites. celle des nestoriens, et des détails sur l'hist. de l'Église dans les différents pays de l'orient, depuis l'Arabie jusqu'en Chine. Abrégé par Pfeif-fer, Erlangen 1776. Il a écrit aussi une Grammaire arabe, une Chronique orientale, et commencé sous le titre de Kalendaria ecclesiœ universœ une œuvre digne des bollandistes, renfermant l'histoire de tous les saints de l'orient et de l'occident, dont il n'a paru que 6 vol. 4® comprenant seulement les Slaves et les Grecs. Il publia aussi les œuvres d'Ephrem Sy-rus, et fut aidé dans ce travail d'abord par Pietro Benedetti, puis par son cousin Evode.
2° Joseph Aloys, frère du précédent; prof, de langues orientales au collège de Rome, f 9 févr. 1789. Connu surtout par son Codex liturgicus Ecclesiœ unit?., 13 vol. 4°, ouvrage inachevé, Rome 1749-1766.
3° Etienne-Evode, cousin des précédents, ar-chev. titulaire d'Apamée, Syrie, possédant les plus riches prébendes de l'Italie; orientaliste distingué, jiommé membre correspondant de la Société royale britannique des sciences, concourut avec son parent Joseph Simon à la publication des œuvres d'Ephrem, écrivit les Actes des saints martyrs de l'orient, une Histoire des persécutions romaines, la description d'un certain nombre de mss., et surtout fit un catalog. des mss. orientaux de la biblioth. Mediceo-Lauren-tine.
4° Simon, de la même famille, né en Syrie 1752. f Padoue 1821, a écrit un Essai sur les Arabes avant Mahomet, un Catalogue des mss. orientaux du comte de Nani, et quelques ouvrages sur la littérature orientale.
ASTÉRIUS 1° disciple de Lucien, l'un des écrivains qui furent le plus habiles à défendre l'arianisme. f 330.
2<> Évêque d'Amasie, d»ns le Pont, t surnommé Philalèthe, ami de la vérité. On a peu
de détails sur sa vie; tout ce que Ton sait, c'est qu'il lut un vaillant défenseur de l'orthodoxie. Presque inconnu jusqu'au i7m« siècle, il prit place tout à coup parmi les orateurs les plus remarquables de son temps, grâce à la découverte de 5 de ses sermons; on en trouva plus tard d'autres encore, dont quelques-uns préchés au concile deNicée, et une dizaine de morceaux inachevés, entre autres un éloge d'Étienne, qu'on a cru longtemps l'œuvre de Proclus, patr. de Constantinople. On lui a attribué à tort plusieurs autres écrits. Il parait avoir joui d'une grande considération en orient. Trad. par Mau-croix et l'abbé Bellegarde.
ASTRUC, Jean, 1684-1766, médecin, fils d'un pasteur français, du Languedoc, qui avait abjuré à la suite des persécutions. Il était habile comme médecin et fut attaché au service d'Auguste de Pologne et de Louis XV. puis prof, à Paris. Connu surtout par ses Conjectures sur la Genèse et les documents dont Moïse s'est servi pour la rédiger.
ASYLE, endroit inviolable, placé sous la protection d'une puissance supérieure. Chez tous les peuples on a considéré comme tels les lieux consacrés au culte. H y avait là un préjugé populaire, qui fut partout sanctionné par les lois et qui était un frein salutaire contre l'arbitraire, la vengeance et la passion. La loi de Moïse avait ses villes de refuge pour les meurtriers involontaires. Les Grecs et les Romains avaient aussi leurs temples et leurs autels, qui protégeaient ceux qui leur demandaient un refuge. Là où Dieu était, s'arrêtait le pouvoir des hommes et leur droit de juger. Les temples chrétiens bénéficièrent de ces traditions, et les empereurs les réglèrent, tantôt pour les étendre, tantôt pour les restreindre. Théodose II et Honoré, 414 assimilèrent au crime de lèse-majesté la violation du droit d'asyle. Théodose II étendit même ce droit aux parvis, aux cours, aux cellules, aux jardins des temples, à tout ce qui était compris dans l'enceinte des murailles extérieures, 431. Léon I®"1, tout en confirmant ce décret 466, ajouta que le droit d'asyle ne pouvait pas suspendre l'action de la justice. Justinien refusa de l'étendre aux meurtriers et aux adultères. L'Église a toujours regardé comme son devoir de défendre ceux qui recherchaient sa protection. Le concile de Sardique 347 et celui d'Orange 441, ont posé en principe que ceux qui cherchaient un asyle dans les temples ne pouvaient pas être livrés. Le concile d'Orléans 511 confère les mêmes droits à la demeure de l'évéque. Le concile de Tolède 681 décide que les abords des églises, jusqu'à 30 pas, sont également inviolables, et Jean VIII donne à ces 30 pas l'autorité de son nom. Nicolas II. 1059, dit même que pour les grandes églises il faut compter quarante pas. L'Allemagne exclut du droit d'asyle les criminels, et plusieurs papes firent de même. Innocent IU 1200, Grégoire IX 1234, Martin V 1418, Jules II 1504. Le conc. de Trente maintint le principe, mais dès lors, dans la pratique, les rois et les papes le restreignirent de plus en plus, et la loi Siccard, Turin 9 avril 1850, Ta complètement supprimé, avec cette seule réserve que, vu la sainteté du lieu, l'arrestation des criminels doit se faire avec le plus de convenance possible.
ATHANASE, patriarche d'Alexandrie, le plus illustre des docteurs de l'Église grecque, et peut-être le plus grand des pères de l'Église, né vers 296 à Alexandrie. Il reçut une éducation libérale et chrétienne, et montra de bonne heure les dispositions les plus remarquables. Il fut reçu dans la maison d'Alexandre, plus tard patriarche, qui le dirigea dans ses études et le nomma son secrétaire. Puis il alla quelque temps vivre avec saint Antoine et retourna à Alexandrie. Nommé successivement sous-diacre 319, puis diacre, il était à l'âge de 20 ans le confident et le conseiller de son évêque Alexandre. Il eut pour collègue Arius dont il dévoila l'hérésie, et en 325 il alla comme simple prêtre au concile de Nicée, où il fut le défenseur le plus puissant de l'orthodoxie. Son talent et son éloquence frappèrent les pères d'admiration, et c'est à lui qu'on doit en grande partie la rédaction du Symbole de Nicèe et la condamnation d'Arius. Un rôle aussi considérable soutenu victorieusement par un jeune prêtre, ne pouvait manquer d'attirer sur lui l'attention publique; aussi lorsque Alexandre mourut, 326, il le désigna comme son successeur au patriarchat. Ce vœu fut approuvé à l'unanimité par le peuple et le clergé. Toutefois Athanase ne tarda pas à trouver des ennemis. Les ariens, qui ne lui pardonnèrent jamais la condamnation de leur chef et de leurs doctrines, s'unirent aux mélé-ciens pour l'accuser, le diffamer et le calomnier auprès de Constantin. Celui-ci reconnut la fausseté de toutes ces accusations, mais travaillé sourdement par les ennemis d'Athanase et par sa sœur mourante, il cita le patriarche devant les conciles de Césarée 334, où il refusa de comparaître, de Tyr et de Jérusalem 335, où il trouva des juges fortement prévenus contre lui; mais il se défendit avec tant d'habileté et de talent qu'il confondit ses calomniateurs. Cependant il ne réussit pas complètement. Ce dernier concile, placé sous diverses influences, prononça l'exil contre lui et il dut se retirer dans les Gaules, à Trêves. Mais cet exil qui dura deux ans, fut pour lui une sorte de triomphe. En 337 Constantin mourut; Athanase fut rappelé à Alexandrie l'année suivante par Constance. De toutes parts on accourait sur son passage, et à son entrée à Alexandrie il fut reçu avec un enthousiasme indescriptible. Il ne resta pas longtemps en repos. Accusé d'immoralité et de crimes, il fut déclaré coupable par un concile de 90 évêques ariens réunis à Antioche et de nouveau exilé pendânt 7 ans; un concile de 100 évêques convoqué à Alexandrie le déclara innocent. Les ariens en appelèrent à Rome; le pape Jules et 50 évêques se prononcèrent en faveur d'Athanase et leur verdict fut confirmé au concile deSardique par 300 évêques d'orient et d'occident. 