L’accueil bienveillant fait par le public à l’édition populaire de l’Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France, ne pouvait qu’encourager le Comité de la Société des Livres religieux de Toulouse à poursuivre dans le même esprit l’exécution de ce plan : rendre accessibles à tous, par leur prix , les principaux documents, devenus fort rares, de la grande épopée huguenote du seizième siècle.
Il continue aujourd'hui cette série de publications par l’Histoire des Martyrs. Crespin complète De Bèqe et l’éclaire. Les martyrs expliquent les héros. Nos pères lisaient fréquemment ce livre à côté de la Bible, dans les assemblées du culte. Rien de plus propre, en effet, à élever l’âme, après la Parole de Dieu, que les exemples de fidélité dans le témoignage donnés par les hommes. Ils surent « résister jusqu’au sang. »
M. le pasteur Benoît, de Montauban, a donné tous ses soins à la préparation de ce volume ; il a su s’entourer, pour ce travail d’annotation , souvent malaisé et difficile, de collaborateurs compétents. Tout son passé le désignait pour une tâche de ce genre : les lecteurs diront s'il s’en est dignement et consciencieusement acquitté.
L'apparition de ce premier volume, que les deux autres suivront à bref intervalle, coïncide avec la célébration, par nos églises, du second anniversaire séculaire de la Révocation de l'Edit de Nantes, de cet événement doublement néfaste et pour la France et pour l'Église réformée, puisqu’il devait être pour la première une cause fatale de faiblesse et rouvrir pour la seconde, après moins d'un siècle de relâche, l’ère des martyrs. Cette publication arrive donc à son heure. Nous demandons à Dieu de la bénir en lui donnant d’accomplir pour sa part, au sein de nos chères églises, une œuvre sérieuse de relèvement et de réveil.
Le Comité.
I
Jean Crespin, l'auteur du Martyrologe dont nous publions une édition nouvelle, naquit à Arras, ville alors espagnole, dans les premières années du seizième siècle (1). Son père, Charles Crespin, exerçait dans cette ville les fonctions d’avocat. Jean, désireux de suivre la même carrière, se fit inscrire comme étudiant à l’Université de Louvain. Les idées nouvelles avaient pénétré dans cette savante école, et des étudiants étrangers, comme Juan Dias et Jayme Enzinas, deux futurs martyrs (2), avaient embrassé les doctrines évangéliques. Crespin se lia avec eux d’une étroite amitié et ne tarda pas à suivre leur exemple.
(1) MM. Jules Bonnet et Henri Bordier, dans deux articles sur Crespin, auxquels nous faisons plus d'un emprunt (Bulletin historique et littéraire, t. XXIX, p. 194, et France protestante, deuxième édition, t. IV, p. 885), placent sa naissance vers 1520. Nous la ferions volontiers remonter plus haut, vers 1500. On lit, en effet, dans la préface de l'édition de 1582, que lorsque Crespin mourut, en 1572 , il était « rassasié d'ans. »
(2) Voyez t. 1, p. 460 et 468.
Vers 1540, il se rendit à Paris, où il fut reçu avocat sous les auspices du célèbre jurisconsulte Charles Dumoulin, qui inclinait lui-même vers la Réforme. La persécution sévissait avec force dans cette ville. Notre Artésien y vit mourir avec une admirable constance plusieurs martyrs, entre autres un jeune orfèvre du faubourg Saint-Marceau, nommé Claude Le Peintre. « Je suis – nous dit - il lui-même – parmi ceux qui ont été témoins de sa mort et de son dénouement très heureux, qui a confirmé beaucoup de ceux qui avaient un commencement et un certain sens de la vérité, dont le Seigneur a rendu sous nos yeux, en la personne de Claude, un témoignage vrai et vivant (1). »
Crespin passa plusieurs années à Paris et s’y lia d’amitié avec des hommes distingués : Charles de Jonvilliers, qui fut plus tard le secrétaire de Calvin, Nicolas Picot, Laurent de Normandie, les fils de Guillaume Budé. Rentré dans sa ville natale , il y accueillit avec empressement, en 1544, de concert avec François Baudouin, son compatriote et son ami, le pasteur Pierre Brully, dont il devait raconter plus tard le martyre (2). Suspecté d’hérésie, il fut impliqué dans le procès de ce courageux confesseur de la vérité. Charles de Tisnacq, avocat fiscal au conseil de Brabant, dans une lettre à Louis Schore , président du conseil privé à Bruxelles, datée de Tournay, le 30 décembre, s’exprimait ainsi sur son compte : « Je ne manquerai pas d'écrire immédiatement à ceux d'Aras au sujets des partisans d'Ilecq et je ne doute pas que Jean Crispin n'y soit pas suffisamment connu et que, grâce à lui, d'autres pourront en découvrir davantage. (3). » Le lendemain, il revenait à la charge. « J’espère que Me Eustasse, demeurant à Lille et J. ou L. Crispin , demeurant audit Arras » — il n’était pas au clair sur le prénom de ce dernier, — « sera bien informé afin de procéder à l'arrestation (4). » Il ajoutait enfin, dans une lettre du 3 janvier 1545 : « Dieu veuille que sa personne ne s'échappe pas (5). »
(1) T. I , p. 343.
(2) T. 1, p. 427 et suiv.
(3) Charles Paillard, Le procès de Pierre Brully, p. 54.
(4) Ibidem, p. 56.
(5) Ibidem, p. 57.
Ce voeu charitable ne devait pas être exaucé. Crespin, que ces menaces n’intimidaient point, se rendit, semble-t-il, à Tournay dans les premiers jours de janvier 1545 , pour s’y employer à la propagande évangélique. Les agents de Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, firent « bon devoir de le guetter, mais sans effet, » et Tisnacq écrivait tristement : « Je ne sais pas s'il sera récupérable. » Dans l’impuissance de le conduire au gibet, on dut se contenter de la sentence , prononcée à Arras, le 18 mars 1545, par laquelle il était banni « pour toujours et à jamais de la terre et du comté d’Artois, de ses ressources et de ses enclaves, sous les peines imposées par les Placards et les ordonnances du Seigneur Empereur concernant les hérétiques (1).»
Crespin, pour échapper à la persécution, se rendit à Strasbourg, sous le pseudonyme de Jean de Bourgogne. Le sénat de cette ville y avait ouvert un temple , dès 1538, destiné aux réfugiés français (2) pour cause de religion ; et l’avocat d’Arras y reçut un accueil affectueux de Martin Bucer et de ses paroissiens. Il écrivit de cette ville à Calvin, pour lui annoncer l’heureuse arrivée de Claude de Senarclens, chargé d’une mission conciliatrice auprès des théologiens de Wittenberg. Crespin s’était lié d’une vive amitié avec le réformateur dans un précédent voyage à Genève (3), et dans quelques lignes touchantes, du mois d’avril 1545 que nous traduisons du latin, il ouvrait son cœur à son illustre ami : « ... J’emploierais plus de mots pour vous remercier de la bonté et de la bienveillance dont vous avez fait preuve à mon égard ; mais puisque vous voulez qu’on mette une limite aux louanges inutiles, je me conformerai non seulement aux règles d’Athènes, mais à celle du Christ : je parlerai « sans préambule et sans mouvements pathétiques. »
(1) Ibidem, p. 171. Dans cette sentence il est appelé de son vrai nom « M° Jehan Crespin. »
(2) Voyez t. I, p. 427.
(3) Ce premier voyage, antérieur à l’établissement définitif de Crespin à Genève, nous paraît ressortir avec évidence du passage suivant de la préface de Nicolas des Gallars à Crespin, imprimée en tête de la troisième édition latine des Commentaires de Calvin sur Esaïe, 1570, que nous communique M. Herminjard : « Tu vero satis meminisse potes qualis esset illius status, » — il s’agit de l’état de l’église de Genève — « quum patria extorris hue primum appulisti ; deinde quanto jam aucta esset numéro, quum, recepta familia tua, hue eommigrasti. »
Vous connaissez mes sentiments secrets et le désir qui brûle mon âme de jouir de votre intimité; je n’irai donc qu’au plus pressé, et j’espère que le Seigneur brisera les entraves qui me retiennent encore. En attendant, nous recommandons à vos saintes prières la dispersion d'Israël, et surtout nos compagnes, vases fragiles du Seigneur. Vous pourriez difficilement vous imaginer la fureur de notre Antiochus (l’empereur Charles-Quint). Sa cruauté grandit chaque jour. Il vient de publier un édit qui renferme certains articles des docteurs de Louvain, encore plus blasphématoires que ceux de la Sorbonne. Je vous les aurais envoyés, mais ils sont en flamand et je n’ai pas le temps de les traduire... Pour nous, au milieu de nos gémissements et de nos larmes (car c’est aux larmes que nous avons recours, c’est en elles que nous trouvons notre consolation, en attendant que Dieu nous en offre une meilleure) nous supplions le Seigneur de vous assister dans votre combat et votre saint ministère. C’est lui qui vous fournira les forces dont vous avez besoin et vous donnera un courage à la hauteur de votre difficile mission. Le Seigneur est plus grand que notre ennemi commun; il est plus grand, vous dis-je, le Christ dont vous suivez les auspices et dont vous faites retentir la trompette dans le monde entier. Vous n'avez pas encore lutté aussi longtemps que les prophètes qui ont soutenu le même combat. L’heure décisive a sonné et nous avons bon espoir. Déjà Satan et ses ministres sont à bout de forces; ils semblent avoir épuisé tous leurs moyens de nuire. Baal régna longtemps sur Israël, avant la manifestation du prophétisme; mais dès que Jéroboam se mit à protéger son culte idolâtre, les prophètes suscités par Dieu se levèrent, ils formèrent comme un bataillon et l’on vit chanceler l’idole qui occupait chez le peuple de Dieu la première place... C’est ainsi que Dieu se sert de votre faiblesse pour ébranler le monde entier. Déjà s’écroulent d’eux-mêmes les remparts de Jéricho, la ville ennemie; déjà se brisent les autels de Jéroboam et votre œuvre grandit chaque jour. Plût à Dieu qu’il vous fût donné de voir le fruit de votre semence ; il est caché maintenant dans les sillons, mais un jour il en sortira, nous en avons la ferme assurance. II est doux d’espérer, avec une joyeuse certitude, au milieu même des fureurs d’un monde frénétique, que le Seigneur renouvellera bientôt toutes choses (1). »
Cette lettre, qui nous fait connaître la foi de l’avocat d’Arras, nous montre aussi les difficultés qui se dressaient devant lui. Il lui en restait plus d’une à surmonter, avant qu’il pût franchir la frontière. Il avait épousé, quelques années auparavant, une de ses compatriotes, Madeleine Lescambier, et la nécessité de mettre en ordre des affaires de famille allait retarder son départ. Le 12 juillet 1546, il écrivait à Calvin , de Noyon, la patrie du réformateur : « Il serait trop long et le temps me manquerait si je voulais vous raconter en détail les lieux que j’ai parcourus, errant, comme Ulysse, à la recherche de ma Pénélope. Je suis à bout de forces et fort attristé de me voir retenu ici depuis si longtemps. J’allais rompre définitivement mes entraves, quand il m’est survenu de nouveaux empêchements : la maladie de mon beau-père, qui traîne une vie languissante, et l’affection que j’ai pour ma mère, à la veille de divorcer, sur mes conseils et mes instances, par la faute du mari qu’elle a épousé en secondes noces. » Puis, après quelques détails sur sa femme et sur son enfant, charmante fillette qui, à peine échappée du berceau, jette comme un rayon sur son existence troublée, il ajoute : « Sachez enfin que, depuis quelques mois, je sollicite en cour et que, à la prière de mes amis, j’essaye d’obtenir que la saisie royale, opérée sur les marchandises qu’ils ont achetées, ne leur apporte aucun préjudice. J’espère, par ces bons offices, les gagner à ma cause; d’ailleurs, ce n’est pas en vain que j’ai entrepris ce travail : je sens que ce service me les aura rendus favorables. Si peu qu’ils fassent pour moi, cela suffira pour me permettre d’entreprendre ce voyage libérateur que je désire depuis si longtemps.
» Je vous écris ces lignes auprès de votre ami, qui est désormais le mien, le préfet de votre ville natale (2), homme très bienveillant. J’ai passé par ici, en revenant de Péronne où sont les miens.
(1) Calvini Opera, t. XII, n° 657.
(2) Laurent de Normandie.
C’est votre lettre affectueuse qui m’a lié à votre ami d’une affection véritablement chrétienne. Je goûte fort sa piété remarquable et son attachement pour ses amis. Etant allé le saluer, j’ai appris de lui que deux de mes compatriotes, hommes de poids et de mérite, devaient partir, demain ou après-demain , pour Genève, attirés auprès de vous par leur zèle religieux ; j’ai pris aussitôt la plume , sans me débotter, et n’ai pas voulu manquer l’occasion de vous écrire. Ma dernière lettre, que je vous ai envoyée de Lyon par des marchands de notre pays, vous dira le reste. Celle-ci vous apprendra seulement que, jusqu’à présent, les événements se sont si bien succédé pour moi que, pendant ces six derniers mois, je n’ai pas été un moment tranquille ; je les ai passés à courir à droite et à gauche.
» ... Vous m’écrivez que les révérends pères de Trente ont commencé leur cinquième session; quant à moi, celle dont je rêve est unique et perpétuelle, et j’y pense d'autant plus que , jusqu’à présent, j'en ai traversé une assez mouvementée. Plaisanterie à part, vous êtes l’objet de toutes mes pensées , de tous mes soupirs; vous faites toute ma joie, que je sois présent ou absent, malgré tout ce que ma situation a de critique. Puisse notre Seigneur Jésus me permettre de vous rejoindre bientôt, avec ma femme et ma fille , mes compagnes d’infortune... Je soupirerai après le retour du porteur de ces lignes et j’attendrai avec avidité votre lettre et vos encouragements. Ne me plaignez pas les nouvelles (1). »
Crespin n’était pas au bout de ses traverses. Son ami Baudouin écrivait, le 27 novembre 1546, à Calvin : « Jean de Bourgogne se trouve avec sa femme en Picardie ; il est consumé par une fièvre lente et retenu par d'autres liens qu'il ne lui est pas facile de rompre (2). » L’année suivante, Crespin écrivait lui-même à Calvin, à la date du 20 juillet : « J’ai reçu le 14 juillet votre lettre du 21 juin. Il me serait difficile de vous exprimer tout le plaisir qu’elle m’a causé.
(1) Çalvini Opera, t. XII, n° 808.
(2) Ibidem, p. 432.
Le Seigneur a produit en moi la patience et vous l’avez fortifiée par vos exhortations fraternelles. Qui ne voudrait s’instruire à l’école de celui qui a supporté ses peines avec un calme et une constance si remarquables ? Certes , durant mon séjour forcé dans ce pays, la vie me semblerait bien amère, si, dans mes chagrins, votre vivante image ne s’offrait à mes regards, si vous ne m’apparaissiez comme un modèle, si tout ce que j’ai entendu de vous ne retentissait fréquemment à mes oreilles.
» Vous désirez savoir l’état de nos affaires et si j’espère rentrer en possession de mes biens : c’est fort aimable à vous et votre sollicitude raffermit puissamment mon courage. Sachez donc qu’à mon retour je n’ai pas trouvé mes affaires domestiques en meilleur état que celles de la république, comme dit l’autre. Ici la violence est la seule loi ; nulle sécurité, même dans l’enceinte du foyer. J’espère bien recouvrer ma femme et je crois pouvoir m’en flatter avec assurance; mais les miens m’ont écrit que cela ne pourra se faire de quelque temps, d’abord à cause de ses couches qui sont prochaines, ensuite parce qu’il lui faut rassembler les restes de l’incendie, amoindris encore par la perfidie de nos concitoyens. Cependant, comme vous m’y exhortez, je me contenterai de ces restes, quels qu’ils soient, et, n’y eût-il rien, je louerai encore le Seigneur (1). »
(1) Calvini Opéra, n° 928.
Citons enfin une dernière lettre dans laquelle Crespin continue à ouvrir son cœur à son ami de Genève et qui achève son portrait moral : « Je m’excuserais plus longuement auprès de vous de la rareté de mes lettres, si je n’étais au clair sur vos dispositions à mon égard... J’ai gardé quelque temps le silence, bien malgré moi; mais les événements qui sont survenus ont été si variés! J’ai été contraint de passer deux ans entiers, soit à Paris, soit à Compiègne, pour changer de l’argent, au milieu des plus grandes peines physiques et morales. Il me serait bien difficile de vous les raconter, et d’ailleurs ce n’est guère . nécessaire, car notre ami Baudouin vous en aura fait, plus d’une fois, le récit détaillé. Ballotté sur les flots, qu’aurais-je pu vous décrire que des Charybdes et des Scyllas ? qu’aurais-je pu vous raconter que tempêtes , que barbarie et dureté persistantes des miens ? Et dans mon espérance, chaque jour renouvelée, de voir enfin se terminer de quelque manière mes agitations, qu’aurais-je pu vous promettre, sinon « ce vieil assemblage de néant pour le lendemain » comme on dit... Je l’avoue, j’ai beaucoup trop accordé à quelques affaires infructueuses, parce qu’elles semblaient me promettre un succès assuré et prochain. Je me retire avec ce qui me reste de l'incendie et, lassé de ces retards par trop pénibles , je brise des nœuds que j’avais cru possible de voir se dénouer avec le temps. Comme le « bourreau de soi-même » de Térence, je ne laisse rien dans la maison , ni meubles, ni vêtements, pour être libre, dès que le moment sera propice, de me rendre auprès de vous, sous les auspices de Dieu... Prions ce Dieu très bon et très clément, Père de notre Seigneur Jésus-Christ, de dissiper cette horrible nuit de malheur et de nous conduire à ce port désiré où nous rendrons grâce, dans la grande assemblée, à l’auteur et au consommateur de notre salut. Je me recommande, ainsi que ma femme, à vos saintes prières (1). »
Enfin le jour si ardemment désiré arriva où Crespin put prendre le chemin de Genève. Il eut pour compagnons de voyage, en même temps que Juan Dias et Matthieu Budé (2), Théodore de Bèze, auquel il avait servi de témoin ainsi que Laurent de Normandie, dans son mariage de conscience avec Claudine Denosse. Les voyageurs arrivèrent à Genève, le 24 octobre 1548.
(1) Lettre du 13 septembre 1547, Calvini Opera, t. XII, n°945.
(2) Voyez t. I, p. 468.
Crespin et Théodore de Bèze avaient conçu le projet de fonder dans cette ville une imprimerie, en vue de la propagande évangélique.
Le dernier, appelé comme professeur à Lausanne, laissa à son ami le soin de le réaliser. Dès 1550, Crespin était à l’œuvre et publiait une édition latine du Catéchisme de Calvin. Il ne s’établit toutefois à Genève, en qualité d’habitant, que le 25 avril 1551 et ne fut reçu bourgeois que le 2 mai 1555. Quatre ans après il mariait sa fille aînée Marguerite avec Eustache Vignon, fils d’un de ses compatriotes d’Arras, qu’il devait associer à ses travaux d’imprimeur.
La vie publique de Crespin est peu connue à partir de cette époque. On sait toutefois qu’il prit une part active, en 1566, aux affaires de la Réforme dans sa province natale et les provinces avoisinantes. Il passa, sous le nom de M. du Lac, le second semestre de cette année à Anvers, auprès du prince d’Orange et du successeur de ce dernier, Antoine de Lallaing. Les motifs de ce voyage sont peu connus ; on croit généralement qu’il l’entreprit pour soutenir le consistoire de l’Eglise wallonne dans sa lutte contre les théologiens d’Augsbourg et ceux de Louvain (1).
(1) Ce qui le fait supposer, c’est la manière dont il parle de « ceux qui, sous un titre de la confession d’Augsbourg, s’étant fourrés en Anvers, s’avisèrent de livrer un combat de dispute à ceux des Eglises réformées » (Edit, de 1597, fol. 660). Comp. sur ce point l’article de Ch. Rah-lenbeck {Bulletin, du bibliophile belge, t. XV, p. 363) avec celui de Charles Paillard {Bulletin historique et littéraire, t. XXVI1, p. 380).
Le 17 novembre 1566, il était à Valenciennes, assistant de ses conseils Pérégrin de La Grange et Guy de Bray, les apôtres et les futurs martyrs des Pays-Bas, qui devaient lui fournir des documents pour son histoire, en attendant qu’il racontât leur mort triomphante. Au mois de janvier, il rédigeait à Anvers un placet pour Marie de Hongrie, de concert avec Jean Taffin, le pasteur de cette ville. Voici comment ce dernier remerciait de son concours les magistrats de Genève, dans une lettre significative du 7 mars 1567 :
« Très honorables seigneurs, autant la présence de Maître Jean Crespin, notre bon seigneur et frère, vous est agréable et utile, d'autant plus nous reconnaissons que nous sommes obligés à Vos Seigneuries, car, par charité et bonne affection pour l'avancement des églises de ce Pays-Bas , il vous en a pieusement privé pour nous accueillir. Et bien que nous continuions plus que jamais la cause pour laquelle sa présence a été si grandement requise et nécessaire ici, nous aurions souhaité une plus longue extension de son parlement : cependant, considérant d’autre part que son absence aura été trouvée assez longue tant pour Vos Seigneuries que pour sa famille, Nous n’avons pas osé le presser plus qu’en nous recommandant dans ses prières, et nous remercions Vos Seigneuries de la faveur et de l’assistance qu’il a pu nous accorder dans cette affaire, vous assurant que s’il y a quelque chose à quoi nous pouvons vous être utiles, nous nous en occuperons très volontiers. Et, en outre, de vous prier très humblement de faire en sorte que le Seigneur fasse briller une fois de plus son visage bienveillant et paternel sur ce pays, au point que, ayant encore besoin de sa présence, il plaise à Vos Seigneuries de nous l'accorder, en lui permettant de revenir à nous et, par ce moyen, nous obligeant de plus en plus à vous, et particulièrement à prier le Créateur afin qu'il vous ait, seigneurs très honorés, dans sa sainte garde, recommandant affectueusement les églises de ce pays à vos prières.
» D’Anvers, ce VIIe jour de mars 1567.
» Vos très humbles serviteurs et amis les ministres et anciens de l’Église françoise, à Anvers.
» Jean TAFFIN.
» Au nom de la Compagnie (1). »
De retour dans sa ville d’adoption, Crespin se remit d’un nouveau zèle à l’impression des livres protestants, composés ou traduits en français. Il donnait tous ses soins à cette œuvre de vulgarisation, comme il décrivait lui-même à Bullinger (2). Savant jurisconsulte, versé dans la connaissance des littératures grecque et latine, il annotait lui-même les publications qui sortaient de ses presses ou les accompagnait de préfaces.
(1) Archives de la ville de Genève. Pièces historiques, n° 1830. Cette pièce a été reproduite dans l’article cité de M. Rahlenbeck.
(2) Encyclopédie des sciences religieuses, t. 111, p. 472.
Rival des Oporin et des Estienne, il brille au premier rang de ces imprimeurs érudits du seizième siècle, qui ne se contentaient pas d’exceller comme typographes, et faisaient œuvre d’écrivains. Mais ce qui devait établir sa réputation, « le chef-d’œuvre de ses excellents travaux, » comme s’exprime Antoine de La Faye, c’est avant tout [’Histoire des Martyrs, dont il conçut sans doute le projet, dès 1540, au pied du bûcher de Claude Le Peintre et qui parut en 1554, l’année qui suivit le martyre des cinq prisonniers de Lyon, dont le retentissement fut si considérable. Ce fut une heureuse inspiration, renouvelée de l’ancienne église, que de proposer l’exemple de tous ces morts glorieux à l’admiration des vivants. Leur héroïsme avait frappé leurs ennemis eux-mêmes qui s’arrêtaient confondus devant leurs bûchers. Voici comment s’exprime à leur sujet Florimond de Rœmond, qui n’est pas suspect de sympathie pour ses anciens coreligionnaires : « Comment ils voyaient les femmes simples chercher des tourments, prouver leur foi et, allant à la mort, ne crier que pour le Christ, le Sauveur... Les jeunes vierges marchaient plus gaiement au supplice qu’elles ne l’auraient fait au lit nuptial, les hommes se réjouissaient de voir les terribles et effrayants préparatifs et les instruments de mort qui leur avaient été préparés, et, brûlant et rôtis, contemplant du haut des bûchers, avec un courage invaincu, les coups des tenailles reçus, portant sur leurs visages une posture joyeuse entre les crochets des bourreaux, pour être comme des rochers contre les vagues de la douleur, bref mourir en riant... ces tristes et constants spectacles jetaient quelque trouble, non seulement en l’âme des simples mais des plus grands qui les couvraient de leur manteau, ne se pouvant la plupart persuader que ces gens n’eussent la raison de leur côté, puisque, au prix de leur vie, ils la maintenaient avec tant de fermeté et résolution (1). »
(1) De la Naissance de l'hérésie, éd. de 1623, ch. VI, p. 863 et suiv.
Aussi ne peut-on détacher les yeux des pages austères et bienfaisantes de Crespin quand on en commence la lecture. « Dans la littérature de la Réforme française, » a dit un juge compétent, « on ne saurait citer un livre plus attachant ni plus foncièrement chrétien. Le drame y est palpitant, l’héroïsme y éclate ; les victimes sont touchantes, la persécution odieuse. Que d’horreurs! On a l’impression de la réalité. C’est la moisissure des prisons, le fer, la corde et le feu, les supplices sans nom ; la barbarie des inquisiteurs sans religion , des juges sans équité, des peuples sans pitié, procédant à d’abominables massacres. Mais il y a bien autre chose : les lettres émues des martyrs à leurs proches et à leurs amis, les exhortations fortifiantes qui leur sont adressées du dehors, les interrogatoires prolongés ; les dernières paroles pleines de sérénité et de mansuétude ; les discussions, les controverses, les apologies, les expositions lumineuses de la parole de Dieu; ^organisation des églises, les confessions de foi, la discipline, les récits d’histoire, les considérations générales. Du commencement à la fin, c’est très dramatique et très varié ; tout est dit avec conviction, mais aussi avec sagesse et simplicité. De quel livre , mieux que de celui-ci, pourrait-on dire : « Ceci est un livre de bonne foi (1). »
Il serait difficile d’exagérer la salutaire influence exercée au seizième et au dix-septième siècle, par ce livre qui, avant son apparition, excitait la légitime attente des contemporains (2). Les colporteurs le répandaient dans les villes et les campagnes, au péril de leur vie (3). Il figurait à côté de la Bible et du Psautier comme le livre indispensable du foyer, et la famille huguenote le dévorait en cachette ; les prédicateurs le citaient dans la chaire (4), et dans plusieurs églises on en faisait une lecture publique au service du soir (5); les martyrs y puisaient le secret de l’héroïsme en face de la mort (6),
(1) Ch. Frossard , Le Livre des martyrs de Jean Crespin, notice bibliographique, Paris, 1880, p. 1.
(2) Voy. les fragments de deux lettres de Sleidan à Calvin, Encyclopédie, t. III, p. 472.
(3) Voy. le procès de l’un d’eux dans Ch. Paillard, Histoire des troubles religieux de Valenciennes , t. IV, p. 6.
(4) Voy. Pierre Du Moulin, Huitième décade de sermons, p. 14.
(5) Ch. Frossard, ouv. cité, p. 7.
(6) Jean Rabec fut arrêté pendant qu’il lisait le Livre des Martyrs en présence de quelques personnes (Ed. de 1619, f° 403 v°). Michel Herlin père s’adonnait dans sa prison à cette lecture et y puisait une grande consolation. (Ibid., f. 750 v«.)
et, chose étrange, leurs ennemis allaient jusqu’à dire qu’ils ne maintenaient avec tant de fermeté leur opinion « que pour être mis en ce beau livre des Martyrs de Genève (1) ». « Après la Bible, » dit Agrippa d’Aubigné, en se plaçant au point de vue catholique, « je ne trouve pas de livre plus dangereux que celui-là ni plus puissant pour faire un hérétique ». C’est ce caractère saintement agressif qui a frappé l’un des historiens contemporains qui ont le mieux compris la Réforme. « C’est un merveilleux livre, » a dit Michelet dans son volume sur la Ligue (2), « et qui met dans l’ombre tous les livres du temps; car celui-ci n’est pas une simple parole, c’est un acte d’un bout à l’autre et un acte sublime ».
Nous n’entreprendrons pas une étude bibliographique détaillée du Martyrologe. Ce travail a été fort bien fait par M. Charles Frossard, dans la brochure déjà citée à laquelle nous renvoyons le lecteur (3). La première édition parut, avons-nous dit, en 1554. C’est un petit in-8° de 687 pages. Voici le titre de l’exemplaire que nous possédons : Le Livre des Martyrs, qui est un recueil de plusieurs martyrs qui ont enduré la mort pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, depuis Jean Hus jusqu' à cette année présente, M.D.LIIII. L’utilité de ce recueil est amplement démontrée en la préface suivante. Psaume. XLIIII : 22. « C’est pour toi. Seigneur, nous sommes tous tués tous les jours, et nous sommes considérés comme des brebis à abattre." Math. XXII1I. Qui lit, si entende, M.D.LIIII. On en trouvera plus loin la remarquable préface (4).
(1) Edit, de 1570, livre VII, folio 603 v°.
(2) P. 463.
(3) Voy. aussi l’article cité de la France protestante.
(4) M. Herminjard nous communique le titre un peu différent d’un des exemplaires rarissimes de l’édition princeps : Recueil de plusieurs personnes qui ont constamment enduré la mort, etc. Dans la rédaction de ce titre, Crespin avait fait droit à la décision du grand Conseil de Genève qui, dans sa séance du 23 août 1554, n’avait permis l’impression que si l’auteur retranchait les mots saint et martyr qui, sans doute, lui rappelaient trop le catholicisme (Voy. Calvini Opera, t. XXI, p. 582). La France protestante commet donc une erreur lorsqu’elle dit {2e édit., t. IV, p. 890, note 1 ) que le grand Conseil avait demandé à Crespin de corriger le mot saint en celui de martyr. Il reste à expliquer comment le terme prohibé se trouve dans le titre de notre exemplaire. Au reste les autres éditions présentent des remaniements semblables.
Parmi les éditions qui suivirent, les plus connues sont l’édition latine de 1560 et les éditions françaises de 1570, 1582, 1597, 1608, 1619, la dernière de toutes, celle que nous réimprimons et dont voici le titre exact : Histoire des martyrs persécutés et mis à mort pour la vérité de l’Évangile ; depuis l’époque des Apôtres jusqu’à aujourd’hui. Il est composé de douze livres contenant les actes mémorables du Seigneur dans l’infirmité des fidèles, non seulement contre les efforts du monde, mais aussi contre diverses sortes d’assauts et d’hérésies monstrueuses, dans la plupart des provinces d’Europe. Les préfaces montrent la conformité de l’état des Églises de ce siècle dernier avec celui de l’Église primitive de Jésus-Christ. Nouvelle et dernière édition, révisée et augmentée d’un grand nombre d’histoires et de choses remarquables omises dans les éditions précédentes. Avec trois indices ; La première, des points principaux de la vraie et de la fausse religion, traitée à fond, soutenue ou réfutée ; la seconde, des sujets principaux : la troisième, contenant les noms des martyrs mentionnés dans cette histoire. Apocalypse VI v. 9 et 10. J’ai vu sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été tués pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils détenaient. Et ils poussèrent des cris d’une voix forte, disant : Jusques à quand, Seigneur saint et véritable, cesseras-tu de juger et de venger notre sang sur ceux qui habitent sur la terre ? [L'ancre sur les flots.) A Genève, imprimé par Pierre Aubert, M. DC. XIX. C’est un grand in-folio à deux colonnes, avec 14 folios non chiffrés, 861 folios chiffrés, 10 folios non chiffrés de tables, en tout 1760 pages.
Crespin ne put réviser ni cette dernière édition ni les précédentes ; celle de 1570 fut la dernière à laquelle il consacra ses soins. Elle parut la même année que la troisième édition latine du Commentaire de Calvin sur Esaïe, et Des Gallars lui disait, dans la préface déjà citée de ce dernier livre : « — Continuez donc, mon cher Crespin, à soutenir avec votre diligence les études de ceux qui se sont consacrés aux lettres sacrées, et mettez aussi sous presse d’autres ouvrages de Calvin. » Mais l’utile carrière du réfugié touchait à son terme. Il mourut de la peste, en 1572, l’année de la Saint-Barthélemy, après avoir connu dans sa patrie d’adoption, comme sur la terre natale, de douloureuses épreuves. Il avait perdu cinq enfants dans l’espace de trois ans, de 1550 à 1553. Sa fille Suzanne, infirme et débile de son corps, était morte à l’âge de douze ans, en 1565, et sa femme ne dut pas tarder à la suivre dans la tombe. Crespin s’était remarié avec une veuve, fille du ministre François Bourgoin (1) , qui lui donna deux enfants.
A sa mort, Eustache Vignon, son gendre, prit la direction de son imprimerie, en même temps qu’un écrivain distingué se chargeait de continuer son œuvre, en publiant de nouvelles éditions, revues et complétées, du Martyrologe : nous voulons parler de Simon Goulart, à la fois historien, théologien et poète, l’un des écrivains réformés les plus féconds et les plus distingués du seizième siècle. Il était né à Senlis, en 1545. D’abord adonné, comme Crespin, à l’étude de la jurisprudence , il embrassa, dès qu’il fut converti à l’Évangile, la carrière ecclésiastique. Fixé, dès le 25 mars 1566, à Genève , il fut nommé pasteur de la paroisse de Saint-Gervais, en 1571. Il mourut plus qu’octogénaire, le 3 février 1628, après avoir déployé une grande activité littéraire et exercé un ministère béni non seulement à Genève , mais dans plusieurs églises étrangères qui, à diverses reprises, réclamèrent le concours de son zèle et de ses lumières.
L’édition que la Société de Toulouse offre au public est la reproduction fidèle de l’édition de 1619, revisée par Goulart. Répondant au vœu, plus d’une fois exprimé, de mettre à la portée, non seulement des réformés, mais de ceux du dehors qui l’ignorent ou le calomnient (2), ce « livre d’or » du protestantisme français, elle a voulu préparer avant tout une édition populaire. Nous n’avons, toutefois, rien négligé pour éclaircir certains points obscurs, réparer des omissions ou rectifier des erreurs inévitables, même sous la plume d’un annaliste d’ailleurs si consciencieux et si exactement informé.
(1) Voyez la note qui le concerne et une lettre de lui, t. 1 , p. 677.
(2) C’est avec étonnement qu'on voit un recueil, fort recommandable et fort répandu, le Magasin pittoresque (t. XIV, p. 100), attribuer le Martyrologe à Théodore de Bèze et prétendre que Poltrot de Méré, l’assassin du duc de Guize, y a trouvé place.
Son ouvrage, comme celui de son émule Théodore de Bèze, est avant tout une compilation de renseignements puisés à différentes sources, dont plusieurs sont imprimées, mais qu’il oublie trop souvent d’indiquer; nous avons mis toute notre application à les découvrir et à les signaler; enfin neuf éditions différentes du Martyrologe, que nous avons eues sous les yeux, nous ont permis de signaler les variantes les plus importantes.
Ce travail sommaire d’annotation et de correction, quelque facilité qu’il fût par les excellents travaux publiés depuis trente ans, sous les auspices de la Société de l’histoire du protestantisme français, aurait de beaucoup dépassé nos forces. Nous avons pu le poursuivre, grâce à de précieux collaborateurs auxquels nous exprimons toute notre reconnaissance. Notre ami, M. le pasteur Matthieu Lelièvre, docteur en théologie , aidé du Martyrologe de Foxe , s’est chargé de la révision des notices sur les martyrs anglais. Un savant docteur de l’université de Leyde, M. Christian Sepp, qui a fait une étude approfondie des différents martyrologes du seizième siècle, nous a fourni des notes précieuses sur les martyrs hollandais. Ce n’est pas en vain que nous avons fait appel au savoir de MM. Louis Léger, de Paris, Emilio Comba, de Florence, Herminjard, de Lausanne, Rodolphe Reuss, de Strasbourg, Emile Lesens, de Rouen. Les conseils et les lumières de MM. les professeurs de Montauban ont aussi facilité cette publication. Je dois enfin un témoignage tout spécial de gratitude à mon ami, M. le pasteur Vielles, directeur du séminaire protestant de cette ville, qui non seulement a mis à ma disposition les trésors de sa riche bibliothèque , mais encore m’a remplacé pour la correction et l’annotation des dernières feuilles de ce premier volume.
L’année qui précéda la Révocation, un pieux réfugié, prévoyant les maux sans nombre qui allaient fondre sur ses coreligionnaires, publia à Amsterdam une Histoire abrégée des martirs français « avec les réflexions et les raisons nécessaires pour montrer pourquoi et en quoi les persécutés de ce temps doivent imiter leur exemple. » Le premier volume de cette édition paraît deux cents ans plus tard , au moment où les protestants de France, libres de toute crainte et jouissant de la plénitude de leurs droits civils et religieux, s’apprêtent à rappeler le second centenaire de cette mesure inique, qui pèse d’un poids si lourd sur la mémoire de Louis XIV et de ses conseillers. Puisse-t-il inspirer aux fils des martyrs des sentiments de vive gratitude pour ce Dieu si bon qui a fait succéder le calme à tant d’orages, en même temps qu’un peu de cette foi qui remplissait le cœur de leurs pères et qui nous est nécessaire, plus que jamais, dans les temps d’affaissement moral que nous traversons (1).
D. BENOIT.
Les Rorivas, près Montmeyran, le 50 septembre 1885.
(1) Voici le sens des expressions vieillies qui reviennent le plus souvent dans le Martyrologe : adonc, alors; ains, mais; ascavoir-moi si, peut-on douter que; cuider, penser; jaçoit, lors même que; one ou oneques, jamais; ores, maintenant; pour ce que, par ce que; quant et, avec quant et quant, en même temps que; si, toutefois; voire, même. Plus d’une erreur a pu se glisser dans un travail d’aussi longue haleine. Ainsi ce n’est pas le célèbre Pic de la Mirandole, comme nous le disons à tort, t. 1, p. 251 , qui a écrit une biographie de Savonarole, mais un neveu de ce savant, qui porte le même nom que lui. S’il y a lieu, une liste d’annotations et de corrections terminera le dernier volume.
A L’ÉGLISE DE NOTRE SEIGNEUR ET A TOUS SES VRAIS ENFANTS DISPERSÉS ENTRE LES PEUPLES ET LES NATIONS, SALUT PAR JÉSUS-CHRIST
Si j'avais affaire à quelque Roi ou Prince terrien, j’écrirais une préface qui recommanderait ce que je lui présenterais, mais quant à vous, ô Sainte Épouse du Seigneur, qui avez nourri ceux qui vous sont offerts dans ce Recueil, il n’y a pas besoin d’autre recommandation, puisqu’en vous appelant la Mère [la mère des fidèles], vous les recevez comme les vôtres, à qui Jésus-Christ, votre chef et votre époux, a gracieusement daigné communiquer le premier degré de son ordre. Ils sont parmi ceux qui ont longtemps soutenu l’un des principaux signes par lesquels vous êtes reconnues comme la vraie Mère, et dont vous vous distinguez de cette fausse marâtre, qui n’a cessé depuis votre jeunesse de vous mener une guerre mortelle, cherchant à usurper votre place et votre dignité. (Ps. 129. 1).Et comme ses bâtards n’ont jamais rien pu obtenir de toi, ils s’efforcent, comme auparavant, d’enlever ceux qui sont à toi, ceux que tu as engendrés, dont elle veut voir sa part coupée en morceaux (comme autrefois un malheur devant le trône de Salomon; (1. Rois 5. 26.) se montrant telle qu’elle est, homicide altérée du sang qui ne lui appartient nullement.
Elle pense qu’ils ont été tellement étouffés que leur mémoire s’éteint à jamais, et que personne ne les remarque du tout ; Mais tout est contraire à ses desseins, car il y en a de bonnes parties, surtout de ces derniers temps, remises dans un meilleur état qu’elles ne l’étaient dans le cours de cette vie humaine. Or, comme je vous l’ai longtemps prévenu, ce ne sont ni des os, ni des cheveux, ni des membres de leur corps, ni quelques haillons ni morceaux de leurs vêtements, ni des fables de légendes dorées, pour les recommander et faire des reliquaires à l’usage de votre adversaire et de sa maudite synagogue ; Mais ils parlent eux-mêmes dans leurs écrits, réconfortant et trompant ceux qui restent encore sur ce chemin. Vous verrez des triomphes qui surpassent tous les plus magnifiques que le monde ait jamais décernés à ceux qui ont apporté une victoire complète sur leurs ennemis.
Il n'est pas question de couronnes de laurier, ni de chariots et arcs, mais d’une façon nouvelle de vaincre étant condamné, et triompher contre tous Placars, Décrets et Ordonnances d’Empereurs et Rois, et mener captifs les bourreaux de ceux liés d'horribles chaines . Je vous y présente, en somme, la matière d’une belle histoire Ecclésiastique, qui montre la même façon de laquelle Dieu a de tout temps conduit et gouverné les vôtres. Sa puissance, sa protection et la fidélité de ses promesses y sont entièrement exprimées et pratiquées. Voyons-les donc (surtout ceux de ce dernier temps) en leurs Confessions, Réponses et Disputes, tenues non seulement contre Moines, Prêtres et Docteurs, suppôts de l’Antechrist Romain; mais contre les plus pernicieux hérétiques de ce temps, Servetittes, Anabaptistes, Épicuriens, Jésuites et tant d’Apostats de la vérité. Voyons-les aussi en leur confiance et persévérance, afin que nous en soyons édifiés. Car s’il a jamais essayé de proposer ces exemples, si jamais les fidèles ont eu besoin d’être confirmés au milieu d’un déluge de maux, qui ne voit que le temps d’aujourd’hui l’exige ? Car y eut-il jamais miroir proposé au monde pour représenter plus au vif les furies infernales déchainées, pour remplir toute la terre de troubles et confusions ? Y eut-il jamais orgueil plus furieusement envenimé contre Dieu, que nous l’expérimentons et voyons à présent? Y eut-il jamais ignorance plus impudente ? Les consciences des hommes ont-elles jamais été plus contraires et répugnantes à ce dont elles sont néanmoins convaincues ? Y eut-il jamais des hérésies inventées plus monstrueuses ? vit-on jamais des sectes plus pernicieuses ? la vraie doctrine fut-elle jamais foulée aux pieds de plus grande arrogance ? le nom de Dieu fut-il jamais blasphémé plus hardiment qu’il est aujourd’hui ? les Apostats, qui de malice délibérée font la guerre à la vérité qu’ils ont connue, ont-ils jamais levé les cornes d’une façon plus audacieuse ? Y a-il, bref, jamais eu telle confusion que celle que nous voyons maintenant? Que peut-on penser ni espérer, considérant l'avenir ? Voici cependant la bonté de notre Dieu, qui en ce grand désordre nous environne plus que jamais de sa lumière, et par sa miséricorde non seulement nous entretient en la forteresse de sa vérité, mais aussi maintient d’une puissance du tout extraordinaire le précieux édifice de sa maison, par la prédication de sa pure Parole. Puis donc qu’on voit telle munificence de sa bonté en ce temps, il est requis que tous mettent la main à rebâtir les ruines et redresser les murailles de cette maison. [Le devoir d'être fidèle à l’édification de la maison du Seigneur]. La remontrance qui a été faite autrefois par le Prophète Aggée au peuple des Juifs est digne maintenant, comme en cas semblable, d’être mise au devant disant, "Aurez-vous le temps, dit-il, d’habiter dans vos maisons lambrissées, tandis que la maison du Seigneur est désolée ? Monte sur la montagne, apporte du bois, bâtis le temple, et j’y prendrai plaisir, et je serai glorifié, dit le Seigneur." Aggée 1: 4 et 8. C’est à vous, enfants de l’Église du Seigneur, à qui s’adresse cette exhortation, puisque Dieu vous accorde la même grâce, qu’après tant de révolutions et de calamités, il parfait devant vous l’œuvre de votre réparation. Il est vrai qu’on continuera de donner beaucoup d’empêchements à cette besogne, les voisins la troubleront, et détourneront les ouvriers d’une œuvre si sainte, Satan fera plus d'efforts que jamais pour tout renverser , et ne manquera pas d’instruments qui feront tout leur possible pour abolir toute lumière et introduire les ténèbres d’erreur, d’athéisme et d’injustice sur la terre. Mais regardons les moyens que Dieu a tenus pour commencer ce bâtiment, et la faveur qu’il a donnée à ceux qui en ont jeté comme les fondements en ce temps : vous connaitrez que tout a été poursuivi heureusement contre toute espérance humaine, et que, pour voir l’Antechrist et les siens confus, il ne faut que suivre ce chemin tant aisé de la vérité de Dieu, à l’exemple des vrais fidèles qui nous ont précédés. Il faut se cacher sans feintise sous les ailes du Tout-puissant, et lors que tous moyens humains défaillent, espérer tant plus qu’il se montrera protecteur et libérateur des siens. Sans rechercher les exemples de plus loin, voyez comment le Seigneur a été fidèle et continue d'être fidèle à l’endroit d’une ville de Genève ; combien de dangers l’ont environnée, combien d’ennemis et dehors et dedans l’ont assaillie , et comment le Seigneur l’a non seulement garantie, mais aussi lui a fait cette grâce, qu'au temps les plus pervers et divers, il l’a constituée nourrice et tutrice de ses pauvres fidèles, chassés de toutes parts hors de leurs pays, ayant dédié celle ville à son Nom et pour un domicile des siens. Tandis qu’elle n’aura honte de l’Evangile, et si elle se renforce en sa première résolution d’adhérer au fils de Dieu, encore que ses ennemis fussent multipliés au centuple, Dieu accomplira des prodiges pour elle, comme Il l’a fait tant de fois auparavant ; demeurant dans sa promesse très assurée, il honore ceux qui l’honorent. Je dis cela parce que c’est d’elle, comme d’une école de piété, qu’un grand nombre de martyrs, contenus Recueils, sont sortis ; sont fortifiés ; de qui, comme toi, ô Église, en elles ornée, ainsi le bien et la joie viendront à toutes les nations. Car pouvait-on avoir, en ces derniers temps, remplis de calamités, chose de plus grande consolation ? Y a-il présent qu’on puisse offrir plus nécessaire que tels exemples, de la confiance de tant de fidèles témoins de l’Évangile qui nous montrent le chemin ? Perdrons-nous la postérité d’un si grand fruit par notre nonchalance ? L’ancienneté nous enseigne autrement, laquelle a bien considéré comment ceux qui venaient après étaient enrichis des bénéfices et exemples de ceux qui avaient précédé au combat, et ce par la bonté de Dieu qui fait valoir le sang des siens à cette fin, comme plus amplement le même sera déduit au premier livre, et par la Préface ajoutée ci après, en laquelle nous rendons compte de toute cette présente Histoire. [Conférence des Martyrs de l'ancienne Église, aux Martyrs de ce temps]. Les anciens Martyrs , dira-on, étaient excellents en plusieurs sortes. Cela est vrai ; mais si ceux qui ont été jadis spectateurs regardaient aujourd’hui les tourments et afflictions de ces derniers temps, ils verraient choses merveilleuses et nouvelles. Le nombre des anciens était grand ; le nombre des nôtres qu’est-il ? Ceux-ci ont apporté un grand fruit et l'avancement à l’Évangile ; la confiance des nôtres se fait si bien sentir aujourd’hui, qu’elle donne assez à connaître que la fureur des tyrans n’avance pas beaucoup de manière significative ce qu’ils désirent ; au contraire, cela augmente le nombre de ceux qu’ils souhaitent exterminer.
[ Jugements de Dieu notables à jamais ]. O s'ils pouvaient entendre que Dieu épargne le monde pour l’amour des siens ! ils les auraient en toute autre estime. Ils connaitraient qu’aussi longtemps que Noé, héraut de justice, a été sur la terre, le Seigneur a prolongé le temps de sa vengeance extrême, et qu’aussitôt qu’il eut mis les pieds dedans l’arche, le déluge horrible fut envoyé soudain pour couvrir et détruire tous les méchants. Ils savent que tant que Noé, le héraut de la justice, était sur la terre, le Seigneur a prolongé le temps de son extrême vengeance, et qu’à peine a-t-il mis le pied dans l’arche, l’horrible déluge a été soudainement envoyé pour couvrir et détruire tous les méchants. Ils apprenaient des événements de Sodome que dès que l’Ange avait pris le juste par la main et l’avait fait sortir, le soufre et le feu du ciel consumaient complètement les habitants ainsi que tout le pays et les villes environnantes ! Au contraire, la ville de Tsoar, dans laquelle il demandait à habiter, fut épargnée à cause de lui. Ils comprendraient que l’Égypte a été bénie par la fertilité et l’abondance grâce à Joseph, et que peu après le départ du peuple de Dieu de ce royaume, Pharaon et son peuple se sont noyés dans les profondeurs de la mer. Et quiconque veut, en ces derniers temps, observer et remarquer les mêmes miroirs, cette histoire pourra fournir des arguments complets. Maintenant, notre devoir sera de remercier le Seigneur et de lui exprimer une affection ardente, en lui recommandant la cause et la querelle, et afin que de plus en plus la doctrine céleste de son Évangile se manifeste au milieu des horribles confusions de ce dernier âge du monde.
AD ECCLESIAE CHRISTI CARNIFICES
Le phénix, s'il est vrai, ressuscite de ses cendres.: Phœnicem, si vera ferunt, mors ipsa resingit,
À celui-ci, qu’il y ait une vie et une mort comme un bûcher. Huic sit yt aui vnus vitaquc morsque rogus.
Allez, ô bourreaux, brûlez le saint des saints; Ite, ô carnifices, Sanctorum sancta cremate
Les corps que vous voulez détruire renaissent de leur cendre. Corpora : quos vultis perdere flamma parit.
SUR LA CONSTANCE DES FIDÈLES MARTYRS DE NOTRE, SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST DESQUELS EST FAITE MENTION EN CE LIVRE.
Dans ce grand feu, cette grande patience, qui, en mourant, fait le soldat victorieux, remue en moi l’œil, l’oreille et le cœur, quand je le vois, quand je l’entends, quand j’y pense. Je me vois souffrir avec joie et constance, j’entends chanter fort dans une douleur extrême. Je pense alors que la grandeur de Dieu brille dans les ténèbres de l’impuissance humaine. Si l’on veut jouir du vrai profit, il ne suffit pas de voir et d’entendre ; Car la pensée est toute l’utilité. Et quiconque vient en ce lieu pour s’adresser, pour voir, pour entendre et non pour penser. En voyant, en entendant, il ne voit rien, et n’entend rien.
AUX FIDÈLES MARTYRS DE JÉSUS-CHRIST
Le zèle ardent que je vois en ce lieu
Parmi les feux, étonné, j’admire ;
Car elle éclaire les bons pour les guider,
et elle les enflamme dans le service de Dieu.
Et les voyant tourmentés au milieu d’eux,
victorieux de leur martyre,
Je vois dans le feu un autre feu qui brille,
Je vois un feu brûler un autre feu.
Car si l’ardeur, si la flamme céleste
Des saints martyrs éclaire et enflamme,
N’est-ce pas un feu clair et brûlant ?
Et si, s’armant d’une vertu suprême,
Il a vaincu la flamme qui l’assaillait,
N’est-ce pas le feu, plus de feu que le feu lui-même ?
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION DU MARTYROLOGE (1554)
JEAN CRESPIN
A TOUS FIDÈLES QUI DÉSIRENT L’AVANCEMENT DU RÈGNE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST.
Entre les marques de la vraie Église de Dieu, celle-ci a été l'une des
principales, à s'assoir, qu’elle a de tous temps
soutenu les assauts des persécutions.
Car depuis que Dieu habite au milieu de celle-ci, et que sa vérité a été toujours maintenue par son ministère, il ne se peut faire autrement que Satan, père du mensonge et meurtrier dès le commencement, ne fasse tous ses efforts pour opprimer cette vérité, afin d’obtenir les deux royaumes, et le spirituel, et le corporel : le spirituel par mensonges et fausses doctrines , le corporel par cruautés et oppressions tyranniques. Et plus la bonté de Dieu se manifeste en donnant plus de lumière et d’ouverture à sa vérité, plus il a rassemblé des gens de tous bords pour entreprendre plus facilement ses entreprises et exercer ses cruautés. Dans ce qui est absolument nécessaire pour que les fidèles, comme remède à leurs faiblesses, se souviennent et présentent devant leurs yeux les exemples de ceux qui ont soutenu la vérité de la doctrine du Fils de Dieu, et qui ont supporté avec constance la mort pour la confession de celle-ci. Car c’est un bon but à aborder et à nous faire marcher avec beaucoup plus de courage, sous la conduite de notre chef et de notre capitaine, au moment où l’adversité et la confusion nous environnent. Levons donc les yeux en haut, et contemplons la main forte du Dieu vivant, qui a d’une façon si admirable assisté en tous siècles et de tous temps à ses fidèles Martyrs, et a tellement ouvert leurs bouches , et leur a donné une telle force et confiance , que quand il a semblé qu’ils étaient vaincus, c’est alors qu’ils ont obtenu une victoire glorieuse. Maintenant, s’il y a jamais eu un moment pour proposer leurs exemples, si les fidèles ont jamais eu besoin d’être conformes au milieu de tant d’afflictions, nous pouvons certainement penser combien cette période pleine de calamités l’exige aujourd’hui. Car y a-t-il jamais eu un miroir offert au monde pour représenter plus vivement les fureurs infernales déchaînées qui remplissent toute la terre de troubles ? Y a-t-il jamais eu d’orgueil plus furieusement empoisonné contre Dieu ? Y a-t-il jamais eu une ignorance plus impudente ? La conscience des hommes a-t-elle jamais été plus contraire à ce dont ils sont pourtant convaincus ? Y a-t-il jamais eu des hérésies plus monstrueuses ? A-t-on jamais vu des sectes plus pernicieuses ? La vérité a-t-elle jamais été foulée aux pieds avec plus d’arrogance ? Le nom de Dieu a-t-il jamais été blasphémé avec plus d’audace qu’il ne l’est aujourd’hui ? Les athées, les libertins, les épicuriens et les méprisants de la parole de Dieu ont-ils jamais levé leurs cornes d’une manière plus audacieuse ? Et pour le dire en un mot, le diable s’est-il jamais montré meilleur diable qu’il ne l’est aujourd’hui ? Y a-t-il eu dans le monde une plus grande confusion que celle d’aujourd’hui ? Pourtant, c’est ici la bonté de Dieu qui vient. Dans ce grand désordre, il nous a placés, et nous maintient encore par sa bonté, au sort de sa vérité, et s’il nous donne une armée de champions fidèles, et nous entoure comme d’une nuée de ses témoins, qui sont pour nous de véritables miroirs de confiance et de patience. Si nous regardons ce qui a été fait, et qui est chaque jour sous nos yeux, il y a de quoi nous faire courir patiemment à la bataille qui nous est proposée. Mais le problème réside en ceci : il y avait suffisamment de matériel pour engager l’esprit de ceux qui avaient reçu la grâce d’écrire sous forme d’histoire ce qui s’est passé au cours des dernières années ou des derniers siècles dans l’Église de Dieu ; néanmoins, comme s’il n’avait rien à voir avec la gloire de Dieu et l’affermissement de ses pauvres fidèles, le souvenir de tant de morts précieux, qui devaient servir de leçon de sa bonté et de son admirable vertu dans l’Église de Dieu, a été presque enterré. Qui a été une nonchalance trop grande, ou plutôt une ingratitude trop vile. Les profanes sont très diligents à écrire les actes et les gestes de leur peuple, n’ayant d’autre but que de perpétuer leur mémoire, sans égard à la gloire et à l’honneur de Dieu, tandis que les chrétiens s’endormiront lorsque Dieu mettra la plume dans leurs mains pour écrire ses actes et ses œuvres admirables, Et que manifeste-t-il à travers ses martyrs, afin que sa gloire brille partout, et que tous les fidèles aient d’autant plus de matière à se réjouir et à faire confiance à sa vertu et à sa bonté ? Ce n’est en aucun cas excusable. Aujourd’hui, il n’y a ni région ni pays, pas même les Turcs et autres peuples barbares, où Dieu n’ait suscité un certain nombre de martyrs pour témoigner de sa vérité à toutes les nations. En effet, de telle sorte qu’il est difficile de trouver un siècle depuis l’Église primitive où Dieu ait fait briller plus excellemment sa vertu dans l’infirmité des hommes. De telle manière, dis-je, que même les réprouvés et les ennemis jurés de la vérité sont forcés de fermer la bouche, étant complètement étonnés des merveilles de Dieu. Ils sont au bout du rouleau, et ne savent plus quoi dire. Le diable dont ils sont furieusement chassés a déployé toute sa ruse et toute sa subtilité ; que lorsqu’il voudrait maintenant faire pire que ce qu’il a fait, ce ne serait rien de nouveau. Après ces tours (je laisse la cruauté d’avoir les langues coupées) pourrait-il encore en inventer et en forger d’autres plus subtiles, surtout quand il a récemment trouvé un moyen de brûler les épreuves de ceux qui ont été exposés à une mort cruelle pour le nom du Seigneur, afin que, d’une part, la bonne cause de l’innocent par la répression cruelle soit éteinte et opprimée, et d’autre part, que l’iniquité plus que barbare des juges n’est pas connue ? De plus, lorsque le diable a si profondément bercé les esprits et ébloui les yeux des hommes, qu’ils ont jugé sans discernement comme hérétiques ceux qui ont dit la vérité, aussi bien que ceux qui ont corrompu la vérité par de fausses doctrines. Et c’est pour cette raison que cette vérité est devenue plus odieuse : de même qu’il se fait que les anabaptistes, les libertins, les athées, les épicuriens, les servettistes, les moqueurs et les méprisants de toute religion, les gens sans conscience, sans choix et sans jugement, sont tous enveloppés dans le même paquet, et il a fallu que les pauvres chrétiens, qu’on appelle communément luthériens en ce temps-ci, ont porté toute cette saleté et ces insultes sur leurs épaules, et que toute l’ignominie et l’opprobre sont tombés sur eux. Mais, louange et gloire à notre Dieu, le temps de la discrétion et de la considération est venu, et le temps de la visitation est maintenant, comme Daniel l’a prédit, la fureur et la colère sont terminées, et le Seigneur, père de miséricorde et de bonté, le Dieu de toute consolation, a commencé à envoyer ses vrais messagers pour recueillir de son royaume de tels scandales. La plupart du temps, il a défendu les adversaires de son Fils par le souffle de sa bouche. Les choses sont maintenant manifestes, grâce à Dieu, et la lumière, étant venue et ressuscitée au point culminant du jour, couvre ouvertement tout et permet de discerner facilement les vrais martyrs du Seigneur Jésus des suppôts enragés de Satan. C’est pourquoi je prie de tout cœur et j’exhorte tous ceux qui sont favorables à l’Évangile et qui le désirent, où qu’ils soient, à louer avec nous d’un commun accord, d’une seule bouche et d’un seul cœur, le Dieu éternel et tout-puissant, et à soutenir cette bonne et juste cause de son Fils Jésus-Christ et de son Église, contre ce basilic et Antéchrist romain, sa synagogue maudite pleine de blasphèmes, la mère de toutes les abominations qui sont sur la terre ; et qu’ils le payent deux fois selon ses œuvres, comme il est dit dans l’Apocalypse.
Que tous les fidèles, dis-je, soient admonestés, et aussi exhortés et jurés au nom de ce grand Chef et Capitaine des martyrs, notre Seigneur Jésus-Christ, de ne plus négliger les grandes grâces que Dieu accorde quotidiennement à son Église ; de ne plus oublier les morts bénis et précieux de ses enfants, mais de rappeler fidèlement tout ce qu’ils ont pu entendre et qui peut être recueilli, non de leurs os ou de leurs cendres, à la manière de ce forgeur de basilic d’idoles et de nouveaux monstres. ; mais leur confiance, leurs actes et leurs écrits, leurs réponses, la confession de leur foi, leurs dernières paroles et exhortations ; pour tout ramener au sein de l’Église, afin que le fruit revienne à la postérité. Maintenant, en conclusion, ce travail présent a été recueilli aussi fidèlement et simplement que possible. J’espère qu’elle vous sera d’un grand service, selon que chacun de vous a besoin de consolation ou de confirmation. Car vous avez des miroirs merveilleux et toutes sortes d’exemples, de tous les états, de tous les sexes, de tous les âges et de toutes les nations. Vous y aurez, comme les enfants de Dieu sont traités, comme ils sont diversement interrogés, quelle ruse les ennemis usent pour les surprendre ; Vous aurez toutes sortes de tourments : les uns exécutés subitement, les autres tourmentés par la longueur de la prison. Bref, il y a toutes sortes et toutes les façons de se fortifier. Vous, jeunes et vieux, nobles et humbles, il y a ici ceux qui vous précèdent. Vous, les maris, n’hésitez pas à laisser derrière vous vos femmes et vos enfants ; car il y a une meilleure communion qui est préparée pour vous. Vous, femmes, que l’infirmité de votre sexe ne vous fasse pas reculer ; Il y a des femmes vertueuses qui, par leur exemple, vous ouvrent la voie. Allons-y donc, tous, et montons à la montagne, regardant le magnifique triomphe que Dieu a préparé pour tous les vaillants combattants.
A CEUX DE LA PREMIÈRE ÉGLISE
Avec I’économie et disposition des douze Livres de cette histoire.
[Les Commentaires de l'Écriture Sainte]. Quiconque a dit le premier que les afflictions sont les vrais commentaires de la l'Écriture sainte, a considéré de très près qu’il n’y a pas d'enseignement plus nécessaire pour les fidèles, pour bien comprendre les consolations de l’Esprit de Dieu, et pour trouver le vrai contentement de la conscience, que d’être exercé par diverses tribulations. En effet, s’il n’y avait que l’affliction , ce serait bien peu de chose, d’autant plus que plusieurs endurent, auxquels l’adversité n’apporte que tourment au cœur, ou bien ne donne aucun contentement. Mais il doit y avoir un fondement sur lequel l’affliction puisse servir de confirmation de la foi. (1 Cor. 1 : 18 et 23). Faute de ce fondement, la Croix de Jésus-Christ apparaît folle et scandaleuse au monde, au point qu’on s’en moque, ne croyant pas que Dieu visite les méchants avec des croix et des tribulations pour leurs démérites. Pour cette raison, les gens du monde croient que leur vie et leurs œuvres sont agréables à Dieu, parce qu’ils ne sont pas visités par ses châtiments, se moquant des pauvres chrétiens. lorsqu’ils voient qu’ils abandonnent pour leur religion, non seulement leurs pères, leurs mères, leurs frères, leurs sœurs, leurs maisons et leurs héritages, mais aussi leur propre vie, offrant à Dieu à travers toutes sortes de persécutions, leurs corps et leurs âmes. (1 Cor. 2 : 14). Ce jugement pervers et corrompu est très agréable à la chair à cause de sa belle apparence, parce qu’il ne favorise rien des choses célestes, mais ne goûte que ce qui est charnel et terrestre, préférant l’honneur et l’amitié de ce monde à la vie et à la gloire éternelles. Mais la parole du Seigneur doit servir d’instruction aux fidèles, pour repousser toutes les tentations et tous les chemins qui pourraient les distraire ou les détourner du droit chemin. Et se voyant tourmentés par les peurs ordinaires, les pillages, les emprisonnements, les bannissements, les tortures et toutes sortes de souffrances, ils doivent considérer en échange les nombreux avantages qui découlent de ces misères, et d’autre part, les dommages causés par de trop longues félicités. À cela, les exemples des vaillants champions, qui ont souffert à travers ces batailles, et par leur mort ont surmonté toutes les afflictions, sont merveilleusement utiles et nécessaires, pourvu qu’ils soient parmi ceux qui ont eu le fondement susmentionné.
Remarquez de ces titres d’avoir souffert :
1. pour la justice. (Matth. 5. 10. 4)
2. pour le Nom de Christ. (1 Pierre 4. 14)
3. comme Chrétiens, et en faisant le bien . (1. Pierre 2. 20)
Au pays bas par les Anabaptistes, et Angleterre par les Jésuites.
Il faut faire attention, car Satan, voyant que les vrais disciples de Dieu souffrent pour la vérité, a essayé, comme un singe, d’avoir des témoins de l’erreur et du mensonge, en les mettant en avant aux côtés des vrais témoins de l’Évangile. Ce que nous voyons, c’est qu’aujourd’hui encore il le pratique * à travers certains faux partisans qui, sous le couvert de la parole de Dieu et du maintien de l’Église, subissent la persécution, masquée par une apparence de sainteté, obscurcissant la vérité d’une manière merveilleuse de sorte qu’elle ne peut pas être distinguée du mensonge.
* Au pays bas par les Anabaptistes, et en Angleterre par les Jésuites
Si les serviteurs de Dieu font des merveilles (comme jadis Moïse en Égypte, Exode 7 et 8) pour démontrer la puissance de Dieu , et inciter les Rois à délivrer l’Église de la captivité, le diable fait aussi et oppose les miracles de ses enchanteurs par lesquels il endurcit de plus en plus les cœurs des Pharaons , de sorte qu’ils ne prêtent aucune intention aux signes merveilleux et aux plaies horribles que Dieu accomplit et exécute quotidiennement devant leurs yeux. Ceux donc qui s'abusent, arrêtent plutôt leur vue sur les croix et peines (qui ne font point le Martyr) que sur l'infaillible fondement de la vérité, laquelle seule montre la diversité des souffrances des vrais et faux Chrétiens. Vrai est que les hérétiques auront de belles œuvres en apparence, comme les arbres sauvages portent aussi des fruits qui ressemblent extérieurement aux bons, et sont ornés de belles feuilles, mais d’autant qu'ils sont hors de Christ, par conséquent de la voie, de la vérité, et de la vie , leur foi est mauvaise, leur zèle sans fondement, et leur croix exclue de la bénédiction. La doctrine et les confessions de foi sont donc les fruits les plus remarquables et les plus certains du vrai sens de la foi, et auxquels nous devons particulièrement prêter attention dans ces Recueils, qui sont rangés dans les douze livres de cette histoire ecclésiastique, pour juger les actes des martyrs par la parole de Dieu. Et si le Seigneur avait donné à leur mort une issue comme celle des martyrs de l’ancienne Église, dans la même confession de doctrine, n’a-t-il pas voulu aussi les mettre sur le même parchemin, et sanctifier à jamais leur mémoire ? Mais encore afin que toute difficulté soit ôtée, qui pourrait empêcher les ignorants de tenir ceux-ci du dernier âge pour vrais Martyrs et fidèles serviteurs de Dieu, j’ajouterai quelque conférence des plus excellentes et singulières que l’Écriture nous propose pour vrais miroirs et patrons des Martyrs, afin de montrer que d’une même cause il y a eu de tout temps les mêmes effets, et procédures tant en accusations, que jugements et condamnations. Et en ce qui concerne les martyrs de l’Église primitive, ce que l’on déduit du premier livre, en ce qui concerne le contenu des livres suivants, qui parlent des fidèles mis à mort pour le Nom de Jésus-Christ, depuis Wycliffe jusqu’à l’an mil six cents, l’accord qui existe entre l’un et les autres sera noté encore plus facilement.
QUANT A JEAN BAPTISTE le grand prophète du Très Haut, ses plus enragés persécuteurs furent les plus élevés en autorité, en ministère, en rang de fonction, les plus dotés et saints de tous les autres. Ils l'accusèrent d'usurper le ministère pour prêcher de sa propre arrogance, sans la consentement de ceux qui avaient la charge de l'Église. Qu'il enseignait une doctrine nouvelle et différente de celle qui était habituellement annoncée dans les Synagogues. (Matthieu 3; Luc 3; Jean 1)
Qu’il montrait un Messie qui n'avait pas l'apparence d'un Roi, abject, pauvre et soumis à toutes les misères. Qu’il reprenait les grands gouverneurs de l’Église , pour avoir falsifier et corrompu la doctrine de Dieu. Qu'il usait des paroles comme des éclairs d’excommunications contre eux. Qu'il affirmait que tout le gouvernement de Moïse était arrivé à son but, et qu’une autre forme de Religion devait être établie.
Qu'il a lui-même baptisé dans le Jourdain, et qu'il a prédit le rejet et la ruine de tout le peuple, et l'appel des Gentils. Ils étaient en effet prêts à le mettre à mort, mais la puissance et faculté leur défaillait, le peuple les retenant en bride. A tel point qu'il endura une autre persécution d’Hérode, fils du premier Hérode, Tétrarque en Galilée, qui avait ravi la femme de son frère Philippe , et l'avait fait mourir parce que jean le reprenait d’un tel forfait, et des maux qu’il avait commis. Y a-il en cette procédure (changez les noms et qualités des temps et personnes) chose qui ne soit exécutée en ces deux siècles derniers ?
Si nous arrivons au propre Fils du Dieu vivant, Jésus-Christ, nous trouverons qu’il a eu des ennemis beaucoup plus terribles et envenimés qu’aucun homme ait jamais été ; aussi était-il venu au monde pour entrer en une guerre irréconciliable contre les ennemis de Dieu et de tout le genre humain. Ils l’ont d’abord attaqué par des questions et des équivoques, et par des paroles scandaleuses.
Ses ennemis l’ont appelé :
1. Samaritain , possédé du diable, chassant les démons au nom de Beelzébuth ; (Jean 7, 8 et 10. )
2. Glouton et ivrogne , ami des péagers. (Matthieu 9 et 12.)
3. Il a été excommunié de la Synagogue, avec décret que ceux qui le confesseraient être le Christ, seraient chassés d’ici. (Jean 9 et 12).
Malgré cela, il n’a jamais cessé de poursuivre sa vocation, bien qu’ils cherchent constamment des occasions de le faire tuer. Il a aussi souvent été assailli par des ruses et des sophismes, mais il les a toujours réprimandés avec tant de prudence, de modération et de réprimande pointue qu’ils ont été contraints, tous confus, de quitter les lieux. D’autre part prenant quelquefois des pierres, ils l'auraient outragé s’il ne s'était pas retiré. Même ceux de Nazareth furent si offensés par sa prédication qu’ils l’auraient jeté du haut au bas d’une montagne, s’il n’avait pas échappé (Luc 4.) à leurs mains contre toute attente, mais il ne cessa pas de poursuivre sa mission partout où il pouvait se trouver. Enfin, sachant l’heure de sa mort, ordonnée de Dieu, être venue, permit aux soldats de Pilate, et aux officiers des Sacrificateurs de le prendre. Et combien peu ont pu résister (ce qu’il a clairement démontré quand toute la bande et Judas sont tombés à la renverse au seul mot qu’il a dit : « C’est moi ») néanmoins, il s’est présenté volontiers à ses ennemis.
Quels étaient les principaux points des accusations portées contre lui ? Qu’il enseignait sans vocation (Matthieu 21. 6): qu’il prétendait être le Messie (Luc 23. et Jean 7 et 10), Fils de Dieu, et même égal à Dieu le Père (Jean 7 et 8 et Matthieu 26.8 ). Qu’il a troublé la religion ordonnée par Moïse, contrairement à la parole de Dieu, et qu’il a égaré le peuple (Luc 23). Que quant au salut, il condamnait la justice des œuvres. Qu’il a violé le sabbat. Qu’il a pardonné publiquement les péchés des croyants (Matthieu 9).
Qu’il détruirait le temple (Jean 2 et Matthieu 26) et qu’en trois jours il le rebâtirait, et défendit de payer le tribut à César.
En somme, on ne l’accusait que de deux crimes, les plus énormes de tous, le blasphème et la sédition. Et quelles étaient les causes de cette persécution contre lui ? L'une des principales était le grand aveuglement de ce peuple, qui se glorifiait lui-même être le peuple de Dieu , et en plus de cela, l’Hypocrisie et la malice des Ecclésiastiques, qui ne pouvaient nullement tolérer que leurs traditions , leurs abus et leurs vices soient critiqués. Condamné par sentences iniques, contre la conscience de tous, comment est-il traité? Il n’y a aucune espèce de tourment qui ne lui ai été infligé, et finalement on le pend entre deux brigands, comme s’il eut été le plus exécrable des plus criminels du monde. Que tous les fidèles se souviennent souvent de ceci : « Que le Roi de gloire, le Chef de toute l’Église, dans l’effusion de son sang, a proposé avec joie un exemple perpétuel à tous les siens, que tant qu’il aura des membres jusqu’à la fin du monde, il n’y aura pas un seul qui soit exempt de la croix ou des afflictions.»
Quant à ses apôtres et à ses disciples, bien que l’épée ne les ait pas atteints pendant que le Maître s’était visiblement entretenu avec eux sur la terre, afin qu’ils puissent être plus pleinement instruits et confirmés ; néanmoins, après avoir reçu l’Esprit Saint, ils sont excommuniés, ils sont menacés, ils sont forcés de blasphémer, ils sont décapités, ils sont lapidés. Et sur quelles informations ? sur ce qu’on les accuse d’être les auteurs d'une nouvelle Religion et d'une nouvelle doctrine, abolissant toutes les cérémonies anciennes , prêchant un Jésus pour Messie et rédempteur. On les accuse comme séditieux et mutins, faisant des assemblées particulières, reprenant les vices des grands Prélats de Jérusalem de tout le peuple Judaïque. Nous voyons les mêmes procédures contre les fidèles de ce dernier temps.
Étienne qui est nommé l'antiquité premier Martyr en l'Église primitive, combien de gens des synagogues appelées libertins, cyréniens, alexandrins, ciliciens et asiatiques, qui disputaient contre lui, ne pouvaient résister à la sagesse et à l’esprit qui parlaient par sa bouche ? Il a été accusé par de faux témoins devant les prêtres, les scribes et les anciens, et devant tout le peuple d’avoir blasphémé contre Dieu, contre Moïse et le lieu saint du Temple, affirmant que personne ne pouvait être justifié ou sauvé par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi qui est en Christ, ayant accompli la loi pour nous. Que les cérémonies étant déjà abolies, on devait suivre la forme de la religion que Jésus-Christ avait établie.
[Sommaire de la confession de foi d'Étienne, premier martyr de l'Église chrétienne]. Le principal sacrificateur lui ayant demandé s'il était ainsi, il donna raison à sa foi. Premièrement étant en général accusé comme apostat de la Religion et du service de Dieu, pour montrer qu'il avait le même Dieu que leurs Pères avaient toujours servi, il déclare que ces Pères avaient été élus de Dieu pour lui être un héritage et un peuple particulier, avant que Moïse fut né, et que le peuple fut édifié. Puis il souligne que toutes les cérémonies ordonnées de Dieu par Moïse, ont été formées selon le patron céleste, partant de la Loi cérémoniale se rapportant à une autre fin, c'était folie de laisser la vérité pour s'arrêter aux figures et aux ombres. Finalement il les réprimande de ce qu'ils ont mis à mort le Rédempteur , et que néanmoins demeurant endurcis, ils résistent opiniâtrement au Saint Esprit , à l'exemple de leurs prédécesseurs qui ont tué les Prophètes. Cette confession de foi fit grincer les dents aux adversaires ; mais en entendant qu'Étienne affirmait qu'il voyait les cieux ouverts, et Jésus assis à la mesure du Père , ils devinrent complètement enragés, se bouchant leurs oreilles. Et ne pouvant plus endurer * qu'il parlât, ils s'écrièrent à haute voix : * Et sans plus tarder ils se jetèrent d'impétuosité contre lui , le tirant hors de la ville, et le lapidèrent alors qu'il faisait sa prière à Dieu.