347. Athanase fut reçu à Alexandrie au milieu des mêmes scènes touchantes qui avaient signalé son premier retour, 348. Bientôt l'emp. Constance, dont l'arianisme avait été modéré par son frère Constant, resta seul au pouvoir. Deux conciles ariens se réunirent sous son patronage à Arles, 353, et à Milan 355, et déposèrent Athanase; il y eut contre lui un renouvellement d'animosité et d'acharnement. Mais le courage du vaillant évêque grandissait avec l'imminence du péril. Il refuse cette fois de partir; le gouverneur d'Alexandrie reçoit l'ordre de le chasser par la force et tandis qu'Athanase officie tranquillement dans l'église, 5,000 soldats apparaissent et le cernent tout à coup; on presse l'évêque de s'échapper, il refuse, ses amis l'entourent, le saisissent et le dérobent aux regards des soldats. Exilé et fugitif pour la troisième fois, le patriarche d'Alexandrie va rejoindre les moines d'Égypte. On le poursuit, on le cherche, les solitaires le cachent et se laissent torturer et massacrer plutôt que de dénoncer le lieu de sa retraite. Enfin, pour les sauver et les débarrasser de sa redoutable présence, Athanase partit et se retira dans les déserts inhabités de l'Égypte, où il resta avec un seul serviteur. Ce troisième exil dura 6 ans pendant lesquels le courageux défenseur de la foi nicéenne composa un grand nombre d'écrits. En 361 Julien l'Apostat monta sur le trône et rappela tous les évêques chassés par son prédécesseur. Athanase revint donc à Alexandrie et sa prédication convertit un si grand nombre d'ariens et d'idolâtres, que les prêtres païens écrivirent à Julien, lui déclarant que si Athanase restait plus longtemps à Alexandrie, on n'y verrait bientôt plus aucun adorateur des dieux. Julien envoya donc l'ordre de chasser l'évêque de la ville, et le gouverneur apposta sur les routes des assassins pour le massacrer. Athanase venait de s'embarquer sur le Nil pour se rendre dans la Thébaïde; tout à coup il change de résolution, il ne quittera pas Alexandrie: Non, dit-il, je veux leur montrer que Celui qui est avec moi est plus fort que ceux qui me persécutent; et il ordonne courageusement à ses rameurs de retourner en arrière. Bientôt ils croisent les assassins envoyés à sa poursuite. Ceux-ci leur demandent s'ils ne l'ont pas vu: Il est tout près, répond Athanase; vous n'avez qu'à bien ramer. Le patriarche rentre à Alexandrie, mais à la prière dés siens il reste caché dans les environs jusqu'à la mort de Julien, qui le tira de ce nouvel exil. Rappelé par Jovien, il fut de nouveau banni par Valens; toutefois il ne partit pas, mais se retira simplement dans les tombeaux, où il demeura 4 mois; au bout de ce temps, Valens effrayé du mécontentement populaire, se décida à le rappeler 367. Dès lors, Athanase, après la vie la plus tourmentée et la plus agitée, resta en possession paisible de son siège jusqu'à sa mort, 373. Il avait été évêque 46 ans; il en avait passé 20 en exil, en sept différentes condamnations. Petit de taille, et d'un extérieur peu remarquable, mais doué de talents hors ligne, Athanase avait un esprit vif, un jugement solide, des connais* sances étendues et une rare éloquence. Cœur généreux, intrépide et bon, ce géant de vie et de foi s'était acquis l'affection sans bornes de son troupeau. La Bletterie le considère comme le plus grand homme de son siècle et peut-être de l'Église. Il a laissé de nombreux ouvrages de controverse, d'histoire, de morale et d'édification; le plus considérable est peut-être son Apologie à l'emp. Constance; on cite encore son Épître aux solitaires, sa Lettre circulaire aux évêques, ses 7 homélies, etc. Fort jeune il avait écrit déjà son traité de l'Incarnation du Verbe, résumé de la doctrine chrétienne. Son style n'est pas toujours élégant, mais il est clair et entraînant. Les auteurs qui lui succédèrent ont souvent puisé dans ses écrits. H. B.
Quant au Symbole d'Athanase, dit aussi le symbole Quicunque parce qu'il commence par les mots Quicunque vult salvus esse, il ne mérite le nom d'Athanase que dans le même sens et de la même manière que le Symbole des apôtres mérite le sien, c.-à-d. qu'il résume sa doctrine. mais sans avoir été écrit ni rédigé par lui. Les œuvres d'Athanase ne le mentionnent nulle part; plusieurs articles du symbole font allusion à des questions qui furent soulevées seulement le siècle suivant, entre autres celles relatives à la procession du Saint-Esprit; enfin il ressort de la comparaison du texte grec et *du texte latin, que ce dernier est l'original, mais où, quand, par qui a-t-il été composé? Les opinions divergent beaucoup là-dessus. Le plus probable, c'est que c'est l'œuvre de Vigile de Tapse, qui vivait au nord de l'Afrique à la fin du 5m« siècle. Gieseler cependant le place plus tard, au 7®« ou au 8™ siècle, et suppose qu'il a été composé en Espagne. Quoi qu'il en soit, c'est un magnifique document de la foi chrétienne, et il restera précieux alors même que la science théologique viendrait à formuler autrement et d'une manière moins absolue certaines doc-trines.
ATHÉISME. C'est la négation de l'existence de Dieu ou des dieux; les anciens païens avaient déjà leurs athées. L'athéisme peut se présenter dans la théorie comme un système, soit affirmatif, soit négatif; dans la pratique comme une règle de vie morale et de conduite. 11 se confond nécessairement avec le matérialisme, et en admettant l'éternité de la matière, puisqu'aucune puissance intelligente n'était là pour la créer, il doit admettre aussi l'éternité du mouvement, puisqu'on ne saurait comprendre ancune cause qui l'aurait déterminé; il doit admettre enfin l'éternité de toutes les espèces, de l'homme, des animaux et des plantes, avec la seule réserve des modifications que les circonstances extérieures peuvent produire à la longue. Si l'insensé peut dire en son coeur: Il n'y a pas de Dieu, la question reste toujours de savoir s'il y a vraiment jamais eu de véritable athée, et si l'on ne doit pas plutôt comprendre sous une désignation générale et vague les conceptions les plus diverses d'un théisme inconscient ou du panthéisme. Le caractère essentiellement négatif de l'athéisme le réduit à ne pouvoir s'établir par des preuves; il n'est pas une doctrine et n'appartient par aucun côté à la philosophie. Il n'est pas davantage une morale. et il doit dans la théorie faire abstraction de h conscience; l'intérêt personnel tient lieu du devoir, chaque individu résume en lui-même le monde et la vie, tout doit se rapporter à lui comme centre unique, et l'égoïsme est la conclusion logique du système. Ce n'est que par une heureuse inconséquence que les athées peuvent valoir souvent mieux que leurs principes.
ATHÉNAGORE, païen de naissance et philosophe platonicien, ou plutôt éclectique, né à Athènes au 2me siècle. Il se disposait à écrire contre les chrétiens et se mit à lire leurs livres; cette lecture fut pour lui une révélation; il abandonna le polythéisme, étant encore assez jeune, et se fit chrétien. Il ouvrit à Alexandrie une éœle dont il fut le directeur. L'époque de sa mort est inconnue. Quelques-uns le regardent, à la suite de Philippe Sidétès, comme le fondateur de l'École catéchétique d'Alexandrie, mais à tort; Eusèbe dit formellement que ce fut Pantène. On a de lui une Apologie de la religion chrétienne adressée 177 aux empereurs Mare-Aurèle et Commode, et un traité sur la Résurrection des morts.
ATHOS (Mont-), montagne célèbre, qui a près de 2000® de hauteur et 115 kilom. de circonférence à la base; elle est située dans la Roumélie, à l'extrémité sud de la plus orientale des trois langues de terre qui terminent la presqu'île macédonienne. De temps immémorial, et déjà chez les Thraces, elle a été connue sous le nom de Sainte-Montagne, Monte-Santo; des souvenirs classiques s'y rattachent, ainsi que des souvenirs chrétiens, et les nombreux couvents qui s'y trouvent en recueillent soigneusement les traditions. L'histoire du Mont-Athos, longtemps mystérieuse, n'est sortie de son obscurité que vers le commencement de ce siècle, mais il reste encore bien des questions à élucider, des points à déchiffrer, sur les origines de cet immense groupement d'institutions religieuses monastiques. C'est sous Michel HI, vers 857, qu'il est fait mention pour la première fois des solitaires du Mont-Athos. Vers 960 Atha-nase-Auranias entreprend de civiliser les sauvages habitants de la contrée en les soumettant à une règle. Il prédit à Phocas la victoire sur les Sarasins et reçoit en récompense l'abbaye de Laura, la plus ancienne du pays, ou à peu près. Vers 1045 le patriarche de Constantinople donne à ces monastères une constitution, et proscrit en particulier de la minière la plus sévère la présence de femmes dans la colonie. Les grands couvents de Batipodion et de Xénophon datent probablement de cette époque. Alexis Comnène les combla de privilèges: son nom y est encore en grand honneur, et l'on assure que lui-même y a été enterré, ainsi que Zonaras son secrétaire d'État. En tout cas pendant longtemps ces couvents furent distraits de l'autorité épisco-pale et ne relevèrent que de l'empire. Les croisades décidèrent les orgueilleux moines grecs à se soumettre aux papes, et Innocent IU leur accorda sa protection, mais en les rattachant au siège de Rome. On ne comptait alors pas moins de 300 couvents, grands et petits, dans le territoire de la montagne. Les Paléologues. au XIVme siècle, revendiquèrent leurs anciens droits, placèrent les couvents sons la direction du patriarche de Constantinople et les ramenèrent de nouveau à l'Église grecque. Aujourd'hui l'on compte 21 ou 22 villages ou groupes principaux de monastères, couvents, cellules, construits la plupart au bord de la mer. ayant chacun ses limites bien déterminées, sa rade, sa pêche et son industrie, voir même une citadelle et un arsenal. Les couvents proprement dits ont l'air de forteresses, et quelques-uns sont riches et magnifiques. Le nombre des moines est d'au moins 6000. sans comptér les simples frères laïques; la plupart vivent en commun dans les monastères, mais beaucoup vivent seuls dans des ermitages simples et modestes, dans des cavernes ou dans les bois. Ces derniers, les anachorètes, les ascètes, dont la vie est plus dure, passent aussi pour être plus près de la perfection. La règle n'est pas la même dans tous les couvents. Chez les uns il y a abdication complète de toute volonté entre les mains-de l'abbé, chef, ou Igoumène. Les autres au contraire élisent chaque année une sorte de bureau et décident les questions graves en assemblée générale. Cette organisation démocratique semble même être fort ancienne, et les tentatives des empereurs n'ont jamais pu la faire disparaître entièrement. Aujourd'hui encore cette république de moines, en laissant chaque agglomération se gouverner comme elle l'entend, a pour autorité centrale, non un chef, mais un conseil renouvelé chaque année et qui se réunit dans la charmante petite ville de Karyœs, où il statue sur toutes les questions de discipline et d'administration. Les moines vivent des produits du sol, vin, huile, fruits, légumes; la pêche et diverses industries ajoutent à leurs revenus; mais comme ils ont à payer à la Porte un impôt qui varie de 25 à 100,000 fr. par année, ils ont des collecteurs à l'étranger, sur les rives du Danube, à Moscou, et jusqu'à Tiflis, dont les recettes ne sont pas à dédaigner. Ainsi préoccupés de soucis matériels, les solitaires du Mont-Athos ont perdu leurs traditions scientifiques dont ils étaient si fiers au temps de Zonaras, et ils en sont venus au point que très peu d'entre eux savent lire; ils s'en tiennent à la connaissance du dogme grec-orthodoxe, et aux légendes plus ou moins historiques de la Sain te-Montagne; ils ont aussi la passion de l'Apocalypse. Un essai fait sous Catherine II par Eugène Bul-garis, de Corfou (né en 1716), de relever l'état intellectuel de ces solitaires en fondant au milieu d'eux une maison d'éducation, n'aboutit pas. L'institut alla jusqu'à 200 élèves, mais la jalousie des ignorants suscita de telles difficultés que le patriarche Cyrille de Constantinople dut faire fermer la maison. Eugène partit, se fit une réputation en Russie par ses écrits philosophiques. mathématiques et politiques, demanda en 1774 l'expulsion des Osmans d'Europe, et f 1806 à Pétersbourg, revêtu de la dignité archiépiscopale. L'ignorance continua de régner au Mont-Athos. — De nombreux mss. et de riches peintures ont fait à cette aggrégation de monastères une réputation méritée. Cependant il ne faut pas s'en exagérer l'importance; depuis Walpole, qui en a retiré ce qu'il y avait de meilleur, les collections ont beaucoup perdu de leur valeur première. Déjà lors de la conquête de Constantinople, * les proscrits enlevèrent, pour les transporter en Occident, les mss. qui avaient la plus grande notoriété; ainsi les biblio thèques de Paris et de Moscou possèdent deux des mss. du N. T. du 6m« et du 8me siècle, en lettres onciales et majuscules, qui comptent parmi les plus importants. Il reste peu de chose en fait de mss. classiques, latins ou grecs; davantage en fait de patristique et de monuments ecclésiastiques, mais surtout liturgiques, relativement récents et de peu d'intérêt; quelques mss. de la Bible, une Septante richement ornée, des discours de Grégoire de Naziance, de J. Da-mascène, de Chrysostôme, etc. II y a aussi une collection considérable de livres appartenant à la Réforme en France. Il serait à désirer qu'on pût avoir le catalogue général de toutes ces collections, éparses dans les différents couvents. — L'abord en est relativement facile.
ATTO. ou Hattan, second évêque de ce nom à Vercelli, Piémont, f 960. Il vécut dans la plus sombre période de l'Église d'occident, et ses nombreux écrits n'en méritent que plus de fixer l'attention. Outre des Lettres, des Sermons et un Comment, sur les ép. de Paul, il a laissé un Traité de morale, une Protestation contre les empiétements du pouvoir civil, et une collection de Canons qui jettent du jour sur l'état de l'Église de son temps.
ATTRITION. C'est dans l'Église catholique la première forme, et la plus imparfaite, de la contrition ou repentance proprement dite; elle provient de la crainte du châtiment. C'est peu de chose, mais cela vaut mieux déjà que l'endurcissement; d'après Hilger, elle correspondrait aux terreurs de conscience des protestants. C'est un minimum, qui peut déjà conduire à la grâce.
AUBERLEN, Charles-Aug., né 1824 près de Stuttgart, fils d'un instituteur, étudia à Blau-beuren et à Tubingue, et après deux suffragan-ces, dont l'une avec Hofacker, il fut appelé comme prof, de théol. à Bâle 1851, où il f 1864. Distingué comme prédicateur évangéli-que; auteur d'une Étude (trad. en fr.), sur Daniel et l'Apocalypse, et d'un ouvrage d'apologétique, inachevé: La Révélation divine.
AUBERTIN, Edme, né 1595 à Chftlons-sur-Marne, pasteur à Chartres, puis à Paris 1631; connu surtout par son livre sur l'Eucharistie; 2me éd. Genève 1633. f 5 avril 1652.