* On lui aurait coupé la langue en ces derniers temps.
* on aurait fait sonner les trompettes et les tambourins pour l'empêcher d'être entendu
La persécution ne s’est pas contentée du sang d’un seul, mais tout le troupeau a été recherché, comme ils adorent habituellement, certains mis à mort, d’autres forcés de se retirer dans les régions voisines, ce qui a été la première et notable occasion où l’Évangile a été entendu davantage, les apôtres restant néanmoins (avec un grand danger) à Jérusalem. Et qui ne remarquera pas, en entendant ces récits, les circonstances qui se rapportent entièrement à ce qui s’est passé depuis, et qui continue encore aujourd’hui. ? Si nous cherchons l’exemple d’un homme qui, par la foi des ennemis, pharisien et persécuteur extrême, s’est converti et est devenu un excellent ministre de l’Évangile, les Actes des Apôtres nous le présentent en saint Paul, qui, avant tout, a été agité par diverses tempêtes dans les Églises d’Asie, Antioche, la Pisidie, l’Iconium, la Lystres, la Galatie, Éphèse et bien d’autres endroits. (2 Cor. 1 : 8 ). De plus, en Macédoine, à Philippes, à Thessalonique, à Corinthe, à Bérée, à Rome, et jusqu’à la mort, la persécution l’a sans cesse accompagné.
[Les Martyrs après le temps des apôtres ]. Si nous descendons plus loin jusqu’à la conférence de ceux qui sont venus après les apôtres, les histoires ecclésiastiques (dont nous présentons un résumé concernant les persécutions contre les chrétiens dans le premier livre de ces collections) nous montrent un traitement et des procédures similaires, qui dureront aussi longtemps qu’il y aura une Église dans le monde. Il ne reste plus qu’à regarder cette nuée épaisse de martyrs qui nous entoure, pour connaître ceux qui ont parcouru ce chemin et rendu le passage facile. L’ancienne Église avait l’habitude de commémorer souvent la mort de ceux qui avaient si constamment exposé leur vie pour la vérité de l’Évangile ; [Sainte commémoration de ceux-ci.] et selon que le Seigneur faisait cet honneur à une Église, d’en tirer quelqu’un pour s’en servir de témoin , elle était soigneuse de coucher par écrit son emprisonnement, ses combats, ses dernières paroles , sa confiance , et en gardait les registres comme des Trésors bien précieux.
[Cette commémoration a été convertie en idolâtrie sous la Papauté]. Certains jours, le peuple se trouvait sur le lieu du martyre, et là, solennellement, toutes ces choses étaient lues pour magnifier Dieu de la grâce qu’il avait donnée à son serviteur de mourir si vaillamment, et pour exhorter tout le groupe à faire de même lorsqu’ils étaient appelés à la même bataille, et par la lecture de l’histoire et par le regard du lieu encore tout sanglant. Depuis lors, cette sainte coutume (comme toutes les autres bonnes choses) s’est transformée en une idolâtrie misérable dans la papauté. Ce qu’on a retenu des martyrs, ce n’est pas pour qu’on apprenne au peuple, par son exemple, à tenir ferme dans la profession de l’Évangile et dans l’adoration d’un seul vrai Dieu, mais plutôt que, saisis et captivés par une admiration folle et perverse de leur sainteté, ils les regardaient comme des dieux et leur rendaient hommage. Ils ont fait des trésors, non pas de la confession de leur foi, ni de leurs vaines paroles, mais de vieux drapeaux, ou de quelques os de chevaux ou d’ânes, qui sont faits pour être baisés par les aveugles comme leurs reliques. Si, par hasard, il y a eu des Ecritures concernant les martyrs, elles ont été ou falsifiées ou entièrement fabriquées par une bande de moines ou de prêtres, pour servir leurs impostures et leurs séductions.
[Du droit d'usage de l'histoire des Martyrs]. Or maintenant que Dieu avec sa doctrine a fait revenir ce siècle heureux et riche de tant de personnages vertueux, qui ont arrosé de leur sang tant de pays et contrées , il faut aussi ramener les actes et les faits des Martyrs à leur droit d'usage. Ne faisons pas ce tort à Dieu , quand nous verrons la sainteté, la force et la persévérance en ceux-ci, d’en faire honneur à la créature qui l’a reçu du Créateur. Ayons en admiration leurs victoires, mais magnifions celui qui a vaincu et surmonté en eux, et cherchons la force de laquelle ils ont puisé toutes ces grâces. Ne nous amusons point à faire allusion à leurs cendres, ou à leurs ossements, car ce sont des choses mortes; mais voyons les vivants dans leurs réponses, leurs lettres et leurs disputes , et dans les mémoires de leur confiance, afin d’en être édifiés comme il appartient.
[La faute commise en cela]. Le problème réside en ceci : bien qu’il y ait eu suffisamment de matériel pour engager l’esprit de ceux qui ont la grâce de rapporter ce qui s’est passé dans l’Église au cours des dernières années ou des derniers siècles, il semble que cela n’ait rien contribué à la gloire du Seigneur, ni à l’affermissement de ses fidèles. comme remède à leurs faiblesses. C’est pourquoi la mémoire de tant de précieux morts, qui devaient servir de guides et d’exemples de sa vertu et de son admirable puissance, a été presque enterrée. Les profanes ont été si diligents de mettre par écrit leurs faits et gestes, n’ayant en cela d'autre but que de perpétuer leur mémoire , sans regarder à la gloire et à l'honneur du Dieu vivant ; et les Chrétiens seront nonchalant, ou plutôt ingrats, quand Dieu leur mettra la plume dans la main pour rédiger par écrit ses œuvres admirables, lesquelles il manifeste par les Témoins de sa cause, afin que sa gloire reluise partout, et que tous les fidèles aient d’autant plus ample matière de mettre toute leur assurance et confiance en sa vertu, sa bonté et sa miséricorde !
[Le remède que Dieu y a appliqué]. Il n’y a guère de nation ou de pays, pas même parmi les Turcs et autres peuples barbares, où Dieu n’ait suscité des martyrs pour témoigner de sa vérité dans toutes les régions, à tel point qu’il est difficile de trouver un siècle depuis l’Église primitive où Dieu n’ait fait briller plus excellemment sa grande puissance dans la faiblesse des hommes. de telle sorte que les ennemis jurés de la vérité sont contraints d'avoir la bouche fermée, restant étonnés de toutes les merveilles de Dieu. Ils sont au bout du rouleau, et Satan, dont l’esprit les chasse furieusement, a tellement étendu ses filets que s’il voulait faire pire à l’avenir que ce qu’il a fait, ce ne serait rien de nouveau. Après tant de cruautés (j’omets celle de couper la langue des pauvres martyrs), pourrait-il encore en inventer et en forger d’autres plus subtiles que celles qu’il a conçues, d’abord en brûlant leurs épreuves, puis en en arrivant au point de les faire assassiner et massacrer sans l’ombre d’un procès ? De sorte que, d’un côté, la cause des innocents serait éteinte et supprimée dès qu’elle serait connue, et de l’autre, les cruautés barbares des oppresseurs ne seraient pas connues.
[les efforts de Satan au contraire]. De plus, Satan n’a-t-il pas aussi endormi l’esprit des hommes, et pendant longtemps réduit au silence les yeux des hommes, au point de faire des hérétiques ceux qui parlent en vérité, aussi bien que ceux qui la falsifient par des doctrines pernicieuses ? Et c’est pour rendre cette vérité de plus en plus odieuse, que les Anabaptistes, les Libertins, les Épicuriens, les Athées, les Sérvetistes, les moqueurs et les méprisants de toute religion, sans choix ni jugement, enveloppés dans le même rouleau de condamnation.
On se persuade qu'ils sont délaissés de Dieu, quand on les voit abandonnés à la cruauté et au massacre de leurs ennemis. Ce sont les conclusions que nous avons ci-dessus déclaré avoir été faites contre Jésus-Christ, mêmes quand il pendait en la croix , et de ses plus excellents serviteurs, quand ils étaient en leurs dures afflictions.
[Malgré ce que Dieu a fait]. Mais il faut considérer que ce n’est pas une chose nouvelle, que ceux qui sont les plus favorisés par le Seigneur, en témoignage de l’amour qu’il leur porte, passent par le chemin par lequel il a fait passer son propre Fils et tous ses apôtres ; et que c’est à cette condition qu’il voulait soumettre son Église. Voyez aussi l’assistance qu’il leur donne au milieu des tourments les plus horribles, pour convertir d’une manière admirable la rigueur qu’on leur a infligée au milieu des guerres civiles, en contentement et en consolation. Bref, ce n’est pas un petit honneur qui leur est fait quand Dieu les emploie ainsi armés en toute confiance, pour soutenir sa cause sainte et juste, afin que l’incrédulité et la contradiction des grands de ce monde soient convaincues par la persévérance de la sienne. Or, toute cette histoire nous montrera qu’aussitôt qu’il a plu au Seigneur de renouveler la prédication de sa sainte vérité, le monde s’est mutiné contre elle, à tel point qu’il est nécessaire d’attacher aux lettres patentes de sa bienveillance envers ceux qui composent son Église, les seigneurs féodaux ordinaires, et, comme les Pères l’ont fait dans le passé, de confirmer cette bienveillance par la constance de ses fidèles témoins, afin qu’elle soit reconnue par tous, non comme nouvelle ou déguisée, mais dans sa force et sa vigueur anciennes ; ayant, comme par le passé à Jérusalem, en Asie, en Grèce, et sur toute la terre, même en ce siècle, la croix et toutes sortes de reproches, pour être reconnus comme une vérité ancienne, et même éternelle.
[Et il vengea sévèrement la mort de ses serviteurs]. S’il est nécessaire d’ajouter à cela le témoignage de la colère de Dieu pour la vengeance de leur mort, il y en a tant aujourd’hui que même les plus aveugles peuvent s’en apercevoir. Car les malheurs et les calamités par lesquels maintenant non pas une seule personne, mais des royaumes et des pays entiers sont détruits et défaits, se produisent fortuitement, comme le pensent les méprisants de Dieu ?
[Ceux qui ne sont pas la cause des calamités du monde; C'est aux persécuteurs qu'il faut l'attribuer]. Et où trouverons-nous l’histoire qui nous parle de guerres plus longues et plus amères, de changements plus étranges, de plaies et de famines plus meurtrières que celles qui ont eu lieu et se produisent encore partout, depuis que cette doctrine sainte et vivifiante a été persécutée en la personne de ceux qui se trouvent dans ces recueils, et de leur espèce ? Nos ennemis nous en accusent, disant que nous en sommes la cause ; car il est nécessaire que le Père du mensonge emploie aussi contre nous les mêmes calomnies dont il a accusé ceux dont nous avons été jusqu’alors le patron et l’exemple, comme il l’a fait contre l’ancienne Église. S’ils doivent l’accorder, c’est pour comprendre que, se tournant vers le service de Dieu, ils prennent la corruption de celle-ci comme la cause et la matière de son indignation. De mettre cette corruption du côté de ceux qui suivent l’Évangile, on ne saurait si on ne veut dire que la parole de Dieu enseigne un service corrompu. La corruption donc se trouvera plutôt là où les ordonnances de cette sainte parole sont falsifiées, et autres établies à la volonté des hommes. En quoi les plus obstinés sont contraints non seulement de reconnaitre plusieurs abus, mais aussi qu’il y a besoin de reformation. En la Loi , la source des calamités sur les pays et sur les Royaumes est au long déduite, et les Prophètes spécifient assez de fois les causes de la ruine de Jérusalem, et de la captivité du peuple. On trouvera toutes ces causes, et encore de plus grandes en la Papauté, outre l'obstination désespérée par laquelle la vérité y est combattue.
Le 1er article des malédictions écrites au Deutéronome, pourrait pour exemple montrer de quel côté les vengeances doivent être rapportées. (exemple : Deut. 27. 15). Maudit soit l'homme , dit la Loi, qui fera image de taille ou de fonte, qui est en abomination au Seigneur, l’œuvre des mains d’un ouvrier , et le mettra en lieu secret, etc. Qu’on examine des deux parties laquelle est coupable de cela, ou les persécutés qui meurent pour maintenir qu’en avoir entre les Chrétiens pour religion, est abomination et idolâtrie. Si d’avantage on veut examiner les procédures déduites en ces Recueils , on connaitra que la condamnation contre les fidèles ne vient d’ailleurs, sinon qu’ils n’ont voulu approuver beaucoup de façons de faire superstitieuses et idolâtres , ni consentir qu’il y eût autre chef de l’Église que Christ, ni souffrir qu’on cherche le salut en un autre qu’en lui.
[le sommaire de tout ce que les Martyrs ont maintenu]. Bref, ils ont abhorré et détesté tout ce qui lutte contre la vérité des Saintes Écritures. Si l’on répond (comme on le fait habituellement) qu’ils perturbent la paix commune et enfreignent l’unité de l’Église, par une doctrine contraire à celle qui est habituelle ; nuit-il à la paix publique qui signale les défauts de cette paix, pour s’assurer qu’elle n’est pas une conspiration commune contre la majesté de Dieu ? Et quelle unité avons-nous rencontrée ces derniers temps parmi ceux qui s’appellent eux-mêmes l’Église, si ce n’est une ignorance commune, un consentement des aveugles à s’écarter du droit chemin, une ligue de toute trahison sous la direction de l’Antéchrist, dépouillant Dieu du culte qui lui est dû, dépouillant Jésus-Christ de tous ses offices, fouler aux pieds sa parole, la remplacer par des fantasmes ? D’ailleurs, les martyrs n’ont-ils pas toujours déclaré qu’ils souhaitaient être enseignés, demandant que la Bible soit produite pour juger de leur cause ? Mais quand ils leur demandèrent s’ils croyaient au purgatoire, ou à la messe, ou à quelque chose de semblable, et qu’ils répondirent que non : ils avaient la bouche fermée ; Ils ont crié au feu. S’ils faisaient des remontrances que c’était une chose qui était accordée même aux voleurs ou aux meurtriers pour être entendus dans leurs justifications, et qu’il ne fallait pas les tenir pour plus rigoureux, ils n’avaient pas d’autre réponse que d’être amenés à argumenter contre. C’est là l’astuce de Satan, d’amener ses partisans à une telle brutalité qu’ils les dépouillent de toute affection pour entendre la cause des fidèles, même si la parole de vérité est si claire et d’une telle majesté qu’elle oblige même les plus insensés à donner leur consentement ; et au contraire, ses fausses doctrines, lorsqu’on les compare à cette lumière, se trouvent si viles qu’on en est immédiatement dégoûté. Or comme ceux ci n’ont maintenu d'autre doctrine que celle des Prophètes et des Apôtres, ayant puisé de là leurs saintes Confessions et leurs écrits, aussi Dieu leur a fait l’assistance qu’il a jadis donnée à tous les autres qui ont souffert pour son nom. Et je désire que cela soit diligemment considéré, afin qu’on ne leur refuse point le nom de Martyr ou de Témoin, lequel Dieu leur a voulu imprimer de toutes les manières. La longueur et les tourments ordinaires des prisons n’ont point brisé leur patience, les géhennes, les baillons, la mort si sinistre ne les a pas empêchés de louer Dieu avec joie.
S’ils sont venus devant les Juges, ils n’ont pas été effrayés de leur présence, mais les Juges par leur constance et leur vertu ; et le plus souvent ceux qui ont donné la sentence ont eu les larmes aux yeux plutôt que ceux qui l’ont reçu. Si d’un côté la fournaise ardente et les menaces se présentaient au cas qu’ils ne rendraient pas hommage à l’idole, de l’autre, les promesses de délivrance , d'ouverture de prison , de restitution de biens, pour les faire consentir à leurs ennemis ; la fournaise leur était plus agréable, et ont résonné les louanges de Dieu au milieu des flammes.
Et où rapportons-nous (comme nous protestons par tout) toutes ces merveilles, sinon à la bonté infinie de Dieu, qui les a favorisés comme ses chers enfants.
[la mort des Martyrs vengée de tout temps]. S’il s’agit, en outre, de montrer et de déclarer que leur mort n’est pas restée impunie sans témoignages clairs de la colère et de la fureur de Dieu contre ceux qui les ont condamnés, on trouvera d’étranges fléaux qui se sont produits de notre temps (comme en témoigne cette histoire présente) à la connaissance du monde entier ; Je ne parle pas seulement des cardinaux, des archevêques, des évêques, des docteurs, des inquisiteurs, des moines, des prêtres et d’autres ennemis jurés de l’Évangile, mais aussi des rois et des reines, des ducs et des lords, des chanceliers et des présidents, des conseillers, des lieutenants, des commissaires et des gouverneurs de villes et de provinces ; Les jugements terribles qui sont tombés sur leurs personnes ou sur leurs familles, les cris et les regrets qu’ils ont exprimés sont terrifiants dans leur mort. Si les païens, qui sont complètement ignorants, n’ont pas été épargnés, au point que les plaies de la vengeance de Dieu s’attardent encore sur eux pour avoir fait du tort à ses serviteurs, qu’arrivera-t-il à ceux qui portent le titre de chrétiens et reconnaissent les saintes Écritures par leur nom ? Si nous regardons l’histoire, nous trouverons la dévastation des grandes maisons, la subversion des villes, la perte des royaumes et la chute des monarchies qui se sont produites pour avoir persécuté l’Église du Dieu vivant. Nous verrons aussi, notamment pour la même raison, le sort misérable des grands de ce monde. Pharaon, après plusieurs plaies, fut submergé (1) dans la mer avec tout son peuple ; Achab, sa maison et sa femme complètement ruinées (2) ; Antiochus le Noble frappé (3) d’une infection incurable ; Hérode le Grand pourrissant (4) vivant ; Hérode Antipas misérablement enfermé ; Hérode Agrippa (5) mangé par la vermine ; Caligula horriblement mis à mort (6); Néron abandonna à peine dans une douleur extrême ; Domitien affligé de plaies mortelles ; Trajan estropié et hébété ; Hadrien brisé et comme terrassé par les tourments ; Marc-Antoine pris d’une apoplexie soudaine. Commode étranglé par celui contre qui il luttait ; Dioclétien dévorait membre après membre ; Maximin, son compagnon dans l’Empire, brûle aux intestins ; Théotècne et d’autres exécuteurs exécutés de leurs ordres exécutèrent d’horribles tortures ; Maxence se noya dans le Tibre ; les deux Julian, oncle et neveu apostats, frappèrent affreusement ; l’empereur Anastase, emporté du ciel par la foudre ; et tant d’autres qui ont achevé de peindre le siège romain, tués par leurs propres gardes, parmi lesquels Phocas, coupé en bras et en jambes et parties honteuses, a donné un spectacle perpétuel de l’horrible jugement de Dieu. Et quel besoin y a-t-il d’apporter plus d’exemples, ou de faire venir les rois des peuples et des nations barbares, les Goths, les Huns, les Vandales, les Alains, les Wisigoths, les Lombards, qui ont suivi la même voie et ont obtenu un résultat semblable ? Le Seigneur a fait cela à travers tous les temps, et a puni, comme le dit le Prophète, les rois pour le bien des siens, même s'ils étaient peu nombreux, et comme rien, et étrangers sur la terre, et ont erré d'un pays à l'autre, et d'un royaume à un autre peuple, etc. ( Ps. 105 . 12, 13 , 14). Mais serait-il possible que tant d’exemples ouvrent quelquefois les yeux de ceux de ce temps, qui s’aveuglent si ouvertement contre la doctrine de Jésus-Christ, et qui, en faisant mourir ses fidèles par de si cruels tourments, éteignent sa vérité et anéantissent l’exécution de ses jugements horribles et terribles ? Heureux celui qui devient sage à travers les périls des autres, disait un poète ancien , Pourtant, ô peuples et nations, qui avez vu les choses contenues dans ces recueils, et plus que ce qu’il est possible d’exprimer, en revenant à vous-mêmes, considérez à qui vous vous êtes engagés, en haïssant ou en mettant à mort ceux dont vous voyez ici les témoignages d’avoir été innocents, souffrant pour la vérité de l’Évangile. Et vous, les juges, qui les avez condamnés, comme une forme de recueillement, souvenez-vous de la lecture de leurs confessions ; rappelez-vous les prières qu’ils ont faites à Dieu en votre présence, et pensez à la façon dont ils ont reçu votre condamnation. Vos familles et vos auditoires témoignent encore du zèle qu’ils avaient pour l’honneur et la gloire de Dieu, et vos prisons résonnent encore des sons de leurs psaumes et de leurs chants. Venez à un meilleur examen de toutes ces choses, comme la raison l’exige, en vous dépouillant de toutes les affections qui vous ont transporté, soit par ignorance, soit par erreur commune, soit par la maîtrise des Placards et des ordonnances. Ils n’ont pas d’hommes mortels comme procureurs qui vous traînent devant d’autres juges pour proposer l’erreur et la révision des procédures ; les défenses humaines leur font défaut ; mais ils ont Dieu pour protecteur dans l’autorité souveraine, qui exige le sang, s’en souvient et n’oublie pas le cri des affligés (Ps 9. 13 ); et qui procède manifestement aux dernières exécutions, comme Juge et partie suprême.
(1) Exode 14. 2
(2) 1. Rois 22. 3
(3) 2. Mach. 9. 4; Joseph liv. 7 et 19 des Antiquités
(5) Actes 12. 23
(6) Suet. Dion et autres Historiens
[quels miracles doit-on requérir du sang de ces Martyrs]. Qu’il ne s’agisse pas d’autres prodiges ou miracles (comme les moines et les prêtres en ont forgé d’autres à partir de leurs idoles), car ce que nous voyons aujourd’hui sortir de la poussière universellement dispersée de ces martyrs confirme clairement et suffisamment la miséricorde de Dieu, et s’aligne entièrement sur ce qui a toujours été habituel pour la justification des serviteurs de Jésus-Christ. S’il a accompli des miracles particuliers à la mort des premiers martyrs de son Église, le temps l’a exigé pour la confirmation de l’Évangile ; mais ce que nous avons dit plus haut, concernant les effets semblables de la mort de ceux de notre époque, par rapport à ceux qui les ont précédés, ce sont les signes habituels que Dieu a donnés aux témoins qu’il veut choisir et présenter dans sa cause. Et il n’a pas voulu en faire d’extraordinaires, afin qu’ils n’entravent pas l’examen des questions principales, dans lesquelles la puissance est plus rayonnante.
[Miracles considérables]. Mais quel plus grand miracle pourrions-nous demander que de voir à cette heure des hommes, des femmes et des filles de tous âges et de toutes qualités, aimant la préservation de leurs vies, de leurs biens et de leur confort, craignant la mort, ayant atteint un courage si exempt de peur qu’ils marchent joyeusement vers les tortures les plus extrêmes, que les bâillons, les coupures de langue, les épées, les flammes, les chaudrons bouillants, les gibets, les cachots d’eau, et les inventions les plus horribles employées dans ces derniers temps ne les ont pas empêchés de glorifier Dieu ? Qu’ils semblent vaincre tous les ennemis, leur laissant des regrets qui troublent constamment leur conscience ? Qu’ayant éteint leur doctrine, elle revient encore pour conquérir le cœur des plus endurcis et renverser toutes les opinions contraires ?
J’espère donc que cette histoire servira non seulement aux fidèles de l’Église, pour leur présenter les œuvres que Dieu fait si admirablement, mais aussi aux pauvres ignorants, pour leur rappeler le mérite de la cause des condamnés et des tués pour la vérité de l’Évangile, afin qu’ils puissent juger tranquillement et sans hâte s’il y avait lieu d’exécuter tant de cruautés.
[La fidélité des Recueils]. Et pour que personne ne puisse douter de la fidélité maintenue dans ces Recueils, Dieu m’ayant accordé la grâce d’avoir chassé les premiers commencements, j’ai professé et protesté que je me suis efforcé d’écrire ce qui concerne particulièrement l’état des Églises, et les fautes qu’elles ont endurées, de la manière la plus succincte et la plus simple possible. sachant que la vérité n’a besoin d’aucun ornement ou parure en dehors d’elle-même. Et en ce qui concerne les écrits et les confessions, je n’ai rien inclus sans avoir eu ou l’écriture même de ceux qui sont morts, ni appris de la bouche de ceux qui les ont sollicités, soit extrait des archives des archives, soit reçu de témoins fidèles, et d’écrits si authentiques et si certains qu’ils ne peuvent être contredits et réfutés que par ceux qui n’aiment que le mensonge, et ne peut pas porter de loin ou de près la splendeur de la vérité. Et pour que personne ne puisse douter de la fidélité maintenue dans ces Recueils, Dieu m’ayant accordé la grâce d’avoir chassé les premiers commencements, j’ai professé et protesté que je me suis efforcé d’écrire ce qui concerne particulièrement l’état des Églises, et les fautes qu’elles ont endurées, de la manière la plus succincte et la plus simple possible. sachant que la vérité n’a besoin d’aucun ornement ou parure en dehors d’elle-même. Et en ce qui concerne les écrits et les confessions, je n’ai rien inclus sans avoir eu ou l’écriture même de ceux qui sont morts, ni appris de la bouche de ceux qui les ont sollicités, soit extrait des archives des archives, soit reçu de témoins fidèles, et d’écrits si authentiques et si certains qu’ils ne peuvent être contredits et réfutés que par ceux qui n’aiment que le mensonge, et ne peut pas porter de loin ou de près la splendeur de la vérité.
[Le but de ces livres]. Bref, sur ce dernier point, tout mon but a été d’écrire sur la vie, la doctrine et la fin heureuse de ceux qui ont suffisamment de témoignages d’avoir scellé la vérité de l’Évangile par leur mort. En résumé, celui qui veut contempler la condition et l’état des fidèles de l’Église chrétienne en ces derniers temps verrait, comme dans des peintures naïves, comment ces Livres nous la représentent avec des couleurs vives, et en particulier représentent à chacun comme des miroirs brillants comment on doit se conduire dans les temps de prospérité et d’adversité. Et pour nous rapprocher de leur disposition et les présenter sous nos yeux (bien que l’examen en détail du bénéfice qui peut en être retiré soit une question de déduction plus longue), j’aborderai brièvement ce qui suffira à montrer l’instruction et la consolation qui viendront de leur pleine observance et lecture.
DISPOSITION ET ARGUMENTS DES DOUZE LIVRES DE CETTE HISTOIRE.
LIVRE PREMIER
Le premier livre représente les persécutions de l’Église chrétienne primitive, après la mort de Jésus-Christ et de la plupart des apôtres : d’abord sous Néron, le sixième empereur romain ; puis sous ses successeurs : Domitien, Trajan et d’autres, énumérés dans l’ordre, qui ont versé une quantité infinie de sang des fidèles martyrs de Jésus-Christ. Il parle aussi, incidemment, des ravages faits par les Vandales, les Sarrasins, les Turcs et d’autres ennemis semblables. Enfin, en regardant plus loin en arrière, il montre comment les évêques de Rome, dégénérant peu à peu de la doctrine pure, de la piété et de la sainteté des pasteurs fidèles qui avaient gouverné l’Église réunie dans cette ville pendant plusieurs années, se sont assis dans le temple de Dieu, pour commander férocement, et pour persécuter Jésus-Christ dans ses membres, jusqu’à l’époque de Wycliffe. de la manière qui est brièvement énoncée. En ce qui concerne les détails de ce premier livre, comme ils seraient trop longs à développer, nous ne les aborderons pas ici, de peur d’ennuyer le lecteur. Un tel discours mérite son histoire complète ; cependant, en attendant que l’Église de Dieu participe à un tel bien, nous présentons ici l’abrégé de ses anciennes persécutions, à la suite de ce qu’Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, et plusieurs autres après lui, nous ont laissé par écrit. Quant à la foi des martyrs exécutés à cette époque, et de ceux qui se sont opposés de diverses manières à la tyrannie du Pape, avant l’époque de Wycliffe, elle s’aligne dans ses fondements et ses parties principales sur la doctrine défendue par les martyrs de notre temps : C’est que ceux et les autres qui cherchent le salut éternel dans la miséricorde gratuite du Père céleste, réconciliés avec eux par un seul Jésus-Christ, ont ainsi combattu et renversé les idolâtries des païens et les superstitions de ceux qui, se glorifiant sous le nom de chrétiens, ont anéanti la nature du vrai Dieu, qui n’est ni parfaitement juste, ni parfaitement miséricordieux, si l’on veut accepter leurs traditions comme vraies. Mais notre intention n’est pas de discuter, suffisamment et plus que résolu dans ces douze livres, nous examinerons les résumés des autres disciples.
LIVRE SECOND
Tandis que le monde dormait dans les ténèbres de la superstition et de l’idolâtrie, plein de sophismes et de fausses doctrines, Dieu a tiré la lumière de sa vérité d’une nuit profonde, étendant ses rayons par endroits, malgré Satan et tous ses suppôts, opposant à cette lumière les puissances de ce monde. L’année 1372.
John Wycliffe a été suscité par Dieu en Angleterre, puis il a donné la lampe aux Bohémiens, à Jean Hus, à Jérôme de Prague et à d’autres, qui sont venus comme au lever du jour, dont l’exemple donne cet avertissement : que, en vertu de la doctrine de Dieu, un ou deux ont résisté au monde entier, et que dans sa condamnation, tout le concile de Constance, où se trouvaient les plus grands et les plus savants de la terre, a été convaincu d’un aveuglement horrible, et même forcé de témoigner de sa grande intégrité. Catherine Saube de Lorraine, brûlée à Montpellier, montre que Dieu utilise aussi le témoignage des femmes pauvres pour l’édification de son Église. Il y a en outre une occasion particulière pour toutes sortes de personnes d’être instruites.
Les premiers exemples s’adressent à ceux qui ont été infectés par le sacerdoce papal. Parmi eux, Guillaume Sautree et Guillaume Thorp ont non seulement renoncé devant leur archevêque à la marque maudite, mais ils ont aussi fermement maintenu la connaissance du salut que Dieu leur avait donnée. Les gentilshommes qui revendiquent un véritable titre de noblesse sont aussi appelés d’abord au service de la maison du Seigneur, pour employer à la fois le corps et les biens, à l’exemple de Roger Adon, chevalier de l’ordre d’Angleterre, de Jean Broun, gentilhomme, de Jean Beuerlau, et d’autres qui ont enduré la mort dans ces renouvellements de la doctrine chrétienne ; aussi de John Oldcastle, seigneur de Cobham, qui ne craignait pas les tourments les plus graves qui pouvaient lui être infligés, pour soutenir la gloire de Dieu.
Du bourbier monastique, combien le Seigneur a-t-il puisé dans ces commencements, faisant preuve d’une miséricorde sans pareille, daignant faire des hérauts de ceux qui font ouvertement la guerre à la vérité de sa sainte parole, même à une époque où tout était des plus dépravés et corrompus par le siège romain, comme le déclare Nicolas Clémangis, archidiacre de Bayeux. C’est aussi ce que fait un certain Thomas Rhedon de Bretagne avec la saleté des carmélites, qui montre non seulement le chemin aux moines de sa nation mais aussi à tout l’infâme clergé romain, scellant constamment la vérité de Dieu avec le sang de son corps devant tous. Pendant longtemps, Hiérome Savonarole, capucin, a continué le témoignage de l’Évangile en Italie, pour lequel il a été brûlé à Florence à la demande du Pape, environ 63 ans après Rhédon. Ainsi, ce discours de ces martyrs montre que le Seigneur, venu mettre le feu au monde, l’a d’abord allumé en Angleterre, puis a répandu des étincelles ici et là pour réchauffer et éclairer les fidèles. À mesure que cet incendie grandissait en Angleterre, le nombre des fidèles augmentait, parmi lesquels six furent exécutés, avec M. John Wessel comme rival en Allemagne. Mais dix-huit ans après la mort de Savonarole, ce lever de lumière éclaira plusieurs points de la doctrine chrétienne, nécessaire à l’Église, en l’an 1517. Lorsque M. Luther commença, par des articles et des écrits publics, à soutenir la vérité de l’Évangile, cent deux ans après la mort de Jan Hus, qui aurait prédit aux évêques de Constance en l’an 1415, lorsqu’il fut conduit à la mort : après cent ans, vous rendrez compte à Dieu et à moi. D’Allemagne, la lumière brille aux Pays-Bas : notamment dans le Brabant par Henri Voez et Jean Esch, moines augustins d’Anvers, brûlés à Bruxelles ; en Hollande par Jean Piflorius, et à Anvers par M. Nicolas, qui s’y est noyé. Alors ils se mirent à crier en certains endroits de ces pays : « Que les prêtres dans leurs messes étaient pires que les hidas, qui, ayant vendu Jésus-Christ, l’avaient trahi ; mais ce n’est pas eux qui le vendent, qui le délivrent. A cette époque, l’Allemagne était inondée en divers endroits du sang des Martyrs : Henri Zutphen, et M. George, ministre de Hall, Gafpar Tamber, Matthias Veibel, Jean Heuglin, Léonard Keifer, George Carpentier, et d’autres, dont la mémoire a été conservée. La ville de Cologne avait Pierre Flistede et Adolphe Clareboch, accompagnés de Wendelmut, une Hollandaise, et de M. Henri le Flamen ; et malgré la rébellion des paysans, l’Évangile a avancé, surmontant tous les obstacles.
LORRAINE. La Lorraine ne tarda pas à obtenir sa part, d’abord par l’intermédiaire de Jean le Clerc de Meaux en Brie ; par M. Jean Caftelain, natif de Tournay, que Dieu envoya à ceux de Metz, de Bar-le-Duc et d’autres lieux ; puis ensuite par Wolfgang Schuc Alleman, pasteur envoyé à ceux de Saint-Hippolyte sur les frontières de la Lorraine.
FRANCE. Parmi les premiers hommes de lettres de l’école de Meaux, qui illuminèrent la France, Jacques Pavanes de Boulenois est nommé ; puis Louis du Berquin parmi les gentilshommes ; et Denis de Rieux parmi les artisans. Leurs cendres ont servi de ciment pour les fondations de la France, tout comme celles de Guillaume de Schuvollc construisent les églises du Brabant.
ÉCOSSE, ANGLETERRE. Cependant, les deux cardinaux, afin de toujours conserver la couleur de leurs chapeaux et de leurs robes, intensifient simultanément les persécutions : David Betoun, cardinal de Saint-André en Écosse, fait brûler Patrick, de l’illustre maison des Hamilton. Et en Angleterre, Thomas Wolsey, cardinal d’York, aidé de More et de l’évêque de Ross, s’en prend à la noblesse et aux hommes de lettres soupçonnés d’être luthériens. Les régions de France furent aussi visitées : témoin Jean de Caturce, professeur de droit, brûlé à Toulouse ; à Paris, M. Alexandre Canus et Jean Pointet de Savoie.
LIVRE TROISIÈME
PARIS. Le contenu du second livre étant connu, on comprendra que dans les suivants, à mesure que la lumière montait par degrés, les croyants se multipliaient en groupes en divers endroits. Des placards apposés dans la ville de Paris en 1534 ont causé une grande persécution. La dispersion de la petite Église qui commençait à s’y rassembler profita non seulement aux autres villes de France, mais aussi aux pays étrangers.
ARRAS. La ville d’Arras eut un Nicolas l’Écrivain, qui porta de grands fruits avec ses autres compagnons exécutés à mort.
GENÈVE. Genève a reçu quelques progrès de la part d’excellentes personnes que Dieu a retirées, pour ouvrir plus tard la grande école qui est la sienne. Elle endura de grandes afflictions, et en l’an 1535, Pierre Caudet fut martyrisé par les Peneisan, ce qui aurait été fait au reste de la ville si les adhérents de l’évêque de Genève avaient été au-dessus de leurs efforts.
L’ivraie des anabaptistes, cependant, a surgi en plusieurs endroits où l’on a semé le bon grain. Ceux aussi de la vallée d’Engrongne, qui depuis longtemps, et comme de père en fils, avaient suivi une certaine pureté de doctrine, sentirent cette dispersion. Les habitants de Mâcon ont ressenti, dans la confiance de Jean Cornon, le fruit de l’Évangile. Henri VIII, roi d’Angleterre, rejetant la primauté du pape à l’occasion d’Anne Boleyn, sa femme, l’Écosse voisine le ressentit, et le feu couvert des cendres de Patrick Hamilton, et des Anglais précédemment décrits, se réveilla. Douay et la région du Brabant ont des hérauts.
La France et l’Angleterre en ont de la même manière en divers endroits. La loi des six articles, que Henri VIII avait publiée dans son royaume, offre l’occasion aux sorbonistes de la forger pour la France, et aux lovanistes pour les Pays-Bas, d’allumer le feu des persécutions. Tous les gens qu’on appelle les Vaudois, de Provence, endurent des maux infinis plutôt que de renoncer à la vérité connue. Le zèle de Guillaume Huffon mérite d’être salué. La conversion notable d’un Espagnol et sa mort confiante édifièrent beaucoup de gens dans la nation, ce qui révèle l’iniquité détestable de ses Inquisiteurs à la mort de Roch de Brabant. Pierre Brully, tiré du ministère de l’Église française de Strasbourg, vient réveiller ceux des Pays-Bas, et le fruit de sa visite se manifeste dans la mort de plusieurs brûlés à Tournai.
Ceux de Metz reçoivent de Farel l’instruction et la consolation, dans la persécution et le pillage qu’ils subissent de la part des ennemis de l’Évangile. La Flandre et le Hainaut, à la fin de ce troisième livre, sont frappés par l’affliction dans la mort de beaucoup. La chambre du pape n’aurait pas été assez abondante et fertile en tous les maux, si elle n’avait pas produit un nouveau Caïn en la personne d’Alphonse Diaze, le meurtrier de son frère innocent Jean Diaze.
LIVRE QUATRIÈME
Ceux de Meaux montrent dans leurs quatorze martyrs le fruit de la semence proposée ci-dessus ; et non seulement chez ceux-ci, mais aussi chez beaucoup d’autres, qui, chassés dans la fureur de cette persécution, ont porté du fruit en divers lieux.
À la fin du règne d’Henri VIII, la persécution atteignit même les plus nobles, parmi lesquels la mort d’Anne Askew sert de miroir d’une excellente constance pour toutes les dames.
Les Dauphinois, les Normands et les Bourguignons (en particulier ceux de Langres) ont eu plusieurs vaillants champions de leurs régions : L'Auvergne, Limoges, Touraine et les Pays-Bas également. Henri II, roi de France, au début de son règne, ordonna que des procès soient tenus pour ceux qui avaient si mal traité les habitants de Méridol et de Cabrière. Et ce roi, en entrant à Paris, voulait entendre un couturier emprisonné pour l’Évangile ; Et étonné de la splendeur de Sa Majesté Royale, ce pauvre tailleur l’effraya, et sa confiance en ce roi fut incroyable jusqu’à ce qu’il le vit lui-même mourir dans une telle vertu.
C’est en vain que les parlements de Dijon en Bourgogne et de Chambéry en Savoie s’efforcent d’étouffer la doctrine de l’Évangile, comme le font les Italiens qui mettent à mort Fanino et Dominique de Casanove ; les Français à travers diverses persécutions, et ceux des Pays-Bas ; tandis que Charles V et Henri se battent l’un contre l’autre.
Les Anglais ont aussi peu de raisons de maltraiter l’Église pendant la jeunesse d’Édouard VI que les Écossais en ont pour Adam de Wallace, et les Portugais contre G. Gardiner. Des cinq étudiants qui ont quitté Lausanne, brûlés à Lyon, je peux dire à juste titre qu’ils m’ont donné par leurs écrits la première occasion de me consacrer à ces Recueils. Plusieurs autres furent exécutés dans la même ville, à Villefranche, à Mâcon, à Saumur et ailleurs, à qui Dieu accorda la même grâce.
LIVRE CINQUIÈME
La mort d’Édouard VI, qui s’éteignit au grand hommage des fidèles d’Angleterre, marque l’entrée dans l’histoire des horribles persécutions sous la reine Marie, qui n’épargna ni sa propre cousine, la princesse Jane Grey.
Et bien que dans presque toutes les parties de la France les feux restent allumés : dans le Maine, en Normandie, en Soissons, en Beauce, et jusqu’au Languedoc, et que l’Italie et les Pays-Bas soient également touchés, cependant l’Angleterre emporte le plus grand nombre de persécutés et de martyrs, tandis que Marie rétablit dans tout son royaume le service des idoles, dans une succession triste et lamentable pour tous les vrais chrétiens. qui avait été mieux instruit sous la perle des rois, Edouard VI. Ils sont si constants et vertueux que les fruits sont parvenus jusqu’aux pays voisins.
Les Flamands avaient Otthovan Katelin dans la ville de Gand, capitale de la Flandre : Thomas Calbergue, à Tournai, d’autres à Audenarde et Mons dans le Hainaut. Et pour répondre à celles-ci, François Gamba témoigne de la même vérité aux Lombards.
LIVRE SIXIÈME
Cinq notables sont sortis de Genève pour montrer les dons exquis que Dieu leur avait distribués, à ceux des vallées du Piémont, commencent le cinquième livre. Ils furent arrêtés en chemin et conduits à Chambéry, au Parlement de Savoie, où Dieu les fit triompher de leurs ennemis. Ils ont scellé de leur sang la doctrine pure et beaucoup d’écrits que Dieu a mis en lumière de prisons pour l’édification des siens.
La diversité des nations et des esprits rend admirable le même acte du Seigneur, quand l’harmonie et l’accord de doctrine sont ainsi magnifiquement maintenus partout. Là, en plus des Anglais, qui sont nombreux, nous avons un homme doté de Champagne en Italie, qui à Rome, en présence du pape Paul IV, a rendu témoignage de la vérité jusqu’aux cendres de ses os.
La vie et la doctrine de plusieurs vrais évêques anglais sont décrites ici, à l’exception de Robert Glover, Nicholas Ridley et Hugh Latimer ; nous pouvons à juste titre nous opposer à tous ceux qui se disent évêques par leur nom et se liguent contre la vérité de la doctrine de Dieu.
Jean Bland et Jean Frans exhortent par leur exemple tous les ministres à ne pas se lasser, mais à persévérer dans leur devoir. Une fois qu’ils ont échappé au danger, ils se préparent à entrer dans de nouvelles batailles, jusqu’à l’effusion de leur sang.
Et tout comme Nicolas Scheterden et tant d’autres ont confondu les ennemis de la vérité, en vertu de l’Esprit du Seigneur, nous devons aussi espérer la même chose lorsque Dieu nous a appelés à de telles batailles.
François et Nicolas Matthis, frères exécutés à Malines, montrent comment une vraie fraternité doit venir au Seigneur.
Chez Bertrand le Blas, la véhémence du zèle chrétien est reconnue à ses effets, comme nous l’avons vu précédemment chez G. Gardiner, exécuté aussi cruellement au Portugal que celui-ci à Tournai.
Claude de la Canésière répondit ailleurs en France, et proclama magnifiquement la vérité du Seigneur à Lyon, suivi de quatre fidèles des Pays-Bas, après lesquels marchèrent en triomphe ces savants et renommés champions de Jésus-Christ, à savoir Jean Philpot, Thomas Cranmer, primat d’Angleterre, Thomas Witley, et d’autres Anglais très dévoués à la gloire du Fils de Dieu.
Et quand le Seigneur aura fait du bien à quelqu’un en le tirant des exécrables abominations qui existent dans le Monastère, qu’il fasse connaître ce bienfait comme exemple de Jean Rabec, de Pierre Rouffeau, et de ceux qui sont proposés dans des cas semblables.
LIVRE SEPTIÈME
Ce livre est plein de variété, ce qui rend l’œuvre de Dieu admirable par rapport à la sienne. La vie et la fin d’un père et d’une mère, avec deux de leurs fils, exécutés à Risle, y sont décrites, pour montrer à tous quels sont les vrais ornements dont doivent être ornés les vrais pères et les enfants de famille bien réglés.
Jean Huillier et George Egle, vrais ministres anglais, Jean Bertrand de Vendosmois, Arnaud Monier, Jean de Gazes, Gascons, et un grand groupe de fidèles de tous les États d’Angleterre, par l’effusion de leur sang au milieu de cruelles tortures, scellent heureusement la doctrine du salut.
Le Parlement de Turin, s’opposant en vain au cours de l’Évangile, réveille le Piémont par la mort de B. Hedor, Nicolas Sartoris, G. Varraille et Benoist Romyen.
Les Champenois, les Béarnois, les Bazadois, les Bourguignons, les Normands, les Tourangeaux, les Angoulmois et les Poidevins ont des exemples de foi héroïque parmi les fidèles de leurs provinces. Ceux des Pays-Bas en ont aussi des exemples, dans la mort de Charles Conynk, et de M. Angel Emphlitius, accompagnant à travers la mer les derniers martyrs exécutés en Angleterre.
La lumière s’élève si haut, à travers la prédication de l’Évangile, qu’elle atteint jusqu’en Amérique, au Brésil, qui, dès que l’Évangile y eut fait retentir sa voix, fut continuellement arrosé du sang des martyrs.
Dans l’histoire de l’Église établie à Paris, il faut considérer une grande bonté
de Dieu, qui conserve miraculeusement la sienne au milieu de ces horribles
tempêtes ; une providence admirable qui fait que toutes choses, même ses plus
grands ennemis, servent à faire avancer, malgré leurs récriminations,
l’édification de sa maison, qui est son Église ; une puissance invincible,
fortifiant un si grand nombre de martyrs, et un jugement horrible de Dieu sur la
France, qui reste sourde à la voix de Dieu, criant par tant de témoins notables,
à laquelle elle résiste de toutes sortes. Malgré tous ses efforts, la vérité
avance, les pasteurs fidèles s’unissent et publient leur confession de foi et
les articles de discipline ecclésiastique.
Auparavant, le Seigneur avait éteint le feu des persécutions en Angleterre, retirant soudainement Marie-Reine et le cardinal Pole de ce monde : c’était environ deux mois après la mort de l’empereur Charles.
L’ESPAGNE vient d’être vannée, pour distinguer le grain de la paille. Les pratiques tragiques et les déportations de l’Inquisition sont révélées à travers un discours notable et étendu. Le récit montre les fidèles qui restent inébranlables, le bon grain, et les autres, la paille.
Cette Inquisition, usant à sa guise de toutes sortes de cruautés, entendait se glisser en France, pour être pratiquée de la même manière contre les nobles du royaume ; Mais, malgré toutes les machinations des adversaires les plus pernicieux, les assemblées de fidèles s’accroissent de jour en jour.
Par la mort du roi Henri, tous les complots et les desseins d’une conspiration contre les fidèles sont soudainement dissipés ; et (comme la corde d’une charrue) couper. Les parlements sont étonnés de la multitude des croyants ; et bien qu’ils semblent modérer leur fureur un peu par peur, peu de temps après, un cardinal seul, gouvernant le roi François II à son gré, suscite plus de persécutions qu’auparavant ; et c’est ainsi que les peines et les travaux se multiplient contre l’Église, surtout à l’égard de ceux qui, à Paris, chez qui Anne du Bourg, conseillère au Parlement, dans ces dernières confusions des sbires de Satan, montre à tous ceux qui sont en position d’autorité dans la justice comment ils doivent remplir leurs devoirs dans de telles extrémités, non pas en tergiversant ou en fuyant lorsque le danger les presse, mais en montrant aux rois et aux princes la vérité de la cause des fidèles, non seulement par des paroles, mais par des actes.
A la fin de ce livre, la mémoire et la confiance de Thomas Moutarde de Valenciennes, et de Jean le Maçon, natif de Trente, qui a été indignement soigné dans un lieu qui n’avait pas encore été taché du sang des enfants de Dieu, de plusieurs martyrs en divers lieux de France, et de ce qui s’est passé en Provence lors du massacre d’Antoine de Mouvans et de la mort d’Honorat Andol, est présenté à toute l’Église, afin de se préparer d’autant plus soigneusement à porter la croix et à se reposer continuellement sur l’assurance de son Dieu.
LIVRE HUITIÈME
Le Seigneur, comme un grand père de famille qui possède ses biens et ses richesses en beaucoup de lieux, et comme un roi avec ses sujets dans divers pays, les visite l’un après l’autre. Seuille, en Espagne, accomplit son faste inquisitorial avec plusieurs personnes de toutes qualités, hommes et femmes, à l’occasion desquelles l’état des assemblées de fidèles est horriblement troublé. Les Calabrais napolitains, tourmentés par la même Inquisition, reçoivent l’enseignement de Jean-Pascal, dont le ministère, tant en personne que par des lettres pleines de piété, a consolé et continue de consoler l’Église désolée même aujourd’hui.
L’entreprise d’Amboise, où les fidèles sont calomniés par un nouveau surnom, aurait attiré de grandes persécutions, jusqu’aux princes du sang, si le Seigneur n’avait pas envoyé un changement soudain par la mort du roi François II, accordant ainsi quelques trêves à ses églises.
La Flandre occidentale inférieure, jusqu’à la ville de L’Isle, rallume les feux plus qu’auparavant, et a d’excellents martyrs, parmi lesquels les laques de Lo, et quatre autres brûlées dans ladite ville, produisent un fruit qui donne aux fidèles l’occasion de rédiger une confession de foi d’un commun accord, pour la présenter au roi d’Espagne. Les églises persécutées des vallées d’Angrongne font de même envers le duc de Savoie, dont l’histoire mémorable, concernant leurs guerres et leurs persécutions, est entièrement décrite.
FLORENTIN, Aléman inférieur, confirme par sa mort les Églises de Lorraine, ainsi que Jean Madoc, ministre de l’Évangile, deux ans plus tard.
Tandis que les églises avaient un peu de répit, le roi Charles IX montant sur le trône, Dieu fit voir à Poissy un tel colloque que la France n’en a jamais vu de semblable, où la voix de la pure vérité de l’Évangile retentit plus magnifiquement et plus authentiquement dans l’auditoire de la Cour.
En conséquence, le fameux édit, appelé janvier, suivant sa date, fut immédiatement violé par la maison de Guise dans l’horrible massacre de Vassy. Avant cela, et depuis, jusqu’au commencement des guerres civiles, plusieurs fidèles de tous âges, de tous états et de toutes qualités ont été cruellement tués en divers lieux.
Alors que Satan ravage la France, ses sbires continuent leurs assauts, sous couvert de justice, aux Pays-Bas ; et, aveuglés dans leur intelligence, ils s’efforcent d’enlever la lumière de la vie éternelle à André Michel, qui est aveugle de corps ; Mais en le privant de la vie présente, ils l’ont introduit dans le royaume où il y a la clarté d’une joie durable ; et après lui, Charles Elinck, François Varlut, Alexandre Daiken et d’autres, hommes, femmes et jeunes filles.
Le reste de ce 8ème livre est utilisé pour décrire les horribles pillages et carnages commis lors des premiers troubles en France, assavoir à Paris, les villes de l’Ile de France, de la Picardie, de la Brie, de la Champagne, de la Bourgogne, du Nivernois, Bourbonnois, Berri, Maine, Vandosmois, Anjou, Touraine, Poitou, Normandie, Bretagne, Guyenne, et autres provinces environnantes, Périgueux, Auuergne, Toulouse, Rouergue, Languedoc, Vivarets, Foix, Dauphiné, Provence, & Maconnois, où l’on voit un nombre merveilleux de fidèles massacrés dans les tumultes populaires, et exécutés injustement à mort. ...
Combien la dignité et la splendeur du martyre y sont si bien discernées que chez les précédents, qui ont maintenu tranquillement la vérité de Dieu par la patience, la confession franche de la foi et les disputes fermes en face de toutes sortes d’ennemis ; cependant, ceux-ci ne doivent pas être effacés du nombre, car ayant si peu d’heures pour se résoudre, l’amour de Dieu a vaincu la considération de la vie présente, à tel point qu’ils ont fermé les yeux sur tous les dangers et tourments pour suivre le Seigneur qui les a appelés. Et pour ceux qui commençaient à peine à s’enraciner dans le champ du Seigneur, d’où ils ont été immédiatement arrachés, cela loue d’autant plus la puissante bonté de Celui qui, en les transplantant dans le vrai jardin des délices, c’est-à-dire le Paradis, les a délivrés d’un bon coup de toutes leurs infirmités. Pour clore tant de persécutions, l’état misérable de la Pologne et de l’Espagne, continuant dans leur fureur, est brièvement décrit.
LIVRE NEUVIÈME
Combien les adversaires, dans ces dernières années, ont essayé de couvrir leurs
cruautés contre les Églises, sous des prétextes de rébellion, de sédition et de
crimes de lèse-majesté, en répandant le bruit des persécutions des fidèles de
France ; néanmoins, rien d’autre ne les a guidés que la haine contre la vraie
religion, comme le montrent les associés des Pays-Bas dans la continuation de la
religion.
leurs persécutions, à l’ombre de la justice contre Guillaume Cornu et tant
d’autres qui le suivent, à savoir Christofe Smit, Paul Milet, Ministres,
l’accompagnent
de sorte que de leur sang sort une si grande moisson que les églises se lèvent
et que les idoles tombent dans tout le pays ; qui renouvelle les persécutions
sous l’étrange tyrannie du duc d’Alve et de ses Espagnols
Les écrits et les disputes de M. Guy de Brès, exécuté dans la ville de Valenciennes avec M. Pérégrin de la Grange, son compagnon dans le ministère, présentent de grandes doctrines et de grandes consolations à tous les fidèles. Les martyrs ajoutés jusqu’à la fin du livre témoignent d’une faveur incomparable de l’Éternel envers ses élus. Et plus le diable s’efforce de tout ruiner, en imposant le silence (semble-t-il) à Jésus-Christ, en dispersant les troupeaux et en rebâtissant les synagogues de l’idolâtrie ; plus le Fils de Dieu se montre admirable dans la conduite de son Église, qui, par le silence et la patience, finit par obtenir soulagement et assistance.
Car, bien qu’aucun fidèle ne puisse subsister dans les Pays-Bas, tant que l’ennemi juré de la religion y réside, le Seigneur lui a néanmoins donné tant d’affaires que, étant contraint peu de temps après de partir avec son butin, la doctrine du salut a été particulièrement prêchée, écoutée et reçue avec plus d’audace dans les années 1581 et 1582 que jamais auparavant. C’est ainsi que, sous les gouvernements de la duchesse de Parme et de ce duc, nous voyons des exemples merveilleux des jugements et des miséricordes du Seigneur dans la conduite des affaires des Pays-Bas, que l’on considère les persécutions, les restaurations et la dissipation des églises, ou que l’on contemple les inquisiteurs ou les nouveaux évêques, qui, établis pour tout ruiner, C’est la raison pour laquelle l’exercice public est accordé aux fidèles, ou si l’on veut prendre le temps de marcher sur les morceaux et les cendres des idoles démolies, et l’on s’aperçoit de l’attitude des magistrats saisis d’une crainte secrète. Ensuite, il y a les pratiques établies pour tromper ceux de la religion, et puis les assauts manifestes dans lesquels la puissance du Seigneur se révèle alors qu’il fortifie les siens, qui, dans leurs infirmités et leurs morts ignominieuses, glorifient constamment son Saint Nom.
LIVRE DIXIEME
Le contenu du dixième livre révèle les merveilles de Dieu non moins que les autres livres précédents. Si nous parlons de trahison brutale et de cruauté, nous en avons des exemples si nombreux qu’on n’en trouvera pas autant ni de cette manière dans toutes les histoires des siècles précédents, permettant aux ennemis les plus désespérés et les plus rusés de la vérité de prouver le contraire. Si nous devons nous concentrer sur les différentes sortes de morts, sur la patience, la force et la confiance des martyrs, pourrions-nous trouver de meilleurs portraits tirés vers le vif ? Mais la lecture révélera tout avec beaucoup plus de précision que je ne peux le dire. Maintenant, dans ce livre, nous devons d’abord considérer les meurtres et le pillage des fidèles, engagés dès le début dans les troubles fructueux. Parmi eux, plusieurs du comté du Maine et des environs, dont Martin Tachard, ministre de Montauban.
Deuxièmement, ceux qui, pendant et après les troubles féconds, ont été mis à mort par haine de l’Évangile, jusqu’au troisième édit de pacification. Bien que nous n’ayons pu présenter qu’une très petite liste de fidèles qui, dans cet intervalle de trois ans, ont été ici et là, elle dépasse le nombre de plusieurs milliers. En troisième lieu, nous proposons ce qu’il y a de plus mémorable sur les persécutions de l’Église dans ce royaume, depuis l’an mil quinze cent soixante et onze, où les fidèles d’Orange furent massacrés, jusqu’à la mort du roi Charles IX, à la fin de mai 1574. Il y a donc d’abord le prologue de la tragédie des tragédies, concernant l’assassinat de quelques fidèles de Rouen, suivi peu après par les meurtres commis à Paris le vingt-quatre août 1572, impliquant le sieur Gaspar de Coligny, Grand amiral de France, seigneur vraiment chrétien, terreur de l’Antéchrist et de tous ses subalternes, et d’une partie saine de la noblesse française. Les autres personnes de tous rangs, de tous âges et de toutes qualités n’ont pas été oubliées, mais plutôt massacrées d’une manière étrange, comme le détaille le tout dans le récit. Par la suite, on assiste au sac des fidèles de l’église de Meaux en Brie, de Troyes en Champagne, d’Orléans, de Bourges, de La Charité, de Lyon, de Saumur et d’Angers, de Romains, de Toulouse et de Bordeaux, où lieux et autres du royaume, en quelques semaines, près de trente mille personnes ont été mises à mort. Cette mer de sang innocent, cependant, n’éteignit pas les cœurs enragés des persécuteurs ; résolus à tout gâcher s’il avait été possible, ils continuèrent l’année suivante à attaquer les villes de Sancerre et de La Rochelle, devant lesquelles Dieu anéantit leurs efforts, punit quelques-uns des meurtriers, et se révéla par de nouveaux prodiges.
LIVRES ONZIÈME ET DOUZIÈME
Dans les deux derniers livres, nous avons brièvement compris l’état des Églises française, wallonne et autres depuis l’année 1572 jusqu’à l’année 1617. Bien que les persécutions n’aient pas été aussi sanguinaires et étendues que les années précédentes, d’une part, Satan a montré la peau du lion, et d’autre part, il a pris celle du renard, endommageant les églises du Seigneur de toutes les manières possibles, comme en témoignera la lecture de ces deux derniers livres, sans qu’il soit nécessaire de développer davantage ces arguments.
L’IMPRIMEUR (de l’édition de genève) (1619)
AU LECTEUR CHRÉTIEN
Comme il est dit dans le titre de cet article que l’ouvrage a été augmenté de moitié dans cette dernière édition, j’ai pensé qu’il serait prudent de vous informer de la procédure suivie en ce lieu. M. Jean Crespin, un homme doué qui, de son vivant, a travaillé avec zèle pour faire avancer la gloire du Fils de Dieu, surtout à travers une infinité de livres saints qu’il a imprimés, dont la mémoire est précieuse devant Dieu et son Église, est celui que le Seigneur a encouragé et auquel le Seigneur s’est adressé avec une faveur particulière pour compiler les collections de l’histoire des martyrs de notre temps; à laquelle il s’était consacré pendant plusieurs années, et ayant vu la plus grande partie de cette œuvre à la lumière, comme s’il était rassasié d’années et de travail dans l’œuvre du Seigneur, il a été emmené à la joie et au repos de son Maître il y a plus de quarante ans. Depuis lors, il a plu au sage gouverneur de l’Église de nous montrer tant de merveilles dans l’infirmité, la souffrance et la patience des siens, et désireux de vous présenter cette histoire, parce que le nombre des témoins de l’Évangile avait beaucoup augmenté depuis la mort de cet homme de bien, le premier et principal architecte de leurs tombeaux sacrés ; J’ai pensé que ce serait quelque chose d’agréable pour vous si je pouvais vous arranger pour que vous y ayez accès. C’est dans cette optique qu’un des amis de feu Eustache VIGNON, gendre de Crespin, présente cette histoire augmentée de deux livres, ce qui conduit Vignon à remettre l’ensemble sous presse et à publier une quatrième édition dont l’ordre est tel.
Au lieu des huit volumes de la troisième édition de Crespin, celle-ci en contenait dix, le premier et le dernier s’y ajoutant de nouveau, et les autres enrichis de martyrs, de confessions, de lettres et d’excellentes doctrines, ainsi que de recueils, de discours et de détails notables, comme l’atteste la comparaison avec les éditions précédentes. Depuis lors, le même individu, employé depuis longtemps au service de l’Église de Notre-Seigneur, ayant remarqué en divers endroits de ces dix volumes d’innombrables détails et choses mémorables, et continuant l’histoire jusqu’à la mort du roi Henri III de la maison de Valois, m’ayant communiqué son intention et ce volume réduit à douze volumes, le voyant si digne et si utile à votre édification, sans perdre courage à cause de la grande dépense de l’impression actuelle, aidé par la faveur de Dieu et un saint désir de promouvoir votre avancement dans l’amour de la piété, j’ai finalement surmonté toutes les difficultés. La rage de l’Antéchrist et de ses sbires nous a entraînés, mes prédécesseurs et moi-même, à la nécessité d’ériger une si grande œuvre ; que Dieu nous accorde de la mener à son terme, sans être obligés de vous présenter un grand volume des persécutions de son Église, à laquelle Satan désire plus que jamais, et ne demande que de nouveaux massacres. En plus de tant d’additions, qui rendent l’œuvre actuelle comme accomplie, nous avons ajouté les préfaces et les indices nécessaires, dont nous souhaitons que vous receviez de plus en plus d’instructions et de consolation, en vous souvenant que ceux qui souffrent avec Jésus-Christ régneront avec lui. Le Dieu de paix (qui a ramené d’entre les morts le grand Berger des brebis, notre Seigneur Jésus-Christ, par le sang de l’alliance éternelle) vous équipe dans toute bonne œuvre pour faire sa volonté, en faisant en vous ce qui lui est agréable, par son Fils bien-aimé. À lui la gloire éternelle, Amen.
LIVRE PREMIER
Comprenant les événements les plus remarquables dans l’Église du Fils de Dieu, depuis la persécution des chrétiens sous l’empire de Néron, trente et un ans après l’ascension de Jésus-Christ au ciel, jusqu’à l’époque de John Wycliffe.
(Pierre 1.23). Combien il est certain et tout à fait digne d’être reçu que les chrétiens sont régénérés, non par une semence corruptible, mais par l’incorruptible, c’est-à-dire par la parole de Dieu, vivant et subsistant éternellement, et cela à cette vérité céleste écrite dans les livres des prophètes et des apôtres (Rom. 1. 16), en résonance par le ministère de l’Église, et accompagnée par l’Esprit Saint, nous devons attribuer à chaque croyant le changement de cœur, qui est la puissance de Dieu pour le salut : cela ne nous empêche pas cependant de recevoir et de tenir pour vraie cette belle affirmation, vérifiée par tant de témoignages depuis plusieurs centaines d’années.
(1) Ce premier livre n’est pas de Crespin. On ne le trouve pas dans l’édition de 1570, la dernière dont il a supervisé l’impression. Il a été ajouté, avec les trois derniers, par Simon Goulart (voir ce qui est dit de lui dans l’introduction) et n’a commencé à paraître qu’à partir de l’édition de 1582. C’est moins important que les suivants. Il s’agit d’un résumé rempli de noms et de faits de l’histoire ecclésiastique depuis les origines jusqu’à l’époque de Wycliffe. Nous l’accompagnerons de très peu de notes, laissant l’auteur responsable de ses affirmations, et nous nous contenterons de nous référer aux nombreux ouvrages modernes sur le sujet, en particulier les Encyclopédies de Herzog et de Lichtenberger et les volumes de E. Chastel, Histoire du christianisme de ses origines à nos jours, et de E. de Pressensé, Histoire des trois premiers siècles de l’Église chrétienne.
Que le sang des Martyrs est la semence de l'Eglise ( Car les fidèles qui ont cru que cet apophtegme sacré était très vrai se sont souvenus que la vérité de Dieu n’a pas été révélée à l’Église pour qu’elle reste simplement dans les livres, qui sont des prédicateurs muets, mais aussi pour être dans la bouche des élus de Dieu, afin de maintenir à travers eux dans leur vocation la gloire de leur Seigneur et Père, et le témoignage de leur salut. « Ceci est mon alliance avec mon Église, dit le Seigneur. Mon esprit qui est en vous, et mes paroles que j’ai mises dans votre bouche, ne bougeront pas de votre bouche, ni de la bouche de votre postérité, ni de la bouche de la postérité de votre postérité, dit le Seigneur, dès maintenant et éternellement. "(Ésaïe 59. 21)
(1) Semen ecclesicc sanguis christianorum. Tertullien, Apolog., c. L.
Cependant, chaque fois qu’il a plu au Père de la Sainte Famille d’ouvrir la bouche de quelques-uns de ses serviteurs et de ses enfants, de les faire parler aux hommes de ce monde, et d’éclairer de sa lumière ceux qui languissaient dans les ténèbres, s’il est arrivé que les aveugles, au lieu d’accepter le bien qui leur était présenté, ont essayé de l’éteindre, si les sourds, rejetant le message de salut qui leur avait été apporté, se sont bouché les oreilles, et si les incroyants et les profanes, non contents de dédaigner la voix du Fils unique de la maison de Dieu et de tant de fidèles serviteurs de celle-ci, les ont mis à mort, il ne faut pas considérer que les fidèles ont perdu leurs efforts, et que la vérité de Dieu, qui est incorruptible, a disparu au son de leurs voix : au contraire, si j’ose parler ainsi, le Seigneur va comme caché sur la terre avec le sang de ses témoins, pour en faire germer une maison spirituelle, c’est-à-dire de nouveaux peuples sortant des impostures de Satan pour s’aligner sur Jésus-Christ. Ainsi, le sang des Martyrs (Ps 116. 15) , dont la mort est précieuse aux yeux du Seigneur, criant de la terre vers le ciel, et auquel répond le mérite de l’Agneau immolé pour la réconciliation de l’Église avec son Dieu, a attiré de nouvelles faveurs du Seigneur sur la terre, pour manifester sa miséricorde en appelant à sa connaissance un nombre infini de personnes : comme il a aussi fait tomber de terribles traits de vengeance du Tout-Puissant sur les hommes mortels qui ont pris plaisir à verser ce sang. Et la confiance de cette belle armée de témoins, par la faiblesse de laquelle Dieu a combattu, renversé et éteint l’orgueil et les efforts de Satan, l’Antéchrist, et de leurs subalternes, montre clairement qu’il y a eu une vertu plus grande qu’humaine, qui les a accompagnés et revigorés (comme c’est sa nature) au milieu de la mort.
C’est cette semence de vie qui, en donnant de l’efficacité à leurs confessions, à leurs avertissements, à leurs comportements pacifiques et à leurs invocations du Nom de Jésus-Christ au milieu de tous les tourments, a fait que la voix des Martyrs, tués pour le témoignage de Jésus-Christ il y a 100 ans ou même il y a 1500 ans, résonne encore puissamment de joie dans le cœur des élus de Dieu. et de percer la mauvaise conscience des réprouvés qui tremblent sous elle, parce que la vérité qui accompagnait cette voix n’est pas un son fugace, mais la parole vivante et éternelle, vivifiée par Celui sur qui le temps n’a aucun pouvoir, mais qui demeure et vit éternellement. C’est cette semence qui fait que le sang des martyrs a été si fécond en tout temps, surtout depuis l’Ascension de Jésus-Christ, et même dans ce dernier siècle, plein de miracles du Seigneur, autant qu’on peut l’observer dans de nombreux siècles précédents, comme on le verra à la lecture des livres que nous présentons maintenant.
Mais avant d’entrer dans le sujet, nous avons ce mot à ajouter, après un bon docteur de l’Église : Que la souffrance ne fait pas un martyr, c’est ainsi qu’en est la cause. Voici quelques paroles qui englobent beaucoup de choses et qui servent beaucoup à l’instruction et à la consolation de tous les chrétiens. L’apôtre saint Pierre avait dit la même chose en d’autres termes, en ajoutant quelques points pour réveiller et réjouir les âmes fidèles. "(1. Pier. 4. 14-16) Si vous êtes insultés au nom du Christ, vous êtes bénis, car l’Esprit de gloire et de Dieu repose sur vous, qui (quant aux méchants) est blasphémé, mais (quant à vous) est glorifié. Et en vérité, qu’aucun de vous ne souffre comme un meurtrier, ou un voleur, ou un malfaiteur, ou un convoiteur des biens d’autrui. Mais si quelqu’un souffre en tant que chrétien, qu’il n’en ait pas honte, mais qu’il glorifie Dieu en cette matière. »
Saint Pierre suit en cela (comme en toutes choses) la doctrine de son maître, qui avait déclaré quelques années plus tôt Matt. 5. 10. « Heureux ceux qui souffrent pour la justice, car le royaume des cieux est à eux. »" Ainsi, souffrir pour la justice, souffrir en chrétien, et non en malfaiteur, est la CAUSE QUI FAIT LE MARTYR. Nous appelons maintenant à cet examen tous ceux qui ont pu souffrir de diverses manières. Là où la cause (c’est-à-dire la justice et la piété) fait défaut, là où le mal (c’est-à-dire l’athéisme, l’idolâtrie, la superstition, l’épicurisme, l’injustice et la souillure) est révélé, la cause est supprimée, et le châtiment mérité est proche et très redoutable. Que les profanes se vantent de leurs braves.
(1) Ce n'est pas le supplice, c’est la cause qui fait les martyrs. C’est la pensée développée par Cyprien, De unitate Ecclesiæ, c. XIV, en parlant des souffrances de l’hérétique : « Non crit religiosae virtutis exitus gloriosus, sed desperationis interitus, Occidi talis potest, coronari non potest. »
Que les idolâtres promeuvent les troupes de leurs fous ; que les superstitieux produisent des millions de sectes engendrées par l’ignorance et chargées de tant d’inconvénients ; que les violents et les injustes citent les dangers et les morts dans lesquels leurs adeptes plongent imprudemment ; et à un point aussi bas, nous dirons en un mot que ce sont les soldats de Satan, puisqu’ils accomplissent les désirs de ce Père du meurtre et du mensonge. Cette sentence fait donc la distinction entre les souffrances de la véritable Église et les tourments qu’endurent les incroyants et les méchants, que leur mal soit caché ou qu’il soit révélé aux hommes. De plus, ce que Dieu reçoit comme témoins de sa vérité, ce sont ceux qui ne sont souvent pas moins impurs que les autres ; Sa grâce les recommande d’autant plus, assure que les vases préparés pour l’honneur par Jésus-Christ sont que ceux que le Père céleste a adoptés par la foi resteront éternellement dans sa maison, et il leur enseigne à marcher toujours avec diligence. Mais d’un autre côté, c’est la confusion des idolâtres, des superstitieux, des hérétiques, des incroyants et des profanes, de comprendre que tout ce qu’ils endurent n’est qu’une triste préface à des malheurs indicibles, et au faubourg de l’enfer, même s’il semble parfois que ces personnes aient un sentiment complètement contraire à la perception que nous leur attribuons, d’où plus ils s’éloignent, plus ils sont malheureux, et plus ils se rapprochent de la ruine extrême. Au contraire, c’est une consolation indicible pour tous les fidèles, d’entendre, de lire, de savoir, de voir, que leurs cheveux sont comptés, que leurs larmes ne sont pas perdues, que Dieu les tient aussi chers qu’un homme délicat tiendrait la prunelle de ses yeux, que leurs jours sont comptés, que celui qui veille sur eux ne dort pas, qu’il est à leur droite pour qu’ils ne trébuchent pas, qu’il soit au milieu d’eux, qu’il est en eux, que Christ est leur tête, et qu’ils sont ses membres, qu’il veut habiter, vivre et régner en eux et avec eux, qu’il désire qu’ils habitent, vivent et règnent en lui et avec lui, s’ils souffrent avec lui, s’ils n’ont pas honte de lui ou de ses paroles, s’ils le confessent devant les hommes, s’ils portent leur croix tous les jours après lui, s’ils sont prêts non seulement à être liés, mais aussi à mourir pour le nom du Seigneur Jésus, et s’ils sont résolus à ce point qu’en perdant leur vie pour lui, ils la trouveront.
[la cause et querelle des Martyrs est la cause et querelle de Dieu]. C’est la cause qui a fait les martyrs, qui les a fortifiés au milieu de tant d’ignominies, de tant de tortures, de tant de morts qui seront déclarées dans l’au-delà, au milieu de laquelle ils sont armés de cette pensée, que cette cause n’était pas leur cause, mais celle de Dieu : cependant ils ne se tourmentent pas beaucoup pour résoudre en eux-mêmes ce qu’ils auraient à répondre à leurs adversaires les plus hardis et les plus importuns. ils n’ont pas non plus beaucoup craint leurs propres infirmités, mais ils ont espéré et senti l’aide de la sagesse et de la puissance de Celui qui les a conduits, qui a fait sentir aux persécuteurs d’innombrables fois qu’il ne regardait pas de loin pour juger les coups, comme le dit le proverbe, mais qu’il était dans la mêlée, pour encourager, bénir, adresser (1), consoler, guérir, vivifier et sauver les siens, en les servant de cœur, de mains, d’yeux, de pieds, de boucliers, d’épées, d’armures, c’est-à-dire, par tous les moyens, et plus qu’ils n’auraient osé désirer, les soutenir d’une manière spéciale; Au contraire, renversant ses ennemis, exterminant les uns d’une manière, les autres d’une autre : mais avec une telle promptitude, une telle vigueur et une telle habileté, que tout le monde doit reconnaître qu’une main toute-puissante est intervenue. Nous présentons maintenant les preuves.
(1) Diriger.
[Pourtant c'est en vain que les réprouvés se mutinent contre la mémoire des Martyrs]. Que les athées froncent les sourcils devant ce courage, pour s’en moquer parmi leurs compagnons ; que les faux docteurs portent autant d’accusations qu’ils le peuvent contre les martyrs, dont la cause est reconnue par le Seigneur Dieu dans sa sainte parole ; Que l’homme du monde considère que son seul bien consiste dans ses opinions insensées ; que l’hérétique, le libertin, le malfaiteur se complaise dans ses erreurs, ses fantaisies et sa méchanceté, fuyant la croix de Jésus-Christ pour porter celle du diable : les témoins fidèles de la vérité de l’Évangile sont satisfaits de savoir que Dieu les approuve, son esprit rendant témoignage aux leurs qu’ils sont ses enfants.
[Entrée au discours du premier livre]. Maintenant, sans contester davantage cela avec la sagesse du monde, qui est un ennemi juré de la gloire du Seigneur Jésus, considérons (en suivant ce qui a été brièvement proposé dans le premier livre) d’abord les martyrs du temps de l’ancienne Église, sous le règne de Néron, et ensuite nous aborderons le reste à ce sujet. Il faut dire aussi qu’il suffira de raconter simplement ce qui s’est passé, selon les historiens anciens et modernes qui ont écrit quelque chose à ce sujet. Et si l’on en dit beaucoup, ce sera toujours trop peu pour un sujet aussi fertile ; d’autre part, si nous en disons peu, cela servira d’encouragement à tout lecteur chrétien à se tourner d’autant plus ardemment vers l’histoire de l’Église chrétienne primitive, pour satisfaire leur saint désir, et surtout à prêter une attention particulière à la conformité et à l’accord qui apparaissent entre les martyrs anciens et modernes, tant dans la conversion que dans la doctrine, la patience, l’invocation véritable, la confiance et une fin heureuse dans le Seigneur. De plus, la raison pour laquelle nous n’avons pas mentionné ici les martyrs qui ont précédé l’époque de Néron, c’est que ce qui est dit d’eux dans l’Écriture sainte devrait suffire à chaque croyant, car les choses sont présentées et expliquées en toute perfection, de sorte qu’il serait trop téméraire de vouloir spécifier et éclaircir ce qui est révélé au premier coup d’œil aussi ouvertement que l’éclat d’un jour clair. Venons-en donc à notre récit.