AUBERY, Benjamin, seigneur Du Maurier, ambassadeur en Hollande 1613, conseiller d'État 1615, s'occupa de concilier les partis au synode de Dordrecht 1617-1620, refusa de servir les desseins de Maurice et ne put sauver Barnevelt; ami de Du Plessis-Mornay et de Grotius. f 1636. Il eut onze enfants, dont 9 lui survécurent, 4 fils et 5 filles, presque tous distingués par leurs talents et leur caractère, mais dont un abjura. |
AUBIGNÉ (d') lo Théodore-Agrippa, né à Saint-Maury, près de Pons, le 8 févr. 1552, + à Genève 29 avril 1630, l'un des plus illustres champions de la Réforme, fils de Jean, seigneur de Brie, Saintonge, lequel descendait des d'Au-bigny d'Anjou, ce qui lui fit donner par quelques-uns le nom de d'Aubigny, au lieu de d'Au-bigné. Sa mère était Catherine de PEstang. Jean fut un des chefs de la conjuration d'Amboise,
et il fat si irrité de l'exécution de ses amis qu*il fit le serment solennel de les venger. Il ne s'y épargna pas, mais la mort l'enleva 4563, avant qu'il eût pu tenir son serment. Le jeune Théodore montra de bonne heure les meilleures dispositions pour l'étude; à 6 ans il lisait le français, le latin, le grec et l'hébreu; à 7 Vi ans il traduisait le Criton de Platon. Après la mort de son père, son curateur l'envoya à Genève, où son esprit lui valut la faveur de Bèze, mais son indiscipline les rigueurs de ses professeurs. D s'enfuit à Lyon, où sa misère devint telle qu'il fut sur le point de se suicider. Dès 1567, âgé de 16 ans, il voulut s'enrôler dans les guerres de religion, mais son tuteur l'en empêcha; ce ne fut qu'en 1568 qu'il réussit à s'évader, presque nu, et en 1574 seulement qu'il entra au service du roi de Navarre, d'abord comme éeuyer on aide de camp, plus tard comme maréchal de camp, comme gouverneur d'Oleron et de Maillerais, enfin comme vice-amiral des côtes du Poitou, de la Saintonge et de Bretagne. Il gagna tous ses grades à la pointe de l'èpée et sur les champs de bataille, par son courage indomptable, la sûreté de son coup d'œil, ses talents stratégiques, et par un dévouement k toute épreuve, qui ne fut jamais bien apprécié ni récompensé. Il avait la parole trop sarcastique et trop hardie. Après les batailles de Jonsac, de Jarnac et de Cognac, il se rendit à Paris, et il aurait péri avec tant d'autres à la Saint-Barthélémy s'il n'eût dû s'enfuir à la suite d'un duel où il avait servi de témoin. Il avait reçu douze blessures au service d'Henri IV, lorsqu'il se brouilla pour la première fois avec ce léger et capricienx monarque, dont il n'avait pas voulu servir les illégitimes amours, 1577. Il se réconcilia cependant avec lui pour la guerre dite des Amonreux, épousa en 1583 Suzanne de Lézav, se brouilla de nouveau à La Rochelle avec Henri à cause de « toutes ses picoteries, » et se retira pour 6 mois dans ses terres. Il reprit du service en 1590, assista au combat d'Arqués, aux denx sièges de Paris, à la bataille d'Ivry,au siège de Rouen, mais quitta définitivement la cour pour plusieurs années après l'abjuration d'Henri IV. En 1596 il jura l'Union protestante à Loudun, et se montra dans les assemblées de Vendôme, Saumur et Chatellerault, parmi les trois ou quatre t qui s'affrontèrent le plus hardiment » avec les députés du roi. En 1600 il discuta pendant 5 heures avec l'évêque d'Évreux, devant plus de 400 personnes de marque des deux religions, et composa à cette occasion un traité De di$$idii$ Patrum (des contradictions des pères) qui est malheureusement perdu. Il s'opposa au projet d'accord entre les deux religions, que le roi avait préparé, et réussit à le faire échouer; il avait entrevu le piège, et acculé le cardinal Du Perron au pied du mur. Lors des affaires de la succession de Clèves et de Juliers, il fut chargé de diriger une expédition au cœur même de l'Espagne; il prit congé du roi 1610; il ne devait plus le revoir. A son retour la reine était régente; d'Aubigné l'assura, au nom des églises, de leur parfaite soumission à la régence, « étant d'une religion en laquelle personne ne pouvait les dispenser de la subjec-tion qu'on doit aux rois selon la Parole de Dieu, » ce qui fit dresser les oreilles au p. Cot-ton. L'exemple d'Henri IV avait trouvé des imitateurs; un grand nombre d'apostasies se produisirent par les soins de la reine et de La Varenne; quelques ministres même furent enlevés par la contagion. D'Aubigné resta fidèle, et prononça 1615 k Nîmes le serment d'union, mais après le traité de Loudun, qui fut « comme une foire publique de perfidies et de lâchetés, il se démit de toutes ses fonctions et partit pour Genève, où il arriva, non sans peine et sans périls, le
I sept. 1620. Il y fut reçu avec de grands honneurs, banquets, etc., ainsi qu'à Berne et k Bâle, deux villes pour les fortifications desquelles il fut consulté et écouté. L'ambassadeur de France en Suisse lui suscita des difficultés de toute nature, mais ne put empêcher son mariage avec Renée Burlamachi. Il passa ses dernière* années paisiblement à Genève et s'éteignit dans sa 80m« année; il fut enterré dans le cloître de la cathédrale. — Parmi ses ouvrages, outre le De dimdiis dont il a été parlé, il faut nommer le Printemps (publié par Ch. Read), la tragédie de Circé, auj. perdue; les Tragiques, long poème satirique de 9000 vers, en 7 livres, plein de vigueur, mais médiocre comme œuvre d'art; la Confession cathol. du Sr de Saucy, qui abjura deux fois, mordante satire; les Aventures du baron Fœneste, où il met en scène le duc d'Alençon, mignon d'Henri III; son Hist. universelle de 1550-1601, très hardie, mais plus française qu'universelle; son autobiographie, Hist. secrète de Théod.-A. d'Aubigné, et divers autres ouvrages moins considérables.
2° Constant d'A., son fils aîné, fils de Su-sanne de Lézay, né 1584, f 1645 k la Martinique, déshonora son nom par ses dépenses, ses débauches et ses trahisons. Devenu catholique, il obtint du pape un bref qui lui permettait « d'assister au prêche et de participer à la Cène des Réformés, » de manière k pouvoir surprendre leurs secrets et trahir son père; il prononça même le serment d'union à Nîmes 1615.
II livra à Schomberg ce qu'il avait appris du gouvernement anglais quant à l'expédition do La Rochelle, et son père le voua dès lors k l'exécration de sa famille et rompit pour toujours avec lui. Après avoir tué sa première femme, Anne Mansaud, il épousa le 27 oct.
1627, Jeanne de Cardillac, avec laquelle il par-tit 1639 pour la Martinique, où il joua et perdit tout ce qu'il possédait. 11 fut père de Charles, gouverneur du Berry, et de Françoise, née le 27 nov. 1635, qui devint plus tard la marquise de Main tenon et la femme de Scarron. Constant mourut dans la misère vers 1645.
3° Nathan d'A., fils cadet, illégitime, de Théodore, et de dame Jaquette Chayer, né 1600 à Nancray, Gâtinais, vint à Genève 1620, fut reçu médecin à Fribourg en Brisgau 1626, épousa Claire Palissari 1621, puis Anne Crespin en secondes noces 1632, fut appelé au conseil des CC. 11 f 1669, laissant plusieurs enfants, dont un fils, Tite, né à Genève 1634, exerça la médecine, et un autre, Samuel, fut successivement pasteur à Renan, Bévillars et Val de Tavan-nes; + 1710. Nathan a écrit quelques traités sur la chimie, v. Notice sur la famille Dubois 1883. C'est par les femmes que s'est conservée à Genève et à Vevey la descendance de Nathan, dans les familles Dubois, Merle, etc.
AUDIENS, Audius, v. Anthropomorphisme.
AUGER, Édouard, jésuite, né 1515 à Alle-man, près de Troyes, commença sa carrière à Rome comme garçon de cuisine dans un couvent de jésuites et fut admis dans l'ordre par Ignace lui-même. De retour en France, il se distingua par son zèle à convertir les protestants, combattit Viret, tomba entre les mains du baron des Adrets, mais réussit, grâce aux pasteurs, à avoir la vie sauve, et devint confesseur d'Henri III. Les ligueurs le forcèrent à quitter la France, f à Côme 1591. Auteur du Catéchisme français 1563.
AUGIER, pasteur à Châlons-sur-Marne 1685, abjura sous le coup des menaces de l'Éditde révocation, et pour ne pas se voir séparé de sa femme et de ses 4 enfants. Mais à peine libre il se regarda comme dégagé d'une promesse arrachée par la violence. Il se réfugia à Berlin où il donna « des marques d'un repentir fort édifiant. » Il fut nommé pasteur à Halle 1688.
AUGSBOURG, ville de Bavière, ancienne cité impériale jusqu'en 1806, célèbre dans l'histoire ecclésiastique par les événements importants dont elle a été le témoin:
Diète d'Augsbourg. En suite de la protestation des princes allemands à la diète de Spire, le 20 avril 1529, l'empereur fut amené à convoquer une nouvelle diète à Augsbourg, mais dans l'intervalle il avait fait la paix avec la France et s'était réconcilié avec Clément VII, s'engageant & réprimer le mouvement réformateur en Allemagne. Il avait été couronné empereur et roi de Lombardie, à Bologne, par le pape lui-même, le 24 févr. 1530, et n'était guère bien disposé en faveur des protestants. Cependant il convoqua les princes le 21 janvier pour le 8 avril, insistant beaucoup plus dans sa lettre de convocation sur la question des Turcs qui venaient de menacer Vienne, que sur la question religieuse. L'électeur Jean de Saxe chargea Luther, Jonas, Bugenhagen et Mélanch-thon de rédiger les points de doctrine et de foi sur lesquels il importait le plus de fixer l'attention de la diète. En réalité c'est Mélanchthon qui fit seul ce travail, en s'aidant des conseils de ses amis. Il l'intitula Apologie; mais l'histoire en a appelé le résumé
La Confession de foi d'Augsbourg. L'électeur partit le 3 avril avec plusieurs princes et une suite de 160 personnes. Ils arrivèrent le 16 à Cobourg, où l'électeur laissa Luther en arrière, soit par égard pour l'empereur, soit qu'il redoutât l'éloquence passionnée du réformateur, soit plutôt qu'il craignît pour ses jours. L'empereur n'arriva que le 15 juin; la Fête-Dieu avait lieu le 16, les princes protestants refusèrent de se joindre â la procession. La diète s'ouvrit le 20 par une messe; les princes y assistèrent, mais ne s'agenouillèrent pas. Les ambassadeurs d'Autriche et de Carinthie furent entendus les premiers sur la question turque. Quant à l'Apologie, rédigée en allemand et en latin, et déjà signée à double par les princes évangéliques (Jean de Saxe, Georges de Brandebourg, Ernest de Lttnebourg, Philippe de Hesse, Jean-Frédéric de Saxe. François de Lttnebourg, Wolfgang d'Anhalt, et les magistrats de Nuremberg et de Reutlingen), le parti catholique fit tout pour en obtenir le simple dépôt et pour en empêcher la lecture. Les princes ayant insisté à trois reprises, Charles leur accorda leur demande, mais à condition qu'on ne lirait que le texte latin; nouvelle discussion, les princes voulant au contraire que leur déclaration fût lue en allemand. On finit par le leur accorder, mais en transférant l'assemblée de la grande salle de l'Hôtel de ville dans une petite chapelle qui ne pouvait contenir que 200 personnes. C'est le samedi 25 juin à 4 h. que le Dr Christian Bayer commença sa lecture, au nom de l'électeur de Saxe, et d'une voix si haute et si distincte qu'il put se faire entendre de tous ceux qui se pressaient dans la cour et aux abords de la chapelle. La lecture dura deux heures, et produisit une immense impression. Après avoir rappelé l'autorité des SS. Écritures et la tradition des premiers siècles, le mémoire établissait que les protestants étaient les seuls vrais catholiques. Les signataires animés d'un esprit de paix et désireux, comme l'empereur, de travailler à maintenir la concorde dans le pays, se déclaraient disposés à remettre leur travail pour être examiné soit par la présente, soit par une future diète, ou, si Ion préférait, par « un concile général, libre et chrétien, t Le document se terminait par an exposé en 21 articles de la doctrine évangélique, sans affectation de formules théoloffiques, et par 7 articles relatifs aux abus de l'Eglise romaine. Le prince Albert de Mayence reçut l'exemplaire allemand; l'empereur prit l'exemplaire latin et l'emporta avec lui à Bruxelles. Ces deux exemplaires ont disparu. L'empereur dit qu'il l'examinerait, et que provisoirement il en interdisait l'impression; mais une copie inexacte en ayant été publiée quelques jours après, les princes durent, avant que la diète se séparât, en publier le texte authentique. Les théologiens catholiques en présentèrent le 12 juillet à l'empereur une réfutation, mais conçue en termes si violents que celui-ci la déchira en morceaux; de 280 feuillets il n'en échappa que 12. Une autre Confutation, rédigée en grec et en latin, plus modérée de forme, fut lue le 3 août, mais si faible de fonds qu'on n'osa pas en communiquer le texte aux évangé-liques; elle fut imprimée en allemand 1572, en latin 1573. Érasme, qu'on avait consulté dans l'intervalle, avait conseillé aux catholiques, et notamment au cardinal Campegio, de céder sur le célibat des prêtres, les vœux monastiques et la communion sous les deux espèces. L'empereur, se réservant toute décision ultérieure, décida que provisoirement les États évangéliques devaient rester soumis à la foi romaine. Mais cette décision resta sans effet; les princes protestèrent; Philippe de Hesse partit le 6 août, impatienté; ceux qui restèrent jusqu'à la dernière session, 29 nov., ne firent aucune concession et s'ils n'obtinrent aucun résultat matériel, ils eurent le double avantage, d'abord d'avoir affermi leur position, en se faisant mieux connaître, puis d'avoir acquis dans la Confession et dans l'Apologie deux livres symboliques, qui, avec les catéchismes de Luther, forment aujourd'hui encore la base et le point de ralliement des églises luthériennes.
Intérim d'Augsbourg. Le concile de Trente ayant été convoqué par le pape et placé sous sa direction immédiate, il ne pouvait être reconnu par les protestants; moins encore après qu'il eut été transféré à Bologne, mars 1547. L'empereur dut renoncer à l'espoir qu'il avait de voir ce concile amener une pacification des esprits, et les princes protestants ayant déclaré à la diète d'Augsbourg, sept. 1547, qu'ils s'en remettaient à lui du soin de maintenir l'ordre et de fixer un mode de vivre jusqu'à la réunion d'un concile indépendant du pape, Charles, après avoir consulté des ecclésiastiques des deox cultes, publia le 15 mai 1548, sous le nom d'Intérim d'Augsbourg, une ordonnance en 26 articles, faisant la part de chacun et par conséquent ne pouvant satisfaire ni l'un, ni l'autre. Les protestants étaient plus ou moins sacrifiés; cependant on leur accordait le mariage des prêtres, la communion sous les deux espèces, et la jouissance des églises et biens ecclésiastiques dont ils étaient en possession. Quant aux catholiques, ils en voulaient à l'empereur de ces concessions, et surtout du droit qu'il s'était arrogé de trancher des questions religieuses. Plusieurs princes évangéliques se soumirent à l'Intérim, quoique à regret; les autres s'y refusèrent, et l'empereur essaya de la force pour les contraindre. Les troupes impériales occupèrent les provinces et les villes récalcitrantes, et un grand nombre de pasteurs durent s'enfuir, plus de 400 dans les seules provinces du nord. Le peuple se moquait de l'Intérim, où il trouvait l'anagramme de mentiri; d'autres l'appelaient interitus; à Magdebourg on prêchait que l'homme ne serait sauvé ni par intérim ni par exterim, mais par la Parole de Dieu seule. Les princes protestants ajoutaient que, si on laissait faire, on les obligerait bientôt à apprendre aussi l'espagnol. Aussi, malgré les rigueurs impériales, l'opposition fut assez forte de part et d'autre, protestants et catholiques, pour que l'Intérim n'ait pas été partout scrupuleusement respecté.
Paix d'Augsbourg, ou 2 '^ paix de religion. Fatigué de luttes où son autorité temporelle s'était montrée impuissante, et n'entrevoyant aucun moyen de réduire les princes évangéliques, Charles-Quint pressé par les Français, comme Ferdinand l'était par les Turcs, finit par comprendre que ce qu'il avait de mieux à faire, c'était de ne pas diviser son royaume, et de laisser à tous les princes leur liberté en matière de religion. Il s'y décida à la diète qui s'ouvrit le 5 févr. 1555. La position des princes était devenue moralement plus forte: ils avaient pour eux le temps et le fait accompli; ils avaient avec eux les populations; la question d'un concile était abandonnée; il ne restait plus qu'à régler certains détails relatifs aux propriétés ecclésiastiques, et elles furent réglées dans le sens de la possession. Le décret de liberté, mais pour les catholiques et pour les évangéliques seuls, prit la date du 25 sept., et malgré plusieurs réserves, il fut salué par les protestants comme un grand bienfait: il accordait ce que Luther avait demandé dès le commencement à la conférence de Leipzig, l'indépendance vis-à-vis du pape et des conciles.
AUGURIUS, v. Fructuosus.
AUGUSTI, Jean-Christian-Wilhelm, né 1772 à Eschenberg, petit-fils d'un prosélyte juif, prof, à Iéna, à Breslau et à Bonn, f 1841. Théologien fécond, auteur d'une Archéologie chrét., et d'une Hist. des dogmes. Sans être strictement orthodoxe, il a des instincts conservateurs et ne s'écarte guère du dogme et de la liturgie admis par l'égl. du pays.