PERSÉCUTION DE L’ÉGLISE CHRÉTIENNE SOUS NÉRON.
Paul Orose, historien et auteur de l’Antiquité qui vécut à l’époque de saint Augustin, à qui il dédia les sept livres de son histoire, commence à raconter les persécutions de l’Église chrétienne à partir de la persécution sous Néron, qu’il considère comme la première, comme l’ont fait d’autres historiens qui ont écrit après lui, et nous suivrons donc le même ordre pour le présent.
(1) Paul Orose, historien du cinquième siècle ap, J -C , disciple de saint Augustin, a laissé : Historiarum adversus paganos libri septem
C’est ainsi qu’il écrit au sujet de cette persécution que Néron, le sixième empereur romain, ordonna que tous les chrétiens qui se trouvaient dans la ville de Rome et dans toutes les provinces de l’empire fussent tourmentés et tués. Car il avait délibéré d’extirper la religion chrétienne et tous les chrétiens de tous les lieux,
[Méchante cause de cette persécution]. Les histoires des païens (comme Suétone dans la vie de Néron, et Corneille Tacite, livre 15) expriment mieux les raisons qui ont poussé Néron à cette persécution que les histoires des chrétiens. L’Empereur était un abîme de toutes sortes de vices et de méchancetés, mais surtout de toutes les vileries : le plus abominable incestueux et le plus exécrable sodomite que l’on puisse trouver dans toutes les histoires. Il a commis de tels actes ignobles, sans aucune honte, dans la ville de Rome, sous les yeux du Sénat et du peuple romain, sans que personne n’en dise un mot, et encore moins ne le châtie. Tout le monde le regardait, à tel point que ce monstre vivait à son gré.
[Dieu châtie Rome comme Sodome et Gomorrhe, par Néron le sodomite]. C’est pourquoi Dieu se mit en colère contre Rome et la punit par le feu, comme Sodome et Gomorrhe, et par le même Néron, qui était toléré, ayant mérité d’être brûlé lui-même à cause de ses horribles infamies. Alors Néron mit le feu à la misérable ville de Rome. Il y avait encore une partie de la ville qui lui déplaisait, d’autant plus que les maisons étaient petites et les rues étroites : il l’avait fait commencer là pour créer, puis après, de beaux bâtiments. Le feu monta très haut,
Néron s’assit dans la tour de Mécène, prenant un grand plaisir à ce feu, et disant qu’il avait souvent désiré voir une représentation de l’incendie de Troie, et qu’alors il jouissait un peu de son désir dans l’incendie de Rome : entre-temps, il chantait des vers composés sur le sujet de la destruction de Troie. Suétone dit que la ville de Rome n’a jamais subi de tels dommages et pertes par le feu, car il a duré six jours entiers et six nuits. Tacite le décrit aussi de manière très détaillée.
[Néron accuse les chrétiens d'être des pyromanes]. Ce feu, éclatant de rire contre Dieu, ayant été allumé plus fort que Néron ne le pensait, et ayant causé des dommages irréparables dans la ville, irritait merveilleusement les citoyens de Rome, à qui cette perte était destinée. Néron, souhaitant détourner ce mal de la foi, sema partout que les chrétiens, ennemis de la religion et des dieux romains, étaient les pyromanes qui avaient ainsi endommagé la ville. Et pour que cela ait plus d'apparence et soit plus crédible, il fit emprisonner plusieurs chrétiens, et les fit gémir cruellement, afin qu'ils avouent avoir mis le feu à la ville. Il y en avait quelques-uns qui, préférant mourir plutôt que d'endurer un tel tourment, mentirent contre eux-mêmes et contre les chrétiens, avouant qu'ils avaient été la cause de l'incendie de la ville de Rome.
Nous ajouterons ici les propres paroles de Tacite, telles qu’elles sont traduites du latin de son 15e livre des Annales. Néron, voulant dissiper le bruit que Rome avait été brûlée par son ordre, et éviter la fureur du peuple, accusa faussement ceux qu’il avait punis très sévèrement et que le peuple appelait chrétiens. L’auteur de ce nom, appelé Christ, fut crucifié sous le règne de Tibère par Ponce Pilate, le gouverneur. Et bien qu’à cette époque cette religion ait été empêchée de progresser, elle s’est depuis renforcée, non seulement en Judée où elle a commencé, mais aussi dans la ville de Rome, où toutes choses viennent de tous les lieux et sont très estimées.
Ainsi, ayant été pris les premiers ceux qui se sont confessés Chrétiens, et puis, sur leur confession à une grande multitude, au lieu de les connaître pour avoir allumé ce feu, il était très facile de les tourmenter parce qu’ils étaient haïs de chacun. De plus, en les exécutant, ils furent soumis à un nombre infini d’outrages et de moqueries, les couvrant de peaux de bêtes, pour les faire déchirer et expirer entre les dents des chiens, ou bien ils furent attachés en croix. Les autres furent rôtis ; et quand le jour manquait, ils en firent des feux de sorte qu’ils éclairèrent toute la ville. Néron offrit ses jardins au peuple pour le divertissement de ce massacre, et ordonna qu’on leur fît des courses de chevaux, étant parmi le peuple déguisé en cocher, et fouettant lui-même les chevaux qui couraient pour gagner le prix.
Et donc, même si ces gens étaient jugés coupables de mort, s’ils devaient être pris en pitié, car ils n’ont pas été jugés pour le bien public et la paix, mais simplement pour satisfaire la cruauté d’un seul homme.
(1) La commune pour le commun (vulgus).
(2) Exiliabilis superstitio crumpebat.
[persécution de Néron contre les Chrétiens].
Non seulement dans la ville de Rome, mais aussi dans toutes les provinces de l’empire romain, il fut ordonné que les chrétiens soient exterminés, comme ennemis de Dieu et de la religion romaine, et comme pyromanes.
Tout fut alors soulevé contre les fidèles à Rome et ailleurs, avec une telle cruauté que tout le peuple de Rome, comme l’écrit Tacite, avait une grande compassion pour eux. Quant à Néron, il n’était pas du tout ému, mais continuait à inventer de nouveaux tourments. Les histoires attestent que saint Pierre et saint Paul ont été mis à mort dans cette persécution, comme nous l’avons déjà dit. Les chronographes mentionnent également plusieurs figures saintes et personnalités éminentes qui, après de grands outrages, douleurs et tourments, ont été misérablement tués dans cette persécution, qui a duré quatre ans (c’est-à-dire de la 10e année du règne de ce monstre jusqu’à sa mort malheureuse), non seulement dans la ville de Rome mais aussi dans tout l’Empire romain.
[Il ne faut point disputer avec Dieu]. Or, quoique cette persécution provienne d’une cause plus vile et plus abominable qu’on ne peut l’exprimer ou l’imaginer, qui contestera à Dieu d’avoir donné un tel pouvoir à cet horrible et exécrable sodomite, à un si grand nombre de gens bons et innocents, et à ses bien-aimés ? Et pourquoi a-t-Il permis que les chrétiens soient brûlés comme des tisons, au lieu de ce véritable tison et de ce Néron sodomite, qui méritait d’être déchiré par le peuple ? Mais si la même chose devait arriver aujourd’hui, que tous s’humilient sous la main puissante de Dieu, portant patiemment la croix que Dieu place sur leurs épaules, qu’ils le louent et le bénissent, et qu’ils s’accrochent fermement à sa parole, qui était la parole de Dieu au temps de Néron, malgré la souffrance des fidèles, et que Néron, avec sa religion païenne, aurait prévalu et dominé.
SECONDE PERSÉCUTION DE L’ÉGLISE , SOUS DOMITIEN.
[Arrogance diabolique de l'Empereur Domitien]. L’empereur Domitien, fils de Vespasien et frère de Titus (qui avait détruit Jérusalem, vaincu et soumis les Juifs) se leva et s’éleva avec une arrogance insupportable et diabolique, environ soixante-dix-neuf ans après la naissance du Christ, et fut si étrangement impudent qu’il se nomma Dieu, voulant que tout le monde le considérât et l’adorât comme tel, ordonnant qu’on lui baise les pieds : c’est ce qu’aucun des autres empereurs avant lui n’avait fait, et aucun de ceux qui sont venus après lui ne l’a fait, sauf Dioclétien, ce tyran cruel et meurtrier des fidèles.
[Persécution de l'Église sous celui-ci]
Or, ce Domitien excita la seconde persécution contre les chrétiens, pendant laquelle plusieurs figures saintes furent bannies, tandis que d’autres furent tuées ou privées de leurs biens, après avoir été grandement tourmentées. L’apôtre et évangéliste saint Jean fut parmi ceux qui (comme nous l’avons dit plus haut) furent faits prisonniers d’Éphèse à Rome auprès de l’empereur, et là, il fut tourmenté. Certains prétendent que Timothée, Onésime et Denys l’Aréopagite ont été mis à mort à l’époque de Domitien. Flavia Domitilla, une dame de l’une des maisons les plus illustres de Rome, a été exilée avec plusieurs autres à cause de la religion chrétienne, à cause du tyran. Mais saint Jean revint de son exil à Éphèse, où il mourut cent deux ans après la naissance de Jésus-Christ, dans la troisième année de Trajan.
TROISIÈME PERSECUTION SOUS TRAJAN (1).
(1) Les éditions de 1608 et de 1619 portent le titre fautif: Troisième persécution sous Adrien Antonin. Nous rétablissons le vrai d'après celle de 1597.
[Causes des persécutions des Empereurs romains contre les Chrétiens].
L’empereur Trajan, un prince par ailleurs puissant et victorieux, commença la troisième persécution contre les chrétiens à Rome et dans tout l’Empire romain, vers l’an cent dix après la naissance de Jésus-Christ. Les principales causes qui poussèrent cet empereur, et la plupart de ses successeurs, à persécuter les chrétiens étaient celles-ci. Ils ne voulaient pas qu’il y eût division dans l’Empire, et surtout dans la religion, mais qu’on ne suivît que la religion de leurs ancêtres : car la diversité des croyances produit des débats, du bruit et des discordes qui ne peuvent être tolérés dans un gouvernement ; de plus, il était à craindre qu’il n’en résulte de grands inconvénients et de grands châtiments si l’on n’invoquait pas et n’adorait pas les dieux comme c’était l’usage.
Mais les chrétiens non seulement avaient horreur des temples, des autels, des sacrifices, des idoles et des festins des dieux, mais ils méprisaient et méprisaient aussi les dieux des Romains et leur service, et pourtant ils ne devaient pas être supportés du tout. Et lorsqu’une calamité s’abattait sur la ville ou l’empire de Rome, comme des tempêtes, des prix élevés, la famine, la guerre, des séditions, des pestes, des maladies ou d’autres choses semblables, les Romains disaient : « D’où viendrait tout cela si ce n’est des chrétiens qui méprisent nos dieux et leur service ? Car, au contraire, ils invoquent un seul Dieu, et honorent un seul Christ, le Fils de Dieu, comme leur unique Sauveur, et soutiennent ouvertement que notre religion est fausse et diabolique, et que leur foi en Christ est vraie et infaillible, et que nous ne devons pas adorer Dieu dans des idoles et des temples, par des sacrifices, des fêtes et d’autres choses semblables. mais seulement en esprit et en vérité, comme il l’a ordonné dans sa parole.
Or, les Romains et les autres païens étaient très obstinés dans leur superstition dans le monde entier, et ils employaient hardiment leurs richesses et leur vie à maintenir leur religion, s’exhortant les uns les autres à ne pas l’abandonner, affirmant qu’ils l’avaient reçue de leurs prédécesseurs, qui avaient été des gens sages et qui ne se laissaient pas tromper. Ils avaient des individus instruits dans les collèges de leurs prêtres. Leur religion avait été confirmée par de grands signes et des miracles, et en y adhérant, ils avaient obtenu la victoire et subjugué tout le monde. Tout leur bonheur et leur prospérité provenaient de leur religion, qui avait duré mille ans et n’était pas nouvelle et vieille de trente ans, comme celle des chrétiens.
Que leurs dieux se montreraient bienveillants, libéraux et serviables, de sorte qu’ils ne manqueraient de rien. Au contraire, les chrétiens ont toujours été pauvres et malheureux, et pourtant il n’était pas juste qu’on les laissât ainsi, et qu’ils supportassent que les chrétiens, qu’ils appelaient sacrilèges, eussent triomphé de leur ancienne religion. Pour ces raisons, les chrétiens ont été persécutés par les empereurs romains. Si nous voulons encore tout peser et tout établir aujourd’hui, nous découvrirons que les fidèles sont persécutés pour les mêmes raisons.
[La persécution sous Trajan]. Dans cette persécution de Trajan, le sang chrétien a été versé sans fin ni mesure. Siméon, évêque de Jérusalem, âgé de 120 ans, a été crucifié. Ignace, excellent serviteur de Jésus-Christ et disciple des apôtres, fut emmené d’Antioche (où il était évêque) à Rome et exposé aux bêtes sauvages, dont il fut séparé. Phocas, évêque du Pont, Euarisius, médecin chrétien, Clément, Alexandre, Quirinus, Sulpicius, Sérapion et bien d’autres furent emportés par cette persécution, pendant laquelle les bons pasteurs de l’Église se réconfortèrent et exhortèrent leurs ouailles à la patience et à la confiance. Et nous voyons dans le troisième livre de l’histoire d’Eusèbe, chapitre 36, ce qu’Ignace a dit de la foi. «Pourquoi suis-je déjà parmi les pattes des bêtes qui se préparent contre moi ? Je désire qu’ils se précipitent impétueusement vers moi ; Je les séduirai pour qu’ils me dévorent rapidement, et qu’ils ne reculent pas, comme ils l’ont fait pour les autres. Je les forcerai à m’attaquer. Pardonnez-moi, je fais ce qui m’est propre. Je commence maintenant à être un disciple du Christ ; Je ne me soucie de rien d’autre, je rejette tout et je ne veux que Jésus-Christ. De plus, il fut livré à dix soldats pour l’emmener à Rome, dont il écrit lui-même : « De Syrie en Rome, je lutte contre les bêtes, étant lié et causant sur mer, sur terre, jour et nuit au milieu de dix léopards, qui plus je leur fais de bien, plus ils deviennent méchants. Mais leurs outrages m’excitent et me rendent plus sage ; pour cette raison, cependant, je ne suis pas justifié.» Au lieu de se décourager en chemin, il écrivit des lettres de consolation à diverses églises, recommandant celle d’Antioche à Polycarpe, ministre de l’église de Smyrne, et lorsqu’il fut amené à Rome, il eut cette belle parole sur les lèvres jusqu’à sa mort : « Comme je suis le blé du Christ, il faut que les dents des bêtes me broient (1), afin que l’on me trouve le pain pur et savoureux du Seigneur. Le massacre des chrétiens fut si grand qu’un gouverneur de l’empereur, nommé Pline le Jeune, homme prudent, écrivit à l’empereur, témoignant très bien de l’innocence des chrétiens. Cette lettre se trouve dans le dixième livre de ses épîtres (2). Et par ce moyen, les chrétiens ont eu un peu de répit.
(1) M'escachent, " me broient," molar, dit la traduction latine, Lettre aux Romains, c. IV.
(2) Voici quelques fragments de cette lettre de Pline souvent citée : » Les chrétiens se réunissent un certain jour dès l'aurore, chantant ensemble un cantique en l'honneur de Christ , comme on l'honneur d'une divinité. Ils s'astreignent par serment à ne commettre aucun crime, ni vol, ni larcin, ni adultère. »
La longue durée de cette persécution et la perte de tant de pauvres chrétiens n’ont pas rendu la religion chrétienne et la religion païenne mauvaises ; car il n’y a dans le monde que la foi et la religion chrétiennes qui soient vraies et certaines. Et Dieu n’a pas failli, permettant que cela se produise contre les fidèles, car par le martyre et le sang des innocents, Il a fait augmenter la vraie foi dans tous les pays. À tel point que les anciens avaient toujours cette belle phrase sur les lèvres : que le sang des chrétiens est l’engrais de l’Église. Ayons donc aujourd’hui l’espérance que nous sommes au milieu des persécutions et de l’effusion du sang innocent des chrétiens.
LA QUATRIÈME PERSÉCUTION , SOUS ADRIEN, SOUS ANTONIN, SURNOMMÉ LE DÉBONNAIRE, SOUS ANTONIN LE PHILOSOPHE, ET SOUS LUCIUS SON FRÈRE.
Vers l’an 170 et 78, depuis la naissance du Christ, les empereurs Adrien, Marcus Antonin, surnommé le Débonnaire, et Antonin le Philosophe, endurèrent de grandes et dures persécutions contre les chrétiens, pour les raisons que nous avons déjà racontées.
[La persécution sous Antonin le Véritable]. Cette persécution n’a pas seulement touché un petit nombre d’individus, mais aussi les principaux et les plus excellents docteurs de l’époque, qui, par leur doctrine et leurs écrits, avaient fait progresser et soutenu la religion chrétienne, l’avaient ornée de l’innocence et de la sainteté de leur vie, puis l’avaient scellée de leur sang.
[Polycarpe]. De ce nombre se trouvaient Polycarpe, disciple des apôtres, et un très ancien ministre de l’Église de Smyrne, qui était appelé le docteur de l’Asie et le père des chrétiens, et Pionius, une personne sainte et un serviteur diligent de Jésus-Christ. Ces deux-là ont été brûlés avec plusieurs autres chrétiens. Les savants et fidèles serviteurs de Dieu, Justin le Philosophe et Irénée, évêque de Lyon (dont les livres écrits pour la religion chrétienne, contre toutes sortes d’hérésies, sont éclairants) ont été tués par l’épée .
[Grande persécution à Vienne et à Lyon]. Mais cette persécution était cruelle et inhumaine, surtout dans les villes de Lyon et de Vienne, situées sur le Rhône, d’où les fidèles ministres qui se trouvaient dans ces villes écrivirent une lettre aux frères des Églises d’Asie et de Phrygie. Cette lettre se trouve dans le cinquième livre de l’histoire d’Eusèbe, aux chapitres 1, 2, 3 et 4. Dont nous présentons ici l’extrait, à rapporter et à comparer avec l’état des Églises de notre temps.
[Épitre des fidèles de Lyon et de Vienne à ceux d'Asie]. Après avoir dit dans la préface qu’il serait impossible de décrire les tourments des martyrs, contre lesquels l’ennemi s’était alors ligué plus furieusement que jamais, ils montrent d’abord que les persécuteurs ont privé les chrétiens de leurs privilèges et de leurs charges publiques, les ont chassés des compagnies, ont commencé à se mutiner, à crier contre tout le monde, les traîner, les battre, piller, puis les accuser et les faire emprisonner, irritant le gouverneur pour qu’il les traite avec toute la rigueur possible.
[Vetius Epagathus]. Ils ajoutent : « Vetius Epagathus, l’un de nos frères, très affectueux envers Dieu et envers son prochain, tout enflammé de zèle, et ne pouvant plus supporter les procédures iniques qui nous étaient reprochées, demanda audience pour montrer que nous n’étions pas méchants comme on nous en accusait. Les adversaires s’opposèrent à cette demande, et le gouverneur, sans égard pour le statut de cet individu, un honorable gentleman, au lieu de l’écouter, lui demanda simplement s’il était chrétien. Ce que Vetius confessa à haute voix, il fut saisi avec les autres et appelé l’avocat des chrétiens, avec lesquels il souffrit la mort ensuite. Parce que le Consolateur l’accompagna, il usa de sa charité en abandonnant sa vie pour maintenir l’innocence de ses frères. Et il était un vrai disciple de Jésus-Christ, fuyant l’Agneau partout où il allait. Les principaux parmi les martyrs, fuyant cet exemple, se présentèrent incontinents au tourment, prêts en toute joie de cœur à confesser le nom de Dieu jusqu’à la dernière goutte de leur sang
[Révolte de dix personnes]. Il y en avait quelques-uns qui étaient mal préparés, inexpérimentés, infirmes et inaptes à résister au choc, dix entre autres, qui se révoltaient : cela nous attristait et nous mettait dans un deuil extrême, car ils émoussèrent (1) la ferveur de ceux qui n’avaient pas encore été appréhendés , qui jusque-là avaient accompagné de près les martyrs. Nous nous sommes retrouvés très perplexes, ne sachant pas quelle serait l’issue, non pas parce que nous craignions les tortures, mais parce que nous réfléchissions à l’issue et craignions que d’autres ne se découragent. Maintenant, chaque jour, on emprisonnait quelques-uns des frères que Dieu honorait tellement qu’à travers eux il remplissait la place de ceux qui s’étaient révoltés.
[Calomnies contre les anciens Chrétiens renouvelées en ce dernier âge contre les fidèles en France et ailleurs]. Les dirigeants des deux églises, les pasteurs, les diacres et les anciens ont été emprisonnés. Par les mêmes moyens, quelques serviteurs païens des chrétiens furent également appréhendés par l’ordre du gouverneur, qui ordonna qu’une recherche générale soit menée.
Ceux-ci, vaincus par les assauts couverts par Satan, craignant d’être jetés dans la géhenne comme leurs maîtres, et soudoyés par les soldats et les bourreaux, ont confessé contre la vérité que dans nos assemblées nous avons mangé de la chair humaine, et sans distinction de parenté, nous avons commis indistinctement l’inceste et des actes vils, ce qui ne doit pas être pensé ou raconté, ni même croire qu’il y ait jamais eu des hommes qui aient voulu converser de cette manière les uns avec les autres. Cette calomnie ayant été publiée et tenue pour vraie, tout le monde commença à nous poursuivre et à nous traiter avec toutes les indignités qu’on peut imaginer, de sorte que ceux qui s’étaient montrés auparavant bienveillants envers nous à cause de la familiarité qu’ils avaient avec nous furent très offensés et commencèrent à déverser leur colère contre nous. Et par ce moyen, ce que le Seigneur a dit s’est accompli : « Un temps viendra où ceux qui vous tueront croiront qu’ils rendent service à Dieu. » Jean 16
[Tourments des Martyrs de Lyon et de Vienne en Dauphiné] et [Blandine servante Chrétienne, digne de mémoire éternelle]. Alors les saints martyrs endurèrent tant de tourments qu’il ne serait pas possible de les raconter. Et le diable fit tout son possible pour que même quelques blasphèmes puissent s’échapper de leur bouche. Or, la colère de tout le peuple, ainsi que celle du gouverneur et des gendarmes, s’enflamma contre Sanetus, diacre de Vienne, et contre Maturus, qui venait d’être baptisé, mais qui était un vaillant combattant, et contre Atalus, de nationalité pergaménienne, qui a toujours été le pilier et le soutien de nos églises, et contre Blandine. par lequel Jésus-Christ a montré que ce qui est de peu de valeur et non pas excellent, mais méprisable aux yeux des hommes, est d’une grande valeur et d’une grande estime devant Dieu, à cause de l’amour et de l’affection des saints envers lui, qui ne se sont pas manifestés en apparence, mais vraiment et en fait.
Car nous avions tous peur, et avec nous notre maîtresse, chair perfide, étant du nombre des martyrs qui ont combattu, qu’elle ne resterait pas ferme dans sa confession à cause de la faiblesse et de la fragilité de son corps. Mais Blandine était si remplie de cet esprit de confiance que ceux qui la tourmentaient de toutes sortes de manières, du matin au soir, chacun à leur tour, s’asseyaient, et leurs forces leur manquaient, avouant qu’ils étaient vaincus, ne sachant plus rien d’elle, et étaient stupéfaits, voyant que même son corps était complètement brisé. écrasé et ouvert partout. Et quand ils ont témoigné qu’une seule sorte de torture avait suffi pour lui ôter la vie, combien plus tant de tourments, et de si grands, pouvaient-ils faire cela.
[Défense de Blandine]. Mais ce combattant, non moins chanceux que vaillant, reprit des forces en faisant des aveux. Et chaque fois qu’elle disait : « Je suis chrétienne » ; De plus, il n’y a pas de mal à faire entre nous, elle se sentait comme renouvelée, éprouvant une grande et merveilleuse paix et un soulagement de ses douleurs. Quant à Sandus, il endurait constamment, plus que la force humaine ne peut en supporter, tous les tourments que les hommes lui infligeaient.
[Confiance de Sanctus Diacre de Vienne]. Et comme les méchants, à cause de passions et d’angoisses si dures, s’attendaient à entendre de lui quelque parole honteuse et inopportune, il leur résista avec une telle confiance qu’ils ne purent lui faire dire son propre nom, ni de quel pays, ni de quelle ville, ni de quelle condition il était, libre ou servile, mais à toutes les questions et à toutes les exigences qu’on lui adressait, il a seulement répondu en langue romaine : Je suis chrétien. Et ses réponses furent toute la confession qu’il fit de son nom, de sa ville et de sa lignée, les Gentils étant incapables d’obtenir de lui une autre parole. Et c’est pourquoi le gouverneur et les bourreaux ont fait un grand effort, dans leur frustration contre lui.
Maintenant, ne sachant que faire, ils ont finalement appliqué des lames de cuivre, toutes rouges de feu, sur les parties les plus molles de son corps. Ses membres furent brûlés ; cependant, sans s’étonner, il resta confiant et ferme dans la confession qu’il avait faite, étant arrosé et fortifié par la fontaine céleste d’eau vive, coulant du ventre du Christ. Son corps témoignait des maux qui lui avaient été faits. Car son tout petit corps était tout disjoint, couvert de blessures et complètement grillé, ayant même perdu la forme humaine extérieure. Et Jésus-Christ, persévérant dans sa personne, obtint une grande gloire, et confondit l’adversaire, et montra clairement, pour l’instruction des autres, qu’il n’y a rien qui puisse étonner celui en qui est l’amour du Père, ni rien de hideux et de misérable où la gloire de Jésus-Christ est réunie.
Car quelques jours plus tard, ces bourreaux iniques tourmentèrent de nouveau ce martyr du Seigneur, et s’attendaient à être très victorieux sur lui lorsqu’ils reviendraient tourmenter son pauvre corps, tout gonflé et couvert de plaies, ne pouvant supporter qu’on le touchât ; ou bien que les autres auraient peur s’il mourait de torture. Mais contre l’attente des hommes, son corps a été redressé et restauré par les autres tourments qui s’en étaient échappés, et a retrouvé la forme et l’usage originels de ses membres, de sorte que le second supplice lui a apporté la guérison.
[La Bible relève et fortifie dans la bataille]. Et comme le diable pensait qu’une certaine femme, nommée Biblis, l’une de celles qui avaient abjuré, avait perdu courage, et voulait l’exposer à la condamnation par des blasphèmes, il la conduisit à l’exécution, bien qu’elle fût de peu de cœur, et la força à dire des choses méchantes sur nous. Mais pendant qu’elle était torturée, elle retourna à la foi, et comme si elle eût été réveillée d’un profond sommeil, elle revint à la vie, au milieu de la torture temporelle, du tourment éternel, qui est dans la Géhenne de feu, et contre toute espérance, elle commença à contredire les bourreaux, en parlant de cette manière forte :
[Biblis plaide la cause de l'Église].
Comment se fait-il que ceux qui n’ont pas le droit de manger le sang des bêtes
brutes mangent la chair des petits enfants ? (L’Église primitive, à cause de
l’infirmité de beaucoup, conservait encore quelques cérémonies de l’Église
d’Israël.) Et à partir de ce moment-là, confessant ouvertement qu’elle était
chrétienne, elle était dans la même condition que les Martyrs.
[Nouveaux
tourments inventés par les persécuteurs].
Or, comme c’est que, par la grâce de Jésus-Christ, les bourreaux, dans leurs
tourments tyranniques, n’ont rien gagné à la patience des bienheureux martyrs,
le diable a imaginé d’autres ruses, de sorte que les fidèles, étant enfermés
dans une prison sombre, à l’intérieur d’un cachot puant, avaient les pieds
étendus comme une torture, et tirés jusqu’au cinquième trou. et là endurèrent le
reste des tourments que les bourreaux, désespérés et remplis d’une rage
diabolique, ont coutume d’infliger ; de sorte que beaucoup y furent étranglés,
c’est-à-dire ceux que le Seigneur voulait attirer à lui pour leur montrer sa
gloire. Et certainement, après avoir enduré des tortures si horribles, que même
si toutes sortes de remèdes avaient été appliqués, on n’aurait jamais pensé
qu’ils pourraient vivre, ils sont restés en prison, dépourvus de toute
aide humaine, mais néanmoins restaurés par le Seigneur, et confirmés dans leur
corps et dans leur esprit, de sorte qu’ils ont même exhorté et consolé les
autres. Mais quant aux plus jeunes, qui furent appréhendés de nouveau, dont les
corps n’avaient pas été flagellés ou battus auparavant, ils ne purent supporter
les ennuis de la prison, et y moururent. Mais le bienheureux Photin, diacre dans
l’église de Lyon, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, très faible de corps, et
qui ne pouvait bien respirer, à cause de sa fragilité corporelle, était
néanmoins rempli d’une grande joie d’esprit, parce qu’il était saisi d’une
affection singulière pour le martyre, il fut ainsi traîné devant le siège
judiciaire, ayant son corps complètement affaibli, à la fois à cause de la
vieillesse et des maladies qu’il avait souffertes, ayant également réservé son
âme à cet effet, afin que Jésus-Christ puisse triompher à travers elle. Les
gendarmes l’emmenèrent au siège judiciaire, et les gouverneurs de la ville
l’accompagnèrent, qui, avec toute la population, poussèrent de grands cris,
comme s’il était lui-même le Christ, et finalement il rendit un bon témoignage.
[Photin cruellement traité et meurt en prison]. Interrogé par le gouverneur, qui était le Dieu des chrétiens, il répondit : « Si tu es digne de le connaître, tu le sauras ; » sur quoi il fut immédiatement traîné et rudement battu de diverses manières, car ceux qui étaient près de lui l’insultaient de leurs mains et de leurs pieds, sans se soucier de sa vieillesse. tandis que ceux qui étaient loin jetaient furieusement tout ce qui lui tombait sous la main, et tous étaient d’avis que ce serait un grand péché et une énorme impiété si quelqu’un s’abstenait de lui faire du mal. Car c’est par ce moyen qu’ils pensaient se venger de l’injure faite à leurs dieux. Et comme il ne pouvait pas respirer correctement, il a été traîné en prison, où il est mort deux jours après y avoir été mis. On y a démontré une conduite singulière et la providence de Dieu et la miséricorde infinie de Jésus-Christ. Car ceux qui avaient abjuré pendant la première persécution étaient aussi emprisonnés et participaient aux afflictions.
[Révoltés, emprisonnés, et châtiés comme menteurs et méchants]. L’abjuration qu’ils avaient faite ne leur était d’aucune utilité à ce moment-là. Et ceux qui avouaient franchement ce qu’ils étaient étaient étaient emprisonnés comme chrétiens, tandis que les autres qui avaient abjuré, néanmoins détenus comme menteurs et méchants, étaient doublement punis pour cela. Or, la joie du martyre, l’attente des promesses, l’amour de Jésus-Christ et l’Esprit du Père céleste étaient un soulagement merveilleux pour les premiers, mais les seconds ressentaient un grand remords dans leur conscience, à tel point qu’en passant, ils montraient sur leurs visages des signes qui révélaient ce qui les affligeait intérieurement. Les premiers marchaient joyeusement, ayant sur leurs visages les marques d’une grâce glorieuse et merveilleuse. Si forts que leurs liens leur servaient d’ornement convenable et convenable, comme si elles avaient été des épouses, ornées de leurs franges dorées et de couleurs diverses, et leur faisaient sentir bon avec le doux parfum du Christ. À tel point que certains pensaient que les martyrs étaient parfumés de quelques onguents précieux. Mais ceux-ci s’en allèrent tristes, la tête baissée, défigurés, couverts de toute ignominie et de tout déshonneur. De plus, les païens leur jetaient tous les reproches qu’ils pouvaient imaginer, comme s’ils étaient des scélérats et des lâches, et les accusaient d’assassins, s’étant dépouillés du titre de chrétiens, honorables, glorieux et pleins de vie. Les autres, ayant vu ces choses, furent fortifiés, et, saisis, se confessèrent hardiment et franchement, n’ayant même pas une seule pensée de l’esprit diabolique. )
[Divers supplices des Martyrs du Seigneur]. "Or, un peu plus tard, il est ajouté dans cette épître : « Ces choses étant ainsi faites, les martyrs par lesquels ils passèrent de cette vie à l’autre furent achevés et complétés par une grande diversité de tourments. Car ces martyrs offraient à Dieu une couronne de différentes couleurs et toutes sortes de fleurs. Il était également raisonnable que ces vaillants champions, qui avaient enduré de grandes batailles, remportent la couronne de l’incorruptibilité.
[Marturus, Sanctus, Blandine et Attalus exposés aux bêtes]. C’est ainsi que Maturus, Sanelus, Blandina et Attale furent conduits aux bêtes pour être un spectacle, et un jour fut assigné à ce combat contre les bêtes. Et de nouveau Maturus et Sandus furent tourmentés de toutes les manières dans l’amphithéâtre, comme s’ils n’avaient encore rien souffert, mais plutôt comme s’ils avaient combattu pour la couronne. Après avoir repoussé l’adversaire de plusieurs manières, ils endurèrent de nouveau le fouet, comme il est d’usage en ce lieu, et furent mis en pièces par les bêtes, souffrant aussi tout ce que la populace furieuse criait de tous côtés, ordonnant qu’on le leur fasse. En outre, ils furent placés sur un siège de fer tout rouge de feu, d’où leurs corps, comme s’ils eussent été frits dans une poêle, parfumaient tous les spectateurs de leur odeur. Cependant, les bourreaux ne cessèrent pas pour cette raison, mais furent encore plus enragés, souhaitant vaincre la patience des martyrs. Or, quoi qu’ils pussent essayer, aucune autre parole ne sortit de la bouche de Sandus, si ce n’est cet aveu qu’il avait l’habitude de faire dès le commencement. Ainsi, ces saints personnages, ayant conservé leurs âmes au cours de ces batailles diverses et dures, furent finalement tués ce jour-là, après avoir été un spectacle pour tout le monde, et servaient de divertissement pour le peuple, au lieu des combats qui se tenaient entre les hommes dans un champ clos.
[Blandine pendue en une potence, puis ramenée en prison pour être tourmentée de nouveau]. Blandine fut pendue à une potence et exposée aux bêtes qui se précipitaient contre elle pour la dévorer. Et on la voyait pendue dans ce bois, en forme de croix, et, priant sans cesse, elle donnait du courage aux autres combattants fidèles, qui pouvaient, dans cette terrible bataille, contempler de leurs yeux extérieurs, dans leur sœur, Celui qui a été crucifié pour eux, afin que tous ceux qui croient au Fils de Dieu soient bien persuadés que tous ceux qui perdurent pour la gloire de Jésus-Christ sont en communion avec eux. le Dieu vivant. Et comme il se trouvait qu’aucune de ces bêtes ne la touchait pour lui faire du mal, elle fut descendue de cette potence et ramenée en prison, réservée pour d’autres batailles, de sorte que, ayant été victorieuse dans tant de batailles fortes, elle montra à ce serpent tordu que sa condamnation était entièrement irrévocable. Car même cette petite femme, faible et méprisable, qui représente pourtant ce vaillant et invincible champion qu’est Jésus-Christ, elle exhorta et encouragea ses frères, après avoir repoussé l’adversaire de tant de manières, et finalement, à travers tant de batailles si difficiles, elle obtint la couronne incorruptible.
[Attalus comment traité]. Quant à Attale, le peuple exigeait aussi à chaque occasion qu’il fût conduit au supplice, car il était très renommé. Et lui aussi, plein d’une bonne conscience, s’en alla joyeusement au combat. De plus, il avait pratiqué avec beaucoup de bonheur tout l’ordre et la discipline chrétiennes, et avait toujours rendu un bon témoignage de la vérité qui est parmi nous. Il fut donc conduit tout autour de l’amphithéâtre, et on porta devant lui un panneau sur lequel il était écrit en lettres romaines : « C’est ici Attalus le chrétien ». Le peuple tremblait et grinçait des dents avec rage contre lui ; mais quand le gouverneur apprit qu’il était Romain, il ordonna qu’on le renvoyât en prison, avec les autres qui étaient là, pour lesquels il avait écrit à l’Empereur, dont il attendait aussi une réponse. Le temps entre les deux n’a pas été oisif pour eux, ni sans fruits, et une incroyable miséricorde de Jésus-Christ a été révélée dans leur patience.
[Les Martyrs emploient heureusement le temps]. En fait, les morts ont été ramenés à la vie par ceux qui étaient vivants, et ceux-ci, en tant que martyrs, ont fait du bien à ceux qui n’étaient pas.
[Les révoltés reprennent leur premier zèle]. La vierge mère (c’est-à-dire l’Église) a été très réjouie, car elle les a reçus vivants, au lieu qu’ils soient sortis de son sein comme s’ils étaient morts. Car beaucoup de ceux qui avaient abjuré revinrent à eux, et furent de nouveau engendrés et ressuscités, apprenant à faire une confession courageuse. Maintenant qu’ils ont recouvré la vie, et qu’ils sont fortifiés par la bonté et la douceur de celui qui ne veut pas la mort du pécheur, il est facile de pardonner à ceux qui se repentent, ils ont été amenés au siège du juge, pour y être de nouveau interrogés par le gouverneur. [Persévérants en la vraie religion exécutés à mort]. Car l’empereur avait décrété que ceux qui persisteraient dans leur confession seraient étendus comme des tabourins (1), et que ceux qui abjureraient seraient relâchés lorsqu’ils commenceraient à célébrer la grande fête, où une foule très nombreuse se rassemblait de tous côtés.
(1) Comme on étend la peau sur un tambour
Ce jour-là, où il tenait le tribunal, les bienheureux martyrs furent conduits au siège judiciaire, pour être présentés en spectacle devant cette grande multitude, et il les interrogea de nouveau : Ceux qui avaient des droits de citoyenneté à Rome ont eu la tête coupée, et les autres ont été exposés aux bêtes.
[Décapités et exposés aux bêtes]. De plus, le Seigneur Jésus a été grandement glorifié dans ceux qui avaient auparavant abjuré. Car alors ils se confessèrent, contre l’espérance et l’opinion des païens : ils furent de nouveau interrogés séparément, comme ceux qu’ils voulaient libérer et libérer ; mais après s’être confessés, ils furent placés parmi les martyrs. Ceux qui n’avaient aucune trace de foi, aucun sentiment de la robe de l’Époux, aucune pensée de la crainte de Dieu, mais qui, ayant plutôt tourné leurs robes, diffamé sa vérité, restaient dehors, comme des enfants de perdition. Tous les autres furent unis à l’Église, Parmi ceux qui furent interrogés, il y avait un certain individu nommé Alexandre, de nationalité phrygienne, médecin de profession, qui avait vécu plusieurs années en Gaule et qui était connu de presque tout le monde à cause de l’amour qu’il avait pour Dieu et de l’audace qu’il montrait dans son discours (car il ne manquait pas de dons et de grâces apostoliques). On le trouva près du tribunal, exhortant ses frères par des signes à confesser ouvertement Jésus-Christ, et comme il avait une expression triste, il fut soudain remarqué par toute l’assemblée. Cette foule, très bouleversée de voir des confessions faites par ceux qui avaient auparavant renoncé à leur foi, a crié fort contre Alexandre, le blâmant pour cela. Le gouverneur le pressa vivement de répondre à qui il était, et quand il dit à haute voix : « Je suis chrétien », le gouverneur très en colère le condamna à être dévoré par les bêtes. Le lendemain, il fut amené avec Attale. Car le gouverneur aussi, pour plaire à toute cette populace, l’exposa de nouveau aux bêtes. Ils ont été emmenés à l’amphithéâtre, et après avoir enduré toutes les douleurs et tous les tourments, et de toutes les manières qu’ils pouvaient imaginer, ils ont finalement été mis à mort. Et pourtant, pas un seul soupir ou une seule parole ne put être extrait des lèvres d’Alexandre, alors qu’il parlait à Dieu du fond de son cœur.
[Attalus et Alexandre exposés aux bêtes]. Quant à Attalus, alors qu’on le plaçait sur une chaise de fer toute rouge de feu, et qu’on le brûlait là, de sorte qu’on pouvait sentir l’odeur de sa chair ainsi rôtie et brûlée,
[Qui sont les mangeurs de chair humaine]. il se mit à dire en langue romaine : « Voici ce que vous faites, c'est vraiment manger et avaler les hommes; mais quant à nous, nous ne mangeons point la chair des hommes, & ne faisons aucune méchanceté."
[Blandine et Pontique le jeune garçon]. Puis on lui demanda quel nom avait Dieu, et il répondit que Dieu n’avait pas de nom comme un homme. Or, après toutes ces choses, pour le dernier jour des jeux, Blandine fut de nouveau mise au monde avec Pontique, qui était un jeune garçon de quinze ans. Ils avaient été mis au monde tous les jours, afin d’assister aux tourments des autres, les obligeant à jurer par le nom de leurs idoles. Mais parce qu’ils restaient fermes dans leur foi, sans les mépriser, cette foule furieuse devint si aigrie contre eux qu’elle n’était pas du tout émue de pitié pour le jeune âge de Pontique, ni ne montrait aucun respect pour la faiblesse de cette femme. Après leur avoir fait souffrir un nombre infini de douleurs, ils les prenaient et les faisaient tourner sur eux-mêmes pour les affliger et les tourmenter de toutes les manières possibles, les pressant toujours de jurer par le nom de leurs idoles ; mais ils ne purent jamais l’obtenir d’eux, car Ponticus était merveilleusement fortifié par sa sœur. Les infidèles s’aperçurent qu’elle exhortait et encourageait Ponce, qui, après avoir constamment enduré toutes sortes de tourments, rendit son esprit à Dieu.
[Blandine gardée la dernière ; singulier exemple de la puissance que Dieu déploie en l'infirmité des siens, par lesquels il triomphe de Satan et du monde. Après mille tourments elle est mise à mort par un taureau ]. Quant à Blandine, elle fut gardée pour la fin : après avoir, en noble mère, exhorté ses enfants et les avoir envoyés à leur Roi Jésus, et après avoir soigneusement considéré toutes leurs luttes, elle s’avança enfin à leur poursuite, toute joyeuse et gaie en chemin, comme si elle était à un banquet nuptial, et non comme si elle avait été jetée et exposée aux bêtes. Après avoir été flagellée, exposée aux bêtes, et comme frite dans une poêle, elle fut finalement enveloppée dans un filet et exposée à la violence d’un taureau, qui, effrayé après l’avoir jetée avec ses cornes, lui fit rendre son esprit. Elle, n’ayant aucune idée de tout ce qui lui avait été fait, à cause de l’espoir des choses qu’elle croyait et de sa conversation familière avec Jésus-Christ, a finalement expiré. Les païens et les infidèles furent forcés d’avouer qu’il n’était jamais arrivé parmi eux qu’une femme eût enduré de si terribles tourments. Mais malgré tout cela, leur rage et leur cruauté contre les saints ne cessèrent pas. Car ces bêtes sauvages, chassées par Satan, qui est une bête cruelle, n’avaient pas de repos. Et comme ils étaient violents et scandaleux, ils résolurent de tourmenter le corps d’une autre manière. Car bien qu’ils aient été conquis en eux-mêmes, n’étaient-ils pas apaisés pour tout cela, d’autant plus qu’ils avaient perdu tout sens et toute entendement humains.
[Le gouverneur et le peuple enragés contre les fidèles]. Mais au contraire, le gouverneur et le peuple étaient enflammés de rage comme des bêtes furieuses, montrant également leur haine méchante contre nous, afin que s’accomplisse l’Écriture, qui dit que celui qui est méchant est encore plus méchant, et que celui qui est juste peut encore être justifié. (Apoc. XXII, 11).
[Exposent les corps aux chiens]. Car ils jetèrent aux chiens ceux qui avaient été étouffés ou étranglés en prison, et ils établirent des gardes qui veillaient jour et nuit pour nous empêcher d’enterrer nos frères. Et en même temps, les reliques des corps qui avaient été laissés à la fois par les bêtes et par le feu, en partie déchirés et en partie brûlés, furent présentées avec les têtes des autres et quelques parties de leurs corps, qui restèrent sans sépulture, et pendant plusieurs jours des soldats furent chargés de les garder. Là-dessus, les uns murmurèrent, les autres grincèrent des dents entre eux, cherchant de nouveaux moyens de se venger à nouveau. Il y en avait d’autres qui riaient et se moquaient, glorifiant leurs idoles, leur attribuant toutes les douleurs et tous les tourments que notre peuple avait endurés. Quant à ceux d’entre eux qui étaient les plus doux et les plus bienveillants, et qui semblaient avoir quelque compassion, ils leur faisaient encore des reproches, disant : « Où est leur Dieu, et à quoi leur a servi cette religion, qu’ils ont même préférée à leur propre vie ? » C’est ainsi que ces infidèles et ces païens ont été agités de diverses manières. Quant à nous, nous étions merveilleusement affligés, incapables d’ensevelir les corps de nos frères. Car la nuit ne nous aidait pas du tout dans cette affaire, et les gardes ne pouvaient être gagnés par l’argent, ni apaisés ni adoucis par tant de prières et de supplications. Au contraire, ils les gardaient très soigneusement, comme s’ils avaient tiré un grand profit du fait que les corps des martyrs n’étaient pas enterrés. Après cela et quelques autres choses, on ajoute ce qui suit dans la même épître : « Enfin les corps des martyrs exposés à la moquerie et au ridicule, couchés sur la terre pendant six jours, enfin brûlés et réduits en cendres par ces infidèles, furent jetés dans le fleuve de la Rosne, qui traverse là, de sorte qu’on ne pouvait penser qu’il n’en restât aucun résidu sur la terre. Maintenant, ils manquaient à ces choses, comme s’ils avaient la force de vaincre Dieu, et de donner tous les moyens aux martyrs de revivre, afin qu’ils n’aient plus, disaient-ils, aucun espoir de résurrection, dont ils nous persuadent, ils nous introduisent dans une religion étrange et nouvelle, et méprisent les tourments, allant hardiment et joyeusement à la mort. Voyons maintenant s’ils se relèveront, et si leur Dieu pourra les aider et les délivrer de nos mains. C’est ce qu’Eusèbe a compris dans le 5ème livre de son histoire.
[Prince de Polycarpe]. Ce que le même auteur raconte du martyre de Polycarpe, évêque de Smyrne, est vraiment mémorable pour l’instruction et la grande consolation des fidèles. Après avoir raconté comment les persécuteurs cherchaient ce bon pasteur, qu’ils trouvèrent caché par les fidèles dans un endroit isolé, il fut informé trois jours avant sa capture que sa cachette était dans un incendie qui le consuma en un rien de temps. Pour cette raison, il assura à ceux qui l’accompagnaient qu’il mettrait fin à cette vie mortelle dans le feu. Lorsqu’il fut découvert, il descendit vers ceux qui le cherchaient, leur montrant une très bonne attitude, mettant la table pour eux, et ayant obtenu d’eux de prier Dieu pendant une heure en leur présence, il les étonna tellement que la plupart d’entre eux se lamentèrent et détestèrent le traitement dur infligé à un vieillard aussi honorable. À ce sujet, Eusèbe ajoute : : «Après avoir terminé sa prière, dans laquelle il résumait toute sa vie et mentionnait l’Église universelle, l’heure du départ étant venue, on le plaça sur un âne pour être emmené à la ville. »
[Est sollicité à la révolte]. Quelques-uns d’entre eux vinrent à l’acte de lui, qui avait les mit dans leur charrette, lui dit : « Quel mal y aurait-il à dire : Vive l’empereur et à sacrifier ? » Au premier coup d’œil, il ne dit pas un mot. Mais et comme ils l’exhortaient : « Je ne ferai rien, dit-il, de ce que tu me conseilles. » Ils virent leur douleur et leur parole perdues, et se mirent à le malmener, et le poussèrent de la charrette vers le bas, de sorte qu’il se froissa la cuisse. Néanmoins, comme s’il n’avait rien souffert, il passa. La route était couverte de gens, c’est pourquoi très peu de gens entendirent une voix qui leur criait du ciel : « Polycarpe, prends courage, et a continué jusqu’à la fin. « Personne ne vit celui qui parlait ; la voix a été entendue par de nombreux chrétiens. Lorsqu’ils entrèrent dans la ville, il y eut un grand bruit de la part des gens qui disaient que Polycarpe avait été pris.
[Demandes et Réponses]. Le gouverneur, devant qui il fut amené, l’interrogea.
D. Êtes-vous celui qui s’appelle Polycarpe ?
R. Oui.
D. Renoncez à votre religion, considérez votre vie, jurez par la vie de l’Empereur, changez votre manière de vivre, dites qu’il est bien fait d’exterminer les chrétiens. Là-dessus, Polycarpe, regardant d’un œil ferme la foule qui l’entourait, levant la main avec un grand soupir et levant les yeux au ciel, répondit :
[réponse notable de Polycarpe]. Exterminez ces infidèles ici.
D. Jure, haï le Christ, je te laisserai aller. R. Je sers Christ depuis quatre-vingts six ans. Il ne m’a jamais fait de mal ni de mécontentement : comment pourrais-je dire du mal de mon Roi qui m’a sauvé ?
D. Jure par le bonheur de César.
R. Si vous prenez plaisir à me faire parler, faisant semblant de ne pas savoir qui je suis, je suis chrétien. Si vous voulez savoir ce qu’est le christianisme, attribuez-moi un jour, et vous en entendrez parler.
D. Parlez-en aux gens.
R. C’est à vous que je m’adresse. Nous avons appris à rendre aux princes et aux Magistrats l’honneur qui leur est propre, et qui ne nous fait pas de tort : quant à la populace, elle est incapable d’entendre mes défenses.
D. J'ai des bêtes pour te faire manger par elle, si tu ne changes pas ton langage.
R. Faites-les entrer. Ma résolution n’est pas de passer du bien au mal : au contraire, c’est notre honneur de laisser derrière nous les mauvaises choses pour suivre les justes.
D. Je te ferai brûler si tu méprises les bêtes et persistes dans ton opinion.
R. Vous me menacez d’un feu d’une heure, et vous ne savez pas que c’est un feu éternel préparé pour les réprouvés. Pourquoi tardez-vous autant ? Faites le pire que vous pouvez.
[Procédures contre Polycarpe, approchantes de la façon de faire des persécuteurs de notre temps]. Polycarpe, parlant ainsi, se sentit plein de foi et de joie. Son visage était si rose qu’au lieu d’être troublé par les menaces du gouverneur, on le vit très gai, tandis que le gouverneur était pâle, qui envoya un des officiers crier trois fois au milieu de la place : Polycarpe a avoué qu’il est chrétien. Après ce cri, tous les païens et les Juifs qui restaient dans la ville de Smyrne se mirent à se déchaîner et à crier de tous côtés : « Il est le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos dieux, et il a prêché à beaucoup qu’ils ne doivent pas être adorés. » Ils supplièrent ensuite ce gouverneur de faire déchiqueter Polycarpe par un lion ; ce qu’il refusa de faire, disant que le lion avait déjà couru et chassé. Alors ils se mirent à crier qu’il serait brûlé vif, ce qui leur fut promptement accordé, afin que s’accomplisse ce que Polycarpe avait prédit à ses amis : « Il est nécessaire que je sois brûlé vif. Le peuple courut aussitôt aux entrepôts et aux greniers, d’où il apporta du bois et des branches, et il fut encouragé par les Juifs qui travaillaient avec beaucoup de courage, selon leur coutume. Ayant préparé le bois, Polycarpe se déshabilla et essaya de se réchauffer, puis ils l’entourèrent de ce qui était nécessaire à l’exécution. Comme ils voulaient l’attacher au poteau, il leur dit : Laissez-moi tel que je suis ; celui qui m’a accordé la grâce de mépriser le feu me fortifiera tellement que, sans être lié, je resterai ferme et debout dans les flammes. À sa demande, ils se contentèrent de le lier avec des cordes, et lui ayant lié les mains derrière le dos, ils le présentèrent comme une grande victime du plus beau de tout le troupeau, comme un sacrifice de doux parfum au Dieu tout-puissant, à qui pria Polycarpe qui s’enfuit :
[Prière de Polycarpe]. Père de ton Fils bien-aimé et bienheureux Jésus-Christ, par qui nous avons appris à te connaître, Dieu des anges, des vertus, de toutes les créatures, et de tant de fidèles qui vivent en ta présence, je te rends grâce de l’honneur que tu m’as fait aujourd’hui et à cette heure, que je suis parmi les martyrs, et que, buvant à la coupe du Christ, je puisse participer à la résurrection de la vie éternelle dans mon corps et dans mon âme par la vertu de l’Esprit Saint. Je me présente maintenant devant toi comme un sacrifice, que je te prie d’accepter ; Ce que tu fais et accomplis a été manifesté ici devant toi. Dieu Véritable qui ne peut mentir. Maintenant, je te remercie pour tant de bénédictions, je bénis ton saint nom, je te glorifie par mon prêtre éternel Jésus-Christ ; ton Fils bien-aimé, à qui soit la gloire , à lui et à l’Esprit Saint, maintenant et à jamais. Amen.
Comme il était mourant, les bourreaux mirent le feu au tas de bois : mais comme le feu s’enroulait autour de ce martyr sans l’approcher, les méchants se mirent à crier à l’un des bourreaux, lui ordonnant de le transpercer d’un coup de lance. Cela fait, tant de sang coula du corps de ce saint homme, pasteur de l’Église de Smyrne, que le feu fut presque éteint. Et là-dessus, il rendit paisiblement son esprit au Seigneur. Douze hommes de Philadelphie furent aussi brûlés à Smyrne avec lui, et quelques autres par la suite qui glorifiaient le nom de Jésus-Christ. Or, j’ai longuement raconté les exploits des martyrs de Lyon et de Vienne, et les procès tenus contre Polycarpe, parce que cela montre comment les anciens persécuteurs cherchaient surtout contre les serviteurs de Dieu. Je répéterai ici ce que j’ai déjà dit plus haut : Qui sera assez dépourvu d’intelligence pour oser dire que la doctrine et la pure religion des saints martyrs et témoins de Jésus-Christ ont été fausses, bien qu’ils aient été livrés par Dieu entre les mains des païens, leurs ennemis ? Et que la fausse religion de ces incroyants a été bonne et vraie parce qu’ils ont vaincu physiquement et tué les pauvres fidèles ? Ou bien, qui aura l’audace de vouloir disputer avec Dieu, pourquoi a-t-il permis à son Église bien-aimée d’être opprimée par tant de grandes afflictions ?
[La Religion chrétienne confessée, et vaillamment défendue et prisée]. Mais Dieu, par sa grâce, a suscité en ce temps-là, et aussi après, parmi les païens eux-mêmes, des individus saints et érudits, d’une grande estime et d’une grande autorité, qui, par leurs écrits savants, saints et divins (qu’ils appelaient Apologies) adressés aux empereurs romains, au Sénat et aux gouverneurs, ont proposé l’innocence des chrétiens, confessé, magnifié, et a défendu la religion chrétienne, et a prouvé que les chrétiens sont innocents des crimes dont ils ont été accusés à tort. De plus, ils ont eu l’audace de découvrir, de critiquer et de réfuter par ces apologies la vanité et la fausseté de la religion païenne. Maintenant, j’énumérerai ci-dessous les noms de ces individus, tirés d’Eusèbe, et je noterai le temps où ils ont vécu, afin que tous puissent voir comment la foi chrétienne, pendant les grandes persécutions, s’est manifestée ouvertement et hardiment, sans aucune crainte ni appréhension.
L'an du Seigneur 119, Quadratus, homme craignant Dieu, et de grande autorité, présenta un livre à l’empereur Adrien, en faveur des chrétiens. Sept ans plus tard, un gentilhomme romain nommé Serenus Granius envoya un écrit similaire au même empereur. Un personnage éminent nommé Aristide a fait de même. Ces livres troublèrent tellement l’empereur qu’il instruisit son lieutenant en Asie, nommé Minutius Fundanus, qu’à l’avenir il ne recevrait aucune accusation contre les chrétiens, à moins qu’ils ne soient accusés de quelque autre crime.
[Au 4 liv. chap. 9 de l'Histoire Ecclésiastique]. En l’an 141, Justin le Philosophe, un homme bien connu dans tout l’Empire romain, écrivit et envoya des excuses pour les chrétiens à l’empereur Antonin, connu sous le nom de Pieux. La même chose fut faite par Athénagoras, et Apollinaire, pasteur de l’église de Hiérapolis, et Miltiade. Cet empereur Antonin défendit à ses lieutenants en Asie de causer aucun mécontentement aux chrétiens. Une copie de sa lettre se trouve dans le quatrième livre de l’Histoire ecclésiastique, chapitre 13. De même, Athénagoras, un philosophe athénien, a écrit une Apologie à Marc Aurèle Antonin et à Lucius Aurelius Commode, qui est imprimée en grec et en latin. Il y avait aussi à Rome un sénateur très sage et très excellent, nommé Apollonius, qui, ayant été recherché et accusé à cause de sa foi chrétienne, composa un très beau livre sur la religion des chrétiens et leur innocence, qu’il présenta au sénat ; néanmoins, il fut mis à mort, ce qui arriva en l’an de grâce 188. Enfin Tan 209. Tertullien a également écrit un très beau livre pour les chrétiens, dans lequel il démontre leur innocence, la folie des superstitions païennes, et la vérité et l’excellence de la religion chrétienne. Ce livre, intitulé Apologetic, est toujours dans la lumière. Des Apologies de Justin et de Tertullien, nous allons extraire pour le moment ce qui est pertinent pour montrer à quoi ressemblaient les églises chrétiennes de cette époque.
[État des anciennes Églises chrétiennes]. Ceux qui croient (dit Justin dans sa seconde Apologie pour les chrétiens) ce que nous professons de la véracité du Christ, et qui promettons de vivre selon sa parole, apprennent d’abord à demander à Dieu, par des prières, accompagnées de jeûnes, qu’il leur pardonne leurs péchés passés, et nous joignons nos prières aux leurs. Ensuite, nous les conduisons à l’eau, et ils renaissent de la même manière que nous avons été régénérés, car ils sont baptisés d’eau au nom du Père de tous, de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, et du Saint-Esprit. Après avoir instruit et baptisé quelqu’un, nous le ramenons aux frères de l’assemblée, afin que nous puissions tous ensemble faire des prières, tant pour nous-mêmes que pour celui qui a été nouvellement éclairé dans la connaissance de son salut, afin qu’en adhérant à la doctrine pure, nous vivions si saints que nous puissions être trouvés de fidèles observateurs de la volonté de Dieu et que nous puissions obtenir la vie éternelle.
[Ce changement n'est pas en la substance des signes, ainsi l'usage, c'est qu'ils représentent le corps et le sang du Christ : ce qu'ils ne faisaient pas auparavant]. Une fois la prière terminée, nous nous saluons par un baiser. Le ministre ayant achevé l’action de grâces, les diacres donnent aux fidèles présents leur part de pain et de vin trempés, consacrés par l’action de grâces, et permettent qu’une partie soit portée vers les absents. Cette nourriture s’appelle l’Eucharistie parmi nous, à laquelle personne ne communie, sauf ceux qui tiennent notre doctrine pour vraie, qui ont été baptisés avec le lavage de la régénération pour la rémission des péchés, et qui vivent comme le Christ l’a enseigné. Car nous ne prenons pas cela comme du pain et du vin ordinaires, mais comme Jésus-Christ, Fils de Dieu, notre Sauveur fait vrai homme, a pris chair et sang pour notre salut : c’est aussi par la parole de prière et d’action de grâces que nous apprenons que la nourriture sacrée qui, lorsqu’elle est changée, nourrit notre chair et notre sang, est la chair et le sang de ce vrai Jésus-Christ.
Le dimanche, les fidèles des villes et des champs se rassemblent, puis on lit les écrits des prophètes et des apôtres. Une fois que le Lecteur a terminé, le Ministre donne une exhortation à l’importance d’une vie vertueuse. Après cela, les riches font l’aumône, s’ils le souhaitent, chacun à leur discrétion. Leurs contributions sont remises entre les mains du ministre, qui les distribue aux orphelins, aux nécessiteux, etc. Nous tenons nos assemblées le dimanche parce que ce jour-là, Dieu a créé le ciel et la terre, et Jésus-Christ est ressuscité des morts.
Tertullien, dans son œuvre apologétique, chapitre 39 : « Nous nous réunissons, dit-il, en grande compagnie, afin d’obtenir de Dieu, par la prière et comme par la force de plusieurs voix, ce qui nous est nécessaire. Une telle importunité lui plaît. Nous prions pour les empereurs et pour les affaires publiques, etc. Nous sommes rassemblés pour entendre la lecture de la parole de Dieu et pour être exhortés à nous repentir ou à être fortifiés selon les circonstances de l’époque. Dans tous les cas, par une prédication sincère, nous nourrissons la foi, nous élevons l’espérance, nous renforçons le courage, et nous n’oublions pas de répéter soigneusement l’obéissance aux commandements de Dieu.
Dans nos assemblées, nous avons les exhortations, les réprimandes et les censures de l’Église, qui juge avec un examen attentif ceux qui échouent, bien consciente que Dieu les regarde. Si quelqu’un a commis un tel scandale qu’il est banni des lieux où l’on fait des prières et d’autres exercices saints et publics de la religion, cela est considéré comme une sentence définitive de mort éternelle pour lui. Quelques-uns des anciens bien éprouvés, qui se sont élevés à ce degré d’honneur, non par l’argent, mais par le témoignage de la piété, président de telles assemblées. Chaque personne apporte une petite aumône, mensuellement, ou quand il lui plaît, tant qu’elle le peut. Car personne n’est contraint ; Au contraire, chacun donne volontairement. Et ce sont là les dépôts de piété, dont personne sauf les pauvres n’ont part.
[Parle des banquets que les Chrétiens faisaient tous assemblés ensemble, à la fin desquels ils communiquaient à la Sainte Cène du Seigneur. 1 Cor 2]. Dans nos assemblées, nous avons les exhortations, les réprimandes et les censures de l’Église, qui juge avec un examen attentif ceux qui échouent, bien consciente que Dieu les regarde. Si quelqu’un a commis un tel scandale qu’il est banni des lieux où l’on fait des prières et d’autres exercices saints et publics de la religion, cela est considéré comme une sentence définitive de mort éternelle pour lui. Quelques-uns des anciens bien éprouvés, qui se sont élevés à ce degré d’honneur, non par l’argent, mais par le témoignage de la piété, président de telles assemblées. Chaque personne apporte une petite aumône, mensuellement, ou quand il lui plaît, tant qu’elle le peut. Car personne n’est contraint ; Au contraire, chacun donne volontairement. Et ce sont là les dépôts de piété, dont personne sauf les pauvres n’a part.
À la fin de la table, nous prions Dieu comme au début. Ce bref extrait de l’Apologétique de Tertullien nous conduit à travers l’ordre du temps jusqu’à la 5e persécution de l’Église sous l’empereur Septime Sévère, environ deux cent cinq ans après la naissance de Jésus-Christ. Ce prince, comme l’atteste Tertullien (qui vivait de son temps) dans son livre à Scapula, avait de bonnes dispositions envers les chrétiens et s’opposait à la fureur du peuple qui les poursuivait.
[Cinquième persécution sous Severus]. Il a même publié des édits en leur faveur. Or, dans la neuvième année de son règne, étant allé en pèlerinage à l’idole de Sérapis à Alexandrie, il changea d’avis. Dans cette lettre adressée à Scapula et ailleurs, Tertullien mentionne les principaux auteurs de la persécution, ainsi que saint Cyprien, qui les distingue en trois groupes, à savoir les païens, les Juifs et les hérétiques. Les crimes attribués aux chrétiens étaient la sédition et le crime de lèse-majesté. Ils ont été accusés d’être des meurtriers, des sacrilèges, des incestueux, des meurtriers d’enfants et des cannibales, se mélangeant comme des bêtes brutes, après l’extinction des cierges, adorant une tête d’âne et le Soleil comme leur Dieu ; qui avait apporté tous les malheurs dont le monde était foulé, comme saint Cyprien dit que Démétrien a ainsi diffamé la doctrine de l’Évangile et les anciens chrétiens. Eusèbe décrit cette persécution à Sévère, dans le 6ème livre de son Histoire, ch.1. et parle des fidèles d’Égypte et de Thébaïde, exécutés à mort dans la ville d’Alexandrie, entre qui était Léonide, père d’Origène, un médecin très renommé, et beaucoup d’autres. La persécution était véhémente à Carthage, tout comme le livret de Scapula le monstre, et en Capadoce de même, les martyrs furent décapités et brûlés. Leurs biens ont été confisqués.
Cependant, tous persévérèrent sans cesse, et, au milieu des tortures, condamnèrent et détestèrent les superstitions de leurs adversaires, ce qui est amplement traité dans l’Apologétique de Tertullien, qui découvre la vanité et l’iniquité des païens, répond à toutes les calomnies imposées aux chrétiens, et prouve qu’ils ne sont coupables d’aucun des crimes qu’on leur attribue. Au cours de ces horribles tempêtes, la foi, la charité et la patience des fidèles ont grandi et ont été purifiées comme de l’or dans la fournaise : et le Seigneur, d’autre part, a préservé beaucoup de pasteurs et d’autres individus de son Église pour restaurer les choses après la mort de cet empereur ; et l’état de l’Église était tout à fait paisible sous Caracalla, Macrin et Héliogabale. Mais la sixième persécution a été ravivée sous Maximin, dont il faut aussi dire quelque chose.
[Sixième persécution sous Maximin]. En l’an du Christ 239, Jules Maximin persécuta l’Église chrétienne, ordonnant que les docteurs de l’Église soient principalement saisis, ainsi que les pasteurs et les ministres : car ce sont eux qui ont séduit (comme il l’a dit) les pauvres par leur prédication, et ont été la cause des troubles dans l’Empire. Et pourtant, il a fallu les dépêcher pour rétablir la paix dans l’Empire et purifier le monde de cette fausse doctrine. Plusieurs ministres de l’Église furent alors mis à mort, parmi lesquels se trouvaient Pamphile et Maxime.
[Hérésie des Helchesaites, renouvellée par les faux Nicodémites de notre temps. Septième persécution sous Decius].
Origène écrivit en ce temps-là, pour la consolation de l’Église, un beau livre sur le martyre, où il montre que les vrais chrétiens doivent confesser et témoigner de leur foi, par la bouche et par les actes, et la sceller de leur sang, si nécessaire. Car à son époque, s’était élevée une secte pernicieuse d’Helchesaïtes, qui disait qu’il suffisait d’avoir et de garder la foi dans le cœur, et qu’on pouvait bien (en cas de nécessité) la nier verbalement. Cette opinion est tout à fait contraire à la doctrine de l’Évangile et des Apôtres. Mat. 10 et Rom. 10. chapitre. Et cette persécution et cette effusion de sang ont duré trois années entières.
L’an du Christ 252, ou, comme d’autres disent, 254, commença et fut attisé par toutes les provinces de l’Empire, sous Dèce, la septième persécution contre l’Église chrétienne, qui fut beaucoup plus cruelle que la précédente. L’Église a été privée de beaucoup d’excellentes figures dans cette persécution. Sixte, évêque de Rome, fut décapité. Laurent, son diacre, a été grillé, comme le mentionne le poète Prudentius, avec plusieurs autres, dans ses hymnes. Dans celui d’un martyr nommé Romain, il discute excellemment de la religion chrétienne et de ses véritables pratiques.
[Grande cruauté].
Il décrit également les tourments de saint Hippolyte, qui fut démembré par des chevaux sauvages. Babylas, le très excellent serviteur du Christ et évêque d’Antioche, fut tué. Il pria instamment qu’on mette près de lui la chaîne avec laquelle il avait été traîné à la mort, comme son ornement et son collier de l’ordre. Sérapion, après avoir été déchiré par plusieurs blessures, a été jeté du haut de sa maison en bas. Macaire, Alexandre et Épimaque furent brûlés. Beaucoup d’excellentes vierges furent cruellement tourmentées et mises à mort, à savoir Apollon, Eugène, Vidoire, Théodore, Anatholie, Rufina et plusieurs autres. Denis, évêque d’Alexandrie, écrivit une lettre à Fabien, ministre d’Antioche, dans laquelle il ne raconte que les saints martyrs qui furent mis à mort à Alexandrie sous Dèce. Cette lettre se trouve dans le sixième livre de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, chapitre 3.
Hermannus Contractus (1) fait aussi une longue énumération dans sa chronique des saints martyrs, qui souffrirent la mort en divers endroits de l’empire sous Dèce. En bref, dans cette persécution, une quantité infinie de sang précieux d’innocents a été versée. De même que Tertullien avait plaidé la cause des chrétiens sous Sévère, Cyprien, évêque de Carthage, son disciple, fit de même et réfuta les calomnies des païens en répondant à l’un de leurs principaux défenseurs, nommé Démétrien. La prudence répondit aussi plus tard, dans de beaux vers latins, aux plaintes et aux objections de Symmaque, le grand ennemi des chrétiens.
(1) Hermann dit Contractus, à cause de son état de paralysie, fut moine dans l'abbaye de Reichenau (1015-1054). Il a laissé une Chronique.
[Huitième persécution sous Valérien]. Une grande persécution avait cessé d’être vue. La persécution commença sur l’ordre de l’empereur Valérien en l’an 260 du Christ, au cours duquel deux excellents personnages furent décapités, à savoir Corneille, évêque de Rome, et Cyprien, évêque de Carthage en Afrique. Les histoires mentionnent un grand nombre de grands personnages qui reçurent à cette époque la couronne du martyre. De nombreux fidèles ont ensuite été torturés dans le but de les détourner du tourment cruel de la foi chrétienne vers celui des païens, dans lequel ils n’ont pas obtenu ce qu’ils désiraient.
[Les fidèles furent aussi instigués à renoncer leur foi par voluptés]. Je ne puis oublier ici ce que saint Jérôme raconte dans la vie de Paul, le premier ermite, à propos du temps des persécutions sous Dèce et Valérien. Il affirme que les persécuteurs n’ont pas seulement tenté de faire renoncer les chrétiens à leur religion par d’étranges tourments, mais aussi par divers plaisirs. En effet, lorsqu’ils ne pouvaient les contraindre à renier leur religion par aucune sorte de tourments, ils essayaient d’y parvenir par les plaisirs, en leur envoyant de belles femmes, qui les incitaient à la débauche et à la méchanceté ; Et il y avait un de ces martyrs qui, pour se libérer d’une telle femme, lui a coupé la langue avec ses propres dents et la lui a crachée au visage.
Et Paul, à ce moment-là, s’est enfui dans un désert, où il a passé sa vie dans une petite cabane, et Antoine s’est retiré là-bas à la fin de la vie de Paul. Ces deux-là étaient les pères des ermites, c’est-à-dire de ceux qui, s’étant retirés dans les déserts et les lieux solitaires comme s’ils étaient hors du monde, passaient leur temps dans une grande austérité de vie. Saint Jérôme dit aussi que saint Antoine mourut à l’âge de 105 ans, en l’an de grâce 361. De ce commencement est né l’ordre monastique, dont personne ne parlait dans l’Église ancienne, alors que la corruption n’y était pas encore entrée, comme elle l’a fait depuis.
[Plusieurs sont détournés de la religion par l'amour du monde]. Or, à l’époque des persécutions susmentionnées, ils cherchaient à séduire les fidèles par divers plaisirs et délices. Aurélien était empereur en l’an 273 après J.-C., à qui la neuvième persécution est attribuée dans les histoires. Il fut d’abord bon et humain envers les chrétiens, mais vers la fin de son règne, il changea et décida, à l’instigation de certaines factions, de persécuter l’Église chrétienne.
[Neuvième persécutions sous Aurélien]. Eusèbe en témoigne dans le 7e livre de l’histoire de l’Église, chapitre 26. Orose déclare également qu’il n’a pas pu exécuter ou mettre fin à cette persécution, comme il l’avait délibéré, et qu’il a tenté de le faire. Néanmoins, l’Église à cette époque était dans une grande perplexité et une grande angoisse. Mais l’empereur fut tué à l’improviste, et ainsi la persécution cessa.
LA NEUVIÈME ET LONGUE PERSÉCUTION SOUS DIOCLETIEN , MAXIMIEN ET MAXIMIN
Il n’y a personne qui ait écrit avec autant d’ardeur sur cette persécution sous les empereurs Dioclétien et Maximien qu’Eusèbe dans ses deux derniers livres d’histoire ecclésiastique. Car il vivait à cette époque, et il raconte beaucoup de choses qu’il a vues lui-même. Après Eusèbe, Nicéphore en a également traité en détail dans le 7ème livre de son histoire, chapitre 3, etc. L’Église chrétienne avait connu une longue période de grande paix, c’est-à-dire pendant environ vingt-huit ans, du règne d’Aurélien à la dix-neuvième année de l’empire de Dioclétien.
[Trèves de l'Église Chrétienne]. Les chrétiens exerçaient pleinement leur religion, en toute liberté et sans aucune crainte. Les gouverneurs des provinces qui avaient la connaissance de la religion ont beaucoup aidé, de même que le soin apporté par certaines grandes figures d’autorité significative à la cour de l’empereur, à savoir Dorothée et Gorgonius, qui étaient de véritables seigneurs chrétiens. Ainsi, les chrétiens, au début de cette paix, étaient en bon accord les uns avec les autres, fervents au service de Dieu, et vivant saintement. Par ce moyen, le nombre des fidèles a considérablement augmenté, à tel point qu’il a été nécessaire d’agrandir les temples et les maisons où ils se réunissaient pour prier et écouter la parole de Dieu.
Mais avec le temps, ce zèle ardent a commencé à se refroidir, et de nombreux débats et querelles ont surgi, principalement entre les pasteurs et les ministres, qui, devenus arrogants, n’ont cessé de se heurter les uns aux autres, ce qui n’a servi que de scandale et de retard pour le peuple, qui ne s’est pas non plus beaucoup amélioré. Et pourtant, le Seigneur a retiré sa main de son peuple, permettant aux païens d’avoir le pouvoir sur l’Église chrétienne, de la nettoyer et de la purifier de la rouille qui s’était installée en elle et qui augmentait de jour en jour.
[Saint Maurice capitaine sous Maximin]. Il n’est pas hors de propos de mentionner ici ce que l’évêque Ottho de Frisingen (1) rapporte dans le livre III, chapitre 45, sur saint Maurice, qui, étant le chef d’une bande chrétienne sous Maximien, vint en Germanie pour amener les Bacharides ou Bacaudes, qu’Eutrope appelle Bongarides, sous l’obéissance de l’Empire. Il s’agissait d’un groupe de personnes mutines et séditieuses. L’armée ayant donc traversé les montagnes et étant arrivée dans le pays de Valais, Maximien ordonna à ses soldats de sacrifier aux dieux, afin d’avoir plus de chance et d’obtenir la victoire contre les ennemis. Mais Maurice et sa bande, qui étaient chrétiens, refusèrent de sacrifier, disant qu’ils étaient chrétiens, et qu’il ne leur était donc pas permis de sacrifier aux dieux.
(1) Othon, évêque de Freisingen (1109- 1158), a composé une Chronique depuis Adam jusqu'en l'an 1146.
Dès le début, on sépara prudemment les uns de Solleurre, de Bonne, de Cologne, de Sandten et d’autres passages et détroits, comme pour les garnir : enfin, la plus grande partie de la légion dirigée par Maurice fut massacrée en rase campagne par les soldats païens près d’Ododurum et d’Agaunum, aujourd’hui Martinach, et de Saint-Maurice. Saint Jérôme rapporte cette campagne militaire contre les Bongarides à l’an du Christ 290.