AUGUSTIN 1° Aurelius Augustinus, sans contredit le pins illustre des pères de l'Église latine, supérieur à son maître Ambroise, par l'étendue de ses connaissances et la profondeur de son esprit; à saint Jérôme par son double caractère théologique et philosophique; à Gré-goire-le-Grand, parce que c'est son génie chrétien qui Ta formé. Il apparaît au moyen âge comme le père de la théologie scolastique, et il est également réclamé par l'école mystique. L'Église latine le révère comme son plus grand docteur, et les églises évangéliques le regardent comme un des leurs. Luther fut en quelque sorte son disciple immédiat, et le jansénisme est né sous son influence. Il a l'énergie de Tertul-lien, le zèle et la prudence de Cyprien, ses deux prédécesseurs sur la terre d'Afrique. Augustin naquit le 15 nov. 354, à Tagaste en Numidie, d'un père païen, Patricius, qui lui légua un caractère passionné, et d'une mère chrétienne, Monique, pour laquelle il conserva toute sa vie le plus tendre respect. L'orgueil et l'amour des plaisirs furent de bonne heure les dangers de son âme ardente; l'étude, avec la perspective de devenir un illustre rhéteur, fut un autre piège; les voluptés de Carthage et du culte d'Astarté, lui furent fatales. A 19 ans il était père, et dans le pieux sentiment des devoirs que lui imposait cette paternité irrégulière, il nomma son fils Adéodat (donné de Dieu = Diodati, Théodore, Dorothée, etc.). De ce moment aussi il devint plus sérieux; il chercha la sagesse, non seulement celle de l'intelligence, mais celle qui régit la vie et qui garde le cœur. Le manichéisme le séduisit d abord par ses fallacieuses promesses et par son caractère esthétique; mais il en vit bientôt le fond, et l'immoralité des initiés le détourna de la doctrine. Il espérait trouver dans le néo-platonisme plus de paix; il devint idéaliste, mais là aussi il ne rencontra que le vide; il se sentait sans force dans la lutte de l'esprit contre la chair. Il passa 11 ans dans cet état, faisant les expériences que saint Paul raconte Rom. 7, jusqu'à ce qu'enfin il comprit le besoin qu'il avait d'un Rédempteur. Les souvenirs de sa jeunesse et les prières de sa mère l'amenèrent à sentir ses péchés et à se donner à Jésus-Christ. Après avoir successivement enseigné la rhétorique à Tagaste et à Carthage, il se rendit par Rome à Milan où il entendit Ambroise. Un de ses compatriotes, Simplicien, lui raconta la conversion d'un ami, le platonicien Victorin; un soldat, Pontitien, lui raconta la vie d'Antoine-le-solitaire; des voix d'enfants qui criaient ou chantaient: Prends et lis! tout concourut à tourner ses pensées vers l'étude des Écritures; il devint catéchumène, et à l'âge de 33 ans, à Pâques 387, il fut baptisé par Ambroise, ainsi qu'Alypius son ami d'enfance et son jeune fils Adéodat. Il passa ensuite 10 mois à Rome, où il perdit sa mère, puis retourna en Afrique après avoir vendu ses biens au profit des pauvres. Il y vécut dans les environs de Tagaste avec quelques jeunes amis, s'adonnant à la prière, au jeûne et à la méditation. Consacré prêtre en 391 malgré sa résistance, il fut bientôt appelé, à la suite d'une prédication de son évêque Valère, à partager avec lui les fonctions épiscopales, et en 395 il lui succéda définitivement à Hippone. Il continua sa vie ascétique, vivant avec les jeunes chrétiens qu'il préparait au saint ministère, écrivant, prêchant, improvisant d'ordinaire pour répondre aux besoins du moment, et il fut l'instrument d'un grand nombre de conversions, de celle entre autres d'un marchand manichéen. En 396 il avait désigné Héraclius pour son successeur, mais il vécut encore 33 ans, et f à Hippone le 28 août 430, âgé de 76 ans, pendant que la ville était assiégée par les Vandales. Il a énormément écrit; il avait déjà commencé à Milan, et il continua jusqu'à la fin. Outre ses ouvrages polémiques contre les donatistes, les manichéens et les pélagiens, on a de lui des Lettres, des Sermons, de nombreux Commentaires, des Traités sur la grâce et le libre arbitre, qui l'ont fait surnommer le Docteur de la grâce; la Cité de Dieu, qui est son chef-d'œuvre, et ses Confessions, son livre le plus populaire, dans lequel il raconte ses luttes, ses péchés, ses doutes et l'histoire de sa conversion. Les bénédictins ont publié ses Œuvres complètes en 10 vol. fl>. Paris, 1679; les frères Gaume les ont réimprimées en 11 vol. grand 8°, Paris 1835-40. Plusieurs ouvrages ont été publiés à part, entre autres les Confessions, par Arnaud d'Andilly. Sa Vie a été écrite par son jeune ami Possidius, plus tard par Tillemont. Rome et Pavie se disputent l'honneur de posséder ses restes. La corruption de l'homme et l'influence sanctifiante de Dieu sont les idées dominantes de la dogmatique d'Augustin. Cependant il faut distinguer en lui deux périodes. Dans la première il avait devant lui les manichéens, et il crut devoir accorder quelque chose à l'activité de l'homme; il établit qu'il dépend de la volonté de l'homme de se rendre propre par la foi à recevoir la grâce divine, ou de se soustraire à cette grâce par la résistance et l'incrédulité; la prédestination ne serait autre chose que la prescience de Dieu. Dans la seconde, 396-430, il se fit un changement intime dans sa théologie; il reconnut que la foi est purement l'œuvre de Dieu et de cette opération irrésistible quœ ita $uadet ut persuadait, qui conseille de telle sorte qu'elle persuade. C'est dans ce sens qu'il s'exprima aux deux conciles d'Afrique, Carthage 412 et Milève où le pélagiamsme fut condamné.
2° Augustin, apôtre de l'Angleterre, fut envoyé de Rome par Grégoire, avec Laurent, Pierre et une quarantaine d'autres missionnaires, pour évangéliser ce pays encore barbare et dont ils ne comprenaient pas même la langue. Ils arrivèrent en Angleterre en 597, et après avoir surmonté les premiers découragements, ils annoncèrent rÉvangile au roi saxon, Ethelbert, qni leur répondit: Vos paroles sont belles, mais entièrement nouvelles, et avant de croire, nous devons d'abord examiner. Il leur permit de s'installer à Doroborn (Cantorbéry), lieu de sa résidence, il mit à leur disposition une ancienne chapelle qui s'y trouvait, et bientôt beaucoup d'âmes se convertirent. Le roi lui-même se fit baptiser, et son exemple, sans qu'il exerçât (Tailleurs aucune pression sur son peuple, trouva de nombreux imitateurs; Grégoire parle de dix mille qui auraient été baptisés le jour de NoSl. De retour en France, Aug. reçut de l'archevêq. d'Arles la consécration épiscopale, et envoya deux de ses collègues à Grégoire pour lui donner des détails sur l'œuvre. Grégoire, répondit par Penvoi de nouveaux collaborateurs, de moines et de livres, Bibles ou fragments du N. T. Augustin fut nommé primat de l'Angleterre, consacra plusieurs évêques et fixa son 9iège à Cantorbéry. Grégoire avait donné à ses missionnaires l'excellent conseil de ne pas trop s'astreindre au culte et aux rites romains, mais il avait maintenu la hiérarchie et Aug. alla plus loin encore dans cette voie. Il désirait réunir les nouveaux chrétiens avec les anciens bretons; une première conférence eut lieu, mais n'aboutit pas. Un concile fut ensuite convoqué sur la frontière du Wessex, mais il fut sans succès encore, parce que lorsque les évêques de l'ancienne église bretonne se présentèrent, Aug. les reçut assis, au lieu de se lever pour leur faire honneur; ils se retirèrent blessés; Aug. les poursuivit de paroles violentes et leur déclara la guerre, t laissant sa succession à Laurent.
AUGUSTINS (les). Ordre de religieux mendiants, qui prétendent remonter à Augustin lui-même et à la société de jeunes ascètes qu'il avait réunis à Tagaste et qu'il continua de protéger quand il fut devenu èvêque. Cette origine est très improbable. C'est au 12me siècle qu'ils apparaissent pour la lr« fois; Innocent IV, le 17 janv. 1244 leur donne la règle dite de saint Augustin; Alexandre IV, en 1256, réunit en un seul corps les religieux qui suivaient à peu près la même règle et leur donna Lanfranc pour général et le cardinal Richard pour protecteur. Le costume était noir. L'ordre finit par compter jusqu'à 42 provinces, 2000 couvents et 30,000 membres. Entre autres privilèges que leur concédèrent les papes, il faut compter celui de fournir le sacristain de la chapelle papale. Les au-gustins ont produit quelques saints qui ont été canonisés; c'est aussi de leur sein qu'est sorti Martin Luther. En 1574, Thomas de Jésus rétablit en Portugal la rigueur de l'ordre, et donna naissance aux augustins déchaussés qui se répandirent en Espagne, en France, en Italie, et même au Japon. Les principaux couvents des augustins étaient celui de Rome, fondé 1483 par l'archev. de Rouen, et celui des Grands-Augustins (ou Vieux-Aug.) fondé à Paris 1259.
Les Augustines sont des religieuses qui disent remonter à Perpétua, la sœur de saint Augustin, et suivre la règle donnée par ce père. Elles se consacrent au soin des malades et au service des hôpitaux. Leur plus ancien couvent fut fondé à Venise 1177 lors du séjour d'Alexandre III; la princesse Julie, fille de Frédéric I*', en fut la première abbesse. Elles se subdivisent en plusieurs sous-ordres: augustines déchaussées, sœurs de la Recollection, de Saint-Thomas de Villeneuve, etc.
AUMONIER, Aumônerie. Charge que l'on trouve, dès le 13^6 siècle, à la cour des rois de France; il y avait tantôt un, tantôt plusieurs aumôniers, chargés de distribuer les libéralités du monarque. Au 15*n« siècle, le grand aumônier était Jean de Bely, èvêque d'Angers. Tout le clergé de la cour lui était soumis; il avait en outre à donner son préavis sur la repourvue des évêchés et des bénéfices vacants, ce qui lui assurait une grande influence. Ces fonctions furent supprimées à la Révolution.
AURELIEN, Lucius Domitius, emp. romain 270, f 275 assassiné. Toujours en guerre, il prit Palmyre et enchaîna Zénobie à son char de triomphe. D'abord favorable aux chrétiens, il finit par rendre contre eux de sévères édits.
AURELIUS de Carthage, d'abord diacre dans cette ville, en fut nommé archevêque en 388. Il était ami d'Augustin, et sur ses conseils, réunit en 412 un concile à Carthage contre les do-natistes. Ce fut aussi dans ce concile que, pour la première fois, le pélagianisme fut condamné dans la personne de Célestius, disciple de Pé-lage. En 416 Aurélius réunit un nouveau concile où Pélage lui-même fut condamné, f 423, entouré du respect et de la considération des siens.
AURÉOLE, v. Nimbe.
AURIFABER, l'édite^ des Propos de table de Luther, s'appelait Goldschmidt, Jean, né 1519, il étudia à Wittenberg, se montra toujours ardent luthérien, et f 1575 pasteur à Erfurt.
AUSTRALIE, v. Polynésie.
AUTBERT, moine qui accompagna Anschar dans sa mission en Danemark, vers 826, mais qui dut bientôt se retirer pour cause de santé, 829. Il mourut peu après au couvent de la Nouvelle-Corbie.
AUTEL, sorte de table originairement destinée aux sacrifices, et qui se retrouve parmi les objets du culte dans tous les temps depuis Abel, et dans tous les pays. On l'élevait souvent en plein air, et il consacrait ainsi la colline ou le bois où il était dressé; de là les hauts*lieux et les bosquets païens de TA. T. Il était fait quelquefois de terre gazonnée; chez les Hébreux, de pierres brutes; plus tard et notamment dans l'Église primitive (2me et 3m* siècles) de bois, plus ou moins ornementé. L'Église latine, à dater de Constantin, fit ses autels en marbre; l'Église grecque continua de les avoir en bois. La forme en était d'ordinaire carrée, forme symbolique chez tous les peuples; cependant quelquefois ronde, chez les Grecs et les Romains. Les autels sont le plus souvent fixes, trop considérables pour être transportés; quelquefois mobiles et portatifs, suivant les besoins. En occident il pouvait y avoir dans une même église 3 ou 4 autels; chez les grecs, un seul; et si pour une fête ou pour une cérémonie, il en fallait plus d'un, on se servait iïantimenses (remplaçant la table), espèce de drap consacré, qu'on étendait sur une table et qui avait le don de la transformer momentanément en autel. L'ornement de ces objets du culte se trouvait soit dans leur architecture, soit dans la matière dont ils étaient faits, soit dans les statuettes, crucifix, lustres, calices, tapis, dont ils étaient couverts; enfin dans les tableaux dont ils étaient entourés. Chez les chrétiens, le vendredi-saint tous ces ornements disparaissent ou sont recouverts d'un drap noir. Les anglicans et surtout les luthériens ont seuls, parmi les protestants, conservé le symbole de l'autel, qui n'est autre chose d'ailleurs que ce qu'on appelle en général la Table de communion. Les catholiques y voient un autel véritable sur lequel les prêtres offrent le sacrifice de la messe. Des reliques sont souvent enfermées dans leurs châsses, au-dessous ou dans l'intérieur de l'autel. On appelle maitre-autel celui qui est placé dans le chœur, et l'on a donné le nom d'autels privilégiés à ceux où il est permis de célébrer la messe des morts les jours où l'on ne peut la dire aux autres autels.
AUTO-DA-FÉ, mot espagnol qui signifie Acte de foi. C'est ainsi que le clergé espagnol d'abord, puis le peuple, appelaient l'exécution solennelle des sentences prononcées par l'inquisition contre les hérétiques condamnés au supplice du feu. Ces affreux spectacles, habituellement précédés d'un sermon, avaient lieu en général le dimanche au lever du soleil; ils étaient encore plus courus que les combats de taureaux; la cour et le peuple les recherchaient avidement. Après le service à l'église, les malheureux qui n'avaient pas abjuré étaient livrés au bras séculier, revêtus de robes et de bonnets jaunes couleur soufre, ornés de diables noirs et de flammes , dits sanbénito, et conduits au lieu de l'exécution sur des ânes ou accompagnés d'al-guazils. Les hurlements des victimes étaient couverts par les applaudissements de la foule. Ce gente de fêtes a cessé à la fin du siècle dernier, mais l'Espagne actuelle en porte encore le châtiment et le portera probablement toujours. Les autodafés du Portugal, de l'Italie et de la France différaient de ceux de l'Espagne par certains détails; en tout cas ils furent moins nombreux et ne se sont pas fait la même réputation.
AUTRICHE. Ce petit archiduché qui a fini par devenir un grand empire, au point qu'il a pu prendre pour devise les cinq voyelles et les traduire en latin par Austriœ Est Imperare Orbi Universo ( A l'Autriche il appartient de commander au monde entier), a eu l'heureuse fortune de s'agrandir par des alliances et non par des conquêtes. De là cet alexandrin:
Bell* garant aUi, ta, îclix Aastria, nube !
(Que d'autres guerroient; toi, l'heureuse Autriche, épouse!). On verra aux articles spéciaux ce qui concerne les divers pays de cette puissante monarchie. Nous nous bornons ici à quelques indications de statistique religieuse. La population totale de l'empire étant de 36 millions d'habitants, elle se décompose en 24 millions de cathol. latins, 4 millions de cath. grecs-unis, 3,400,000 protestants, dont à peu près les deux tiers sont réformés; 3 millions de grecs-orientaux, 1,276,000 israélites. On compte dans l'empire 11 archevêchés et 41 évêchés. Un concordat du 18 août 1855 règle les rapports de l'Église avec l'État, mais tous les cultes jouissent d'une certaine liberté, surtout depuis 1867.
AUXENCE, deux noms compromis dans les controverses ariennes. 1° Cappadocien, nommé évêque de Milan en remplacement de l'orthodoxe Denis exilé par Constance 355. Les orthodoxes ayant repris le dessus sous Damase 369, condamnèrent i'arianisme dans un concile, mais n'osèrent pas prononcer l'anathème contre le protégé de Valentinien Ier. Il garda son siège jusqu'à sa f 374, et fut remplacé par Ambroise.
2° Scythe d'origine, nommé Mercurin, appelé à l'évêché de Milan par Justine, veuve de Valentinien 1er et tutrice de Valentinien II. Elle exigea d'Ambroise, à Pâques 385, qu'il cédât une de ses églises à Mercurin et envoya des soldats pour l'y contraindre, mais sans succès. En 386, édit impérial proclamant I'arianisme religion de l'État, et peine de mort contre ceux qui résisteraient. Ambroise résista et le peuple avec lui. Là-dessus Mercurin, qui avait pris le nom épiscopal d'Auxence, invita Ambroise à une discussion qui aurait lieu au château avec l'empereur pour juge. La ruse était trop grossière; Ambroise évita de se constituer prisonnier et répondit qu'en matière de foi c'était aux conciles et non aux empereurs de décider. Dès lors il ne fut plus question de ce faux évêque et Justine dut abandonner son projet.
AVE MARIA. « Je te salue, Marie, » Luc 1, 28. Cette salutation de l'ange à Marie est devenue, à une époque relativement moderne, la prière la plus populaire de l'Église catholique. (Test dans la moitié du il1* siècle que Pierre Damiani cite pour la ire fois le fait isolé d'un prêtre qui récitait tous les jours la salutation tout entière. Bientôt on se contenta des deux premiers mots. Odon, évêque de Paris, la recommanda vers 1196 avec le Pater et le Credo comme exercice journalier. Au 13me siècle elle devint une règle générale, et les Vaudois refusèrent de s'y soumettre en faisant observer que ce n'était pas une prière. A la formule primitive on ajouta peu à peu les mots de Luc 1,42, puis d'autres pour donner un sens à la salutation. L'ave forme la base de la dévotion du rosaire. Depuis la fin du 15®e siècle, les prédicateurs prirent l'habitude de prononcer un Ave après l exorde; sous Louis XIV c'était même devenu la règle et l'on en voulut à Fénelon d'avoir tenté de s'en dispenser. La répétition d'un certain nombre d'ave est devenue une pénitence.