[Nonchalance]. Or, d’autant plus que cette affliction de l’Église, et le jugement de Dieu en colère contre les siens, n’ont pas ému beaucoup de gens, mais plutôt beaucoup ont persévéré dans leur stupidité, leur méchanceté et leur ingratitude, le Seigneur a aussi redoublé de coups et relâché les rênes des persécuteurs, pour fouetter son Église plus durement. Pour l’an 19 de l’empire de Dioclétien, et l’an 306. [Édits contre les Chrétiens]. Après la naissance du Christ, au mois de mars, le jour même de Pâques, des édits furent publiés par les empereurs contre les chrétiens, déclarant que leurs temples devaient être détruits et rasés, que toutes les Bibles et tous les livres saints devaient être brûlés, et que ceux parmi les chrétiens qui occupaient des positions dignes, ayant quelques domaines, devaient être renvoyés, déposés et privés de tous les honneurs. Il y avait beaucoup d’autres choses similaires dans ces édits.
[Persécution des ministres de l'Église]. Immédiatement après, il fut de nouveau publié et ordonné par les empereurs, qui les saisirent partout, emprisonnèrent les pasteurs et les ministres de l’Église, et les incitèrent à sacrifier aux dieux : s’ils refusaient de le faire, ils devaient être contraints à toutes sortes de tourments ou mis à mort. Ainsi commença un massacre pitoyable et cruel. Les docteurs et les ministres de l’Église chrétienne furent conduits, traînés et tirés en groupes vers les temples des idoles et vers leurs sacrifices. Il y en avait parmi ceux qui les conduisaient qui, émus de compassion, leur disaient : « Nous vous supplions de vous taire, et au moins de faire semblant d’avoir sacrifié, et nous vous délivrerons. » Mais ils protestèrent bruyamment qu’ils n’avaient pas sacrifié, qu’ils ne voulaient pas sacrifier, mais qu’ils étaient serviteurs de Jésus-Christ. Cela a conduit à l’invention d’étranges et nouvelles tortures contre les chrétiens ; Mais les bourreaux étaient plus las de tourmenter que les fidèles n’étaient là d’endurer. Car, par la grâce de Dieu, ils ont persévéré dans la foi chrétienne jusqu’à la mort. Certains, effrayés par les tourments, renonçaient avec une grande tristesse des fidèles.
[Ce qui s'est passé à Nicodémie]. Cet édit cruel fut publié à Nicomédie, en Bithynie, et à cette époque, les deux empereurs étaient là avec leur cour. Il y avait un citoyen de la ville très renommé pour sa noblesse et sa dignité, qui déchira cet édit des empereurs : c’est pourquoi il fut immédiatement amené devant les empereurs, et ayant avoué qu’il était chrétien, et ce qu’il avait fait, qu’il l’avait fait par zèle ardent, il fut immédiatement livré aux bourreaux. qui le tourmenta jusqu’à la fin, puis le mit à mort.
[Plusieurs Gentilshommes, Seigneurs, et autres notables hommes mis à mort]. Mais au milieu des tourments les plus cruels, on ne voyait en lui aucun signe de trahison. En même temps, plusieurs seigneurs de marque et gentilshommes de la cour de l’empereur furent mis à mort : entre autres nommé Pierre, qui, après de grands tourments, fut brûlé, et finit sa vie dans ce cruel supplice. Dorothée et Gorgonius, chambellans des empereurs, après plusieurs tourments, furent pendus et étranglés. Anthime, évêque de Nicomédie, fut également décapité, et plusieurs citoyens décapités. C’est ainsi que les brebis ont suivi leur pasteur dans la confession du Nom du Christ, à travers les tourments et la mort elle-même.
[Embrasement du palais impérial]. À cette époque, un incendie s’est déclaré à Nicomédie, dans le palais impérial. Dieu a voulu punir par ce moyen la grande cruauté des empereurs et des païens qui ont rôti et brûlé tant de pauvres innocents. Mais il arriva alors, comme à Rome, au temps de Néron, qui, ayant été lui-même la cause de l’incendie de Rome, blâma néanmoins les chrétiens, qui en étaient innocents. Ainsi firent les empereurs qui, par de nouveaux édits, ordonnèrent que les chrétiens soient tués et que partout les chrétiens soient mis au feu et au sang.
[Persécution en Syrie]. En Syrie, les fidèles, les ministres, les nobles et les roturiers, hommes et femmes, jeunes et vieux, furent emprisonnés en grand nombre, de sorte que toutes les prisons furent remplies, et les rues des villes furent désertes, et l’on vit peu de gens. Cela fut rapporté aux empereurs, qui ordonnèrent que ceux qui sacrifieraient soient relâchés, mais que les autres qui persisteraient à être chrétiens seraient mis à mort après toutes sortes de tortures.
[Massacre en Tyr]. À Tyr, en Palestine, des hommes et des femmes ont été exposés et jetés en groupes devant les bêtes sauvages, qui ont été provoquées pour les poursuivre et les déchirer ; mais ils étaient plus compatissants envers les chrétiens qu’envers les hommes, et au lieu de leur nuire, ils se précipitaient sur leurs maîtres. Cependant les païens, plus cruels que les bêtes les plus féroces, se précipitèrent sur les pauvres chrétiens, les massacrèrent et les taillèrent en pièces avec une cruauté au-delà de la brutalité.
[Persécution en Égypte]. En Égypte et en Thébaïde, les païens infligeaient d’étranges cruautés aux fidèles et en tuaient un nombre infini. Ils plièrent et tordirent les branches des arbres en certains endroits qui n’étaient pas très éloignés les uns des autres, puis, ayant attaché un pied des fidèles à une branche et l’autre à une autre, ils lâchèrent soudain les branches, et ainsi les fidèles furent misérablement déchirés. L’abbé de Ursperg écrit qu’à cette époque, en moins d’un mois, plus de dix-sept mille martyrs ont été mis à mort. Eusèbe raconte dans les chapitres 9 et 10 du huitième livre de son histoire les grands tourments de plusieurs chrétiens qu’il avait lui-même vus mis à mort, parmi lesquels il mentionne l’excellente figure de Philéas, qui, ayant écrit sur les martyrs, fut lui-même martyrisé.
Il y avait une ville renommée en Phrygie où le magistrat et les sujets, jeunes et vieux, étaient de foi chrétienne. Les empereurs, ayant encerclé et assiégé cette ville avec leur camp, y mirent le feu, et les gens et les biens furent brûlés ensemble, de sorte que pas un seul n’échappa. Le même Eusèbe raconte beaucoup d’autres tourments par lesquels d’innombrables chrétiens furent mis à mort en Arabie, en Cappadoce, en Mésopotamie, à Alexandrie, à Antioche, et aussi dans le royaume du Pont.
Et bien que ces deux exécrables chiens enragés, Dioclétien et Maximien, aient démissionné du gouvernement, ceux qui sont venus à l’empire, à savoir Maxence, fils de Maximien, et Galère Maximin, n’ont pas persécuté l’Église moins cruellement que leurs prédécesseurs, de sorte qu’ils ont tué et massacré sans fin et sans cesse. Dorothée, vierge noble et vertueuse d’Alexandrie, fut chassée par Maximin ; D’autres vierges, qui refusaient de se conformer à ses actes ignobles, étaient torturées et mises à mort. Sophronia, une dame romaine et l’épouse d’un préteur de Rome, préférait mourir de ses propres mains plutôt que d’être violée par ce tyran immonde.
[Persécution sous Maximin]. Un grand nombre de bons chrétiens furent mis à mort par ce tyran, comme le mentionne Eusèbe dans son dernier livre. Parmi eux se trouvaient trois serviteurs du Christ et de l’Église, connus dans le monde entier : Sylvain, Pierre et Lucien, ministres de Tyr, d’Alexandrie et d’Antioche. Lucien avait travaillé diligemment sur les Saintes Écritures, comme le mentionne saint Jérôme. Ces excellents personnages n’ont pas seulement confirmé et témoigné de la religion chrétienne par la prédication et les écrits, mais aussi par leur sang, et ils ont persévéré dans la confession du Nom du Christ jusqu’à la fin. Cette persécution cruelle et horrible a duré de l’an 306 à l’an 320 après J.-C., soit un total de 15 ans. En l’an 321 apr. J.-C., la pauvre Église, ainsi harcelée et presque complètement abolie, fut soulagée par l’empereur Constantin, dans la dixième année de son règne, sous laquelle elle trouva la paix. La persécution susmentionnée est la plus longue et la plus cruelle qui se soit produite depuis la naissance du Christ : dans lequel, néanmoins, l’Église chrétienne était invincible par la foi, et foulait aux pieds toute fausse doctrine et toute idolâtrie.
[Dieu est Juste et véritable comme la foi aussi]. Maintenant, pour revenir à ce qu’on a dit plus haut : Qui est celui qui ose dire que la religion des païens et des Romains était la vraie, parce qu’elle avait les empereurs de son côté, qui ont plongé et trempé celle des chrétiens dans leur propre sang, obtenant contre eux tout ce qu’ils désiraient ; au contraire, les chrétiens étaient sous la croix avec toutes sortes de calamités et de misères ? Qui entreprendra de discuter avec Dieu sur ce qu’il a permis à ses bien-aimés d’endurer tant de la part de ces méchants qui se vautrent dans toutes sortes de vices et de vilenies ? Dites-moi si c’était bien ou mal fait ? Car Dieu ne fait que justice, et éprouve et affine les siens par la croix et par les afflictions, comme l’orfèvre éprouve l’or et l’argent dans le feu. Les fidèles le savent bien, et c’est pourquoi, lorsqu’ils sentent de telles pensées naître de l’impatience de la chair, ils s’humilient dans leur cœur selon l’exhortation de l’Apôtre saint Pierre : "Humiliez-vous, dit-il ; sous la main puissante de Dieu, afin qu’il puisse vous exalter en son temps, rejetant sur lui toute votre anxiété, parce qu’il prend soin de vous." (1 Pier. V, 6-7). »
[Trêves de l'Église]. L’Église chrétienne s’est reposée depuis la dixième année de l’empire de Constantin le Grand jusqu’à la trentième et dernière année de celui-ci, et a grandi et augmenté pendant cette période plus qu’elle ne l’avait fait depuis la naissance de Jésus-Christ.
[Abus de repos]. Immédiatement après la mort de Constantin, les ministres de l’Église, abusant de la paix et du repos qu’ils avaient, se livrèrent à de nombreux débats sur la simplicité de la religion : à tel point qu’ils se retournèrent les uns contre les autres, et le peuple se divisa en plusieurs sectes, abandonnant la religion simple et vraie, s’enivrant du mensonge qui engendrait des disputes.
[Hérésies des Ariens plein de blasphèmes]. Car alors surgit l’hérésie méchante et blasphématoire des ariens, qui enseignaient que notre Seigneur Jésus, Fils de Dieu, n’était pas un Dieu éternel, de la même essence que le Père. Constance, également fils de Constantin, fut alors enivré de ce venin. Constantin le Grand laissa trois fils, à savoir Constantin II, Constance et Constant, à qui il partagea l’Empire. Constance se montra l’adversaire des vrais et fidèles docteurs, qui s’opposèrent à la doctrine des ariens en les chassant, et il persécuta principalement saint Athanase et plusieurs autres. Il emprisonna très étroitement certains d’entre eux et tourmenta grandement les vrais fidèles, comme il est plus amplement mentionné dans l’histoire ecclésiastique. Cette persécution a commencé vers l’an 343 du Christ.
[Persécution sous Julien l'Apostat]. Dieu a également visité son Église à cause des querelles et des débats, pas seulement à cause de la nouvelle persécution des païens, comme il l’avait fait avant l’époque de Constantin, comme nous l’avons vu précédemment. Car l’empereur Julien s’opposait fortement à l’Église chrétienne, s’efforçant de la ramener à l’idolâtrie des païens. Cela s’est passé en l’an du Christ 366. Ce Julien avait été auparavant non seulement chrétien, mais aussi lecteur dans l’Église. Mais dès qu’il s’associa à certains philosophes, et surtout au sophiste Libanius, il se détourna peu à peu de la religion et finit par embrasser celle des païens, dans laquelle il devint si aveuglé et endurci qu’il essaya par des lavements d’effacer de son corps le saint baptême des chrétiens. Et il était tellement possédé par le diable qu’il se mêlait beaucoup des arts magiques et prenait un grand plaisir à faire des choses agréables à Satan.
[celui qui abuse méchamment de la grâce et de la patience de Dieu]. Élu empereur, après avoir remporté une grande victoire contre les Alamans, près de Strasbourg, où il avait tué trente mille hommes, il tourna toutes ses forces contre la religion chrétienne, ouvrant les temples des idoles que Constantin avait fermés, et défendant sous peine de mort qu’on les ouvrît et qu’on y sacrifiât. Mais Julien lui-même sacrifia aux idoles, et permit à tout le monde de sacrifier pour eux, et ainsi le service des idoles augmenta considérablement. Car les païens, qui pendant le règne de Constantin s’étaient tus, espérant que les choses changeraient, se sont alors montrés et ont élevé la voix contre les chrétiens. Julien enleva toutes les dignités, les honneurs et les privilèges que Constantin avait donnés à l’Église et à ses ministres. Il défendit également aux chrétiens d’aller dans les écoles, de peur que les poètes, les orateurs et les philosophes qui leur feraient la lecture ne leur enseignent à réfuter la religion des païens à travers leurs propres livres. Il a également composé lui-même quelques livres contre la foi et la religion chrétiennes, auxquels saint Cyrille, évêque d’Alexandrie, a répondu.
[Les Chrétiens sont appelés Galiléens]. Il se référait aux chrétiens avec mépris comme étant Galiléens, et au Christ lui-même comme Galiléen. Il ne confisqua pas seulement tous les biens de l’Église, mais il imposa également de lourds tributs et impôts aux chrétiens, puis, se moquant d’eux, il dit que leur Jésus-Christ avait interdit la collecte de trésors, et qu’il avait ordonné que si quelqu’un prenait son manteau, il devait aussi donner son manteau. Et c’est ainsi qu’il pilla les pauvres chrétiens, se moquant d’eux ; et quand il leur faisait quelque tort ou quelque mécontentement, il disait qu’ils devaient le supporter patiemment, puisque le Christ le leur avait enseigné.
[L'enseigne des Romains changée]. Ayant également supprimé les représentations des dieux et des idoles des païens de l’étendard romain, il fit ériger à leur place une croix blanche. Julien enleva la croix et restaura les images de Jupiter, Mercure et Mars, de sorte que lorsqu’ils honorèrent l’étendard, se prosternant devant lui, ils pensèrent que les chrétiens honoraient les idoles. De même, il était exigé que les soldats qu’il enrôlait, qui recevaient leur solde, jettent un grain dans les braises qui se trouvaient sur l’autel, honorant ainsi les dieux.
[Ouverte confession de foi]. Sur ce, un événement merveilleux se produisit. Car quelques soldats chrétiens, ayant agi sans réfléchir, après y avoir réfléchi de plus près, coururent vers l’empereur, jetèrent l’argent qu’ils avaient déjà reçu, et crièrent qu’ils étaient chrétiens et qu’ils voulaient mourir en chrétiens. Ils n’avaient pas réfléchi à ce qu’ils avaient fait, et ils avaient beaucoup péché, c’est pourquoi ils s’y sont présentés en personne pour porter le châtiment de la faute qu’ils avaient commise. L’empereur ordonna qu’ils soient décapités, et comme on les amenait à exécuter la sentence, il changea d’avis et épargna leur vie. Néanmoins, il publia une ordonnance selon laquelle à l’avenir les chrétiens ne seraient pas employés à des postes militaires, ni dans les tribunaux de justice et de justice, ni dans aucune autre fonction ou dignité.
[Tourments des fidèles]. Dans tout l’empire, de nombreux chrétiens ont été outragés, insultés, tourmentés et misérablement mis à mort. Parmi eux se trouvait l’excellent et ancien serviteur du Christ, Marc, évêque d’Aréthuse. Il avait autrefois aidé à détruire le temple des idoles qui se trouvait à Aréthuse. Pour cette raison, Julien le haïssait et conseilla aux citoyens d’exhorter Marc à reconstruire ce temple. Cela lui étant impossible, ils exigeaient qu’il paie sa part des frais. Il répondit qu’il ne leur donnerait pas un centime ; Pour cette raison, il a été cruellement mis à mort après plusieurs tourments.
Furent également mis à mort les excellents serviteurs du Christ, Grégoire d’Alexandrie, Eusèbe, Nestorius, Zénon, Basile d’Ancyre et Cyrille, diacre de l’Église de Jérusalem. Dans la ville d’Héliopolis, de nombreuses vierges honorables ont été conduites au théâtre, non seulement nues, mais aussi fendues et remplies d’avoine et d’orge, puis jetées devant les porcs pour être déchirées.
[Trois Martyrs brûlés]. Il y avait à Méroé, ville de Phrygie, trois honnêtes citoyens, Maccdonius, Théodulus et Tatianus, qui se rendaient de nuit au temple des idoles, qui avait été fermé jusque-là, et qui avait été ouvert la veille par le juge de la ville, afin qu’on pût faire des sacrifices. Ils jetèrent les idoles à terre et les brisèrent. Et comme le gouverneur de la ville, Amatus, faisait prisonniers plusieurs autres chrétiens et les torturait pour savoir qui avait brisé les dieux, ces trois derniers se présentèrent devant lui et lui dirent qu’il ne tourmenterait plus personne à cause des idoles qui avaient été brisées, car c’était eux qui avaient fait cela; Pour cette raison, ils étaient rôtis et brûlés lentement. Arthemius, gouverneur en Égypte, ayant persévéré constamment dans la foi chrétienne, fut privé de tous ses biens et finalement décapité, ainsi que plusieurs autres hommes de bien. Si quelqu’un veut avoir une compréhension plus approfondie de ces questions, qu’il lise le sixième livre de l’Histoire tripartite (1), ainsi que l’Histoire ecclésiastique de Rufin, de Théodoret, évêque de Cyrus et de Sozomène.
(1) Histoire qui est l'abrégé de celles d'Eusèbe, de Socrate et de Sozomene
[Julien permit aux Juifs d'édifier un temple en Jérusalem et d'y Sacrifier]. Julien, pour contrarier les chrétiens, qu’il ne pouvait contraindre à accepter la religion des païens, permit aux pauvres et misérables Juifs de s’assembler à Jérusalem, d’y bâtir le temple et d’y sacrifier, en leur promettant son assistance. Ils se rassemblèrent en grand nombre de tous côtés, ayant préparé tout ce qui était nécessaire pour cet édifice, et mis les loges au travail, ayant aussi posé une partie des fondations, et étant tous prêts à construire dessus, lorsqu’un tremblement de terre survint, qui ébranla et ouvrit les fondations, d’où sortit un feu épouvantable. Une grande tempête s’éleva aussi, qui renversa les huttes et tout ce qu’elles avaient érigé, tuant une grande multitude de Juifs. Il y avait aussi une boule de feu, qui est allée ici et là le lendemain, causant de gros dégâts. Cyrille, évêque de Jérusalem, avait toujours, avec une confiance admirable, prédit aux Juifs et aux païens, qui usaient de grandes menaces et d’insolence contre les chrétiens, qu’ils ne bâtiraient jamais le temple, ni ne sacrifieraient, comme il est mentionné dans la prophétie de Daniel et dans l’Évangile. Et plus ils se moquaient du serviteur de Jésus-Christ avant cette destruction, plus ils étaient humiliés et confus après ces grandes merveilles de Dieu.
[321, Nouvelle persécution sous Valens]. Maintenant, bien que les chrétiens aient eu un peu de répit et de soulagement après que Julien ait été misérablement tué en Perse en l’an de Dieu 367, cela n’a pas duré longtemps. Car Valens et son frère Valentinien étant arrivés au pouvoir dans l’empire, Valens fut immédiatement séduit par la doctrine fausse et méchante des ariens ; mais Valentinien resta inébranlable dans la foi chrétienne. Valens commença à persécuter les vrais croyants en l’an du Christ 571 et s’efforça de les contraindre à accepter la doctrine méchante et réprouvée des ariens ; mais l’Église s’y est courageusement opposée. Il chassa de leurs églises les fidèles et bons évêques, pasteurs et docteurs. Il a également tourmenté beaucoup d’entre eux, causant finalement leur mort.
Or, la persécution est très grande partout, et les ministres des églises et les autres fidèles n’ont pas de lieu sûr, mais ils sont partout maltraités, pillés, chassés et massacrés. Les Églises résolurent d’envoyer une ambassade à l’Empereur pour se plaindre et lui demander aide, assistance et protection. Ils ont donc choisi 80 ambassadeurs parmi les dirigeants, afin d’avoir plus de présence. Ils se présentèrent devant l’empereur à Nicomédie et proposèrent ce qu’ils avaient à dire sous forme de supplication. L’Empereur s’agita en lui-même, sans en montrer aucun signe, et convoqua secrètement un de ses serviteurs, Modestus, à qui il donna l’ordre de massacrer tous ces ambassadeurs ensemble. Mais craignant que s’ils les faisaient tuer ouvertement, le peuple ne se mutinât, ils les mirent tous sur un navire, feignant de les envoyer en exil. Les marins qui étaient venus en haute mer mirent le feu au navire, et s’échappèrent dans un esquif, et ainsi brûlèrent le navire et ces 80 serviteurs de Dieu. Cet homme méchant et cruel affligea beaucoup toute l’Église.
[La persécution d'Athanarich]. Ceux qui souhaitent connaître d’autres exemples de ce cruel massacre des chrétiens les trouveront dans le livre 7 de l’histoire de Trip. et dans le 4e livre de Socrate et Théodoret. J’omettrai ici la persécution d’Athanaric (ou Athalaric comme d’autres l’appellent), roi des Goths. Il persécuta également les chrétiens en l’an 373, tuant certains d’entre eux et chassant les autres de son pays. Cependant, puisque certains soutiennent que ceux qui ont été persécutés étaient ariens, c’est pourquoi cette persécution ne doit pas être comptée parmi celles des orthodoxes et des vrais chrétiens. Au contraire, l’Église chrétienne n’a guère eu d’ennemis plus cruels que ces ariens hérétiques, qui étaient en vogue après la mort de Constantin, parce qu’ils joignaient la violence contre les fidèles à leurs blasphèmes, et il faut en dire quelques mots.
[Les persécutions des Églises sous les Ariens].Arius, un homme ambitieux qui s’est battu contre la divinité de Jésus-Christ, a connu une fin très malheureuse. Néanmoins, ses disciples ont continué, et les choses se sont déroulées comme suit : le discours suivant du monstre. Deux ans avant sa mort, Constantin, persuadé par sa sœur Constance, rappela l’hérétique Arius d’exil et bannit Athanase. Ce changement de volonté chez un si grand prince ranima la discorde arienne, car, après le bannissement d’Athanase, Arius retourna à Alexandrie et, comme s’il avait tout gagné, fortifia son parti, si bien que plusieurs évêques, qui n’avaient pas osé dire un mot auparavant, commencèrent à soutenir ouvertement ses erreurs, surtout après la mort de Constantin. Athanase se cacha pendant deux ans et quatre mois auprès de Maximin, évêque de Trèves. Constantin, le fils aîné de Constantin le Grand, un prince magnanime et seigneur de la Gaule, selon la volonté de son père, fit tellement qu’Athanase retourna à Alexandrie. Quand Arius fut mort, Constance, qui était encore jeune, ne soutenait pas ouvertement les ariens, bien que certains évêques de cette secte aient eu un grand accès à lui.
Athanase, ayant été reçu, gouverna son église pendant trois ans. Cependant, à cause des machinations d’Eusèbe, évêque de Nicomédie, et de quelques autres, Constance, devenu un grand ennemi des vrais chrétiens, expulsa de Constantinople l’évêque nommé Paul, et Athanase d’Alexandrie, où un certain homme nommé Georges vint avec une force armée pour y être évêque. Athanase fut forcé de se cacher plus étroitement que jamais et, parce que ses ennemis le cherchaient de tous côtés pour le tuer, il se retira rapidement à Rome, où lui et Paul, évêque de Constantinople, séjournèrent quelque temps avec l’évêque Julius. Puis ils allèrent voir l’empereur Constans, qui était le souverain pacifique de tout l’Occident.
Les affaires furent tellement sollicitées dans sa cour que finalement, avec le consentement des deux frères Constant et Constance, un concile fut convoqué qui se tint dans une ville d’Illyrie appelée Sardes, dix ans après la mort de Constantin le Grand, en l’an de Jésus-Christ 351. Deux cent cinquante évêques y étaient présents, entre autres Athanase et Hosius, évêque de Cordoue (1) , qui (comme le dit l’épître synodale) était très âgé et honorable, pour s’être toujours montré confiant dans la confession de la vérité au milieu de nombreuses afflictions. Ce concile déclara qu’il embrassait la doctrine contenue dans le Credo de Nicée, et condamna tous ceux qui la contredisaient.
(1) Cordoue, Corduba
Le décret de celui-ci est inséré dans l’histoire ecclésiastique de Théodoret, où il est dit, entre autres choses, que le Père n’est pas sans le Fils ; que le Fils n’a pas été engendré et qu’il ne peut pas l’être sans le Père. Or, ce siècle fut si calamiteux qu’en même temps on tint un concile tout à fait contraire à celui de Sardes dans une ville de Thrace appelée Philippopolis, ce qui arriva parce qu’il y avait plusieurs empereurs, tandis qu’à l’époque du concile de Nicée, Constantin en était le seul maître. Constance était jeune, et ses flatteurs le gâtaient. De tels malheurs et troubles dans l’Église proviennent aussi de ceux qui manipulent les princes à leur guise.
Quatre ans plus tard, un autre concile eut lieu à Smyrne (où Constance était présent), contrairement au concile de Sardes. Ici, il faut considérer combien de maux l’Église a été assaillie parmi tant de conciles qui s’opposaient les uns aux autres : car même après Sardes, six autres conciles ont été tenus qui ont falsifié le symbole de Nicée, à savoir les conciles de Smyrne, de Rimini, de Milan, de Séleucie, de Constantinople et d’Antioche. J’en dirai plus tard, afin que nous puissions considérer les calamités de l’Église. Mais d’abord, nous devons conclure formellement l’histoire d’Athanase. Après le concile de Sardes, l’empereur Constant demanda à son frère Constance de rétablir Athanase dans son église d’Alexandrie et déclara haut et fort qu’il le ramènerait si son frère ne le réintégrait pas. Bien que l’affaire ait été prolongée par des moyens subtils, à la fin, les amis de Constance, craignant des troubles, lui conseillèrent d’accorder la restauration d’Athanase plutôt que de provoquer une guerre civile. Finalement, Constance permit à Athanase de retourner dans son Église ; cependant, quelque temps plus tard, Constans mourut, ce qui conduisit Athanase à être à nouveau chassé d’Alexandrie, d’autant plus qu’il avait persuadé Constans d’aller à la guerre. Athanase fut banni et resta caché en Libye pendant six ans jusqu’à la mort de Constance. D’autre part, l’évêque Georges a commis de grandes cruautés à Alexandrie. Il fit approcher des jeunes filles d’un feu ardent et les menaça de les jeter à l’intérieur si elles ne promettaient pas solennellement d’abandonner la doctrine d’Athanase. Pendant le temps de Julien, Athanase revint, et bien que Julien ait ordonné qu’il soit mis à mort, il resta néanmoins dans son église d’Alexandrie jusqu’à la septième année de Valentinien. Entre le moment où il commença à gouverner cette Église et sa mort, il se passa, dit-on, quarante-six ans. Le cours de sa vie montre combien de maux il a été témoin dans l’Église et quelles épreuves il a affrontées, dont le Seigneur l’a cependant délivré.
Or, outre les maux faits à Athanase, excellent serviteur de Dieu, ils n’épargnèrent pas les autres orthodoxes et les vrais chrétiens. Car ils firent reléguer Paul, évêque ou pasteur de l’Église de Constantinople, en Cappadoce, où il fut bientôt étranglé. Marcellus, évêque d’Ancyre, fut banni. Lucius, pasteur de l’Église d’Andrinople, meurt enchaîné en prison. Incapables de capturer Athanase, ils firent tuer Théodule et Olympe, évêques, dans le pays de Thrace. Macédonique, le partisan des ariens, fut établi à Constantinople à la place de Paul, et la persécution s’enflamma contre les vrais fidèles, dont certains furent chassés des temples, tandis que d’autres furent forcés de reconnaître l’hérésie d’Arius comme valide, avec la même violence que les persécuteurs manifestes de l’Église avaient précédemment usée. Certains ont été fouettés si grossièrement qu’ils moururent ; d’autres ont été chassés, privés de leurs biens et de leurs privilèges, desséchés au fer chaud au front, torturés, exécutés d’une mort honteuse ; d’autres sont morts de misère et de pauvreté en exil. Tout l’Orient fut entraîné par ces faux chrétiens dans toutes les provinces de l’empire, et tout à Constantinople, où deux des serviteurs de l’évêque Paul, nommé Martyrius et Marcien, accusés par de faux témoins, l’un sous-diacre, l’autre lecteur dans l’église, furent mis à mort.
L’empereur Constance, à la demande de Macédonius, permit à ce faux évêque de faire des temples des chrétiens ce qu’il voulait : en conséquence, ce Macédonius, suivi d’une troupe d’hommes armés, détruisit tous les temples des fidèles qu’on appelait alors Homousiens. Il causa alors de terribles dégâts, et se précipita aussi sur les pierres vivantes, n’épargnant ni hommes ni femmes, mais leur faisant ressentir ses cruautés d’innombrables façons, et ne cessa pas jusqu’à ce qu’il ait provoqué une émeute à Constantinople, où un grand nombre de personnes furent tuées.
Parmi les persécuteurs des chrétiens, appelés Homousiens, c’est-à-dire Consubstantiels (parce qu’ils soutenaient, ce qui est vrai, que Jésus-Christ dans sa nature divine est de la même substance, c’est-à-dire vrai Dieu comme le Père), il y avait un colonel manichéen, un homme cruel parmi tous les autres, nommé Sébastien, qui commandait les bandes d’assassins. Il écrivit aux gouverneurs des villes et aux capitaines des places qu’ils devaient poursuivre les pasteurs fidèles et livrer les temples aux hérétiques. Il fut bien obéi, car les ministres les plus anciens de l’Église, tels qu’Ammonius, Maïs, Pfenofiris, Ilammon, Plenes, Marc, Athénodore, Dracontius, Philon et d’autres mentionnés dans la lettre qu’Athanase écrivit aux frères habitant les solitudes et les déserts, furent envoyés en exil. Il n’y avait aucune pitié ni compassion pour ceux qui étaient malades et infirmes ; Ils étaient simplement chargés sur des chariots, suivis par des gens pour enterrer ceux qui mouraient au bord du chemin.
Si quelques individus, touchés par l’humanité, faisaient du bien aux pauvres veuves et aux enfants orphelins des chrétiens, ils étaient immédiatement jugés coupables devant le tribunal, où ils étaient condamnés, battus et traités cruellement, en présence de ce Sébastien qui prenait un plaisir singulier aux coutumes des gens comme lui, chez qui la miséricorde et la douceur sont considérées comme des vices. Il a également soutenu les horribles pillages commis ailleurs contre les fidèles, dont il faut dire quelque chose, relatif aux cruautés commises depuis par l’Antéchrist romain et ses adeptes, ornés de beaux titres, à l’ombre desquels ils ont exercé plus de cruauté contre l’Église chrétienne que tous les païens.
Athanase, ayant été averti que Constance l’avait envoyé chercher pour lui ôter la vie, se retira d’Alexandrie dans un lieu sûr. On envoya chez lui un homme nommé Georges de Capadoce, qui, étant entré dans cette église, rassembla des troupes de païens, de Juifs et d’autres méchants coquins, armés d’épées et de bâtiments, qu’il envoya courir vers les fidèles, assemblés pour entendre la parole de Dieu. Les lieux où se tenaient les assemblées furent brûlés. Toute la ville commence à pleurer et à se lamenter. Les habitants réclamaient justice de la part du gouverneur, car les jeunes filles étaient pillées et violées, voire tuées si elles résistaient. Les fidèles ont été foulés aux pieds, décapités, poignardés, assommés, et ceux qui ont pu se sauver ont été grièvement blessés à quelque partie du corps.
[310]. Les païens sacrifiaient à leurs idoles sur la table du Seigneur, blasphèmes et méprisaient notre Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, rendant l’insolence et les visages si vils qu’il serait honteux de les dire. D’autres traînèrent aussi les jeunes filles et les contraignirent à abjurer la religion, foulèrent aux pieds et taillèrent en pièces ceux qui ne voulaient pas l’écouter. Georges, se réjouissant d’une si belle entrée, donna les biens des fidèles en proie à ses massacreurs, qui, se voyant ainsi armés entre leurs mains, commettaient tous les vols qu’on pouvait imaginer, pillaient entièrement les maisons, buvaient le vin des caves, enjambaient le reste, emportant les portes, les fenêtres et les treillis, allumaient à leurs idoles les cierges de cire dont les chrétiens étaient habitués dans leurs assemblées faites quelquefois la nuit.
Cela n’a pas ému les ariens ; au contraire, ils sont devenus encore plus amers contre les chrétiens, au point que vous auriez vu les pasteurs et les anciens de l’Église, et les autres fidèles de tous rangs, même les jeunes filles, être traduits en justice, traînés en prison, puis condamnés au bûcher, fouettés ou privés de leurs moyens ; en particulier, les pensions et les provisions étaient prises à ceux qui servaient l’Église. D’autre part, ce vénérable Georges cria du haut de la chaire contre les chrétiens, et s’enflamma tellement qu’à la veille de Pâques, étant entré dans un certain temple avec un chef des païens, il lui fit saisir trente-quatre jeunes filles, ainsi que quelques hommes et femmes de qualité, puis les fit fouetter cruellement. et ensuite jeté dans une prison étroite. Entre autres actes, il a cruellement fait fouetter une jeune fille qui portait un livre de Psaumes dans ses mains.
Les bourreaux, après avoir déchiré son livre et déchiqueté son corps avec des verges, la jetèrent et l’enfermèrent dans une fosse. La semaine qui a suivi Pâques, il a fait encore pire, ajoutant à l’emprisonnement d’un plus grand nombre de personnes le pillage des maisons de plusieurs chrétiens.
[Comparez ce massacre avec celui de Vassy et d'autres de l'époque récente]. Dans la semaine qui suivit la Pentecôte, comme le peuple s’était rassemblé au cimetière, ne voulant ni entrer dans le temple où prêchait ce faux évêque, ni communier avec lui, cet homme méchant excita le colonel Sébastien, dont nous avons parlé plus haut, qui sans délai rassembla une troupe d’hommes aussi bons que lui, et se précipita sur les fidèles qui priaient Dieu. et avec des dards, des javelots et des épées, il commit un horrible massacre, amenant les jeunes filles nues près d’un feu au milieu de la ville, et leur ordonna de renoncer à la vraie religion. Mais comme ils refusaient de le faire, il les a tellement battus que leurs propres parents et amis ont eu du mal à les reconnaître pendant longtemps.
Il fit tuer à coups près de quarante hommes et relégua tous les autres qu’il put attraper à un certain endroit, ne voulant pas permettre que les corps des tués soient enterrés, mais les fit cacher et les garder sans sépulture. Athanase, dans l’Apologie de sa fuite, Socrate et Théodoret, dans leurs histoires ecclésiastiques, mentionnent ces choses.
Cependant, les ariens obtinrent de l’empereur qu’un concile se tiendrait à Milan pour condamner Athanase et les orthodoxes, c’est-à-dire ceux qui détenaient la doctrine pure. Quelques évêques d’Occident, qui y étaient venus en grand nombre, après avoir découvert la fraude des hérétiques, refusèrent de consentir ou d’être présents avec eux, et firent même une forte censure à l’empereur Constance, qui s’y était trouvé, à la suite de quoi ils furent exilés. Parmi les autres ministres fidèles de l’Église, qui ont courageusement tenu bon, il y avait Paulin et Hilaire, évêques en France, Osius, un évêque espagnol, et Liberius, évêque de Rome, qui résistaient formellement aux ariens et à l’empereur, qui voulaient qu’ils signent la condamnation d’Athanase.
Les ariens continuèrent dans leurs hérésies et leurs blasphèmes jusqu’à ce que Dieu extermine la plupart d’entre eux par d’horribles tortures ; leur impiété a donné naissance à Mohammed, l’Antéchrist de l’Orient, qui a complètement ruiné les églises construites par le sang de tant de milliers de martyrs dans les diverses provinces de cette grande partie du monde.
[Persécution des Chrétiens sous Sapores IX roi de Perse]. Maintenant, avant de parler de Mohammed et des maux qu’il a faits à l’Église de Dieu, ajoutons quelques mots sur les diverses persécutions des fidèles sous d’autres seigneurs que les empereurs romains. Environ trois cent dix ans après la naissance de Jésus-Christ, Shapur, le neuvième roi des Perses, incité par les Mages et les Juifs, déclencha une cruelle persécution contre les chrétiens, racontée par Sozomène dans le livre 2, chapitres 8 et 9, au cours de laquelle seize mille personnes, hommes et femmes, de tous âges, de tous statuts et de toutes qualités furent cruellement mises à mort. Plusieurs de la cour du roi, ainsi qu’un grand nombre d’évêques. Théodoret, dans le livre 1, chapitre 24, Sozomène dans le livre 7, chapitre 21, et Eusèbe dans le livre 4 de la vie de Constantin affirment que l’empereur Constantin intercéda pour les fidèles auprès de ce roi, et même Eusèbe fournit des copies des lettres de Constantin, mais aucune d’entre elles ne clarifie ce qu’elles contenaient.
[Autre persécution sous Isdigerdes et les ses successeurs]. À l’époque de l’empereur Théodose, Isdigerdes, roi de Perse, persécuta également l’Église chrétienne à l’occasion suivante. Un évêque, nommé Audas, doué de grandes grâces, mû par le zèle pour la gloire de Dieu, démolit un temple de Vesta. Le roi convoqua cet évêque ; Après l’avoir doucement réprimandé, il lui ordonna de reconstruire ce temple. Audas répondit que cela n’arriverait pas, et le roi jura qu’il détruirait tous les temples des chrétiens, ce qui fut fait, Audas étant le premier à être massacré. Cette persécution, qui a commencé de cette manière, a duré trente ans. En effet, après la mort d’Isdigerdes, son fils Gororanes la continua, et à sa mort, il enjoignit à son successeur d’en faire autant. « Il est impossible d’exprimer (dit Théodoret dans le cinquième livre, chapitre 39) les tourments que les chrétiens endurèrent : car les uns avaient les mains écorchées, les autres le dos et la tête ; d’autres étaient couverts nus de roseaux acérés, puis ils étaient liés si étroitement avec des cordes que ces roseaux pénétraient longtemps auparavant dans la chair, qui était grossièrement tirée puis par les bourreaux pour augmenter la douleur. D’autres étaient enfermés dans des fosses peu profondes, rassemblant un essaim de loirs qui, n’ayant pas de nourriture d’ailleurs, mangeaient les corps vivants des fidèles, si étroitement liés sur tout leur corps qu’ils ne pouvaient chasser ces animaux qui les dévoraient. Cependant, les fidèles, au lieu de perdre courage, se fortifiaient de jour en jour, et se présentaient même au martyre. Parmi tant de martyrs exécutés sur une si longue période d’années, on notera Hormisda, un seigneur perse de grande réputation à la cour du roi, un autre seigneur vaillant nommé Saenes, et d’autres que ni la noblesse ni leurs services ne pouvaient protéger de la fureur des persécuteurs.
[L'Empereur Théodose délivre les Églises de Perse]. Sur ce, certains chrétiens persans se retirèrent vers des Romains vivant en Perse. D’autre part, grâce à l’intercession d’Atticus, évêque de Constantinople, (qui a travaillé diligemment sur cette question), ils ont obtenu une promesse d’assistance de l’empereur Théodose, qui, tout à coup, laissant derrière lui toutes les autres affaires, a réfléchi à la manière de rétablir la paix dans les Églises. Cependant, le roi de Perse, ayant envoyé quelques ambassadeurs aux Romains pour demander le retour de ses sujets qui s’y étaient réfugiés, les Romains refusèrent de les livrer et tinrent bon avec beaucoup de courage, déclarant qu’ils supporteraient tout ce que le tyran pourrait leur infliger plutôt que de livrer leurs frères et leurs coreligionnaires entre les mains des bourreaux. Les Perses, indignés d’une telle réponse, capturèrent tous les Romains qu’ils purent trouver, les condamnèrent aux métaux (1), pillèrent leurs biens et leurs marchandises en violation des traités et des alliances des princes.
(1) Aux travaux des mines
Théodose commença une guerre ouverte pour la défense de ses sujets et pour délivrer les églises de Perse. Après quelques batailles dans lesquelles les Perses ont été complètement vaincus, Théodose, souhaitant que les églises reprennent leur souffle, a offert des conditions de paix à ceux qu’il avait conquis, qui ont finalement accepté les conditions, permettant aux fidèles de trouver le repos dans ces régions. Pendant ce temps, les ariens continuaient leur insolence et leurs cruautés partout où ils étaient au pouvoir, en particulier en Afrique à travers les Vandales, dont un ancien historien nommé Victor, évêque d’Utique (1), qui vivait à cette époque, a écrit plusieurs livres contenant d’innombrables cruautés commises contre les bergers et les brebis de l’Église chrétienne, dont voici le résumé.
(1) Victor, évêque d'Utique (lisez de Vilc en Byzacène), a écrit l'Histoire de la persécution vandale ou africaine sous Genseric et Hunnéric.
[Persécution de l'Église en Afrique]. Les Vandales s’étant emparés de l’Afrique, d’où ils chassèrent les Romains, et ayant établi une bonne paix dans tout l’Empire, en l’an de Jésus-Christ 443. Genferich, roi des Vandales, seigneur de l’Afrique, qui était arien comme Constance et Valens, s’efforça de contraindre les chrétiens à suivre la doctrine des ariens, de sorte qu’il commença une cruelle boucherie et un massacre des vrais fidèles. Il ferma leurs temples, pilla les pasteurs et fit mourir de faim certains d’entre eux. Bref, il ne s’abstint d’aucun des tourments que Dioclétien et Maximien avaient auparavant infligés aux chrétiens, mais il ne put pas, avec ces grands tourments, faire révolter les fidèles. Honorich, successeur du royaume et de la tyrannie de son père Genferich, en l’an du Christ 476, affligea aussi cruellement les vrais chrétiens à cause de leur religion. Après Honorich, Gondamond fut fait roi en l’an 484 et persécuta également les chrétiens, comme l’avaient fait ses prédécesseurs, il en fut de même pour le roi Trafimond qui, en l’an de Jésus-Christ 503, envoya en exil à l’île de Sardaigne 220 évêques d’un seul coup.
Mais ils furent eux-mêmes rappelés de l’exil à leurs postes en l’an 523 par le roi Gilderich, fils de Trafimond. C’était un excellent prince et un bon chrétien ; mais il fut traîtreusement capturé, emprisonné et là misérablement détenu par Gilimer en l’an 530.
Gilimer, cependant, ne tint pas longtemps le royaume, car il fut renversé par Bélisaire, comme l’écrit Procope, et avec lui se termina le royaume des Vandales en l’an du Christ 535. Ainsi, cette persécution des Vandales en Afrique a duré 80 ans et a emporté plusieurs milliers d’enfants de Dieu, qui tous ont persévéré constamment au milieu de diverses tortures, invoquant le Nom du Fils de Dieu.
LA LONGUE ET TRÈS DOULOUREUSE PERSÉCUTION SOUS MAHOMET ET LES TURCS CONTRE L’ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST
Mais l’Église ne s’est pas du tout modifiée par de telles persécutions et de tels châtiments de Dieu ; Au contraire, la situation s’est aggravée. Car toutes sortes de sectes et d’hérésies, telles que les Macédoniens, les nestoriens, les pélagiens, les eutychiens et plusieurs autres (dont le récit serait fastidieux) augmentaient de jour en jour, entraînant de grands débats, des divisions et des révoltes dans tout l’Orient, particulièrement parmi les cultivés et aussi parmi les incultes. En Occident aussi, l’évêque et l’Église de Rome se sont élevés au-dessus de toutes les autres Églises de la chrétienté, expressément contre la doctrine du saint Évangile et contre les écrits de saint Grégoire lui-même, qui était pape. Pour ces raisons, Dieu a permis à l’Église de sombrer dans un plus grand désordre et de subir des persécutions plus sévères.
[Source du faux prophète Mahomet ; Alcoran livre rempli de mensonges et d'horribles blasphèmes]. En l’an du Christ 613, il y avait en Arabie un hypocrite et un homme rusé très notoire, appelé Mohammed, tandis que d’autres l’appellent Muhammat. Il avait été marchand dès sa jeunesse, mais plus tard, il s’est vanté d’être un prophète et un messager de Dieu, auquel certains groupes juifs adhéraient, ainsi qu’un moine rebelle et hérétique nommé Sergius, avec l’aide duquel il a construit un nouveau livre et une nouvelle loi, qu’il a appelé le Coran, ce qui signifie une assemblée de lois. Ainsi, il a manifestement renoncé aux Saintes Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament, que Dieu nous a données comme loi, et en dehors desquelles il n’y a pas de loi. Mais Mahomet a établi une nouvelle loi pour ses Sarrasins et ses Turcs, et pour tous ceux qui l’ont cru, qui est un recueil de mensonges et de blasphèmes : à tel point qu’il est remarquable de voir comment des gens de quelque intelligence et de quelque intelligence ont pu prendre goût à de tels discours absurdes sans ordre et sans fondement.
[630. Sommaire de l'impiété de Mahomet et des Turcs]. Ce diabolique et faux prophète Mohammed composa donc une religion tout à fait contraire à celle du Christ. Il confesse en effet un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre, que nous devons invoquer et adorer seuls, et aucun autre Dieu ou idole, que les Sarrasins et les Turcs haïssent excessivement. Mais il ne confesse pas, selon l’Écriture Sainte, la distinction des personnes dans une seule et indéniable essence divine, à savoir le Père, le Fils et l’Esprit Saint ; au contraire, il blasphème contre la Sainte Trinité et la nie. Il confesse aussi que le Christ est un grand prophète, qu’il est né d’une vierge sainte et chaste, et qu’il est monté au ciel. Mais il ne confesse pas (en quoi consiste la seule vraie foi) que Jésus-Christ est le Fils éternel de Dieu, le vrai Dieu et le vrai homme, et le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, qui a été crucifié, et est mort pour nous, est ressuscité, et qu’il est à la droite de Dieu le Père, ayant la même puissance que Dieu le Père dans les cieux ; il nie et blasphème contre tout cela, et dit que Jésus-Christ n’a pas été crucifié. C’est aussi pourquoi il ne parle pas en bien de la rémission des péchés, qui s’acquiert uniquement par la foi en Jésus-Christ crucifié. Il ne sait rien de cette foi, ni de la justification par la foi en Christ. Car il invente beaucoup d’autres moyens et services divins pour acquérir le bonheur, ce qui, dit-il, s’obtient en jeûnant, en priant, en faisant l’aumône, en travaillant, en endurant, et surtout en mourant vaillamment pour la foi de Mohammed, dans les guerres et les batailles. Il enseigne que les hommes peuvent accomplir la loi, et de se sauver par les œuvres. Il y a aussi ses prêtres et ses moines, qui, comme il le dit, peuvent être sauvés par leurs mérites. Il confesse la résurrection des morts, mais il parle du bonheur et de la vie éternelle de manière très charnelle, comme si l’on devait avoir un grand plaisir corporel au Paradis, manger et boire avec de belles femmes et de belles filles, et jouir de plaisirs semblables, comme si c’étaient les îles fortunées.
[Prédication et Sacrement]. Il méprise notre prédication et notre doctrine évangélique et apostolique, ainsi que nos assemblées. Il fait circoncire tous ses disciples à la manière des Juifs. Il n’a aucune estime pour notre baptême. Il méprise et crache des blasphèmes contre le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, et contre l’institution de la Sainte Communion, telle que Jésus-Christ l’a ordonnée. Il rejette toute discipline de l’Église. Il a sa propre assemblée, ses temples, ses ordonnances et ses cérémonies. Il se repose le sixième jour de la semaine, c’est-à-dire le vendredi, et fait ses jeûnes, ses purifications et ses lavements. Il a ordonné que nous priions cinq fois par jour. Il n’invoque aucune créature, mais seulement Dieu, et non pas au nom du Christ : c’est pourquoi une telle prière n’est pas agréable à Dieu, parce qu’elle n’est pas faite au nom du Christ, comme nous le faisons dans le Notre Père, qu’il rejette. Saint Jean dit que celui qui n’a pas le Fils n’a pas non plus le Père. (1 Jean 2. 23.)
[Le mariage, séparation]. Le mariage sacré est complètement profané parmi eux, car les hommes peuvent prendre autant de femmes qu’ils veulent, qu’ils peuvent rejeter à leur guise, faisant ainsi beaucoup de mal aux femmes. Il défendit de manger de la chair de porc à la manière des Juifs, et de boire du vin. Mais les riches font d’excellentes boissons, avec lesquelles ils s’enivrent comme avec du vin. Et tout cela est la doctrine du diable, que saint Paul a prédite. (1 Timothée 4. 1)
Nous devons comprendre tout ce que j’ai dit jusqu’à présent sur Mohammed, la superstition et la religion des Turcs tels qu’ils l’observent aujourd’hui, sous les Turcs. J’ai abordé cela aussi brièvement que possible pour ceux qui ne connaissent rien de la religion des Turcs, afin qu’ils puissent avoir un petit résumé ici. Qui n’y voit pas ouvertement ici, comment Dieu, par son juste jugement, a châtié le monde, permettant à une religion aussi perverse et détestable de se manifester et d’obtenir un tel accroissement, comme nous le voyons ? Maintenant, chacun de nous doit comprendre et connaître, en plus, le début de cette cruelle et longue persécution qui dure encore, de cette religion fausse et perverse de Mahomet contre la Sainte Église et la religion chrétienne.
[Persécution des Sarasins, enfants de Sara]. Ce meurtrier, séducteur du monde, et faux prophète Mohammed, a fait croire à son peuple que les Sarrasins étaient les vrais enfants et héritiers de Sarah, la femme d’Abraham. Et pourtant, les promesses faites à Abraham leur appartenaient, et que sa postérité posséderait et dominerait le monde entier. Par conséquent, les Sarrasins devraient vaillamment prendre les armes et occuper tous les royaumes de la terre comme leur propre héritage.
[Quel peuple sont les Sarasins].
Les Sarrasins étaient un peuple grossier et barbare en Arabie, que l’on appelait
dès le début les Agaréniens.
Ils étaient à la solde des Romains, à qui ils ont aidé dans les guerres contre
les Perses. Mais à maintes reprises, il fut insulté par le maître de l’empereur
en les payant, qui usait de ces mots : « Qui pourrait donner assez d’argent à
ces vilains chiens ? » ils abandonnèrent les Romains, puis, sur le conseil de
leur capitaine Homar, ils élevèrent Mahomet leur prince, d’autant plus
volontiers qu’il les avait
si bien instruits et si bien adressés qu’ils n’étaient pas les descendants et
nommés de la servante Agar Agareniens, mais les Sarrasins de Sara, et en tant
qu’ils étaient seigneurs et héritiers de tous les royaumes ; c’était en l’an du
Christ 823.
[Mahomet Prince]. Mohammed est arrivé au pouvoir, il a commencé à répandre sa religion par les armes, l’établissant dans plusieurs pays, persécutant et anéantissant la religion chrétienne, qui a duré neuf ans, jusqu’à l’an du Christ 632.
[Grande suite]. Il promit à tous ceux qui suivraient sa religion le grand bonheur, l’honneur, la domination, la victoire, la richesse, et après cette vie un paradis de grands plaisirs, comme nous l’avons dit plus haut. Et c’est ainsi qu’il avait un grand nombre d’adeptes, car à ce début, tout venait à lui comme il le souhaitait. Car les gens du peuple s’alignent volontiers du côté où il y a la grande apparence, la victoire et la richesse, et ils ont horreur de la croix, des afflictions et des souffrances. Par les mêmes moyens, il ordonna que tous ceux qui diraient du mal de son Coran soient persécutés, ce qui conduisit à une grande révolte de la foi chrétienne et à la persécution contre les chrétiens. C’est donc le commencement du royaume des Sarrasins.
[Amyras des Sarasins]. Après la mort de Mohammed, les Sarrasins nommèrent leurs princes Amyras, ce qui équivaut à dire empereurs. Les noms de ces Amyras et de leurs conquêtes se retrouvent dans les histoires jusqu’à l’an 870 du Christ. Car ils ont mené de grandes guerres, obtenu la victoire et remporté de grandes batailles contre les empereurs de Constantinople, et d'autres rois et seigneurs. Ils ont occupé la Perse, Babylone, la Syrie et la ville de Jérusalem. Ils ont également été victorieux en Asie et en Afrique ; ils appelaient leurs princes Sultans ou Califes, ce qui signifie seigneurs souverains et capitaines. Ils sont également allés en Italie, en Espagne et en France, où ils ont pillé, dévasté, brûlé et pris tout ce qu'ils pouvaient. Il est impossible de raconter adéquatement les cruautés infligées à l'Église du Christ pendant si longtemps, et dans une telle paix, et combien de sang a été versé. Car il n'y a pas si longtemps, les Sarrasins ont été chassés d'Espagne, à savoir en l'an 1487, par le roi Ferdinand le Grand. Ils ont été expulsés d'Afrique en l'an 1517, mais les Turcs ont pris leur place, car c'est Selim, empereur des Turcs, qui les a chassés.
[La guerre].
Cela peut aussi être lié au grand massacre et à l’effusion de sang, qu’on
appelle la guerre sainte, dans laquelle les chrétiens s’efforçaient de
récupérer, des mains des Sarrasins et des mahométans, la ville de Jérusalem et
le saint sépulcre. Mais les pauvres chrétiens n’ont rien fait d’autre que de
perdre complètement le saint sépulcre, et sont allés creuser leurs propres
tombes, et par leur guerre mal conduite, ils ont apporté l’affliction, la
détresse et une grande persécution sur le dos des pauvres chrétiens qui étaient
en Orient, causant ainsi presque tous ceux qui restaient à être consumés. Je
vais ici fournir un bref résumé pour une plus grande clarification de la grande,
douloureuse, très longue et cruelle persécution des Sarrasins contre l’Église
chrétienne. En l’an du Christ 1094, un ermite vint d’Orient, nommé Pierre
d’Amiens, qui, se plaignant aux princes, aux seigneurs et à tout le monde des
grandes afflictions, des tyrannies et des misères que les chrétiens d’Orient
enduraient de la part des Sarrasins et des mahométans, dit qu’il était
nécessaire que les chrétiens d’Occident y pourvoient et délivrent les chrétiens
d’Orient avec une grande armée, et mit les Sarrasins sous le joug.
[Discours de la guerre des Sarasins ; Concile de Clermont]. Le pape Urbain II, disciple de Grégoire VII, convoqua un grand concile à Clermont, où il fut décrété que les chrétiens devaient aller avec une grande force attaquer les Sarrasins, s’emparer de Jérusalem et du Saint-Sépulcre, et délivrer les chrétiens de la tyrannie. Ce concile fut très nuisible à toute la chrétienté et eut une fin semblable à celle mentionnée dans le premier livre des Rois, dans le dernier chapitre. Car il n’y avait pas de bonheur, et non seulement les chrétiens n’ont pas été délivrés de leur tyrannie, mais ils ont été tués en grand nombre, piétinés, persécutés et opprimés beaucoup plus cruellement qu’ils ne l’avaient été auparavant. Et bien qu’il y ait eu beaucoup d’excellents individus qui, poussés par la bonne volonté, ont suivi cette guerre, ils n’avaient aucun fondement pour cela, ni aucun commandement dans les Saintes Écritures, qu’ils étaient obligés d’arracher Jérusalem et le Saint-Sépulcre à la puissance des Sarrasins et de commencer une guerre si grande et si dangereuse. Et quelle que soit l’ampleur d’une conquête, si elle n’était pas de longue durée et qu’ils ne pouvaient pas conserver ce qu’ils avaient acquis, la condition des pauvres chrétiens s’aggravait considérablement. Ce concile a eu lieu en l’an 1095.
[Commencement de la guerre et de la première Croisade]. Immédiatement après le Concile, Pierre l’Ermite commença la croisade et la guerre, et conduisit plusieurs milliers d’hommes à travers la Hongrie en Asie, qui le suivirent avec beaucoup de courage, et pourtant ne firent rien qui durât.
[La 2ème guerre]. Cette première expédition de guerre fut tout à fait malheureuse. Peu de temps après, deux prêtres séditieux et turbulents, appelés Volckmar et Goschard par les historiens, rassemblèrent une grande multitude d’hommes sains d’esprit avec l’intention de les conduire en Asie et de commencer la seconde guerre. Cependant, à leur arrivée en Hongrie, pillant et ravageant, les Hongrois les considéraient comme plus méchants que les Sarrasins eux-mêmes, à tel point que lorsqu’ils se rassemblèrent, ils vainquirent toute cette racaille.
[Troisième guerre sous la conduite de Godefroy de Bouillon]. L’an de grâce 1090. Godefroy et Baudouin de Bouillon, frères, princes de grande renommée et ducs de Lorraine, commencèrent la troisième guerre en Asie. Ils rassemblèrent cent mille cavaliers et trois cent mille fantassins, et s’emparèrent de nombreuses villes renommées d’Asie, y compris la ville de Jérusalem.
[Jérusalem ville capitale du nouveau royaume d'Orient]. L’abbé d’Ursperg dit qu’il y eut une telle effusion de sang que dans le temple même les chevaux étaient en sang jusqu’à leurs paturons. Prise de Jérusalem, en l’an du Christ 1099, elle fut établie comme capitale du nouveau royaume chrétien en Orient, et le duc Godefroy fut élu roi, qui, ayant régné pendant un an, sept princes ou rois lui succédèrent dans le royaume, qui dura environ cent ans : puis, en l’an 1189, tout fut de nouveau perdu. La nouvelle étant venue de l’Orient que Jérusalem avait été prise et qu’un royaume y avait été établi, beaucoup étaient très impatients d’y aller. Car ils espéraient devenir de riches et de grands seigneurs.
[Guillaume Duc de Poitiers fit la 4ème guerre]. C’est pour cette raison que Guillaume, duc de Poitiers, prit la croix en l’an onze cent un, et s’y rendit avec cent mille hommes. C’était le quatrième voyage, qui n’eut pas non plus beaucoup de succès : à peine plus d’un millier en revinrent.
[Les voyages avec grand appareil]. Or, bien que Jérusalem ait été conquise par les chrétiens, les Sarrasins ne cessèrent pas de continuer la guerre avec l’aide qu’ils avaient. Ils pressèrent les chrétiens de si près qu’ils furent obligés de demander de l’aide, à tel point que saint Bernard, abbé de Clairvaux, se méfia de cette guerre et voyagea d’un côté à l’autre, exhortant les princes et les seigneurs à les aider. Il fit tellement de choses que l’empereur Conrad III et Louis III (1), roi de France, Frédéric, duc de Souaube (2) et duc Wolt de Bavière, ainsi que d’autres princes et seigneurs, entreprirent la cinquième croisade et se mirent en route pour Jérusalem avec de grandes forces. Cependant, ils n’ont rien obtenu, et il y avait une telle mortalité dans ces pays étrangers que les princes pouvaient à peine se sauver. Cette grande expédition et ce grand voyage ont eu lieu en l’an de grâce 1147.
(1) septième
(2) Souabe
[1228. Jérusalem encore perdue; la 6ème guerre]. Par la suite, Jérusalem fut à nouveau (comme mentionné ci-dessus) capturée par les Sarrasins, ce qui entraîna une grande perte et une effusion de sang pour les chrétiens, à qui ils l’avaient prise. Dès que cette mauvaise nouvelle fut apportée à l’Occident, l’empereur Frédéric Barberousse, Philippe roi de France et Richard roi d’Angleterre, ainsi que plusieurs autres princes et seigneurs, se croisèrent à nouveau et entreprirent la sixième expédition militaire en Orient en l’an de Dieu 1189, avec une grande puissance, mais ils n’obtinrent rien d’autre que l’excellent Prince, L’empereur Frédéric s’est noyé. Tout le camp fut vaincu par la maladie, et ceux qui survécurent (il n’y en avait pas beaucoup) revinrent en très mauvais état
[la 7ème guerre]. Après tout cela, les deux puissants rois de France et d’Angleterre se sont croisés à nouveau (ce qui était pour la septième fois) en l’an du Christ 1191, sont allés en Asie, y ont perdu un grand nombre de personnes et ont été forcés de laisser Jérusalem aux Sarrasins.
[la 8ème guerre]. En l’an du Christ 1198, le duc Henri, fils de Frédéric Barberousse, se rendit en Syrie pour faire la huitième guerre ; Cependant, il revint bientôt sans rien accomplir et avec de grandes pertes.
[Prophétie d'Honorius]. Après tout cela, le pape Innocent III, un homme téméraire, astucieux et rusé jusqu’à la fin, a voulu se méfier de cette guerre, en l’an 1215. Il convoqua un concile à Rome, l’un des plus grands qui aient jamais existé, où il essaya de faire avancer cette affaire, mais il mourut entre-temps, et fut remplacé par Honorius III, qui n’était pas moins ardent que son prédécesseur, et en plus de cela, il forgea dans son esprit, comme un faux prophète, que saint Pierre lui avait révélé que Jérusalem serait récupérée et reconquise pendant son règne.
[La 9ème guerre]. C’est ainsi qu’a commencé la neuvième guerre et le voyage vers Acre, qui s’appelait autrefois Ptolémaïs. Damiette fut effectivement capturée, mais avec plus de dégâts que de profits. Car un an plus tard, c’est-à-dire en 1223, elle fut reconquise par les Sarrasins. Bref, on n’y gagnait pas grand-chose, et tout continuait à empirer.
[La 10ème guerre]. En l’an de grâce 1228, l’empereur Frédéric, second de ce nom, prince très sage, excellent et victorieux, entreprit la dixième guerre et se rendit en Syrie, vainquit beaucoup d’ennemis, prit plusieurs villes renommées, ainsi que Jérusalem. Mais alors que ce bon empereur était empêché de faire la guerre aux infidèles, le pape Grégoire IX s’empara des Pouilles, dont Frédéric avait hérité successivement : pour cette raison, il fut contraint de conclure un accord défavorable avec le sultan puis de se retirer. L’abbé d’Ursperg critique les actions de ce pape dans sa Chronique, et à juste titre.
[La 11ème guerre]. L’an du Christ, 1248. Le roi Louis de France, accompagné de ses deux frères, Robert et Charles, effectua le onzième voyage en Syrie avec une armée puissante et bien équipée. Mais ils n’ont pas eu de meilleur résultat que d’autres dans le passé. Car Robert fut tué, Charles fut capturé par le soldat, l’armée fut battue, et c’est avec beaucoup de difficulté que le roi Louis put se sauver avec quelques hommes. En l’an de grâce 1270, le roi Louis se prépara une fois de plus à passer en Afrique contre les Sarrasins.
[La 12ème guerre]. C’est le douzième voyage. Mais la peste se print en son camp, tellement qu’il y demeura avec vn de ses fils (car il y estoit allé avec trois de ses fils) & peu de ses gens retournèrent sains & sauves. Et combien qu’il n’y eut aucun heur , bonne-encontre ni fermeté en ceste malheureuse guerre (laquelle avoit esté commencée par l’advis & à l’instigation d’vn hermite, & par l’ordonnance du Concile de Clermont , aussi par la sollicitation & instance continuelle des Papes turbulens, qui cependant auançoyent de plus en plus leurs superstitions & desarçonnoyent mesmes l’Empereur, les Rois & les Princes) & qu’vn chacun apercent ouvertement que Dieu n’y vouloit donner aucune bonne issue , & combien que Jerusalem fut alors perdue , & que les pauvres Chrétiens en Occident fussent rudement traitez, & que ces guerres avoyent plutôt agravé leur persécution qu’autrement :
[Concile de Lyon]. Car Grégoire X convoqua un grand concile à Lyon en l’an 1272 et chercha à lancer une nouvelle croisade. Mais il n’a pas pu réussir, car la calamité et les pertes de biens et de vies avaient déjà été assez importantes. Matthieu Paulmier écrit dans sa chronique : « Après que plusieurs milliers de chrétiens ont été massacrés par les Sarrasins en Syrie, ceux qui sont restés ont fui le pays dans une grande peur. » Cela s’est passé en l’an 1291, année où Paul Émile et les Chroniques de France marquent la fin de cette guerre sacrée, ou plutôt exécrable, qui a duré environ 196 ans.
[Combien a duré cette guerre]. On trouvera difficilement des histoires d’une telle guerre, comme celle dont un moine fut le premier instigateur, avec l’aide des Conciles et des Papes, au grand détriment de toute la chrétienté et des chrétiens pauvres. Quant à ce Pierre l’Ermite, dont certains font grand cas, d’autres doutent, et à juste titre, qu’il soit un homme ou un esprit malin ; Beaucoup disent qu’il était un hypocrite. « Voici ce que j’avais à dire sur la persécution des Sarrasins ; J’ajouterai maintenant quelque chose sur la persécution des Turcs.
[La persécution des Turcs. L'origine des Turcs]. La persécution des Turcs envahit la chrétienté tout comme celle des Sarrasins. Les Turcs sont un peuple tartare qui, en l’an 764, a abandonné sa patrie et, traversant le détroit de la Caspienne, est venu s’installer en Asie, où il est resté et est entré au service des Sarrasins pour combattre pour eux. Au fil du temps, les choses se passèrent si bien pour eux que vers l’an 1051, ils élevèrent parmi eux des princes qui ont depuis affligé et tourmenté les pauvres chrétiens, car les Turcs avaient grandement adopté la religion de Mohammed.
[Quand s'est accrue la puissance des Turcs]. Il n’y a aucun doute que Dieu a suscité les Turcs, un peuple cruel et superstitieux, pour fouetter les chrétiens. Car, comme au temps de Salomon, le nombre de ses ennemis et de son royaume commença à augmenter, lorsqu’il abandonna la loi du Seigneur et bâtit des temples pour ses femmes en idoles ; de même, lorsque le pape Boniface VIII a commencé à s’opposer à la religion chrétienne et a rétabli la loi juive l’année du Jubilé (bien que le Christ y ait mis fin, et que cette restauration ait également annulé le mérite de la mort de Jésus-Christ) en même temps, c’est-à-dire en l’an 1300, cette verge de fer a commencé à se renforcer, c’est-à-dire l’Ottoman, prince des Turcs, qui avait été un berger dans son premier état et de qui descendent les princes, les rois et les empereurs des Turcs, qui ont affligé et tourmenté les chrétiens depuis ce temps-là jusqu’à nos jours, et achèvent la destruction de ce que les Sarrasins avaient laissé ; Ils ont élevé un royaume si puissant qu’il n’y a aucune force au monde qui puisse le subjuguer. Le Turc a étendu son empire au loin, et a beaucoup endommagé, misérablement chassé et mis à mort les Grecs qui étaient chrétiens et sujets de l’empire de Constantinople.
[Orchanes second prince des turcs]. L’année 1328. Orchanes, fils d’Othoman, fut élu empereur des Turcs. Il suivit les traces de son père et tourmenta cruellement les chrétiens. Il assiégea la ville de Nicée, à laquelle l’empereur de Constantinople, voulant apporter son aide, vit l’armée des chrétiens battue, la ville se rendre, et tous les chrétiens qui s’y trouvaient cruellement traités.
[Amurath 3ème prince des Turcs]. En l’an 1350, Amurath Ier succéda à son père Orchanes et fut le troisième prince des Turcs. Il traversa la mer avec sa gendarmerie, prit Adrinople, la Serbie et la Bulgarie. Et comme les princes chrétiens voulaient le chasser, ils furent vaincus avec leur armée par les Turcs.
[Bajazet 4ème prince des Turcs]. En l’an 1373, le quatrième prince des Turcs, Bayezid Ier, commença à régner, apportant des malheurs sans fin à la chrétienté. Parmi ses autres actes, il assiégea Constantinople pendant huit ans. L’empereur de Constantinople, ayant demandé l’aide des princes chrétiens, Charles VI roi de France, Sigismond roi de Hongrie, Jean, duc de Bourgogne, Robert, duc de Bavière, et beaucoup d’autres princes et seigneurs, lui envoyèrent un secours de quatre-vingt mille hommes, qui furent tous vaincus par les Turcs le jour de la fête de saint Michel. près de Nicopolis, en l’an 1395.
[Mahomet 1er, 5ème prince des Turcs]. En l’an 1399, Mahomet, cinquième prince des Turcs, arriva au pouvoir ; il gagna une grande bataille contre Sigismond, roi de Hongrie, à Colombec en l’an 1409 et infligea beaucoup de mal aux chrétiens. Puis, en l’an 1416, Amurath II devint le sixième empereur des Turcs.
[Amurath II, 6-me prince des Turcs]. Ce dernier fit la guerre à Ladislas, roi de Hongrie et de Pologne. Dieu accorda à Ladislas la grâce de vaincre Amurath, et l’obligea à faire une paix qui fut très avantageuse pour les chrétiens. Cette paix fut confirmée de part et d’autre par un serment. Les affaires des chrétiens se portaient assez bien contre les Turcs, pourvu que le pape Eugène IV les eût laissées dans l’état où elles étaient.
[Violement du serment et de la paix]. Il envoya Julien Césarine, son légat, en Hongrie, qui informa le roi Ladislas qu’il n’était ni tenu ni obligé de respecter le serment qu’il avait prêté et la foi donnée au Turc, d’autant plus qu’il ne devait pas faire la paix avec les infidèles et les hérétiques, et qu’ils n’étaient pas obligés de leur tenir la foi ou la promesse. Il y en avait aussi plusieurs autres qui pressaient le roi Ladislas de continuer son entreprise, qui serait bénéfique pour le bien et l’utilité de la chrétienté, et qu’il lui serait très facile de soumettre le Turc, qui était déjà très effrayé et qui était aussi à ce moment-là attaqué par les Carmaniens, avec lesquels il était en guerre. Si bien que ce jeune prince, d’un caractère bon et simple, se laissant persuader, rompit l’accord contre toute honnêteté et tout serment, et repartit à la bataille contre les Turcs, campant entre le Danube et la ville de Varna. Amurath vint à sa rencontre avec quatre-vingt mille hommes, reprochant vivement aux chrétiens leur parjure et leur manque de foi ; Puis il tua le bon jeune prince qui avait été séduit, ainsi que plusieurs seigneurs et une grande partie de la noblesse. Comme Platine (1) en témoigne dans la vie d’Eugène IV, trente mille chrétiens restèrent sur le terrain.
(1) Historien né en 1421, près de Crémone; on a de lui : In vitas summorum ponlisicum opus.
[Grande défaite des Chrétiens]. Cette bataille eut lieu le dix novembre de l’année 1444. Si quelqu’un souhaite avoir un compte rendu plus détaillé des dommages et des pertes que la chrétienté a subis à cette époque, qu’il lise Antoine Bonfinius (2) dans l’histoire de la Hongrie, 3 décembre, livre 6. Mais Amurath ne s’en contenta pas, car il se rendit directement en Grèce, où il vainquit le frère de l’empereur de Constantinople avec toute son armée. Il brûla et pilla également toute la région connue sous le nom de Morée. Les chrétiens qui échappèrent à la mort furent faits prisonniers dans une servitude misérable. Ainsi, les chrétiens furent aimablement aidés par ce conseil sanglant et déloyal du pape Eugène.
(2) Né près d'Ancône (1427-1502), fut appelé par Mathias Corvin en Hongrie, et écrivit pour lui Rerum Ungaricarum decades tres.
[Mahomet II et 7ème prince des Turcs]. Après ces grands désagréments et ces graves persécutions, Dieu envoya, par son juste jugement, une autre grande misère et une autre calamité sur les pauvres chrétiens, car en l’an 1450, régnait Mahomet II, le septième prince des Turcs, fils d’Amurath.
[Le premier empereur des Turcs]. À cause de ses conquêtes, il a été surnommé le Grand et le premier empereur des Turcs, parce qu’il a vaillamment arraché des mains des chrétiens l’ancien empire qui avait été sous la puissance des chrétiens pendant 1121 ans depuis l’époque de Constantin, et l’a réduit sous la puissance des Turcs.
[Constantinople conquise]. En l’an 1453, il assiégea Constantinople, la ville impériale et la principale ville de la chrétienté. Après l’avoir encerclée de très près pendant cinquante jours, il lança un assaut avec toutes ses forces le 29 mai. L’assaut a duré du matin jusqu’à tard dans la nuit : en fin de compte, des vies ont été perdues dans cet assaut.
[Mort du dernier Empereur de Constantinople]. Il est impossible de raconter les cruautés, les bassesses et les méchancetés commises par ces cruels Turcs, sans aucune pitié ni compassion, contre les pauvres chrétiens. L’empereur Constantin, qui était accablé au milieu de la foule des fugitifs, en fut enlevé, puis décapité, la tête coincée au bout d’une pique, et ainsi porté par toute la ville, en spectacle et en ridicule, même au grand déshonneur des chrétiens. L’un écrit qu’il y a eu quarante mille chrétiens tués, et cent cinquante mille misérablement enlevés et vendus. Nauclere (1) dans son histoire. Généralités. 49; décrit en détail la misère et la calamité de cette étrange persécution.
[Grande victoire de l'empereur Mahomet]. Jean Aventin, historien, écrit que ce Mohammed le Grand, en plus des deux empires de Trébizonde et de Constantinople, a conquis douze royaumes et 200 villes notables des chrétiens. En l’an 1469, il arriva en Styrie avant Grets, et les chrétiens étaient si terrifiés et perdus qu’ils commencèrent à fuir de Salzbourg à Munich en Bavière, et ils étaient si pressés que beaucoup d’enfants qui tombaient des charrettes étaient laissés derrière. Cela est devenu plus tard connu sous le nom de fuite des Turcs.
[Baiazet II, le 8ème prince des Turcs]. L’année 1481. il fut remplacé par Baïazet, le deuxième empereur, et 8ème Prince des Turcs, d’Othoman. Celui-ci a persécuté les chrétiens sans fin. Il se jeta en Valachie, puis en Hongrie, mit en déroute les chrétiens près de la rivière Morave et coupa le nez des prisonniers. Il fit la guerre aux Vénitiens et envoya son Bassa pour appelé Scender, dans le pays de Friul, où il a tout gaspillé et pillé, alors il a emmena plusieurs chrétiens avec foi, et en fit renverser et couper en pièces plus d’un d’entre eux, 4000 sur les rives de la rivière Tiliavent. Ce Baïazet exerça une infinité d’autres cruautés contre les chrétiens.
[Selim III, Emepreur des Turcs]. En l’an 1512, le neuvième prince et troisième empereur des Turcs, Selim, le premier du nom, commença à régner ; il extermina complètement les Sarrasins et les Mamelouks, et fit pendre ignominieusement leur dernier sultan nommé Tuman Bay le 13 avril 1517. Il conquit aussi la grande ville du Caire et tout le pays d’Égypte : ainsi, trois empires puissants passèrent sous la puissance des empereurs turcs, de Trébizonde, de Constantinople et d’Égypte : et de jour en jour cette forteresse et cette épée préparées contre les chrétiens devinrent plus fortes et plus puissantes.
[Soliman 1er, 4ème Empereur des Turcs]. L’année 1519. Soliman Ier, fils de Sélim, succéda à son père. Il était le dixième prince et le quatrième empereur des Turcs. Il s’empara de Belgrade, ville très forte et chef de toute la Hongrie, en l’an 1521. Il assiégea l’île de Rhodes en 1523 et la força à se rendre. Il fut battu en l’an 1526.
[Rhodes, Louis Roi d'Hongrie, Vienne]. Louis roi de Hongrie, avec toute son armée. En 1529, il s’avança jusqu’en Autriche et assiégea Vienne, la capitale, et bien qu’il ne puisse pas la prendre, il causa des dommages incomparables au pays en incendiant, détruisant, tuant et emmenant un nombre infini de chrétiens. En 1537, il vainquit les chrétiens pour la deuxième fois en Hongrie et peu de temps après, en 1541, il s’empara de Buda, la principale ville de Hongrie, ainsi que de tout le royaume. Mais comme le souvenir de ces événements est frais, surtout dans l’esprit de ceux qui se souviennent de ce qui s’est passé au cours des cinquante dernières années, je me suis contenté de raconter seulement le temps. Ainsi, les maux qu’il a infligés à la chrétienté n’ont pas encore été oubliés en Hongrie peu avant sa mort, en l’an 1566, lorsqu’il s’empara de Sigeth, tua et emmena tant de pauvres chrétiens.
[Selim II, et 5ème Empereur des Turcs]. On tenta de déterminer de quel prince il s’agissait Selym, deuxième fils de Solimé, cinquième empereur et onzième prince des Turcs, de la lignée ottomane. Il commença à régner en l’an 1570. Peu de temps après, il occupa le noble royaume de Chypre, tourmentant et massacrant un nombre infini de chrétiens, en plus de ceux qu’il entraîna dans une servitude dure, cruelle et perpétuelle. On ne peut rien attendre de mieux de ses successeurs.
[Différence des persécutions de l'Église ancienne, et des persécutions sous les Turcs]. Je dis qu’il y en aura qui seront étonnés de l’énumération des persécutions des Sarrasins et des Turcs, qu’ils ne comptent pas parmi les persécutions, mais qui considèrent qu’elles étaient des guerres plus civiles et générales, très différentes des anciennes persécutions sous les empereurs contre l’Église chrétienne, qui à cette époque ne se défendait pas contre les empereurs ses persécuteurs. et en toute patience, il se soumit au bannissement et à la mort. De plus, la doctrine et la religion étaient beaucoup plus pures et plus simples dans l’Église chrétienne de cette époque, comme on l’a dit au début de ce livre, qu’elles ne le sont à notre époque dans l’Église romaine. Et en effet, il y a une grande différence entre les hommes et la religion d’autrefois, et celle de notre temps, comme on l’a dit : cependant, rien n’empêche que les persécutions sous les Sarrasins et les Turcs ne soient appelées les persécutions des chrétiens.
Car il y avait beaucoup de gens bons et fidèles parmi le peuple d’Israël et de Juda, qui étaient tourmentés par les Assyriens et les Babyloniens ; mais il y en avait encore plus qui adhéraient à la religion de Baal et de Jéroboam, qui voulaient néanmoins être connus comme serviteurs du Dieu d’Israël et ennemis de la superstition des Assyriens : tous ceux-ci furent emmenés ensemble. Ainsi, dans les captivités, les tourments, les persécutions et les guerres des Sarrasins et des Turcs, beaucoup de ceux qui ont souffert ces persécutions ont été de bonnes personnes, bien disposées envers la religion chrétienne et de vrais membres du Christ : mais il y en a eu aussi, plus que nécessaire, qui ont été plongés dans les erreurs et les superstitions de l’Église romaine, qui ont néanmoins voulu être appelés bons chrétiens. et mourir en ennemis de la religion de Mahomet.
Tous ceux-là ont persévéré et ont été persécutés ensemble. De même, ceux de l’ancien peuple, qui ont été enlevés et persécutés par les Assyriens et les Babyloniens, sont nommés dans l’Écriture Sainte elle-même, le peuple et les serviteurs de Dieu ; ils sont aussi appelés Israël et Juda : cela ne veut pas dire, cependant, que leurs erreurs, leurs péchés et leurs transgressions ont été excusés et approuvés. De même, dans ces guerres des Sarrasins et des Turcs contre la chrétienté, ceux qui portent le nom de Christ sont appelés chrétiens, c’est pourquoi ils sont aussi persécutés par les Turcs, parce qu’ils se disent chrétiens, c’est-à-dire à cause de la haine que les Turcs ont contre la religion chrétienne ; bien qu’il y ait beaucoup à dire sur la pureté et la simplicité de la foi chrétienne, pourtant, les erreurs de l’Église romaine ne sont en aucune façon excusées.
[Cause des persécutions des Sarasins et des Turcs]. Or, tout d’abord, le diable, qui prend un grand plaisir à verser le sang, a excité les Sarrasins et les Turcs à tant de tyrannie, de guerre et de persécution ; puis, après que la haine de la religion chrétienne et le grand désir de dominer, d’amasser de grandes richesses et de grandes richesses, de vivre dans le luxe et le désir, et de promouvoir la religion fausse et méchante de Mohammed, ont conduit les Turcs à commettre de telles cruautés.
« Voici ce que j’avais à dire brièvement sur les persécutions des Sarrasins et des Turcs. Il serait très souhaitable que tous ceux qui veulent être chrétiens de fait et de nom reconnaissent fermement que cette lourde tyrannie Turquesque est un véritable fléau dont Dieu nous punit, pour voir si nous voulons nous amender, pour recevoir la doctrine chrétienne purement et avec plus de zèle, et si nous ne voulons pas vivre plus chrétiennement que nous ne l’avons fait jusqu’à présent.
[La religion de Mahomet n'est pas encore que ses disciples soient victorieux. Notez]. Si cela n’est pas fait, nous devons nous attendre à des calamités plus grandes que par le passé. Mais revenons à ces persécutions des Sarrasins et des Turcs, où il a été fait mention du commencement, et toujours depuis : qui est-il, quelque pervers qu’il soit, qui ose dire que la religion de Mahomet est la vérité, et que celle des chrétiens est fausse, parce que les Turcs prospèrent dans leurs entreprises, et oppriment les chrétiens en méprisant et en insultant leur foi et leur religion ? Qui niera que le pays et les églises, que l’apôtre saint Paul avait converties à la foi chrétienne, ont tous été détruits par cette vile et exécrable bête de Mahomet, et que son abomination puante et méchante y a été élevée par tous ?
Pourquoi ne fait-il pas descendre du ciel cette puissance turque, faisant s’ouvrir la terre pour avaler toutes ces abominations ? Mais les raisons pour lesquelles Dieu, bon, juste, saint et vrai, permet cela sont grandes et variées. De plus, il a prédit par la bouche du prophète Daniel, et du Christ lui-même aussi dans l’Évangile, que la dernière persécution qui précédera le jour du jugement sera si grande qu’il n’y en a jamais eu une pareille. Maintenant, au jour du jugement, la délivrance de tous les fidèles, leur glorification, la grande et excellente récompense qui leur est préparée, n’est pas loin. Seigneur Jésus, aie pitié de ton Église affligée, console-la et donne-lui son aide dans ses dernières persécutions et confusions terribles et horribles. (Dan. 9. 27. & 12. I. Mat. 24. 21. )
LA DERNIÈRE PERSÉCUTION, SUSCITÉE ET CONTINUÉE PAR LES PAPES CONTRE L’ÉGLISE CHRÉTIENNE, AU COURS DE QUELQUES CENTAINES D’ANNÉES
[Persécution dangereuse et non attendue]. La persécution des papes accompagne celle des Turcs. Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle est arrivée à l’improviste, et d’autant plus cruelle, qu’elle est menée par ceux qui devraient être les plus pacifiques et les plus sincères dans la foi chrétienne, et qui veulent être considérés comme les plus saints de l’Église, comme des prétendants que le Christ leur a donné tout pouvoir sur l’Église, et qu’ils peuvent façonner et saper les questions de religion à leur guise, et qu’ils sont les chefs et les pasteurs de l’Église universelle. Car il n’y a personne qui ne s’offusque des vantardises du Pape et de ses disciples. Mais il a été démontré par un nombre infini d’écrits que les choses sont différentes, non seulement en ce qui concerne la foi et la religion, mais aussi en ce qui concerne l’Église, sur laquelle ils veulent dominer tyranniquement. De plus, il y a une différence significative entre l’ancienne Église romaine et ses premiers évêques, et l’Église romaine d’aujourd’hui avec ses papes et ses cardinaux.
[Les premiers Évêques de Rome ont été Martyrs]. Les anciens évêques de Rome, depuis l’an 70 jusqu’à Constantin le Grand, vers l’an 214, étaient au nombre de 32, tous prédicateurs et ministres de l’Église de Jésus-Christ, et ayant fidèlement rempli leur charge, ils ont enduré la mort pour l’amour du Seigneur Jésus-Christ et de son Évangile. Ils n’ont pas dominé à la manière des princes de ce monde ; ils n’avaient ni cour à Rome, ni conseil de cardinaux, ni garde, ni rien de ce que les papes ont coutume d’avoir de nos jours. Et je me réfère à toutes les histoires vraies qui n’ont pas été écrites par les flatteurs des papes.
Au nom du Pape, il n’était pas seulement attribué à l’évêque de Rome, mais aussi aux évêques d’autres pays. Car Aurèle et saint Cyprien à Carthage, saint Ambroise à Milan, et d’autres qui ont été évêques ailleurs, ont été appelés papes. Et saint Jérôme fait référence au pape saint Augustin, évêque d’Hippone en Afrique. Pope signifie père dans la langue de Syracuse, comme en témoigne Suidas (1). Car, comme le dit aussi saint Paul (1 Cor 4. 14), les ministres de l’Église doivent être comme des pères fidèles du peuple.
(1) Lexicographe grec, probablement du onzième siècle.
En outre, parmi les évêques de Rome, depuis l’époque de Constantin le Grand, et de Sylvestre à Grégoire Ier, ils sont au nombre de 36. En l’espace d’environ 280 ans, il n’y en a pas eu un seul qui ait eu le faste et la magnificence des papes d’aujourd’hui ; ils ont certes eu beaucoup de crédit et d’autorité envers les autres Églises et leurs ministres, mais c’était principalement parce qu’ils étaient souvent des hommes instruits, et parce qu’ils n’étaient pas (comme dans d’autres Églises) entachés par une secte, et surtout parce qu’ils étaient ministres de l’Église que les apôtres avaient établie dès le commencement, c’est pourquoi on l’a appelé Apostolique, ou Siège apostolique et Siège de l’apôtre saint Pierre.
[Siège Apostolique]. Cependant, ce titre de Siège apostolique a également été attribué à d’autres Églises, telles que l’Église de Jérusalem et d’Antioche. Le siège ici ne fait pas référence à un siège royal, mais à une chaire où l’on prêche. Car les Églises anciennes, les Sièges Apostoliques, ont acquis ce nom à cause de la doctrine apostolique, puisque les Apôtres ont prêché en ces lieux, et de ces Églises apostoliques, la doctrine des Apôtres a été portée dans les Églises proches et éloignées.
[Tertullien écrit de ceci in Prescri. heret.]. Les lieux d’où la prédication et la doctrine apostolique sont interdites ne doivent pas se vanter d’être des sièges apostoliques, même s’ils le sont depuis plusieurs années. Car saint Jean dit qu’il y a un siège de Satan, Apocalypse 2:13.
[Premier âge de l'Église Chrétienne]. Mille ans s’étaient écoulés depuis l’époque des apôtres jusqu’à Henri IV. Alors l’Église commença sa troisième période et changea sa doctrine, sa discipline et sa forme de gouvernement en choses nouvelles et entièrement opposées. Le premier âge de l’Église au cours des 500 premières années a été d’autant plus complet et pur qu’il s’est rapproché des apôtres et de leurs disciples. Et bien qu’elle ait eu de terribles batailles contre les païens et les hérétiques, la victoire lui est toujours restée, parce que la doctrine pure était son soutien, et elle a été renforcée par les exemples de ceux qui ont confessé le nom du Christ, et d’autres qui ont constamment supporté les difficultés et les ennuis du bannissement, et les tourments des tortures les plus cruelles : à tel point que les erreurs n’ont pas pu survivre ou tenir au milieu de telles tempêtes. Dans le déclin de cette époque, elle fut entachée de certains vices introduits par la superstition du peuple et par l’erreur de quelques personnages éminents.
Depuis lors, ces vices se sont accrus en raison des incursions des nations étrangères, qui se sont précipitées de divers endroits lorsque l’Empire d’Orient a commencé à se déchirer ; car alors l’ancienne discipline s’affaiblit, les superstitions commencèrent à s’enraciner, et parmi elles se trouvaient le monachisme, les vœux, le célibat, la vénération des saints, et d’autres traditions humaines semblables, dont les germes commencèrent à prendre racine et à pousser peu à peu, quelque temps après le concile de Nicée ; dont l’autorité restait en vigueur parce qu’il y avait là de nombreuses personnalités distinguées qui avaient défendu les points principaux de la doctrine chrétienne contre les hérésies, et que certains d’entre eux avaient subi des persécutions pour affirmer la vérité de la religion chrétienne.
De plus, bien qu’il ait été beaucoup fait dans ce concile au sujet de certains décrets concernant le gouvernement des églises, tels que le fait que l’évêque d’Alexandrie serait le surintendant des églises d’Afrique, celui d’Antioche de celles d’Asie, celui de Rome de celles d’Europe, et que les évêques seraient nommés par leurs voisins, Pourtant, aucune autorité terrestre n’a été établie à ce moment-là, et aucun des évêques n’a donné l’autorité et le pouvoir de commander à tous les autres. Ainsi, ces décrets n’ont pas été faits pour être considérés comme des articles de foi : plutôt, comme ce sont des articles en dehors de la parole de Dieu, qui changent avec le temps, et qui ont pris fin avec les églises de ce temps-là, ils n’appartiennent pas à l’Église, qui n’est pas soumise aux doctrines, aux inventions et aux lois humaines, ni obligée de maintenir le même gouvernement extérieur en tout temps et en tout lieu. mais il est lié à la parole de Dieu.
À cette époque, il n’était pas permis à l’évêque de Rome, d’Antioche ou d’Alexandrie d’assigner et d’assembler des conciles, ou d’imposer de nouvelles cérémonies aux autres Églises ; encore moins de rédiger de nouveaux articles de foi, ou d’introduire un service de Dieu contraire à ce qu’il exige lui-même : mais la parole de Dieu seule avait toute autorité, comme le montrent les décrets et les déterminations de certains conciles chrétiens qui ont eu lieu après celui de Nicée, tels que le premier concile de Constantinople. où l’hérésie d’Eunomius fut condamnée, le concile d’Éphèse contre Nestorius, le concile de Chalcédoine contre Eutychès, et plusieurs autres depuis. Or, bien que les conciles tenus après les premiers aient conservé la doctrine sacrée concernant les articles de foi, ils n’en ont pas moins donné trop d’autorité aux lois et aux traditions humaines, et se sont laissés influencer par la superstition qui commençait à lever la tête.
À titre d’exemple, le concile de Laodicée a condamné à juste titre les Novatiens, mais il a injustement condamné ceux qui se remarient pour la deuxième fois. Le Concile de la Milévite, où assistait saint Augustin, a très bien soutenu la doctrine du péché originel, de la grâce et de la justification ; Cependant, il a mal confirmé l’opinion superstitieuse concernant les vœux. Le concile d’Ancire autorisa les diacres à se marier ; par la suite, le concile de Carthage leur interdit de le faire. C’est ainsi que la superstition progressa peu à peu, lorsque les traditions humaines furent plus estimées et proposées dans l’Église que les lois de Dieu. En ce qui concerne le pouvoir de convoquer des conciles, surtout généraux, ce droit a toujours appartenu aux empereurs et non à d’autres : comme nous le voyons que Constantin, Théodose et d’autres princes chrétiens appelèrent les évêques pour résoudre les divergences de doctrine, et qu’ils assistèrent et présidèrent eux-mêmes les assemblées tenues pour examiner ces différends. Les empereurs Fuyuan conservèrent cette autorité pendant très longtemps jusqu’à Lothaire de Saxe.
[Le second âge de l'Église Chrétienne]. Après ce premier âge, le second est venu, qui a augmenté et confirmé les erreurs et les superstitions que les premiers avaient laissées et, au fil du temps, s’est encore éloigné de la règle des Saintes Écritures. À tel point qu’en fin de compte, la masse des superstitions et des erreurs a complètement submergé et éteint la lumière de la doctrine pure. Il arriva que plusieurs peuples barbares, tels que les Goths, les Lombards et leurs associés, se jetèrent en Italie. Puis les bonnes lettres furent enterrées, les églises restèrent désertes ; ce qui est pire, c’est que ces barbares, possesseurs de l’Italie, apportèrent avec eux ou reçurent facilement beaucoup de superstitions, de sorte que bientôt après les abus se multiplièrent beaucoup. Les persécutions du premier âge avaient donné naissance à des ermitages et à des monastères.
Puis vinrent les horribles dissipations de l’Empire, et les confusions introduites par les nations étrangères. Des gens paisibles, chargés de femmes et d’enfants, contemplant l’Italie ainsi déchirée, et jugeant que c’était une fortune singulière d’être éloignés des gouvernements publics pour rester dans quelque désert, sans famille, sans enfants, pour ne pas assister au pillage des villes et à la désolation de la terre, considéraient la condition des moines comme heureuse, qui jouissait d’une si grande paix. Cela rehaussa considérablement la réputation du célibat et plaça les moines dans une telle estime que beaucoup commencèrent à désirer et à rechercher des endroits solitaires.
De plus, les hommes, qui sont barbares et féroces par nature, admirent les nouvelles cérémonies qui ont l’apparence de la religion et quelque rapport avec Dieu. Il n’est donc pas étonnant que les monastères se soient multipliés à cette époque, et que tout le monde se soit laissé persuader qu’un tel mode de vie (qui a finalement éteint la lumière de l’Évangile concernant la vraie foi et les bonnes œuvres) était très excellent.
[Commencement de la Papauté]. Lorsque ces fondements de superstitions perverses eurent été posés si tôt, et qu’avec le temps ils s’établirent et se fortifièrent dans l’esprit des hommes, l’autorité publique du pape Grégoire le Grand s’éleva, qui monta à ce siège pontifical en l’an 593. Il établit le service et l’invocation des saints, et ordonna que des temples et des chapelles soient dédiés à leurs os et à leurs autels. En outre, il a promu l’opinion fausse du monachisme, des traditions humaines contraires à la parole de Dieu, des satisfactions canoniques, des vœux, du célibat, dont il a imposé le joug aux diacres de Sicile, qui jusque-là avaient été autorisés à se marier dans tous les degrés ecclésiastiques, selon la coutume de l’Église grecque et les décrets des anciens conciles. En même temps, l’opinion de l’oblation du corps et du sang de Jésus-Christ pour les morts s’est fait jour.
Il en résulta une horrible profanation du sacrement, et Grégoire saisit l’occasion d’avancer cette opinion, à cause de quelques fantômes qui apparurent à ce moment-là. Ces erreurs, constatées et acceptées par l’autorité publique, troublèrent beaucoup l’Église, et souillèrent la pure doctrine de la justice que les fidèles ont devant Dieu par d’étranges abus et idolâtries, la véritable invocation qui doit être fondée sur notre Seigneur et unique Médiateur Jésus-Christ, Fils de Dieu, la doctrine et le véritable usage des sacrements. En un mot, les papes ont entièrement aboli la doctrine de la foi en Dieu par une fausse persuasion des traditions humaines ; ils ont enseveli la promesse de l’Évangile concernant les bienfaits gratuits de notre unique Médiateur et Sauveur Jésus-Christ, Fils de Dieu, sous le blasphème pervers du mérite des œuvres et des services des hommes, et sous l’intercession et l’assistance des saints. D’autre part, l’ambition et l’orgueil des papes commencèrent à croître si haut qu’ils ne cessèrent pas jusqu’à ce que les autres églises soient asservies et abattues sous le joug de la tyrannie papale.
Environ 200 ans après la naissance de Jésus-Christ, le pape Vidor, le premier du nom, a eu l’audace d’imposer de nouvelles lois aux Églises orientales et de menacer d’excommunication ceux qui ne les accepteraient pas. Irénée, évêque de Lyon, disciple de Polycarpe, s’opposa vivement à ce Vidor. Depuis l’époque où le décret du concile de Nicée, approuvé par l’autorité de Constantin le Grand, fut observé, jusqu’à l’époque des empereurs Maurice et Phocas : car alors un certain Jean, patriarche de Constantinople, était célèbre pour sa feinte humilité qu’il avait montrée lorsqu’il était moine, et quitta son cloître par une telle ruse pour devenir évêque. Au lieu de se contenter de sa charge et de sa dignité, il a voulu être, de nom et de fait, l’évêque universel de toutes les Églises ;
Bien que Pélage II et Grégoire le Grand s’opposèrent à ce titre glorieux, il fut favorisé par l’empereur Maurice. Après la mort de Maurice, Phocas, qui le fit assassiner, craignant que l’Italie ne se révolte contre l’obéissance aux empereurs grecs, se servit des papes pour la tenir en échec, et donna le titre d’évêque universel à Grégoire, qui avait tonné et tempête contre ce nom : le résultat montra qu’en détestant le mot, il avait ardemment désiré la chose même, puisqu’il a usurpé la primauté et la domination sur les Églises qui n’étaient en aucune façon sous sa juridiction. Il est vrai que, quelque temps avant le règne de Maurice, Zosime et Gélase, évêques de Rome, avaient débattu de la primauté avec les évêques de Grèce et d’Afrique, mais tout cela avait disparu.
Après Grégoire, l’évêque de Ravenne prit le même titre lorsque les Goths ravagèrent l’Italie, mirent à sac Rome et Valentinien le Jeune établit le siège de l’Empire à Ravenne, envoyant des exarques pour fortifier la ville afin d’en faire la capitale de l’Italie. Mais après la mort de Valentinien et de Grégoire, le même conflit reprit entre l’évêque de Rome et l’évêque de Constantinople à l’époque du pape Boniface III, et il fut plus féroce qu’auparavant. C’est pourquoi Phocas prit note de la dispute et la jugea de telle sorte qu’il fut dit que l’évêque de Rome serait appelé l’évêque universel. Depuis lors, il est arrivé que les Églises orientales ont été ruinées par les mahométans : Les évêques de Rome, se voyant à cheval, commencèrent à s’affirmer, avec le consentement et l’appui des peuples barbares qu’ils avaient gagnés par des superstitions, et qu’ils s’étaient associés à eux pour se maintenir par de tels moyens, comme ils le firent malgré les autres évêques, surtout les Grecs, qui s’opposaient à eux.
[Avancement de cette Monarchie]. Tels furent les débuts de la monarchie papale dans l’Église. Et à travers de telles pratiques, les Papes s’attribuaient et occupaient la primauté sur les évêques, profitant des opportunités offertes par les ruines des Églises orientales et les superstitions et idolâtries des Occidentaux, auxquelles les nouveaux peuples qui émergeaient étaient très avidement dévoués et professaient une ferveur et une obstination incroyables. Après que les évêques de Rome furent ainsi devenus monarques, bien que l’ambition les poussât à aller plus loin, dès le début, ils n’osèrent pas gérer toutes les affaires de l’Église selon leurs caprices, ni commander tyranniquement aux autres évêques, ni prescrire des lois ou imposer des charges, encore moins entreprenaient-ils d’envahir les droits des empereurs : d’autant plus qu’ils étaient freinés par l’opposition et la résistance des autres évêques, et par l’autorité et le pouvoir des empereurs, qui, depuis Charlemagne, à l’exemple de leurs prédécesseurs, créèrent les papes et les évêques, déposèrent ceux qui agissaient indignement de leurs fonctions, et en établirent d’autres à leur place, convoquèrent des synodes, et ne permit pas aux papes de les convoquer, ni de penser à eux avec une autorité royale ou seigneuriale, ni de faire quoi que ce soit sans l’autorité et le consentement des empereurs et des autres évêques. Souvent, les empereurs assignaient et assemblaient des conciles en Allemagne et en Italie, sans demander conseil ni informer les papes, loin d’être convoqués pour venir agir en maîtres.
Or, bien que cette situation pesât lourdement et mît les papes dans une situation merveilleuse (car en fait ils n’oubliaient pas de remuer quoi que ce soit pour s’en débarrasser), les empereurs, sachant bien pour quelles raisons Charlemagne avait établi cet ordre dès le début, et qu’il était pourvu de lois spéciales, qui avaient été renouvelées et entretenues par les armes par ses successeurs, voyant aussi les machinations des papes, et jusqu’où ils avanceraient si on leur donnait la liberté et la licence qu’ils poursuivaient avec tant d’ardeur : de même combien il était important pour la paix et la préservation de l’Église et de l’Empire que les papes soient sujets et responsables devant les empereurs, ils empêchèrent les papes jusqu’à l’époque de l’empereur Henri IV de secouer le joug, afin d’atteindre l’objectif qu’ils visaient depuis longtemps.
De plus, malgré le fait que les erreurs, les superstitions, les abus et les idolâtries étaient si répandus à cette époque que la lumière de la vérité s’est éteinte dans la plupart des pays où le christianisme était professer, il y a toujours eu beaucoup d’individus érudits et bons, surtout au début de ce second âge jusqu’à trois cents ans plus tard, dans les Églises grecques et latines. qui enseignait purement la doctrine des points principaux de la religion. Parmi eux se trouvaient Vigile, Bède, Alcuin, précepteur de Charlemagne, et d’autres. Jean l’Écossais était à l’époque de Louis le Débonnaire. Alors qu’il interprétait le livre de la hiérarchie de Denis et critiquait l’erreur admise dans l’Église concernant l’offrande de la Cène du Seigneur pour les vivants et les morts, ses auditeurs le tuèrent à coups de poinçon. Tels étaient les temps du second âge de l’Église.
[Le troisième âge de l'Église]. Puis vint après le troisième âge, qui commença à l’époque de Henri IV, et à cette époque expira également la moitié de la période de l’Empire depuis Charlemagne jusqu’alors. Ce siècle changea merveilleusement les affaires de l’Empire et de l’Église : car c’est alors que la tyrannie des idolâtries et des superstitions contre le royaume, c’est-à-dire contre la doctrine, le service et l’invocation du Fils de Dieu, fut confirmée, et le nouveau pouvoir des papes, abolissant l’autorité juste et légitime des empereurs. a été créé. En plus des idolâtries et des superstitions du second âge, le service du dieu Maozim (1) a été introduit dans l’Église, qui était adoré à la place du vrai Dieu, et a attiré les yeux et les cœurs du monde entier à la foi. Dès que ce Dieu commença à se manifester dans les processions et dans la messe, la parole de Dieu commença à se taire ; Ce Dieu éleva la dignité des ecclésiastiques, amplifia la puissance, augmenta les richesses et fortifia le royaume des Papes.
(1) Mot hébreu (voir Daniel, XI, 58) qui signifie "des forteresses", et qui s'applique, sans doute , à Jupiter Capitolin qu'adorait Antiochus Epiphane. Ce mot a été pris à tort pour un nom propre par les Septante et la Vulgate : « Deum autem Maozim venerabitur. » Goulart , empruntant cette fausse traduction , a vu , dans ce dieu , le type de celui que, dans la messe et dans les processions, on honore avec de l'or et de l'argent.
Ce dieu remplit la chrétienté de monastères et y logeait
d’innombrables troupes de moines, qui pour de l’argent vendaient à quiconque
voulait acheter le sacrifice quotidien de la messe et leurs autres œuvres :
étant en garnison pour la protection du royaume papiste, d’où ils ne cessaient
d’inventer, jour après jour, de nombreuses géhenne pour les consciences, pour
les garder en prison, liés par les illusions de l’idolâtrie, et pris au piège
par les liens des inventions et des traditions humaines : dans cette prison, il
était plus difficile de supporter ces tourments de conscience nés de la peur
instillée par les commandements des hommes que s’il fallait en mettre un en
pièces. Par la suite, les monastères se sont excessivement enrichis grâce à ce
trafic. Puis une nouvelle sorte de docteurs apparut aussi, qui abolirent presque
entièrement la doctrine contenue dans les livres des prophètes et des apôtres
concernant le péché, la loi, la justification, les bonnes œuvres, et par de
nouvelles impositions entièrement contraires à la règle et au fondement de la
religion chrétienne, déguisèrent et maintinrent les abus, les erreurs, les
idolâtries et le trafic des indulgences papales.
[Les Papes foulent aux pieds la majesté Impériale pour établir la leur]. La majesté et la dignité de l’Empire ébranlées et presque renversées, les papes furent alors renversés, et les papes firent tant de choses que non seulement ils secouèrent le joug des empereurs, mais usurpèrent également les droits impériaux, en particulier dans l’élection des papes et des évêques et dans la convocation des conciles. Puis ils mirent le pied sur le cou des empereurs, les pressèrent et les foulèrent cruellement, conduisant à l’établissement d’une nouvelle monarchie sur toute la chrétienté ; bref, il y a eu un changement complet dans l’Empire et en Allemagne. La première action des papes, qui avaient souvent essayé auparavant (mais en vain et sans opportunité) d’enfreindre la loi qui donne aux empereurs le pouvoir sur le pape et les évêques, fut de chercher un prétexte pour allumer des guerres civiles, diviser les princes d’Allemagne et les rallier contre l’empereur.
Ayant gagné ce point, mis l’Allemagne en émoi, dissipé, ébranlé et brisé les forces de l’empereur par la conspiration de ceux de Saxe, ils commencèrent à exiger ouvertement l’abolition de cette loi. Finalement, après que les Germains se furent entretués, que les principales maisons eurent été exterminées, que les anciennes lois et coutumes avaient été abolies et que l’autorité des empereurs avait été complètement renversée, les papes avaient usurpé le droit de créer les évêques de Rome, et en outre établi un Sénat ou un collège de cardinaux qui assisteraient les papes et commanderaient non seulement aux évêques. mais aussi les princes et les rois chrétiens, gérant la religion et les affaires de l’État à leur gré et selon leur profit et leur dignité, accordant et enlevant les évêchés et les royaumes comme ils l’entendaient.
Les empereurs et les autres rois chrétiens devinrent alors des laquais des papes, et leur servirent de garde pour maintenir leur tyrannie contre tous les ennemis qui l’attaqueraient de l’extérieur avec force et armes découvertes, aussi pour conseiller et s’assurer qu’elle resterait entière, pour contrôler les consciences, et qu’ils seraient également prêts à poursuivre tous ceux que les papes souhaitaient exterminer. Outre cette audace, qui s’accrut remarquablement à cause des guerres civiles en Allemagne, l’impudence des papes était si effrénée et détestable, qu’ils s’emparèrent de l’autorité et du nom de Dieu, et d’un pouvoir qu’ils prétendent leur avoir été donné par Jésus-Christ, pour exercer une tyrannie horrible, telle qu’elle n’avait jamais été ressentie dans l’ordre ecclésiastique. même avec un orgueil diabolique, comme le démontrent clairement les paroles du pape Alexandre, qui posa le pied sur la tête de l’empereur Frédéric.
Tel était l’état du troisième âge de l’Église et de l’empire, et bien que de nombreux individus excellents aient condamné et combattu cette tyrannie à la fois verbalement et par écrit tant qu’elle a duré, elle est néanmoins restée soutenue par sa propre force et par la dévotion insensée des pauvres trompés, jusqu’à l’époque de Martin Luther : car jusque-là, la monarchie de l’Église romaine avait subsisté pendant cinq cents ans. Il est vrai que Wycliffe, Jean Hus et d’autres s’y sont opposés, comme nous le verrons dans le prochain livre. Mais ces résistances n’étaient que les préfaces de ce qui s’est très clairement manifesté au cours des cent dernières années.
Du temps de l’empereur Lothaire, successeur d’Henri V, fils d’Henri IV, vivait Gratien, qui compila en un seul volume les décrets des papes, bien que certains disent qu’avant Gratien, il y avait un livre semblable entre les mains des hommes, recueilli par un certain Burkard, évêque de Worms.
[Naissance des Canonistes Scolastiques]. Gratien incluit parmi ces décrets quelques fragments des canons des anciens conciles, surtout ceux qui lui semblaient les plus propres à élargir et à élever la dignité de la hiérarchie romaine. Il y incluit aussi les nouvelles constitutions, adaptées à l’état de son temps : mais en ce qui concerne les bonnes lois qui maintenaient la discipline et l’Église primitive dans sa splendeur, il changea tout cela en absurdité. Cette collection de Gratien amena les papes à se donner dès lors l’autorisation, sans aucune mesure, de rédiger et d’entasser décrets sur décrets, et par de tels artifices, ils changèrent ce qu’ils voulaient dans la doctrine céleste et les lois civiles, et, selon leurs conseils, se fortifièrent contre toutes les puissances célestes et terrestres.
Cela conduira à de grands débats dans les Églises et les gouvernements politiques. À cette époque, l’étude du droit civil était en grande vogue, à laquelle les Italiens et les Allemands se consacraient avec beaucoup d’affection. La nature de l’homme est un grand ami des choses nouvelles, et il semblait que cet établissement de lois, qui équipait et armait les empereurs, menaçait la tyrannie des papes, qui (comme on dit) ne sortait que de la terre et n’avait pas encore pris racine. Afin d’avertir tôt des dangers qui pouvaient nuire à la papauté, si la loi civile avait le dessus, l’autorité des canons commença à être magnifiée et préférée aux lois romaines, alléguant que ces canons traitaient des choses ecclésiastiques, et que l’Église était en plus grande autorité, ayant le pouvoir de modifier et de déterminer les choses civiles.
C’est pourquoi ils ont commencé à rédiger des lois qui dérogeaient d’une certaine manière au droit civil, comme étant corrigées et limitées par l’autorité de l’Église. Et comme cette nouvelle loi et ces nouvelles lois avaient besoin de nouveaux protecteurs, deux sortes de personnes ont immédiatement émergé, à savoir les canonistes et les scolastiques. Les canonistes ont pris la responsabilité de maintenir la hiérarchie papale et la tyrannie par le biais du droit canonique ; qu’ils exécutèrent avec autant de vigueur que les docteurs de la loi civile soutenaient, par l’Écriture et les lois romaines, le pouvoir de l’empereur.
Les scolastiques inventèrent une nouvelle doctrine pour attirer et ensorceler l’esprit des hommes par des erreurs et des superstitions, afin que, empêtrés dans ces erreurs, ils restassent obéissants au siège romain. Ce que la doctrine scolastique a fait, c’est de fouler aux pieds et d’éteindre ce qui restait de pureté et de clarté dans la doctrine céleste concernant la Loi, l’Évangile, le péché, la grâce, la foi, la justification devant Dieu, le bon usage des sacrements, la véritable invocation du Nom de Dieu et les bonnes œuvres. Car, comme il n’était pas possible de maintenir les erreurs et les abus acceptés par la coutume, introduits ou approuvés par les papes, en les examinant selon la règle de la parole de Dieu, ils abandonnèrent cette parole pour en chercher d’autres. Sous l’empire de Frédéric Ier, Pierre Lombard, maître des sentences, réduisit les fondements de la doctrine scolastique en quatre livres, et depuis lors, toute cette populace de sophistes et de moines s’est tellement occupée à gloser et à commenter ces livres, que la Sainte Bible a presque entièrement disparu de leurs mains et de leurs esprits ; et dans les chaires des docteurs et des prédicateurs, au lieu du nom de Jésus-Christ et de saint Paul, on n’entendait que le maître des peines. Thomas d’Aquin et Lescot, ses commentateurs, écrivant comme s’ils se surpassaient l’un l’autre en subtilité, remplissaient l’Église de tant de questions ineptes, méchantes et inexplicables, d’une philosophie si corrompue et polluée, qu’ils obligeaient leurs successeurs, comme Guillaume Occam et d’autres, à inventer et à suivre des opinions contraires. De là naquirent des conflits merveilleux, que la lumière de la Parole de Dieu finit par dissiper et faire disparaître. Or, cette doctrine, tirée de quelques passages de l’Écriture sainte, déformée de son vrai sens et confondue avec les disputes morales, naturelles et surnaturelles d’Aristote et de Platon, mal comprise et aussi corrompue en certains endroits, en même temps que les constitutions des papes, était enveloppée de difficultés inexplicables, et tout ce qu’on pouvait en apprendre était simplement d’avoir l’exposé de quelques commandements de la Loi. ou plutôt, c’était lire un discours sur la philosophie morale à la manière des philosophes. De plus, elle abolit la doctrine de l’Évangile, anéantissant la certitude de la promesse et de la foi, et rejetant le seul Médiateur. Bref, elle était tout à fait adaptée à la tyrannie des papes et aux superstitions qui régnaient à l’époque et qui se sont perpétuées depuis. Elle est basée sur des propositions fausses et mauvaises, à savoir que les décrets des papes et tout ce qu’ils approuvent, et ce qu’ils changent dans la doctrine ou les anciennes cérémonies, sont par droit et par ordre divin, même s’ils sont contraires à la règle de la parole de Dieu : car de telles constitutions (disent-ils) sont valides à cause de l’autorité de l’Église. qui ne peut pas se tromper, et que c’est une grande impiété de le contredire, surtout à cette Église qui a pour chef l’évêque de Rome.
Mais pour mieux comprendre cette doctrine des scolastiques, il faut lire leurs livres imprimés, qui font tellement rougir beaucoup de ceux qui s’en servent contre la vérité qu’ils seraient les premiers à les condamner, s’ils n’avaient pas d’autres armes pour se défendre. Cette doctrine, en somme, contient cet accord magnifique que les docteurs papistes proclament si haut dans leurs livres et leurs sermons, voulant que ce soit la règle selon laquelle toutes les ordonnances dans l’Église sont établies et pliées, et que toutes les opinions et tous les exposés y soient rapportés et examinés par elle : en cela, ils se montrent si aveuglément obstinés qu’ils préfèrent rejeter les témoignages de l’Écriture Sainte et les théologiens purs de l’Église. Plutôt que d’abandonner un seul point de la doctrine de leurs scolastiques, tant ils craignent que le royaume papiste, soutenu et fondé sur de tels décrets, ne s’ébranle et ne trébuche complètement.
Cette nouvelle doctrine du droit canonique et des scolastiques engendra des désirs très ambitieux et de terribles luttes entre les juristes, les théologiens ou scolastiques et les canonistes. De là naquirent diverses factions, de sorte qu’à la fin la chrétienté fut divisée, les unes adhérant aux empereurs sous le nom de Gibelins, les autres soutenant le parti des papes et se disant Guelfes. Puis il s’agissait de se poursuivre les uns les autres avec une haine irréconciliable, de se surprendre, de se vaincre et de s’entretuer par toutes sortes de séditions, de violences, de pillages et de cruautés qui étaient tout à fait étranges et incroyables.
Maintenant, si quelqu’un demande : Comment se fait-il que les papes aient ainsi mis le pied sur la gorge des empereurs, et pourquoi de si grands princes n’ont pas brisé la tyrannie excessive des papes alors qu’elle était encore faible et facile à briser ? Aussi, pour quelle raison ont-ils permis que l’Église et l’État public soient réduits à une servitude aussi injuste et abominable ? Je réponds que les empereurs se sont laissés abattre, non par crainte, ni par manque de courage, ni par appréhension des dangers, quoique ce fût un mal affreux de voir l’empire ruiné, ses fidèles blessés, et tant de vaillants seigneurs et gentilshommes perdus ; Mais ils furent vaincus par l’opinion de la religion, qui dominait puissamment les cœurs enchantés par la superstition et les erreurs déjà profondément enracinées dans le monde. À travers le temps, cette considération a eu une influence remarquable sur ceux qui ont une certaine conscience, quelle que soit la source d’où provient la religion, et quels que soient les fondements qu’elle puisse avoir, tant qu’elle a l’apparence de la religion et peut apaiser les yeux et les cœurs avec un certain sens de la divinité : ce qui, nous le voyons, a merveilleusement égaré et affaibli les païens eux-mêmes. Ainsi, l’opinion de la religion renversa ces bons princes, et il n’y avait pas d’autre moyen de les renverser qu’en leur faisant croire fermement que tout ce que les papes proposaient et entreprenaient était saint, légitime et réglé selon la volonté de Dieu révélée dans les saintes Écritures. C’était le titre sous lequel toutes choses étaient faites, et il était considéré comme un grand péché de s’y opposer même légèrement. Puis, plus tard, cette persuasion augmenta l’audace et l’impudence des papes, qui saisirent l’occasion pour projeter et convoquer des conciles, d’où s’ensuivit la ruine de l’Église et de l’empire : parce que les yeux du peuple, aveuglés par des superstitions fausses et méchantes, les princes furent forcés d’endurer les outrages des papes ; Parmi les individus, il n’y avait guère de personne qui osât dire un seul mot ou révéler l’impiété des ordonnances papales, si ce n’est qu’on voulait perdre la tête.
[Naissance des quatre mendiants]. À cette époque, environ douze cents ans après la naissance de Jésus-Christ, plusieurs ordres de moines naquirent dans l’Église, pertes publiques et destructeurs de la vraie religion, de la doctrine chrétienne et des arts libéraux. Deux de ces ordres, qui professaient suivre la règle de saint Bernard, étaient cependant très différents par leurs lois, leurs cérémonies et leurs modes de vie. L’un s’appelait les Pauvres de Lyon, l’autre les Humbles d’Italie. Ces pauvres de Lyon vivaient parmi d’autres hommes, prêchaient et exposaient les Écritures ; les humbles d’Italie méprisaient les richesses, vivaient d’aumônes et se vantaient d’être des imitateurs des apôtres. Les papes condamnèrent ces deux ordres ; Puis, comme la superstition est féconde et qu’une erreur en engendre d’autres, de nouveaux ordres sont apparus, qui, sous une apparence vaine et déguisée, ont tellement captivé le monde qu’en peu de temps ils ont commencé à se multiplier et à se répandre dans tant d’endroits qu’ils ont rempli tout l’Occident en quelques années seulement. Ces monstres de couleurs diverses s’infiltrent dans les villes, les cours des princes, les chambres et les cabinets des dames, où ils se font entendre et croire, où ils ont été écoutés et crus. Cependant, ils interagissaient étrangement les uns avec les autres et faisaient tout ce qu’ils pouvaient, chacun de leur côté, pour élever leur ordre au-dessus des autres. Ils n’ont utilisé d’autres armes que le langage. Leurs principaux fondateurs étaient François et Dominique. François était italien d’une ville nommée Assise, dans le duché de Spolète ; Dominique était espagnol. Les Carmes vinrent d’Asie en Europe, se vantant d’être descendus du Mont Carmel, et furent amenés par un certain Albert, patriarche de Jérusalem. Les Augustins sont nés en France par l’intermédiaire de Guillaume, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, qui les a établis afin de suivre la doctrine et le mode de vie de saint Augustin, dont ils portaient le nom : comme les moines grecs appelés Calogères (un mot corrompu composé de deux mots grecs signifiant « beau père ») prétendent suivre la règle de saint Basile.
Peut-être que l’intention des fondateurs de ces ordres n’était pas mauvaise. Car je pense qu’ils voulaient soutenir la discipline de l’Église, qui était en déclin, et qu’ils voulaient ramener les choses à un état plus strictement réglementé, parce que les chapitres des chanoines et des autres couvents étaient déjà diffamés par la gourmandise, la lubricité et d’autres dissolutions de ce genre ; l’étude de la théologie fut anéantie, et les ecclésiastiques se préoccupèrent du faste des grands du monde et de la gouvernance politique. Des gens sages et craignant Dieu ont approuvé l’intention de ces fondateurs : en conséquence, les ordres ont été remplis de moines qui venaient de tous les côtés, et puis l’hypocrisie a fait que l’effort en valait la peine.
Mais quand la superstition s’était emparée des consciences et que la tyrannie des papes avait pris le dessus, ces moines se mirent immédiatement à maintenir et à fortifier leur état, ajoutant tant de nouvelles erreurs aux précédentes qu’ils cachèrent et éteignirent complètement le peu de lumière qui leur restait. Car ils ont forgé un type de doctrine tout à fait nouveau, inventé un autre type d’œuvres : tout cela est plus conforme à la philosophie du monde qu’à la doctrine céleste, et plus adapté à la tyrannie papale qu’au royaume de Jésus-Christ.
Mais ils l’ont orné de belles couleurs. D’abord, ils ont falsifié la doctrine concernant le péché et n’ont rien dit des ténèbres qui existent dans l’intellect et des vices dans la volonté ; puis ils firent croire que le mal qui reste dans le régénéré n’est pas un péché contraire à la loi de Dieu. Ensuite, ils ont rapporté le mot concupiscence aux sens et au désir naturel, au lieu de dire que nos affections sont dépravées, que notre intellect est aveugle et que notre volonté est mauvaise. Quant à la loi de Dieu, ils la transformèrent complètement en philosophie, qui ne parle que de la conduite de notre vie devant les hommes, et soutinrent qu’on pouvait satisfaire à la loi de Dieu par cette discipline civile, c’est-à-dire par les œuvres extérieures et un certain effort de la volonté, même s’il reste des ténèbres dans l’intellect et beaucoup de mauvais penchants dans la volonté et dans le cœur. Ils soutenaient aussi que ces ténèbres et ces mauvais penchants n’étaient pas des péchés. Ils en ont tiré d’autres conclusions fausses, par lesquelles ils ont effacé la promesse de l’Évangile et tous les bienfaits de Jésus-Christ ; car ils enseignaient que les hommes étaient justes devant Dieu, c’est-à-dire qu’ils plaisaient à Dieu à cause de leurs œuvres, au lieu de dire que nous sommes jugés justes par la grâce, à cause du Christ notre Médiateur saisi par la foi, qui est la doctrine continuellement proclamée dans l’Église de Dieu par les prophètes et les apôtres.
De plus, ils confondaient la Loi avec l’Évangile, disant qu’il y avait trois Lois, à savoir : Naturelle, Mosaïque et Évangélique. Et parce qu’ils soutenaient que l’homme satisfaisait à la justice de Dieu, leur folie les a entraînés jusqu’à inventer d’autres œuvres et un nouveau service de Dieu, et ils ont préféré en tout leurs inventions aux œuvres commandées par la Loi ; Puis, pour de l’argent, ils partageaient leurs œuvres avec ceux qui voulaient les acheter. Quelles absurdités ont-ils forgées sur leur état de perfection ?
De quels éloges ont-ils orné leur commanderie, qu’ils appellent renoncement volontaire aux biens du monde ? Leur vil célibat et autres ordures monastiques de ce genre n’ont-ils pas été préférés par eux à tout ce qu’il pourrait y avoir de plus parfait et de plus excellent dans le monde ? Finalement, leur impudence en est arrivée à prêcher que la vie monastique était un mode de vie établi pour mériter le pardon des péchés et la justice devant Dieu, qu’elle était un état de perfection, de loin plus excellent que toutes les autres sortes de vocations ordonnées par Dieu. De plus, ils étaient assez fous pour vouloir contrefaire les cérémonies légales, et voulaient établir dans l’Église chrétienne un souverain pontife sur la terre, des prêtres, un tel sacerdoce, des sacrifices et des cérémonies tels que les mosaïques. Tout cela est le résultat de la folie, de n’avoir pas été capable de reconnaître la différence entre l’Évangile et la Loi.
Mais combien de disputes inexplicables ont-ils obscurci et embrouillé la doctrine du repentir, et combien d’horribles tourments ont-ils infligés aux consciences ? Tout d’abord, ils étaient chargés de confession et enveloppés dans les cordons de l’énumération des péchés. Quant à l’absolution, elle n’avait pas d’efficacité, car ils niaient qu’elle pût être bénéfique sans mérites préalables, et ordonnaient aux gens d’être toujours dans le doute. De plus, ils ordonnaient aux confessés certaines œuvres de nécessité, établissant de leur propre autorité des satisfactions pour les péchés et pour gagner la délivrance des douleurs de l’enfer. Ces erreurs engendrèrent et engendrèrent d’autres tout à fait nouvelles, pleines de mensonges, d’impiété et de blasphèmes contre Dieu, concernant les vœux des moines, l’application de la messe pour les vivants et les morts, les pèlerinages aux temples des saints, les indulgences, le purgatoire et autres observances superstitieuses semblables des vaines œuvres, des différences alimentaires. de jours, de vêtements, d’images, de vœux, de processions, de jeûnes et d’autres traditions humaines, qui accablent les consciences, les remplissent d’horreur et de crainte, et les étranglent de cordes infinies, dont il n’est pas besoin d’autres témoins que les moines et les prêtres, et autres inventeurs de nouveaux tourments pour les âmes.
Si les papes étaient déterminés à établir leur tyrannie spirituelle pour persécuter cruellement la vérité de l’Évangile, ils n’en étaient pas moins concentrés sur l’augmentation et le renforcement de leur domination temporelle et des terres qu’ils avaient usurpées aux empereurs, aux rois et aux princes terrestres, afin de garder le monde entier sous leurs pieds.
[Accroissement de la domination]. Cependant, c’était l’an 1000. que les actes tyranniques des papes contre les empereurs étaient en vogue avec raison, de sorte qu’ils étaient délivrés de tous les jougs, gouvernés entièrement à leur gré, sans se soucier d’aucun magistrat : ils foulaient même aux pieds les princes et les empereurs, les forçaient à les servir de tout, et les ensorcelaient par leurs impostures
[Grégoire VII]. Quel horrible tumulte a soulevé le pape Grégoire VII contre l’empereur Henri IV ? Non seulement il l’excommunia, sans le mépriser, mais il excita aussi contre lui ses propres sujets, princes et seigneurs, les absolvant du serment qu’ils lui avaient fait, et déclencha une grande effusion de sang. Cette histoire cruelle est décrite par Jean Aventin et d’autres encore.
[Urbain II]. Le pape Urbain II, successeur de Grégoire, dont il avait été un disciple assidu, fut l’auteur de la guerre des chrétiens contre les Sarrasins, au concile de Clermont, comme nous l’avons déjà dit. En plus de cela, il retourna son propre fils Conrad, prince d’Italie, contre l’empereur Henri IV, renversant ainsi les lois de la nature.
[Pascal II]. Le pape Pascal II excita Henri V contre son propre père Henri IV, qu’il excommunia trois fois, et fit tellement que les trois évêques de Mayence, de Cologne et de Worms dépouillèrent le bon empereur l’aîné, dans son palais d’Ingelheim, de ses ornements impériaux, et en ornèrent son fils Henri V. Albert Krantz (1) décrit cette histoire tragique dans le vingtième chapitre du cinquième livre de son histoire de la Saxe.
(1) Historien allemand, né à Hambourg, mort en 1517, enseigna la théologie a Rostock.
Ce même Pascal causa un mal infini à l’empereur Henri V et fut responsable de l’effusion de beaucoup de sang, uniquement à cause de l’attribution et de l’investiture des Prélatures et des Prébendes, que l’Empereur avait arrangées jusqu’alors ; mais le pape voulut lui arracher ce pouvoir des mains, ce que Calixte II ne put faire à ce moment-là, et ensuite il s’attacha à l’empereur, et ne cessa pas jusqu’à ce qu’il eût ce pouvoir entre ses mains. L’abbé d’Ursperg a écrit avec diligence sur ces questions, qui se sont produites en l’an 11.
[Les Papes tourmentent les Empereurs et les oppriment]. Mais ce n’était toujours pas suffisant. Car les papes qui ont suivi ce qui précède ont également été les successeurs de leur méchanceté en persécutant les empereurs. Ils s’opposèrent de plus en plus à eux et ne cessèrent pas leurs excommunications, leurs séditions, leurs guerres, leurs mensonges, leurs déloyautés et leurs projets continuels, jusqu’à ce qu’ils épuisèrent les empereurs et les opprimèrent en élevant leur siège sur eux, et jusqu’à ce qu’ils acquièrent le pouvoir souverain sur tous.
[L'an 1178, 1155, 1104, 1199]. Quiconque veut avoir une connaissance approfondie et certaine de ces questions devrait lire l’histoire de l’empereur Frédéric Barberousse et ce que les papes Adrien IV et Alexandre III ont fait contre lui, ce dernier, avec une extrême arrogance, a mis le pied sur sa gorge ; et ce que le pape Célestin IV a fait contre l’empereur Henri V ; et avec quel orgueil, quelles menaces et quelle violence le pape Innocent III, un homme téméraire et orgueilleux, a agi contre l’empereur Philippe.
[Grégoire IX]. Tout l’esprit des papes à cette époque était occupé à mener des guerres dans lesquelles ils maintenaient leur tyrannie contre les empereurs, qu’ils ont continué pendant 200 ans. Ensuite, ils se montrèrent vaillants en soutirant de l’argent de toutes parts pour soutenir la grandeur, la pompe et la magnificence de la cour de Rome, pour construire et publier des lois sur lesquelles toute leur méchanceté serait fondée et solidement soutenue. Et pourtant, le pape Grégoire IX de ce nom (nom malheureux pour toute la chrétienté dans la hiérarchie romaine, depuis Grégoire, le grand architecte de la superstition) souhaitant chasser l’empereur Frédéric II d’Italie, dont il craignait la force et la présence, conçut une ruse : il fallait pousser l’empereur en Asie, y faire la guerre au prix de grands risques et de grands désagréments. Néanmoins, il renouvela et rétablit le décret du concile de Latran concernant la guerre sainte, et commença à exhorter l’empereur à entreprendre ce voyage sous la menace de l’excommunication. Mais à peine l’Empereur était-il arrivé à Chypre que le Pape s’empara des Pouilles, qu’il désirait depuis longtemps, et parce qu’après le retour de l’Empereur il ne pouvait pas les conserver par la force, il eut recours à un nouveau coup de foudre d’excommunication forgé et aiguisé lors de ce concile de Latran, qu’il lança contre l’Empereur pour le chasser. Comme nous l’expliquerons plus loin. Le même Grégoire avait recueilli, par l’intermédiaire d’un certain Raymond de Barcelone, les constitutions décrétales dont il entourait et resserrait tellement cette hiérarchie romaine, comme avec des chaînes d’aimants, qu’elle ne pouvait ni osciller ni tomber, pensait-il. Cela a été fait vers l’an 1233.
[Innocent IV]. Grégoire IX eut pour successeur Innocent IV, qui tint un concile à Lyon contre l’empereur Frédéric, où il rétablit ce point d’excommunication, grossièrement forgé au concile de Latran, et l’aiguisa tellement qu’il en fit trois contre lui, après avoir excité les Français, les Espagnols et les Anglais contre l’empereur. Quant aux Allemands, ils haïssaient depuis longtemps leur Empereur à cause des machinations de ce pape. Le texte de cette excommunication se trouve dans la sixième des Décrétales, De Sententia et re iudicata. Et pour que le collège des cardinaux (fortement autorisé et élevé par Nicolas II) soit reconnu parmi tous les ordres ecclésiastiques par certaines marques, Innocent leur ordonna de porter des chapeaux rouges et de monter sur des chevaux blancs lorsqu’ils allaient d’un endroit à l’autre. De plus, parce que le service de la Vierge Marie était d’un grand profit et d’un grand revenu, il institua la fête de sa nativité au mois de septembre.
[Grégoire X]. Quelque temps plus tard, Grégoire X tint un autre concile à Lyon, et pour élever encore le siège de Rome, il fit appel à Michel Paléologue, empereur de Constantinople, qui se montra tout à fait prompt à obéir, non par amitié ou par respect pour le pape, mais dans l’espoir d’obtenir l’aide nécessaire pour lui permettre de conserver l’Empire. dont il s’était emparé après avoir malheureusement blessé Jean, fils de Théodore Lascaris, l’empereur légitime, qu’il avait sous sa garde. Lors de ce concile, la question a été débattue de savoir si le Saint-Esprit procède du Fils. Le Pape voulait utiliser ce moyen pour apaiser le désaccord entre les Églises grecque et latine sur ce point et pour mettre les Grecs sous le joug du Siège romain. Mais les évêques qui étaient en Grèce rejetèrent avec une telle véhémence ce qui fut décidé dans ce concile, qu’ils excommunièrent de leurs églises les députés qui avaient consenti aux Latins, et après leur mort, ils ne permirent pas qu’on les enterre.
Or, c’est principalement dans ce concile que furent abordées les affaires de la guerre sainte, et le pape, agissant sagement pour l’empêcher, sous prétexte de vouloir poursuivre cette guerre, demanda aux ecclésiastiques la dîme de tous leurs revenus pendant cinq ans, prenant des mains de l’empereur Rodolphe l’exarchat de Ravenne, qui est la région de la Romagne. et presque tout ce que les empereurs possédaient de ce qui restait en Italie. Bien que cette générosité de Rodolphe ait quelque peu apaisé les papes de l’époque, les guerres n’ont pas du tout été apaisées ; car dès que Henri de Luxembourg et Louis de Bavière, empereurs, voulurent mettre le pied en Italie, les papes déchaînèrent leur fureur contre eux avec autant d’impétuosité que contre leurs prédécesseurs. Ils n’étaient pas encore satisfaits de l’Italie, mais cherchaient des occasions d’entraver et de subjuguer la France, afin de briser facilement par la suite l’autorité et le pouvoir des électeurs de l’Empire.
[Boniface VIII]. Le pape Boniface VIII tenta de soumettre la France, en ordonnant une levée d’argent pour la guerre sainte. Le roi Philippe refusa cette taxe, ce qui irrita tellement le pape qu’il priva Philippe du royaume et le céda au siège romain : puis il commença à tonner et à frapper, interdisant aux Français d’obéir à un excommunié : il incita aussi Albert, duc d’Autriche, nouvellement élu empereur, à attaquer Philippe, afin que les Français et les Allemands se dévorent mutuellement dans une nouvelle guerre. Il espérait aussi qu’après avoir détourné les sujets de l’amour de leur roi et créé des divisions entre eux, il serait en France ce que ses prédécesseurs avaient été en Allemagne. Mais le roi, ayant devancé et confirmé les Français dans leurs devoirs envers lui, déjoua et renversa ces machinations et ces embuscades de Boniface, qu’il avait fait prisonnier par une Italienne nommée Sarra Colonne, et par Nogaret de Sainel Felix, un gentilhomme français, qui le capturèrent dans la ville d’Anagnia et le firent étrangler en prison. comme un nouvel exemple, mais d’une vengeance très juste contre un pape, car ce fut le remède qui éteignit le désir ardent des papes, à tel point que depuis lors ils n’ont pas eu l’appétit de vouloir consumer la France. L’épitaphe de ce Boniface était qu’il était parvenu à la papauté comme un renard, qu’il avait régné comme un loup et qu’il était mort comme un chien ; car il avait frauduleusement supplanté Célestin V pour prendre sa place, où il avait commis toute la méchanceté et la cruauté qu’on pouvait imaginer. C’est lui qui rassembla la sixième des Décrétales et la fit ratifier au Concile de Lyon. Son prédécesseur, Honorius IV, n’était pas satisfait des dixièmes que Grégoire IV avait imposés, mais demandait un quart de tous les revenus annuels.
[Clément V]. Clément V, successeur de Boniface, s’est peint lui-même dans ses Clémentines, bien que certains écrivent qu’il s’est rétracté et les a brûlées. Déjà, devant lui, on n’entendait dans les temples que des messes d’argent, avec des cérémonies profanes contre l’institution de la dernière Cène de Notre-Seigneur, les appliquant aux vivants et aux morts ; L’adoration du pain était en vogue partout, si bien que tout le monde venait s’y rendre, et se prosternait devant le pain élevé par le prêtre après la consécration, enfermé et enfermé, puis appelé une hostie à cause de leur nouveau sacrifice, devant la prison dont une lampe était aussi continuellement allumée, quant à un dieu spécial, à la manière pratiquée autrefois parmi les païens au temple de Delphes. Or, afin qu’il n’y eût rien à redire sur le service de ce dieu, en dehors des processions, des solennités, des fastes et des fêtes ordonnées par Urbain IV, à la persuasion de Thomas d’Aquin, en l’an mil deux cent soixante-quatre, Clément ratifia et confirma tout par l’autorité du concile de Vienne. Auparavant, Innocent III avait ordonné quelque chose de cela au Concile de Lyon. Après que les papes eurent introduit, par une rêverie superstitieuse, cette idolâtrie, le peuple de la chrétienté reçut dévotement ce dieu de pâte, et augmenta tellement la dignité de son service qu’il n’y avait d’honneur que pour lui parmi eux : c’est ainsi qu’il fut enfermé dans de magnifiques ciboires dans leurs temples, et superbement choisi par-dessus toutes les autres idoles.
Ce Clément quitta Rome et transféra le siège à Avignon, où il resta pendant soixante-quinze ans, d’où naquirent les différends dans l’élection des papes. Car parfois, en même temps, il y avait deux ou trois papes, l’un élu dans un endroit, l’autre dans un autre, et il était alors nécessaire de déployer des moyens de fraude et de violence pour rester maître, avec votre ambition enragée et les cruautés les plus étranges du monde. En résumé, ils troublèrent tellement la chrétienté que non seulement l’Italie, agitée par ces tempêtes comme par un tremblement de terre continu, et ébranlée jusqu’à son cœur, chancela et fut sur le point d’être submergée ; mais aussi les empereurs et les rois chrétiens étaient si occupés à apaiser les débats de ces hommes furieux que les forces de l’Occident étaient épuisées et que les Turcs commençaient à prendre le dessus.
Le concile de Pise destitua deux papes et en créa un troisième. Le concile de Constance, où Jean Hus et Jérôme de Prague ont été brûlés, a retiré l’usage de la coupe dans la Cène du Seigneur à ceux qu’ils appellent laïcs et séculiers, a dégradé trois papes et en a élu un quatrième. Le concile de Bâle, ayant déclaré que le pape était au-dessous du concile, sapa la tyrannie papale : cela étant perçu par Eugène, il assigna le concile à Ferrare, puis le déplaça de là à Florence, sans tenir compte de ceux qui s’étaient rassemblés à Bâle. Lors de ce concile de Florence, Eugène s’efforça de persuader les Grecs, entre autres fables, de l’existence du purgatoire et de reconnaître le pontife romain comme l’évêque universel.
L’empereur Jean Paléologue, le patriarche de Constantinople, certains évêques grecs, Bessarion entre autres, étaient d’accord avec ces articles : cependant, ils rejetaient catégoriquement la transsubstantiation, qu’ils voulaient alors prouver. Mais étant de retour en Grèce, Marc, évêque d’Éphèse, et plusieurs autres s’opposèrent à ce qui avait été accordé : et toute l’affaire fut si débattue, qu’ils en furent contraints de retirer ce qu’ils avaient approuvé, et le déclarer nul et non avenu. Car à cette époque, et même avant, la doctrine des Églises grecques était plus solide que celle des Latins. Même depuis, bien que l’Église grecque ait été entachée de beaucoup d’erreurs et qu’elle soit tombée dans la triste servitude et l’horrible barbarie des Turcs, elle a été moins impure que l’Église romaine. Sa servitude eut lieu immédiatement après le retour de l’empereur, Mahomet ayant pris d’assaut la ville de Constantinople. La plupart des erreurs de l’Église grecque sont venues de l’évêque de Rome, de qui elle les a tirées par l’intermédiaire de quelques moines, et à cause de la proximité.
Finalement, on en est arrivé au point où le Pape a été proclamé Seigneur des Royaumes du Monde, et il a été dit qu’il était nécessaire de croire au salut, que tous les hommes doivent être soumis à l’évêque de Rome. Si quelqu’un le niait, il était déclaré hérétique, comme le fut Pierre des Vignes à l’époque de l’empereur Frédéric, Marsile de Padoue, Guillaume d’Ockham et d’autres sous l’empire de Louis de Bavière. Ensuite, il y a eu une dispute sur l’autorité du pape et du concile, et sur la question de savoir si le pape devait être au-dessus des conciles, ce que certains ont soutenu, arguant que le pape n’avait de comptes à rendre à personne, parce qu’en vertu de sa position et de sa dignité, il ne pouvait pas se tromper. Tout cela est contenu dans les Décrétales, dans les lettres de Grégoire, dans la sixième de Boniface, dans les Clémentins et dans l’Extra.
Le concile de Bâle aborda la dernière question et soumit le pape à la censure du concile : celle-ci fut ratifiée par Nicolas V, mais ses successeurs abolirent ce décret. Ce même concile, ayant élu Amé, duc de Savoie en concurrence avec Eugène, qui se faisait appeler Félix V, attisa un schisme que Frédéric III finit par réprimer.
Pour conclure ce discours, la chrétienté en est arrivée au point qu’après la mort de Raoul et d’Adolphe, rois des Romains, le pape s’est vanté d’être empereur à l’époque d’Albert Ier, en l’an 1300. Car c’est alors que Boniface VIII proclama l’année du Jubilé (qui, cependant, avait été abrogée par les Apôtres), promettant l’indulgence totale et la rémission des péchés à ceux qui se rendaient en pèlerinage à Rome. En cette année jubilaire, Boniface s’est montré un jour à toute la multitude du peuple avec ses ornements pontificaux et leur a donné sa bénédiction.
Le lendemain, il se présenta dans l’habit et les insignes d’un empereur, ce qui impliquait que la dignité impériale et papale, ainsi que tout le pouvoir civil et ecclésiastique, lui appartenaient. Albert Krantz le mentionne dans son histoire de la Saxe, livre 8, chapitre 36. Ce Pape publia aussi les Décrétales qui portent encore son nom, dans lesquelles il attribue encore plus impudemment que jamais, tout pouvoir aux Papes.
[Jean XXII]. Peu après Boniface, Jean II déclara et fit ressentir à l’empereur Louis IV, avec une extrême fierté, ce pouvoir ou cette tyrannie. Car il l’excommunia et commit mille outrages contre lui, lui lançant une grande guerre, dans laquelle une mer de sang fut versée en Allemagne. Jean Aventin décrit cette histoire en détail dans les Annales de Bavière, dans le septième livre.
Mais (dira-t-on) qu’ont de commun ces histoires de papes et d’empereurs, et les accroissements du pouvoir pontifical, avec les persécutions de l’Église que nous avons entrepris d’écrire ? Ils sont liés, et peut-on parler de l’un sans aborder l’autre ? En effet, puisque ce sont les papes qui ont suscité les persécutions les plus graves de la chrétienté ces derniers temps, et que leurs prédécesseurs, à savoir les premiers évêques de Rome, n’ont persécuté personne, mais ont enduré la persécution et le martyre, ceux qui les ont suivis ont été des pasteurs et des docteurs fidèles, qui se sont soumis et ont obéi aux empereurs et au magistrat, n’avait ni domination ni sujets, et n’était pas prince ; Il faut donc que tout le monde comprenne par quels moyens, comment, pourquoi et quand l’état des Papes a si lâchement changé, au point que les derniers Papes ne ressemblent plus aux premiers, s’étant ainsi rendus maîtres des empereurs et des rois, et devenus les persécuteurs de l’Église. Pourquoi tant de guerres diverses et cruelles, dans lesquelles tant de sang humain a été versé, ne seraient-elles pas considérées comme des persécutions de l’Église, dont les Papes, si élevés et si puissants, ont été la cause ? Car, de même qu’ils ont poussé les pauvres chrétiens dans de longues guerres à l’étranger contre les Sarrasins et les Turcs, comme on l’a déjà dit, ils n’ont pas cessé d’attiser toutes sortes de persécutions et de discordes dans la chrétienté.
Pourquoi ne dirait-on pas que l’Église a été persécutée, alors que les empereurs chrétiens et leurs sujets obéissants ont été ainsi manipulés et plongés par les papes dans leur propre sang, et ont été si durement fouettés par ces fléaux des guerres, et pendant tant d’années, avec une effusion de sang si grande et si inhumaine ? Dans toute cette grande misère et cette calamité, les pauvres rois et empereurs chrétiens ont souffert et ont été tourmentés avec leurs disciples ; au contraire, les papes ont eu des victoires, ont triomphé et ont fait leur œuvre, et se sont même tellement établis et renforcés qu’ils ne craignent plus personne, mais dominent et contrôlent à leur guise, sans aucune crainte ni préoccupation. En effet, ces événements s’alignent sur ce que le prophète Daniel a prédit à propos d’Antiochus, une figure de l’Antéchrist, au chapitre 8, versets 23 et 24 : "Un roi se lèvera, habile dans la subtilité. Sa puissance sera renforcée, mais pas par sa propre force. Il causera une destruction étonnante, prospérera, exploitera et détruira les puissants et le peuple des saints. La tromperie sera avancée dans sa main selon son intelligence, et il se magnifiera dans son cœur, et ruinera beaucoup par la prospérité ; il s’opposera au Seigneur des seigneurs, mais il sera brisé sans intervention humaine."
Si l’on devait raconter combien de sang versé par les papes a été causé dans les royaumes de Sicile, de Naples et des Pouilles, d’Innocent IV à Clément VII sur une période de 284 ans, en chassant les Allemands et en mettant les Français en possession, puis en attirant les Espagnols contre les Français, en rappelant également les Allemands, Les Français et les Hongrois, et comment ils les mettaient en discorde et en dissension les uns contre les autres, il faudrait un gros livre.
Mais les histoires en parlent longuement. De plus, leur grande et injuste puissance ou tyrannie a attiré, par d’autres moyens, une persécution très cruelle et l’effusion de sang humain. En effet, les papes, s’étant emparés (comme on l’a dit) de tout le pouvoir ecclésiastique et civil, et élevés au-dessus des conciles, ont ensuite ordonné et disposé de la doctrine, de la foi et de la religion, des constitutions et des cérémonies de l’Église, selon leurs propres désirs : de là naissent les persécutions, d’autant plus que ceux qui contredisaient les ordonnances des papes étaient immédiatement retenus et persécutés comme hérétiques. Et ce qu’on appelle proprement ici (après les guerres susmentionnées), c’est la persécution des papes contre les chrétiens et contre l’Église chrétienne, à cause de la foi et de la religion, tout comme dans l’Église primitive.
Car, de même que les premiers fidèles ont été persécutés au commencement par les empereurs, les derniers fidèles sont persécutés à la fin du monde par les papes romains. Cependant, pour mieux comprendre cela, on ne peut nier que des erreurs et des abus se sont glissés dans l’Église depuis longtemps, et pas seulement dans la nôtre, dans la mesure où au fil du temps nous nous y sommes adaptés. Depuis lors, le nombre de ces abus a augmenté et s’est renforcé, principalement grâce aux Papes qui les ont promus et acceptés dans le monde, puis les ont avancés et maintenus par l’épée, de sorte que beaucoup de ceux qui voient l’énormité de tant d’erreurs n’osent néanmoins pas les contredire ouvertement, sachant bien que s’ils le faisaient, Leur vie ne leur appartiendrait plus. Le décret ou droit canonique compilé par Gratien, et les quatre livres des sentences de Pierre Lombard, qui ont été longuement discutés ci-dessus, ont été les fondements de la tyrannie papale et de la persécution contre l’Église chrétienne.
[L'an 1183]. Car si quelqu’un n’approuve pas la monarchie du pape et l’accord de l’Église qu’ils réclament, et ne parle pas la langue des canonistes et des scolastiques, tous se précipitent sur lui et, avec l’aide du pape et du bras séculier, le diffament partout, le persécutent et l’oppriment comme s’il était hérétique. À cet égard, il y a une loi dans leurs décrétales faites par le pape Lucius III, qui stipule que ceux qui ont une opinion concernant les sacrements autre que celle de l’Église romaine, et tous ceux qui seront condamnés par les papes, seront considérés comme hérétiques et excommuniés. Ensuite, l’exposé ajoute comment le magistrat doit procéder contre de telles personnes, et s’il ne le fait pas, comment on doit procéder contre un magistrat aussi désobéissant. liv. 3. Tit. 7. de Hœreticis , cap. ad abolendum, &c.
[Les Conciles]. Après cela vinrent les conciles, comme on l’a dit aussi, qui, étant dévoués au pape, maintinrent l’accord susmentionné, et par ce moyen ils opprimèrent, vainquirent et ruinèrent complètement tous ceux qui s’opposaient au siège romain. Car il était nécessaire que tout ce qui avait été ordonné dans les conciles fût exécuté et mené à son achèvement ; Et c’est à cela que les magistrats et tous ceux qui pouvaient porter les armes étaient obligés.
Nous avons dit, comme l’histoire l’atteste, que les papes, pour confirmer leur domination temporelle, ont rempli de sang l’Allemagne et l’Italie. En ce qui concerne l’établissement des idolâtries et des superstitions introduites peu à peu sous leur autorité dans l’Église du Seigneur, tous ceux qui voulaient s’y opposer avant l’époque de Wycliffe, directement ou indirectement, affrontaient de terribles assauts à endurer. D’abord, d’autant plus qu’en ces temps défigurés par une ignorance brutale, il y avait peu d’érudits, et si quelqu’un avait un peu de jugement, pour être seul ou suivi par quelques-uns, il était forcé de garder le silence, laissant les moines et autres bêtes de ce genre brouiller le papier et raconter des histoires à volonté. S’il s’agissait de parler de ceux qu’ils appelaient hérétiques, c’est-à-dire ennemis de la papauté, on les accusait des crimes les plus horribles du monde, afin de rendre leur mémoire entièrement odieuse et exécrable. Ensuite, ceux qui s’opposaient à l’erreur étaient eux-mêmes encore si enfoncés dans la nuit qu’il était nécessaire que Dieu les fortifie merveilleusement et les éclaire d’une faveur spéciale pour voir un jour dans une obscurité aussi profonde : pour cette raison, il ne faut pas trouver étrange que le nombre ait été rare, bien que, grâce à Dieu, il y ait toujours eu un petit nombre, même lorsque les ténèbres de l’idolâtrie semblaient avoir étouffé toute lumière, qui voyait, comme par une petite ouverture, la lumière du salut et de la vérité enfermée dans la doctrine de l’Évangile.
D’ailleurs, l’Antéchrist, s’étant ainsi établi depuis longtemps, a acquis tant de soutiens qu’il est presque impossible de s’y attacher sans recevoir des coups. Cependant, les mensonges des moines et d’autres embrouilles semblables, ni l’épaisseur des ténèbres de l’ignorance, ni la fureur du monde, n’ont pu empêcher que, depuis que l’évêque de Rome a été déclaré chef universel de l’Église, il y ait eu des gens de tous les états en divers lieux qui ont d’abord haï dans leur cœur. puis vocalement, et même par écrit, la tyrannie exercée par les Papes sur les corps et les consciences.
[Sommaire histoire des Vaudois et des Albigeois]. Cela nécessite une réflexion plus large, tirée de diverses histoires comme suit (1). Vers l’an 840, une personne bonne et douée nommée Bertramus, voyant diverses erreurs se glisser dans les églises, et que l’idolâtrie de la transsubstantiation commençait à se renforcer en raison de l’ignorance et du laxisme des ecclésiastiques, publia un écrit préparé sur l’ordre de Charles le Chauve, empereur et roi de France, « De la prédestination », ainsi qu’un autre « Sur le corps et le sang du Christ, » dans lequel il propose la doctrine des Églises réformées et vraiment chrétiennes. Une vingtaine d’années plus tard, un autre médecin nommé Jean l’Ecossais, nommé directeur du collège d’Oxford, écrivit aussi sur le même sujet, condamna l’erreur de transsubstantiation et partagea la même opinion que Bertramus.