ÀVENT, latin adventus, approche, arrivée. On appelle ainsi les 4 semaines qui précèdent Noël. La plus ancienne mention de cet usage ecclésiastique se trouve dans 2 sermons de César d'Arelate, f 542, et dans un décret du concile de Lerida 524 qui interdit les mariages pendant le carême et l'aven t. Le synode de Tours 367 imposa le jeûne aux moines pendant ces fêtes de préparation, et le synode de Mâcon 581 l'ordonna aux laïques, au moins 3 fois par semaine (lundi, mercr., vend.). On supprima même le Gloria dans la messe, et l'on se demanda si l'on ne ferait pas bien de supprimer aussi les orgues. Il fallut un arrêté spécial du saint-siège, 15 avril 1753, pour rassurer à cet égard les consciences timorées. Les images sont voilées, les autels et les murailles sont recouverts de tentures violettes, couleur du deuil ecclésiastique. Le rose n'est admis que le dernier dimanche de l'A vent. Pendant longtemps en France l'A vent a duré 40 jours; il commençait le 11 nov. avec la Saint-Martin. Chez les grecs et dans le rite ambrosien il commence le 14. Aujourd'hui c'est, dans l'Égl. catholiq., le dimanche après la Saint-André (dO nov.) qu'il est censé commencer; chez les luthériens, de même; les anglicans jeûnent à partir du 13 déc.
AVICENNE (Abou-Ibn-Sina), célèbre philos, et médecin arabe; né vers 980 à Chiraz, Perse, étudia à Bokhara, se fit une immense réputation en Asie, fut vizir et médecin de plusieurs princes, étudia Aristote l'un des premiers, composa plusieurs ouvrages de logique, métaphysique, médecine, et f 1037 à Hamadan, épuisé à la fois de travail et de débauches. On l'appelle l'Hip-pocrate et l'Aristote des Arabes. OEuvr. publ., Venise 1483/95. Rome 1593. Paris 1658.
AVIGNON, chef-1. du dép. de Vaucluse, célèbre par la beauté de ses sites et la douceur de son climat. Fondée par les Phocéens 539 av. C., c'était une espèce de république sous les comtes de Toulouse et de Provence; elle perdit son indépendance lors des guerres des albigeois et finit par devenir la propriété de Philippe-le-Bel, puis de Charles d'Anjou. A la suite du conflit de Boniface VIII et de Philippe-le-Bel, Clément V, pour complaire au roi de France, transporta momentanément son siège de Rome à Avignon 1305, sans prévoir que cet exil de la papauté durera 72 ans, jusqu'à 1377, et sera traité de captivité babylonienne par les écrivains subséquents. Sept papes s'y succédèrent. Clément V, Jean XXH, Benoît XII, Clément VI (qui acheta le comtat d'Avignon à la comtesse de Provence Jeanne de Sicile 1348), Innocent VI, Urbain V qui essaya un moment de retourner à Rome, et Grégoire XI qui, sous l'influence de Catherine de Sienne et pour ne pas perdre ses possessions, ramena la papauté au lieu de son origine. Mais un schisme nouveau ne tarde pas à éclater, et les antipapes trouvent dans Avignon un centre naturel qui a déjà ses palais et ses traditions; Benoît XIII s'y fit assiéger. — La vie des papes d'Avignon fut facile et voluptueuse et contribua à discréditer le système aux yeux de la chrétienté. Pétrarque appelle Avignon la 3me Babylone et le 5«ne labyrinthe. Il y eut plusieurs conciles dans cette ville; les plus connus sont ceux de 1326 et 1337. Après leur départ, les papes administrèrent Avignon par des légats; Louis XIV s'en empara 1662 pour se venger de l'offense faite par Alexandre VII à son ambassadeur, le duc de Créqui, mais il la rendit à la paix de Pise 1663. Elle fut définitivement réunie à la France en 1791.
AVIS (ordre d'). Ordre militaire religieux fondé 1146 à Coïmbre par des particuliers, organisé 1162 par Alphonse 1er. Après la prise d'Evora 1165, le roi chargea les chevaliers de cet ordre de la défense de la ville et Alphonse II leur céda en outre 1181 la ville d'Avis; de là les différents noms de Nouvelle Milice, Ordre d'Evora, ordre d'Avis. Innocent III 1204 confirma ses statuts religieux, qu'avait élaborés Jean Civita, abbé de Citeaux. C'est contre les Maures que l'ordre s'était formé; il contribua puissamment à leur expulsion et fut réuni 1213 à celui de Calatrava. Depuis 1789 il est devenu exclusivement militaire, et les vœux religieux qui étaient tombés en désuétude depuis longtemps, surtout celui de chasteté, furent abolis.
AVIT ou Avitus 1® Flavius Avitus, né dans les Gaules, proclamé empereur romain après la mort de Maxime 455, ne régna que 4 mois. Battu à Plaisance il n'échappa à la mort qu'en recevant les ordres, fut fait évéq. de Plaisance, et f 456 dans un voyage qu'il fit pour se rendre en Auvergne. Beau-père de Sidoine Apollinaire.
2° Sextus Alcimus Ecditius, savant et pieux arche v. de Vienne, Dauphiné, neveu du précédent, sacré 490, f le 5 févr. 525; d'une famille gallo-romaine considérable; également distingué par son activité pratique et par ses travaux littéraires. Dans une conférence qui eut lieu 499 avec les théologiens ariens, il défendit la doctrine orthodoxe et gagna la confiance de Gondebaud, qui se serait probablement prononcé pour la foi évangélique, si Clovis ne l'avait pas déshonorée par ses œuvres. Le fils et successeur de Gondebaud, Sigismond, 515, avait répudié l'arianisme, et convoqua un concile à Épaone 517, qui se tint sous la présidence d'Avitus, et où furent prises plusieurs mesures contre les dérèglements du clergé. Avitus est connu par 80 Lettres à différents rois francs et burgondes, à des évêques des Gaules, de Milan, de Constantinople, de Jérusalem, etc. 11 résista aux prétentions des évéq. de Rome. Le jésuite Sirmond a publié plusieurs fragments de ses Homélies. Enfin, comme poète, Avitus a laissé, en vers hexamètres, un poème en 5 chants: la Création, la Chute, le Déluge, la mer Rouge, et une Ép. sur la chasteté; ses vers sont très supérieurs à sa prose. — OEuvr. publ. par Sirmond, Paris 1643.
3° Abbé de Micy, près Orléans, sous Clovis; fils d'un laboureur et d'une femme qui était venue d'Austrasie en mendiant. Il prédit à Clodo-mirsa fin prochaine, s'il faisait périr Sigismond de Bourgogne.
AVOCAT, préfet laïque chargé de défendre les intérêts temporels de l'Église. Le droit général était que l'intéressé lui-même défendît sa cause par tous les moyens, et au besoin par les armes. Mais s'il s'agissait d'une personne incapable de se défendre, femme, enfant, vieillard, malade, elle pouvait recourir à un défenseur, qui était d'ordinaire son plus proche parent. L'Église avait droit à un privilège du même genre et choisissait volontiers un seigneur voisin du lieu où se débattaient ses intérêts, et ces seigneurs parlaient au nom de leur roi; mais il résultait aussi de cette protection accordée une espèce de patronage, et par conséquent une dépendance qui n'était pas toujours du goût des protégés; à la longue il fallut régler les droits et les honoraires des protecteurs, et l'on voit, au 12me siècle, un arrêt portant que l'avocat, outre le serment de fidélité du roi, devra prêter à l'abbé d'un couvent le triple serment de se contenter du tiers des revenus, de ne se foire remplacer par personne sans autorisation, de ne point faire de concessions, et de se tenir toujours au service de l'abbé avec 12 hommes et 12 chevaux. Les avocats des couvents et des églises devinrent peu à peu les patrons, et le droit de patronage s'introduisit ainsi dans l'Église comme la récompense de services rendus ou à rendre. — On appelle avocats de Dieu et du diable les orateurs chargés de faire valoir, dans les questions de canonisation, les arguments pour et contre.
AZYMITES. Du grec zumè fermenté et azumé, non fermenté, non levé, qui s'appliquait surtout au pain, le patriarche grec Michel Cerularius avait fait au ll^e siècle le nom d'azymites, pour désigner les chrétiens occidentaux qui communiaient avec du pain sans levain, de même que les arméniens et les maronites. Cette question, bien secondaire, contribua pour beaucoup au schisme des Églises grecque et latine.