(1) Ce qui suit, jusqu'à la page 64, 2* colonne , alinéa , ne se trouve que dans l'édition de 1619
Leur doctrine, tirée des écrits de saint Augustin, fut longtemps soutenue par plusieurs de leurs disciples, qui continuèrent de temps en temps jusqu’en l’an 1040. Béranger, ministre dans l’Église d’Angers, excellent personnage, soutint publiquement la doctrine des deux susdits, conformément à celle de l’apôtre saint Paul, concernant la nature et la vérité du sacrement de l’Eucharistie, et le consentement orthodoxe de l’Église jusqu’à l’époque de Charlemagne, et eut un grand nombre de disciples en France. Il a été attaqué par les papes de l’époque, et finalement submergé par Nicolas II, qui, lors d’un de ses conciles à Rome, a arraché une déclaration de Béranger, affirmant qu’après la consécration, le pain et le vin déposés sur l’autel ne sont pas seulement des signes sacrés, mais aussi le vrai corps et le vrai sang de notre Seigneur Jésus-Christ. ce qui est vraiment, non seulement dans le sacrement, mais en réalité, touché et brisé par les mains des prêtres, et écrasé par les dents des fidèles.
Malgré cette violence injuste, Béranger enseigna dès lors la doctrine pure contraire à celle du pape Nicolas, et écrivit contre cette fausse confession qui lui avait été tyranniquement extorquée. Cela a conduit Lanfranc (1) à écrire contre Béranger le livret que l’on peut encore trouver aujourd’hui, qui n’était pas assez ferme pour les romanistes. Vers l’an 1200, le pape Innocent III publia un décret très explicite par lequel, sous peine d’être déclaré hérétique, tout le monde était enjoint de croire et d’accepter ce point de transsubstantiation parmi les articles de la foi chrétienne.
(1) Archevêque de Cantorbéry, a écrit un Livre sur le corps et le sang de notre Seigneur.
Puis, par la suite, par ce nouvel article de la foi papale, confirmé par le volume des sentences de Pierre Lombard, évêque de Paris, publié vers l’an 1140 et divisé en quatre livres, l’une des idolâtries les plus abominables qui aient jamais existé a été introduite dans les Églises d’Occident, à savoir l’adoration du pain dans le sacrement. Peu de temps après, il fut accompagné par les quatre ordres de moines mendiants, suivis d’une infinité de superstitions, d’impiétés et d’hypocrisies détestables. Il semble que la prédiction ou l’injonction apocalyptique du chapitre 11, versets 1 et 21, ait été accomplie : « Lève-toi, et mesure le temple de Dieu, et l’autel, et ceux qui y adorent. Mais excluez le parvis extérieur du temple, et ne le mesurez pas, car il a été donné aux païens, et ils fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois, ou trois ans et demi, c’est-à-dire mille deux cent soixante jours.»
Mais Dieu, dans sa miséricorde, ne voulant pas perdre ses fidèles, qui sont son sanctuaire, a suscité ses deux témoins pour prophétiser, c’est-à-dire pour annoncer le chemin du salut pendant cette période de quarante-deux mois, jusqu’à la venue du temps de la restauration, après l’accomplissement des temps, du temps, et de la moitié du temps. Car vers l’an 1152, Pierre Valde, un bourgeois riche et notable de Lyon, apparut en France, vivant sans reproche parmi tous ceux qui le connaissaient.
Touché par un accident tout particulier, il donna tous ses biens aux pauvres, pour se consacrer à la prière et à la méditation des Saintes Écritures, qu’il traduisit ou (comme certains disent) fit traduire dans la langue française commune, avec des annotations recueillies auprès des anciens docteurs. Après avoir soigneusement pratiqué dans cette étude des Saintes Écritures, il enseigna la vérité qu’il avait apprise à ses amis, les détournant de ces idolâtries et abominations déjà trop populaires, afin de les ramener à l’essence de l’alliance, par le culte d’un seul Dieu et l’intercession d’un seul médiateur, Mon Dieu; et c’est là qu’il rassembla un grand nombre de disciples, qui répandirent cette doctrine au loin dans divers pays de la chrétienté, malgré les résistances, les puissances, les persécutions, les ruses et les stratagèmes des ennemis de la vérité.
Car comme à l’interdit qui leur avait été imposé par l’archevêque de Lyon, nommé sieur Jean de Belles-Majons (ou maisons), de ne plus prêcher contre la doctrine reçue dans l’Église romaine, ils auraient répondu qu’il valait mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, ils ont été excommuniés, chassés, et (comme en parle le Saint Esprit) ont été vaincus par la bête qui est sortie de l’abîme, et même mis à mort ; à tel point que beaucoup d’entre eux se retirèrent en Picardie, où ils convertirent à leur doctrine, non seulement un nombre infini de personnes, mais encore une grande partie de la noblesse, de sorte que quelque temps après, le roi Philippe Auguste, irrité contre eux par les évêques et autres ecclésiastiques, et voyant que pour leur grande et presque incroyable multitude, il n’a pas pu en finir, a pris les armes contre eux, et les a poursuivis avec le feu et le sang jusqu’à ce qu’il ruine et rase trois cents maisons de gentilshommes qui les maintenaient, détruisit quelques villes fortifiées et brûla un grand nombre d’hommes en Flandre, dans l’intention de les exterminer tous. Ce qui les a poussés à se retirer en Allemagne, où leur doctrine s’est également répandue au loin, mais principalement dans toute la région de l’Alsace et le long du Rhin, où peu de temps après ils ont également été cruellement persécutés par les évêques de Mayence et de Strasbourg, dont l’un en fit brûler jusqu’à dix-huit en une fois ; ils supportèrent la mort avec beaucoup de fermeté, et à un autre moment, trente-cinq bourgeois de Mayence furent brûlés dans la ville de Bingen ; et l’autre en avait environ quatre-vingts brûlés ensemble à Strasbourg, d’où ils ont finalement été forcés de se retirer en Autriche et en Bohême, où ils ont été appelés Picards, parce qu’ils étaient venus de Picardie, et ils y ont tellement répandu leur doctrine qu’on a découvert que vers l’an 1315, il y avait en Autriche, dans la région de Passau et dans les environs de la Bohême, jusqu’à quatre-vingt mille hommes qui la professaient.
Ils furent persécutés avec la plus grande sévérité par les Lacopin. Et bien que
certains historiens les accusent de plusieurs crimes et erreurs, que leurs
ennemis leur imputent à tort, comme l’innocence de Lucifer et de leurs douze
apôtres, qui entrent au Paradis une fois par an, et je ne sais quelle autre
absurdité de ce genre, il est évident, même d’après les écrits de ceux qui les
calomnient ainsi, que la raison de les condamner comme hérétiques n’était autre
que qu’ils soutenaient que la messe était un la corruption méchante de la Cène
du Seigneur ; que l’hostie était une idole forgée par les hommes ; que l’Église
romaine était entièrement corrompue et pleine d’infidélité et d’idolâtrie ; que
les traditions de l’Église n’étaient que superstitions et inventions humaines ;
que le Pape n’était pas le Chef de l’Église ; et d’autres articles similaires
pour lesquels beaucoup d’entre eux ont souffert très constamment, et avec joie
et allégresse, le châtiment du feu. Malgré tout cela, il était impossible de
tout extirper, puisque les historiens racontent que c’est d’eux que naquit la
compagnie et la doctrine des Bohémiens, maintenue dans les écrits de Jean Hus et
de Jérôme de Prague, qui a résisté malgré les persécutions qui ont été élevées
contre eux, jusqu’à l’époque de Luther, après l’année 1517, lorsque les 42 mois
de leur témoignage ont été accomplis.
D’autre part, comme beaucoup d’entre eux ont été dispersés dès le début, leur
doctrine s’est également répandue à travers la Lombardie, puis en Sicile et dans
le royaume de Naples, où elle a duré d’âge en âge jusqu’à notre époque. En
Calabre, ils furent renforcés par la doctrine de Luther, de Calvin et d’autres
ministres de l’Église. Vers l’an 1563 ou 1564, un grand nombre d’entre eux
furent mis à mort.
D’autre part, en ce qui concerne les progrès de Valde, Dieu suscita d’autres personnages en Provence et en Languedoc, parmi lesquels les principaux étaient trois, nommés Arnould, Esperon et Joseph ; leurs disciples étaient appelés arnoldistes, espéronistes et joséphilistes : bien que, parce que leur doctrine ait été reçue pour la première fois à Albi, ils aient été communément appelés Albigeois, d’autres les ont nommés Agennois, d’autres Begards, de sorte que d’un côté les Vaudois et de l’autre les Albigeois étaient comme les deux oliviers ou les deux lampes, dont saint Jean parle dans Apocalypse 11:4, « dont la graisse et la lumière ont été répandues dans tous les coins de la terre. »
Car de cette même démarche suivit immédiatement Pierre de Bruis, que plusieurs appelaient les Pierre-Brusiens, qui eut pour successeur dans la doctrine un nommé Henri, dont l’un avait été prêtre et l’autre moine, et ils enseignèrent dans les diocèses d’Arles, d’Ambrun, de Die et de Gap ; d’où, chassés, ils furent reçus à Toulouse. Si bien que, malgré la mort de Pierre Bruis, brûlé comme hérétique à Saint-Gilles, près de Nîmes, leur doctrine s’étendit néanmoins dans tout le Languedoc et la Gascogne, dans le comté de Foix, le Quercy, l’Agenais, Bordeaux, et presque tout le Languedoc, et dans le comté d’Ingrane, qui s’appelle aujourd’hui le Comtat de Venise (1) , dont Avignon est la capitale.
La Provence a également reçu cette même doctrine, presque universellement. Et les villes de Cahors, Narbonne, Carcassonne, Rhodais, Agen, Magères, Thoulouze, Avignon et Montauban, Saint-Antonin, Puy-Laurens, Castres, Ménerbes (2), Béziers, Beaucaire, Lombes, Pamiers et la région de Bigorne en étaient remplies, ainsi que plusieurs autres villes qui les soutenaient, telles que Tarascon, Marseille, Percées d’Aganais, Marande et Bordeaux.
(1) Le comtat Venaissin.
(2) Petite ville à 32 kilomètres d'Avignon, dans la Vaucluse.
Grâce à quoi cette doctrine s’est répandue encore plus loin, d’un côté jusqu’en Espagne et en Angleterre, et de l’autre jusqu’en Allemagne, en Bohême, en Hongrie, en Moravie, en Dalmatie et même en Italie, à tel point que, quelle que soit l’assiduité des papes, de tout leur clergé et de l’assistance des princes et des magistrats séculiers, de l’extirper, d’abord par des disputes, puis par des proscriptions, des bannissements, des excommunications, la publication de croisades, des indulgences et des grâces à tous ceux qui voudraient leur faire la guerre ; finalement, à travers toutes sortes de tourments, d’incendies, de flammes, de gibets et de cruelles effusions de sang, de sorte que le monde entier a été plongé dans la tourmente ; Ils n’ont jamais pu empêcher les étincelles de voler et d’être dispersées au loin dans presque tous les coins de la terre.
Ils avaient partout leurs ministres ou leurs pasteurs, et leurs diacres, et maintenaient leurs écoles dans certains endroits de la Lombardie, où ceux d’Alsace envoyaient des collectes et des subsides pour les soutenir, et où l’on élevait des jeunes gens dans la connaissance du vrai Dieu. Ils célébraient aussi leurs assemblées jour et nuit, selon que la sévérité des persécutions le leur permettait ; c’est ainsi qu’ils établirent des églises en plusieurs endroits, comme en témoigne l’exemple de Barthélemy, natif de Carcassonne, qui, en Bulgarie, en Croatie, en Dalmatie et en Hongrie, érigea des églises et institua des ministres, comme le raconte Matthieu Paris, l’appelant leur pape et évêque, et citant à ce propos la lettre que l’évêque de Port, légat pontifical dans ces régions, écrivit à l’archevêque de Rouen et à ses suffragants, demandant de l’aide et de l’assistance contre eux, jusqu’à ce qu’ils soient finalement forcés de se retirer dans les déserts, selon la Prophétie de l’Apocalypse. chap. 12, disant que "la femme enceinte qui a donné naissance à l’enfant mâle, et qui est la véritable Église de Dieu, serait tellement persécutée par le dragon (qui jetterait de l’eau, comme un fleuve, de sa bouche après elle pour l’engloutir), qu’elle serait forcée de fuir dans le désert, où elle serait nourrie pour un temps, et temps, et la moitié d’un temps, ou pour une durée de 42 mois ou 1260 jours" ce qui est le même nombre, et si l’on prend un temps pour une année séculaire, ou un siècle (c’est-à-dire pour un temps de l’âge d’un homme, qui est de 100 ans), cela fait 350 ans.
Or, il est certain que, dès que la croisade fut publiée par le pape Innocent III et ses successeurs contre les Albigeois, plusieurs princes de la chrétienté s’armèrent et les poursuivirent, et une grande abondance de fleuves que le dragon avait vomis, c’est-à-dire une grande multitude de peuples et de nations (comme l’explique le Saint-Esprit lui-même) fut assemblée par les papes pour les engloutir ; (Car les histoires racontent qu’à diverses époques un si grand nombre de croisés de toutes les nations se rassemblèrent contre eux, que jamais auparavant une si grande multitude de peuples armés n’avait été vue, chacune de leurs armées comptant plus de quatre-vingts ou cent mille hommes ; ainsi, ils furent finalement ainsi harcelés, vaincus et écrasés, Après avoir vu leurs villes pillées, leurs terres détruites et ravagées, et les hommes, les femmes et les enfants misérablement tués par milliers, ils ont finalement été forcés de se retirer dans les déserts, comme les Alpes de Savoie, du Piémont, et les montagnes du Dauphiné, de la Calabre, de la Bohême, de la Pologne, de la Livonie et d’autres pays désolés, où depuis ils ont eu leurs églises et prêché en petits groupes, étant vêtus de sacs, c’est-à-dire dans la tristesse et le deuil jusqu’à notre siècle, comme il ressort des déclarations faites par ceux de Cabrières, Méridol et leurs associés à la Cour du Parlement de Provence, en vertu des lettres patentes du Roi, faisant des reconnaissances sur le fait que la doctrine et le mode de vie qu’ils avaient leur avaient été enseignés de père en fils depuis l’an mil deux cents : à tel point que la période susvisée de 350 ans a été justement accomplie, depuis le moment où ils ont commencé à être persécutés jusqu’à la restauration des églises, qui a été faite de nos jours par la doctrine de l’Évangile.
Car il est certain que pendant le temps de 350 ans, qui est de trois jours et demi, ou quarante-deux mois mentionnés dans l’Apocalypse, les habitants de la terre ont triomphé avec une grande joie et une grande fête, et toutes sortes de félicitations parmi les peuples les uns envers les autres, pour avoir (à leur avis) conquis, extirpé et complètement déraciné ces deux témoins du Christ, qu’ils appelaient Albigeois, Gardes, Lollards, Turelupins, et celui des Vaudois, ou des pauvres de Lyon, des Picards, des Bohémiens (car c’est ainsi qu’on les appelait) qui avaient tourmenté les habitants de la terre, mis le règne de leur Souverain Seigneur et Chef dans un grand tumulte, qui furent tués par grands groupes pour exterminer la race : de sorte que vers l’an 1304, un fut brûlé à Paris à une fois jusqu’au nombre de cent quatorze ; mais à la fin de ces trois jours et demi, c’est-à-dire de ces 350 ans, c’est-à-dire autour de l’an de Notre-Seigneur 1517 ou 18, l’esprit de vie procédant de Dieu les a ressuscités et a rétabli leur doctrine; de sorte qu’une grande crainte et une grande terreur s’emparèrent des habitants de la terre qui les virent ; et une voix du ciel les sépara du reste du monde et les rappela au ciel, d’où est venu un grand tremblement de terre, et une émotion et une inquiétude générales parmi le monde, qui doivent être suivies par la trompette du septième ange, par laquelle toute domination et toute gloire seront données à Dieu et à Jésus-Christ.
Il est vrai que les douleurs papales soutiennent que ces gens n’auraient pas été témoins ou prophètes de Dieu, puisque non seulement ils avaient des opinions contraires à l’Église romaine, mais ils étaient aussi infectés de l’opinion des Manichéens concernant deux principes ou dieux, et qu’ils ont complètement méprisé et rejeté les Évangiles et le baptême des enfants. Ils ont également été abandonnés à de nombreuses et abominables souillures de lubricité et de sodomie, comme l’a écrit le frère Pierre des Vallées Sarnay (1), moine de l’ordre cistercien, après avoir dédié son histoire au troisième pape, suivi de plusieurs historiens qui l’ont confirmée après lui. On voit clairement que son histoire a été falsifiée par le traducteur, ou par quelque autre du même genre;
(1) Pierre de Vaux-Cernay a écrit en latin l'histoire de la croisade contre les Albigeois, traduite dans les Mémoires sur l'histoire de France, de Guizot.
puis, dans le deuxième chapitre, il mentionne les calvinistes, disant qu’ils appellent les cloches du pape « tabourins ». Quoi qu’il en soit, la réponse est qu’en ce qui concerne la doctrine, il est clair que ce sont des calomnies qui leur ont été imposées. Et en fait, il y a plusieurs autres chroniqueurs et historiens qui sont plus sérieux et véridiques, qui prouvent que ce maître moine est un menteur ; même Papyrius Masson (1). De plus, il se révèle être un ennemi mortel des Albigeois, et dans ses Annales, il suit le fil de l’histoire de ladite Pierre des Vallées ; si, en récitant les erreurs des Albigeois, il ne les charge de rien d’autre, si ce n’est : Quod docebant templa dirui, cruces deiici oportere : in Eucharistia verum Christi corpus non esse : preces ad Deum promortuis srustra sieri, c’est-à-dire qu’il a fallu ruiner les temples et abattre les croix ; que le corps du Christ n’est pas dans l’hostie, et qu’il ne faut pas prier pour les morts. Il est également facile pour tout homme bien versé dans l’histoire, avec un certain jugement, de voir d’où viennent ces blasphèmes ; car on dit qu’en même temps les papes avaient publié comme article de foi que quiconque voulait soutenir que l’empereur avait reçu son pouvoir immédiatement de Dieu, sans être soumis au pape, serait considéré comme manichéen, comme s’il affirmait qu’il y a deux principes ou deux pouvoirs souverains immédiatement dépendants de Dieu.
(1) Né en 1544 dans le Forez, mort en 1611.
Mais comme les Albigeois soutenaient ouvertement cette doctrine, ce frère Pierre des Vallées, et plusieurs autres hérétiques après lui, en obéissance à ladite ordonnance du pape, saisirent l’occasion pour les accuser d’être manichéens et pour établir deux principes. De plus, parce qu’ils enseignaient la doctrine de la prédestination et de la libre élection de Dieu, ils les condamnaient, comme s’ils avaient introduit une nécessité fatale pour tout, à la manière des manichéens, comme ils calomnient encore aujourd’hui les fidèles sous ce même prétexte. De plus, comme ils rejetaient la messe et les livres écrits à son sujet, ils prétendaient qu’ils rejetaient les livres des Évangiles et des Épîtres, parce que dans les messes il y avait des extraits des Évangiles et des Épîtres de saint Paul, qui étaient alors appelés les Saints Évangiles.
Et de même, comme c’est souvent le cas, ils ont été contraints de différer le baptême des enfants parce que leurs ministres étaient dispersés ici et là en raison de la gravité des persécutions, de sorte que beaucoup ne pouvaient pas recevoir le baptême avant d’avoir atteint l’âge adulte. On les accusait de rejeter le baptême des enfants ; cependant, en vérité, il est révélé par la déposition et le témoignage de plusieurs auteurs éminents de cette époque, qui étaient même leurs ennemis, et de beaucoup d’autres depuis, qui cherchaient la vérité plutôt que la calomnie, que leur doctrine n’était pas différente de celle de ceux qui se disent aujourd’hui évangéliques ou réformés, sauf que peut-être quelques personnes simples parmi eux, incapables de faire baptiser leurs enfants par des ministres de la parole de Dieu, en sont venus à croire que le baptême des enfants n’était soit pas bénéfique, soit pas nécessaire du tout.
Car il semble, d’après le témoignage de saint Bernard, que certains d’entre eux étaient de cet avis. Mais pour le reste, on retrouve encore aujourd’hui quelques-uns de leurs livres écrits sur parchemin, dans les anciennes langues provençales et languedociennes ; comme la prière à la Sainte Trinité, faite sous la forme d’une comptine, qui commence par : Ô Dieu, paire éternal poissant, conforta me, etc. Leur confession au Roi des rois, qui commence ainsi : « Ô Dio, de li Rey, & Seignor de li Seignor, yo mi confesso à tu, , car yo foi cel peccador que t'ay mot offendu, etc & leurs sept articles de foi, dont la préface commence ainsi : Les articles de la se catholica son fet, par liqual li cor de li elcit son enlumena ç creire tolas ç quellas cofas que son necessaras ç l'aincaminant al regne de la benurange eternal, etc.
Et plusieurs autres livres et discours semblables, tels que le traité des Dix Commandements, l’échelle de Jacob, contenant les trente degrés pour monter au ciel, les quatre paradis, la noble leçon résumant l’histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament, les traités sur les tribulations des justes, sur la consolation et sur le mépris que l’homme doit avoir pour lui-même afin d’atteindre la vie éternelle ; et plusieurs sermons écrits dans la même langue, qui révèlent clairement la fausseté éhontée des calomnies que les moines leur ont imposées, et montrent visiblement qu’ils ont tenu en grande vénération la parole de Dieu, contenue dans les livres sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, n’ayant rejeté que les traditions des papes, qui n’ont aucun fondement dans l’Écriture.
De plus, nous trouvons même dans les statuts et ordonnances faits contre eux au concile de Toulouse, publiés en l’an 1229 par un diacre, un cardinal et un légat pontifical nommé Roman, que, loin d’avoir rejeté les Saintes Écritures, au contraire, il leur était expressément défendu de les avoir et de les lire en langue vernaculaire. ne leur permettant que des bréviaires ou quelque psautier en latin, sous prétexte que la lecture fréquente et la connaissance de ces livres les rendaient hérétiques. Et ce moine, qui n’avait pas honte de les calomnier si effrontément, se contredisant, en vient accuser le comte de Toulouse, de n’être allé nulle part sans le Nouveau Testament, dont d’autres ont aussi témoigné dans leurs écrits.
Aussi, l’histoire que l’on retrouve encore aujourd’hui, écrite de la main en rimes provençales, par un gentilhomme qui a toujours participé à la guerre contre eux, montre clairement que toutes les erreurs qui leur étaient attribuées à cette époque consistaient en leur croyance que le pape de Rome était l’Antéchrist, et que l’Église romaine était la grande prostituée décrite dans l’Apocalypse ; qu’ils rejetaient l’adoration du sacrement, l’invocation des saints défunts, le service des images, les reliquaires d’ossements morts, et d’autres superstitions forgées par l’Église romaine, sous le titre de parole non écrite : comme le purgatoire, le sacrifice de la messe, l’intercession des saints, les pèlerinages, les reliquaires, les vœux de continence, les règles du monachisme, et d’autres choses semblables.
Conjointement, les disputes qu’on eut contre eux à cette époque, dans les villes de Versailles, d’Andsice et de Pamier, le révèlent très clairement ; mais parmi toutes les autres, celle de Montréal (1), qui fut la plus solennelle et dura quinze jours, au cours desquels furent nommés de la part du pape Pierre de Castelnau, légat et moine de Cîteaux, Rodolphe aussi envoyé par le pape, Didacq ou Jacques, évêque d’Osvicq (2), et son chanoine Dominique (qui furent les deux premiers fondateurs de l’ordre des Jacobins ou Dominicains). Et au nom des Albigeois, de l’étang Lordain, d’Arnould d’Auerisan, d’Arnould Othon, et de Philebert Caslieus ou Philebert Cafteux (car c’est ainsi qu’on l’appelait dans l’histoire de Toulouse) et de Benoit Thermes :
(1) côté de Carcassonne
(2) Diego, évêque d'Osma
et deux messieurs le présidaient, Bernard Villeneuve et Bernard Arrens, et deux autres, Raymond Gondi et Arnould Riberia (dont les originaux existent encore aujourd’hui), que leur doctrine s’accordait en tous points avec celle que soutiennent les protestants d’aujourd’hui. De plus, le thème qui a été proposé pour la discussion de leur part était : Que l’Église romaine n’était pas sainte, ni l’Épouse de Jésus-Christ, mais l’Église du Diable, et Babylone que saint Jean décrit dans l’Apocalypse, mère de toute fornication, de la souillure du sang des Saints. De plus, Jacques de Riberie, secrétaire du roi, racontant leurs erreurs, ne leur impose rien d’autre que ce qu’ils soutenaient dans leurs dites disputes, et que le Seigneur n’approuvait pas ce que l’Église romaine approuvait, et que le Christ ou ses apôtres n’avaient pas ordonné la messe, mais que c’était une invention humaine. ainsi que d’autres choses similaires.
De même que l’abbé Pierre de Clugny, qui vécut de leur temps, dans ses épîtres, où il tente de réfuter leur doctrine, ne leur impose pas d’autres articles que ceux qu’ils soutiennent que le corps et le sang du Christ ne sont pas offerts à la messe ; qu’une telle oblation ne sert pas au salut des âmes ; que la substance du pain et du vin n’est pas réellement changée ; que les messes, les prières et les aumônes pour les défunts ne servent à rien ; que les prêtres et les moines qui brûlent dans la fournaise de l’immoralité se marient ; que les croix ne doivent pas être adorées, et que tant de croix qui servent à la superstition doivent plutôt être enlevées.
De même, saint Bernard, vivant en même temps, avoue, comme par ouï-dire, qu’il y a des hérétiques qui, dans leurs assemblées, pratiquent l’obscénité ; mais il n’en accuse pas les Albigeois, n’alléguant rien d’autre contre eux, sinon qu’ils se moquent des prières et des offrandes pour les morts, des invocations des saints, des excommunications des prêtres, des pèlerinages, des édifices des églises, de l’observance des fêtes, des consécrations du chrême et de l’huile, enfin de toutes les traditions ou ordonnances ecclésiastiques. Et même Vincent de Beauvais (dans son miroir historique), par ailleurs assez libéral dans l’affirmation des mensonges et des fables, ne les accuse de rien d’autre que de considérer le Pape comme l’Antéchrist et son Église comme la Babylone décrite dans l’Apocalypse, rejettent la transsubstantiation, le purgatoire, l’invocation des saints, le libre arbitre, le monachisme et les autres superstitions de l’Église romaine.
Tant et si bien qu’il est bien évident que les calomnies qu’on leur impose ne servent que de calomnies inventées pour les rendre odieuses au peuple. Quant aux Vaudois, qu’on a aussi appelés les pauvres de Lyon, les Picards, les Paterins, les Passagers, les Lollards et les Turelupins ; puisque le témoignage de tous les historiens montre que les Bohémiens ont reçu leur doctrine, nous ne pouvons pas ignorer ce qu’il en a été point par point, étant donné que nous avons les témoignages d’Eneas Sylvius, qui fut lui-même pape de Rome, nommé Pie II, et de Jean Dubraw, évêque d’Olmütz, dans leurs histoires de Bohême, qui relatent particulièrement leur doctrine, ni plus ni moins que s’ils l’avaient extraite mot pour mot des livres de Jean Calvin ou de Martin Luther.
Gui de Perpignan, inquisiteur de la foi et évêque de Lodève, dans le livre qu’il a intitulé Les Fleurs des Chroniques, raconte notamment l’histoire de Pierre Valde, et dans son livre sur les hérésies, précise les opinions des Vaudois, sans les encombrer de quoi que ce soit d’autre, sinon qu’ils soutenaient que l’Église romaine avait abandonné la foi en Jésus-Christ, c’était la prostituée babylonienne, et le figuier stérile, que le Seigneur avait autrefois maudit ; et qu’il n’était pas nécessaire d’obéir au Pape, puisqu’il n’était en aucune façon le chef de l’Église ; que le monachisme était une carcasse puante, et que ses vœux étaient les caractères et les marques de la grande bête ; que le purgatoire, les messes et les dédicaces de temples, la vénération des saints et la commémoration des morts n’étaient que des inventions du diable et des pièges de la cupidité.
En bref, il est évident, d’après le témoignage de tous leurs plus grands ennemis, qu’ils ne sont jamais opposés à aucune doctrine contenue dans les Saintes Écritures, mais seulement aux traditions des papes, présentées sous le nom de l’Église, dont les docteurs papistes confessent qu’elles ne sont pas contenues dans la parole écrite, se référant à elles comme à des paroles non écrites.
Et en ce qui concerne la faute des souillures et des abominations dont certains ont voulu les accuser dans leur vie et dans leurs comportements, nous voyons tout aussi clairement que ce ne sont que des piæ fraudes, c’est-à-dire des fraudes pieuses et impostures qu’on a concoctées contre eux pour les rendre odieux, et pour empêcher qu’on ne vienne s’enquérir de ce qu’était leur doctrine. de peur qu’elle ne porte préjudice à la cabale papiste, selon l’ancienne coutume de l’Église romaine, pratiquée en tout temps. Je parle aussi de l’époque des anciens Pontifes de Pompilius et de Capitolinus ainsi que des Vaticans modernes. Car on ne peut ignorer qu’autrefois à Rome, les pauvres chrétiens étaient accusés de ce que, dans leurs assemblées nocturnes, ils mangeaient des enfants et se prostituaient à toute immoralité et à toute débauche ; qu’ils adoraient la tête d’un âne, dont ils étaient appelés Asinarij, comme on le voit clairement dans l’Apologétique de Tertullien.
Et de nos jours, je n’ai pas d’autre preuve que le témoignage de Charles V, dans l’édit qu’il fit contre Luther et sa doctrine, en l’an 1522, dans la ville de Worms, qui a été la source et le fondement de tous les autres édits qui ont été faits depuis, tant par ledit empereur que par son fils le roi Philippe, contre ceux de la Religion. Car c’est ainsi qu’il dit avoir été informé, à savoir : Que Luther soutient qu’il ne doit y avoir aucune supériorité ou obéissance d’aucune sorte, rejetant et condamnant tout ordre politique et ecclésiastique ; afin que le peuple soit encouragé à se révolter contre ses supérieurs, tant temporels que spirituels, et à se livrer à battre, tuer, voler, ruiner et tout gaspiller par le feu et l’épée, jusqu’à la ruine manifeste du bien commun de toute la chrétienté.
De plus, qu' il établit un mode de vie par lequel il est permis à chacun de faire ce qu’il veut, à la manière des bêtes brutes et des hommes sans loi, détestant et méprisant toutes les lois, tant temporelles que spirituelles, etc. Car c’est en vertu de cette information que le roi d’Espagne a fait une guerre si cruelle et si sanglante contre les Provinces-Unies des Pays-Bas, sans jamais vouloir savoir si elle l’était vraiment ou non, ayant condamné à une mort ignominieuse ceux qui, par d’humbles remontrances et supplications, essayaient de lui faire connaître la vérité, et même exécuté les principaux seigneurs du pays qui y étaient envoyés comme ambassadeurs ou députés du peuple et de la noblesse, ainsi que comme gouvernante et conseil d’État, pour plaider leur innocence.
Il n’est pas étonnant qu’à cette époque, alors que presque tout le monde avait généralement les yeux bandés par le voile de l’ignorance et le cou plié sous le joug de l’orgueilleuse tyrannie des papes, de fausses accusations et des calomnies ont été forgées contre ceux qui essayaient de s’opposer à une telle cruauté barbare et de mettre en lumière la vérité de l’Évangile. les accablant de toutes les calomnies qu’on pouvait imaginer, allant même jusqu’à les qualifier tous d’hérétiques, de Vaudois, pour rendre leur nom détestable aux pauvres gens ; Comme si ces pauvres gens étaient des hérétiques et des sorciers. Et ils ont même osé prétendre que, comme des monstres, ils avaient quatre rangées de dents, ainsi que de nombreux autres mensonges similaires.
Cependant, il est bien connu que non seulement les historiens les plus réputés et les plus sérieux les absolvent de ces fausses accusations, témoignant qu’ils tenaient en abomination toutes les souillures corporelles et spirituelles ; D’ailleurs, le nom qu’on leur donne communément les justifie suffisamment, comme ils étaient désignés par tous les hommes de bien, en raison de la rondeur et de la sincérité avec lesquelles ils se comportaient envers tout le monde. Et le sieur de Haillan (1), qui d’ailleurs les critique sévèrement sur leur doctrine, leur donne néanmoins ce témoignage vrai sur leur vie, disant:
(1) Historiographe de Charles IX et de Henri III , mort en 1610.
bien qu’ils aient eu de mauvaises opinions, ce n’était pas tant la haine du Pape et des grands contre eux qui était attisée, que la liberté du langage qu’ils utilisaient pour critiquer les vices et les dissolutions des princes et des ecclésiastiques, et même pour dénoncer les vices et les actions des papes : à tel point que c’était (disait-il) le point principal qui incitait à la haine universelle contre eux. et cela les accablait de plus d’opinions méchantes qu’ils n’en avaient.
C’est là que nous voyons que la haine et la détestation, dont ils avaient les vices, ont été la cause de leur persécution si cruelle ; loin de là qu’ils aient été entachés de ces viles choses dont certains flatteurs du Pape veulent les accuser dans leurs fausses histoires. Et en effet, s’ils avaient été infectés de la sodomie, de l’adultère, de la lubricité ou d’autres pollutions semblables qui font les plus belles fleurs ornant les diadèmes, les mitres et les chapeaux des catholiques romains, les saints pères auraient eu bien tort d’ouvrir les entrailles de leur miséricorde pour les recevoir dans le sein de leur douce mère, qui est trop féconde avec de tels enfants ; et même les inquisiteurs n’auraient jamais voulu leur faire la guerre pour des choses auxquelles ils sont eux-mêmes habituellement soumis.
Témoin les deux inquisiteurs en France, du temps du grand roi François, Roched (1) et Richard, qui, après avoir brûlé un nombre infini de pauvres fidèles, furent finalement brûlés eux-mêmes à des époques différentes, très injustement l’un après l’autre, pour sodomie dans la ville de Toulouse, en l’an 1538. Témoin aussi les Cordeliers de Bruges, qui ont été exécutés publiquement par le feu, avec des preuves plus que suffisantes fournies par le magistrat catholique romain contre eux, en l’année 1578. Ils ont été inclus dans le catalogue des martyrs par leurs adeptes, de sorte que nous voyons encore des peintures en taille-douce dans la ville de Rome où leurs beaux martyres sont représentés de manière vivante.
(1) Il s'appelait Rochette, comme le dernier pasteur martyr, exécuté à Toulouse, en 1762.
Croyez donc que ce n’est pas cela qui a poussé les saints Pères à porter une haine aussi irréconciliable contre eux : ils ont vu que ces gens essayaient de renverser la marmite. C’est pourquoi il a fallu utiliser à la fois le vert et le sec pour les exterminer, et même pour ruiner tous ceux qui les favorisaient, comme on le voyait dans les exemples de Raymond, comte de Toulouse, et même de Pierre, roi d’Aragon, qui, pour avoir refusé de reconnaître les intolérables cruautés et les tyrannies qui étaient exercées contre ces pauvres créatures de Dieu, étaient eux-mêmes cruellement persécutés et privés de leurs biens, de leur vie et de leur paix, bien qu’ils fussent par ailleurs de très bons catholiques romains.
Voici le résumé de ce qui a été recueilli dans l’histoire, dans lequel nous voulons insérer que l’Église de Dieu n’a pas cessé d’exister au milieu des épaisses ténèbres de l’ignorance et de l’apostasie romaine ; et que Dieu a de tout temps suscité et maintenu un grand nombre de ses fidèles serviteurs qui se sont constamment opposés aux impostures de l’hypocrisie papale, et ont été exposés à la mort pour défendre la vérité de la doctrine évangélique, ainsi que beaucoup d’autres personnes craignant Dieu, qui n’ont pas eu le courage de s’opposer ouvertement aux idolâtries et aux superstitions de leur temps, mais ils ne cessèrent cependant de gémir dans leur cœur à cause de l’horreur et de la détestation qu’ils éprouvaient pour les abus intolérables qu’ils voyaient régner parmi ceux qu’ils considéraient comme les pasteurs du peuple, de sorte que Dieu a rendu par leur bouche beaucoup de témoignage à sa vérité.
Parmi ceux-ci se trouve même le bon saint Bernard, qui vivait à l’époque où l’on faisait la guerre à ces pauvres Albigeois ; car, bien que, en tant que moine et abbé de Clervaux, il ait été entraîné avec les autres à considérer ces pauvres gens comme hérétiques, puisqu’il a reconnu le Pape comme le chef de l’Église, il n’a pas manqué d’enseigner la vérité de l’Évangile à bien des égards au milieu de l’obscurité épaisse ; de sorte qu’il servit son siècle comme une lampe pour éclairer beaucoup de ceux qui aspiraient au pâturage de la doctrine céleste. Car il n’a pas flatté le pape et son clergé, en disant qu’au lieu d’être des prélats, ils étaient Pilate, et qu’au lieu d’être des ministres du Christ, ils servaient l’Antéchrist. Et il a même écrit sur la prédestination et la grâce de Jésus-Christ contre les mérites des œuvres et du libre arbitre, comme s’il avait tiré sa doctrine de la source de Luther ou de Calvin.
De plus, en écrivant sur le sacrement de l’Eucharistie, il a osé dire qu’il s’agit d’un signe qui n’est rien en soi, mais qui représente le corps du Christ, tout comme un anneau qui est donné, non pas en fonction de la valeur de l’anneau lui-même, mais seulement comme gage et témoignage d’une investiture ou de quelque autre chose que l’on veut signifier. De même, Jean de Sarisburi (1), un Anglais, qui a vécu vers l’an 1157 et a écrit un livre appelé Obiurgatorium Clericorum et un autre appelé Polycraticus, dans lequel il critique tout le clergé, les traitant de scribes, de pharisiens, de faux enseignants, et disant que le pape est complètement intolérable. Il est précédé par Arnould, évêque de Bresse, qui, vers l’an 1127, avait critiqué les prêtres et leurs couronnes, disant que l’épée du magistrat ne leur appartenait en aucune manière ;
(1) Salisbury
(2) La flèche
de sorte que le pape Adrien l’expulsa de Rome comme hérétique. Et Pierre de Blois, qui, en même temps, découvrit aussi la vérité, écrivant que Rome était la vraie Babylone, dont saint Jean avait prophétisé, que les officiers de la cour papale n’étaient que des harpies infernales, les prêtres de Béthel, les prêtres de Baal et les idoles d’Égypte. Ils y ajoutèrent aussi un certain Nicolas Gaulois de Narbonne, qui fut pendant quelque temps moine de l’Ordre des Carmélites : parce qu’enfin, ayant découvert les abominations de ces cloîtres, il publia au monde entier leur sainteté, écrivant dans le livre qu’il appelle la Flèche de feu, qu’ils étaient des enfants reprochés, des citoyens de Sodome, des méprisants du Testament, séducteurs, et la queue du dragon mentionné dans l’Apocalypse.
Laurent, un Docteur Anglais, à Paris, vers l’an 1275. Et en l’an 1306, Pierre Cassiodore, un gentilhomme bien doté, tous deux essayèrent comme s’ils voulaient renverser la marmite. Gérard Sagarelli, de Parme, Dulcin de Navarre, en l’an 1314. Arnould de Villeneusve, en l’an 1315, s’écria haut et fort que Satan avait fait détourner le peuple du Christ et de la vérité ; que la foi de ceux qui se disaient chrétiens n’était pas différente de celle des des démons, et que les moines dans les cloîtres falsifient la doctrine du Christ, et conduisent les pauvres chrétiens à l’enfer ; que les théologiens s’étaient défiés des songes des philosophes à l’égard des Saintes Écritures ; que les messes ne profitent ni aux vivants ni aux morts, et que l’Antéchrist était à la porte. Cet Arnould de Villeneusve écrivit au roi Jacques d’Aragon, et à son frère Frédéric, roi de Sicile, au sujet des apostasies et des abominations exécrables du siège pontifical et de tout le clergé, soutenant qu’ils falsifiaient les Écritures et les déformaient jusqu’à leurs passions, exhortant lesdits rois à que, sans égard à l’état de l’Église à cette époque, qui les avait tellement scandalisés qu’ils doutaient même de la vérité de la religion chrétienne, ils devaient se consacrer à lire attentivement les Écritures et à servir Dieu selon ses commandements, et non selon les traditions des hommes. Ces rois y consentirent résolument, tenant en abomination les abus du clergé de leur temps, et les considérant comme des apostats de la vraie doctrine des Apôtres ; comme le montrent les lettres écrites et les discussions qui ont eu lieu de part et d’autre.
À tel point que Dieu fit briller la lumière de sa vérité dans le cœur des rois et des princes de l’époque, malgré la corruption générale de l’Église. Il est également fait mention de Michael Cesenas, qui a vécu vers l’an 1320. Bien qu’il fût le général des Cordeliers, il montra ouvertement qu’il n’approuvait pas les abominations en vogue à cette époque, écrivant que le pape était l’Antéchrist, et les prélats de l’Église romaine la véritable prostituée de Babylone, enivrée du sang des saints. Et qu’il y avait deux Églises, l’une des méchants, que le Pape présidait, et l’autre des serviteurs de Dieu qui souffraient la persécution. Bien qu’il ait été destitué de ses fonctions, il n’a pas cessé de défendre sa doctrine jusqu’à la fin.
Comme le fit Petrus Johannis, un cordelier de la même époque, qui enseignait que le Pape était l’Antéchrist, et la synagogue romaine la grande Babylone. Et François Pétrarque, un excellent poète italien, qui a vécu sous l’empereur Charles IV vers l’an 1360, a ouvertement écrit que Rome est le nid de la trahison, la Babylone cupide, qui a Vénus et Bacchus pour dieux, une école d’erreurs, une fontaine de douleurs et un temple de l’hérésie. En bref, il est évident que même parmi ceux qui ont été sujets du Pape, il y en a toujours eu qui ont reconnu et détesté sa tyrannie, et qui ont prié Dieu dans leur cœur pour qu’Il les en délivre.
Car maintenant qu’ils sont emportés par les flots des superstitions et des idolâtries romaines, qui avaient comme inondé l’univers, ils ne se sont manifestement pas séparés de la communion de l’Antéchrist pour s’aligner sur la véritable Église, qui était encore, en leur temps, comme cachée dans le désert ; il ne faut pas douter que Dieu n’ait touché le cœur de beaucoup d’entre eux par son Esprit Saint, et qu’il ne leur ait ouvert les yeux avant de les retirer de ce monde pour leur faire espérer parfaitement leur salut, par la seule vertu du sacrifice de l’Agneau, et renoncer à toutes les idolâtries et superstitions de leur temps, qu’ils avaient déjà reconnu et qu’ils n’avaient pas du tout haï de leur vivant. En l’absence d’une multitude innombrable de ceux qui ont été abondamment éclairés par la lumière des deux lampes, et aspergés de la sainte liqueur des deux olives, dont nous avons amplement parlé ci-dessus, ils s’opposent courageusement et avec une force invincible et la vertu de l’Esprit de Dieu aux abominations et aux sacrilèges de leur siècle, bien qu’ils aient été injustement condamnés et persécutés comme hérétiques. Si, vers l’an 1340, M. Conrad Hager en Allemagne, qui pendant vingt-quatre ans enseigna à ses paroissiens que la messe n’était pas un sacrifice pour les péchés, et ne profitait ni aux vivants ni aux morts, à tel point qu’il soustrait une grande multitude d’hommes à l’obéissance des papes et de l’Église romaine.
Les exploits de guerre en France contre les Albigeois sont abondamment décrits par nos historiens. En voici le résumé : Raimond, comte de Toulouse, fut le principal protecteur des Albigeois ; Mais il n’était pas le seul. Les comtes de Foix et de Commingès, Gaston de Foix et Roger de Comminges, hommes bien connus en leur temps, en faisaient partie, et Alphonse, roi d’Aragon, les avait rejoints dans la même cause. Les régions du Languedoc, du Dauphiné, La Guyenne, la Gascogne, la Provence regorgeaient de ces gens-là. Toulouse, Carcassonne, Albi, Castelnau d’Arri, Cazères en Albigeois, Narbonne, Béziers, Saint-Gilles, Arles, Avignon sont clairement marquées dans l’histoire. La première cause de cette insurrection fut le mécontentement du peuple contre le clergé, indigné de sa vie immorale. Du mécontentement naquit le mépris, et finalement la querelle, et de là la guerre ouverte. Les ecclésiastiques qui étaient méprisés se tournèrent vers le pape Innocent III, qui envoya le cardinal Sainte-Marie, in porticu, et Nicolas, évêque de Thusculo, ainsi que des prédicateurs qui voyageaient dans toute cette région, mais sans succès ; parce que le comte favorisait visiblement ce mépris et partageait les mêmes dispositions que son peuple. Sur le rapport de son légat, le pape Innocent décréta une sentence d’excommunication contre le comte Raimond, et à cette fin envoya Pierre de Chasteauneuf, légat, pour la prononcer, mais il fut tué.
Innocent, extrêmement irrité de ce meurtre, envoya Gallon, son légat, qui dénonça au roi Philippe, surnommé Auguste, pour armer contre le comte Raimond et son peuple, comme contre les hérétiques et les ennemis jurés de l’Église ; et par le même moyen ordonna à Odun, duc de Bourgogne, et à Guillaume, comte de Nevers, de se joindre à cette guerre. L’assemblée se tint à Paris, où un grand nombre d’ecclésiastiques se rassemblèrent, et là une croisade fut résolue contre les infidèles. les archevêques de Toulouse, Rouen, Sens ; les évêques de Lisieux, de Bayeux, de Chartres, de Comminges, de Coferans, de Lodève, de Béziers et plusieurs abbés s’unirent les premiers pour éteindre le feu avant qu’il ne se propage.
Simon, comte de Montfort, près de Paris, brave et vaillant chevalier, descendant du bâtard de Robert, roi de France, est élu chef de cette levée, pour laquelle tous contribuent une grosse somme d’argent. C’était l’année 1210. L’armée entra dans le Languedoc, où l’on respecta aussi bien le nom du roi que celui du souverain ; Mais les villes ne voulurent pas ouvrir leurs portes à leurs ennemis armés, qui, disaient-ils, abusaient du nom du roi. Ainsi, devant le refus d’une ouverture volontaire, Simon menaça de les assiéger. Béziers fut la première attaquée, mais avec un succès si effroyable, que, ayant été emporté de force, le sang y coula par la perte de 60000 hommes. des personnes, et dans la fuite pillaient, saccageaient, brûlaient, désolaient ; Toutes les autres villes effrayées sont montées à leurs oreilles. Carcassonne, cependant, a voulu résister, mais à la fin a été pris par la composition, que les habitants doivent sortir nus, leur nature découverte.
Castelnau voulait aussi résister. Mais à la fin, il s’est rendu, et Simon a fait brûler 50 hommes là-bas, tous vivants, pour l’exemple. Albi se rendit sans force. La Vaur, par la résolution de Gérarde, la dame des lieux, voulut résister. Mais la ville fut prise de force, et cette femme fut jetée dans un puits, et Amaulry, un gentilhomme du pays, qui avait voulu faire le siège contre Simon, fut pendu et étranglé. C’est ainsi que se rendirent Cadres, Rabastens, Gaillac, La Caussade, Puy Laurens, Saint-Antonin et Saint-Marcel. Cahors le suivit, mais Moissac, voulant s’obstiner, fut pris et saccagé. Cette exécution soudaine étonna le comte Raimond, qui, s’étant excusé auprès du roi au sujet de la mort du légat, étant si proche de lui comme son beau-frère, s’attendait à tout autre chose qu’à voir une armée ennemie sur le seuil de sa porte.; Et même la sentant se lever et le voyant marcher, ne craignait rien de semblable à ce qui était fait contre son peuple. Il pensait seulement que c’était pour autoriser les sermons de saint Dominique, qui accompagnait l’armée d’un grand nombre d’ecclésiastiques. Troublé par une perte si notable, il chercha tous ses moyens, et ceux de ses amis, pour s’opposer au comte Simon de Montfort, extrêmement craint et redouté de tous, à cause d’un succès si victorieux. Le roi Alphonse d’Aragon, les comtes de Foix et de Comminges (1) lui amenèrent un grand nombre de personnes, s’inspirant de ces exemples pour leur préservation. Raimond employa le verdure et le fumier, de sorte qu’on dit que son armée était composée de cent mille hommes.
(1) Ancien pays de France, dans la Gascogne, entre les Pyrénées et l'Armagnac.
Les forces de Simon étaient beaucoup plus petites, et pourtant elles ont été victorieuses de ce grand nombre de personnes rassemblées avec très peu de pertes. La mort d’Alphonse s’ajouta à la défaite, et pendant la fuite, la prise et le sac de Toulouse, où 20 000 hommes furent tués par les vainqueurs. Les villes du Rouergue et de l’Agenais, effrayées par ces grands châtiments, prirent l’épée des mains de Simon et lui rendirent obéissance. Cela s’est passé en l’an 1213. Le lieu de la bataille est diversement marqué, soit à Marcel, soit à Mirebeau. Après une ruine aussi étrange, le comte Raimond, se voyant dépouillé de ses biens, se retira en Espagne, dans les royaumes d’Alphonse, attendant l’occasion de reconstruire ses affaires.
Cependant, Simon de Montfort se promit de posséder tous les biens de Raymond qu’il avait acquis par son épée ; mais parce qu’on s’attendait à ce que le roi ne permette pas facilement qu’une si belle province soit enlevée à son allié et donnée à l’un de ses sujets, Simon se tourna vers le pape, sous l’autorité duquel toute cette guerre avait été administrée. Innocent III, voyant que Philippe, qui avait le cœur de ne pas tenir compte de la poursuite de Jean, roi d’Angleterre, malgré toutes ses interdictions, ne serait pas poussé par sa seule autorité à renoncer à une affaire aussi importante, assembla un concile grand et nombreux, comme œcuménique, pour faire plier le roi à sa volonté. En effet, les patriarches de Jérusalem et de Constantinople étaient présents en personne, et ceux d’Antioche et d’Alexandrie y envoyèrent leurs ambassadeurs. Il y avait 70 archevêques, 400 évêques, un millier d’abbés et de prieurs ; les empereurs d’Orient et d’Occident, les rois de France, d’Angleterre, d’Espagne, de Jérusalem, de Chypre et d’autres rois, princes et grands États y avaient leurs ambassadeurs. Par l’ordonnance d’une assemblée aussi notable, le comte Raymond fut excommunié avec tous ses associés, et ses biens furent attribués à Simon de Montfort pour les services rendus et à rendre. Philippe n’avait qu’à répondre à cette décision, autorisée par un si grand consensus. Il reçut Simon dans la foi et l’hommage de la terre du Languedoc, dont il prit paisiblement possession ; Mais il ne resta pas longtemps entre ses mains. Il commence à réprimander ses nouveaux sujets comme des peuples subjugués ; Mais par trop presser l’anguille, on la perd. Ayant repris haleine, ils résolurent de rappeler leur comte Raimond, qui était en Espagne ; et ses affaires n’étaient pas encore aussi désespérées que celles des comtes de Vivarez, d’Avignon et de Die, où les forces de Simon n’étaient pas encore arrivées et ne suivaient pas ses ordres. Raimond retourna à Toulouse, assez bien accompagné par les Aragonais qui l’aimaient, d’autant plus qu’ils étaient émus par la mort de leur roi. À son retour, il fortifia la ville où Simon fut tué d’une pierre ; de sorte que le nouveau comté, acquis par les titres susmentionnés, ne lui dura pas longtemps.
Les titres susmentionnés ne lui ont pas duré longtemps. Il laisse néanmoins un fils nommé Gui, qui prend le titre de comte. Mais dès la mort de Simon, l’exemple de Toulouse excita la majorité des villes subjuguées à se soulever, et Raimond fit tuer ce Gui, auquel succéda son frère Amaulry. Philippe, qui préférait cette belle province pour sa foi plutôt que pour les enfants de Simon de Montfort, fut néanmoins contraint par l’autorité du pape et du concile. Il envoya donc son fils Louis en Languedoc pour s’assurer de leur obéissance ; mais à peine avait-il pris un château que la mort de son père le rappela, et ses affaires le retinrent quelque temps ; de sorte que le comte Raimond et ses sujets du Languedoc eurent le loisir de rassembler leurs esprits.
Et la semence de la vérité, en partie dispersée ici et là en divers endroits de l’Europe, en partie en Languedoc et dans les pays voisins, est restée cachée jusqu’à sa saison, et pendant l’hiver des persécutions, beaucoup de petites églises des Vaudois et des Albigeois ont été conservées. Examinons d’autres morceaux de l’histoire de France concernant les Albigeois. Comme le pape souhaitait remédier à la persécution par la force armée contre eux, Louis IX, petit-fils de Philippe Auguste, roi de France, ne voulait pas permettre que la guerre soit menée contre eux, disant qu’ils devaient être persuadés par la raison et non contraints par la force. Cela s’est produit vers l’an 1227 jusqu’à l’année 1328. Ainsi, de nombreuses familles d’Albigeois ont été préservées en Languedoc et dans plusieurs autres provinces où elles se trouvaient.
Les guerres provoquées par les artifices des papes en Orient pour conquérir la Terre Sainte, la querelle de Boniface VIII contre le roi Philippe le Bel, et les cruels conflits guelfes et gibelins en Italie, dont les papes ont voulu (comme cela s’est produit) expulser les empereurs, et établir un patrimoine ou un domaine puissant pour saint Pierre, comme on dit, étaient la cause de ce repos des fidèles, communément appelés « Vaudois » ; plusieurs familles se retirèrent dans les vallées et les montagnes de la Savoie, du Piémont, du Vivarez, du Diois et de la Provence, où la principale graine fut conservée à Lormarin, à Méridindol, à Cabrières, comme on le verra dans les histoires décrites ci-dessous selon l’ordre des temps. Sous le règne de Philippe Auguste, vers l’an 1210, 24 Albigeois furent exécutés à Paris en raison de leur religion. L’année suivante, 400 y sont brûlés. De plus, 80 ont eu la tête coupée, tous pour la même raison.
Un homme nommé Beghard a été brûlé à Erford en Allemagne, en l’an 1218. Et un diacre à Oxford en Angleterre, en l’an 1222, sans remonter à la fin du siècle précédent, qui vit mettre à mort un très grand nombre de Vaudois et d’Albigeois, surnommés avec un mépris calomnieux Publicains, Cathares ou Puritains, Paterins, et rejetés par d’autres épithètes de la populace ignorante.
[L'horrible supplice de ce Martyr découvre amplement la rage de l'Antechrist]. Mais nous laissons passer un autre acte mémorable de la tyrannie de l’Antéchrist en ces mêmes temps, alors qu’il s’enfuyait. En l’an mil trois cent dix, il y avait en Angleterre un commerçant qui supportait l’incendie avec une constance remarquable. Voici ce qu’il soutenait : que le corps de Jésus-Christ est pris sacramentellement dans l’Église, et non charnellement. Il était impossible de détourner ce brave homme de son opinion, ni par des menaces ni par des flatteries ; Au contraire, il résolut en lui-même de mourir plutôt que de se rétracter, et c’est ainsi qu’il fut livré par les évêques au bras séculier. Après que la sentence eut été prononcée contre lui, il fut emmené sur une grande place à l’extérieur de la ville, et quoi qu’on lui fît, il ne fut pas étonné, peu importe combien terribles et merveilleusement étranges étaient les tourments et la mort auxquels il avait été condamné.
Car il devait être mis dans un tonneau, pour y être brûlé par un feu lent. Le fils aîné du roi Henri voulut assister à ce beau spectacle et, ému de compassion par d’autres personnes que les évêques, s’approcha du patient, l’exhortant à prendre soin de sa vie et à renoncer à ses opinions. Sa compassion était charnelle, tendant vers un but pernicieux, mais il souhaitait toujours sauver le corps, que ces partisans de l’Antéchrist voulaient détruire. Mais le vaillant champion de Jésus-Christ repoussait constamment les flatteries de ce prince par ailleurs bienveillant, et surmontait courageusement toutes les machinations des hommes, prêt à endurer toutes sortes de cruautés plutôt que de se laisser aller à une telle impiété et de consentir à n’importe quel blasphème contre sa conscience. Par conséquent, il a été mis dans le tonneau qui avait été préparé pour son martyre.
Comme la flamme commençait à monter, ce bon caractère poussa un cri affreux au milieu du feu. Le prince, ému de ce cri horrible, s’approcha de nouveau du malade pour l’amener à avoir pitié de lui-même. Il ordonna donc que le bois soit soudainement enlevé et que le feu soit éteint. Puis, s’approchant, il commença à parler très doucement à cette personne, lui promettant de lui sauver la vie s’il le croyait, et ajouta en outre ceci à sa promesse, qu’il lui donnerait chaque jour trois pièces d’argent sur les revenus du roi pour subvenir à ses besoins jusqu’à la fin de sa vie. De plus, ce vaillant martyr du Seigneur refusa ces belles offres, ce qui est une indication certaine que son cœur était plus ardent pour les biens célestes que pour la douceur et la flatterie de ce monde.
Le prince, voyant qu’il restait ferme dans son opinion, ordonna qu’on le jetât de nouveau dans le tonneau sans espoir de grâce. Mais, de même que les rentes proposées n’avaient pas pu le faire céder, il ne pouvait pas non plus se laisser décourager par les menaces et les craintes. La bataille fut grande et difficile ; mais une barbarie cruelle ne put le détourner de la persévérance dans la confession du Christ.
[Eckhard Jacopin]. L’année 1330. Eckhard, Jacopin Aleman, a été brûlé pour avoir avoué la vérité. Bref, il n’y avait pas d’homme qui s’opposât aux superstitions et aux traditions de l’Antéchrist, à qui les grands et les petits ne couraient pas, comme ils l’ont continué encore plus furieusement depuis, selon les récits des livres suivants.
[Des hérétiques qui ont tourmenté l'Église Chrétienne]. Outre ces efforts de Satan contre l’Église du Seigneur par l’épée des persécuteurs, nous ne devons pas oublier l’autre épée à la main des hérétiques, qui ont donné beaucoup plus de peine à l’Église que toutes les persécutions du dehors. Cependant, comme le salut des élus de Dieu est en si bonne main qu’il ne peut être anéanti, le diable a toujours été confondu d’un côté comme de l’autre, de telle sorte que le juste Juge du monde, voulant voir à ses jugements secrets et adorables, a donné une telle efficacité d’erreur aux hérésies. qu’en ravivant les souhaits des autres, en guise de punition pour l’ingratitude des hommes, ils ont finalement produit l’Antéchrist de l’Orient et de l’Occident, à savoir Mahomet et l’évêque de Rome, qui par des armes découvertes et cachées (c’est-à-dire Mahomet par violence manifeste, le Pape par l’hypocrisie et la trahison, et enfin par la force tout à fait évidente avec l’aide de ses esclaves) ont fait plus de mal à l’Église de Jésus-Christ qui n’avait pas fait de tous les persécuteurs et hérétiques précédents.
[Leurs efforts]. Or, il n’y a pas d’article de la loi, ni de leurs efforts, ni de la foi, ni de la prière, ni des sacrements, que ces anciens hérétiques n’aient pollué et falsifié, les uns d’une manière, les autres d’une autre. Par-dessus tout, comme les fidèles regardaient constamment vers Jésus-Christ, le Fils éternel du Père éternel, vrai Dieu et vrai homme, en une seule personne, l’unique Sauveur, Prophète, Roi et Prêtre de l’Église, c’est dans ce but que Satan a voulu la confondre et l’abolir par ses instruments, en s’adressant maintenant à la nature divine. Tantôt à la nature humaine, puis à la personne, en séparant ou confondant les natures, et enfin, surtout en ces derniers temps, à ses offices.
[On leur contredit]. Mais comme ce puissant Roi fortifiait les siens au milieu de tous les assauts et de tous les tourments des persécuteurs du corps pour persévérer dans la confession de son saint nom, il suscitait aussi de temps en temps dans son Église quelques bonnes personnes qui s’opposaient, tant verbalement que par écrit, avec un grand succès, les arguties, les calomnies et les blasphèmes des hérétiques : à tel point que, bien que Satan eût dressé une telle bande dans les champs pour attaquer la Jérusalem céleste, le Seigneur envoya bientôt devant lui quelques vaillants champions qui repoussèrent les coups, de sorte que les élus de Dieu restèrent toujours à l’abri; et les hérétiques confus, qui périrent malheureusement pour la plupart, comme l’attestent les histoires ecclésiastiques.
[Dénombrement des principaux hérétiques et de quelques excellents docteurs qui leur ont résisté]. Les principaux patriarches de ces anciens hérétiques étaient Simon le Magicien, Valentin, Cerdon, Artémon, Novatus et Arius. De la première et de la seconde naquirent un grand nombre de sectes étrangement viles et fantastiques. La troisième a engendré un nombre infini d’hypocrites et de blasphémateurs contre les principaux articles de foi. Le quatrième a également été comme la pépinière des ariens. De Novatus sont venus les Justitiaires et les ennemis de la grâce de Dieu. Et du dernier, plus pestilentiel que les autres, un million d’autres hérétiques qui sont des ennemis jurés du Fils de Dieu, qui avaient pour arrière-garde et pour enclos les deux Antéchrists susmentionnés.
Quant aux fidèles docteurs de l’Église, qui s’opposent courageusement et joyeusement à ces mauvais esprits, les livres de certains d’entre eux sont dans la lumière, que les vrais chrétiens utilisent encore aujourd’hui de bien des manières contre les hérésies résurgentes. Il est vrai que ce qui est dit qu’il n’y a pas d’homme parfait peut aussi s’appliquer un peu à ces figures saintes, qui, tout en travaillant à l’œuvre du Seigneur sur une base très précieuse et solide, ont parfois jeté du foin et d’autres matériaux de peu de durabilité, et ont mélangé un peu trop de la misère de leur temps avec des matériaux très solides, qu’ils ont habilement arrangé. Ce que l'Esprit de Dieu leur a donné en bonne mesure demeure encore et aura toujours son utilité, le feu des Saintes Écritures ayant réduit en cendres ce qui n'était pas durable. Parmi tous ceux qui ont beaucoup servi l'Église chrétienne en leur temps, saint Augustin, évêque africain, mérite d'être rappelé pour les grandes grâces que le Seigneur lui a accordées et que cet homme modeste et craignant Dieu a rendues merveilleusement efficaces. Cela n'exclut pas d'autres qui sont courageusement engagés et dont les écrits témoignent encore aujourd'hui d'érudition, de piété et d'une affection singulière ; mais il semble qu'il remporte le prix parmi tous les instruments qu'il a plu à Dieu d'utiliser autrefois pour l'ornement et la défense de Son Église. Ce bon docteur, qui réconforte les fidèles affligés par le sac de Rome effectué par les Goths, propose des doctrines tirées d’Isaïe 10, 11 et des chapitres 20 de son premier livre, La Cité de Dieu, sur laquelle tous les chrétiens devraient souvent méditer, en regardant les désolations, les ruines et les tourments de leurs frères, afin de se fortifier dans le Seigneur contre les mêmes épreuves qu’ils voient les autres affronter. Nous les avons inclus ici afin que le lecteur puisse les avoir facilement accessibles. Voici donc ses paroles, mentionnant ce qui s’était passé pendant ce sac de Rome, où les chrétiens n’étaient pas du tout épargnés dans leurs biens ni dans leurs corps.
[De la perte des biens]. « Les chrétiens, dit-il, ont perdu tout ce qu’ils avaient. Ont-ils perdu la Foi, la crainte de Dieu, les biens de l’homme intérieur qui est riche dans le ciel.- Les richesses des Chrétiens sont celles dont l’Apôtre a abondé, en disant : " La piété avec le contentement est un grand gain. Car nous n’avons rien apporté dans ce monde, et nous ne pouvons rien en retirer ; Mais avoir de la nourriture et des vêtements, nous nous contenterons de cela. Car ceux qui veulent être riches tombent dans la tentation et dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et nuisibles qui plongent les hommes dans la ruine et la destruction. Car l’amour de l’argent est la racine de toutes sortes de maux, pour lesquels certains se sont écartés de la foi dans leur avidité, et se sont transpercés de beaucoup de douleurs." 1 Tim. 6. 6
Ainsi, les fidèles qui ont perdu leurs biens terrestres dans cette dévastation causée par les Goths les possédaient, comme cet homme riche à la fois à l’intérieur et à l’extérieur le leur avait enseigné, c’est-à-dire qu’ils utilisaient ce monde comme s’ils ne l’utilisaient pas du tout. Ils ne peuvent pas dire grand-chose avec cet homme si durement éprouvé, et pourtant victorieux : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a enlevé ; comme il a plu au Seigneur, béni soit le nom du Seigneur.» Job 1.21
Pour que ce bon serviteur ait de grands biens, il s’est soumis à la volonté de son maître, être riche de son âme en la suivant, et ne pas s’affliger en laissant derrière lui dans ce monde les choses qu’il avait dû laisser et mourir peu après. Or, ces infirmes, un peu attachés aux biens de la terre, même s’ils ne les préféraient pas au Christ, sentaient néanmoins, en les perdant, quelle erreur ils avaient commise en mettant leur affection. Car ils ont reçu la tristesse selon la manière dont ils avaient été pris dans la douleur, comme nous l’avons montré ci-dessus par les paroles de l’Apôtre. Il fallait aussi qu’ils apprenaient par l’expérience quelles paroles ne pouvaient les persuader. De plus, quand l’Apôtre dit : « Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation », il ne fait aucun doute qu’il réprouve le désir des richesses, non pas la possession de celles-ci, comme dans un autre endroit : « Chargez ceux qui sont riches en ce monde de ne pas être hautains, ni de mettre leur espérance dans l’incertitude des richesses, mais en Dieu qui vit, qui nous donne abondamment tout pour notre plaisir ; Ils doivent faire le bien, être riches en bonnes œuvres, être généreux et prêts à partager, se réservant ainsi une bonne base pour l’avenir, afin qu’ils puissent s’emparer de ce qui est vraiment la vie. » 1 Tim 6. 17
Ceux qui ont ainsi gouverné leurs possessions ont beaucoup gagné en perdant peu, et ont eu plus de contentement des richesses qu’ils ont conservées en les donnant volontairement que de la tristesse des biens perdus parce qu’ils ont voulu les garder soigneusement. De plus, ce qu’ils ne pouvaient pas prendre au monde était périlleux et corruptible. Mais ceux qui ont cru au conseil du Seigneur, en disant :« Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la mite et la rouille gâtent tout, et où les voleurs percent et volent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni la mite ni la rouille ne gâtent rien, et où les voleurs ne percent ni ne volent, car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ; » Matt 6.19
Ils savaient, dans le temps de l’affliction, avec quelle sagesse ils avaient agi pour ne pas mépriser ce gardien véritable, fidèle et invincible de leur trésor. Et s’ils se réjouissent d’avoir caché leurs richesses dans un lieu où l’ennemi ne pouvait s’approcher, combien plus certainement et sûrement se réjouissent-ils, étant eux-mêmes rassemblés dans un lieu où ils n’ont pas pu être pris du tout ? À cet égard, Paulinus, évêque de Nole, notre bon ami, étant très riche en biens terrestres, très pauvre en volonté et de vie très sainte, se trouva entre les mains des barbares lorsque Nole fut saccagée, et pria dans son cœur de cette manière, comme il nous l’a déclaré depuis : « Seigneur, ne permets pas que je me tourmente pour une perte d’or ou d’argent ; car vous savez où sont tous mes biens. Maintenant, il les gardait à l’endroit où le Christ, qui avait prédit que ces maux arriveraient au monde, l’avait exhorté à thésauriser. Et pourtant, ceux qui ont vraiment écouté le Seigneur, leur enseignant où et comment ils doivent thésauriser, n’ont pas perdu leurs richesses terrestres lorsque les infidèles ont ravagé partout. Au contraire, ceux qui se repentent de ne pas avoir suivi ce conseil ont appris par l’expérience ce qu’ils n’avaient pas sagement considéré auparavant. Mais (dira-t-on) beaucoup de bons chrétiens ont été tourmentés pour avoir révélé leurs biens à leurs ennemis, la réponse étant qu’ils ne pouvaient ni révéler ni perdre le bien qui les rendait bons. S’ils préféraient être tourmentés par leurs ennemis plutôt que de révéler des richesses iniques, ils n’étaient pas chrétiens. Ils auraient dû être réprimandés. Si, pour l’or ou pour l’argent, ils se mettent dans de telles peines, combien plus souffriraient-ils volontiers pour Jésus-Christ, en apprenant à aimer Celui qui enrichit de la vie éternelle les témoins de sa vérité, et non de l’or ou de l’argent qui ne peuvent que rendre misérables ceux qui souffrent pour eux, qu’ils soient cachés par le mensonge ou révélés en confessant la vérité. Car personne n’a jamais perdu Jésus-Christ en le confessant, et personne n’a jamais sauvé son or ou son argent qu’en niant qu’il en avait. Il faut donc dire que les tourments qui enseignent à aimer le bien incorruptible étaient plus utiles que ces biens terrestres, qui sans aucun profit causaient tant de peine à ceux qui y avaient mis leur affection, etc.
[Que la famine ne ruine point les Chrétiens]. La longue famine a dévoré beaucoup de chrétiens ; vrai; Mais les vrais fidèles ont aussi tourné cela à leur avantage grâce à une sainte patience. Car la faim agit comme une maladie, sauvant le corps des misères de ce monde. Il a appris aux survivants à vivre plus sobrement et à jeûner plus longtemps. Mais beaucoup de chrétiens ont été tués, et un grand nombre d’entre eux ont été exterminés par des tortures viles et cruelles. Si la mort est une chose étrange, elle est telle que toutes les créatures vivantes de ce monde doivent passer par elle. Je sais bien qu’il n’y a personne qui ne devrait pas mourir à un moment donné. Qu’importe finalement la vie, qu’elle ait été longue ou courte ? Car ce qui n’est plus n’est ni pire ni meilleur, ni plus ni moins.
[La mort n'est point nuisible aux Chrétiens]. Quel intérêt y a-t-il à savoir à quel genre de mort on meurt, puisqu’on ne peut pas contraindre les morts à mourir à nouveau ? Et puisqu’une infinité de morts menacent chacun d’eux chaque jour, à cause des divers accidents de cette vie, tant que dure l’incertitude des choses à venir, je demande lequel des deux est le meilleur : souffrir la mort une fois en mourant, ou en craindre cent mille en vivant ? Je n’ignore pas que beaucoup préfèrent la vie accompagnée de la peur de mille morts, plutôt que d’être libérés de toute peur de la mort en mourant une fois. Mais c’est autre chose que la chair étonnée et craintive abhorre, et que la raison, bien instruite et éclairée, sait et confesse être opportune. Il ne faut pas considérer la mort qui suit une vie chrétienne comme malheureuse. Car il n’y a rien qui rende la mort malheureuse que ce qui vient après. Par conséquent, ceux qui sont nécessairement obligés de mourir ne devraient pas trop se soucier des circonstances de leur mort, mais plutôt de l’endroit où ils seront contraints d’aller après la mort. Puisque les chrétiens savent que la mort du pauvre homme fidèle parmi les chiens qui léchaient ses plaies valait mieux que les horribles sortes de perdition de l’homme riche et infortuné vêtu de lin et d’écarlate, quel mal la mort peut-elle apporter à ceux qui ont bien vécu ?
[De la sépulture]. « Mais les corps des fidèles n’ont pas été enterrés dans cet horrible massacre. La vraie foi ne craint pas un tel accident, se souvenant des choses ci-dessus mentionnées, et que les bêtes de la chair ne feront pas de mal aux corps qui doivent être ressuscités, de la tête desquels pas un seul menton ne périra.
Par conséquent, la vérité ne dirait pas : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent pas tuer l’âme, » Matt 10. 28, si ce que les ennemis avaient l’intention de faire avec les corps massacrés était en quelque sorte préjudiciable au bien de la vie future. Si par hasard un imbécile ne veut pas soutenir qu’avant la mort nous ne devons pas craindre les meurtriers qui tuent le corps, mais qu’après la mort nous devons craindre qu’ils empêchent l’enterrement du corps qu’ils ont tué. Ainsi, ce que le Christ dit, que ceux qui tuent le corps ne peuvent pas faire plus, serait faux, s’ils avaient tant de pouvoir sur les cadavres, il ne serait pas vrai que ce que dit la vérité soit un mensonge. Car on dit que les égorgeurs font quelque chose en égorgeant, parce que le corps sent les coups mortels ; Mais après la mort, ils ne peuvent pas nuire au corps, car il n’a plus aucune sensation. Par conséquent, de nombreux corps de chrétiens restent nus sur la terre, mais personne n’a pu les séparer du ciel ou de la terre, qui est complètement rempli de la présence de Celui qui fait le bien, à partir duquel ce qu’il a créé doit être ressuscité. Il est dit dans Psaumes 79:2, 3 : " Ils ont donné les cadavres de vos serviteurs pour nourriture aux oiseaux du ciel, et la chair de vos humbles serviteurs aux bêtes de la terre. Ils ont versé leur sang comme de l’eau autour de Jérusalem, et il n’y avait personne pour les asservir.»
Mais on dit que cela amplifie la cruauté des meurtriers, et non pas pour faire croire que ceux qui ont subi de telles indignités sont néanmoins malheureux. Car aussi dure et effrayante qu’elle puisse paraître, la mort des fidèles est précieuse aux yeux du Seigneur. (Psaume 116.15). Ainsi, tout cet arrangement funèbre, le tombeau, la pompe des funérailles, sert plus de réjouissance pour les vivants que de soulagement pour les morts. Si la précieuse sépulture sert à quelque chose pour les méchants, il s’ensuit que les pauvres sont malheureux s’ils sont mal ensevelis, ou s’ils ne sont pas enterrés du tout. Cet homme riche, vêtu d’écarlate, fut pompeusement enterré par une troupe de ses serviteurs en présence des hommes (Luc 16.19); mais ce pauvre homme, tout couvert de plaies, fut beaucoup plus magnifiquement enseveli par les anges en présence du Seigneur, étant transporté, non pas dans un tombeau de marbre, mais dans le sein d’Abraham, etc.
[De la captivité]. Mais beaucoup disent que les chrétiens ont été faits captifs. En vérité, c’est un incident pitoyable s’ils ont été conduits quelque part où ils n’ont pas pu trouver leur Dieu. Il y a de grandes consolations dans l’Écriture Sainte contre un tel inconvénient. Les trois jeunes hommes étaient en captivité, ainsi que Daniel et d’autres prophètes ; mais Dieu le Consolateur n’était pas loin d’eux. (Dan 2). Ainsi, il n’abandonna pas les siens sous la domination d’un peuple barbare mais humain, qui était près de son serviteur Jonas dans le ventre du poisson. Nos adversaires préfèrent se moquer de tels miracles plutôt que d’y croire, et pourtant ils tiennent pour vrai ce que leurs livres racontent du célèbre harpeur Arion, qui, lorsqu’il fut jeté à la mer, fut porté sur le dos d’un dauphin et finit par atteindre le rivage. Ce que nous lisons sur Jonas le prophète est plus difficile à croire, surtout parce que c’est plus admirable ; et plus admirable, parce que la puissance de Dieu brille magnifiquement en elle. Ainsi, toute la famille du Dieu vrai et souverain a une consolation certaine, qui n’est pas basée sur l’espérance des choses corruptibles ; Il a aussi une vie temporelle accompagnée de plaisir, puisqu’il apprendra à méditer sur la vie éternelle. De plus, ceux qui se soulèvent contre elle, et quand elle est tombée dans l’affliction, lui demandent : Où est ton Dieu ?(Ps 42. 4). Ils se répondent eux-mêmes : Où sont leurs dieux dans les moments d’adversité, pour quelle raison ils les adorent ? Car l’Église répond : Mon Dieu est présent partout, il est tout en tous, n’étant confiné nulle part, qu’il ne peut pas assister en particulier, et se retirer sans faire de bruit. En m’ébranlant d’afflictions, il examine ma foi, ou châtie mes péchés, et garde une récompense éternelle pour les maux que j’ai enduré pour son nom dans cette vie présente. Mais vous, qui êtes-vous, pour être digne de parler de vos idoles ? Osez-vous parler de mon Dieu, qui est terrible au-dessus de tous les dieux, car tous les dieux des idolâtres sont des démons, mais le Seigneur a fait les cieux. (Ps 96. 5).
Nous avons beaucoup d’autres consolations proposées dans les écrits des autres docteurs de l’Église, mais parce que ci-après le résumé de celles-ci sera proposé en divers endroits, et que ce premier livre sert de préface aux suivants, notre intention principale a toujours été de garder les fidèles de ces collections concentrés sur l’état de l’Église de Dieu depuis l’époque de Wycliffe, Il n’est pas nécessaire de s’étendre davantage sur ce point. Ajoutons ici ce mot, en ce qui concerne la doctrine de l’Église chrétienne primitive, qu’elle a été fondée sur la parole de Dieu, et malgré les efforts de Satan par les persécuteurs, les apostats hérétiques et par l’Antéchrist, les fidèles ont toujours tenu le fondement : que Jésus-Christ est le seul moyen par lequel nous obtenons la rémission des péchés. la grâce devant Dieu, et la vie éternelle dans le corps et l’âme dans le ciel.
Mais pour le reste, ceux qui se sont ainsi attachés avec tant d’acharnement aux membres de Jésus-Christ ont senti dans cette vie présente la juste colère de Lui, dont il nous faut maintenant parler, et surtout parler de ce qui est arrivé aux principaux persécuteurs de l’ancienne Église ; Car quant à ceux qui ont poursuivi les fidèles en ces temps récents, ils sont marqués en divers endroits dans les livres suivants, et il n’est pas nécessaire de répéter la même chose.
DISCOURS DES JUGEMENTS DE DIEU SUR QUELQUES PERSECUTEURS DE L'ÉGLISE CHRETIENNE PRIMITIVE .
[Néron]. Nous avons commencé ci-dessus le récit des persécutions de l’Église sous Néron, pour les raisons que nous avons indiquées. Ce sera aussi par lui que commencera le présent discours, proposé aux fidèles pour les assurer que celui qui garde l’Église ne sommeille pas. Ainsi, Néron, ayant essayé par tous les moyens d’abolir la religion chrétienne, fut lui-même aboli par un jugement admirable du Seigneur. Car les provinces et leurs gouverneurs se révoltaient contre son autorité ; Alors les archers de sa garde l’abandonnèrent. Abandonné et ne trouvant nulle part d’ami, le Sénat romain le condamna à une mort très ignominieuse, comme ennemi de la ville et de l’empire de Rome. S’étant enfui vers minuit, avec son bardache Sporus,(1) la foudre tomba devant lui, sans le toucher, car il n’était pas digne de mourir de cette manière ; Au contraire, il a dû mourir de sa propre main méchante et se suicider.
(1) Son mignon.
S’étant caché dans le désespoir, il dit : « J’ai vécu vilement, et plus vilement je meurs. » Puis, saisissant un poignard, à l’aide de son bardache, il l’enfonça dans sa gorge, et ses dernières paroles furent : « C’est la foi. » Telle était la vengeance de Dieu sur ce malheureux persécuteur de la religion chrétienne. Les histoires romaines le mentionnent.
Mais la vengeance de Dieu ne cessa pas pour ce coup. Car à cette époque, plus de 30 000 citoyens de Rome sont morts de perte. Ainsi, une guerre civile très cruelle éclata immédiatement après la mort de Néron, dans laquelle un grand nombre de Romains moururent. Car en même temps, des empereurs furent élus : Galba en Espagne, Vitellius en Allemagne, et Vespasien en Syrie. Galba, venu d’Espagne à Rome, fut tué par Othon. Alors Othon devint empereur et alla combattre Vitellius, qui venait de Germanie à Rome avec son armée ; mais après avoir perdu quatre batailles contre les capitaines de Vitellius, il s’est tué avec sa propre épée. Vitellius vint à Rome et agit très cruellement, forçant les frères de Vespasien, ainsi que les Slaves, ses alliés, à se retirer au Capitole, puis à y mettre le feu, détruisant ainsi le temple avec les Vespasiens. Après de telles cruautés, Vespasien venant à Rome avec une force armée, Vitellius fut abandonné par ses capitaines et ses soldats, pris, exposé à l’ignominie de tous, tué de grands tourments, et son cadavre traîné dans le Tibre. C’est ainsi que le sang des chrétiens fut chèrement vendu et vengé sur les Romains. Tout cela s’est passé parmi les païens et les païens, à une époque où la vengeance de Dieu s’est déchaînée sur les Juifs dans leurs guerres, pendant le siège et dans la destruction de Jérusalem. En effet, la deuxième année de l’empire de Vespasien, Jérusalem fut brûlée et réduite en cendres, suivant ce que Jésus-Christ et les prophètes avaient prédit.
[Domitien]. Mais ces effroyables actes de vengeance ne purent empêcher l’empereur Domitien, fils de Vespasien, de persécuter les chrétiens. En conséquence, il a été tué par ses propres hommes et enterré sans aucun honneur. Le Sénat ordonna que son nom soit complètement effacé et que ses statues soient jetées au sol et brisées. Ce fut la fin ignominieuse de ce tyran cruel, qui voulait être adoré comme un Dieu.
[Trajan]. Au temps de l’empereur Trajan, parce qu’il avait aussi versé beaucoup de sang chrétien, comme nous l’avons déjà entendu, de grandes calamités s’abattirent sur Rome et sur tout l’empire. Le Tibre a gonflé et débordé, causant de grands dommages aux maisons et aux biens des Romains. La maison dorée de Néron fut consumée par le feu en un instant. La foudre frappa le Panthéon et brûla le temple avec les idoles. Quatre villes d’Asie, deux grandes villes de Grèce et trois de Galatie furent secouées et ruinées par un terrible tremblement de terre. Antioche a également été presque complètement détruite. De plus, l’Empire était grandement affligé par les prix élevés, la famine et la peste, comme en témoigne Orose dans le septième livre, chapitre 12.
[Antonin et Lucius]. Le même Orose dit que du temps des empereurs Antonin, surnommé le Vrai, et Lucius, après qu’ils eurent persécuté l’Église, il s’éleva une plaie horrible qui emporta tous les habitants de beaucoup de villages et de villes d’Italie, de sorte qu’il n’en resta pas un seul, et que les lieux habités devinrent déserts. Alors l’armée et les soldats romains, en grand nombre, furent misérablement étouffés par la peste.
[Sévère]. La ville et l’empire de Rome ont été plongés dans le sang des Romains, parce que l’empereur Septime Sévère a persécuté l’Église chrétienne. Car pendant son règne, trois graves guerres civiles éclatèrent, au cours desquelles Julien, Pescennius Niger et Claudius Albinus se soulevèrent contre lui et furent vaincus avec un grand nombre de soldats romains. Il est juste aussi que le sang des meurtriers qui versent celui des justes et des innocents soit aussi versé, et que ceux qui veulent détruire le royaume de Christ voient le leur ruiné et abaissé, et qu’ils s’entretuent.
[Maximin]. Jules Maximin, meurtrier des chrétiens, fut tué par ses propres hommes, avec son
fils Maximin le jeune, au siège de la ville d’Aquilée. Et on disait dans le camp
que, d’une race méchante, il n’était pas nécessaire de laisser en vie un seul
petit. Ils ont été coupés
les têtes, et étant attachées à des piques, furent montrées à celles d’Aquilée,
puis envoyées à Rome, et là brûlées publiquement, avec beaucoup de moquerie et
de ridicule, et leurs corps traînés dans l’eau.
[Decius]. Mais l’empereur Dèce ne modifia pas ses manières pour la fin malheureuse de ses prédécesseurs ; au contraire, il s’est précipité furieusement sur l’Église de Dieu et a versé beaucoup de sang innocent, comme nous l’avons montré auparavant. Dieu l’a aussi puni pour cela, car il a été tué avec son fils Dèce par les Scythes ou Tartares barbares. Alors qu’il combattait ses ennemis, son cheval s’enfonça dans les marais, où Dèce finit ses jours, et son corps ne pourra jamais être retrouvé, car le diable l’emporta, et nous ne devons pas douter qu’il ne se trouvait à l’endroit assigné à un tel meurtrier, c’est-à-dire dans les profondeurs de l’enfer. Paul Orosius déclare en outre qu’à cette époque, une perte si horrible a submergé tout l’Empire romain qu’il n’y a pas eu une province, une ville ou une maison qui n’a pas été gravement endommagée. Il a donc fallu que la mort étouffe ceux qui cherchaient à étouffer l’Évangile, qui est la parole de vie. Saint Cyprien, écrivant contre Démétrien au sujet de cette persécution de Dèce, dit : Nous sommes certains et vous assurons que tout ce que nous souffrons ne restera pas ainsi longtemps, et que plus la persécution sera grande, plus la vengeance sera notable et terrible. Sans raconter ce qui s’est passé il y a longtemps, ce qui s’est passé récemment doit suffire pour savoir qu’en un instant et d’une manière remarquable, la justice de notre cause a été révélée par la mort affreuse des rois, les ruines de propriétés, les meurtres de soldats et les pertes dans les batailles."
[Gallus]. Gallus, le successeur de Dèce, ne régna que deux ans, pendant lesquels il n’eut pas autant de loisir que Satan l’aurait souhaité pour continuer la persécution. Cependant, il n’a pas cessé de faire beaucoup de mal en peu de temps, suivant la voie de son prédécesseur, en bannissant surtout les fidèles. Mais il a été payé pour cela, car attaqué par Émilien, qui est devenu plus tard empereur, ses soldats l’ont abandonné, de sorte que lui et son fils Volusian ont été massacrés. Peu de temps auparavant, il avait été si lâche que, pour faire alliance avec les Scythes, il avait fait payer chaque année un tribut au peuple romain. À cette époque, une horrible peste envahit plusieurs provinces, en particulier l’Égypte, et la contagion dura plus de douze années entières. La guerre et la famine s’ensuivirent, entraînant la mort d’innombrables hommes. Tous ces maux ont conduit saint Cyprien à écrire ce beau traité sur la mort ou la mortalité, que l’on retrouve encore aujourd’hui parmi ses autres œuvres.
[Valerien]. Valérien initia la huitième persécution, au cours de laquelle plusieurs bons serviteurs de Dieu et ministres de sa parole furent exécutés, comme nous l’avons dit précédemment. Peu de temps après qu’il eut commencé à affliger les fidèles de cette manière, étant allé à la guerre contre les Perses, Dieu voulut qu’il tombât vivant entre leurs mains. Leur roi, nommé Sapor, trahit Valérien comme il le méritait ; car il avait été une bête cruelle qui voulait apprivoiser et manipuler l’Église de Dieu à son gré. Il a été enfermé dans une cage, et lorsque Sapor a voulu monter à cheval, Valérian a été forcé de fournir son dos comme bloc de montage à son ennemi. Il resta longtemps dans cette captivité. Finalement, comme trophée perpétuel de son malheur, Sapor le fit écorcher vif, comme le raconte Eusèbe. L’un de ses prévôts, nommé Claude, grand persécuteur des fidèles, fut saisi par un esprit maléfique qui lui coupa la langue en morceaux puis l’étrangla. Après la capture de Valérien, tout l’Empire romain était en pleine tourmente. En même temps, en plusieurs endroits, il y avait une trentaine d’individus différents qui prenaient le titre et l’autorité d’empereur. Les Perses, les Alamans, les Goths, les Sarmates et d’autres peuples ont ravagé et pillé d’innombrables terres. Plusieurs villes proches de la mer ont été englouties par celle-ci. Galène, fils de Valérien, fut tué avec son fils ou son frère dans la ville de Milan.
[Aurélien]. Aurélien, au commencement de son empire, traitait les chrétiens avec douceur ; mais à la fin, incapable de cacher sa nature cruelle et barbare, il décida de persécuter l’Église de Dieu aussi furieusement que ses prédécesseurs. Et comme il était dans cette poursuite, la foudre du ciel tomba à ses pieds, l’effrayant, et il se retira un peu ; mais s’étant raffermi dans sa délibération sanguinaire, Dieu tourna l’épée de ses propres serviteurs contre leur maître, de sorte qu’il fut tué par son propre peuple entre Byzance et Héraclée. Certains disent qu’il est mort d’une mort soudaine en essayant de signer des lettres contre les chrétiens; et tous s’accordent sur ce point à dire qu’il mourut d’une mort violente. Un prévôt nommé Antiochus, ayant fait torturer Agapet comme témoin de la vérité de l’Évangile, tomba soudain de son siège judiciaire, criant à haute voix que toutes ses entrailles étaient en feu, et il rendit le dernier soupir dans ce tourment.
[Dioclétien et Maximien]. L’Église de Dieu eut un certain répit après la mort d’Aurélien jusqu’à la 19e année du règne de Dioclétien et de Maximien, qui régnaient ensemble sur l’Orient et l’Occident. Mais ensuite, à cause du manque de zèle parmi les chrétiens, et à cause des disputes entre les pasteurs et les enseignants, le Seigneur, voulant purger les ordures de son Église, a déchaîné ces deux tyrans qui ont d’abord fait raser tous les temples des chrétiens, puis ont brûlé les livres de théologie ;
[Voyez Eusèbe les deux derniers livres de son histoire]. ensuite, ils expulsèrent tous les officiers et magistrats qui professaient la religion, et décrétèrent la principauté du corps contre les mines, les anciens et tous ceux qui avaient été en charge de l'Église, ordonnèrent enfin que les chrétiens soient contraints par tous les tourments dont les bourreaux avaient connaissance, de renoncer à leur religion et de sacrifier aux idoles, ce qui fut réalisé d'une manière étrange et cruelle, et eut un nombre infini de martyrs. En 17, trente mille furent exécutés, et autant ou plus de tourments ressemblant en quelque sorte au châtiment des galères d'aujourd'hui. Certains disent que Dioclétien devint si enragé contre les chrétiens qu'il mit même à mort sa propre femme, nommée Serena, parce qu'elle était chrétienne. Vingt mille personnes furent brûlées ensemble dans un temple sur l’ordre de Maximien. Une ville de Phrygie fut incendiée et réduite en cendres avec tous ses habitants, y compris les magistrats, les capitaines et les gouverneurs de l’empereur, parce qu’ils confessaient tous la doctrine pure, sans qu’aucun d’eux ne veuille faire une abjuration. La constance des fidèles était admirable en plusieurs endroits ; Il y eut beaucoup de révoltes, mais le nombre des martyrs fut bien supérieur à celui des apostats. Cette persécution dura dix ans. Or, ces meurtriers, voyant que les chrétiens ont toujours bon courage, commença à se lasser de ces horribles meurtres, et procéda d’une autre manière moins rigoureuse qu’elle l’était. Ils firent prendre les chrétiens et les rassembler par milliers ; Puis on leur arracha l’œil droit, et on repassa à chaud leur œil gauche, de sorte qu’ils devinrent borgnes et boiteux : cela fait, ils furent conduits aux mines. C’est ainsi que les enfants de Dieu ont été traités.
Considérons maintenant quel paiement ces horribles brigands ont reçu. D’abord, ils abandonnèrent la dignité impériale, en partie par rage et par dépit de n’avoir pas pu dompter les chrétiens, et en partie parce qu’ils avaient un nombre infini d’ennemis en raison de leur nature sanguinaire et redoutable. L’un se retira à Nicomédie, et l’autre à Milan, où ils vécurent quelque temps en privé et seuls. La maison de Dioclétien fut frappée et brûlée par le feu du ciel, puis une enflure le saisit de tout le corps ; Ensuite, il fut évacué et devint sec comme du bois, la vermine se nourrissant dans sa langue avec une telle puanteur que personne n’osait l’approcher. Dans cet état de langueur, il rendit l’âme par des blasphèmes et des hurlements terribles. D’autres disent qu’il fut estropié des membres, puis enragé, et qu’enfin il se tua, ayant été peu de temps auparavant si étonné par le tonnerre qu’il ne savait plus où se cacher. D’autres écrivent qu’il s’empoisonna lui-même, craignant d’être exécuté d’une manière ignominieuse, d’autant plus que Constantin et Licinius l’en avaient secrètement menacé. Tout le monde s’accorde à dire qu’il mourut furieux et désespéré. Pendant la persécution, il y a eu un grand tremblement de terre à Tyr et Sidon, où plusieurs milliers d’hommes ont été tués par l’effondrement de bâtiments. La même chose s’est produite à Rome et dans d’autres parties de l’Italie. Flaccus, prévôt de Spolète, après avoir fait mettre à mort Grégoire, évêque du lieu, fut frappé par Dieu et mourut les entrailles débordant de son corps. Dioscore, ayant causé la mort de sa propre fille, fut terrassé par le feu du ciel. Un autre, nommé Aposrasius, tomba de son cheval à terre et mourut immédiatement. Quant à Maximien, après sa déposition, il retourna à Rome pour être rétabli dans le gouvernement de l’Empire. Mais ayant été écarté de sa demande, et chassé par son propre fils Maxence, il s’enfuit à Marseille chez Constantin, son gendre, dont il complota la mort quelques jours après son arrivée, continuant ainsi sa nature naturellement sanguinaire et furieuse. Mais sa propre fille préféra son mari à son père Constantin, et lui révéla la trahison. C’est ainsi que Dieu a miraculeusement fait disparaître ce meurtrier des mains de son gendre, qui l’a fait pendre et étrangler à Marseille.
[Galère]. Dioclétien et Maximien eurent pour successeurs Constance Chlore, père de Constantin le Grand, et Galère Maximin. Constance gouvernait l’Occident, dont il était satisfait, et favorisait toujours les chrétiens. Galère Maximin joignit comme compagnon à sa part de l’empire un frère ou parent nommé Maximin. Galère, après avoir sévèrement persécuté les Églises orientales, fut frappé d’une maladie horrible, incurable et vile, dans laquelle ses intestins se gonflaient et des vers sortaient de tous côtés, ce qui le rougissait continuellement. Il devint si immonde que personne n’osa ni ne voulut l’approcher : cela le mit dans une telle colère qu’il fit tuer plusieurs médecins, parmi lesquels l’un lui montra que sa maladie était un juste jugement de Dieu sur lui, à cause des torts qu’il avait faits aux chrétiens. Il fut si étonné de cette admonestation qu’il envoya immédiatement des lettres patentes très favorables aux chrétiens, qui furent exécutées en peu d’endroits seulement et assez sommairement. Cependant, Galère ne s’en remit pas, mais après beaucoup de tourments, poussé par la fureur et le désespoir, il se suicida.
[Maximin]. Son lieutenant, nommé Maximin, devint aussi furieux que tous les persécuteurs précédents contre l’Église. Il fit graver la condamnation des fidèles sur des tablettes de bronze et fit apposer des tableaux sur les colonnes des places publiques des villes et des régions sous son règne. Une fois cela fait, l’Église a été si cruellement affligée que plus de quatre-vingt mille martyrs ont été emportés par cette tempête. Or, Maximin, menacé par Constantin et Licinius, s’adoucit considérablement et publia un édit permettant aux chrétiens de vivre en liberté de conscience, sans être recherchés ni molestés. Tout cela était fait comme un prétexte, car il favorisait l’idolâtrie de toutes les manières. Finalement, ayant été vaincu dans la bataille par Licinius, il se mit en colère contre ses prêtres et ses devins qui l’avaient entraîné dans cette guerre, et il fit mettre à mort la plupart d’entre eux; puis, étant soudainement tombé très malade, il publia un autre édit, par lequel il permettait aux chrétiens le libre exercice de leur religion. S’il ne s’est pas converti à Dieu d’un cœur sincère, et s’il ne l’a fait que pour voir s’il trouverait plus de secours dans ce Dieu des chrétiens que dans ses dieux qui l’avaient trompé, et pour se rendre moins méfiant envers les chrétiens, et pour ne pas les avoir comme ennemis lorsqu’il attaquerait Constantin et Licinius, comme il l’avait délibéré. Mais étant à ce point, et ayant déjà préparé son armée, il fut frappé de grandes douleurs aux entrailles, et de coliques très violentes, qui le tourmentèrent tellement qu’il ne put se coucher, mais se jeta courbé à terre. Et alors qu’auparavant il avait été un grand glouton et excessivement ivre, il ne pouvait alors ni avaler ni même goûter un seul morceau de viande, ni même sentir l’odeur du vin.
[Maxence]. Après la mort de Constance, père de Constantin, les soldats des anciennes bandes conspiratrices élevèrent Maxence comme empereur d’Occident, fils de Maximien, pour être un compagnon de Galère. C’était un vil libertin et un ennemi juré de la modestie de toutes les femmes honnêtes, surtout des chrétiennes, parmi lesquelles il y en avait une à Rome qui s’est tuée dans sa chambre pour éviter l’obscénité de ce scélérat. Il a persécuté les chrétiens au plus haut point, mais Dieu lui a coupé le chemin tôt ; car le sénat romain, irrité de ses ravissements et de la méchanceté de ses soldats, appela secrètement Constantin, élu empereur d’Occident, à qui Dieu accorda la victoire contre Maxence, qui périt et se noya dans le Tibre, avec un grand nombre des siens, pensant s’échapper par un pont qui se brisa ensuite.
[Les lieutenants de Maximin]. La plupart de ceux qui avaient favorisé Maximin furent exterminés, en particulier les persécuteurs de l’Église, parmi lesquels se trouvaient Peucece et Quintien, des hommes assoiffés de sang jusqu’à la fin, lieutenants de Maximin et ses favoris les plus proches. Le gouverneur de Damas, qui forçait les femmes à raconter mille mensonges sur les chrétiens, se suicida peu après la mort de son maître Maximin, comme le raconte Eusèbe dans le neuvième livre, chapitres 5 et 6. Un autre, nommé Théotecnus, gouverneur d’Antioche, y fut exécuté avec plusieurs autres par l’ordre de Licinius, d’autant plus que, entre autres méchancetés, il avait fait croire au peuple qu’une idole de Jupiter avait parlé et ordonné que les chrétiens soient chassés des villes et des environs. Les enfants et les proches de Maximin furent également exécutés. Sa mémoire condamnée comme celle d’un tyran et d’un ennemi juré de la gloire de Dieu, son blason effacé de tous les lieux, brisé et brisé autant que possible. Toutes les images élevées en son honneur tombèrent en poussière avec ignominie et moquerie acerbe : de même, toutes les marques de reproche élevées contre les chrétiens furent effacées partout, et la paix fut rétablie dans les églises par ce bon Empereur Constantin.
[Licinius]. Licinius, compagnon de Constantin, favorisa d’abord les chrétiens ; mais après s’être retourné contre eux, il fut attaqué et vaincu dans la bataille par Constantin. Cependant, il ne put s’empêcher de recommencer, ce qui conduisit Constantin à ordonner son exécution : celle-ci fut exécutée.
[Julien l'Apostat]. Julien, surnommé l’Apostat, ennemi juré du Christ et des chrétiens qu’il appelait Galiléens, par moquerie, a fait le pire qu’il a pu à l’Église, environ 366 ans après la venue de Jésus-Christ. Il rendit aux païens leurs temples que Constantin avait fermés. Il enleva aux Églises et à leurs ministres les privilèges, les franchises et les avantages que Constantin leur avait donnés. Il interdit aux chrétiens d’avoir des écoles pour leurs enfants. Il a lui-même écrit quelques livres contre la religion chrétienne. Il confisqua les biens de l’Église et imposa de lourds impôts aux fidèles, disant en plaisantant que Jésus-Christ avait interdit aux chrétiens d’amasser sur la terre, et ordonna de donner le manteau à celui qui enlevait la saie (1), afin qu’ils supportent patiemment tous les outrages, puisque leur maître leur avait enseigné de cette manière. Il fit rétablir les images de Jupiter, de Mars et de Mercure (2) à l’étendard de l’empire, et il ne permit à personne d’aller à la guerre sans avoir d’abord sacrifié aux idoles ; À cette occasion, il condamna à mort quelques soldats, auxquels il donna soudain la vie ; et pourtant il ordonna qu’aucun chrétien n’occuperait une position dans la guerre, ni ne serait reçu dans aucune dignité. Il permit aux Juifs de retourner à Jérusalem pour reconstruire le temple et accomplir leurs sacrifices : ce qu’ils s’efforcèrent de faire, mais le feu et le tonnerre du ciel les en empêchèrent et en submergèrent un grand nombre. Après avoir combattu contre Jésus-Christ, il alla faire la guerre aux Perses, jurant qu’à son retour il exterminerait tous les chrétiens ; mais c’était compter sans l’hostie, comme on dit ; car il y a été transpercé par un coup de feu, sans que personne puisse savoir exactement d’où venait le coup de feu : et la plupart croient que c’est un ange qui l’a fait plutôt qu’un homme. En mourant, il trempa sa main dans le sang qui coulait de sa blessure et, défiant Jésus-Christ pour la dernière fois, il poussa un cri de fureur, jetant ce sang contre le ciel : « Tu as vaincu, Galiléen », appelant ainsi Jésus-Christ. Ainsi mourut ce malheureux, âgé de trente-deux ans seulement, comme certains le disent. Grégoire de Nazianze écrit dans son oraison contre Julien qu’il avait entendu dire que la terre s’était ouverte et avait avalé le cadavre de cet homme méchant.
(1) La saie, espèce de manteau grossier.
(2) Voir. ci-dessus, page 23.
[Ses serviteurs]. Un de ses oncles, nommé aussi Julien, avait uriné sur la table sur laquelle les chrétiens d’Antioche célébraient la sainte communion, et avait battu à coups de poings l’évêque nommé Euzoïus, qui le réprimandait pour cette infâme impiété. Peu de temps après, il fut saisi d’une grave maladie de pourriture intestinale, étant incapable d’uriner ou d’expulser sa saleté sauf par sa fameuse bouche, et mourut ainsi, malheureusement. Sozomène ajoute que la chair pourrie de ce méchant s’est transformée en vers qui n’ont cessé de le ronger vivant, et qu’il n’y avait aucun remède pour les empêcher de le manger complètement. Un trésorier de Julien, regardant les ustensiles de ce temple d’Antioche, qui servaient à la Sainte Cène, se mit à dire d’un ton moqueur : « Sont-ce là les coupes d’où ce fils de Marie est servi ? » Mais peu de temps après, tout le sang sortit de son corps par la bouche en quelques heures, et ainsi périt cet exécrable moqueur, qui mérite d’être rétabli au rang d’apostats auprès de son maître ; comme Elpidius, grand maître de la cour de Julien l’Apostat, qui, après avoir blasphémé Jésus-Christ de bien des manières, fut accusé d’être allé trop loin dans les affaires de l’État, de sorte qu’à cette occasion il fut étroitement enfermé et sévèrement tourmenté en prison, où il mourut d’une manière vile et déshonorante. Ces jugements sont amplement décrits par Théodoret, Sozomène et Nicéphore dans leurs histoires ecclésiastiques, en parlant de Julien et de ses suppôts.
[Valens]. Valens, l’empereur arien, fit noyer quatre-vingts ministres de diverses églises pour trahison, comme le raconte Socrate, et cela vers l’an de notre Seigneur 371. Il voulait contraindre les fidèles à devenir ariens (dit Théodoret) mais il fut châtié pour avoir été blessé par une flèche en la bataille qu’il perdit contre les Goths, pensant s’échapper dans une petite loge de campagne, il fut brûlé vif dans cette loge par ses ennemis qui le poursuivaient. Son valet de chambre (aussi bon homme que le maître) n’eut pas de meilleure fin. Car, comme le rapporte Théodoret, Valens lui ordonna d’aller prendre le bain ; à quoi, voulant obéir, dès qu’il fut entré dans les tavernes, il perdit l’entendement, et se jeta dans une grande cuve d’eau bouillante, où il se noya, et son corps fut trouvé dissous par la chaleur du feu.
[Vandales et autres peuples]. On ne peut pas dire combien de sang chrétien les Vandales, les Huns, les Goths et d’autres peuples barbares ont versé dans l’espace de quatre-vingts ou de cent ans, alors qu’ils ravageaient l’Afrique et l’Europe. Nous dirons d’abord quelques mots sur les jugements infligés à ces peuples, puis nous en viendrons à leurs rois. Les Vandales, après avoir occupé l’Afrique et complètement chassé les Romains de sa domination, firent la guerre pendant quatre-vingts ans aux églises de ce pays, car ils ne voulaient pas accepter l’arianisme. Mais la cinquième année de Gilimer, leur dernier roi, Bélisaire, général de l’empereur Justinien, les battit et extermina complètement cette nation maudite, qui sentait, à son extrême confusion, combien il est affreux de tomber entre les mains du Dieu de vengeance. Cette défaite s’est produite en l’an du Christ 535. Voyons maintenant comment leurs rois ont été traités. Eucherius, fils de Stilichon, qui était vandale et lieutenant général de l’empereur Honorius, avait reçu de son père la promesse d’être un jour empereur, et dans cette espérance, il promit aux Vandales et aux autres ennemis de la vérité qu’il ruinerait tous les fidèles ; mais lui et son père furent massacrés par les soldats d’Honorius et furent ainsi punis pour leur trahison. Croscus, roi des Vandales, après Stilichon, voulant assiéger Arles, fut fait prisonnier et conduit à travers toutes les villes et tous les lieux où il avait affligé les fidèles : enfin, après plusieurs tourments, il fut mis à une mort cruelle. Gunderic, successeur de Croscus, ayant pris Hispale (1), commença à s’enorgueillir, à menacer et à persécuter l’Église de Dieu ; mais il fut saisi par un mauvais esprit et mis à mort par lui dans la deuxième année du règne de Valentinien et de Théodose le Jeune, comme le raconte Sigebert (2) dans ses Chroniques. Genferich, son successeur, tyran très cruel, persécuta excessivement les Églises d’Afrique sous le règne de Théodose le Jeune, ainsi que son fils Hunnéric, comme le décrit abondamment Vidor, évêque d’Utique, dans ses livres sur la persécution des Églises d’Afrique. Mais tous deux moururent misérablement : surtout Hunneric, qui fut rongé par la vermine, et étant possédé par le diable, se déchira et mourut de rage, comme le racontent Sigebert, Vidor et Grégoire de Tours. Proculus, lieutenant de Genséric, pilleur de temples et brûleur des Saintes Écritures, devint furieux et, s’étant coupé la langue en très petits morceaux, mourut de désespoir.
(1) Ville sur l'emplacement de laquelle s'est élevée Séville.
(2) Sigebert de Gemblours , moine bénédictin de la Belgique, mort en 1112. Sa Chronique va de 361 à 1111.
Quelle fin, alors, doit attendre tant de gouverneurs et de peuples athées de cette époque. Pendant la persécution sous le même Genséric, un capitaine vandale avait trois esclaves chrétiens, à savoir deux serviteurs et une servante, qu’il tourmentait tous les jours d’une manière nouvelle de torture, de sorte que leurs entrailles étaient visibles ; mais Dieu, les ayant fortifiés et guéris, ce tyran ne cessa pas de continuer, par lequel la fureur de Dieu l’entoura de telle sorte que lui, ses filles et son bétail moururent subitement. Sa veuve a donné les esclaves susmentionnés à l’un des cousins de Genséric, nommé Hersaon, qui a été immédiatement possédé et tourmenté par l’esprit maléfique, avec toute sa famille, comme Victor le raconte dans son histoire. Trasimond succéda à Hunneric ; mais il n’a pas traité les chrétiens avec plus de douceur que ses prédécesseurs, et il n’a pas non plus échappé à la main du Seigneur, qui a donné la victoire à ses ennemis, qui l’ont vaincu avec la plupart des Vandales : à tel point que, par dépit et par regret, il mourut fou peu de temps après, comme le racontent Procope et Évagre (1). Hildericus, son fils, était chrétien et restaura quelque peu les églises ; mais il fut capturé dans une embuscade tendue par un homme nommé Gilimer, qui le priva du gouvernement et se fit roi. Ce Gilimer régna pendant cinq ans, pendant lesquels il reprit la persécution ; mais (comme nous l’avons dit ci-dessus)(2) Bélisaire le vainquit et extermina cette nation maudite de Vandales infectés par le venin d’Arius.
(1) Historien grec, né en Syrie, vers 536. A composé une Histoire ecclésiastique qui fait suite à celles de Socrate et de Théodoret.
(2) Page 75
[Les Huns, Goths, etc.]. Quant aux Huns, aux Goths et à d’autres semblables, qui ont ravagé furieusement et causé un million de maux à la pauvre Église de Dieu, ils ont aussi été punis avec leurs rois, comme le démontrent les exemples suivants. Après qu’une partie de leurs rois se furent entretués, les peuples commencèrent à se faire une guerre cruelle, au point qu’un de leurs chefs écrivit à l’empereur Honorius (Orose déclare à la fin de son histoire qu’il s’agissait de tous) en ces termes : « Soyez en paix et restez silencieux, nous nous tuerons les uns les autres : Regardez-nous le faire sans bouger. La victoire sera à vous, ruine et confusion pour nous.
[Rhadagaisus]. Rhadagaisus. Roi des Goths, ennemi juré et horrible persécuteur des chrétiens, faisant des préparatifs merveilleux pour ruiner l’Église, tomba avec toute son armée au pouvoir de ses ennemis qui, après l’avoir soumis à mille reproches, le firent mourir publiquement et cruellement, au milieu de grands ridicules et de moqueries de la part de tous ceux qui le voyaient.
[Attila]. Les prisonniers surpris par lui étaient si nombreux qu’une grande troupe fut donnée pour un seul bouclier, comme le racontent Paul le Diacre et Orose. Attila, l’affreux fléau du Seigneur et un tyran terrible s’il en est, dont Théodose le Jeune fut un tributaire pour protéger les Églises orientales, après avoir versé une mer de sang chrétien, dans la sixième année de son règne et le jour même de son mariage, s’étant enivré, fut frappé d’apoplexie et suffoqué (par un jugement juste et visible de Dieu) dans son propre sang, dans lequel il se baigna jusqu’à la gorge, mourant d’une chose dont il avait eu si soif toute sa vie.
[Theodoric]. Théodoric, roi des Goths, ou Théodoric le Goths de la trame, arien et grand ennemi des fidèles, fit assassiner Symmaque, Boèce et plusieurs autres hommes de bien ; mais Dieu le frappa tellement dans son esprit qu’un jour, voyant un poisson sur sa table avec la gueule ouverte, il s’imagina que c’étaient les têtes de ceux qu’il avait injustement mis à mort, et alors il tomba dans une mélancolie et un désespoir extrêmes, et finalement mourut sans repentir, environ trois mois après avoir eu Jean. Évêque de Rome, assassiné. Blondus raconte qu’il a été frappé d’apoplexie. Quelques années avant sa mort, son armée, composée d’horribles coquins et de brigands, s’effondra d’elle-même, comme le raconte Grégoire de Tours.
[Amalaric]. Amalaric, prince parmi ces peuples, persécuteur de sa propre femme, qui était chrétienne, fut vaincu et tué avec la majeure partie de son armée par son beau-frère Childebert, roi de France, comme le mentionnent Procope et Grégoire de Tours.
[Les Alemans]. Les Alamans, confédérés des Goths, après avoir ruiné et désolé les églises d’Italie, furent punis selon leurs mérites, car certains furent tués dans la bataille, tandis que d’autres, chargés de butin, furent dépouillés, massacrés et précipités des montagnes par les Huns et autres maraudeurs. Ceux qui s’échappèrent furent étouffés par les pertes, là où ils s’étaient retirés. Leurs capitaines Lutarius et Bultin furent traités de la même manière ; car le premier devint furieux, et, s’étant déchiré avec ses propres dents, il mourut ivre et foulé aux pieds dans son propre sang. Peu de temps après, son frère Bultin est vaincu et tué avec son armée de 30 000 hommes, dont seulement 5 s’échappent prématurément.
[Les Huns]. À l’époque de l’empereur Justinien, les Huns, cruels persécuteurs des églises de Thrace et de Grèce, furent punis comme les précédents par les capitaines de l’empereur, qui les vainquirent si complètement que leur nom même disparut dans ces régions, comme le raconte Agathius dans le cinquième livre de la guerre des Goths.
[Antharis]. Antharis, roi des Lombards, méchant et ennemi des chrétiens, mourut empoisonné à Pavie, comme une juste vengeance de Dieu : c’est ce que dit Paul le Diacre dans le cinquième livre des Actes des Lombards. Un autre roi de ce peuple, nommé Gisulphe, pour maintenir la paix dans son royaume, favorisa grandement les ariens ; mais le Seigneur, ne voulant pas supporter plus longtemps la gloire qu’il avait choisie ainsi souillée, suscita un ennemi qui battit ce roi avec toute son armée, et ruina toutes les villes et tous les temples des ariens. Sa femme, après avoir été violée, a été empalée ; les prisonniers, jeunes et vieux, furent tous tués, et les femmes et les filles furent vendues, comme le racontent Paul le Diacre (1) et Sabellicus (2). Il y a eu d’autres rois et gouverneurs de ces peuples qui, suivant le chemin de leurs prédécesseurs, sont malheureusement morts.
(1) Historien latin, né vers 750. On a de lui De gestis Longobardorum.
(2) Erudit italien, né à Vicavoro (1436- 1506).
Parmi les autres nations aussi, Dieu a étendu son bras contre les persécuteurs de son Église, et d’une manière terrible, car les histoires de 400, 500, 600 et 700 ans après la venue de Jésus-Christ rendent un témoignage très évident à quiconque souhaite les feuilleter. Nous n’avons pas précisé ici les noms de tant de persécuteurs de toutes les parties du monde qui ont été exterminés dans la fureur de Dieu, parce qu’il faudrait un livre aussi grand que toute cette histoire des martyrs. Il nous suffit d’avoir montré le chemin aux lecteurs qui rapporteront ici les noms des Perses, des Grecs, des Romains, des Français et d’autres grands, petits et grands, qui ont fait la guerre aux Églises, ou à certains fidèles de leur temps, ainsi que la vengeance que Dieu a prise, comme l’ont indiqué les historiens.
[Phocas]. C’est pourquoi nous nous contenterons d’en avoir marqué les points principaux, et d’avoir demandé aux fidèles d’apprendre d’eux ce qu’étaient les autres, et aussi leur fin malheureuse. Ajoutons aussi ce mot touchant : Phocas, fondateur de la papauté, Phocas Mohammed, Antéchrist de l’Orient, et le Pape, Antéchrist de l’Occident. Phocas, donc, après avoir traîtreusement et cruellement causé la mort de l’empereur Maurice, avec sa femme, ses fils et ses filles, régna pendant huit ans dans la vilenie et la méchanceté totales. À la fin de cette période, le Sénat romain et son propre gendre conspirèrent contre lui, à tel point qu’il tomba entre les mains de ses ennemis qui lui coupèrent les pieds, les mains, les parties honteuses, la tête, brûlèrent son corps dans un bœuf d’airain, puis firent mettre à mort cruellement ses enfants et tous ses proches. Telle fut la fin de cet exécrable meurtrier qui accorda à Boniface III, évêque de Rome, le titre de primat et de souverain sur toutes les églises, six cents ans environ après la mort de Jésus Christ.
[Mahomet]. L’an du Christ 613. Mahomet. Arabe commença à se faire connaître, et par l’intermédiaire de quelques Juifs, d’un moine nommé Sergius, un hérétique Nestorien et apostat, et d’un arien nommé Jean d’Antioche, construisit et composa son AlCoran, qui contient les articles de la doctrine des Sarrasins, des Turcs. Il y a dans ces articles une infinité de blasphèmes, d’hérésies et de folies si ridicules, que c’est un cas horrible que tant de peuples, encore aujourd’hui, soient empoisonnés par une vanité si vaine. Tant et si bien que, par l’affreux jugement de Dieu, depuis ce temps-là jusqu’à ce jour, la puissance des successeurs de Mahomet est toujours accrue à la ruine des Églises orientales, où ces ennemis de Dieu ont mis à mort un nombre infini de chrétiens, et ne le sont-ils pas maintenant jusqu’où leurs bras s’étendront pour affliger l’Église. Mais ils n’ont pas non plus échappé à la main de Dieu ; Au contraire, la plupart de leurs sultans, califes, gouverneurs et grands seigneurs ont connu une fin malheureuse après leur faux prophète Mohammed, qui a péri misérablement. Alors qu’il était sur le point de mourir, il fit croire à ses disciples que son corps n’avait pas de sépulture et qu’ils devaient en prendre soin, car il ressusciterait le troisième jour et monterait au ciel. Mais quand le troisième jour fut passé, et le septième aussi, le cadavre commença à sentir tellement mauvais que personne ne pouvait le supporter, et pourtant il fut enterré. Ainsi, ce vil imposteur ne laissa derrière lui qu’une puanteur nauséabonde, et s’étant vanté d’être monté au ciel, son corps pourrit dans le sol, et son âme prit le chemin de l’enfer.
[les Sarasins et les Mamelouks]. Or, bien que les adorateurs et les adeptes de Mahomet, c’est-à-dire les Sarrasins, aient été victorieux dans ce monde, ils ressemblaient plus à des bêtes féroces qu’à des hommes. Car, de même que les bêtes sauvages naissent pour tuer et être dévorées, elles s’entretuent, se mangent et se déchirent les unes les autres, de même les histoires témoignent que les Sarrasins étaient un peuple cruel et sauvage. Ils ont souvent été vaincus et vaincus par les chrétiens. Et pour ne pas trop s’y attarder, tous les historiens s’accordent à dire que Charles Martel, maire du palais et prince de France, a eu trois grandes guerres contre les Sarrasins, venus d’Espagne pour envahir la France. La première fut contre Abdiram, roi des Sarrasins, qui fut battu près de Tours par Charles Martel, avec trois cent soixante-quinze mille Sarrasins tués sur le coup ; il restait très peu de chrétiens, à savoir environ 1500. Cette bataille a eu lieu en l’an 730.
Ensuite, en l’an du Christ 736. Athyn, roi des Sarrasins, entra en France avec un peuple innombrable ; mais Charles le battit avec son armée, près d’Avignon. Finalement, un autre roi, nommé Amorrhée, souhaitant aider Athyn avec ses Sarrasins, fut tué et ses troupes complètement battues. De plus, la fin du royaume des Sarrasins est affreuse à entendre ; car on y voit, comme dans un miroir, un témoignage clair de la colère de Dieu. Car Sélim Ier, le père de Solimen, ruina et abolit le royaume des Sarrasins.
[Quelle a été la fin du royaume des Sarasins]. Car Sélim Ier, père de Soliman, ruina et abolit le royaume des Sarrasins. D’abord, il gagna, sous la direction de Sinan Pacha, deux batailles contre le sultan Tomumbei, l’une près de Gaza en Syrie, et l’autre en Égypte, près du grand Caire. Alors Sélim conduisit toutes ses troupes au Caire, et il y eut une bataille dans la ville avant qu’il ne puisse s’emparer de toutes les places fortes, pendant deux jours et deux nuits. Il est impossible de décrire la grande effusion de sang et les cruautés que les Turcs ont infligées aux Sarrasins. Le château de la ville fut pris le 25 janvier de l’année 1517. Le sultan s’enfuit et se cacha parmi les roseaux dans un marais, d’où il fut tiré et amené devant Sélim, qui, après plusieurs longs tourments, le fit mettre sur un mulet et parader dans toutes les rues de la ville, pour une plus grande ignominie, puis le fit pendre à l’une des portes. Cela s’est passé en l’an mil cinq cent dix-sept, le 13 avril.
C’était un spectacle pitoyable que de voir ce puissant empereur de Syrie et d’Égypte ainsi ignominieusement pendu à la vue de tout son peuple. Ce sultan fut le dernier prince des Sarrasins, et c’est alors que les Sarrasins et les orgueilleux Mamelouks furent extirpés : si bien que Dieu leur fit sentir la force de sa main, et vengea le sang des fidèles sur ces vils dogues. Cette histoire est diligemment écrite par Paul Joue (1) dans ses histoires de notre temps.
(1) Historien italien, né à Côme (1483- 1552). Les Histoires de son temps vont de 1494 à 1547.
[Châtiment des Turcs]. Les Turcs ont aussi senti la main de Dieu, punissant leurs cruautés, et ont souvent été vaincus par les chrétiens, et Dieu seul sait quand, comment et combien ils seront flagellés dans l’avenir. Il est certain qu’ils devront comparaître devant le tribunal du Christ, comme tous les autres peuples, et c’est là qu’ils rendront compte de ce qu’ils ont fait.
[Du châtiment des Papes]. On pourrait alléguer de nombreuses histoires sur les châtiments des papes qui ont persécuté l’Église, ce qui serait trop long. Mais pour dire quelque chose brièvement, Dieu les a aussi peu épargnés que les autres persécuteurs. Or, ce qui ne peut pas leur arriver qui pique plus vivement la conscience, qui ne les attriste pas davantage, c’est quand il y a des gens qui leur résistent sagement et qui critiquent leurs vices et leurs infamies, et en ce qu’ils falsifient la doctrine de la vérité, que leur siège est le siège de l’impiété, et que le Pape n’a pas le pouvoir qu’il revendique pour lui-même :
[Gens savant cités les Papes]. C’est pourquoi Dieu a toujours suscité des personnes qui ont protesté que les anciens évêques de Rome étaient, en fait et en nom, de bons et vrais pasteurs, mais que les papes ne les suivent pas. Cela a tellement irrité ces révérends pères qu’ils s’opposent à de telles personnes et n’ont pas cessé jusqu’à ce qu’ils les aient mis à mort comme leurs grands ennemis, leurs malfaiteurs, leurs hérétiques et leurs séditieux. Pourtant, ils ne peuvent pas enlever ou éteindre un tel ver de leur conscience, qui les a continuellement rongés, ce qui est un véritable châtiment et un véritable châtiment.
[Empereurs suscités de Dieu contre les Papes et Frédéric Barberousse]. Dieu a suscité des empereurs et des rois puissants qui n’ont pas épargné les papes, mais qui se plaignent d’eux, et les ont cruellement accusés et accusés. L’empereur Frédéric, le premier du nom, surnommé Barberousse, renvoya à Rome les légats pontificaux de Germanie, leur interdisant d’être sur la terre de l’Empire, et interdisant aux Allemands d’aller ou d’appeler à Rome. Le pape Adrien IV, se plaignant de cela, a averti l’empereur que la couronne et l’Empire venaient du pape de Rome, ce à quoi l’empereur a répondu que la couronne et l’Empire venaient de Dieu, pas du pape, ni de Rome. Lorsqu’on lui demanda pourquoi il avait expulsé les légats du pape, il répondit qu’ils se livraient à des pratiques en Allemagne, semaient des débats et des querelles, pillaient les églises, et n’étaient pas des prédicateurs, mais des pécheurs et des voleurs ; qu’ils ne se souciaient pas du salut du peuple, mais des pêcheurs et des voleurs ; qu’ils ne se soucient pas du salut du peuple, mais seulement de la bourse, et plusieurs autres plaintes développées en détail par Nauclere, Génération trente-septième, à la page 761. Et dans le troisième livre de Radevicus, chapitre dix.
[Frédéric II]. L’empereur Frédéric, le second du même nom. Excellent et prince chrétien, s’opposa aussi au superbe et turbulent pape Grégoire IX, qui l’excommunia et le condamna par trois bulles. Mais l’empereur, ainsi que plusieurs bonnes personnes, critiquèrent vivement la tyrannie du pape. Il y a une discussion détaillée à ce sujet dans le Livre des Épîtres de Pierre des Vignes (1), et dans Nauclere.
(1) Chancelier de Frédéric II, quil seconda dans sa lutte contre les papes.
[Evrard, Évêque de Saltzbourg, contre le Pape et Mainrard Comte de Tyrol]. À cette époque, un excellent concile se tint à Ratisbonne, au cours duquel Evrard, évêque de Salzbourg, prononça un discours puissant contre le pape et ses disciples, décrivant et dénonçant la tyrannie, l’orgueil, les vices et les infamies des papes de Rome, et prouva que le pape était l’Antéchrist. Ce discours est écrit par Jean Aventin dans le 7ème livre de son histoire de Bavière. Il mentionne aussi dans la même histoire une défense et un discours audacieux de Mainrard, comte de Tyrol, qui avait été excommunié par le pape Nicolas IV ; mais il affirma ses droits et appela le Pape l’Antéchrist.
[L'Empereur Louis Iv]. Il y avait aussi une grande différence et un grand débat entre le pape Jean XXII et l’empereur Louis IV, qui dans un document impérial avait sévèrement critiqué le pape, le qualifiant (entre autres) de diable et d’antéchrist, avec de bons et vrais arguments, comme on peut le voir dans le septième livre de l’histoire de Jean Aventin.
[Schisme en l'Église Romaine]. Parmi les autres châtiments et châtiments infligés aux papes, l’un des plus sévères est que les papes se sont retournés les uns contre les autres, avec d’étranges outrages, des guerres, des meurtres et des confusions. Onuphrius Panvinius (2), dans son abrégé des papes, raconte de Grégoire VII à Urbain VI (sur une période de 294 ans) sept grands schismes du siège de Rome, qui, pendant ce temps, a eu sept fois deux papes à la fois, et finalement trois, chacun d’eux voulant être appelé le vrai pape, et s’excommuniant et se condamnant mutuellement.
(2) Historien né à Vérone (1529-1568). On a de lui Epitome pontificuin romanorum.
[Le grand Schisme]. Après cela, vint le huitième grand schisme, qui commença à l’époque d’Urbain VI et de Clément VII, et dura 39 ans, jusqu’au concile de Constance. Pendant ce temps, les papes se comportèrent les uns envers les autres avec tant d’impudence et de fureur, par des bulles, des mémoires et des pamphlets infâmes, que si quelqu’un d’autre l’avait fait, il aurait été en danger de mort. Ils s’appelaient les uns les autres schismatiques et hérétiques, ainsi que d’autres noms très laids et étranges. Celui qui veut voir sa belle vie devrait lire les livres de Thierry de Niem, surtout le troisième. Ce Thierry était un serviteur et très proche des papes, au point qu’il a peu à dire sur ces questions en vérité.
[Les papes ne sont de longue durée de siège]. Mais en plus de ces châtiments, il y a eu beaucoup de papes assis sur ce siège ; car depuis Grégoire 7. à Grégoire 13. Il y en avait environ 68. Et pendant ce temps, depuis Henri 4. jusqu’à Maximilien II, il n’y avait que 26 rois des Romains, ou empereurs. Et c’est ainsi que peu de ces papes ont été de longue durée, mais la plupart d’entre eux ont quitté le monde. Les historiens témoignent, et l’expérience monstrueuse, que la plupart d’entre eux, accablés de graves maladies, quittent le siège très tôt. Certains d’entre eux, emportés par leur mort soudaine, furent retrouvés morts par leurs hommes, les autres ne moururent pas au siège, mais à l’extérieur. Certains furent désarmés et pris, les autres furent retirés du siège par le poison. Lucius 2. a été lapidé par ses hommes. Lucius 3 fut chassé de la ville, ses hommes furent renversés ; Les yeux de certains d’entre eux étaient crevés, les autres étaient entraînés à travers la ville avec la honte et le déshonneur sur des ânes, le visage tourné vers la queue.
[L'Abbé Ursperg]. Adrien IV, persécuteur de Frédéric II, fut étouffé par un moucheron. Jean XXI fut terrassé par un caveau qui le submergea soudainement. Jean XII a été tué par un Romain qui l’a surpris en flagrant délit d’adultère avec sa femme. Nous avons vu plus haut la fin de Boniface VIII, un pape superbe et hautain, dont on a dit qu’il était arrivé à la papauté comme un renard, gouverné comme un lion et mort comme un chien. On pourrait encore citer beaucoup de choses de ce genre tirées de l’histoire, mais cela suffit à montrer que Dieu n’a pas oublié de punir et de châtier les papes qui ont persécuté son Église, tout comme il a, à travers le temps, vengé le sang de ses fidèles. Quoi qu’il en soit, il n’y a rien de plus sûr et de plus certain dans ce monde que tous les crimes, et surtout les persécutions et l’effusion de sang des fidèles, sont sévèrement et rapidement punis par Dieu. Et quant à ce que certains prétendent, au contraire, nous voyons par expérience plusieurs malfaiteurs et cruels persécuteurs qui meurent à leur aise et sans inconvénient, il faut dire, au contraire, que Dieu ne punit pas seulement dans ce monde, mais aussi après la mort corporelle, afin que ceux qui échappent à sa main dans cette vie ne lui échappent pas dans l’autre. Comme il est écrit dans l’Évangile, de cet homme riche et infortuné, qui a eu ses bons jours et son confort dans ce monde, et qui doit maintenant souffrir dans la flamme du feu. Les sages ont toujours souhaité que Dieu les fasse souffrir plus tôt dans cette vie que dans l’autre. Car il est considéré comme certain, comme il l’est en vérité, que les châtiments et les châtiments de l’autre vie sont plus grands et plus sévères, et même que leur détresse ne peut être exprimée.
Nous pourrions ajouter à ce qui a été dit ci-dessus les écrits d’un nombre infini de bons individus de tous les horizons de l’ordre ecclésiastique et politique, qui, 150 ans avant que Wycliffe et les autres nommés plus tard ne prennent la parole, s’opposaient fermement aux mauvaises pratiques de l’Antéchrist, découvraient son hypocrisie et sa tyrannie sur les consciences, et exhortaient les bonnes personnes à se méfier des faux prophètes : en bref, ils conservèrent le fondement du salut et, se lamentant sur l’état misérable de l’Église pauvre, ils désirèrent que Dieu y pourvoie, ce qu’il accorda finalement en réponse à leurs désirs et à leurs gémissements, comme on le verra plus tard. Il est vrai que le nombre de ces individus était faible par rapport aux autres ; mais c’était assez pour reprendre l’idolâtrie et la superstition qui régnaient, et malgré lesquelles Dieu a conservé, au milieu de tant de confusion, la marque de son alliance avec les siens dans le baptême, les articles de la foi chrétienne et l’invocation du nom de Jésus-Christ.
Ainsi, bien que la papauté soit un ennemi juré de l’Église chrétienne, l’Église s’est cachée dans cet abîme d’abomination, en attendant que Dieu la mette en lumière, confirmant que le fils de perdition, étant assis et dominant à son gré dans le saint temple, ne pouvait l’anéantir ; au contraire, il serait découvert et vaincu par l’esprit de la bouche (c’est-à-dire par la parole) du Seigneur, et c’est par la clarté de sa venue, comme ce qui s’est passé, depuis l’époque de Phocas (que l’évêque de Rome a usurpé le titre de souverain sur les Églises) jusqu’à ce jour, elle se manifeste : car le méchant est révélé, Babylone est tombée aux yeux des fidèles, qui, par la parole de Dieu, voient l’Antéchrist renversé, et se sentent revitalisés par Jésus-Christ, en qui seul ils cherchent, comme l’ont fait tous les martyrs de l’Église chrétienne primitive, la réconciliation avec le Père céleste, la sagesse, la justice, la sanctification, la rédemption, la gloire et la vie éternelle, renonçant à tous les autres moyens d’atteindre le salut, inventés par l’Antéchrist et ses disciples, qui ont forgé un Dieu qui n’est ni parfaitement juste ni parfaitement miséricordieux, qui ont vu Jésus-Christ dépouillé de la vérité de sa nature humaine, de ses fonctions de Roi, de Prophète et de Prêtre éternel ; ont défiguré et renversé les sacrements de l’Église chrétienne, qu’ils ont accablés de traditions ridicules, superstitieuses et abominables, par lesquelles, en ce qui les concerne, après avoir enterré la lecture, la méditation et l’interprétation correcte de la parole de Dieu, ils ont détourné les hommes de la considération de Jésus-Christ et de son mérite pour les garder concentrés sur eux-mêmes, et de les faire chercher la justice et la vie.
Beaucoup de sophistes et d’ignorants de notre temps ont calomnié ces collections de martyrs avec diverses sortes de mensonges. Mais ils n’ont pas encore été en mesure de prouver (ce qu’ils ne pourront jamais faire) par les témoignages de l’Écriture Sainte que la cause des martyrs de notre temps est différente de celle des vrais martyrs antiques ; au contraire, le fait est que le premier et le dernier ont souffert pour la justice, pour le nom du Christ, en tant que chrétiens, et en faisant le bien, comme il est abondamment évident dans leurs actes et leurs procédures, ignorons ces chiens, en attendant que le Christ les fasse taire.
Pour le reste, puisqu’il n’est pas possible (étant donné qu’il y a toujours trop d’infirmité chez ceux qui sont les plus fermes) que les fidèles qui lisent ces recueils ne soient pas merveilleusement agités en voyant une telle mer de sang des enfants de Dieu, et qu’il est nécessaire d’être fortifiés de diverses manières pour persévérer au milieu des persécutions, quand le Seigneur daigne nous honorer au point de vouloir que nous souffrions pour son nom, nous avons ajouté ici un traité chrétien (1) fait par un bon serviteur de Dieu, pour la consolation et l’instruction de tous les fidèles. Cela servira de préparation convenable et nécessaire à la lecture des autres livres, où l’on ne trouvera guère d’instruction et de consolation plus solides que celle-ci, qui servira aussi de conservateur continuel contre toutes les pensées qui pourraient ébranler la foi, la patience et la persévérance des enfants de Dieu.
(1) On peut rapprocher ce beau traité, dont nous ignorons l'auteur, de l' Epitre pour consolcr les fidèles , de Viret ( Hermijard, Correspondance des réformateurs, t. VI, p. 428), et du Combat chrétien ou des afflictions, de Pierre du Moulin.
TRAITÉ DES AFFLICTIONS ET PERSÉCUTIONS QUI ARRIVE GÉNÉRALEMENT AUX FIDÈLES.
Chapitre premier.
Que les afflictions rendent les fidèles inébranlables.
Nous fuyons et reculons toujours devant les afflictions, et il n’y a personne qui ne pense à trouver un moyen de s’en exempter. Certains croient qu’ils peuvent se sauver en se cachant, d’autres en se cachant, d’autres en fuyant les lieux où les tyrans règnent et dominent, d’autres comptent sur leur grandeur et l’influence qu’ils ont à cause de leurs maisons, ou de leurs parents, ou des services qu’ils ont rendus, et il leur semble que toutes ces choses seront respectées. les empêchant d’être agressés et offensés par leurs ennemis. Bref, il n’y a personne qui n’espère pas trouver un piège et une porte dérobée pour s’échapper si par hasard ils sont recherchés et poursuivis. Et c’est la raison pour laquelle peu de gens se préparent et pourvoient à l’avance aux choses qui seraient nécessaires pour supporter la honte et les ennuis d’un long emprisonnement, ou les tourments et les peines de quelque mort cruelle, s’il plaît à Dieu de les destiner à cela, et de les utiliser par ce moyen pour la gloire de son saint nom.
Mais tout cela n'est que de vains espoirs qui, en flattant notre désir, nous aveuglent et nous trompent, sont la cause de notre nonchalance, et nous font toujours nous retrouver dépourvus de ce qui serait nécessaire pour répondre et résister à nos ennemis. Nous tenons bon, sans que les prisonniers ne soient liés et garrottés dans leurs mains. Et quand on nous interroge, nous n'avons ni mot ni réponse pour nous défendre.
Il est donc nécessaire, pour obvier à cet inconvénient, que nous prenions résolument à l’esprit cette conclusion, (2 Tim 3. 12 ): que les persécutions sont inévitables pour tous ceux qui veulent suivre correctement Jésus-Christ et faire une véritable profession de son Évangile, (Rom 8. 28) . Car Dieu le Père a ordonné que, pour participer à la gloire de son Fils, nous devions d’abord nous conformer à lui dans sa mort et sa passion, (Actes 14. 22) . De plus, c’est qu’à travers de nombreuses tribulations, nous entrerons dans son Royaume, et pour y arriver, nous passerons par le chemin étroit et difficile,(Matt. 7. 14) . De plus, pour être disciples et étudiants de Jésus-Christ, nous devons prendre notre croix sur nos épaules et le suivre, (Luc. 14 .27). De plus, si nous sommes ses enfants, nous devons participer à la discipline qui est commune à tous ceux qui appartiennent à sa maison. (Héb. 12.7). Enfin, que dans ce monde nous serons et vivrons toujours comme des brebis parmi les loups, (Mat. 10. 11)
Et il faudrait que dans notre nature il n’y ait plus de vice, et que notre chair ne produise plus ses œuvres (par lesquelles, en provoquant continuellement la colère de Dieu, elle sème la terre de persécutions et d’autres maux) si nous voulions en être entièrement délivrés. Tant qu’il vivra et se renouvellera, comme il le fait, Dieu ne cessera de nous susciter des tyrans et d’envoyer d’autres persécutions pour le mortifier. Il ne doit plus y avoir de démons, et la paix doit être faite entre la semence de la femme et le serpent, si nous voulions y vivre en sureté. (Gen 3. 15).
Il faudrait que dans ce monde il n’y ait plus de tempêtes, de vents, de vagues, de tempêtes, et que l’Église, qui est comme une petite barque flottante au milieu de lui, n’y soit plus soumise, si l’on voulait qu’elle ne soit plus troublée par eux. Bref, nous ne devons ni espérer ni appeler au ciel la couronne, si nous ne voulons pas combattre ici ; (2 Tim 4. 7); ni la joie et le repos, si nous refusions en ce monde les ennuis et le travail ; ni que la vie du Fils de Dieu se manifestera jamais en nous, si nous fuyons la mortification dans notre corps. (2 Cor 4. 10). Qu’il soit donc résolu pour tout homme chrétien qu’il ne peut être sans ennuis et persécutions dans ce monde, pas plus que le monde ne peut être sans haine, ni le diable sans envie, et que les grands n’en sont pas plus exempts que les petits. Car c’est l’une des choses qui sont communes à tous les saints et à tous les membres de l’Église, comme le sont la foi, le baptême et l’adoption. Moïse, bien qu’il soit le fils adoptif de la reine présomptive d’Égypte, n’était cependant pas hors de danger de mort s’il n’avait pas fui. (Exode 10.15; héb 11. 24). Ce n’était donc pas David, bien qu’il fût le gendre du roi, et que par ses mains Dieu avait souvent sauvé Israël de la main des Philistins aussi bien que de ses autres ennemis (1 Sam 19. 10).
[Epiphanius et Saint jérôme sur Ésaïe]. Isaïe et Daniel étaient de sang royal, ce qui n’a pas empêché l’un d’être cruellement scié en deux après avoir prêché pendant soixante ans, et l’autre, bien qu’il ait gouverné tout l’empire babylonien et occupé la plus haute position auprès de son prince, a finalement fini dans la fosse aux lions, (Dan. 6.)
[Jean Frideric, Duc de Saxe. Philippe, landgrave de Hesse]. À l’époque de la grande persécution qui, sous l’empire de Dioclétien, fut attisée par tout le monde, les premiers à être capturés et sacrifiés à Dieu furent le prévôt de Nicomédie et les principaux favoris de sa cour. Tout le monde agit comme à notre époque ; les deux plus nobles princes (1) qui étaient en Allemagne furent, malgré les grandes forces et les moyens qu’ils avaient pour résister à leurs ennemis, faits prisonniers par l’empereur, qui les retint captifs pendant cinq ou six ans dans une grande calamité.
(1) Il s'agit de l'électeur de Saxe et du landgrave de Hesse-Cassel, faits prisonniers par Charles-Quint, à la bataille de Muhlberg, en 1547.
[Jeanne Graye]. Depuis qu’il est arrivé en Angleterre que les plus grands seigneurs, et même une
princesse, qui, par l’autorité du conseil, le consentement du peuple, la volonté
et l’ordonnance du dernier roi Édouard, avaient été proclamés et couronnés reine
du pays (1), ont été cruellement exécutés.
(1) Jeanne Grey , proclamée reine d'Angleterre à la mort d'Edouard VI , et décapitée en 1554.
[Thomas Grammer]. Et peu de temps après, les évêques les plus éminents de tout le royaume (entre autres, le primat (2), qui, sous le règne du défunt roi Henri, avait toujours été impliqué dans les affaires de l’État) furent honteusement traînés dans la boue jusqu’à la potence, subissant dix mille outrages et insultes, qui leur furent infligés par l’ordre, ou du moins par la complicité de la reine Marie et de ses officiers. Il vaut la peine de noter que toutes ces grandes afflictions se sont abattues sur eux au moment le plus heureux qu’ils pouvaient souhaiter, alors que tout le monde pensait que c’était le refuge le meilleur et le plus sûr de toute l’Europe pour ceux qui souhaitaient servir Dieu purement. Cela montre clairement que nous ne pouvons pas échapper à ses jugements, et qu’il n’y a ni lieu, ni pays, ni force, ni puissance qui puisse nous sauver de ses mains, ni l’empêcher de nous corriger par ses officiers et de nous faire subir le châtiment, quand et autant qu’il lui plaît.
(2) Thomas Cranmer, évêque de Cantorbéry, brûlé en 1556
Comme donc Dieu ne promet à ses enfants que tourments et ennuis en ce monde, que les persécutions sont inévitables pour eux, pour les raisons que nous avons dites ci-dessus, il est nécessaire que tous, quels que soient leur état, leur âge, leur sexe, leur condition et leur qualité, se préparent de bonne heure, et que pendant l’été et le beau temps, ils ne s’endorment pas comme la fourmi. mais travaillez et prenez toutes les dispositions nécessaires pour traverser l’hiver et le froid, afin qu’ils ne soient pas étonnés ou surpris quand ils viennent, comme ceux qui sont généralement pris au dépourvu, et quand les ennemis l’assiègent.
Quelles choses les fidèles doivent-ils considérer pour supporter patiemment la persécution ?
S’il est vrai que les persécutions sont nécessaires et inévitables pour les fidèles, et qu’ils doivent d’une manière ou d’une autre passer par ce détroit, ils doivent réfléchir à la manière de les rendre moins difficiles et moins inconfortables, et suivre l’exemple de ceux à qui les médecins prescrivent une purgation de pilules, qui, pour ne pas ressentir autant l’amertume qui est présente, ont pris l’habitude de les dorer ou de les tremper dans du sirop, de sorte que, ainsi couverts et adoucis, ils n’éprouvent pas tant d’horreur à les prendre, ni tant de peine à les avaler. De même, nous devons concevoir et établir fermement dans notre esprit certaines pensées sur les persécutions qui nous couvrent, qui nous effrayent, et qui nous les font paraître tout à fait différentes de ce que nous craignons. Car ce qui nous fait craindre et fuir, c’est que nous les imaginons toujours dans notre esprit comme des choses horribles et terrifiantes. Et la raison pour laquelle nous ne voulons pas les goûter du tout, c’est l’opinion que nous avons que ce sont les drogues les plus amères du monde. Or, ce qui nous fait tomber et rester dans cette erreur, c’est que nous en jugeons (comme pour presque toutes les autres choses) par le sens et l’opinion de notre chair, et non par la parole de Dieu, qui devrait néanmoins être la règle et l’équilibre de toutes les fantaisies et de toutes les persuasions que nous prenons et plaçons dans notre esprit. Car si nous voulons croire ce que les prophètes et les apôtres, inspirés de Dieu, ont prêché en leur temps et laissé par écrit à la postérité concernant les persécutions, nous les considérerons d’abord comme honorables à ceux qui veulent les supporter patiemment. Saint Pierre dit :
« Si vous êtes insulté et maltraité pour le nom de Jésus-Christ, vous êtes béni, car la gloire de l’Esprit de Dieu repose sur vous. » (1 Pierre 4. 14). Et Saint Paul parlant de lui et de ses compagnons : « Nous nous glorifions (dit-il) dans nos tribulations.» (Rom 5. 3). Et ailleurs : « Que toute gloire soit derrière nous, sauf celle de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ. » (Gal. 6. 14).
Ces passages, ainsi que plusieurs autres semblables, indiquent clairement à quel point un homme chrétien doit se considérer honoré par Dieu lorsqu’il lui plaît de lui accorder la grâce de souffrir pour son nom et la défense de sa Parole. À la guerre, la plus grande honte et le plus grand reproche que nous puissions encourir, c’est d’abandonner la bannière de notre roi, qui mène toutes ses troupes au combat, pour aller frapper ses ennemis ; Ne pensons-nous pas, au contraire, quel honneur cela peut être pour ceux qui le suivent de près, et selon que nous sommes proches ou éloignés de sa personne dans le combat, que nous méritons également plus ou moins d’éloges ? Si c’est un honneur pour un capitaine de donner sa vie plutôt que de violer son serment à son prince, alors il est de même pour un homme chrétien de maintenir jusqu’à la fin ce qu’il a juré à Jésus-Christ, et de mourir plutôt que de commettre ou de souffrir quoi que ce soit qui puisse le ternir. Autrefois, il n’y avait pas d’acte ou de vertu qui fût considéré comme digne de plus d’éloges que la magnanimité et la force de ceux qui se sont courageusement présentés à la mort pour défendre les droits et la liberté de leur patrie. Et il n’y a pas de doute que c’est de là que découle la noblesse des maisons, et ce qui les a élevées au-dessus des autres, c’est la générosité des ancêtres qui tenaient cette liberté plus chère que leurs biens, leur confort et leur propre vie. Combien plus donc un homme peut-il être ennobli par le zèle qu’il a pour maintenir la liberté de l’Église, qui est sa patrie où il est né et où il a grandi, d’autant plus que cette liberté n’est pas dissoute ou débauchée, comme c’est généralement le cas pour toutes les autres, mais est une mère grave et sérieuse de toute honnêteté, et la mort actuelle de toute méchanceté et de toute vilenie. Les anciens mêmes (je les allègue volontairement, pour ce que nous n’avons pas. Il n’y a pas de meilleurs exemples que ceux qu’ils nous ont proposés dans leur vie) estimaient un homme qui avait empêché ou vaincu sa tyrannie, non seulement pour être digne, mais aussi supérieur à tous les éloges qu’on pouvait lui faire, bâillant, surtout si la tyrannie était forte et bien fondée. Est-il possible, alors, que nous puissions faire assez l’éloge de ceux qui n’épargnent ni le bien, ni le travail, ni la vie, ni rien en général de ce qui est en leur pouvoir, à moins que tout ne soit entièrement et complètement exposé à la ruine et à l’effondrement de la tyrannie du diable et de l’Antéchrist, qui est le plus cruel, le plus inique et le plus insupportable, qui est resté indemne, et qui, comme les autres, ne se contente pas de détruire et de ruiner la propriété, s’il ne pille pas la vie des corps et le salut des âmes ? Quelle est, je vous en conjure, cette gloire dont l’espérance réjouit et console ainsi saint Paul ? Quel est celui que Jésus-Christ a acquis par sa mort, et dont il est maintenant entouré dans le Royaume de son Père ? Qu’est-ce qui a finalement été promis aux élus, en récompense de leur service et de la foi qu’ils ont eue ici dans la promotion de Dieu, si ce n’est cela ? Quelle gloire attribuons-nous aux martyrs ? La principale, n’est-ce pas que, par la patience et la confession de leur foi, ils ont conquis le monde et leur propre chair, ce qui n’est pas une victoire petite et légère ?
[Plutarque est vie]. Si Alexandre pour avoir vaincu Darius, si Marius pour avoir vaincu les Cimbres, si Scipion pour avoir déconcerté Hannibal et les Carthaginois, et Jules César pour avoir soumis les Gaulois et gagné la bataille contre Pompée ; si d’autres, pour avoir vaincu et mis à mort un certain nombre d’hommes mortels comme eux, ont acquis tant et tant d’éloges ; Combien plus devrions-nous considérer par rapport à eux ceux qui ont bien combattu, non seulement contre les menaces, les horreurs, les dards, les feux et les flammes de la mort, mais qui l’ont eux-mêmes terrassé et jeté à terre, puis ont marché sur son ventre, suivant les traces et les traces de leur capitaine ?
La force de Samson et de Sangar est admirée : d’une part, parce qu’avec la mâchoire d’un âne, il a vaincu un millier de Philistins, et d’autre part, il en a tué six cents avec un aiguillon pour conduire des bœufs. (Juges 3. 31 et 15. 15). Mais leur force n’était pas aussi admirable que celle des fidèles, qui d’un seul mot chassaient et vainquaient les démons avec toute leur armée.
[En l'Epitre aux Martyrs de son temps]. Tertullien affirme qu’il n’y a pas d’ordre de chevalerie plus fin, ni de colliers plus beaux que les chaînes auxquelles les martyrs de Jésus-Christ sont liés, et qu’il n’y a pas de bracelets plus précieux que ceux faits par les menottes avec lesquelles leurs mains sont liées et enfermées.
[ce fut Babyla Evêque d'Antioche, du temps de l'Empereur Decius, environ l'an 250]. Et il est relaté dans l’histoire ecclésiastique, d’un bon père qui, étant misérablement détenu dans une prison ignoble pour le Nom de Jésus-Christ, ordonna à ses amis qui venaient quelquefois le visiter, qu’après sa mort ils enterreraient avec lui ses ornements et les signes de ses prouesses, c’est-à-dire par eux les chaînes qu’il avait aux pieds et aux mains. et enseignant par ces paroles que, lorsqu’il plaît à Dieu de nous les accorder, et ce faisant, de nous créer chevaliers de son ordre, nous ne devons pas moins estimer l’honneur qu’un gentilhomme reçoit du roi lorsque, en récompense de ses services et des mérites de sa vertu, il lui donne les siens, et elle ne nous plaît pas moins et ne nous pavane de ces vêtements qu’une femme ne le fait lorsqu’elle se voit bien habillée, et que de tous côtés elle brille d’or, de perles et de bijoux.
Si ce que dit Cicéron est vrai, qu’il n’y a pas de vertu qui fasse mieux connaître et renomme les hommes que la magnanimité, il faut en conclure qu’il n’y a personne de plus digne de louange ou d’estime que le fidèle qui ne désire, aime, estime et admire que ce qui est honnête et convenable, et ne poursuit pas d’autres biens que ceux qu’il sait certains et espère posséder dans le royaume de Dieu ; et au contraire, il méprise et ne fait aucune attention à la fortune, ni à toutes ses faveurs ou défaveurs ; Ainsi, comme un grand cœur, il méprise ceux qui se moquent de lui, et il n’est pas surpris par les autres quand ils lui tournent le dos, sachant bien que tout ce qui est en ce monde n’est que vanité, et qu’il n’y a rien qui ne soit muable et changeant avec les siècles et les saisons.
[C'était Paphnutius, Evêque en Thebaide, lequel fut un des principaux au Concile de Nicée]. On raconte encore dans l’histoire ecclésiastique qu’un autre homme, dont l’œil avait été crevé pendant les grandes persécutions de Maximin, n’est jamais apparu devant Constantin le Grand, et que ce bon empereur s’est immédiatement approché de lui pour baiser cet œil, bien qu’il s’agisse d’une partie très difforme et hideuse lorsqu’il est une fois offensé, montrant par cette attitude qu’il n’y a rien en nous d’aussi louable et glorieux que la croix de Jésus-Christ et les marques de celui-ci sur le corps. Si un homme a accompli un acte de prudence, de justice, de tempérance ou de toute autre vertu, nous le louons.
En effet, la vertu la plus excellente qui nous rapproche de Dieu, c’est la foi. Quiconque fait une confession vraie et complète de ce qu’il croit devant les hommes, et qui a du zèle pour la piété, la privilégiera et la placera toujours au-dessus de toutes les autres choses, élevant également la gloire de Dieu, qui est maintenant diminuée et altérée en beaucoup d’endroits, n’établira-t-il pas la sienne ? Si une vie bonne et sainte est une chose précieuse et honorable, que penser d’une mort chrétienne et courageuse, comme celle de tous les martyrs, qui supportent avec joie la persécution pour le Nom de Dieu ? Car, bien que la vie de Jésus-Christ ait été très sainte et très parfaite, et au jugement de Dieu le Père, il n’y avait rien à désirer ; cependant, ce n’est pas à elle, mais à la mort, que le Saint-Esprit honore en disant qu’à travers elle il est entré dans sa gloire et a acquis un nom au-dessus de tous les autres noms, (Phil 2. 8), c’est-à-dire une puissance et une autorité si grandes et si formidables, qu’il n’y a plus de genou dans le ciel, sur la terre ou dans l’enfer. qui ne s’incline pas et ne se plie pas devant lui. Si l’honneur et la gloire de Dieu doivent être préférés à toutes choses, et même à notre propre salut, la mort que Jésus-Christ a soufferte pour nous sauver lui a été plus honorable que tout ce qu’il a jamais fait ; Que devrions-nous penser de ce que nous souffrons pour son honneur, pour sa parole, et pour soutenir la vérité et le service de Dieu dans leur intégralité ? La chose la plus grande et la plus honorable qu’Abraham ait jamais faite, et par laquelle il a montré qu’il avait une plus grande crainte de Dieu et par conséquent a gagné plus de louanges, c’est quand, en obéissance au commandement de Dieu, il était immédiatement prêt à tuer et à sacrifier son propre fils, considérant que notre vie nous est toujours plus chère et plus précieuse que celle des autres. si les martyrs qui, pour l’honneur de Dieu, sont si prodigues de leur sang, ne sont pas dignes d’une louange plus grande ou au moins semblable ?
Lorsque les deux fils de Zébédée allèrent avec leur mère demander à Jésus-Christ (Matthieu 20:20 ; Marc 10), et étant dans son royaume, il les plaça, l’un à droite et l’autre à gauche, il leur demanda s’ils pouvaient boire à sa coupe, comme s’il voulait laisser entendre par là que c’était le moyen d’obtenir l’honneur qu’ils cherchaient. Les grands capitaines d’autrefois appréciaient tellement l’honneur de triompher qu’ils ne cherchaient pas d’autre récompense pour tous leurs travaux et les dangers qu’ils avaient affrontés pour leur pays, et il n’y avait pas d’ennui ou de risque auquel ils ne s’exposaient pas, afin d’avoir finalement l’honneur d’être conduits comme triomphants aux yeux de tout le peuple romain. dans le Capitole, accompagnés de leurs ennemis, qui suivaient leur char comme de pauvres esclaves.
Quel honneur l’homme fidèle doit-il donc estimer que Dieu lui accorde, lorsque, après la bataille et la victoire qu’il a remportées contre ses ennemis, il le reçoit dans son royaume, conduisant en triomphe devant lui le monde, la mort, le diable, le mensonge et les erreurs comme des captifs, et, de plus, les tenant comme esclaves sous ses pieds ?
[Plutarque en la vie de Themistocles]. On raconte de Thémistocle qu’après avoir conquis et chassé les Perses de la Grèce, comme il entrait une fois dans le théâtre d’Athènes, et qu’il voyait le peuple détourner les yeux des acteurs et les jeter sur lui, avec une grande admiration pour sa vertu, comme on pouvait le voir et le juger à son attitude, Il dit à ses amis qu’à ce moment-là, il avait reçu la récompense et le paiement de tous ses travaux. Or, si cette grande figure estimait un honneur aussi vain que celui d’un peuple très inconstant et inconstant, combien plus devrions-nous estimer ce que Dieu nous a promis, si nous combattons vaillamment et espérons recevoir à l’entrée de son royaume, où, avec la cour de tous ses anges, il nous rassemblera dans une grande célébration, comme des combattants vaillants et braves, les patriarches, les prophètes, les apôtres, les martyrs, et généralement tous les esprits bénis qui nous regardent et s’émerveillent de notre valeur ?
[En sa première satyre]. Perse dit que c’est une chose belle et honorable d’être montré, et que tous ceux qui nous regardent disent : « C’est lui. » Et c’est un honneur qui sera rendu aux enfants de Dieu, même par leurs ennemis qui, les contemplant dans le Royaume de Dieu après leur victoire, diront à haute voix avec un regret mortel : « Ce sont ceux-là dont nous nous sommes parfois moqués et que nous avons regardés comme insensés, et pourtant regardez la part qu’ils ont dans l’héritage, la gloire et le repos du Seigneur.
[En la vie de Thésée]. Plutarque raconte à propos de Thésée, que son grand-père Pithée, voulant le persuader d’aller par mer chez son père Égée, qui était à Athènes, pour éviter les dangers des brigands qui gardaient les routes assiégées qu’il aurait dû traverser s’il avait voulu aller par terre, lui répondit qu’il ne serait pas honorable pour lui de ramener et de présenter son épée à son père, car il ne doit pas être taché du sang des tyrans et des ennemis publics. Considérons aussi que ce n’est pas un grand honneur pour un chrétien si, lorsqu’il quitte ce monde pour retourner au ciel pour revoir son père, il n’apporte pas avec lui son bouclier, qui est la foi, et sa lance, qui est le mot, et universellement toutes ses armes, rouges et tachées, à la fois de son sang et de celui des ennemis de l’Église. Car nous nous moquerions si nous voyions dans ce monde un homme recevoir les honneurs et la couronne des autres.
Et nous aurions honte de nous-mêmes si nous étions faits chevaliers, et si nous n’avions jamais fait la guerre, ni donné un coup de lance, ni un coup d’épée. Quoi? Voulons-nous alors être glorifiés avec Jésus-Christ ? Voulons-nous être élevés à la droite de son Père ? Voulons-nous être couronnés dans le ciel, comme rois avec lui, si nous n’avons pas combattu les premiers, et montré au cœur que nous devons défendre sa cause et sa querelle ? On se moque des docteurs de Bulle, c’est-à-dire de ceux qui reçoivent honneur et dignité sans avoir d’abord étudié, et qui, par des disputes, des sermons et d’autres moyens, n’ont pas fait reconnaître leur compétence. De même, on aurait une mauvaise opinion des disciples de Jésus-Christ s’ils demandaient à être considérés et honorés comme des maîtres avant d’avoir prouvé au monde entier le bien et le devoir qu’ils ont accompli en étudiant bien et en apprenant leur leçon, qui est de porter patiemment la croix de Jésus-Christ ?
Les anciens évêques estimaient tellement les martyrs qu’ils les préféraient à la dignité épiscopale ; et eux, ainsi que les autres fidèles qu’ils instruisaient, étaient si ambitieux que lorsque l’occasion de souffrir leur échappait, et à cause de la poursuite de leurs parents et amis, ils hésitaient, ou lorsqu’ils n’étaient pas appelés les premiers à souffrir, ils le regrettaient toute leur vie, plus encore que ces glorieux Sorbonistes ne le font lorsqu’on ne leur accorde pas la place et la position qu’ils recherchent.
Pensez à la honte que ce serait, et à la façon dont on se moquerait d’un gentleman qui ne ferait rien d’autre à la guerre que de se piquer, de testonner (1) et de parfumer, et qui se regarderait dans le miroir toute la journée pour s’habiller ? Pensez aussi à quels vaillants soldats nous sommes, et à quelle belle réputation nous acquérons, si dans la guerre où nous devons être toute notre vie, alors que les alarmes retentissent, et que tout le monde monte à cheval pour aller à l’escarmouche, nous voulons jouer les lâches et nous cacher derrière un buisson, comme des enfants qui n’osent pas aller à l’école de peur d’être fouettés ? Bon Dieu, les seigneurs sont si avides de la gloire et de la réputation d’être vaillants, et il n’y a rien qu’ils craignent plus que d’être considérés comme lâches : en effet, il y en a qui se font prendre exprès pour ne pas être soupçonnés d’avoir fui, et pourtant toute cette valeur, dont ils désirent tant la réputation, ne consiste en rien d’autre qu’à savoir bien tuer et vaincre les hommes
(1) se friser les cheveux
Or, nous sommes rois et enfants de Dieu, et si la grandeur de cœur devait suivre la noblesse de la maison et de la lignée, il n’y a pas de peuple au monde qui, par raison, serait plus vaillant que les fidèles, et qui craindrait encore plus une tache sur son honneur : et ce qui devrait encore augmenter leur courage, c’est que leur force ne vise pas à tuer et à détruire. comme celle du mondain, mais sauver, rassembler, guérir, endurer et consoler, comme celle de Dieu, qui est une chose bien plus honorable que l’autre.
[Ces princes (dignes de louange à la vérité) pour avoir servi sans y penser, à l'ambition des Papes, qui, en l'absence des Empereurs, Rois et Princes Orientaux, établissaient leurs tyrannies, n'ont prospéré en ces guerres d'outremer, comme cela s'est vu ci-dessus]. Nous louons et louerons toujours Godefroy de Bouillon et les Princes, qui ont entrepris la guerre pour défendre la religion chrétienne contre les Turcs et les Sarrasins de l’Orient, et il n’y a pas d’homme de bien qui ne désire encore aujourd’hui que nos Princes suivent leur exemple. Et pourquoi les fidèles, qui sont persécutés aujourd’hui, se battent-ils et se risquent-ils sans cesse, si ce n’est pour défendre la religion de Jésus-Christ et pour renverser les erreurs, non seulement de Mohammed, mais aussi de tous les autres faux prophètes et imposteurs ? Pourquoi ne seraient-ils pas dignes d’autant d’éloges que ceux-là ? Je dis, pour ma part, qu’ils le méritent encore plus, d’autant plus que les autres sont armés pour la guerre, non pas tant pour être tués, mais pour tuer les ennemis de notre religion. Et ceux-ci, n’ayant d’autres armes que la foi, la raison et la parole, vont au combat, se présentant à des gens furieux et enragés, entre les mains desquels ils ne croient pouvoir se racheter que par la mort. De plus, les princes ne se battent pas avec leurs épées contre les hommes uniquement pour les tuer ; En attendant, les erreurs ne cesseront pas de survivre et resteront vigoureuses. Mais nous luttons aujourd’hui contre les mensonges, les abus et les fausses religions qui ne sont pas si faciles à éradiquer. Hercule est tellement loué d’avoir, par sa magnanimité et sa vertu héroïque, délivré son pays et celui de ses voisins des monstres qui s’y trouvaient, et de n’avoir refusé ni refusé le travail, ni fui le moindre danger pour combattre et vaincre les tyrans qui opprimaient toute la Grèce. Y a-t-il jamais eu des monstres plus effrayants et plus grands qu’il n’y en a aujourd’hui sur toute la terre, surtout dans la chrétienté, qui devrait en être la partie la plus pure, et comme un paradis au milieu d’elle ? Qui ne frémit devant les mensonges, les bévues, les erreurs, les abus et les blasphèmes qui sont prêchés et entendus publiquement ? Qui ne déteste pas dans son cœur les idolâtries et les idoles qui sont élevées et adorées dans le temple de Dieu ? Qui n’a pitié de ceux qui se disent pasteurs, les voyant si avides, si ambitieux, si inhumains, si ignorants, si scandaleux et si désordonnés qu’ils sont, et d’autre part pour les pauvres brebis ainsi abandonnées, séduites, écorchées et étranglées par ces loups et ces lions ravageurs ? Quel est le rocher, ou le cœur, soit de fer, qui ne verse pas une fontaine et une abondance de larmes, considérant le sac, les ruines et les désolations de l’Église, qui est la ville sainte de Dieu ? ou la dévastation que les sangliers & autres bêtes ont fait en sa vigne ? Ou les meurtres de ses serviteurs, qui sont commis quotidiennement par les vignerons, à qui il avait été loué, lorsqu’on leur demande les fruits ? Ou les mauvais traitements que son peuple reçoit dans cette Égypte et à Babylone ? Ou le prix élevé et la famine de sa Parole, qui est dans sa maison ? Ou l’irrévérence avec laquelle ses sacrements et autres institutions sont traités ? Ou l’ingratitude, la rébellion, la désobéissance, le mépris et l’obstination que les hommes montrent contre les remontrances ? Ou Jésus-Christ exilé de ses terres, et le diable et ses autres ennemis, qui les occupent ? Qui est-ce (dis-je) qui, voyant tant de confusion et d’effroyable chaos où l’Église est retournée, n’a pas de compassion, ne bénit pas, et veut célébrer d’une louange éternelle tous ceux qui, avec un courage viril et un travail herculéen (comme on dit), veulent s’engager à vaincre ces monstres et à abolir les tyrannies qui tourmentent ainsi les âmes et les pauvres consciences opprimées ?
Il y en a parmi les ennemis de Jésus-Christ et de son Église, qui veulent être renommés pour les persécuter, et qui sont plus ambitieux de la gloire et de la réputation de Dioclétien que de celle de Constantin, préférant perpétuer le souvenir de leurs noms par le vice et l’impiété plutôt que par la vertu et le zèle pour Dieu ou pour sa religion, afin qu’ils soient comptés parmi les tyrans, et l’on dira d’eux à l’avenir qu’ils ont choisi la compagnie d’Hérode et de ses satellites plutôt que celle des Innocents. Au moins (mes frères) prenons leur exemple, et ne leur permettons pas de s’estimer plus honorés à persécuter la vérité et l’Église que nous ne le sommes à la défendre. Ils la tiennent en si haute estime pour être des défenseurs réputés de la foi du Pape que, pour la défendre, ils n’hésitent pas à faire la guerre à Dieu et à s’exposer au danger d’être complètement submergés par son jugement ; & nous avons si peu de gloire à être regardés comme les défenseurs de celle de Jésus-Christ, que pour l’acquérir nous ne daignerions pas mettre notre corps dans un seul petit danger, encore douteux et incertains d’être fouettés ou emprisonnés, ou autrement maltraités par les hommes.
Je n’ajouterai qu’un mot à ce sujet : c’est que, de même que l’amitié du monde est inimitié devant Dieu, de même la paix et la bénédiction de l’un sont une guerre et une malédiction envers l’autre. Et il est nécessaire que si nous voulons être honorés par Dieu, nous soyons insultés et déshonorés par les hommes, et que pour le servir et acquérir sa grâce, nous devons les abandonner. Et en bref, nous croyons que pour avoir un esprit sain et joyeux, notre chair doit être malade et tourmentée.
« Jugeons donc (comme le dit saint Cyprien (1)" si la mort n’est pas honorable et précieuse, par laquelle l’immortalité est rachetée et acquise, et si ces prisons, captivités, bannissements et autres afflictions semblables ne sont pas honorables et heureux, par lesquels nous atteignons le royaume de Dieu, et la liberté et la gloire éternelles. »
(1) De exhortatione martyrii, c. XIII.
Des grands profits qu'apportent les persécutions.
[I. Les persécutions sont la cause que Dieu nous console et fortifie extraordinairement]. Après avoir montré dans le chapitre précédent qu’il n’y a rien de plus honorable pour l’homme chrétien que l’affliction qu’il souffre pour le Nom de Jésus-Christ, nous devons maintenant montrer qu’il n’y a rien de plus profitable pour lui. Cela peut être compris en énumérant spécifiquement les avantages qui peuvent en être retirés. Pour commencer, ils sont l’occasion pour Dieu de nous révéler sa volonté en nous réconfortant, et sa puissance en nous élevant et en nous fortifiant : comme nous le voyons arriver à Joseph et à David, qui, à travers les afflictions que chacun a souffertes pour la vérité et la justice, étaient préparés et disposés à recevoir (au moment où Dieu avait ordonné et déterminé) le gouvernement de l’Égypte, l’autre le royaume d’Israël. Et de même que la guerre est l’occasion pour un capitaine et un général d’une armée de démontrer sa fidélité, vigilance, industrie, force, courage et bonne conduite, et les maladies que les médecins montrent par leur art et leur expérience, et les amis par les soins et le souvenir qu'ils ont de nous, et la bienveillance qu'ils nous portent : telles sont les afflictions envers notre Dieu, pour déclarer l'amour qu'il a pour nous, et la certitude et la fermeté qui sont dans ses promesses, ce qui n'est pas un petit avantage.
Car l’expérience que nous faisons de la bonté, de l’amour, de la puissance et de la sollicitude de notre Dieu nous fait nous reposer plus solidement et placer notre siège entièrement en Lui, et la preuve que nous faisons de Sa fidélité est la raison pour laquelle nous renforçons de plus en plus notre espérance en Ses promesses, et par conséquent Lui donnons l’occasion de les accomplir envers nous. S’il n’y avait rien d’autre pour nous réjouir dans de telles afflictions, et pour nous accoutumer à les supporter et à les supporter patiemment, si ce n’est qu’elles nous font servir la gloire de Dieu, qui se manifeste et se déclare en nous, et quand, en elles il nous soutient, et qu’enfin, par sa bonté, il nous en délivre, ne serait-ce pas plus que suffisant ? Car nous devons aimer et avoir un si grand zèle pour son honneur que si nous savions que notre damnation même lui servirait, nous la désirerions et nous nous exposerions franchement à être envoyés en enfer.
Les sujets et les serviteurs de bon cœur n’ont pas de plus grand plaisir que lorsqu’ils voient leurs seigneurs bien estimés, et inversement, ils n’ont jamais plus de regret que lorsqu’ils sont mal nommés, et lorsqu’on dit ou répand à leur sujet quelque chose qui puisse en aucune manière ternir leur honneur. Nous donc, qui ne sommes pas seulement des serviteurs, mais aussi des enfants et des amis dans la maison de notre Dieu, ne devrions-nous pas nous réjouir lorsqu’il nous choisit pour être des vases et des instruments de sa gloire, et que, dans l’affliction, il la fait briller en nous ? Si les grands chevaux que les grands seigneurs conduisent aujourd’hui au tournoi, si bien attelés, si les beaux et riches ornements dont ils sont parés, si les bagues qu’ils portent aux doigts, et les meubles et les vases précieux dont sont décorés leurs chambres et leurs buffets, pouvaient parler, songez combien chacun d’eux se vanterait de ce que leurs maîtres les ont choisis pour honorer la maison ? Je dis que nous aussi, à qui Dieu a accordé un tel honneur qu’il nous fait servir pour son honneur, en nous envoyant des afflictions, nous devons le louer et le révérer infiniment.
[II. Elles sont la cause que Dieu nous multiplie ses dons. 2 Cor. 12. 9)]. Le second fruit qui nous vient de l’affliction, c’est que Dieu, à cette occasion, multiplie les dons qu’il nous fait, comme il est écrit : « C’est par l’infirmité que sa vertu s’est perfectionnée en nous. » Car la patience, l’humilité, la foi, la prudence et la pénitence s’accroissent et grandissent en nous à travers les afflictions. Et de même que nous voyons que l’exercice physique est la cause de l’augmentation et du maintien de la santé, de la force et de la chaleur du corps humain, et que l’examen auquel les enfants sont souvent appelés fait croître et progresser leur connaissance, de même les persécutions et les difficultés par lesquelles notre foi est mise à l’épreuve et exercée la rendent plus forte et plus grande. Un capitaine qui a été assiégé deux ou trois fois en vue de la ville est beaucoup plus hardi et plus rusé qu’un nouveau soldat : il en est de même de la prudence, du conseil, de la force et du courage, et le zèle est beaucoup plus grand, plus ferme et plus résolu chez ceux qui ont une fois passé par le feu des persécutions, que chez ceux qui ne l’ont jamais approché. Je ne dis pas, cependant, que les persécutions ne soient pas quelquefois l’occasion pour le prisonnier de se refroidir et même de se distraire de la religion ; mais elle l’est pour ceux qui n’y étaient pas bien fondés, et qui n’avaient foi que dans les fleurs et les feuilles. Car, de même que le grain qui a été jeté sur la pierre, par manque d’humidité et de racines, se dessèche facilement et se dessèche dans la grande chaleur du soleil, de même cette façade de la religion et cette belle apparence de foi, lorsque le feu de la persécution vient l’atteindre et s’en approcher. Mais quand la foi est bien plantée dans le cœur des fidèles, et qu’elle a toujours à ses pieds cette eau vive de l’Esprit Saint pour l’arroser, comme elle sera plus agitée par les vents et les tempêtes, ses racines se fortifieront et se fortifieront encore plus, comme celles d’un arbre assis en hauteur, qui, en raison des vents avec lesquels il est constamment agité, a sa sève beaucoup plus forte et plus grande que celle d’un arbre planté en un lieu couvert et abrité.
En résumé, la persécution est comme un feu qui durcit une marmite, fait fondre la cire et consume la paille. De même, selon qu’il trouve les sujets préparés, ou bien il les fortifie comme les vrais fidèles, ou bien il les adoucit comme les faibles, ou bien il les perd complètement et les ruine comme les apostats et les hypocrites.
C’est ainsi que la mer Rouge, où le peuple de Dieu, qui avait mis sa confiance en lui et en ses promesses, passa sain et sauf sans aucun danger, et Pharaon, ainsi que les autres incroyants qui les poursuivaient, se noyèrent. (Exode . 14. 22, 28).
Et quand je dis que les persécutions sont l’occasion pour Dieu de multiplier ses dons et ses grâces pour nous, je ne veux pas dire cela seulement en termes de biens spirituels, mais aussi de biens temporels. Car il n’est pas si fréquent que l’un ne soit pas aussi ordinaire que l’autre, d’autant plus que Dieu, par son sage conseil (considérant la corruption universelle qui existe dans la nature de tous les hommes), ne veut pas leur donner l’occasion, en les enrichissant, de l’oublier, de faire leur trésor et de fixer leurs cœurs sur cette terre. Cependant, il est souvent arrivé que les persécutions aient été l’occasion de grands biens pour les fidèles.
Comme à Abraham qui eut plus de bien et de puissance parmi les étrangers, qu'il n'en avait jamais eu dans son pays (Gen. 13.2; et 14. 14) ; et à Joseph, qui, de pasteur qu'il était dans sa maison, devint Gouverneur de tout le Royaume d'Égypte en son exil, à cause de la haine et des persécutions de ses frères (Gen 41.41 et 42. 6 ); et à Daniel qui obtint des honneurs et dignités à Babylone parmi les idolâtres, qu'il n'eût espéré en la Judée (Dan 2.48 et 5.29).
Mais pour laisser de côté ces exemples si antiques, il y a eu un personnage au Royaume de France, assez connu tant pour son savoir que par ses vertus et services qu'il a faits, lequel s'étant absenté pour fuir la persécution, se retira assez loin de ce pays, en un lieu que je ne nommerai point, où il se fit si bien connaître (Dieu le voulant ainsi, pour lui montrer et à tous à son exemple, le soin qu'il a des siens en l'affliction) qu'en peu de temps, il parvint à plus de bien par cette occasion, que ses parents ensemble n'en eurent jamais. Je pourrais amener beaucoup d'autres exemples semblables, mais je ne pense pas qu'il en soit besoin et crois que de tous ceux qui ont été persécutés, il n'y a celui (s'il veut dire la vérité) qui ne confesse qu'en son affliction il n'a jamais été dépourvu de ce qui lui était nécessaire et semblablement il a toujours aperçu et connu le soin que Dieu avait de lui. Que la persécution donc ne nous étonne point pour la défiance que nous pourrions avoir quelques fois en notre cœur, que nous ou nos enfants ne tombions par ce moyen en pauvreté. Car ainsi qu'il se raconte de Job, qu'après son affliction, et que les Arabes lui eurent volé et emporté ses biens, Dieu lui en donna beaucoup plus qu'il n'en avait perdu ; si aussi ils nous sont confisqués par les tyrans, ne pensons pas être plus pauvres pour cela. Car c'est le moins que Dieu veuille faire pour nous que de vêtir et nourrir nos corps étant à son service.
Les Rois retirent et récompensent ordinairement ceux qui ont perdu leurs biens en défendant leurs querelles, et nous avons vu beaucoup de seigneurs italiens, bannis de Naples et d'ailleurs, qui avaient de grosses pensions en France, et pensons-nous que Dieu ait moins d'égard et d'affection à ceux qui tiennent et défendent son parti et son honneur ? Que cela donc nous soit résolu, que suivant droitement la parole de Dieu, il est impossible que nous ne soyons persécutés ; mais qu'aussi, d'autre côté, nous devons bien nous assurer que sa bénédiction ne nous fera point défaut, pour nous rendre et faire recouvrer au centuple tout ce que les tyrans pourraient et voudraient ôter, tant aux corps qu'aux biens.
[III. Les fautes que nous commettons ordinairement contre Dieu sont paternellement corrigés par le moyen de la persécution].
Le tiers profit qu'on peut tirer de l'affliction est que par celle-ci les fautes quotidiennes et ordinaires, que les enfants de Dieu commettent contre lui pour l'offenser, sont par ce moyen paternellement corrigées. Ce qui est autant nécessaire à l'Église que l'est la verge dans une école, et la discipline dans une maison bien ordonnée. Car il est impossible que sans cela nous puissions être contenus. Et il ne faut point douter (selon que l'expérience l'a aussi montré de tout temps) que notre naturel étant ainsi prompt et aisément à se débaucher, comme il est, que nous ne fussions pires beaucoup et plus désordonnés que nous ne sommes, n'eût été que par les persécutions et adversités notre concupiscence est réprimée.
Que ferait-ce des Républiques s'il n'y avait point de justice, et que les forfaitures et délits demeuraient impunis ? Ne seraient-ce pas (cela ôté) de vraies briganderies, comme dit saint Augustin ? Si aussi on ôtait de l'Église la justice et la souveraineté paternelle et aimable de notre bon Dieu, et que la licence fût donnée et ouverte à chacun de faire et vivre selon son plaisir, on ferait de la sainte Cité de Dieu une Sodome ; de la bergerie de Jésus-Christ on ferait une porcherie et collège de diables. Un bon père, donnant son fils à un précepteur pour être instruit, le supplia de le vouloir corriger.
Et s'il entend qu'il y soit négligent, il lui reprochera qu'il perd et gâte son fils. Voudrions-nous, étant à l'école de Jésus-Christ, qu'il fît envers nous (qui sommes si volontaires) ce que nous ne voudrions pas souffrir être fait à l'endroit de nos enfants ? Et que par faute d'être bien conduits et corrigés en l'âge de notre adolescence, nous finissions à la fin perdus et condamnés avec le monde ? Il est bon (comme dit l'Écriture), (Lament. 5. 27) que dès le commencement nous soyons accoutumés à porter le joug.
Car notre nature est si difficile à apprivoiser et à plier que si nous ne commençons pas à la maîtriser de bonne heure, et si nous ne continuons pas à la contrôler, il sera très difficile de la surmonter. Mais les afflictions que Dieu nous promet et nous envoie continuellement, comme il le juge bon pour notre réforme, rejaillissent sur nous et nous inspirent la crainte de l’offenser. Si nous l’avons offensé, ils nous avertissent et se souviennent de nos offenses.
Le souvenir que nous en avons réveille la conscience revenue à la foi de son sommeil, et nous propose la colère et le jugement de Dieu. Ce jugement nous effraie et nous étonne, et dans cette frayeur nous ressentons en nous-mêmes une détresse merveilleuse. Nous pleurons, nous gémissons, nous nous tourmentons, nous nous plaignons, comme un pauvre malade qui éprouve une grande douleur dans son lit.
Nous nous accusons et nous nous condamnons d’avoir été si ingrats et d’avoir prêté si peu d’attention aux commandements et aux ordonnances de notre Dieu. Nous tournons ici et là pour trouver un peu de repos, et nous regardons de quel côté l’aide doit venir à nous. Et dans cette angoisse, l’Esprit Saint, voyant notre conscience ainsi humiliée et abattue, met devant nos yeux la miséricorde de Dieu pour nous relever, et le sang de Jésus-Christ pour purifier et guérir la blessure qui est là. Ayant fait cela, Il nous donne un régime et nous donne des avertissements pour nous retirer du vice et nous attirer vers l’amour de la vérité.
De quelle manière nous pouvons voir comment, à travers les persécutions, nos fautes se corrigent peu à peu, et il est nécessaire que, pour sa gloire, nous reconnaissions l’admirable bonté avec laquelle il agit dans cette correction. Car pour nous corriger et couvrir notre honte, afin que nous ne soyons pas lésés par l’appréhension et l’horreur de son jugement, au lieu de nous punir justement pour nos péchés, il nous fait souffrir pour sa justice et son saint nom, et place ce titre honorable comme un voile devant nos péchés et notre honte pour les cacher, et fait tout à la fois quatre choses pour nous :
Tout d’abord, il change le châtiment qui nous était dû pour nos offenses en une certaine récompense que nous devrions espérer des travaux et des peines que nous endurons pour la justice. Ensuite, il transforme le déshonneur que nous refusons d’accepter par la vengeance et la justice qui auraient dû nous être publiquement imposées à cause de nos iniquités, en un honneur immortel que nous recevons de Dieu et de ses anges, pour avoir courageusement enduré les tourments qui ont été ordonnés pour la confession de sa parole et de son nom.
Troisièmement, il a pourvu au repos de notre conscience, qui, au lieu de la tristesse et des regrets qu’elle aurait s’il pensait souffrir pour ses offenses, se réjouit et se glorifie, sentant en elle-même qu’elle demeure pour la vérité et la gloire de Dieu. Et cependant (ce qui est le quatrième point) parmi toutes ces consolations très douces et très singulières, il ne manque pas toujours d’instiller quelque scrupule de rhubarbe pour nous purifier, en nous rappelant nos fautes par la persécution, de la manière qui est dite. Mais il le fait avec tant de dextérité et de grâce, et tempère ses drogues avec tant d’artifice et dans une telle proportion, qu’en nous abaissant, il nous élève ; en nous affligeant, il nous console ; En nous frappant, il nous guérit : de telle sorte que dans la température et le mélange de ces diverses qualités réside le salut de nos âmes, ainsi que la santé de nos corps dans des humeurs contraires et différentes, qui, par de justes proportions et mesures, les rendent méfiants les uns des autres.
[IV. Par ceux-ci, notre orgueil est abaissé]. Le quatrième avantage qui découle des afflictions est qu’à travers elles notre orgueil est abaissé. Les Hébreux, dans leur langue, emploient le même terme pour signifier affliger et humilier, voulant enseigner par là que l’un suit toujours l’autre. Et en fait, nous avons d’innombrables exemples qui nous montrent que, de même que les prospérités humaines élèvent et élèvent généralement les cœurs, au contraire, les adversités les abattent et les humilient. 'Dan 4.27. 31) .
Nebucadnetsar, qui, alors que la fortune lui souriait et le favorisait en toutes choses, était si orgueilleux qu’il était non seulement insupportable à ses sujets, mais qu’il prenait souvent sur lui d’affronter Dieu et même de blasphémer contre lui. Tombé dans l’affliction, il devint aussi doux et modeste qu’un homme qui était dans son Royaume. (2. Chron. 33. 10. 12).
Manassé, qui régnait en paix et en liberté pour le peuple de Juda, était si cruel et si insolent qu’il n’y avait pas d’outrage ou de méchanceté auquel il ne se fût abandonné. Mais se voyant pris par ses ennemis, il fut changé en un instant, et devint aussi humble qu’il avait été orgueilleux auparavant, comme le montre la prière qu’il fit à Dieu dans son affliction, dans laquelle il se prosternait souvent devant Dieu avec une grande humilité pour s’accuser lui-même et lui confesser ses péchés.
Saint Paul, qui était comme un lion fort et terrible, courant çà et là, et entrant de force dans les maisons pour appréhender tous ceux qui voulaient croire en Jésus-Christ et suivre son Evangile, ayant été touché par la main de Dieu sur le chemin de Damas, où il allait commettre des cruautés envers ses serviteurs, est soudainement devenu aussi doux qu’un agneau, offrant de faire tout ce que Jésus-Christ lui a commandé. (Actes 9. 1 .6).
Eusèbe récite dans le prologue du huitième livre de l’Histoire ecclésiastique que Dieu, voyant l’orgueil qui commençait à grandir dans son Église, et surtout parmi les pasteurs qui, par ambition, se disputaient entre eux pour les prééminences et les dignités, fut poussé à envoyer cette grande persécution qui était dirigée sous l’empereur Dioclétien et Maximien, afin que, par ce moyen, il puisse les corriger et les faire réfléchir plus souvent à prier Dieu et à remplir leur devoir, chacun dans sa propre vocation, plutôt que de lutter les uns contre les autres. En cela, nous pouvons voir que les afflictions ont la vertu d’humilier et de réduire les hommes qui, autrement, oublieraient et s’égareraient dans leur prospérité.
Et parfois, ils ont ce pouvoir d’adoucir et d’adoucir ceux qui sont par ailleurs complètement obstinés et endurcis, comme Pharaon qui, si grand et indomptable qu’il ait pu être, a été forcé de se plier au jugement de Dieu. Quand sa main lui fut retirée, il devint orgueilleux et hautain comme auparavant ; mais quand il l’étendit de nouveau, il devint à ce moment précis aussi gracieux et souple qu’un gant. (Exod. 10. 7. 8 etc.).
Comme nous sommes tous naturellement enclins à cet orgueil, et qu’il n’y a pas de vice plus déplaisant à Dieu qui nous rende plus abominables devant lui que celui-ci, je dis que nous ne devrions pas avoir une si grande horreur des persécutions, puisqu’elles nous en éloignent et nous corrigent mieux et plus souvent que toutes les admonitions et les instructions qui pourraient jamais nous être données en paroles.
[V. Elles tiennent notre chair en bride]. Le cinquième avantage que les afflictions apportent, c’est qu’elles maintiennent notre chair dans la crainte et la retenue, de sorte qu’elle ne se déchaîne pas et ne s’ébat pas comme elle le ferait si elle n’était pas ainsi retenue et réprimée. Ils servent dans l’Église comme les bâtons suspendus dans l’école. Car, de même que les enfants sont retenus lorsqu’ils regardent le fouet, et qu’ils sont corrigés et avertis lorsqu’ils faiblissent, de même les fidèles dans l’Église sont instruits et formés à faire leur devoir, soit par la crainte des afflictions futures, soit par le sentiment qu’ils ont lorsqu’elles se produisent. Nous voyons que les belles et douces saisons (comme l’été et le printemps) apportent diverses maladies, produisent et engendrent beaucoup de mauvaises herbes parmi les bonnes, et remplissent les maisons de mouches, de puces et d’autres vermines, les rues et l’air d’odeurs nauséabondes et d’infections, et les champs de toutes sortes d’épines. Toutes ces choses sont en partie éteintes par l’hiver et le froid, lorsqu’ils sont un peu plus rigoureux et rigoureux. De même, la joie, le repos, la paix et la prospérité sont la cause de remplir et d’alourdir le corps de l’Église de beaucoup de mauvaises humeurs et par conséquent de le disposer à des maladies multiples et diverses, dont, au contraire, il est préservé et guéri par le travail, les difficultés, la guerre et les adversités. Comment pensez-vous que notre chair serait dissoute et débauchée si elle était dans sa liberté, si elle n’était pas nourrie et maintenue par notre Dieu sous une telle discipline, et s’Il ne nous avait pas donné de tels pédagogues pour nous guider ? Que font les tyrans et leurs satellites ? Voyant que, malgré la servitude et la sujétion dans lesquelles il est tenu, et les grands fardeaux que Dieu lui impose, parfois il ne cesse pas de se rebeller.
C’est pourquoi, compte tenu de sa légèreté et de sa promptitude à fuir et à chercher les plaisirs, compte tenu de son audace et du peu de crainte qu’elle a d’offenser et de fâcher Dieu, il ne faut pas s’étonner si, comme un bon père de famille, pour ne pas recevoir d’elle la honte et le déshonneur, comme il le ferait autrement, il ne lui laisse pas tout perdre, et pour éviter enfin les scandales qu’elle causerait dans sa maison, il l’observe et veille constamment sur elle, et s’il la traite quelquefois avec la même sévérité qu’on le ferait d’une femme ou d’une fille débauchée, qui ne reviendrait pas facilement à la raison.
Les moyens d’apprivoiser un cheval furieux sont le mors, les rênes, le fouet et l’éperon : c’est aussi celui qu’il faut nécessairement employer pour dompter quelque peu cette bête obstinée. Nous blâmerions un homme qui tiendrait un lion, ou un chien qui serait mauvais et dangereux, s’il ne les attachait pas. Ne nous plaignons donc pas de notre Dieu, car sachant combien notre chair est furieuse et furieuse, il la lie et l’enchaîne parfois pour lui enlever les moyens de nous mordre ou de nous offenser.
[C'est par ceux-ci, notre paresse et notre lâcheté sont réveillées]. Le profit fixe que l’on peut tirer des afflictions est que notre paresse et notre paresse sont recueillies par elles. Il n’y a rien (comme le dit le Comique) de si naturel, ni auquel tous les hommes soient plus enclins qu’à lâcher prise et à fuir le travail, à chercher leur aisance et leur repos. Et quand nous prospérons, et quand tout se passe selon ce que nous désirons, il est très difficile que, dans cette abondance, nous ne desserrions pas les rênes de nos désirs, et que, suivant notre inclination, nous ne devenions pas négligents, et n’abandonnions pas entièrement l’étude et la pratique des choses honorables et vertueuses pour poursuivre nos plaisirs. Notre nature est donc la mère qui conçoit l’oisiveté, et la prospérité temporelle est le père qui l’engendre. Ce que notre bon Dieu, qui sait, fait pour nous empêcher de dormir, c’est qu’il nous donne l’acuité de l’inquiétude, et fait en sorte que nous ayons toujours autour de nous des angoisses piquantes, qui nous tirent ici et là, pour nous réveiller, comme le font les amis et les serviteurs pour un malade pour qui le sommeil est dangereux et interdit par les médecins.
C’est pourquoi tous les bons pères d’autrefois (comme les patriarches, les prophètes, les rois, les apôtres et d’autres) ont été fidèlement exercés par Dieu à travers diverses afflictions qui étaient si entrelacées et reliées qu’elles se touchaient les unes les autres, comme on peut le voir clairement dans les exemples de Jacob, d’Abraham, de David, de Moïse, de Joseph, des apôtres, d’Athanase et d’autres qui n’ont pas été si tôt libérés d’une affliction qu’ils ne sont pas tombés dans une autre : d’autant plus que Dieu, par ce moyen, a voulu leur ôter toute occasion et tout loisir de s’endormir. Et pensons-nous que sans cela leur vie aurait été si bien réglée, qu’ils auraient été si patients dans leurs travaux, si vigilants dans leur devoir, si modérés dans leurs repas, si fervents dans la prière à Dieu, si diligents dans l’étude et la méditation de sa parole, et pour l’abréger, qu’ils auraient été meilleurs que nos prêtres, nos moines et nos chanoines. On dit souvent que rien ne nous empêche de dormir plus tard, ni ne nous réveille plus tôt le matin qu’une épreuve, surtout quand elle a des conséquences, et quand nous avons affaire à des parties subtiles et vigilantes. Et voici la raison pour laquelle Dieu nous en met toujours deux ou trois entre les mains, et pourquoi nous sommes constamment confrontés à de nouveaux ennemis qui ne se lassent pas de nous solliciter, pour nous enlever nos biens, nos vies, notre liberté, et maintenant (ce qui est en effet le pire) la foi en des choses qui sont vraiment requises et nécessaires pour le salut : Afin de voir le grand danger dans lequel nous sommes, courons et hâtons-nous d’accéder aux demandes, et afin que nous puissions nous présenter en tout temps devant notre juge, lui faisant nos plaintes et le suppliant, que, compte tenu de la violence et de l’oppression de nos ennemis, non pas tant pour notre salut que pour sa gloire, Il peut prendre en main le droit de notre cause et être le protecteur de notre innocence. Nous voyons par là que ce que dit Osée est très vrai, (Osée 6. 1), c’est que, pour chercher Dieu et lui présenter nos supplications, la tribulation nous fait nous lever avant le jour, et quelquefois dès l’aube, comme David, qui, pour composer et chanter les psaumes qu’il faisait pour le prier, n’avait d’autre argument que le commencement et le cours de ses afflictions, et pour écrire ceux qu’il a composés à sa louange, il n’avait d’autre chose que l’issue et la délivrance d’eux. Ils servent donc de bon aiguillon pour nous piquer quand nous sommes paresseux, et pour nous stimuler à faire notre devoir.
[VII. Elles aident grandement à la mortification du vieil homme]. Les afflictions nous servent aussi à mortifier notre vieillard, dont la vie dépend de notre condamnation : car si nous voulons vivre et être saints, il faut qu’il meure, et qu’il soit conduit et disposé à la mort par diverses maladies. La raison en est que, de même que le vin nouveau ne se met dans des vases que s’ils sont nouveaux, de même la vie de Jésus-Christ, son Saint-Esprit, ses dons, ses grâces ne peuvent avoir lieu en nous que si nous ne sommes d’abord renouvelés, et que ce lien (c’est-à-dire cette concupiscence) et cette souillure puante qui reste encore du vieil homme en nous doivent être chassés du vase. Ce qui ne se fait pas en un jour. Car, comme nous voyons que d’un tonneau, lorsqu’il est percé, le vin qui s’y trouve est tiré, coupe par coupe ; Nous ne pouvons donc vider le vase de nos affections vicieuses et désordonnées que peu à peu, avec beaucoup de difficulté et sur une longue période.
C’est une plante si vivante, que ce vieil homme, aux racines si tordues, entre et pénètre si profondément dans notre nature qu’il est très difficile de la déraciner, à moins que la faux et la charrue des méchants persécuteurs ne soient souvent passées sur notre dos, comme le dit le Prophète dans un Psaume (Ps 12, 9). C’est une hydre dont on ne peut couper une tête sans en voir immédiatement sept autres surgir en un autre lieu. À cause de cela, notre Dieu l’abat à grands coups de massue, nous martelant de tant d’afflictions qu’Il nous envoie la vue des autres, Le forçant à la fin à restaurer la vie et les cris. Un homme qui a un cancer, ou un feu dans une partie de son corps, présente cette partie aux chirurgiens pour être incisée, ou pour être cautérisée comme bon leur semble ; Il supporte patiemment le mal qui lui est fait.
Si c’était aussi Dieu qui nous envoie des persécutions, et qu’Il veuille user de la rage et de la fureur des tyrans pour couper ce qu’il y a de pourri et de esthiomené (1) en nous, nous Lui en serions reconnaissants et nous le remercierions. Si nous avions un ennemi qui nous menait une guerre forte et cruelle, nous chercherions de l’aide et des alliances partout où nous espérerions les trouver, et nous nous sentirions très redevables et obligés envers ceux qui se joindraient à nous pour nous renforcer et nous aider à le vaincre.
(1) Rongé par l'érysipèle.
Si nous devons vaincre et vaincre un ennemi tel que ce vieux soldat et mercenaire de guerre, dont nous parlons, en implorant l’aide de Dieu, si, pour exaucer nos demandes, il nous envoie des afflictions, afin qu’elles nous aident à l’exterminer, ne devrions-nous pas les recevoir avec autant de joie qu’un prince qui se sent faible recevrait une troupe de vieux soldats aguerris envoyés par ses alliés et amis pour poursuivre et briser la tête de ses ennemis ? Concluons donc qu’elles nous sont bénéfiques, puisqu’elles conduisent à la ruine et à la destruction, non pas de nous, mais de nos désirs désordonnés et de nos afflictions, qui ne cherchent et ne poursuivent que notre ruine.
[VIII C'est le vrai moyen pour nous faire connaitre et confesser nos fautes]. Les afflictions sont aussi un moyen profitable pour ceux qui, autrement, resteraient ensevelis, si Dieu n’avait pas utilisé ce moyen pour les ramener : car quant aux maladies du corps, elles ne seraient pas si petites que nous ne les sentions et ne nous en plaignions pas. Mais au contraire, ceux de l’âme ne doivent pas être si grands ni si dangereux que nous feignions d’en ressentir quelque douleur. Et bien que nous ne les reconnaissions pas, ou que nous les déguisions, cela nous affecte tout comme ceux qui ont la variole ou une autre maladie similaire, qui s’enracine et se propage d’une manière telle que nous mettons beaucoup de temps à découvrir et à chercher des remèdes pour la guérir, de sorte qu’à travers nos retards et nos atermoiements, ils ont parfois l’occasion de se renforcer, au point qu’au final ils restent incurables. Considérons un instant combien de temps s’est écoulé depuis que les patriarches ont vendu leur frère, jusqu’au jour où ils ont commencé à se souvenir et à reconnaître leur faute, qu’ils n’avaient pas encore expérimentée sans l’affliction et l’angoisse dans lesquelles ils se trouvaient en Égypte. Car je ne sais pas par quelle corruption et par quelle perversion de notre nature il se produit, qu’ayant des yeux si perçants pour la vie de nos voisins, nous apercevons même les plus petites fautes qu’ils peuvent commettre de loin ; Nous, au contraire, avons une vision si courte quand il s’agit d’examiner et de contempler la nôtre, que nous ne pouvons même pas voir les grandes poutres qui sont dans nos propres yeux.
Et de même que, sans afflictions, nous connaissons ou sentons à peine nos vices et nos imperfections, de même nous ne voulons pas les confesser. Dieu doit nous traiter comme il est d’usage avec les injustes, quand nous les trouvons rebelles et obstinés : il doit nous jeter en enfer et lier nos bras et nos jambes pour nous obliger à confesser la vérité des péchés que nous avons commis. Car sans cela, nous ne les reconnaîtrions jamais, ou si nous le faisions, ce serait fait froidement, et nous éprouverions peu de regret ou de déplaisir de les avoir commis, et en fait plus avec notre bouche qu’avec notre cœur. Mais les afflictions, en nous présentant la colère de Dieu et notre ingratitude, nous obligent à y réfléchir profondément. Ces pensées génèrent dans nos cœurs une angoisse, des cris et des lamentations merveilleux que David a exprimés dans les Psaumes 37, 51, 130 et ailleurs. L’affliction est donc l’occasion de la connaissance du péché ; la connaissance engendre le déplaisir, le déplaisir conduit à une bonne confession, et la vraie confession, avec l’imploration et la confiance en la miséricorde de Dieu, obtient le pardon.
[IX Et pour faire preuve de notre foi]. Il y a aussi un bienfait qui vient de l’affliction, qui sert à la confession du péché, comme nous l’avons déduit dans l’article précédent, et qui sert aussi à la confession et à la démonstration de la foi. Car la foi ne s’élève jamais bien vers Dieu, et elle ne soupire ni ne crie avec plus d’affection que lorsque nous sommes accablés d’affaires et de troubles. Puis, (comme le dit David) (Psaume 120. 2), , lorsque l’affliction nous presse, etc. Selon le désir que nous avons d’obtenir quelque chose, nos demandes sont plus ou moins affectueuses, et notre désir est mesuré selon notre nécessité. Car qu’il soit grand ou petit, il en est de même pour le désir que nous avons d’en être délivrés.
Nous en faisons l’expérience chez ceux qui sont malades, prisonniers ou pauvres, ou qui souffrent d’autres grandes afflictions. Car leurs prières sont, en comparaison, plus ferventes que celles de ceux qui n’endurent pas de telles difficultés. Voyons avec quelle grande assurance David invoque Dieu dans ses tribulations, et comme pour le dire, il lui ordonne d’accomplir les promesses qu’il lui a faites. (Ps 5. 1). Considérons l’humilité et la foi en la bonté de Dieu ; Manassé se prosterne devant Lui lorsqu’il se trouve captif parmi ses ennemis. (2 Chron. 33. 13). Avec quel zèle les apôtres semblent-ils prier Dieu de les fortifier, lorsque les prêtres et les gouverneurs de Jérusalem, avec une grande colère et des menaces, leur ont interdit de faire plus aucune mention de Jésus-Christ. (Actes. 4. 24. 29). Quiconque considérera l’angoisse dans laquelle le Christ, approchant de la mort, s’est lamenté devant Dieu son Père, ou l’obéissance et la soumission dont il a fait preuve pour accomplir entièrement sa volonté ; Il confessera que la foi est à la fois affaiblie et fortifiée dans l’affliction, tout comme un feu est affecté par les vents lorsqu’ils soufflent. N’est-ce pas aussi une chose presque prodigieuse à propos de la confession que Jonas a faite, et de la foi et de l’espérance qu’il avait dans le ventre de la baleine, et de la ferveur qu’il a démontrée, à la fois en priant et en remerciant Dieu ? Bref, quiconque veut examiner diligemment les prières et les confessions faites par les saints pendant qu’ils sont dans l’adversité, et les comparer avec celles qu’ils ont faites dans la prospérité, remarquera facilement la distance et la différence entre les ardeurs et les flammes de la foi qu’ils ont manifestées dans l’une et dans l’autre. Et ce n’est pas seulement envers Dieu que la foi grandit quand nous sommes affligés de le prier et de nous humilier devant lui, mais aussi parmi les hommes. (Jonas 2. 2. 3. 8.). C’est ce que l’on voit facilement à travers les exemples d’Élie et d’Élisée, et de la femme et de ses sept enfants mentionnés dans l’histoire des Maccabées, des trois hommes qui ont été jetés dans la fournaise à Babylone, de saint Étienne lorsqu’il a été lapidé, et généralement de tous les martyrs, dont la foi a été renouvelée et a acquis une nouvelle force dans la persécution ; comme le montrent la fermeté qu’ils montrèrent devant les princes, les réponses sages et audacieuses qu’ils leur donnèrent, et la couleur gaie et rose de leurs visages, et surtout le peu de considération qu’ils avaient pour les tourments et les morts cruelles qui leur étaient préparés. (1. Rois 17.18. 19 et 2 Rois 6 etc. ; 2 Maccabées 7; dan 3. 17; Actes 7. 55. 59).
C’est aussi la chaleur spirituelle de la foi, aussi bien que la chaleur matérielle : car celle-ci, lorsqu’elle se voit affaiblie et affligée par le froid de l’hiver, augmente et rassemble toutes ses forces pour résister. Cela peut être vu et expérimenté dans les eaux et les puits, et dans le corps humain. De même, lorsque les tentations se présentent, il devient plus fort et plus courageux, rassemblant tous ses esprits et toutes les forces qu’il peut rassembler, tout comme le petit poisson Échinus le fait pour mieux résister au choc et s’opposer à la tempête plus forte. Il agit comme le palmier qui se plie contre le vent pour avoir plus de puissance pour le soutenir. C’est pourquoi il est comparé à un grain de graine, qui ne montre sa force que lorsqu’il a été brisé dans le mortier ; et au raisin, qui ne montre pas non plus son jus avant d’avoir été pressé et foulé dans le pressoir ; et à l’encens et aux épices, qui ne dégagent pas bien leur parfum, celui qu’il ne faut pas mettre et brûler au feu, les autres qui ne doivent pas être écrasés et frottés entre les doigts ; et au drap et au safran qui conviennent au piétinement ; et à la pierre appelée phengites (1), qui chauffe et génère du feu lorsqu’elle est frottée ; et aux étoiles qui ne brillent jamais que la nuit. Combien donc l’Église semble-t-elle traîner et s’assombrir dans l’affliction, si elle ne se laisse pas réunir dans une beauté naturelle, sous cette couleur brune, et semble même s’efforcer de lui donner plus d’éclat et d’embellir son teint, comme il est écrit dans le Cantique des Cantiques.
(1) La topaze
[X. Finalement, pour nous faire connaitre la faiblesse de nos forces]. Bien que nous puissions encore énumérer plusieurs autres bienfaits spécifiques qui découlent de l’affliction des fidèles, je n’en mentionnerai qu’un, c’est qu’il nous fait prendre conscience de la faiblesse et de la fragilité de notre force, que nous reconnaissons à peine jusqu’à ce que la tentation nous le révèle. L’Ecriture Sainte nous enseigne en plusieurs endroits que nous ne sommes que de petits vers de la terre et que nous ne sommes que chair et vanité ; Pourtant, nous ne croyons jamais vraiment cela jusqu’à ce que la tentation nous en montre les effets et l’expérience. David dans son abondance, comme il l’avoue dans l’un de ses Psaumes, se vante qu’il était impossible que ses pieds aient glissé, et il n’aurait jamais pensé autrement si les tentations n’avaient pas rendu apparente sa fragilité. (Psaume 30. 7 ). Et qui aurait jamais douté que Job, qui, par le témoignage même de Dieu, avait été reconnu et approuvé comme l’un des hommes les plus parfaits de la terre, se serait trouvé si infirme, si la tentation ou l’affliction ne l’avaient pas découvert ? (Job 3:1) .
Qui aurait jugé de la même manière que saint Pierre, qui auparavant avait si constamment confessé Jésus-Christ, et qui avait promis avec tant d’arrogance qu’il ne serait jamais scandalisé par lui, même si cela arrivait à tous ses autres compagnons, et qu’il était prêt à le suivre et à l’accompagner, non seulement en prison, mais aussi dans la mort, Qui aurait cru qu’un soldat, si vaillant et si brave d’apparence et de parole, serait étonné de la voix d’une femme de chambre, et renierait honteusement son maître, comme il l’a fait en diverses occasions, s’il n’avait pas été éprouvé dans la tentation ? (Matthieu 26:33, 35, 70).
On ne sait pas vraiment, disent les laboureurs, combien de blé il y a, jusqu’à ce qu’il soit dans l’aire de battage, et que le fouet et le vent y soient passés pour puiser la paille, et l’ivraie, et les ordures. « Nous sommes tous, dit Tertullien, des lions en temps de paix ; mais à la guerre, nous devenons des cerfs en un instant (1). Tandis que tout se moque de nous et que nous nous reposons dans nos maisons, nous sommes assez vaillants pour combattre les démons et pour emporter par la force toutes les portes et les forteresses de l’enfer ; mais lorsque nous entendrons simplement le son d’une trompette sonnant une fausse alerte, et que le Prince des ténèbres nous enverra un seul serviteur de l’une de ses bandes, déposant toutes nos armes, nous crierons à Dieu de sauver nos vies.
(1) De coronâ militis, c. 1
Est-il vraiment exigé que nous connaissions la faiblesse de nos forces, afin que nous n’en fassions pas compte, et que nous venions humblement devant Dieu, cherchant son aide, et que dans cette espérance, qui est la force de son Église, nous puissions résister vaillamment et joyeusement contre tous nos ennemis. Par conséquent, si les persécutions sont l’occasion pour nous de le reconnaître, elles ne peuvent qu’être bénéfiques.
Que les persécutions sont occasion de nous apporter du plaisir.
Et il n’y aurait pas d’autre raison pour prouver que les persécutions procurent du plaisir à l’homme fidèle, que les deux que nous avons alléguées et déduites ci-dessus, elles seraient suffisantes. Car il nous est impossible de concevoir et de saisir fermement dans notre esprit que quelque chose nous est utile et honorable, à moins que par les mêmes moyens cela ne nous soit aussi agréable, puisque le plaisir, selon les définitions des Philosophes, n’est rien d’autre qu’un mouvement du cœur jouissant d’un bien qu’il désire. et dans lequel il se délecte. Or, y a-t-il quelqu’un qui ne désire pas des choses honorables et profitables ? Par conséquent, nous devons conclure que si les persécutions sont telles, il n’y a pas d’homme qui, compte tenu de cela, ne se réjouisse quand elles viennent à lui.
Il est vrai qu’ils ne sont eux-mêmes ni beaux ni agréables, d’autant plus qu’ils sont ministres de la colère de Dieu, messagers de la mort, et que la source et la première racine d’où ils sont produits est nos péchés. Mais de même que nous voyons dans les boutiques des apothicaires, combien de venins et de poisons sont composés en remèdes bons et salutaires, de même Dieu, dans sa sagesse, arrange si bien les afflictions que, de quelque chose de pernicieux et de très amer, il fait un remède très doux et très profitable. Et tout comme les abeilles puisent dans le thym (qui est l’une des herbes les plus communes que l’on puisse trouver) le miel qui est si doux, Lui, d’une certaine manière, distille et tempère l’affliction et nos problèmes si bien qu’à la fin, Il fait émerger la douceur de la force et de l’amertume (comme Samson).
La faim est dure et difficile à supporter : cependant, elle est l’occasion du grand plaisir que l’on ressent et que l’on reçoit lorsque l’on mange avec appétit. Un homme peut-il vraiment juger du plaisir qu’il y a à se réchauffer s’il n’a pas eu froid ? Ou le plaisir de se rafraîchir avec une boisson fraîche en été, s’il n’a pas eu chaud et desséché ? Ou combien le repos est-il désirable et agréable, si l’on n’est pas fatigué et travaillé ? C’est ainsi que nous voyons que ces accidents (si graves et pénibles qu’ils puissent être, et bien qu’ils soient des inconvénients qui sont nés dans notre nature à cause du péché) nous disposent néanmoins à recevoir tous les plaisirs susmentionnés : de même, les persécutions, bien qu’elles soient elles-mêmes onéreuses, proviennent en partie de la colère de Dieu et en partie du diable et de ses serviteurs : néanmoins, ils nous préparent aux grandes joies et aux grandes consolations que Dieu promet à ses élus. Et il est impossible que nous puissions vraiment goûter et ressentir dans nos cœurs ce que l’Écriture nous dit de Dieu, qu’Il est un Dieu et Père de consolation, et de Jésus-Christ Son Fils, dont le rôle est de consoler tous ceux qui ont des cœurs contrits et désolés, et de Son Esprit, qu’Il est le Consolateur de Son Église. et de Sa parole, qui est une parole de consolation dans les tribulations et les adversités, qui nous viennent principalement à cause d’elle (2. Cor. I. 3. Matt. 11. 28. Jean 14. 16. Esaie 50. 4. Actes 5. 41). Car, de même que pour trouver un peu de saveur dans la nourriture, il faut qu’il y ait du sel pour l’assaisonner, de même nous devons être affligés pour savourer vraiment la bonté de la parole de Dieu.
C’est aussi que les petits enfants, qui ne sont jamais très dodus, et qui ne prennent pas beaucoup de plaisir, si le matin, à purger leur colère, ils ont été un peu fouettés ; nous ne sommes jamais vraiment délibérés, sauf lorsque nous sommes persécutés pour le nom de Dieu. Regardez les Apôtres, comment ils sont revenus du Prétoire tout joyeux, où ils avaient été fouettés pour soutenir le nom de Jésus-Christ. Voyez saint Étienne, dont le visage était rouge comme une rose, avec la joie qu’il ressentait dans son cœur lorsqu’il était lapidé. (Actes 6. 15 et 7. 50). Regardez les trois jeunes hommes au milieu de la fournaise ; On jugeait, à leur visage et à leur visage, qu’ils se promenaient dans quelque belle galerie ou dans un jardin pour s’amuser et se rafraîchir. (Dan 3. 25).
[Cette histoire est décrite ci-dessus]. Regardez ce père Ignace, alors que dix léopards (comme il est écrit) (1), c’est-à-dire dix grands cintres d’aventuriers et de bandits le conduisaient d’Antioche à Rome pour être exposé aux bêtes et souffrir le martyre :
(1) Voy. ci-dessus, p.7.
« Qu’il plaise à Dieu, dit-il en chemin, que j’étais déjà au milieu des bêtes qui m’étaient préparées et qu’elles avaient très faim d’être plus prêtes et plus nombreuses. prompt à me dévorer. Car je déplairais et j’ai bien peur que ce qui est arrivé quelquefois à certains martyrs ne m’arrive pas, à savoir que, par humanité, par peur, par révérence ou par d’autres moyens, ils n’oseraient pas s’approcher de mon corps ou lui faire du mal ; car moi, à cause du grand désir que j’ai qu’ils me déchirent et me dévorent bientôt pour le nom de mon Dieu, j’aimerais mieux les forcer à me laisser échapper. Pardonnez-moi si je dis cela, car je sais ce qui m’est utile, je commence à être disciple maintenant, je n’ai aucun désir de quoi que ce soit en ce monde, je ne chéris rien de plus que Jésus-Christ. À moins qu’il n’en suffise aux bêtes, que le feu, la croix, tous les tourments et les enfers des démons soient encore préparés pour moi, que mes os soient brisés, que je sois démembré, que tout mon corps soit brisé, afin que j’arrive bientôt en compagnie de mon Dieu et que je jouisse de la présence de mon Sauveur. »
Nous pouvons conjecturer les souhaits que ce saint avait. L’évêque ressentit en lui-même la joie qu’il ressentait en voyant approcher le moment et l’heure de son martyre. Et certainement, il n’y a pas de plus grand contentement dans ce monde que de se sentir aimé de Dieu. De même que nous voyons que les princesses qui aiment leurs maris n’ont rien de plus cher ni de plus authentique que d’être dans leurs bonnes grâces et de recevoir d’eux une caresse et un regard bienveillant, surtout lorsqu’elles craignent de s’éloigner et que leur affection ne diminue ou ne se refroidisse à leur égard, de même la personne fidèle qui aime Dieu ne désire rien de plus que de sentir que son amour est réciproque. surtout pendant les périodes de tribulation, qui nous font généralement craindre ou du moins soupçonner que nous sommes dans son mécontentement.
Concluons donc que, pour les raisons alléguées, les persécutions sont honorables, utiles et délicieuses à l’homme fidèle, qui, par la grâce de Dieu, est régénéré. Compte tenu de cela, il n’y a aucune raison de s’inquiéter lorsqu’ils se produisent ; au contraire, il doit se réjouir et se glorifier, comme l’ont fait les Apôtres et les Martyrs. Et nous pouvons rapporter à cela ce que Thémistocle disait quelquefois à ses enfants, en voyant les grands biens, les honneurs et les domaines que le roi de Perse lui avait donnés, et que leur exil avait été l’occasion pour eux de se trouver plus heureux dans un pays étranger qu’ils n’auraient jamais pu l’être dans leur propre pays.
« Nous étions perdus, disait-il, si nous n’avions pas été perdus. » Ainsi, nous pouvons dire que si notre âme, c’est-à-dire notre vie, n’a pas été perdue dans ce monde à cause des persécutions, alors dans le royaume de Dieu, elle pourrait difficilement être sauvée. Courons donc, mes frères, au combat qui nous est proposé, ne fuyons pas comme Simon de Cyrène en portant la croix et la honte (1) de Jésus-Christ. Puisque la mort est inévitable pour nous, désirons-la plutôt glorieusement pour la gloire de Dieu et sa justice que pour l’ignominie. Si les princes préfèrent mourir dans une brèche que dans leur lit, et perdre la vie dans la bataille plutôt qu’un œil ou un autre membre dans un tournoi, suivons leur exemple, et prions Dieu avec une grande affection qu’il nous accorde à tous la grâce de mourir en combattant pour l’honneur et la parole de son Fils. Si les hommes du monde font et souffrent tant de choses pour l’estime qu’ils ont, les uns pour l’honneur, les autres pour le profit, et les autres pour le plaisir, bien qu’elles soient vaines et temporelles, et que de toutes elles ils ne le professent qu’avec un grand courage, avec quel courage et quel désir devrions-nous aspirer à la gloire, au bien, la joie et le repos éternels et certains dans le ciel, pour couronner tous ceux qui ont voulu soutenir et défendre fermement la cause de Jésus-Christ ? Maintenant, le monde se moque de cette philosophie, comme le fait la chair, et ne doute pas que tout ce que nous avons dit ne paraisse paradoxal à l’un et à l’autre, ce qui ne m’étonne pas. Car, étant tous deux de la terre, ils ne peuvent parler que de la terre, comme le dit Jésus-Christ, et n’ont pas d’autres pensées et afflictions que les pensées triviales et terrestres ; Tout comme nous voyons dans la nature les planètes se déplacer d’une manière contraire à celle de l’univers.
(1) Opprobre
Car ils se tournent de l’Ouest à l’Est ; le second, au contraire, tourne et coule d’Orient en Occident ; ainsi, l’Église et le monde ont des jugements différents lorsqu’il s’agit de définir et d’arbitrer les questions qui peuvent apporter honneur, profit et plaisir. Il a presque toujours été le cas que l’un rit de ce que l’autre admire et adore, et qu’ils ne s’accordent pas du tout à approuver ou à condamner par une phrase commune ce qu’on leur propose. Quant à la chair, il faut lui dire ce qu’a dit Caton le Censeur : qu’elle n’a pas plus d’oreilles pour entendre ce qui peut nuire à son bien-être et à son repos, et ce qui relève de la mortification de ses désirs, que l’autre n’a pour entendre un sermon qu’on lui prêcherait sur la sobriété, qui aurait pour but de diminuer et de réformer son appétit. Donc, si nous voulons être bien réglés, tant dans notre foi que dans toutes nos autres œuvres, nous ne devons tenir compte ni des jugements de l’un, ni des cris et des plaintes de l’autre.
Quels doivent être les exercices de l’homme fidèle en prévision de la tentation à venir ?
Nous avons dit ce que les fidèles doivent penser, disons maintenant ce qu’ils doivent faire pour se préparer aux persécutions lorsqu’elles se présenteront. Le conseil donné par Jésus-Christ à ses apôtres, peu de temps avant qu’il ne soit appréhendé, était qu’ils devaient veiller et prier pour ne pas tomber dans la tentation. (Matt. 26. 41).C’est ce que tous les fidèles doivent prendre et suivre dans de tels cas. Ils doivent être vigilants, tout d’abord, pour ne pas être négligents sous prétexte d’une vaine confiance, comme le sont certains qui, tout en confiant tout à Dieu, sont cependant paresseux dans leurs affaires, et n’usent pas de la prudence et des moyens qu’il plaît à Dieu de mettre entre leurs mains. (Jer. 10. 23).Il est vrai que la voie de l’homme, c’est-à-dire l’aboutissement de ses plans et de ses travaux, n’est pas en son pouvoir.
[I. Il faut veiller]. Il est vrai que la voie de l’homme, c’est-à-dire le résultat de ses conseils et de ses travaux, n’est pas en son pouvoir. Mais nous ne devons pas abuser de cette déclaration, ni d’autres semblables, qui mentionnent la providence de Dieu, et nous conseillent de ne pas être imprudents et négligents dans nos affaires, mais plutôt que toute prospérité et leur gestion heureuse dépendent de Dieu.
[ II. Faut joindre à la considération de la Providence de Dieu, une sainte sollicitude et prudence Chrétienne ]. Et tout comme on abuserait de la miséricorde de Dieu, qui la prendrait et la transformerait en une licence pour une mauvaise action ; nous ferions de même avec sa providence, si nous voulions l’utiliser comme un manteau pour couvrir et favoriser notre paresse et notre stupidité. Il est mal de travailler en s’appuyant sur ses propres efforts et sur ses propres conseils ; mais il n’est pas préférable de faire confiance à Dieu tout en négligeant les moyens que nous avons pour gérer nos affaires et notre travail. Il doit donc y avoir une telle communication entre la providence de Dieu et notre industrie, comme il y en a entre le conseil de l’Esprit et les œuvres du corps. Et de même que l’un dirige l’autre dans sa tâche, laissons-nous aussi gouverner dans toutes nos actions et délibérations par la sagesse et la bonne volonté de notre Dieu.
Il nous ordonne d’être prudents et prudents de prendre soin des hommes. Eusèbe raconte les martyrs qui, dans les temps anciens, pendant les persécutions, étaient vigilants et attentifs à se protéger, et se cachaient dans les bois et les grottes, et que si par hasard ils tombaient entre les mains des tyrans, par la volonté de Dieu, alors avec un grand courage ils se présenteraient au martyre et à la mort pour la confession de la vérité. Grégoire de Nazianze dit la même chose dans son oraison funèbre, qu’il composa à la louange de Césarée, où, parlant de cette vertu et particulièrement de sa prudence, entre autres remarques, il dit mot pour mot : « Il céda, et donna naissance au mauvais temps, selon la coutume que nous avons dans nos églises, qui est que, lorsque l’occasion l’exige, nous nous exposons hardiment aux périls de la vérité, et que la peur ne nous fait pas trahir et abandonner la religion ; et au contraire, que nous ne provoquions pas imprudemment et sans grand besoin les dangers, à cause de la considération que nous devons avoir à la fois pour sauver nos vies et pour épargner ceux qui nous les procurent. C’est pourquoi nous ne pourrions pas mieux nous gouverner en ces temps pitoyables qu’en fuyant les conseils de Jésus-Christ et l’exemple de ses bons et fidèles ministres. Oh, comme nous devons être vigilants et attentifs pour découvrir, anticiper et briser les conseils de notre choix des lieux, des moments et des personnes appropriés pour traiter la parole de Dieu. Car il ne faut pas le donner aux pourceaux, et nous ne devons pas semer notre grain dans un lieu ou une saison où il ne peut pas porter de fruit.
Car, outre que la souffrance de ceux qui le font est perdue, ils font que Dieu est blasphémé par leur indiscrétion, que sa Parole est moquée et méprisée, que l’Église est affligée sans raison, qu’ils sont exécutés sans profit, et que les tyrans, multipliant leurs péchés, augmentent leur condamnation, ce qui est contraire à la charité des chrétiens, qui doit être parfaite et s’étendre, comme celle de Dieu, sur les méchants comme sur les bons.
[III. faut s'exercer soigneusement en la lecture et méditation de la Parole de Dieu ]. Nous devons être vigilants et diligents dans l’étude et la méditation de la parole de Dieu. Car il n’y a rien de plus convenable pour nous consoler, ni pour nous fortifier, ni pour nous armer, ni de zèle et de réponse devant les juges, ni d’espérance et de hardiesse devant Dieu. En bref, celui qui est persécuté sans la Bible et la parole de Dieu ressemble à quelqu’un qui va à la guerre sans bouclier et sans épée, ou à un autre qui marche la nuit sans bougie et sans guide.
[IV. Faut joindre la prière à la lecture ]. Il est nécessaire que nous joignions la prière à la vigilance, et que, à l’exemple de David, de Jésus-Christ et de ses Apôtres, nous nous jetions sans cesse devant la face de notre Dieu, pour lui demander de ne pas se détourner de nous, de nous soutenir par la vertu de son Esprit, et de nous défendre contre la fureur et la violence de nos ennemis. Nous vous assurons que de telles prières ne sont pas de peu de force, qui ne doivent pas être très redoutables aux tyrans et à tous les adversaires de la religion. Car Moïse n’utilise pas d’autres armes et d’autres armes pour combattre Pharaon et Amalek ; ni Josué pour briser les murs de Jéricho ; ni Élie pour vaincre les cinquante hommes du roi d’Israël ; ni Élisée d’enfermer et de faire prisonniers les Syriens ; ni Ézéchias pour vaincre Sennachérib avec toute son armée ; ni Judith pour couper la tête d’Holopherne ; ni Esther et les Juifs pour résister aux entreprises d’Haman.
Ne sont-ils pas suffisants non seulement contre les hommes, mais aussi contre tous les démons, pour les combattre et les vaincre, pourvu qu’ils soient traités avec la foi des promesses de Dieu, comme il convient ? Ce qui est en haut, tiré de la vérité de l’Ecriture Sainte, et servant de moyen pour soutenir les discours sur l’état de l’Église primitive et celui que Dieu a rassemblé en ces derniers temps, profitera (comme nous l’espérons) à tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus-Christ, afin de les encourager à mettre chaque jour sous leurs yeux ces armées de témoins qui ont vaillamment combattu contre Satan et l’Antéchrist, de maintenir la pureté de l’Évangile dans les différentes époques du monde, surtout en ce dernier temps.
Puisque cette doctrine a coûté tant d’efforts, il est tout à fait raisonnable que ceux à qui elle est si librement communiquée la rendent digne, par une profession sincère et inébranlable, en veillant à ce que tous les efforts de l’homme de péché et de ses membres ne puissent rien contre elle. Surtout, que chacun de nous garde devant les yeux ces belles phrases du Fils de Dieu et de ses apôtres :
«(Matt. 5. 11) Heureux les persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux. « Tu seras béni quand on t’insultera et qu’on te persécutera, et qu’on dira faussement contre toi toutes sortes de mal à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ; Car c’est de la même manière qu’ils ont persécuté les prophètes qui étaient avant vous. (Matt. 29). Quiconque a quitté sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou des champs pour mon nom, recevra cent fois plus et héritera de la vie éternelle. (Matt. 16. 25). Celui qui perdra son âme pour moi la trouvera. Petit troupeau, n’aie pas peur ; car il a plu au Père de vous donner le Royaume. (Luc 12. 32). En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; Vous serez affligés, mais votre chagrin se changera en joie.(Jean 16. 20. 33). Vous aurez de l’anxiété dans le monde ; mais rassurez-vous, j’ai vaincu le monde. (Rom. 8. 17. 18). Si nous souffrons avec Christ, nous serons aussi glorifiés avec lui. Car, tout bien considéré, je crois que les souffrances du temps présent ne valent pas la peine d’être comparées à la gloire qui sera révélée en nous. (2 Tim. 2. 11. 12.). Cette parole est certaine, si nous mourons avec le Christ, nous vivrons aussi avec lui. (Jac. 1. 12. ). "Si nous souffrons, nous régnerons aussi avec lui. Heureux l’homme qui endure la tentation, car lorsqu’il aura été mis à l’épreuve, il recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui l’aiment." (Apoc. 2. 10. et 14. 15.)."Sois fidèles jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie. Heureux ceux qui meurent dans le Seigneur. « Oui, » dit l’Esprit, « car ils se reposent de leurs travaux, et leurs œuvres les suivent. "
Proposons donc ces choses pour nous préparer à accomplir la volonté de Dieu, afin que, s’il veut nous faire nous conformer à notre chef, et avec un grand nombre de nos frères pour entrer dans son royaume par le chemin de la croix et par la porte étroite, nous puissions être prêts à souffrir et à mourir pour le témoignage de son nom. Satan et ses disciples persécutent l’Église ; Mais elle a une retraite sûre. Les fidèles peuvent être emprisonnés ; mais ils laissent le monde dans les prisons de la colère de Dieu, et pourtant ils jouissent de la vraie liberté, puisque l’Esprit Saint les accompagne. Ils peuvent être enfermés, ils subiront de nombreuses épreuves, seront dans des endroits sombres et infects, privés des plaisirs extérieurs, attendront et endureront une mort cruelle. Mais il n’y a pas d’autres chaînes à craindre que celles du péché.
La bonté du Seigneur engloutit toutes les misères de la vie présente, réconforte, piétine et fortifie inexprimablement la conscience de ses enfants. Il n’y a pas de ténèbres où la lumière de la vérité brille et réjouit les âmes de ceux qui sont appelés enfants de la lumière. La puanteur des prisons et des rues ne peut pas vaincre la douce odeur de la foi et de l’espérance dont les fidèles sont remplis dans leurs cœurs, sans se soucier de l’endroit où ils sont dans le monde, puisqu’ils sont hors du monde en train de converser au ciel.
Et s’ils ont perdu quelques plaisirs et commodités de la vie, c’est un commerce riche pour eux que de perdre de petites bagatelles afin de se retrouver bientôt enrichis de trésors inestimables. Si les méchants les jugent en premier lieu, ils jugeront les méchants dans l’effort final, et par la voix de leur chef, ils les enverront au châtiment éternel. Quant à la mort, c’est ce que les chrétiens craignent le moins, et ils l’affrontent avec plus de courage quand elle plaît à Dieu, puisqu’elle est le passage à la vraie vie.
Mais ne nous attardons pas plus longtemps sur ce sujet concernant l’état de l’ancienne Église, et qu’on pourrait l’amplifier et le rendre aussi grand que tous ces douze livres réunis ; elle est proposée à ceux qui aiment l’avancement du règne de Jésus-Christ, pour les encourager à s’adresser aux historiens ecclésiastiques d’où l’on extrait le tout. Entrons maintenant dans les merveilles que Dieu a accomplies dans le monde, en particulier dans son Église, et au cours des deux cents dernières années, et commençons par Wycliffe.